CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Les débats sociaux actuels sur la reproduction et la naissance sont vifs et portent pour l’essentiel sur la procréation médicalement assistée (PMA) [1]. En France, ils ont été ravivés par les discussions sur l’anonymat du don de gamète et sur l’accès éventuel des couples de même sexe à la PMA. Deux temps forts les ont marqués : la révision des lois bio-éthiques en 2011 et l’adoption de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe en 2013. Dans les deux cas, il n’a guère été question, sinon de façon évasive, des avancées de la génétique et de la procréatique [2], et des effets qu’elles pourraient avoir, dans un avenir proche, sur la conception et la naissance des enfants. Bien rares sont ceux qui semblent avoir pris la mesure des mutations qui se préparent dans le secret des laboratoires et start-up de biologie moléculaire ou dans les programmes de thérapie génique des grandes firmes pharmaceutiques. Pourtant, les développements de la recherche génétique et de l’ingénierie du génome sont fulgurants, en particulier depuis le début des années 2010 [3]. Il existe un risque évident de déconnexion entre la temporalité frénétique de la recherche biomédicale et l’état du débat public relatif à la procréation et à la parenté qui, pour agité qu’il soit depuis quelques années, néglige toute une dimension du problème liée à l’ingénierie génétique et appelée sans nul doute à occuper une place croissante.

2Les récentes innovations dans le domaine de la génomique procréative et de l’édition du génome ont toute chance de modifier en profondeur les modalités de la reproduction humaine. C’est une des raisons pour lesquelles elles sont âprement discutées dans le milieu professionnel des généticiens. Pour le moment, ces discussions trouvent peu d’écho dans la sphère publique sauf sous la forme d’un discours technophile d’inspiration eugéniste très favorablement disposé à l’égard de ces nouvelles technologies de manipulation du vivant. Par là même, l’idée que les parents puissent concevoir un enfant « sur mesure » à l’aide des nouveaux outils de la génomique devient une hypothèse crédible qu’il faut prendre au sérieux. Elle oblige à s’interroger sur son irruption comme objet de discussion : sur quels dispositifs biotechnologiques repose-t-elle ? Comment peut-on justifier sa mise en œuvre ? Quelles visées lui assigne-t-on ? À quelles représentations de la procréation et du lien de filiation est-elle le plus souvent associée ? Quels changements dans la parenté pourrait-elle annoncer ? Ce texte qui ne prétend pas apporter une réponse définitive à ces questions se propose d’entamer la réflexion. Au terme de cette exploration, il apparaît urgent que ces interrogations, pour complexes et techniques qu’elles soient de prime abord, ne soient pas adressées aux seuls experts ou, ce qui serait pire, réglées par le fonctionnement endogène de la bio-économie et qu’elles puissent faire l’objet d’une discussion publique, collective et délibérative, tant les enjeux soulevés paraissent cruciaux pour le devenir de la parenté et de la société dans son ensemble.

Faire des enfants à l’âge de la génomique procréative

3Avec la possibilité bientôt offerte aux parents de modifier à volonté le génome des embryons, fabriquer un bébé sur mesure n’est plus un scénario né de l’imagination débridée d’auteurs de science-fiction. D’ici très peu de temps, il sera techniquement réalisable. Il est d’ores et déjà possible avec les nouvelles techniques de séquençage du génome à « haut débit » [4] et surtout avec les outils devenus très performants d’édition du génome – le dernier en date étant CRISPR-Cas9 [5] – de retirer, de remplacer ou d’insérer un ou plusieurs morceaux d’acide désoxyribonucléique (ADN). Ces modifications ciblées peuvent intervenir au stade embryonnaire précoce sur le génome des cellules germinales avant la naissance de l’enfant [6]. Leurs effets sur l’enfant à naître sont irréversibles et affectent également l’ensemble de la descendance puisqu’au cours de leur évolution les cellules germinales interviennent lors de la fécondation.

4L’édition du génome germinal décuple potentiellement les « prérogatives génétiques » des parents : à l’heure actuelle ceux-ci peuvent procéder à la sélection des embryons par recours à une fécondation in vitro (FIV) suivie d’un diagnostic préimplantatoire (DPI). En France, le DPI est réservé aux couples à risque lorsqu’une maladie génétique, « grave et incurable » [7], présente chez l’un au moins des deux parents, est susceptible de se transmettre et vise à n’implanter dans l’utérus que des embryons indemnes. Selon les données de l’Agence de biomédecine datant de 2014, le nombre de DPI croît régulièrement de 10 % par an, soit une hausse de 42 % en quatre ans. La question de son éventuel élargissement à un plus grand nombre de femmes réalisant une FIV se pose de plus en plus bien que les avis soient partagés [8]. La récente et rapide diffusion de tests prénataux de nouvelle génération est en train de changer la donne. Les techniques qui mêlent biologie moléculaire, informatique et statistiques permettent de concevoir des tests prénataux précoces (effectués avant la quatorzième semaine d’aménorrhée [9]) et non invasifs – dits DPNI – à partir d’une simple prise de sang chez la femme enceinte. Il n’est plus nécessaire de procéder à des examens invasifs (amniocentèse, biopsies), car, à partir du sang de la future mère, on accède à l’ADN du fœtus. Ces tests DPNI détectent avec fiabilité des anomalies chromosomiques comme les trisomies (21, 18 et 13) et, sans doute d’ici peu, feront la même chose pour des maladies monogéniques [10] comme la mucoviscidose et d’autres pathologies dont le repérage exige de disposer d’un séquençage plus fin de l’ADN fœtal. Avec l’édition du génome germinal, la gamme des prérogatives génétiques des parents s’étend. Il ne s’agit plus à proprement parler de sélection génétique – i. e. choisir parmi un ensemble l’embryon non défectueux ou renoncer à la suite d’un DPNI négatif à poursuivre la grossesse –, mais d’intervenir directement sur le génome de l’embryon en modifiant telle ou telle séquence de son ADN. Les parents acquièrent le pouvoir de designer ou de configurer le génotype de leur futur enfant et sont ainsi en capacité d’agir sur son phénotype (ses traits observables) dans l’exacte mesure où le génotype influence le phénotype [11]. En outre, une fois effectuées, les modifications de l’ADN de l’embryon se transmettront à l’ensemble de la descendance par la reproduction sexuée. C’est donc le pouvoir de modifier la lignée germinale qui est à portée de main des parents avec des outils d’édition du génome comme CRISPR-Cas9.

5Leur éventuelle utilisation sur le génome germinal de l’homme ne va pas de soi car cela revient à se donner le droit de corriger le patrimoine génétique de l’humanité. Or jusqu’à présent, intervenir sur le génome humain de la descendance était considéré comme un tabou. De plus, certains obstacles techniques rendent encore cette opération trop risquée : il pourrait en résulter des modifications collatérales non voulues (les professionnels parlent d’effets « off-target ») sur le génome dont certaines auraient des conséquences délétères. La question est donc loin d’être tranchée. Elle fait l’objet d’un vif débat parmi les chercheurs depuis les premières expériences réalisées en Chine en 2015 sur des embryons non viables (Déchaux, 2017-c). Les partisans de son application à la procréation humaine mettent en avant une visée thérapeutique. Il s’agirait de corriger ou d’induire des mutations sur une séquence donnée du génome de l’embryon de manière à éliminer tout risque de maladie génétique, cancéreuse ou infectieuse qui aurait été transmise par le couple de parents. La sélection d’embryons par DPI est une alternative jugée plus sûre et moins coûteuse dans le cas d’une maladie monogénique (par exemple la chorée de Huntington) du moins pour le moment [12]. En revanche, lorsque les deux parents sont porteurs homozygotes [13] de la même mutation (et que tous les embryons du couple sont touchés) – situation rare – les modifications ciblées du génome de l’embryon apparaissent comme la seule solution thérapeutique.

Visée thérapeutique et choix du meilleur

6Dans les prises de position publiques « pro CRISPR-Cas9 », c’est-à-dire défendant la possibilité pour les parents d’intervenir sur le génotype de leur futur enfant en procédant, à l’aide de cet outil, à des corrections ciblées du génome germinal, la visée thérapeutique est systématiquement mise en avant. L’argument-clé dans les plaidoyers récents de John Harris (2015) ou de Steven Pinker (2015) est le gain en vies humaines. L’édition du génome germinal permettra à de nombreuses personnes de vivre dans de bonnes conditions ou tout simplement de ne pas mourir. À cette aune, les objections éthiques qui se réclament de l’inviolabilité du génome de l’espèce humaine n’ont rien de dirimant et semblent même secondaires pour les auteurs cités. Toutefois, cette visée thérapeutique est plus floue qu’il n’y paraît à première vue. Par exemple, John Harris introduit l’idée d’un devoir des parents en matière de reproduction : celui de prendre les « bonnes décisions » afin de créer « le meilleur enfant possible ». Ce devoir d’intervenir sur l’équipement génétique de l’enfant, assimilable à une responsabilité éducative, est censé se justifier moralement par l’impératif de procurer à l’enfant une vie plus heureuse. Pour Harris, rendre l’enfant indemne d’une maladie grave transmise génétiquement par les parents grâce à une correction de l’ADN de l’embryon est un devoir moral visant à assurer la meilleure vie possible à l’enfant. Mais le même raisonnement pourrait être tenu à l’égard de traits phénotypiques (sa taille, son sexe, son quotient intellectuel − QI, etc.) dont les parents estiment à tort ou à raison qu’ils rendront la vie meilleure à leur enfant. D’ailleurs Harris ne l’exclut pas : selon lui, les parents doivent être libres de leurs choix procréatifs et ils sont naturellement bienveillants à l’égard de leur enfant puisqu’ils veulent son bonheur. Avec le flou des notions de « meilleur enfant » ou « meilleure vie », on voit combien il apparaît difficile de cerner rigoureusement ce qu’il faut entendre par visée thérapeutique. Il n’est pas surprenant que des chercheurs en aient une conception explicitement extensive. Dans le Wall Street Journal, George Church [14] déclarait le 10 avril 2016 à propos de l’édition du génome germinal : « Nous pourrons nous focaliser initialement sur les maladies génétiques actuellement incurables, à l’issue mortelle pour les nouveau-nés. Si ces thérapies sont sûres et efficaces, alors nous pourrons les utiliser à d’autres fins pour d’autres traits. »

7Certains scientifiques estiment néanmoins que le scénario de bébés sur mesure est peu réaliste et suscite des craintes infondées. C’est l’avis de Steven Pinker (2015), pourtant chaud partisan d’une application à l’homme des techniques d’édition germinale, pour qui il est très improbable que des parents exigent un jour telle ou telle modification du génome de leur enfant à naître afin d’obtenir un trait psychologique ou cognitif donné : la vision déterministe simple sur laquelle reposerait cette demande ne correspond en rien au fonctionnement réel du génome. Pour Pinker, les traits psychologiques sont le produit de l’influence conjuguée de centaines ou de milliers de gènes dont les effets interagissent de manière très complexe [15]. Rien n’indique cependant que cette position scientifique, dont les arguments sont d’ailleurs strictement génétiques, soit largement partagée en particulier par des parents qui adhéreraient eux-mêmes à une vision du « tout génétique » qui reste très ancrée dans la société, notamment dans certaines associations de patients [16], dans le commerce des gamètes (Déchaux, 2017a) ou celui, florissant, des tests génétiques (Déchaux, 2017b) [17].

8Il y a dix ans, interrogé sur le scénario des bébés sur mesure, le philosophe Leon Kass, par ailleurs considéré comme un conservateur en matière de bio-éthique et réservé à l’égard des nouvelles techniques de reproduction, n’y voyait qu’une revendication transhumaniste sans réel écho dans la société américaine. Force est de constater que ce qui à ses yeux n’était que « propos sensationnalistes de quelques cercles intellectuels » (Kass, 2005) a pris une tout autre ampleur une décennie plus tard. Les sociétés sont entrées dans une nouvelle phase de la sélection reproductive laquelle est désormais possible avant la naissance (voire avant la conception) et non simplement après comme cela a toujours existé dans l’histoire. Dans The end of sex and the future of human reproduction, le juriste Hank Greely (2016) imagine un scénario d’embryons sur catalogue qui pourrait se réaliser d’ici peu. Les couples désirant avoir un enfant pourront créer une centaine d’embryons et faire leur choix à partir des dossiers ADN de chacun d’eux. Le souci de repérer les mutations associées à des maladies génétiques sera central ; mais pourra s’y ajouter une analyse de la complexion génétique susceptible d’agir sur les traits physiques – couleur des yeux, des cheveux, taille, poids, etc. – et psychologiques – goût pour la musique ou le sport, quotient intellectuel (QI), etc. – de l’enfant. Selon Jacques Testart, quand la production d’ovules sera réalisable in vitro à partir de cellules somatiques, elle pourra se faire à grande échelle et plus rien ne s’opposera alors à la sélection rationalisée du meilleur d’entre eux – « le mieux-disant moléculaire » (Testart, 2014 : p. 142) – en se fondant sur l’analyse de son génome.

9Les techniques d’édition du génome comme CRISPR-Cas9 ne sont pas seules en cause. C’est plus largement l’ingénierie génétique et notamment la génomique procréative qui sont en train de modifier profondément les modalités de la reproduction humaine. Parmi l’ensemble des nouveaux outils qui seront bientôt à la disposition des parents, les sociétés devront sans doute faire des choix [18]. Si certains – comme Harris ou Pinker – sont partisans de l’édition du génome germinal, d’autres estiment qu’il est préférable de laisser faire le jeu des recombinaisons génétiques aléatoires et des hasards de la fécondation, le mieux étant de multiplier les ovules disponibles entre lesquels choisir. Bref, il existe d’un côté le calibrage génomique de l’embryon – ou, plus en amont, celui des gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) – avec les techniques d’édition du génome et, de l’autre, la sélection du meilleur embryon avec la généralisation du DPI éventuellement complétée par l’ovogenèse in vitro[19] lorsqu’elle sera au point. Un autre clivage oppose les partisans du dépistage prénatal au moyen des tests DPNI à ceux qui misent sur l’édition du génome germinal. Le dépistage débouche sur un choix binaire (avorter ou accoucher) alors que l’édition du génome germinal et, dans une moindre mesure, le DPI associé à l’ovogenèse in vitro s’approchent davantage du scénario d’un nouveau-né sur mesure, au génotype corrigé ou choisi (à partir d’une large gamme d’ovules). On passerait alors d’un souci d’« éliminer le pire » à celui de « choisir le meilleur » (Testart, 2015).

10Pour l’heure, l’opinion publique est encore assez réservée à l’égard d’une utilisation sur l’embryon des techniques d’édition du génome à des fins de procréation, du moins aux États-Unis où des enquêtes d’opinion sont conduites sur ce sujet depuis une vingtaine d’années (Blendon, Gorski et Benson, 2016). Très majoritairement – entre 87 % et 65 % selon les enquêtes – le public approuve l’éventuelle modification du génome des cellules somatiques quand l’éditothérapie – la thérapie génique par édition du génome – intervient sur des enfants ou des adultes atteints de maladies génétiques à l’issue létale, mais réprouve son utilisation pour le génome germinal (qui affecte le futur enfant et l’ensemble de la descendance) : la proportion décroît fortement lorsqu’il s’agit de modifier le génome avant la naissance (entre 49 % et 26 %) et plus encore lorsque cette modification est opérée en vue de changer l’apparence, les traits physiques ou d’améliorer l’intelligence de l’enfant à naître (entre 28 % et 8 %). Ces opinions correspondent dans l’ensemble à celles qui prévalent dans le milieu scientifique international qui, à plusieurs reprises en 2015 et 2016 [20], s’est déclaré favorable à l’éditothérapie lorsqu’elle intervient sur le génome somatique, mais défavorable lorsqu’elle porte sur le génome germinal (Déchaux, 2017c). Toutefois, sur ce sujet pour lequel les deux tiers des personnes reconnaissent être très peu informés ou ignorants, les avis exprimés sont très liés au niveau d’information : plus les individus se disent informés, plus ils se prononcent en faveur de l’édition germinale sans toutefois devenir majoritaires (STAT-Harvard, 2016 [21]). On constate aussi que les réponses aux questions posées sont fonction de la façon dont elles sont formulées, les formulations les plus concrètes et imagées – par exemple « changer les gènes des bébés pas encore nés » – obtenant plus de réponses défavorables. Sur un sujet aussi complexe, d’un abord difficile et constamment évolutif, les opinions sont encore peu fixées et pourraient changer dans un proche avenir. L’actuelle hostilité à l’éditothérapie germinale ne signifie pas que le scénario du bébé sur mesure soit radicalement exclu, d’autant que les prises de position publiques favorables se diffusent dans l’espace public, débordant la seule question de l’édition du génome pour traiter plus généralement de la naissance sous l’angle de la liberté et des responsabilités procréatives des parents.

L’eugénisme, nouvelle version

11Dans l’espace public davantage que dans le milieu professionnel, aux États-Unis et au Royaume-Uni surtout, les prises de position sur l’édition du génome germinal représentent la face émergée d’un courant intellectuel désormais bien installé qui se réclame de l’eugénisme, voire du human enhancement, c’est-à-dire de l’augmentation (ou amélioration) humaine. Le débat très technique en apparence sur CRISPR-Cas9 marque ainsi le retour de la thématique de l’eugénisme, conçu comme « sélection consciente et volontaire » de la reproduction en vue d’améliorer le patrimoine génétique de l’humanité (Taguieff, 1991, p. 24), sous une forme toutefois inédite correspondant au scénario futuriste imaginé dès la fin des années 1970 par Thomas C. Schelling : non plus un programme social et politique impulsé par l’État visant à « choisir les parents de nos enfants » mais « le choix par chacun des gènes de ses propres enfants » (Schelling, 1980 [1978], p. 191). Cet eugénisme du libre choix, techniquement assisté, est très lié au développement de la génomique et à l’ampleur des enjeux financiers en matière de thérapie génique dans le secteur en pleine croissance des biotechnologies. Si cette façon de réhabiliter l’eugénisme comme une affaire de libre choix parental n’a pas attendu l’invention de CRISPR-Cas9 en 2012, les discussions récentes sur l’édition du génome germinal lui ont donné un large écho. Avec elles, le nouvel eugénisme accède à une autre dimension et n’est plus une doctrine n’intéressant que quelques intellectuels.

12Depuis vingt ans, le philosophe Nicholas Agar (1998) défend l’idée d’un « eugénisme libéral » qui, se réclamant de la vision d’un État axiologiquement neutre et s’appuyant sur les progrès de la génomique, confère aux parents le droit d’intervenir sur l’ADN de l’enfant à naître. Il voit dans cet eugénisme parental la marque de la démocratie, l’expression et l’extension d’une « liberté procréative » (reproductive freedom) qui, à condition que l’accès aux technologies de la reproduction soit garanti à tous, puisse fonctionner comme un outil d’égalité des chances et des capacités. D’abord parue sous la forme d’un article, cette thèse est développée dans un ouvrage Liberal Eugenics. In Defence of Human Enhancement qui sort en 2004. Entre-temps, dans deux livres publiés au début des années 2000, le biologiste Gregory Stock (2000 et 2002) – cofondateur en 2004 d’une start-up en biotechnologie, Signum Biosciences [22] – explique que le choix germinal est un scénario inéluctable, la suite logique des progrès continus de la médecine. Il se félicite que l’essor des biotechnologies de la reproduction s’opère dans une société qui privilégie les choix individuels : à chacun de décider de ce qui bénéficiera à sa descendance. Les meilleurs juges en ce domaine n’étant pas les pouvoirs publics mais les parents, ces derniers devraient avoir le droit de faire ce qui a un sens pour eux. Comme chez Agar, les parents, naturellement bienveillants à l’égard de leurs enfants, sauront donc prendre les bonnes décisions pour eux-mêmes. Dans cette optique, il faut autoriser le plus d’expérimentations possible dans la recherche en génomique, en faisant le pari, propre à toute démarche scientifique, que les erreurs qui pourraient survenir seront corrigées par la suite.

13Au cours de la seconde moitié des années 2000, John Harris et Julian Savulescu au Royaume-Uni, Ronald M. Green aux États-Unis complètent le tableau des partisans de l’eugénisme libéral. Dans Enhancing Evolution. The Ethical Case for Making Better People, publié en 2007, presque dix ans avant d’intervenir publiquement dans le débat sur CRISPR-Cas9, Harris défend l’amélioration humaine qu’il considère comme un devoir moral pour rendre le monde meilleur. Le propos dépasse la seule question des modifications ciblées du génome, mais deux chapitres sur onze traitent spécifiquement de la sélection reproductive. L’idée centrale, d’inspiration eugéniste, est celle d’une opposition entre l’aléa, le caractère aveugle de la sélection naturelle, et le contrôle rationnel de la sélection, baptisé enhancing evolution. La sélection reproductive que les avancées de la génomique rendent possible n’est qu’un élément d’un plan plus général visant à remplacer la sélection naturelle par la « sélection délibérée » en permettant à chacun d’agir sur son génotype ou celui de ses enfants selon ses propres valeurs. La même année, Ronald M. Green aborde cette question du « design parental » sous un angle éthique dans Babies by Design. The Ethics of Genetic Choice. Présentant sa position comme une voie intermédiaire, à mi-chemin entre celle des adversaires des manipulations génétiques à des fins reproductives [23] et celle de Harris, Green juge qu’il est temps de réfléchir aux moyens de rendre sûres et routinières les techniques de correction ciblée du génome germinal. Il récuse l’hypothèse d’une distinction tranchée entre usage thérapeutique et usage mélioratif, et considère que l’enjeu clé est que la sélection reproductive devienne un moyen d’égaliser les chances, c’est-à-dire les dotations génétiques de départ, à la naissance. Se déclarant contre une régulation étatique, il estime que les individus sont les plus à même de décider pour eux-mêmes. Sur le fond, sa thèse est très proche de celle d’Agar et rejoint sur plusieurs points – la confiance à l’égard de l’ingénierie génétique, le principe de la bienveillance parentale, l’hostilité envers toute idée de régulation centralisée – les positions de Stock et Harris.

14Plus discret sur la scène publique, Julian Savulescu est un philosophe très influent dans le milieu académique sur les questions de sélection reproductive. Professeur d’éthique à Oxford où il dirige un centre de recherche en éthique médicale, il est aussi depuis 2011 – succédant à Harris – le rédacteur en chef du Journal of Medical Ethics, l’une des revues les plus lues en bio-éthique. Au début des années 2000, dans un article qui a fait date et sera ultérieurement très souvent cité par ceux qui défendent l’eugénisme libéral, il introduit la notion de « bienfaisance procréative » (procreative beneficence) (Savulescu, 2001) selon laquelle les parents ont l’obligation morale de sélectionner les meilleurs gènes pour leur enfant en vue de lui offrir, sur la base des informations à leur disposition, la meilleure vie possible. Il juge que la sélection des embryons par DPI est préférable à l’avortement en raison de son moindre « coût psychologique ». Près de quinze plus tard, dans un contexte qui a changé avec l’invention de CRISPR-Cas9, il signe en collaboration avec trois collègues de son centre de recherche un plaidoyer éthique en faveur de l’utilisation des techniques d’édition du génome germinal [24] : un outil comme CRISPR-Cas9 est moralement préférable à la sélection d’embryons par DPI puisque, lorsqu’il sera appliqué à la reproduction humaine, il détruira beaucoup moins d’embryons que la technique FIV-DPI et sera plus efficace sur le plan médical, car non conditionné par les caractéristiques génétiques des parents du fait de la possibilité d’insérer des séquences d’ADN. S’opposant au scénario, proposé par certaines instances professionnelles, d’un moratoire des recherches appliquant CRISPR-Cas9 au génome germinal humain (Déchaux, 2017c), les auteurs soutiennent que « la recherche en édition génomique [appliquée aux embryons humains] n’est pas une option mais une nécessité morale » (Savulescu et al., 2015, p. 476).

15Ce bref panorama montre qu’existe et se développe depuis une vingtaine d’années aux États-Unis et au Royaume-Uni, deux pays leaders (avec la Chine) dans la recherche génétique, un courant intellectuel prônant un eugénisme du libre choix qui voit en l’édition du génome germinal un instrument décisif permettant à la fois d’éradiquer des affections génétiques incurables et d’améliorer les capacités humaines. La thèse, qui évolue sans réelle solution de continuité de la visée thérapeutique (éliminer les mutations génétiques à l’origine de maladies graves) à l’amélioration humaine (configurer l’ADN afin d’agir sur les capacités humaines), se situe sur un double plan éthique et politique, et porte en germe une nouvelle vision de la filiation.

Ce qui est neuf et ce qui l’est moins

16Cet eugénisme du libre choix s’oppose à l’eugénisme traditionnel sur plusieurs points. D’abord, il ne recommande pas un contrôle étatique autoritaire qui conduirait à écarter du droit de procréer (en recourant à la stérilisation forcée) un certain nombre de personnes jugées « tarées », « dégénérées » ou « faibles d’esprit » [25]. Au contraire, il revendique clairement une orientation libérale, hostile à tout autoritarisme ou paternalisme étatique et plaidant pour un État minimum, axiologiquement neutre par rapport à la pluralité des conceptions du bien caractérisant la société. Le principe clé est la liberté de choix en tant qu’elle appartient aux individus. L’État n’a pas à imposer ses préférences en matière de reproduction humaine. Les décisions à prendre concernant la procréation ne regardent que les parents ; elles sont fonction des valeurs qui sont les leurs et peuvent évidemment différer selon les conditions sociales et les situations familiales. Le rôle de l’État est simplement de rendre possible l’exercice de cette liberté de choix, qu’Agar nomme « liberté procréative ». À cet égard, la possibilité de corriger le génome de l’enfant à naître apparaît, ni plus ni moins, comme l’extension d’une liberté déjà offerte par la contraception : celle d’avoir ou non des enfants, de décider du moment de leur naissance.

17Une deuxième caractéristique du nouvel eugénisme réside dans son orientation et son assise technologiques. Ses instruments sont des techniques de sélection reproductive que les progrès continus de la génétique et de la biotechnologie perfectionnent et transforment peu à peu en techniques de remodelage génétique. La coïncidence entre cette révolution génomique et l’irruption, puis la diffusion d’un eugénisme du libre choix n’a rien d’un hasard. Cet eugénisme technophile se présente comme une médecine préventive en mesure de lutter efficacement contre un large spectre de maladies génétiques. L’argument thérapeutique, systématiquement mis en avant comme on l’a vu, justifie qu’il faille déplacer toujours plus en amont le moment où la sélection reproductive doit s’exercer : non plus choisir entre différents embryons (avec la technique du DPI), mais sélectionner pour un même embryon une configuration génomique donnée. À cette visée thérapeutique s’adjoint et tend à se confondre une intention, tout à fait assumée dans certains écrits [26], d’amélioration des capacités humaines. La correction ciblée du génome permettra d’éliminer certaines maladies mortelles ou handicapantes et, ce faisant, rendra l’individu plus résistant, augmentera son espérance de vie, ouvrant ainsi, étape par étape et insensiblement, la possibilité d’agir sur son apparence phénotypique. Si l’objectif visé reste bien de contrôler la reproduction en vue d’améliorer le patrimoine génétique, cela ne prend plus la forme d’une politique publique et d’une vision idéologique déterminée de l’amélioration de l’espèce humaine, mais celle d’une assistance biotechnologique à la procréation censée répondre aux désirs des parents (Comfort, 2015). Le dispositif technique substitue à une régulation par le haut, c’est-à-dire par l’État, une régulation par le bas, c’est-à-dire par la demande parentale (Kevles, 2015), et a pour effet en partant de celle-ci, acceptée dans sa diversité en vertu du principe de la pluralité des conceptions du bien, d’effacer la distinction entre thérapeutique et amélioration humaine [27].

18Le nouvel eugénisme acquiert aussi une dimension marchande, voire mercantile, en raison de son étroite association avec l’industrie biomédicale. L’ampleur des enjeux financiers sur la question de l’édition du génome et des thérapies géniques germinales explique en partie l’accélération du rythme des innovations et les expérimentations « sauvages », menées ces dernières années en dehors de tout protocole éthique ou légal établi par la communauté des chercheurs, en matière d’application humaine des techniques d’édition du génome [28]. Cette grande proximité avec l’univers des intérêts économiques (biotechnologies et pharmacie) a son équivalent du côté de la demande. L’eugénisme du libre choix est porté par une culture de la consommation qui gagne progressivement la médecine et en particulier les services d’assistance à la procréation. Le boom du commerce en ligne des tests génétiques (Déchaux, 2017b), l’apparition d’un marché globalisé des gamètes et des cliniques de fertilité, le développement à l’échelle internationale des services de gestation pour autrui et son organisation industrielle dans certains pays à faible revenu, le rôle clé qu’assure internet dans ces transactions délocalisées sont les signes d’une profonde transformation des attitudes et d’un processus de « marchandisation » (commodification) de la naissance (Inhorn et Gürtin, 2011). En mettant en avant les préférences parentales, en les acceptant comme telles sans les juger, en se tournant vers la demande privée plutôt que vers le bien public, en utilisant un langage pragmatique qui parle de coûts/avantages – combien de vies humaines gagnées, d’années à vivre en plus, de risques réduits d’avoir telle ou telle maladie ? – le nouvel eugénisme est en phase avec l’essor du « biocapitalisme » (Rajan, 2006) qui, par le concours des biotechnologies et de la génomique, transforme peu à peu le corps humain en un nouveau marché globalisé [29]. Il s’agit en somme d’un eugénisme de consommation, un free market eugenics pour reprendre l’expression de Michael J. Sandel (2016 [2007]).

19L’ancrage libéral, parfois libertarien, de cet eugénisme est patent sur un plan épistémologique. Autonomie, liberté individuelle, utilitarisme, conséquentialisme et sens commun sont ses concepts clés. La notion d’autonomie de la personne est jugée plus pertinente que celle, supposée fumeuse et métaphysique, de dignité. Seules comptent, comme dans le raisonnement économique standard, les préférences individuelles, les choix en matière de procréation étant censés s’apprécier par leurs conséquences attendues et s’ordonner selon un ratio coûts/avantages. Harris, Pinker et Savulescu recourent volontiers à des calculs sommaires en termes de vies gagnées grâce aux modifications ciblées du génome germinal pour convaincre le lecteur de l’intérêt à s’engager dans cette voie – l’intérêt de l’individu X ou Y et aussi celui de l’humanité dans son ensemble, de son évolution – et de l’inanité des objections morales. Cet intérêt aurait pour lui la force de l’évidence (exprimée par un calcul vies gagnées/vies perdues, bonheur/souffrance) ancrée dans un sens commun que perdent de vue des objections éthiques oiseuses, déconnectées des réalités vécues de la mort, du handicap, de la souffrance. On comprend qu’un tel propos puisse être favorablement perçu par certaines associations de patients qui réclament la mise en œuvre dès que possible de l’éditothérapie. Un autre aspect du renvoi au sens commun concerne le déterminisme génétique. Le scénario du designer baby repose sur l’idée que l’individu est le produit de son code ADN, ce que conteste aujourd’hui tout généticien sérieux (Jordan, 2000 ; Perbal, 2011). Même l’idée de procéder à des modifications ciblées du génome dans le but d’éliminer telle ou telle pathologie ou de corriger le phénotype physique de l’individu néglige le fait que les gènes sont redondants, que leurs fonctions sont encore mal connues, que la majeure partie de l’ADN est non codant et joue pourtant un rôle, qui reste à préciser, dans la régulation du génome et enfin que l’environnement [30] exerce un effet décisif dans la manière dont se configure la carte génétique d’un individu : autant d’éléments qui conduisent à récuser le déterminisme génétique.

20Il est un point sur lequel le nouvel eugénisme pourrait toutefois ressembler à l’ancien : ses résultats risquent d’être identiques à ceux de l’eugénisme traditionnel. Robert Sparrow (2011) relève une contradiction dans les écrits de Harris et Savulescu entre une veine individualiste libertarienne, qui met en avant l’autonomie individuelle et la liberté de choisir, et un raisonnement conséquentialiste en vertu duquel l’individu retient les options qui lui procurent, dans leurs effets attendus, la plus grande quantité de bonheur. Or le bonheur attendu s’apprécie au regard des normes et conventions sociales qui valorisent telle ou telle propriété individuelle (la couleur de la peau, la taille, un tempérament combatif ou au contraire empathique, etc.) dans une population donnée. Puisque les parents sont présumés bienveillants à l’égard de leurs enfants, pourquoi retiendraient-ils des traits phénotypiques qui ne seraient pas valorisés dans leur groupe social ? Il est donc probable qu’un marché de la correction ciblée du génome régulé par la demande produirait des résultats aussi uniformes qu’une politique coercitive en la matière. En outre, l’eugénisme du libre choix offre une belle illustration de ce que Schelling (1980 [1978]) appelle la « tyrannie des petites décisions ». En effet, si tous les parents choisissent ce qu’ils préfèrent individuellement, leur situation (plus exactement celle de leurs enfants) se dégradera. Par exemple, le choix d’une grande taille cesse d’être un avantage si tout le monde fait de même et si la taille moyenne du groupe social augmente. Par conséquent, dans un système non organisé, c’est-à-dire uniquement régulé par la demande, rien ne garantit qu’une somme de décisions individuelles équivaille à un avantage collectif. La correction de ce type d’effet pervers pourrait au contraire conduire, fort classiquement, à l’adoption de mesures coercitives destinées à les éviter en imposant un profil génétique déterminé. La négligence par le nouvel eugénisme des jeux d’échelle micro/macro et de la dynamique d’agrégation des choix parentaux risquerait ainsi de précipiter sa mue en un eugénisme autoritaire soucieux d’utilité sociale et de bien-être collectif que le libre jeu des préférences individuelles mettrait en péril.

Design parental et devenir de la parenté

21Dans l’hypothèse d’une généralisation du design parental par un recours aux modifications ciblées du génome germinal, le rapport à la filiation s’en trouverait modifié. Façonner ou au minimum corriger le génome de l’enfant à naître avant même sa venue au monde transforme profondément la perception de la procréation et de l’enfant. Un processus biologique marqué par la contingence, l’imprévisibilité et le mystère de ce qui est « donné » par l’agencement aléatoire des génotypes parentaux fait place à une logique de fabrication, de modelage pour laquelle il s’agit d’obtenir un enfant « sur mesure », conforme aux désirs et à l’idéal que les parents nourrissent à son égard (Sandel, 2016 [2007]). Le choix, la maîtrise et la programmation se substituent à la loterie génétique qui impose d’accepter l’enfant tel qu’il est, d’une manière, par principe, inconditionnelle (ibid. ; Pelluchon, 2014). La sollicitude parentale peut être dite inconditionnelle à partir du moment où elle ne dépend pas des talents ou des attributs que possède l’enfant. Elle cesse de l’être si elle est déterminée ou fonction d’un profil phénotypique donné, celui que les parents ont préalablement choisi pour leur enfant.

22La logique du design parental est caractérisée par l’instrumentation, l’asymétrie entre les parties et l’impossibilité du consentement. Si ce qu’est l’enfant – ou plutôt ce que les parents designers dans leur vision du « tout génétique » croient qu’il sera [31] – est conditionné par des décisions parentales qui sont prises avant même sa venue au monde, cela signifie que l’enfant est assimilable à un produit conçu selon un plan d’ingénierie pour lequel la qualité du produit s’apprécie selon sa conformité au plan de fabrication. L’ingénierie génomique rend possible un « contrôle qualité de la procréation » (Testart, 2015). En outre, entre parents et enfant, l’asymétrie est totale : d’un côté, les parents modèlent l’enfant à naître en configurant son génome en fonction de leurs désirs ; de l’autre, l’enfant perd son indétermination initiale qui est au fondement de sa liberté d’être humain (Habermas, 2001 [2002], p. 89). Cette forme de dépendance radicale annule la réciprocité de principe qui existe entre égaux de naissance et qui fait que la dépendance initiale réelle qui s’établit dans toute relation de filiation entre parents et enfants n’est pas irréversible. Au contraire, l’enfant génétiquement calibré par ses parents est à jamais dépendant du plan de fabrication de ses derniers sans qu’il ait pu consentir aux décisions prises par ses parents concepteurs. En conséquence, il ne peut pleinement s’appartenir : sa naissance n’est plus un « donné » mais un produit [32], elle ne symbolise plus ce « nouveau commencement » – la venue au monde – dans lequel s’ancrent la liberté et la responsabilité morale d’un être humain. La frontière entre personne humaine et chose produite, naissance et fabrication tend ainsi à s’effacer. La filiation entre dans le monde des choses fabriquées, de l’ingénierie et quitte celui des relations humaines qui se nouent entre deux êtres libres et autonomes, même si l’un est né de l’autre.

23L’impossibilité du consentement qui découle du fait que les décisions de correction génomique sont prises avant même la naissance de l’enfant pourrait conduire ce dernier à demander des comptes à ceux qui ont calibré son génotype, c’est-à-dire à ses parents. S’il estime que son génotype crée pour lui des conséquences non désirées, voire préjudiciables, il serait en droit de se retourner contre ses parents pour « malfaçon ». Imaginons un enfant mâle génétiquement programmé pour devenir grand et athlétique, mais qui aurait désiré se consacrer à la musique plutôt qu’aux activités sportives pour lesquelles il est phénotypiquement pourvu. Il pourrait rendre ses parents responsables de son préjudice en les accusant de l’avoir calibré pour faire du sport plutôt que de la musique sans qu’il ait eu son mot à dire sur un sujet qui le concerne au premier chef. La logique de design parental conduit à repenser la filiation sur un mode industriel et contractuel par analogie avec la transaction qui s’établit entre un fabricant et un consommateur à ceci près que l’objet produit et le consommateur ne font qu’un. Elle marque un glissement de l’inconditionnalité à la conditionnalité de part et d’autre du rapport de filiation : le fait, chronologiquement et logiquement premier, de pouvoir choisir son enfant, décider ce que sera sa vie, à partir de son génotype ; le fait, découlant de la conditionnalité précédente, de pouvoir « répudier » ses parents pour wrongful life (vie préjudiciable) [33] à partir du moment où la programmation parentale ne correspond pas aux aspirations de l’enfant pour lui-même. Si cette contractualisation est par nature imparfaite du fait de l’asymétrie entre les parties, il n’en reste pas moins qu’une logique contractuelle (et la possibilité corrélative d’un contentieux) est introduite dans un lien de parenté qui relevait jusqu’alors, dans les croyances populaires comme dans les dispositions juridiques, du don et de la dette, c’est-à-dire d’un autre cadre de pensée.

24En admettant que la sélection des traits génétiques devienne une obligation morale des parents, position de certains partisans de l’eugénisme libéral (Harris, Savulescu), on peut imaginer que ne pas y recourir puisse être perçu comme une faute. Dans ce cas, l’enfant qui n’aurait pas été génétiquement programmé pourrait alors accuser ses parents d’être les auteurs d’un préjudice par « imprévoyance » s’il estime que sa vie aurait pu être meilleure que ce qu’elle est du fait de l’aléa génétique. C’est dire l’ampleur du bouleversement symbolique que la banalisation des modifications ciblées du génome germinal pourrait entraîner. Les croyances relatives à ce qui fait parenté, la teneur du lien de filiation entre parent et enfant, les attentes, droits et devoirs des protagonistes, bref cet ensemble de croyances, normes et valeurs transformerait la parenté et la ferait entrer dans l’univers des choses fabriquées, un univers pour lequel les notions de don, dette, réciprocité, liberté deviendraient incompréhensibles et désuètes. Le rapport au temps en serait radicalement transformé. En important au sein de la parenté le temps linéaire et homogène de l’industrie (un produit fabriqué conformément à un plan visant à réduire toute contingence, toute incertitude) qui fait, au moins sur le plan imaginaire, de l’enfant la réplique d’un profil déterminé, que reste-t-il du temps si particulier de la filiation par laquelle la génération des adultes assume la responsabilité du monde et son propre remplacement ?

25Une dernière source de préoccupation concerne la justice et les inégalités. Le recours aux nouvelles technologies de sélection reproductive génétiquement assistée aura évidemment un coût économique comme c’est aujourd’hui le cas avec la procréation médicalement assistée, a fortiori s’il se déroule dans le contexte globalisé d’un marché biomédical dérégulé ou faiblement régulé. Comment éviter que ne se crée un clivage entre les parents qui auront les moyens de calibrer génétiquement leur enfant et les autres qui devront s’en remettre aux aléas de la nature ? Irons-nous vers une société bipolarisée, les gen-rich d’un côté, les naturals de l’autre (Baylis, 2016) ? Plus généralement, dans la mesure où l’intervention sur le génome de l’enfant à naître entend assurer les conditions d’une « vie normale », voire créer les conditions d’une « vie meilleure », le risque est que la définition du normal ou du meilleur revienne à reproduire des inégalités et des hiérarchies existantes ordonnées selon le critère, apprécié par chacun, de ce qui vaut la peine d’être vécu, lequel fonctionnerait comme une sorte de « tamis génétique » (Testart, 2015). Par exemple, le sort des personnes handicapées et des familles qui en ont la charge pourrait se détériorer dans une société qui aurait décidé, de manière insensible par agrégation de décisions individuelles, qu’une vie avec un handicap physique ou mental ne vaut pas la peine d’être vécue. Comme le souligne Ruha Benjamin (2016), au centre des défis posés par la procréation génétiquement assistée réside un problème de justice distributive et d’équité qui interroge la parenté, la société, la vie humaine et oblige à traiter par des voies délibératives la question : qu’est-ce qu’une vie normale ?

Conclusion : un enjeu anthropologique et politique

26L’essor de la génomique procréative et en particulier l’option bientôt offerte aux parents d’intervenir sur le génome au stade de l’embryon en procédant à des modifications ciblées du génotype de l’enfant à naître est une question qui déborde largement les domaines de la génétique, de la médecine préventive et de la manipulation du vivant auxquelles elle est associée dans les discussions publiques. Elle touche à des enjeux fondamentaux qui sont de nature anthropologique et ce pour deux raisons.

27D’abord, elle redéfinit les rapports de parenté dans les représentations et les normes pratiques qui les régissent en assimilant le lien de filiation à une relation de fabrication industrielle qui assujettit l’enfant aux désirs de ses parents et substitue à une régulation par la dette et la réciprocité [34] une logique contractuelle. Certes, les principes de parenté, propres à l’espace euraméricain, de la bilatéralité exclusive et du biocentrisme – selon lesquels l’enfant est doté de deux parents de sexe différent supposés être ses géniteurs (Déchaux, 2016) – ne sont pas directement en cause avec le scénario de la modification ciblée du génome lequel a pour effet, tant que la fabrication de génomes artificiels n’est pas encore au point, de conforter une vision biologique (génétique en l’occurrence) de la procréation et de la parenté. En revanche, les schèmes de pensée sur lesquels s’organisent les rapports entre générations ont toute les chances d’être bouleversés. Or il s’agit de schèmes très profondément ancrés, moins sujets à variations historiques que les principes susmentionnés qui diffèrent selon les époques, les cultures et donnent lieu à différents systèmes de parenté répertoriés par les anthropologues. Ils renvoient aux catégories élémentaires – le don, la dette, la réciprocité, l’inconditionnalité – entendues non comme des réalités factuelles mais comme des principes ontologiques et normatifs qui permettent de penser la parenté des hommes dans ce qu’elle a de spécifique. À partir de ces notions, la société humaine définit son assise anthropologique, rien moins que son rapport au temps, à la transmission, à la vie et à la mort : la vie est donnée ; elle s’accepte de manière inconditionnelle ; elle se transmet en liant les générations par la dette et la réciprocité sur la base d’une conception du temps qui fait une place à l’imprévisible et au contingent.

28Anthropologique s’entend aussi dans un autre sens qui concerne la définition de l’être humain comme être libre et doté d’une dignité qui lui est propre. L’homme expérimente sa liberté en référence à quelque chose qui n’est pas à sa disposition. La vie lui échoit dans un rapport radicalement contingent à la naissance et à son équipement biologique, ce que le scénario du design biogénétique de l’enfant par ses parents infirme de la manière la plus nette qui soit (Sandel, 2016 [2007] ; Pelluchon, 2014). C’est cette indétermination première, aucun homme n’étant au sens strict le produit d’un autre, qui fonde la liberté et la responsabilité humaines, ce que Habermas (2002 [2001]) appelle la « conscience d’autonomie » sans laquelle il n’y a pas de compréhension morale de soi et des autres. Elle permet de penser à la fois l’unicité et l’altérité, chaque individu étant conçu comme un être unique conformé par le hasard de sa conception et relié aux autres par une « morale de l’égal respect » (ibid., p. 138). C’est sur cette double base qu’il est possible de concevoir la « dignité » de ce qu’est l’humain (laquelle n’est ni un vain mot ni réductible à l’autonomie de la volonté personnelle) et le caractère inconditionnel de l’accueil d’une vie nouvelle quelle qu’en soit la configuration génétique. La naissance marque ce par quoi quelque chose de nouveau advient, un point de départ à partir duquel la conscience d’être l’auteur de ses actions et de sa biographie est possible [35]. Dès lors qu’on admet qu’un être humain puisse être programmé et fabriqué par un autre, ces principes sont niés et, corollairement, la liberté et la dignité de l’homme sont menacées.

29Derrière le scénario de l’édition du génome germinal se profilent donc des questions d’une extrême importance pour toute société humaine. Dans la mesure où elles concernent quiconque dans son rapport à la naissance, à la liberté, à la mort, il est crucial qu’elles soient largement débattues dans l’espace public plutôt que négligées sous prétexte de leur technicité et abandonnées au libre jeu du marché et de la compétition scientifique. Anthropologique par la nature des questions posées, l’enjeu est aussi politique car c’est le pouvoir des sociétés sur elles-mêmes qui est par là même interrogé (Darnovsky, 2015). Comme l’explique Sheila Jasanoff (2013), les frontières de la technologie – ici celles qui ont trait à la procréation – sont politiques. Sans véritable délibération et sans contrôle démocratique effectif, les stratégies industrielles et savantes des mondes de la biotechnologie et de la génétique ont toute chance de créer des seuils irréversibles sur la voie d’un eugénisme du libre choix promu à des fins médicales, puis mélioratives, fondé sur une vision mercantile, individualiste et utilitariste du lien de parenté et, par extension, du lien social.

Notes

  • [1]
    En France, l’expression officielle reprise dans les lois bio-éthiques est « assistance médicale à la procréation » (AMP).
  • [2]
    Par procréatique, on entend l’ensemble des techniques de procréation artificielle.
  • [3]
    Les recherches sur l’édition du génome ont connu une remarquable accélération à partir du début des années 2000 : l’invention des « ciseaux moléculaires » connus sous le nom de CRISPR-Cas9 (cf. note 5) date de 2012.
  • [4]
    Avec l’évolution très rapide des techniques et des moyens de calcul informatique, on parle même de séquençage « à très haut débit » permettant de déchiffrer et d’interpréter des masses considérables de données biogénétiques.
  • [5]
    CRISPR-Cas9, mis au point en 2012, fonctionne comme des « ciseaux moléculaires » pour enlever, rajouter, substituer ou réparer une séquence d’ADN donnée (Tremblay, 2015).
  • [6]
    On parle d’embryon pour les deux premiers mois de la grossesse. Les modifications du génome germinal ne concernent que l’embryon très précoce lorsqu’il n’est composé que de cellules souches : ce stade qui précède celui de morula couvre les quatre premiers jours après la fécondation.
  • [7]
    L’article L2131 du Code de la santé publique n’autorise le DPI que lorsque « le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. »
  • [8]
    Cf. le manifeste des 130 médecins publié dans Le Monde du 17 mars 2016 et repris dans le livre de René Frydman (2017) demandant, entre autres dispositions, à élargir le champ d’application du DPI à diverses anomalies chromosomiques ou métaboliques. Une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale le 16 novembre 2016 visant à autoriser le DPI en cas de « risque d’une particulière gravité du développement embryonnaire ».
  • [9]
    Soit le délai légal au cours duquel, en France, une interruption volontaire de grossesse (IVG) est possible.
  • [10]
    Une maladie monogénique est causée par la mutation d’un seul gène.
  • [11]
    Le génotype est le profil génétique d’un individu. Le phénotype est l’ensemble de ses caractères observables. Selon la génétique, le premier ne détermine qu’en partie le second car l’environnement (cellulaire, organique, socioculturel) exerce aussi une forte influence et que les effets d’interaction sont nombreux et complexes (Perbal, 2011).
  • [12]
    Cf. Statnews.com, 17 novembre 2015 : « Experts debate : are we playing with fire when we edit human gene ? ».
  • [13]
    Est porteur homozygote (par opposition à hétérozygote) d’une mutation un individu qui porte deux fois la même mutation héritée de ses parents ce qui a pour effet d’augmenter le risque de maladie génétique.
  • [14]
    Church, professeur de génétique à Harvard, mène ses recherches sur l’édition du génome germinal au stade ultra-précoce des gamètes (spermatozoïdes et ovocytes).
  • [15]
    Pinker ne traite ici que de la relation entre génotype et phénotype. Aux éléments mentionnés s’ajoute l’interaction entre l’environnement extérieur (alimentation, exposition à la pollution, mode de vie, etc.) et le génome.
  • [16]
    Cf. l’association Genetic Alliance (geneticalliance.org) qui prône une meilleure intégration de la génétique à la médecine et noue aux États-Unis des partenariats avec des laboratoires de recherche et des entreprises de biotechnologie.
  • [17]
    Des tests génétiques en vente libre sur internet et certaines cliniques américaines comme celle du Dr Jeffrey Steinberg proposent déjà le choix du sexe et envisagent de proposer celui de la couleur des yeux pour lequel il existe une demande internationale (cf. le site de la clinique : fertility-docs.com).
  • [18]
    Cf. à ce sujet le débat entre Marcy Darnovsky et George Church dans le Wall Street Journal du 10 avril 2016.
  • [19]
    C’est-à-dire la production in vitro d’un grand nombre d’ovules.
  • [20]
    Cf. notamment les conclusions de la Conférence internationale de Washington (1er-3 décembre 2015) : nationalacademies.org.
  • [21]
  • [22]
    Signum Biosciences est spécialisé dans les thérapies géniques des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, etc.).
  • [23]
    Notamment Leon Kass et Michael J. Sandel, tous deux membres du President’s Council on Bioethics créé en 2001 par le président George W. Bush et dissous en 2009 par le président Barack Obama.
  • [24]
    L’article est paru dans Protein Cell, revue qui avait publié la même année le compte rendu de la première et très controversée expérience chinoise d’édition du génome sur des embryons humains.
  • [25]
    Objectifs que s’étaient donnés les politiques eugénistes au cours de la première moitié du xxe siècle dans plusieurs États des États-Unis, en Scandinavie et sous une forme extrême dans l’Allemagne nazie.
  • [26]
    En particulier ceux de Harris et de Stock.
  • [27]
    La distinction entre guérir et améliorer est d’autant plus difficile à tracer que l’on conçoit la santé de manière utilitariste comme un moyen de maximiser le bonheur (cf. les positions de Harris et Savulescu) plutôt que comme un état physique et mental.
  • [28]
    Cela concerne les premières expériences de transfert mitochondrial, dites « FIV à trois parents », effectuées en 2016 au Mexique et en Ukraine, ou les modifications ciblées du génome d’embryons humains réalisées ces deux dernières années en Chine et en Suède (Déchaux, 2017c).
  • [29]
    L’impact économique et marchand des innovations en génomique est abordé dans Déchaux (2017c).
  • [30]
    L’environnement naturel mais aussi social à travers le mode de vie, l’alimentation, voire la qualité des interactions sociales produit des effets sur l’épigénome, c’est-à-dire l’expression des gènes.
  • [31]
    Il faut distinguer la génétique comme science des croyances populaires qu’elle suscite ou ravive. Il existe parmi ces dernières une « mystique du gène », comparable à celle du « sang » naguère, qui assimile l’ADN à un programme qui révèle notre nature et prédit notre comportement.
  • [32]
    Toutefois, l’établissement de l’influence épigénétique de l’environnement pourrait conduire à relativiser dans la perception de la naissance le poids du hasard au profit du choix et de la responsabilité, si on pense par exemple au fait pour les parents d’avoir eu au cours de la grossesse un mode de vie ou une alimentation susceptible de produire des effets déterminés sur l’expression des gènes de l’enfant. Reste que cette influence n’est qu’un élément dans un réseau complexe de facteurs et n’efface pas la part de l’imprévu dans la régulation des processus génétiques.
  • [33]
    La notion de « vie préjudiciable », qui renvoie à l’idée d’un intérêt à naître, est très débattue en philosophie morale et en droit quant à la réalité du dommage. On se souvient de son irruption lors de l’affaire Perruche en 2000. Cf. Gosseries, 2011.
  • [34]
    Sachant que la dette et la réciprocité peuvent prendre des formes diverses (directe ou indirecte, restreinte ou généralisée) bien étudiées par l’anthropologie de la parenté.
  • [35]
    Sur ce point, Corinne Pelluchon (2009) précise que l’indétermination initiale est la condition de la liberté, du choix, de la responsabilité de la personne, donc de sa dignité.
Français

La recherche en génétique humaine progresse à grands pas et les innovations en ingénierie du génome se multiplient. Il est fort probable qu’elles modifieront radicalement les modalités de la reproduction humaine. L’idée que les parents puissent concevoir un enfant « sur mesure » à l’aide des nouveaux outils de la génomique est aujourd’hui une hypothèse crédible qui sera techniquement au point d’ici peu. L’article analyse les principaux arguments de ses partisans, l’émergence dans l’espace public d’une doctrine eugéniste du libre choix se réclamant du libéralisme et cherche à apprécier ce que pourraient être les effets sur la parenté d’une généralisation du calibrage génomique de l’enfant à naître.

Références bibliographiques

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Jean-Hugues Déchaux
Professeur de sociologie à l’université Lyon 2, membre du centre Max-Weber (UMR 5283), CNRS, université de Lyon.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/10/2017
https://doi.org/10.3917/rfas.173.0193
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