CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Depuis la mise sur le marché du Sovaldi® – ce médicament antiviral qui guérit l’hépatite C mais dont le prix avait été qualifié d’« exorbitant » au moment de sa commercialisation – le thème du « juste prix » du médicament revient très fréquemment dans le débat public sans toutefois que cette notion ne soit clairement définie. Pour les uns le « juste prix » est celui qui permet le financement de l’innovation et le développement industriel des entreprises pharmaceutiques ; pour les autres il doit assurer le plus large accès au médicament sans préjudice pour les finances de la Sécurité sociale ; pour d’autres enfin, il doit satisfaire toutes ces exigences à la fois.
Mais, au-delà des aspects rhétoriques, existe-t-il une définition « scientifique », ou du moins rigoureuse, de cette notion ? Qu’en dit l’économie de la santé, voire l’économie tout court ?
Une réponse rapide et fréquente à cette question est que la science économique n’a finalement rien à en dire, tout simplement parce que la notion de « juste prix » lui serait extérieure. Elle relèverait de conceptions morales, philosophiques, politiques éloignées de son corpus théorique. Son champ de légitimité serait limité à la détermination des allocations de ressources « efficientes », soit dans le cadre du marché, soit dans un cadre administré, comme celui de l’économie de la santé. Il lui reviendrait alors de déterminer si le prix d’un médicament innovant est « efficient » – par exemple en termes de ratio coût-utilité ou de coût par QAL…

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Le thème du « juste prix » du médicament revient fréquemment dans le débat public sur les prix du médicament sans que cette notion ne soit clairement définie. Selon une opinion répandue elle relèverait de conceptions morales, philosophiques, politiques, étrangères au corpus théorique de la science économique, exclusivement vouée à la détermination des prix « efficients ». Toutefois cette conception apparaît restrictive. Les questions éthiques et morales ont toujours été présentes dans la pensée des économistes qui se sont prononcés – directement ou indirectement – sur ce pourrait être un « juste prix » d’un point de vue économique. C’est ce que nous rappelons dans cet article. En fait, l’analyse historique révèle non pas une mais trois conceptions différentes du « juste prix » que nous qualifierons respectivement de déontologique, essentialiste et contractualiste. La première définit le juste prix comme un prix de marché sans fraude ; la seconde comme un prix exprimant une valeur intrinsèque dissimulée dans les biens ; la troisième comme un prix résultant d’une procédure de détermination « équitable ». Si cette multiplicité des définitions ne peut conduire à qualifier cette notion de « scientifique », elle met en valeur des dimensions permettant de rendre les prix plus « justes » comme l’approfondissement de la définition et de la mesure de la valeur thérapeutique et l’amélioration de l’efficacité des procédures institutionnelles de négociation des prix.

Claude Le Pen
Professeur à l’université Paris Dauphine.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/11/2018
https://doi.org/10.3917/rfas.183.0015
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