À partir de l’enquête ELAP (Étude longitudinale sur l’accès à l’autonomie après le placement) et d’entretiens qualitatifs menés avec des jeunes adultes, cet article analyse les trajectoires menant à la parentalité chez les jeunes sortants de l’Aide sociale à l’enfance. Comment cette transition s’inscrit-elle dans l’enchaînement des étapes du passage à l’âge adulte ? L’analyse du discours des jeunes montre que l’insertion sur le marché du travail et la construction d’une famille peuvent être considérées comme deux normes d’intégration différemment accessibles et hiérarchisées. Certain·e·s considèrent que l’intégration professionnelle doit être première alors que d’autres construisent une famille rapidement, cette dernière étant parfois perçue comme un point de départ dans la vie adulte. Ces différentes trajectoires sont à relier aux histoires personnelles mais aussi aux propriétés sociales et démographiques des enquêté·e·s. Ainsi, les filles sont plus nombreuses à connaître des transitions précoces à la parentalité. Cela a des effets déterminants sur les parcours : les jeunes suivant des formations pour s’insérer rapidement professionnellement sont davantage épaulé·e·s par les institutions, alors que celles et ceux qui deviennent parents perdent plus vite cet appui. L’entrée précoce en parentalité peut alors constituer un facteur de précarité quand l’insertion professionnelle n’est pas réalisée et qu’aucune solution de logement autonome n’a été trouvée.
Article
Dans les catégories populaires, la parentalité est souvent plus précoce que dans les autres classes sociales (Bourdieu, 1979 ; Schwartz, 2002 ; Régnier-Loilier, Perron, 2016). Plusieurs études ont montré qu’elle agit en outre comme un facteur de stratification interne à cette catégorie, surtout pour les femmes : celles qui connaissent des grossesses précoces et multiples voient leur mobilité sociale entravée alors que celles qui diffèrent la parentalité et limitent les naissances pour favoriser l’insertion sur le marché du travail ont des trajectoires davantage ascendantes (Schwartz, 2002 ; Testenoire, 2015). Dans le même temps, pour les jeunes femmes les plus disqualifiées socialement, devenir mère peut être perçu comme l’un des seuls statuts sociaux valorisants qui s’offrent à elles (Schwartz, 2002 ; Laé, Murard, 2011 ; Deshayes, 2018).
La précocité de l’entrée en parentalité est particulièrement forte chez les jeunes sortant de placement, notamment chez les jeunes femmes (Frechon, 2005), y compris en comparaison aux jeunes des catégories populaires, dont elles et ils sont largement issu·e·s (Serre, 2010). Ce constat se retrouve au niveau international. Ainsi, l’étude épidémiologique suédoise portant sur 50 000 adultes né·e·s entre 1972 et 1983 montrait que 16 à 19 % des jeunes femmes et 5 à 6 % des jeunes hommes ayant vécu un placement étaient devenus parents avant l’âge de 20 ans, contre 3 % des jeunes femmes et 1 % des jeunes hommes n’ayant pas connu de placement (Vinnerljung, Sallnas, 2007)…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.194.0147

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