1Les minima sociaux, ces dispositifs destinés au soutien des groupes de personnes en situation de précarité, les chômeurs, les invalides, les personnes âgées notamment, existent, sous des formes diverses, dans tous les pays européens. Depuis la crise économique et financière de 2008, voire avant pour certains pays dont l’Allemagne, ces dispositifs ont beaucoup évolué, tant du point de vue du nombre de personnes les percevant que de celui des réformes entreprises pour assurer leur financement. En France, environ sept millions d’individus, en tenant compte des conjoints et des enfants à charge, soit 11 % de la population française, sont couverts par les minima sociaux en 2015 [1]. En Allemagne, le nombre de bénéficiaires atteint environ huit millions la même année, dont presque les trois quarts dans le cadre de l’allocation chômage Hartz IV [2]. Ces prestations concernent des populations aussi diverses que les chômeurs de longue durée, les personnes handicapées, les personnes âgées, les jeunes adultes ou tout autre groupe exposé à un risque de fragilité sociale, mais en tenant compte de critères d’éligibilité qui varient fortement d’un pays à l’autre, autant que le montant des versements et la durée de perception.
2Si la fraction de personnes en situation de précarité est comparable dans la plupart des pays européens, les systèmes mis en place pour leur venir en aide diffèrent toutefois de façon considérable, l’Union européenne (UE) n’étant pas compétente pour régler les dispositifs mis en place par les pays membres. Ainsi, le nombre de minima sociaux varie de dix actuellement en France à trois en Allemagne, et la durée maximale de perception de l’allocation chômage va de 36 mois en France à six mois au Royaume-Uni. Non contributifs, ces piliers de la solidarité nationale, aussi divers qu’ils puissent être, ont toutefois été mis à l’épreuve depuis une dizaine d’années en raison de l’augmentation considérable du nombre de bénéficiaires suite à l’explosion du chômage dans plusieurs pays européens.
3Dans ce contexte, la Revue française des affaires sociales a souhaité procéder à un nouveau bilan de plusieurs prestations en France en élargissant le débat à l’examen de la situation de quelques pays voisins dans ces domaines. Il semblait en effet pertinent d’évaluer dans quelle mesure ces dispositifs avaient amélioré – ou au contraire détérioré – leurs performances relatives à la réduction de la pauvreté, compte tenu de l’augmentation des emplois précaires, de la crise du logement et de la baisse du niveau de vie des catégories les plus défavorisées. L’urgence d’un regard critique sur les résultats des dispositifs existants est illustrée par un récent rapport sur une éventuelle refonte du système en France [3], une entreprise actuellement victime du calendrier électoral, la majorité présidentielle ayant changé entretemps.
4Or les systèmes mis en place par les gouvernements européens, s’ils constituent tous un filet de sécurité contre l’extrême pauvreté des populations fragiles, souffrent de travers qui rendent leur action partiellement inefficace. En France, c’est la complexité du système qui est pointée du doigt. Avec dix minima sociaux [4] − dont le revenu de solidarité active (RSA), avec 1,9 million de bénéficiaires en 2016 selon l’observatoire des inégalités, est le plus connu −, le pays présente une structure de soutien aux personnes en situation de précarité complexe, voire opaque. La difficulté de comprendre l’ensemble du système et de saisir l’articulation entre les différents dispositifs est de nature à décourager les personnes fragiles. S’y ajoute l’existence de règles hétérogènes pour prendre en considération la situation des demandeurs dans l’attribution d’une allocation, telle que le nombre d’enfants ou le seuil de revenus pris en compte. Cette situation est susceptible de conduire à un taux de recours élevé d’un côté, et de l’autre à une forme de « désincitation » à chercher un emploi stable pour ceux qui se sont installés dans l’assistanat. Toutefois, avec un taux de 15 % des transferts mondiaux distribués à 1 % de la population mondiale [5], le souci de venir en aide aux populations défavorisées est patent.
5En Allemagne, le pays auquel la France se mesure volontiers, les travers du système sont d’un tout autre ordre. Les minima sociaux y sont au nombre de trois seulement, et leur dispositif ne distingue que deux catégories de personnes. La première réunit celles qui sont capables d’exercer un emploi. Elles bénéficient du minimum social pour les demandeurs d’emploi de longue durée (SGB II ou Hartz IV). Celles qui ne sont pas immédiatement disponibles sur le marché du travail relèvent du Code social XII (SGB XII) qui contient deux allocations, un minimum social de vieillesse et d’invalidité pour les plus de 65 ans et les invalides, ainsi qu’une aide de subsistance pour les personnes temporairement incapables de travailler. Le montant de ces deux minima sociaux est le même, la distinction repose uniquement sur l’obligation de recherche d’emploi qui intervient pour toute personne capable de travailler trois heures par jour. Les critiques les plus virulentes à l’encontre de ce système introduit en 2005 portent d’une part sur la sévérité du dispositif qui précipite dans la pauvreté un grand nombre de chômeurs de longue durée et de personnes âgées dépendantes du minimum vieillesse, et d’autre part sur la prolifération de « minijobs » dont les faibles revenus sont censés compléter les minima sociaux considérés comme insuffisants.
6Le Royaume-Uni qui, jusqu’il y a quelques années, se situait entre la France et l’Allemagne pour le nombre de minima sociaux distribués, a procédé en 2012 à une refonte radicale en fusionnant six aides sociales, l’équivalent du RSA, l’allocation invalidité, le crédit d’impôt pour enfants à charge, l’équivalent de la prime d’activité, les allocations logement et une partie des allocations chômage, pour les réunir en une seule allocation nommée Universal Credit. Bien que remontant à cinq ans, cette refonte, essentiellement destinée à inciter les chômeurs à reprendre un emploi, ne touche pour l’instant qu’un très faible nombre de bénéficiaires, de sorte que son impact est difficile à mesurer. Les premières conjectures vont dans le sens des conséquences de la réforme introduite en Allemagne, à savoir une prolifération de petits « jobs » de courte durée.
7Ces quelques exemples de dispositifs de minima sociaux dans des pays aux traditions sociales diverses montrent la complexité de la tâche lorsque l’on voudrait introduire un système à la fois simple et compréhensible pour un public non averti, mais aussi juste et protecteur, sans oublier le nécessaire souci des gouvernements de faire accéder au marché du travail des personnes parfois très éloignées de l’emploi. Atteindre ces objectifs, ce qui devrait être le but de tout gouvernement, a été rendu plus ardu par la crise économique et financière dont les pays européens sont à peine sortis. Dans cette optique, ce dossier présente un ensemble d’études permettant d’analyser les efforts de différents pays européens afin d’adapter leurs minima sociaux à la nouvelle donne. Certains pays ont déjà réalisé des réformes dans ce domaine, d’autres, dont la France, l’envisagent. C’est dans cet esprit de clarification qu’il convient de voir les contributions qui suivent.
8Le premier article de ce dossier, rédigé par Jean-Claude Barbier, intitulé « L’assistance sociale en Europe : traits européens d’une réforme et persistance de la diversité des systèmes (1988-2017) », a le mérite de permettre au lecteur de se faire une idée globale de la problématique, non seulement de la notion de minima sociaux, terme que l’auteur récuse comme étant trop franco-français, mais aussi de sa réalité dans les pays européens. Cette tentative est d’autant plus louable que non seulement les données sont souvent insuffisantes, mais que, parfois, les termes mêmes recouvrent des réalités difficiles à comparer. Après une première partie consacrée à certains éléments de l’assistance sociale, volet souvent négligé, l’auteur analyse en profondeur ce qu’il qualifie de vague de réformes dans bon nombre de pays, non seulement européens, mais aussi aux États-Unis, destinées à activer les bénéficiaires de l’assistance sociale. Ces stratégies d’activation conduites par les gouvernements, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et au Danemark, pour ne citer que quelques exemples marquants, ont été conduites pendant deux décennies jusqu’à aujourd’hui, en dépit de la crise économique. La troisième partie de cette contribution, qui fait le point de l’état actuel des systèmes en place dans les pays européens, conclut que leurs effets sur l’emploi et l’exclusion sociale sont au mieux incertains et leurs mécanismes difficilement transposables d’un pays à l’autre.
9Cette utile comparaison des dispositifs existant dans les pays européens est suivie d’une contribution qui se penche sur le cas de la France. L’article présenté par Pauline Gonthier et Klara Vinceneux, « Des demandeurs d’emploi qui travaillent ? Les sept visages de l’activité réduite », a pour objet d’étude un groupe de personnes qui se trouvent au centre des dispositifs d’assistance sociale, à savoir les chômeurs. Non pas l’ensemble des chômeurs, mais la fraction, en augmentation constante, de tous ceux qui cumulent indemnités versées par l’assurance chômage et emploi rémunéré dans le cadre du dispositif d’activité réduite. Cette mesure, initialement conçue comme un tremplin vers l’emploi, semble au contraire permettre aux demandeurs d’emploi de combiner allocations chômage et activité réduite dans la durée. Cette contribution vise à préciser le profil des demandeurs d’emploi en activité afin de déterminer si le dispositif d’activité réduite constitue effectivement un tremplin vers l’emploi ou s’il les enferme dans des contrats précaires. La réponse à cette question pourrait éclairer le débat sur l’utilité de son maintien, vu son coût non négligeable pour la collectivité.
10Les deux études qui suivent s’intéressent à un autre groupe de bénéficiaires de minima sociaux dont le nombre – un huitième de la population de l’Union européenne – est important et en augmentation rapide, à savoir les personnes en situation de handicap. Contrairement aux chômeurs de longue durée, dont la situation peut évoluer, celle des personnes handicapées s’inscrit le plus souvent dans la durée. En raison du coût croissant, 1,3 % du PIB actuellement dans les pays développés, la plupart des gouvernements tentent de trouver des moyens pour accroître leur intégration dans le marché de l’emploi, non seulement pour une meilleure maîtrise des coûts, mais aussi pour permettre à ces personnes, qui vivent souvent dans une grande fragilité économique, de bénéficier d’un complément de rémunération.
11Dans sa contribution, Anna Gromada compare les politiques publiques menées dans deux pays européens pour encourager l’intégration des personnes en situation de handicap dans les entreprises. Elle a choisi l’Allemagne et les Pays-Bas, non seulement pour leur proximité en termes de niveau de vie, de taux de chômage, de structure d’âge et de santé, mais aussi pour illustrer les différences entre leur façon de procéder et les résultats obtenus. Au début des années 2000, lorsque la plupart des pays européens ont décidé de mener une politique plus volontariste en matière d’intégration des personnes handicapées dans le marché du travail, la situation aux Pays-Bas était particulièrement préoccupante avec des dépenses dans ce domaine atteignant 7 % du PIB. Pour combattre cette Dutch disease, les Pays-Bas ont choisi des réformes radicales, dont le poids financier était essentiellement porté par les entreprises soumises à un strict régime de contraintes et de pénalités.
12L’Allemagne a suivi la même voie, mais plus lentement, et en usant autant de persuasion que de contrainte envers les entreprises. Aujourd’hui, on constate que les Pays-Bas ont réussi à endiguer la dérive antérieure. La proportion de bénéficiaires de l’allocation pour handicapés a baissé, entraînant aussi une réduction des coûts pour l’État, et la prévalence de la pauvreté parmi eux a également diminué. L’Allemagne, moins hardie dans sa façon de procéder, n’est guère parvenue à accroître le pourcentage de personnes handicapées actives, et leur taux de pauvreté n’a pas diminué non plus. L’auteure estime que cet échec relatif pourrait être lié au vieillissement de la société allemande qui conduit à un accroissement plus rapide du total de personnes handicapées que du nombre de celles susceptibles de tenir un emploi. Elle met toutefois en garde vis-à-vis d’extrapolations des résultats de l’action dans ces deux pays prospères au taux de chômage très bas à l’ensemble des pays européens, notamment ceux au chômage élevé comme la France. Cette contribution se termine sur une idée originale, applicable à tous les pays, à savoir la mobilisation des réseaux sociaux pour trouver un emploi pour les handicapés, tant il est vrai qu’ils semblent être plus efficaces que les agences pour l’emploi…
13La thématique des minima sociaux versés aux personnes en situation de handicap est reprise par Dominique Velche dans sa contribution sur le Welfare Reform Act qui est entré en vigueur au Royaume-Uni en 2012. Alors que le précédent article étudie les efforts de l’Allemagne et des Pays-Bas visant à accroître l’insertion de personnes handicapées dans le marché du travail, celui-ci se focalise sur l’analyse de la réforme des prestations prévue par la loi. L’objectif officiel de la réforme entreprise par le gouvernement britannique fut d’améliorer l’assistance aux personnes précaires, dont notamment celles en situation de handicap. C’est pourquoi les aides existantes, dont notamment l’allocation chômage, l’allocation invalidité et l’aide au logement, ont été regroupées en une seule prestation appelée Universal Credit. Le but non avoué de cette fusion, car moins consensuel, fut la volonté de faire des économies sur les prestations versées avant la réforme, un objectif qui la rapproche des initiatives prises aux Pays-Bas et en Allemagne.
14La fusion des aides existantes en une seule, qui touche les personnes en situation de handicap directement, s’accompagne d’une révision, dans un sens restrictif, des prestations destinées à faciliter la vie indépendante. La réforme s’accompagne en outre d’un plafonnement du total des prestations accordées à une même famille, ce qui souligne la volonté du gouvernement d’inscrire son action dans une optique de restrictions budgétaires, un aspect qui ne fut guère évoqué au moment de la réforme. L’affichage ayant néanmoins été la volonté de combattre la pauvreté des personnes handicapées, on peut se poser la question sur son efficacité dans ce domaine, sachant que l’objectif du gouvernement était de sortir presque un million de personnes de la précarité. Si le recul est insuffisant pour se prononcer, d’autant plus que l’ensemble des mesures de l’Universal Credit ne prendra effet qu’en 2022, l’auteur souligne l’énorme écart, plus du double, qui existe au Royaume-Uni entre le taux de pauvreté des personnes valides et celui de celles en situation de handicap. Toutefois, en raison des nombreux travaux d’évaluation qui accompagnent la mise en œuvre de la réforme, on peut espérer que des corrections de tir puissent être effectuées au fur et à mesure.
15Ces exemples qui éclairent certains volets des minima sociaux introduits en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas examinent non seulement leur fonctionnement, mais aussi les problèmes et les insuffisances mesurés à l’aune de leur mission première : protéger les personnes en situation de précarité de la pauvreté. À cet égard, il a paru utile aux responsables de ce dossier d’y inclure deux contributions sur le revenu universel, cet instrument destiné à assurer un revenu à tous, sans considération de la situation eu égard à l’emploi ou au patrimoine. Cet outil, largement débattu depuis quelques années non seulement en Europe, mais partout dans le monde, n’existe pour l’instant que sous forme d’ébauche : des expérimentations avec un nombre réduit de bénéficiaires comme en Finlande, ou une distribution à tous, mais d’un montant trop faible pour assurer leur subsistance comme en Mongolie. Les deux points de vue se complètent. Le premier développe la naissance et le développement historique de ce concept avant de présenter les termes du débat actuel qui a pris une dimension importante en France en prélude aux élections de 2017. Le second analyse l’expérimentation du revenu universel que la Finlande a introduit au 1er janvier 2017 pour une durée de deux ans, une initiative suivie avec intérêt en Europe.
16La contribution de Brigitte Lestrade sur la question du revenu universel comme substitut éventuel aux minima sociaux commence par remonter aux sources de cette idée, attribuée par certains à Thomas Morus dans son roman Utopia publié en 1516 et rapidement reprise par des penseurs dans la plupart des pays européens qui se fondaient sur la notion de « droit naturel », une conception en principe incompatible avec la propriété privée. Plus près de nous, dans un environnement hyperconcurrentiel qui exacerbe les inégalités dans nos sociétés, le débat s’est enflammé autour de la valeur du travail rémunéré en tant que moyen de subsistance pour la grande majorité des hommes. Dans les sociétés occidentales menacées par la robotisation, il conviendrait, pour un nombre croissant de penseurs actuels, de renverser les tables et de créer un droit pour chacun de vivre à sa guise, qu’il se livre à un travail rémunéré ou non. Si l’objectif paraît lumineux, la voie pour y parvenir est moins évidente, comme le montre le foisonnement des propositions, non seulement en France, mais partout dans le monde, portant tant sur le montant du revenu universel et le périmètre des bénéficiaires – ce qui en soi jette une ombre sur le caractère universel de ce revenu – que sur l’évaluation du coût de cette mesure et les divers modes de financements. Dans ce débat, deux modèles s’opposent, un modèle libéral et un modèle à vision sociale. Si la finalité proclamée est la même, vaincre la pauvreté, les moyens à mettre en œuvre se distinguent très nettement. Dans cette discussion, qui reste pour l’instant au stade des théories, il est utile de regarder de plus près l’expérimentation en cours en Finlande étudiée par Dominique Acker.
17Cette initiative, proposée par un gouvernement de centre droit, a reçu le soutien d’une grande majorité de la population du pays. Inconditionnelle mais non universelle, elle s’adresse, depuis le 1er janvier 2017, à un échantillon restreint de 2 000 personnes choisies au hasard dans l’ensemble de la population parmi les chômeurs en fin de droits âgés de 25 à 58 ans. Ils perçoivent 560 € par mois pendant deux ans, un niveau qui correspond grosso modo à l’équivalent du RSA finlandais, sans tenir compte des périodes d’emploi, dont la rémunération leur reste acquise. Si cette expérimentation peut surprendre venant d’un gouvernement de centre droit, elle s’inspire effectivement d’orientations libérales, visant la diminution du chômage de longue durée et poursuivant la politique d’activation des sans-emplois engagée de longue date. Ses objectifs essentiels étaient la réduction des « trappes » à inactivité et la limitation de la complexité administrative. Toutefois, le revenu de base finlandais, de niveau relativement bas, ne se substitue pas à l’ensemble des aides octroyées par l’État ; la charge financière éventuelle, dans le cas de sa généralisation, étant considérée comme trop importante.
18Si l’enthousiasme initial semble retombé, les médias y consacrant moins d’attention que lors des débuts de cette expérimentation, c’est dû à un certain nombre d’éléments dont la pertinence fut moins visible au départ ; l’octroi du revenu de base n’a pas été couplé à un accompagnement spécifique des bénéficiaires leur permettant de s’intégrer plus facilement dans le marché de l’emploi. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’effet de la mesure en termes de retours à l’emploi, d’autant plus que la Finlande sort affaiblie de la récente crise économique et n’a pas encore récupéré son dynamisme antérieur. Si les syndicats du pays restent sceptiques et si la population se demande comment financer une telle mesure si elle devait être généralisée, il faut reconnaître à la Finlande le courage d’être précurseur en Europe et de tester concrètement une mesure dont la plupart des pays se contentent de débattre.
19Ce dossier sur les minima sociaux se termine par un entretien que la Revue française des affaires sociales a conduit avec Étienne Pinte, président du Comité national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), l’un des acteurs les plus éminents dans ce domaine des politiques publiques. Il y explique les raisons de son engagement et jette un regard critique tant sur le fonctionnement actuel des politiques publiques que sur les résultats obtenus dans la lutte contre la précarité. S’il estime que le système actuel peut être amélioré, il reste sceptique quant à la question de l’instauration éventuelle d’un revenu universel, notion qu’il qualifie d’utopie. Il attire en revanche l’attention sur deux phénomènes qui devraient retenir l’attention des gouvernements en Europe, à savoir d’une part que, en dépit de toutes les réformes menées, la pauvreté dans nos pays européens n’a pas diminué, et que, d’autre part, les minima sociaux, tels qu’ils sont conçus actuellement, ne combattent que la pauvreté monétaire, alors que la précarité, dans nos pays européens, présente de nombreuses facettes relatives à la formation, à l’emploi, au logement, sans oublier la simple reconnaissance par ses pairs. Ces considérations montrent que les minima sociaux ne remplissent aujourd’hui que partiellement les objectifs qui devraient être les leurs.
Notes
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[1]
Voir Études et Résultats, DREES, no 1009, 9 mai 2017.
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[2]
Destatis Pressemitteilung, no 419, 28 novembre 2016.
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[3]
Voir Christophe Sirugue, « Repenser les minima sociaux – Vers une couverture socle commune », Rapport au Premier ministre. [en ligne] http://www.gouvernement.fr/partage/6952-remise-du-rapport-de-christophe-sirugue-repenser-les-minima-sociaux-vers-une-couverture-socle
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[4]
À côté du RSA, les minima sociaux comprennent l’allocation adulte handicapé, l’allocation invalidité, l’allocation de solidarité spécifique, l’allocation d’insertion ou l’allocation temporaire d’attente pour les demandeurs d’asile, l’allocation transitoire de solidarité, le minimum vieillesse, l’allocation veuvage et le revenu de solidarité (départements d’outre-mer – DOM). Le nombre de bénéficiaires est passé de 3,5 millions en 2005 à plus de 4 millions en 2015.
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[5]
Voir Baverez N., Le Figaro, 2 mai 2017.