Cet article entend analyser, à partir d’entretiens biographiques menés auprès de couples en famille recomposée et ayant eu un enfant ensemble, l’impact de l’expérience de la beau-parentalité pour des nullipares au début de la recomposition, dans la projection de leur propre « devenir parent ». Si la présence des enfants de leur conjoint·e les conduit à endosser des tâches parentales, celles-ci demeurent investies différemment selon les situations et restent sous la médiation des parents, faisant de la beau-parentalité une expérience « pratique » incomplète. Il n’en demeure pas moins qu’elle constitue l’occasion de rationaliser et expliciter les attentes, à l’échelle du couple, quant à l’enfant commun à venir : il s’agit parfois de réajuster la parentalité de l’autre. Les beaux-parents, et plus spécifiquement les belles-mères, manifestent ainsi un sentiment d’ambivalence à l’égard de l’expérience parentale antérieure de leur conjoint, que leur propre entrée en parentalité peut venir renforcer. L’incertitude et le caractère pointillé des rôles beaux-parentaux se confrontent avec le tournant biographique que constitue le passage au statut de primo parent, pour les femmes notamment.
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« Je reviens sur le moment où ton conjoint t’a balancé ce truc comme quoi, “Vu le premier, il ne voulait pas en faire un autre”. Si on regarde objectivement cette phrase, elle est complètement boiteuse ! […] Pourquoi avec une autre mère et une autre éducation, les enfants seraient similaires ? ».
La question d’un enfant commun en famille recomposée soulève de multiples enjeux : qu’elles provoquent des désaccords en matière de projet parental, interrogent des différences éducatives entre les enfants, ou soulignent la dissociation des parcours conjugaux et familiaux antérieurs, les naissances en famille recomposée semblent offrir un laboratoire fécond d’analyse des trajectoires de parentalité.
En 2011, l’INSEE dénombre 1,5 million d’enfants mineurs vivant dans une famille recomposée, soit près d’un enfant sur 10. Dans une part non négligeable de ces familles, la remise en couple d’un père ou d’une mère s’est soldée par une nouvelle naissance (Lapinte, 2013). Malgré l’incertitude de la comptabilisation de ces familles (Damon, 2012), le nombre d’enfants nés de la recomposition aurait crû de plus de 10 % entre 1990 et 1999 (Barre, 2003). En d’autres termes, la montée des séparations et des divorces, et l’essor des familles dites « recomposées » conduisent les individus à exercer, de plus en plus fréquemment, leur parentalité dans des cadres conjugaux multiples (les trajectoires postséparation des femmes et des hommes divergent toutefois en la matière). Par extension, la constitution d’une famille devenant de plus en plus tardive (Domínguez-Folgueras et Lesnard, 2018), la probabilité de se remettre en couple avec un « déjà-parent » en n’ayant soi-même pas eu d’enfant n’est pas négligeable…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.194.0125

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