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En France, l’assurance maladie est la branche de la Sécurité sociale où s’est le plus clairement exprimé le projet d’universalisation de la protection sociale avec la création en 1999 de la couverture maladie universelle (CMU) et son prolongement récent, en 2015, la protection universelle maladie. Ces dispositifs réalisent une partie du projet de la déclaration de Philadelphie qui prescrit en 1944 aux nations « l’extension des mesures de sécurité sociale en vue d’assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d’une telle protection, ainsi que des soins médicaux complets » (Art III) (Supiot, 2010). Ainsi, ce n’est pas le moindre des paradoxes que s’adosse à ces lois une prestation d’aide sociale, l’aide médicale d’État (AME), couvrant, de façon sensiblement plus restreinte, les besoins de santé des exclus de ces dispositifs, les personnes étrangères en situation irrégulière résidentes sur le territoire français.
L’universalité de la protection sociale peut renvoyer à trois dimensions : l’étendue de la population couverte, la nature des risques protégés et les conditions d’accès aux prestations servies (Borgetto, 2016). Si les trois sont présentes dans la CMU, c’est sur la première que la loi de 1999 a constitué l’avancée la plus notable : les individus qui remplissent le seul critère de résidence stable et régulière sur le territoire peuvent être affiliés à l’Assurance maladie indépendamment du tout statut socioprofessionnel. Progressivement, le caractère assurantiel de la couverture maladie, offrant une prise en charge durable des soins de santé, s’est estompé pour tendre à devenir une prestation universelle…

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Cet article explore la façon dont, en France, la réalisation du projet d’universalisation, entendu ici comme l’accès à la protection sociale sur le seul critère de résidence sur le territoire, est limitée par les restrictions introduites depuis le xixe siècle pour les étrangers vivant sur le territoire. Cependant, ces restrictions, d’abord fondées sur la nationalité renvoient désormais à la régularité du séjour des personnes étrangères, condition généralisée par la loi de 1993, soumettant partiellement les objectifs des politiques de protection sociale à celles de contrôle des flux migratoires. Dans le cadre de la loi sur la couverture maladie universelle, la création en 1999 de l’aide médicale d’État, dispositif de couverture des besoins de soins exclusivement réservé aux personnes étrangères qui ne peuvent justifier d’un titre de séjour, est significative de l’exception que peut constituer la santé à cette logique d’exclusion mais aussi de l’impossible accès au droit commun pour les personnes étrangères résidentes en situation irrégulière.

Caroline Izambert
Historienne, docteure, Centre de recherches historiques-EHESS
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/01/2019
https://doi.org/10.3917/rfas.184.0017
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