Le lien entre emploi et protection sociale sur lequel s’est construit le système de protection sociale en France est aujourd’hui mis à l’épreuve. L’essor du capitalisme de plateforme a en effet mis en exergue le risque d’exclusion sociale des personnes participant à l’économie dite collaborative. Cette exclusion tient largement au cloisonnement des régimes de protection sociale. S’il convient certainement d’y remédier, il faut encore déterminer comment. Notamment comment assurer l’effectivité du droit à la protection sociale sans mettre en péril le système censé l’assurer ? Que l’on songe à redonner au droit social de nouvelles bases ou que l’on souhaite donner à l’individu les moyens d’assurer sa subsistance, les dispositifs juridiques censés réaliser ces desseins s’avèrent à l’étude plus ambivalents et les conceptions du monde social dont ils sont porteurs des plus variées. L’analyse des réformes et des propositions de réformes en atteste.
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En France, la protection sociale est fondée sur le travail. Plus que le travail, elle est intimement liée au salariat (Castel, 2003 ; Borgetto, 2007 ; Chauchard et Friot, 2011). Songeons à la loi de 1898 à l’origine du régime de réparation des accidents du travail ou encore à celle de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes. La construction de ce lien, entre emploi et protection sociale, tient à l’histoire même du droit social (Castel, 1995). Être salarié c’est, en contrepartie de sa subordination, avoir la garantie d’être couvert contre la plupart des risques sociaux, non seulement ceux qui sont attachés à la sécurité sociale, tels que la maladie, la maternité, l’invalidité, l’incapacité à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la vieillesse, le décès, etc., mais aussi celui lié à la perte d’emploi. Ce lien est si fort qu’il demeure un enjeu central de la détermination du statut applicable aux travailleurs, et que l’on serait tenté de croire que le droit à la protection sociale dépend du statut de salarié.
Cela tient à la notion même de contrat de travail. Soit un travailleur est salarié, soit il ne l’est pas. Quelles que soient les tentatives d’assimilation des travailleurs de plateforme au salariat, il subsistera toujours un risque d’exclusion, faisant craindre une « prolifération d’autoemploi et de sous-emploi sans aucune garantie sociale » (Lyon-Caen, 1995). Et à mesure que les potentialités du capitalisme de plateforme et du travail collaboratif se déploient (Gomès, 2016 ; Bento de Carvalho, 2017 ; Fabre, 2017), la « zone grise » entre travail indépendant et travail subordonné (Peskine, 2008 et 2017) semble devenir plus trouble…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 10/10/2018
- https://doi.org/10.3917/rfas.182.0033

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