CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Depuis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, le rôle de la médecine générale de ville en tant que pivot du parcours de prise en charge des patients a été à la fois reconnu et renforcé. Cependant, la médecine générale de ville fait face à deux enjeux, qui, sans être nouveaux, ont pris une importance croissante au cours de cette dernière décennie.

2 Le premier est lié à une démographie médicale tendue, résultat d’un faible renouvellement des générations de médecins dans les années de numerus clausus très resserré. Si la répartition spatiale des médecins généralistes (MG) libéraux est relativement égalitaire en comparaison de ce qui est observé pour les autres professions de santé (Vergier et Chaput, 2017), la baisse du nombre de médecins libéraux attendue dans les prochaines années (Bachelet et Anguis, 2017) fait courir un risque de désertification médicale dans certains territoires.

3 Comment les MG eux-mêmes s’adaptent-ils à cette situation lorsqu’ils y sont déjà confrontés dans leur bassin d’exercice ? Comment réagissent-ils ensuite aux dispositifs publics qui sont offerts en réponse ?

4 Le second enjeu est celui de l’amélioration de la qualité des pratiques médicales, ces dernières englobant à la fois les soins curatifs, ceux de support dans les maladies chroniques et ceux de prévention. Il s’agit d’assurer des services médicaux efficaces et sûrs, en adéquation avec les connaissances scientifiques et les besoins des individus. Il s’agit aussi d’assurer des services à la société, comme, par exemple, la vaccination, dont les bénéfices ne sont pas uniquement individuels mais aussi collectifs. Répondre à cet enjeu de qualité des pratiques est un défi quotidien pour les MG qui font face à une complexification croissante de leur métier et à un changement profond de la relation médecin-patient.

5 Le panel d’observation en médecine générale de ville a été créé en 2007. Il a pour objectifs généraux d’observer le cadre d’activité, l’environnement professionnel et les rythmes de travail des MG de ville, et d’étudier leurs pratiques de prise en charge et les déterminants de celles-ci. Trois panels se sont succédé depuis 2007. Dans chacun d’eux, cinq vagues d’enquêtes transversales ont été soumises aux panélistes sur trois ans.

6 Comme la publication de Paraponaris et al. sur le panel 1, en 2011, cet article vise à une présentation synthétique des résultats des quatre premières vagues d’enquête du panel 3 (mis en place fin 2013). Après une présentation de l’échantillon, il tente d’apporter des éclairages vis-à-vis des deux enjeux précédents :

7 L’enjeu de qualité des soins : celui-ci sera traité à partir de trois questions auxquelles le panel peut fournir un éclairage : le comportement des MG face à des controverses sociétales, comme la crise de confiance dans la vaccination ; leur gestion de situations médicales complexes (comme la polymédication chez les patients multimorbides) ; et, enfin, à partir de l’exemple du suivi des patients avec un cancer, la discontinuité des soins entre hôpital et ville.

8 L’enjeu de démographie médicale : il sera traité à partir de deux prismes : d’abord, celui d’une étude de l’organisation des temps de travail des MG, et de ses variations dans l’espace et dans le temps ; ensuite, celui de l’adaptation des pratiques des MG lorsque l’offre de certaines spécialités vient à manquer dans leur territoire.

L’outil d’observation : le troisième panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice

Caractéristiques professionnelles des médecins généralistes du panel 3

9 L’échantillonnage et l’évolution de la participation au panel 3 sont présentés dans l’encadré 1. La grande majorité des MG (92,5 %) est inscrite en secteur 1 – sans dépassement d’honoraires autorisé. La part des MG en secteur 2 est la plus élevée en Provence-Alpes-Côte d’Azur – PACA (9,2 %). Plus de la moitié des MG (56,5 %) exercent en cabinet de groupe. Les jeunes médecins ainsi que les femmes y sont surreprésentés. Ce type d’exercice est moins fréquent en PACA (50,7 %) et plus présent dans les deux autres régions (61,5 % en Pays de la Loire et 66,4 % en Poitou-Charentes [2]). Par ailleurs, 2,2 % des MG déclarent lors de la vague d’inclusion (2013) exercer au sein d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) labellisée par l’agence régionale de santé (ARS). Deux ans après (en vague 3), la part des MG exerçant dans une MSP labellisée par l’ARS s’élève à 6,5 %, ce qui témoigne d’une vraie poussée de ce type d’organisation et sans doute de son attractivité pour les médecins. Ceux qui y exercent sont plus souvent des hommes jeunes, et leur volume d’activité est plus important que la moyenne.

[Encadré 1] Évolution de l’attrition dans le panel 3 et représentativité globale de l’échantillon

Les taux de réponse et l’attrition
L’échantillon du panel a été obtenu à partir du Répertoire partagé des professionnels de santé par tirage aléatoire stratifié sur le sexe, l’âge, le volume d’activité et la densité médicale (Collange, 2015). Ce panel « représentatif » cible la population des MG du territoire français métropolitain – en excluant ceux n’ayant fait aucun acte dans l’année, pratiquant des modes d’exercice particuliers (MEP) de façon exclusive ou ayant des projets de cessation d’activité ou de déménagement – avec un suréchantillonnage dans trois régions (Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), permettant des analyses au niveau régional. Sur les 7 239 médecins éligibles [3] contactés par téléphone lors de la vague d’inclusion, 2 987 médecins (41 %) ont au départ accepté de participer au panel, et 2 038 participaient toujours à la quatrième vague d’enquête. Après quatre vagues d’enquête [4], le taux d’attrition [5] global par rapport à la vague d’inclusion était de 27,6 % (tableau 1). 171 MG sont « devenus » hors-champ (déménagement, retraite) : conformément à la méthodologie établie, ils n’ont pas été remplacés, tout comme les abandons.
Tableau 1

Détails de l’attrition par vague lors du panel 3

Tableau 1
Vagues concernées Vague 1 Vague 2 Vague 3 Vague 4 Échantillon total (1) 2 987 2 892 2 655 2 346 Répondants (2) 2 740 2 446 2 085 2 038 Refus ponctuel (à la vague) Hors-champs (3) 142 10 163 46 189 72 157 43 Abandon définitif (par vague) (4) 95 237 309 108 Attrition brute (par vague), pourcentage (4)/(1) 3,2 8,2 11,6 4,6 Attrition brute cumulée, pourcentage 3,2 11,4 23,0 27,6 Taux de réponse, pourcentage (2)/(1-3) 92,0 85,9 80,7 88,5

Détails de l’attrition par vague lors du panel 3

Source : DREES, URPS-ML et ORS PACA, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.
Parmi les panélistes, plus de huit MG sur dix exercent en zone urbaine ; cette part est sensiblement plus élevée en PACA (95 %) et plus faible en Pays de la Loire (76 %) et Poitou-Charentes (60 %).
Le profil démographique des médecins interrogés
La comparaison de la pyramide des âges de la population cible et celle de notre échantillon panélisé (figure 1) montre le faible écart entre les deux profils : si les distributions des proportions par âge sont statistiquement différentes, c’est essentiellement du fait des différences sur les médecins de 60 ans et plus qui ont plus souvent un projet de départ à la retraite, motif de non-inclusion dans le panel. L’échantillon, comme la population cible, est majoritairement composé d’hommes (65 %), mais ceci est surtout le fait des générations les plus âgées. En moyenne, les hommes de l’échantillon sont plus âgés : 54,7 ans contre 47,9 ans pour les femmes.
Figure 1

Pyramide des âges, en pourcentage, de l’ensemble des médecins du panel 3 et de la population cible**

Figure 1

Pyramide des âges, en pourcentage, de l’ensemble des médecins du panel 3 et de la population cible**

* Note : Effectifs de l’ensemble du panel 3 : n = 2 987 ; de la population cible : n= 9 294. Analyses descriptives (données non pondérées).
Source : DREES, URPS-ML et ORS PACA, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.

Pratiques des médecins généralistes dans des situations individuelles ou sociétales complexes

Le médecin généraliste face aux controverses sociétales : l’exemple de l’hésitation vaccinale

10 Les médecins jouent un rôle central dans la vaccination de la population : ils suivent le statut vaccinal de leurs patients, leur proposent et prescrivent les vaccins recommandés dans le calendrier vaccinal, leur expliquent les raisons de se vacciner et répondent à leurs questions sur les risques des vaccins. Leurs recommandations ont une influence significative sur la décision des patients de se vacciner (Schwarzinger, 2010). Cependant, les médecins occupent une place intermédiaire entre leurs patients, qui peuvent les percevoir comme des experts, et les producteurs de connaissances scientifiques sur la vaccination : ainsi, ils peuvent être, eux-mêmes, en butte à des incertitudes sur différents aspects de la vaccination (Manca, 2016).

11 Une part importante de la population doute de la vaccination en général, et en particulier de certains vaccins (Peretti-Watel, 2013) ; de ce fait, les couvertures vaccinales (CV) ne sont pas optimales pour plusieurs vaccins, ne permettant pas d’assurer une protection collective de la population. Une enquête transversale téléphonique a été réalisée en 2014 dans le panel pour mieux comprendre les perceptions et pratiques des MG dans le domaine de la vaccination (Verger, 2015).

Des pratiques hétérogènes de recommandation des vaccins

12 L’étude portait sur six situations vaccinales pour lesquelles les CV sont insuffisantes : vaccin contre la grippe saisonnière chez les personnes diabétiques, contre la rougeole ou contre l’hépatite B, en rattrapage chez l’adolescent, contre la méningite C chez le nourrisson et en rattrapage entre 2 et 24 ans et contre le papilloma virus humain (HPV) chez les jeunes filles de 11 à 14 ans. La fréquence déclarée de recommandation par les MG de vaccins à leurs patients varie nettement selon le vaccin et le groupe cible (tableau 2). [6]

Tableau 2

Fréquence déclarée de recommandation par les MG de vaccins aux patients

Tableau 2
Pourcentage lignes, données redressées, N = 1 582 Jamais Parfois Souvent Toujours ROR6 aux adolescents ou jeunes adultes non immunisés 4 13 83 Méningocoque C en rattrapage de 2 à 24 ans 17 26 57 Méningocoque C chez les nourrissons de 12 mois 16 17 67 HPV aux filles de 11 à 14 ans 11 17 72 Hépatite B en rattrapage chez l’adolescent 11 26 63 Grippe saisonnière aux adultes diabétiques < 65 ans 4 12 84

Fréquence déclarée de recommandation par les MG de vaccins aux patients

Source : DREES, URPS-ML et ORS PACA, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.

13 Les taux de vaccination déclarée des MG pour eux-mêmes sont relativement élevés pour la vaccination contre la grippe saisonnière (72 %) et encore plus pour l’hépatite B (85 %) et le rappel DTP (91 %), ce qui avait déjà été observé en 2010 pour les deux premiers vaccins (Pulcini, 2013).

Des incertitudes sur l’utilité et les risques de certains vaccins

14 Les MG sont très majoritairement favorables à la vaccination en général (80 % très favorables ; 17 % plutôt favorables), un résultat stable dans le temps et déjà observé précédemment (Collange et al., 2015). Malgré cela, 25 % des MG ont déclaré que certains vaccins recommandés par les autorités leur paraissaient inutiles. Une enquête qualitative effectuée en parallèle permet d’envisager plusieurs hypothèses : opinion selon laquelle les enfants sont vaccinés contre trop de maladies, rareté perçue de certaines maladies (par exemple, la méningite bactérienne), complexité du calendrier vaccinal.

15 Le tableau 3 montre l’existence de décalages entre les perceptions des MG et les faits admis par la communauté scientifique au sujet de la sécurité des vaccins. Il suggère qu’une partie des MG est influencée par les controverses publiques sur les vaccins et partage certaines des incertitudes de leurs patients.

Tableau 3

Perception des MG de la probabilité d’un lien entre certains vaccins et la survenue de certaines maladies

Tableau 3
Pourcentage lignes, données redressées, N = 1 582 Pas du tout probable Peu probable Assez probable Très probable Grippe saisonnière et syndrome de Guillain-Barré 21 54 21 4 Hépatite B et sclérose en plaques 48 41 9 2 Aluminium (adjuvant) et Alzheimer 38 50 9 3 Grippe A/H1N1 (Pandemrix®) et narcolepsie 30 49 16 5 Human papilloma virus (HPV) et sclérose en plaques 51 43 5 1 Adjuvants et complications à long terme 18 49 26 7

Perception des MG de la probabilité d’un lien entre certains vaccins et la survenue de certaines maladies

Source : panel national de médecins généralistes de ville (Verger et al., 2015).

Prévalence de l’hésitation vaccinale chez les médecins généralistes

16 Des analyses plus approfondies indiquent que les doutes quant à l’utilité et la sécurité de certains vaccins sont significativement associés à une moindre fréquence de leur recommandation par les MG aux patients (Verger et al., 2015), ce d’autant plus que les vaccins ont fait l’objet de controverses. Des MG semblent ainsi sujets à une hésitation vaccinale. Cette notion, définie par l’OMS, désigne les personnes qui, en l’absence de problèmes d’accès aux vaccins, peuvent refuser certains vaccins, ou en retarder l’injection, par rapport aux recommandations du calendrier vaccinal, ou encore se vaccinent mais doutent du bien-fondé de le faire. Cette notion peut être transposée aux médecins qui, parce qu’ils ont des incertitudes sur certains vaccins, ne les recommandent pas systématiquement. Les travaux sur le panel ont conduit aux résultats suivants (Verger et al., 2016) :

  • seuls 18 % des MG n’expriment aucune hésitation vaccinale ;
  • la majorité (68 %) est faiblement hésitante, mais parmi eux, 20 % considèrent que les enfants sont vaccinés contre trop de maladies ;
  • 11 % sont modérément hésitants : parmi eux, plus d’un quart considère que le vaccin contre le HPV peut entraîner une sclérose en plaques ;
  • 3 % sont fortement hésitants : ils présentent les taux de doutes les plus élevés et sont ceux qui recommandent le moins souvent certains vaccins (hépatite B, papilloma virus) ; parmi eux, on rencontre les proportions les plus élevées de médecins pratiquant des médecines complémentaires et celles les plus faibles de médecins formés sur la vaccination.

17 La présence d’une hésitation vaccinale chez certains médecins est préoccupante, car elle peut les mettre en difficulté pour répondre aux doutes de leurs patients. Elle soulève la question de la formation des MG dans le domaine de la vaccination. Une étude nationale auprès d’étudiants en sixième année de médecine a montré que 33 % ne se sentaient pas suffisamment préparés pour leurs futures pratiques de vaccination (Kernéis et al., 2017) et 64 % concernant la communication auprès des patients. Les besoins des MG sont multiples : se former aux savoir-faire et savoirs pratiques, connaître les outils pédagogiques existants pour les patients ; accéder facilement à des outils ergonomiques de suivi du statut vaccinal des patients.

Rôle du médecin généraliste dans la gestion des prescriptions : la prise en charge des patients multimorbides

18 Les patients souffrant de multimorbidités, c’est-à-dire de plusieurs maladies chroniques à la fois (Barnett, 2012), tiennent une place importante dans les soins de premier recours. Elles entraînent la prescription de multiples médicaments (polymédication), augmentant les risques iatrogéniques – effets secondaires, interactions médicamenteuses – (Calderón-Larrañaga, 2013). Il est alors important de réévaluer régulièrement l’ordonnance, ce qui peut conduire à des arbitrages thérapeutiques. En France, 30 % à 40 % des personnes âgées de 75 ans ou plus reçoivent au moins 10 médicaments par jour (Le Cossec, 2015).

19 Une enquête réalisée entre mai et septembre 2016 dans le panel 3 visait à étudier les opinions et les pratiques des MG vis-à-vis de la prise en charge des multimorbidités et leurs stratégies de gestion des polyprescriptions et d’arrêt de médicaments.

Un rôle dans la gestion de l’ordonnance perçu comme central

20 Près de 80 % des MG déclarent décider du contenu de l’ordonnance de leurs patients, même pour les médicaments initiés par d’autres médecins. Neuf médecins sur dix se sentent à l’aise pour proposer d’arrêter les médicaments qu’ils jugent inappropriés, mais seuls 35 % déclarent prendre souvent ou très souvent cette initiative et 63 % parfois.

Attitudes des médecins généralistes dans une situation de polymédication

21 Afin de documenter les perceptions et les pratiques des médecins concernant la gestion de l’ordonnance en cas de polymédication, un cas clinique fictif leur a été proposé. Il s’agissait d’une patiente venant en consultation pour le renouvellement de son traitement. Elle présentait une hypertension artérielle équilibrée par un antihypertenseur (ramipril), une hypothyroïdie bien équilibrée par hormonothérapie (lévothyroxine). Elle prenait aussi un anxiolytique (lorazépam) depuis trois ans pour des insomnies fréquentes, des antidouleurs (association paracétamol-tramadol) et un antidépresseur à visée antalgique (amitriptyline) pour des douleurs récurrentes liées à une lombosciatique. En dehors de ces douleurs, l’examen clinique était normal.

22 Quatre-vingt-neuf pour cent des médecins pensaient que cette ordonnance comportait au moins un traitement présentant plus de risques que de bénéfices pour la patiente et que certains traitements devaient être arrêtés. Ces médecins en particulier ont été interrogés sur leur appréciation des médicaments prescrits : ceux présentant plus de risques que de bénéfices et ceux qu’ils pensaient devoir arrêter (figure 2). Parmi ces médecins, l’anxiolytique était le plus souvent signalé comme présentant plus de risques que de bénéfices et devant être arrêté (91 % de ces médecins). Ceci suggère que les médecins sont conscients de la nécessité de limiter la durée de ce type de traitement pour éviter notamment leurs effets secondaires (Haute Autorité de santé – HAS, 2015).

Figure 2

Proportion des médecins généralistes déclarant que certains traitements présentent plus de risques que de bénéfices* ou devraient être arrêtés**,***

Figure 2

Proportion des médecins généralistes déclarant que certains traitements présentent plus de risques que de bénéfices* ou devraient être arrêtés**,***

* Parmi les médecins ayant déclaré que l’ordonnance de cette patiente comportait au moins un médicament présentant plus de risques que de bénéfices (89 % de l’ensemble des médecins interrogés, n = 1 035).
** Parmi les médecins ayant déclaré que certains traitements de l’ordonnance devraient être arrêtés (90 % de l’ensemble des médecins, n = 1 043).
*** Proportions calculées parmi les médecins ayant reçu une version du cas clinique incluant un antécédent d’accident vasculaire cérébral et ayant déclaré que l’ordonnance de cette patiente comportait au moins un médicament présentant plus de risques que de bénéfices (n = 499) ou que certains traitements de l’ordonnance devraient être arrêtés (n = 512).
Champs : médecins généralistes ; France métropolitaine.
Source : DREES, URPS-ML et ORS PACA, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.

23 Concernant les traitements contre la douleur, antidépresseur et paracétamol-tramadol, 78 % et 69 % de ces médecins respectivement considéraient qu’ils étaient plus risqués que bénéfiques pour cette patiente. Malgré leurs effets indésirables, leur prescription paraît pourtant légitime dans ce contexte (Martinez, 2010). Parmi les médecins considérant ces traitements plus risqués que bénéfiques, 15 % déclaraient qu’ils poursuivraient le paracétamol-tramadol et 12 % l’antidépresseur. Ces médecins ont probablement préféré soulager la douleur de la patiente malgré le risque d’apparition d’effets indésirables.

Soulager la douleur des patients : la question des anti-inflammatoires

24 Dans la suite du questionnaire, la même patiente, n’étant plus soulagée pour sa lombosciatique, prenait en automédication un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) depuis une semaine et demandait au médecin de le lui prescrire pour quelques semaines de plus. Plus de 90 % des médecins reconnaissaient que cela ferait courir un risque à cette patiente. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent avoir leur place dans le traitement de la lombosciatique. Mais ils peuvent altérer la fonction rénale, d’autant plus que la personne est âgée ou hypertendue et ils majorent le risque d’hémorragie digestive lorsqu’ils sont associés à l’aspirine (Rasmussen-Barr et al., 2016). Plus d’un quart des médecins jugeant l’AINS risqué choisissaient tout de même de le maintenir en adaptant la dose et/ou la durée du traitement.

25 Ces résultats montrent que les médecins sont bien informés des risques associés à la polymédication mais qu’ils peuvent être confrontés à des dilemmes thérapeutiques. Une majorité d’entre eux préfère arrêter les médicaments qu’ils jugent potentiellement risqués. Cependant, dans certaines situations où la marge de choix est réduite, des médecins déclarent parfois choisir de maintenir certains médicaments pour soulager la douleur de leurs patients, faisant encourir un risque d’effets indésirables potentiellement graves. Les MG sont fréquemment confrontés à ces situations dans la prise en charge des multimorbidités et leur formation, et les guides de bonnes pratiques devraient mieux les y préparer (Sinnott, 2013).

Continuité-discontinuité des soins entre hôpital et ville : l’exemple de la prise en charge des cancers

26 Les politiques publiques de santé, en Europe comme aux États-Unis (Geelen, 2014), incitent actuellement à un transfert de plus en plus précoce de la prise en charge des patients souffrant d’un cancer, de l’hôpital vers la médecine de ville, notamment pour tout ce qui concerne leur suivi à long terme, de la gestion des effets secondaires des traitements et des séquelles de la maladie jusqu’au soutien psychologique et à l’accompagnement de la fin de vie. La place du MG a été peu à peu redéfinie en conséquence, jusqu’à devenir centrale dans la coordination des soins des patients ayant survécu à un cancer (République française – RF, Plan cancer 2014-2019).

27 Au cours de la troisième vague d’enquête du panel 3 national de médecins généralistes libéraux (décembre 2015 à mars 2016), les médecins ont été interrogés sur la prise en charge des patients atteints d’un cancer, après le diagnostic de la maladie.

Une circulation de l’information peu optimale dans le sens hôpital-ville

28 Les confrères spécialistes représentent la source d’information sur le cancer la plus citée par les MG (92 %), devant les revues médicales nationales (84 %), les guides de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé (57 %) et les référentiels régionaux de cancérologie (54 %). La participation à des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP [7]) ne concerne que 10 % de l’ensemble des médecins interrogés ; elle est indépendante de la zone d’exercice (rurale ou urbaine) du médecin, mais elle est plus fréquente parmi les médecins membres d’un réseau de cancérologie ou de soins palliatifs (18 %). Les informations et consignes provenant de spécialistes ou d’équipes hospitalières de cancérologie ne sont pas toujours adaptées à la pratique de ville. Si les MG considèrent que dans la majorité des cas les consignes qu’ils reçoivent sont claires (84 %), seuls 19 % ont déclaré que ces consignes correspondent toujours à leurs besoins et 16 % qu’elles leur parviennent toujours à temps. Moins d’un médecin sur cinq reçoit systématiquement l’information sur les effets secondaires attendus des traitements et plus d’un tiers ne sont jamais sollicités pour donner leur avis sur la faisabilité du retour ou du maintien à domicile. Ce manque de communication entre les médecins hospitaliers et leurs confrères généralistes n’est pas une spécificité française. Une étude italienne auprès d’oncologues médicaux a montré que les trois quarts de ces derniers faisaient parvenir un courrier au généraliste mais qu’un vrai « programme de suivi » n’était transmis que dans 9 % des cas (Numico, 2014). De la même façon, selon une récente enquête américaine, seuls 13 % des généralistes ont déclaré recevoir régulièrement de la part des oncologues le descriptif du traitement et un programme de suivi concernant leurs patients ayant un cancer (Forsythe, 2013). Le dernier plan cancer (2014-2019) insiste à travers son objectif 2 sur la nécessité d’améliorer la coordination ville-hôpital et les échanges d’information entre les professionnels en mettant à la disposition des MG des outils de bonnes pratiques, des supports d’information, l’accès informatisé aux dossiers médicaux hospitaliers et en généralisant le dossier communicant de cancérologie, interface entre la ville et l’hôpital.

Des difficultés d’échanges aussi dans le sens ville – hôpital

29 Le cas clinique d’une patiente présentant une fièvre à 39 °C avec signes de gravité, apparue 10 jours après une séance de chimiothérapie pour un cancer du sein, a été soumis aux médecins afin de recueillir leurs attitudes face à une situation clinique potentiellement urgente (risque d’aplasie médullaire). Dans ce cas grave, les recommandations de bonnes pratiques sont de prendre très rapidement contact avec l’oncologue et/ou le service d’oncologie qui suit la patiente afin de définir la conduite à tenir la plus adaptée en fonction des signes de gravité (prise en charge thérapeutique initiale en ambulatoire ou hospitalisation immédiate en service d’oncologie). Selon la version soumise, la consultation de cette patiente virtuelle avait lieu soit un mardi, soit un samedi. En semaine, 29 % des médecins assurent en première intention la prise en charge, 50 % appellent l’oncologue, 15 % contactent le service d’oncologie pour une hospitalisation et 6 % adressent directement la patiente aux urgences. En revanche, pendant le week-end, le MG ayant davantage de difficultés à joindre ses confrères spécialistes, le recours aux services d’urgences est beaucoup plus fréquent (figure 3) alors qu’il comporte potentiellement le risque d’exposer le patient immunodéprimé à des agents pathogènes qui peuvent entraîner des maladies sévères chez lui, comme le virus grippal par exemple (Schnell, Legoff et Azoulay, 2009).

Figure 3

Prise en charge d’une fièvre à 39 °C avec signes de gravité, 10 jours après une séance de chimiothérapie, selon le jour de la semaine

Figure 3

Prise en charge d’une fièvre à 39 °C avec signes de gravité, 10 jours après une séance de chimiothérapie, selon le jour de la semaine

Champs : médecins généralistes ; France métropolitaine.
Source : DREES, URPS-ML et ORS PACA, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.

Des difficultés ressenties de prise en charge, liées aux défauts de communication

30 Les deux tiers des médecins éprouvent des difficultés importantes pour accompagner les patients en fin de vie, gérer les effets indésirables des traitements à moyen et long termes et prendre en charge les séquelles du cancer. Les difficultés ressenties augmentent avec l’âge du médecin, mais elles sont également significativement liées au défaut de transmission de l’information par les confrères spécialistes et à l’insatisfaction qui en découle. Si des études interventionnelles ont montré que l’envoi d’informations ciblées aux généralistes pouvait améliorer la prise en charge des patients atteints d’un cancer (Rougé Bugat, 2015), la communication de documents ne semble pas suffisante. Plus qu’une simple amélioration de l’information, c’est bien une véritable collaboration qui semble faire défaut dans les échanges hôpital-ville impliquant à la fois une définition claire des rôles respectifs des oncologues et des MG dans le suivi à long terme des patients souffrant de cancers, et une communication sans intermédiaire, réactive et dans les deux sens.

Modification des pratiques des médecins généralistes lorsque l’environnement d’offre médicale est défavorable

31 Les MG sont déjà confrontés, dans certaines parties du territoire national, à des situations de sous-densité de l’offre de soins, que celle-ci soit repérée par la densité de confrères omnipraticiens alentour, ou bien par des situations d’insuffisances d’offre de soins d’autres spécialités médicales (peu de confrères spécialistes et/ou peu d’hôpitaux). Ces deux dimensions seront prises en compte dans cette section, pour étudier comment les MG semblent s’ajuster à cette relative « pénurie », à commencer dans leur organisation du travail sur la semaine.

Temps de travail des médecins généralistes

32 La question sur le temps de travail portait sur une « semaine ordinaire » (la dernière semaine, si elle ne comportait pas de jour de congé, férié ou d’arrêt maladie). Le temps de travail global moyen déclaré par les MG est de 54 heures et 48 minutes, et 71 % des panélistes déclarent travailler 50 heures ou plus. L’activité libérale occupe la plus grande partie du temps (52 heures et 6 minutes), les activités « non libérales » étant constituées de vacations à l’hôpital ou en maison de retraite. La durée de travail est statistiquement plus élevée chez les praticiens participant à la permanence des soins (2 heures 48 minutes de plus en moyenne), ceux ayant une activité extérieure dans un autre établissement de santé (5 heures 6 minutes de plus) et chez les médecins coordinateurs dans une maison de retraite (3 heures 48 minutes de plus).

33 La durée hebdomadaire moyenne de travail varie selon les régions d’installation des MG, de 53 heures et 36 minutes en PACA à 56 heures et 24 minutes en Poitou-Charentes. Les médecins installés dans les communes rurales travaillent 2 heures et 12 minutes de plus en moyenne que leurs collègues exerçant dans les zones urbaines.

34 Enfin, la durée du travail est moins élevée pour les médecins femmes (7 heures 36 minutes de moins en moyenne) et les médecins les plus jeunes (3 heures 48 minutes de moins pour les praticiens âgés de moins de 50 ans).

35 L’antériorité en région PACA d’une collecte d’information sur les durées hebdomadaires du travail, par âge et par sexe, permet de les comparer pour deux époques, et donc deux « générations » de médecins, celle qui exerçait en 2002 et celle qui exerce en 2014 (figure 4). Au pic d’activité du cycle de vie professionnelle du médecin, les durées moyennes de travail sont semblables aux deux époques (60 heures par semaine, entre 40 et 60 ans, pour les hommes). Cependant, la comparaison des courbes de 2002 et 2014 permet de faire le constat d’une montée en charge des jeunes médecins devenue beaucoup plus lente au début de leur cycle de vie professionnelle. Entre les deux époques, la structure de l’échantillon a aussi changé, avec une forte féminisation de la profession qui impacte la durée moyenne de travail de l’échantillon agrégé (en 2002, 55 heures 48 minutes en libéral ; en 2014, environ 3 heures 30 de moins).

Figure 4

Durée hebdomadaire de travail déclarée selon l’âge et le sexe en PACA, en 2002 et en 2014

Figure 4

Durée hebdomadaire de travail déclarée selon l’âge et le sexe en PACA, en 2002 et en 2014

Note : Ici les calculs sont effectués sans utiliser les poids de redressements.
Sources : DREES, URPS-ML, ORS, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale ; URPS-ML et ORS PACA, panel « PACA ».

36 Enfin, la figure 5 propose une décomposition, par grandes activités, des 52 heures et 6 minutes de travail hebdomadaire du panéliste moyen. Le temps de « consultations », temps passé avec les patients, est calculé comme le solde du temps total en libéral net des autres activités : tâches administratives, formation médicale continue [8], mise à jour des connaissances médicales, et gardes.

Figure 5

Temps consacré à différentes tâches lors d’une semaine de travail ordinaire (moyennes en heures)*

Figure 5

Temps consacré à différentes tâches lors d’une semaine de travail ordinaire (moyennes en heures)*

* Note : Effectifs de l’ensemble du panel 3 : n = 2 987.
Source : DREES, URPS-ML, ORS, panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.

37 Les MG consacrent en moyenne 48 minutes par semaine à la formation médicale continue (FMC). 47,3 % des MG déclarent avoir suivi plus de huit demi- journées au cours des 12 derniers mois précédant l’inclusion (57,4 % en Pays de la Loire). À l’inverse, la proportion des médecins n’ayant suivi aucune FMC est de 17 % en PACA et en Poitou-Charentes contre 8 % en Pays de la Loire.

Adaptation des pratiques de prise en charge des médecins généralistes en situation d’offre de spécialités sous-dense : exemple du suivi gynéco-obstétrical

38 Les profils d’activité des MG sont très diversifiés et évoluent dans le temps en fonction notamment du type de patientèle, de l’environnement du cabinet, des caractéristiques et appétences propres des praticiens, mais aussi de la présence, ou non, d’une offre de soins de confrères spécialistes [9] sur le territoire d’exercice. La deuxième vague d’enquête du panel 3, menée durant l’hiver 2014-2015, porte sur l’implication des MG dans les suivis gynécologiques et de grossesses à bas risque. Ses résultats illustrent, à cet égard, la façon dont les généralistes adaptent leurs attitudes et pratiques dans un domaine d’activité également pris en charge par d’autres professionnels de santé (gynécologues [10] et sages-femmes).

D’importantes disparités régionales de pratiques renvoyant aux questions de démographie médicale

39 Une grande partie des MG considèrent que les suivis de grossesses à bas risque, et à un moindre degré les suivis gynécologiques, relèvent de leurs missions et de leurs capacités, alors que pour de multiples raisons (manque de formation, défaut d’équipement, effet de genre, réalisation d’actes touchant à la sphère intime), d’autres estiment ne pas être les mieux placés pour les effectuer (ORS et URML Pays de la Loire, 2016 ; Buyck et al., 2016). Ces opinions sont de fait diversement partagées selon les régions et pourraient être liées aux disparités d’offre en professionnels spécialisés en gynécologie-obstétrique. Ainsi, en Pays de la Loire, région relativement peu dotée en gynécologues libéraux alors qu’elle connaît une forte fécondité (ORS et RSN Pays de la Loire, 2013), la quasi-totalité des généralistes (97 %) considèrent que réaliser des suivis de grossesses à bas risque fait partie de leurs missions. Cette proportion est nettement supérieure à celle observée au plan national (84 %) et dans d’autres régions où l’accessibilité aux gynécologues libéraux est plus élevée, comme en PACA (85 %) (ORS et URML Pays de la Loire, 2016 ; Buyck et al., 2016). Un constat analogue est observé pour le suivi gynécologique hors grossesse (ORS et URML Pays de la Loire, 2016).

40 Ces écarts se retrouvent de façon encore plus nette dans la pratique quotidienne des généralistes : plus de 80 % des praticiens des Pays de la Loire déclarent effectuer des suivis de grossesses, contre 57 % en moyenne en France et 42 % en PACA. Là encore, un gradient régional est observé dans la pratique des différents actes de suivi gynécologique.

Certaines conditions d’exercice plus propices à une forme de spécialisation dans le suivi gynéco-obstétrical

41 Trois profils de généralistes des Pays de la Loire peuvent être distingués selon leur implication dans le suivi gynécologique hors grossesse (ORS et URML Pays de la Loire, 2016) :

  • Ceux ayant une faible activité dans ce domaine (35 %) : ces praticiens effectuent l’ensemble des gestes gynécologiques peu fréquemment et voient rarement des patientes pour suivi contraceptif, symptomatologie pelvienne, pathologie mammaire ou suivi d’un traitement hormonal de la ménopause. Ces médecins sont principalement des hommes, ont plus souvent une patientèle âgée, et ont peu souvent suivi une formation postuniversitaire en gynécologie-obstétrique [11].
  • Ceux ayant une activité limitée à certains champs de la gynécologie (23 %) : ils effectuent plus fréquemment que les premiers la plupart des gestes gynécologiques, sauf les frottis et poses de dispositifs contraceptifs (intra-utérins et sous-cutanés). Ces médecins restent majoritairement des hommes et ont suivi un peu plus souvent que les précédents une formation postuniversitaire.
  • Ceux ayant une activité plus globale en gynécologie (42 %) : ces praticiens effectuent de manière régulière la plupart des actes gynécologiques et voient le plus souvent les patientes pour les différents motifs gynécologiques. Par rapport aux deux précédents profils, ces médecins sont majoritairement des femmes et exercent plus souvent en dehors des grands pôles urbains. Un sous-groupe de praticiens peut être distingué au sein de ce profil (24 %) : la quasi-totalité déclare réaliser la pose de dispositifs contraceptifs. Ils se caractérisent par une fréquence élevée d’exercice dans des zones où l’accessibilité aux gynécologues libéraux est faible, et dans le cadre de cabinets de groupe ou maisons de santé pluriprofessionnelles.

42 Les résultats du panel 3 montrent à cet égard que le fait de travailler dans des structures d’exercice regroupé peut favoriser une forme de spécialisation dans le suivi gynéco-obstétrical. Une part importante des praticiens des Pays de la Loire installés en cabinet de groupe ou en MSP déclare en effet qu’un généraliste s’occupe plus particulièrement, sur leur site, des consultations liées au suivi de grossesse (41 %) ou à un autre motif gynécologique (44 %). Ces médecins plus « spécialisés » en gynécologie déclarent effectuer les différents gestes gynécologiques à une fréquence relativement élevée : 86 % réalisent un examen clinique des seins, 84 % un examen au spéculum, 77 % un toucher vaginal, et 69 % un frottis cervico-vaginal. Par ailleurs, 80 % voient au moins une fois par semaine une patiente pour l’instauration ou le suivi d’une méthode contraceptive (hors contraception d’urgence), et la moitié effectue au moins une fois par mois la pose ou l’ablation de dispositifs intra-utérins.

Quels enjeux pour les années à venir ?

43 Depuis quelques années, on assiste à un recul du maillage territorial assuré par les médecins spécialistes libéraux et leur concentration dans les pôles urbains (Vergier, 2016 ; HCAAM, 2017). Dans les années qui viennent, si ces tendances se poursuivent, il faut donc craindre une augmentation des inégalités territoriales d’accès à ces praticiens.

44 Une forme de spécialisation des médecins généralistes pourrait constituer l’une des réponses possibles aux besoins de soins de proximité des patients, et être favorisée par l’exercice en cabinet de groupe ou en MSP. Celui-ci s’est fortement développé au cours des années 2000 et devrait se poursuivre, comme en témoigne sa plus grande fréquence chez les plus jeunes générations de praticiens (DREES, 2016).

45 Cette évolution ne semble toutefois pouvoir s’envisager que pour certaines spécialités ou domaines d’activité. En outre, elle risque de se heurter dans certains territoires, du moins dans la prochaine décennie, à la baisse de l’offre en médecine générale (Bachelet et Anguis, 2017).

Conclusion

46 Comme cet article tente de l’illustrer, l’outil « panel de médecins généralistes de ville » offre la possibilité de décrire, d’une part, les caractéristiques professionnelles des médecins, leurs modes d’organisation et conditions d’exercice, leurs opinions et réactions à l’égard des réformes et dispositifs de régulation et, d’autre part, leurs pratiques de prise en charge dans divers domaines de santé publique, qu’ils relèvent du préventif ou du curatif. Il permet également de documenter l’évolution de la plupart de ces éléments depuis la mise en place du panel, en 2007, et d’étudier leurs variations selon les régions participantes. Le panel tire sa richesse et sa robustesse de la possibilité de croiser des données déclaratives recueillies par questionnaire auprès d’un large échantillon représentatif de médecins et des données objectives sur leur patientèle, leur environnement d’exercice, voire leurs pratiques (grâce, par exemple, aux indicateurs de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Enfin, c’est un outil co-construit par des médecins de terrain, des experts et des chercheurs issus de divers domaines scientifiques afin d’assurer à la fois une production multidisciplinaire de qualité sur les services de premier recours et un retour des connaissances vers les médecins eux-mêmes, les acteurs de santé publique et les décideurs. Un prochain panel sera mis en place à partir de 2018 avec le concours et le soutien de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), de chercheurs de l’Aix-Marseille School of Economics et des ORS et URPS-ML des régions participantes.

Notes

  • [1]
    L’ordre de présentation a été défini par les auteurs.
  • [2]
    Le panel ayant été bâti sur l’ancien découpage des régions, nous conservons ces dénominations.
  • [3]
    La population échantillonnée sur le répertoire était de 9 294 MG, mais, à la suite des premiers contacts, seuls 7 239 étaient éligibles.
  • [4]
    La collecte de la cinquième et dernière vague du panel 3 était en cours lors de la rédaction de cet article. Il faut noter que les médecins de Poitou-Charentes n’ont pas été interrogés lors de cette dernière vague d’enquête. L’effectif à attendre est donc relativement plus faible, autour de 1 500 médecins.
  • [5]
    Il s’agit de l’attrition dite « brute », qui correspond aux abandons définitifs, liés à différentes causes : déménagements, départs à la retraite, absences de longue durée ou décès.
  • [6]
    Rougeole-oreillons-rubéole.
  • [7]
    Les RCP regroupent des professionnels de santé de différentes disciplines dont les compétences sont indispensables pour assurer aux patients la meilleure prise en charge. Les RCP sont la règle pour la prise de décision en oncologie depuis le plan cancer 2003-2007. La présence du médecin traitant du patient est sollicitée, mais n’est pas obligatoire.
  • [8]
    La formulation de la question était la suivante : « Combien de demi-journées (ou soirées) de formation médicale continue ou évaluation des pratiques professionnelles (EPP) avez-vous suivies au cours des 12 derniers mois ? » Le nombre d’heures de FMC (½ journée = 4 heures) par semaine a été calculé en divisant le nombre d’heures par le nombre de semaines travaillées dans l’année – selon Jakoubovitch et al. (2012), les MG prenant 5,3 semaines de congés annuels.
  • [9]
    Aux termes de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la médecine générale est considérée comme une spécialité à part entière. Toutefois, par souci de simplicité du propos, les notions de spécialiste et de spécialité renvoient ici aux autres disciplines médicales.
  • [10]
    Le terme de gynécologues renvoie ici à la fois aux spécialistes de gynécologie obstétrique et de gynécologie médicale.
  • [11]
    Diplôme universitaire ou diplôme interuniversitaire de gynécologie obstétrique ou séance de formation médicale continue dans ce domaine au cours des deux dernières années.
  1. Introduction
  2. L’outil d’observation : le troisième panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice
    1. Caractéristiques professionnelles des médecins généralistes du panel 3
  3. Pratiques des médecins généralistes dans des situations individuelles ou sociétales complexes
    1. Le médecin généraliste face aux controverses sociétales : l’exemple de l’hésitation vaccinale
      1. Des pratiques hétérogènes de recommandation des vaccins
      2. Des incertitudes sur l’utilité et les risques de certains vaccins
      3. Prévalence de l’hésitation vaccinale chez les médecins généralistes
    2. Rôle du médecin généraliste dans la gestion des prescriptions : la prise en charge des patients multimorbides
      1. Un rôle dans la gestion de l’ordonnance perçu comme central
      2. Attitudes des médecins généralistes dans une situation de polymédication
      3. Soulager la douleur des patients : la question des anti-inflammatoires
    3. Continuité-discontinuité des soins entre hôpital et ville : l’exemple de la prise en charge des cancers
      1. Une circulation de l’information peu optimale dans le sens hôpital-ville
      2. Des difficultés d’échanges aussi dans le sens ville – hôpital
      3. Des difficultés ressenties de prise en charge, liées aux défauts de communication
  4. Modification des pratiques des médecins généralistes lorsque l’environnement d’offre médicale est défavorable
    1. Temps de travail des médecins généralistes
    2. Adaptation des pratiques de prise en charge des médecins généralistes en situation d’offre de spécialités sous-dense : exemple du suivi gynéco-obstétrical
      1. D’importantes disparités régionales de pratiques renvoyant aux questions de démographie médicale
      2. Certaines conditions d’exercice plus propices à une forme de spécialisation dans le suivi gynéco-obstétrical
      3. Quels enjeux pour les années à venir ?
  5. Conclusion

Références bibliographiques

Pierre Verger
Médecin épidémiologiste, directeur des études, HDR, directeur de l’observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, UMR 912 Sciences économiques & sociales de la santé et traitement de l’information médicale (SESSTIM), Aix-Marseille Université (AMU), Institut de recherche pour le développement (IRD), Marseille. Ses recherches portent sur les soins de premiers recours (attitudes et pratiques des médecins généralistes et des infirmiers).
Aurélie Bocquier
Chargée d’études, observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, UMR 912 Sciences économiques & sociales de la santé et traitement de l’information médicale (SESSTIM), Aix-Marseille Université (AMU), Institut de recherche pour le développement (IRD), Marseille. Ses recherches portent sur la qualité des pratiques de prise en charge en médecine de premier recours.
Marie-Christine Bournot
Chargée d’études, observatoire régional de la santé des Pays de la Loire, Nantes.
Jean-François Buyck
Médecin de santé publique, chargé d’études, observatoire régional de la santé des Pays de la Loire, Nantes.
Hélène Carrier
Médecin généraliste, chef de clinique des universités au département de médecine générale d’Aix-Marseille Université, doctorante à l’UMR 912 Sciences économiques & sociales de la santé et traitement de l’information médicale (SESSTIM)-Observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ses recherches portent sur multimorbidité et polymédication et sur les maladies chroniques.
Hélène Chaput
Adjointe au chef du bureau des professions de santé, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Paris.
Julien Giraud
Directeur adjoint de l’observatoire régional de la santé Nouvelle-Aquitaine, Saint-Benoît.
Thomas Hérault
Médecin de santé publique, directeur de l’union régionale des médecins libéraux des Pays de la Loire, Saint-Sébastien-sur-Loire.
Simon Filippi
Médecin, vice-président, union régionale des professions de santé – médecins libéraux de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille.
Claire Marbot
Chef du bureau des professions de santé, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Paris.
Dominique Rey
Médecin, chargée d’études, observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, UMR 912 Sciences économiques & sociales de la santé et traitement de l’information médicale (SESSTIM), Aix-Marseille Université (AMU), Institut de recherche pour le développement (IRD), Marseille. Ses domaines de recherche sont la qualité de vie des survivants du cancer et l’hésitation vaccinale en population.
Anne Tallec
Médecin de santé publique, directrice de l’observatoire régional de la santé des Pays de la Loire, Nantes.
Anna Zaytseva
Ingénieur d’études, statisticienne, observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille.
Bruno Ventelou [1]
Chercheur au CNRS, économiste à Aix-Marseille sciences économiques (AMSE), Marseille. Domaines de recherche : macroéconomie, économie des systèmes de santé et de protection sociale.
  • [1]
    L’ordre de présentation a été défini par les auteurs.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 25/10/2017
https://doi.org/10.3917/rfas.173.0213
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