CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Sous l’action des mutations économiques et sociales, notamment les difficultés croissantes d’insertion professionnelle des jeunes (Bernard et al. 2018), l’expérience de la jeunesse s’est considérablement transformée en Europe et spécifiquement en France, au cours des dernières décennies. Alors que le passage de l’enfance à l’âge adulte était traditionnellement formalisé par le franchissement d’étapes relativement concomitantes et irréversibles (départ du domicile des parents, mise en couple, accès au premier emploi…), le temps de la jeunesse s’est allongé et complexifié. L’entrée dans la vie adulte s’est ainsi faite plus tardivement (Galland, 2000) et par étapes franchies de façon souvent désynchronisée. Pour autant, le passage à l’âge adulte demeure très normé et tributaire du contexte politique et social français. Dans ses travaux comparatifs, Cécile Van de Velde (2008) montre l’injonction à « se placer » pour les jeunes Français en opposition notamment aux pays du nord de l’Europe où il s’agit de « se trouver ». La réussite des études et de l’insertion professionnelle apparaît alors essentielle aux yeux des jeunes Français. L’injonction à avoir un projet d’insertion professionnelle (Delès, 2018), le poids du diplôme initial et la faiblesse de la formation tout au long de la vie (Charles, 2015) peuvent expliquer cette prédominance de la logique de placement.
Celle-ci est par ailleurs largement portée par les efforts conjoints des jeunes et de leurs parents, dans une forme de « course au placement », à savoir cette injonction à réussir ses études afin de réussir dans la foulée son insertion professionnelle, intériorisée par les différents acteurs sociaux, jeunes, parents, acteurs institutionnels autour des jeunes et décideurs publics…

Français

L’injonction faite aux jeunes en France de suivre des études sans marquer d’arrêt, les menant à s’insérer sans attendre sur le marché du travail, et conditionnant leur intégration sociale et professionnelle sur le long terme, souvent qualifiée de logique du « placement », a fait l’objet de nombreuses recherches. Faisant un pas de côté, cet article cherche à mieux appréhender cette mécanique sociale, souvent étudiée à travers les représentations des jeunes ou l’angle des politiques sociales, en analysant les logiques éducatives des parents. L’article montre que la vision parentale de la jeunesse varie grandement selon l’enjeu, et oscille notamment entre une certaine insouciance sur les questions relationnelles et une inquiétude plus marquée quant à l’insertion professionnelle. En croisant rhétoriques et pratiques éducatives parentales, l’article souligne quatre logiques éducatives visant à répondre à cette injonction à « trouver sa place » – la confiance scolaire et institutionnelle ; l’encadrement stratégique ; l’expérimentation en confiance et l’expérimentation encadrée – qui varient largement notamment selon l’origine sociale des parents. L’article conclut sur une particularité des parents par rapport aux institutions scolaires et sociales, celle de porter personnellement le poids de la responsabilité quand survient une forme d’échec de leurs enfants.

Nicolas Charles
Maître de conférences en sociologie à l’université de Bordeaux. Il travaille sur les systèmes universitaires et les étudiants en comparaison européenne. Il a notamment publié Enseignement supérieur et justice sociale en 2015 à La Documentation française.
Marie-Clémence Le Pape
Maîtresse de conférences en sociologie à l’université Lyon 2. Elle travaille sur les thématiques de parentalité et de normes éducatives. Elle a notamment publié « “Ça n’a pas de sens de compter comme ça”. Difficultés et limites d’une approche comptable des aides financières et matérielles aux jeunes adultes dans la famille » en 2018 dans la revue Sociologie.
Mickaël Portela
Économiste à la DREES, chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail et conseiller scientifique au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Il s’intéresse aux trajectoires d’insertion professionnelle et sociale des jeunes et au rôle de la famille dans celles-ci. Il a notamment publié avec Marie-Clémence Le Pape et Élise Tenret « “Ça n’a pas de sens de compter comme ça”. Difficultés et limites d’une approche comptable des aides financières et matérielles aux jeunes adultes dans la famille » en 2018 dans la revue Sociologie.
Élise Tenret
Maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine et chargée de mission à l’observatoire national de la vie étudiante. Elle s’intéresse aux représentations de la justice dans l’enseignement supérieur. Elle a notamment publié L’école et la méritocratie en 2011 aux Presses universitaires de France.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/08/2019
https://doi.org/10.3917/rfas.192.0119
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