À partir d’une enquête ethnographique menée dans trois missions locales, cet article analyse les représentations et les usages de l’allocation mensuelle versée dans le cadre de la Garantie jeunes. Il s’agit d’un dispositif d’insertion sociale et professionnelle à destination des « jeunes Neets vulnérables ». Le propos porte à la fois sur les positions et sur les pratiques des acteur·trices, qu’il s’agisse des professionnel·les (conseiller·es d’insertion et directions de mission locale) ou des destinataires.
La Garantie jeunes relève du principe d’activation et les ressources économiques versées dans son cadre sont un encouragement à la mise en action des destinataires. L’article met en évidence une tension entre défamilialisation et refamilialisation qui caractérise l’usage que font les jeunes de l’allocation. Alors que ce dispositif est construit sur le principe de la défamilialisation de l’aide sociale, son appropriation par les jeunes révèle au contraire un usage familial très fort, dévoilant ainsi des « transferts familiaux inversés ». Néanmoins, l’allocation qu’ils et elles perçoivent à titre individuel, les conforte aussi comme individus. Individus en capacité de contribuer au collectif familial.
Article
Dans la population française de 18 ans ou plus, une personne sur huit vit en dessous du seuil de pauvreté en 2015. Les jeunes de 18 à 24 ans sont deux fois plus souvent dans cette situation (25,1 % contre 12,5 % pour l’ensemble de la population selon l’INSEE [2018]). Cette pauvreté des jeunes est largement héritée. De la même manière que les capitaux économiques se transmettent encore de génération en génération dans la France contemporaine (Bessière, 2010), le manque de ressources économiques est souvent le fruit d’un héritage familial. C’est pourquoi la protection sociale française, construite autour de l’emploi et de la famille (Castel, 1995), dans une logique essentiellement assurantielle, s’est principalement focalisée sur une approche familialiste de la pauvreté des jeunes (Chauvière, 2007 ; Martin, 2010).
Selon une logique de subsidiarité, l’intervention publique à destination des jeunes par l’intermédiaire de prestations issues de la solidarité nationale n’est sollicitée que si l’entraide familiale fait défaut (Magord, 2016). En effet, les jeunes de moins de 25 ans ont longtemps été exclus des minima sociaux (Lima, 2016). L’aide accordée est principalement versée aux familles, consacrant le principe d’une prise en charge parentale jusqu’à l’intégration professionnelle, notamment via le système d’allocations familiales entre autres. Au-delà de l’âge de 20 ans, cette politique se poursuit puisque des allègements fiscaux sont octroyés aux parents d’étudiants jusqu’à leurs 25 ans…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/08/2019
- https://doi.org/10.3917/rfas.192.0079

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