CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les conditions d’attribution et la forme des droits attachés aux travailleurs d’une économie transformée par les plateformes numériques, les innovations technologiques et les nouvelles formes des parcours professionnels sont des sources récurrentes de questionnement pour les pouvoirs publics. L’augmentation du nombre de travailleurs occupant des « formes particulières d’emploi » (Kornig et Michon, 2010), s’accompagne ainsi de l’élaboration de nombreuses façons, souvent poreuses (Bernard et Dressen, 2014), d’articuler travail indépendant et travail salarié. Parmi les formes d’emploi qui, ces dernières années, ont émergé dans cette zone grise (Supiot, 2000), on trouve des montages « permettant à certains indépendants de développer leur activité avec un statut de salarié » et censés offrir une extension des protections de la société salariale (Castel, 2011) à une population qui en serait privée. Deux types de structures font de ce mécanisme leur activité principale : les entreprises de portage salarial (EPS) et les coopératives d’activité et d’emploi (CAE). Ces structures proposent en effet à des travailleurs indépendants, qui recherchent eux-mêmes leurs missions et en négocient les tarifs avec leurs clients, d’obtenir le statut de salarié par la signature d’un contrat de travail avec elles et en contrepartie d’un prélèvement d’une partie de leur chiffre d’affaires (souvent 10 % pour les CAE, généralement un peu moins pour les EPS). Si leur apparition dans le paysage des tiers-employeurs remonte à plusieurs dizaines d’années (les années 1980 pour les EPS, 1990 pour les CAE), ces deux formes organisationnelles n’ont trouvé de pleine reconnaissance que dans une période récente (loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire pour les CAE, ordonnance du 2 avril 2015 définissant le portage salarial pour les EPS)…

Français

Fondé sur une recherche doctorale prenant pour objet le mécanisme du portage salarial, cet article entend montrer comment des entreprises à but lucratif, les entreprises de portage salarial, se réapproprient des discours et des pratiques assimilées au champ de l’économie collaborative et les mettent au service de leur modèle économique. Elles sont formellement proches des coopératives d’activité et d’emploi, puisqu’elles participent toutes deux à l’élaboration juridique de la notion d’entrepreneurs-salariés. Il s’agit de voir comment ces entreprises, en mettant à profit le flou qui entoure les notions de coopération et de collaboration, puisent dans un répertoire de justification qui met en avant l’utilité sociale de leur activité, tout en organisant le brouillage de trois types de frontières : celle entre travail salarié et travail indépendant ; celle entre objectif social et lucratif ; celle entre travail rémunéré et travail gratuit.

Alexis Louvion
Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, (UMR 7170), IRISSO.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/10/2018
https://doi.org/10.3917/rfas.182.0051
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