La parentalité, lorsqu’elle est associée au handicap, est très largement pensée sous l’angle des parents ayant un enfant déficient ou atteint de maladie grave. À l’inverse, les parents en situation de handicap constituent une population davantage invisibilisée, notamment en sociologie. Les personnes en situation de handicap sont majoritairement décrites comme des bénéficiaires de soins, d’accompagnements et donc, a priori, peu capables d’en prodiguer. Le parent est, selon la norme, un pourvoyeur de care et c’est précisément ce dernier point qui est à mettre à l’épreuve de la cécité, déficience à laquelle je circonscris mon travail. Il s’agit d’une recherche de l’intérieur car je partage avec ma population d’étude la condition de mère non-voyante.
Dans un premier pôle d’analyse, il est question des maternités des femmes aveugles qui sont confrontées à une double épreuve : le blâme social, vécu ou ressenti, vient s’imbriquer avec la question du doute de soi, les deux renvoyant ces femmes à leurs incapacités présupposées. Cependant, le deuxième pôle met en lumière les pratiques de ces mères qui parviennent à reconfigurer leur statut de pourvoyeuse de soins. Supposées « incapables », elles parviennent à mettre en œuvre des pratiques attestant leurs réelles capacités d’agir. Ces pratiques sont toutefois la preuve d’une hyperadhésion aux normes de genre et de parentalité qui, par là même, sont exacerbées.
Article
La parentalité, lorsqu’elle est associée à la question du handicap, est très largement pensée sous l’angle des parents ayant un enfant porteur d’un handicap (Bazin et Ebersold, 2005). Un certain nombre de travaux explorent cette dimension, notamment le travail parental, spécifiquement celui des mères face au handicap ou à la maladie grave d’un enfant (Eideliman, 2009 ; Rollin, 2015). Le simple fait de taper les mots clés « parentalité » et « handicap » dans un moteur de recherche bibliographique confirme cette association. Pourtant la situation inverse, à savoir l’existence de parents porteurs d’un handicap et ayant des enfants dits « valides », existe, mais ceux-ci constituent une population « hautement invisible » (Preston, 2010). Ni l’enquête « Handicap Incapacités Dépendances » (HID), réalisée par l’INSEE au début des années 2000, ni l’enquête Étude longitudinale française depuis l’enfance n’abordent cette réalité. De plus, la loi du 11 février 2005 sur les droits et la participation des personnes en situation de handicap, qui a mis en lumière l’aspect environnemental du handicap, reste elle aussi muette sur ce point. En effet, la prestation de compensation du handicap (PCH) ne prévoit pas le financement d’aides humaines pour s’occuper de l’enfant de parent(s) handicapé(s), par exemple pour l’emmener à l’école. Ce manque d’accompagnement, qui nuit particulièrement aux femmes handicapées, explique en partie les phénomènes d’incompréhension et de rejet (Thomas, 1997). Ces mères doivent alors fournir un travail spécifique pour déjouer les soupçons d’incompétence (Grue et Læjrum, 2002)…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.194.0169

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