Au Cameroun, d’après les statistiques du Bureau international du travail (BIT), en 2011, sur une population active estimée à 8,4 millions, seuls 580 200 personnes sont couvertes par la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) (ce qui correspond à un taux de couverture relativement bas de moins de 7 %). Cette couverture sociale concerne uniquement les salariés du secteur privé structuré régis par le Code du travail et exclut une grande majorité des travailleurs du secteur privé informel. Cette faible couverture sociale s’explique par les difficultés à faire passer les réformes pour l’universalisation de la protection sociale. L’objectif de cet article est d’abord d’évaluer, à travers l’histoire, les réformes de la protection sociale menées au Cameroun depuis les années 1990 et leurs limites, et ensuite de proposer des solutions afin de développer le système de protection sociale. De l’étude, il ressort que les réformes de la protection sociale au Cameroun introduites depuis les années 1990 n’ont été que marginales. Elles sont demeurées ancrées sur la seule viabilité financière du régime CNPS sans avoir défini au préalable une véritable politique globale d’élargissement de la couverture sociale à toutes les couches de la population. Les réformes sont restées inscrites selon une logique du « haut vers le bas » (top down), la protection sociale étant d’abord mise en place pour les catégories favorisées puis progressivement étendue. Face à la persistance du déficit de couverture sociale, de la pauvreté et de la vulnérabilité, une nouvelle logique d’extension doit désormais être mise en place, cette fois-ci selon une logique du « bas vers le haut » (bottom up), qui part des plus défavorisés.
Article
Au Cameroun, comme dans tous les pays d’Afrique subsaharienne francophone, la protection sociale n’est pas universelle (BIT, 2017). En effet, un certain nombre de difficultés empêchent la mise en place des réformes pour l’universalisation de la protection sociale, notamment la protection des populations les plus vulnérables, depuis le milieu des années 1980 et le début des années 1990.
La protection sociale des individus contre les risques sociaux s’est toujours faite au Cameroun au sein de la solidarité affective via notamment la tradition et la famille (Okolouma, 2018). Avec la période coloniale, une protection socialement organisée, qui trouve ses origines dans les Ordonnances françaises de 1945, se constitue selon une logique assurantielle correspondant au modèle historique bismarckien, dans lequel les droits sociaux individuels sont obligatoirement liés à l’exercice d’une activité professionnelle (Ntsama, 1997). Si la protection sociale s’adressait, initialement, quasi exclusivement à la main-d’œuvre expatriée, fonctionnaires de l’administration coloniale et dirigeants des compagnies privées, elle a été progressivement étendue à la main-d’œuvre camerounaise occupant des postes à responsabilité (Okolouma, 2018). Mais, durant la période très faste de 1967 à 1987 marquée par la générosité et des excédents financiers de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), les fonds de réserve n’ont pas été mis à profit pour étendre la couverture sociale à toute la population (Ntsama, 1997)…
Résumé
Plan
- Introduction
- Des réformes de la protection sociale inscrites dans une logique d’extension de la couverture sociale institutionnalisée dans le passé…
- Les obstacles aux réformes de la protection sociale « par le haut » (top down)
- Les propositions des réformes et leurs limites
- Les obstacles idéologiques à l’extension de la protection sociale aux « plus vulnérables » : les orientations et tentatives de réformes des institutions de Bretton Woods
- Les obstacles politiques à l’extension de la protection sociale aux « plus vulnérables » : les réformes effectivement entamées par les pouvoirs publics camerounais
- Les perspectives des réformes de la protection sociale « par le haut » (top down) pour les « plus vulnérables »
- …aux réformes de la protection sociale inscrites dans une nouvelle logique d’extension de la couverture sociale institutionnalisée dans l’avenir
- Conclusion
Auteur
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 10/01/2019
- https://doi.org/10.3917/rfas.184.0189

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