Introduction
1La réforme entreprise par le gouvernement britannique en 2012 a pour objectif d’assurer une meilleure assistance aux personnes en difficulté, dont les personnes souffrant d’un handicap. Un deuxième objectif, moins consensuel, tient à la volonté de faire des économies sur ces prestations. Ceci n’est pas sans inquiéter les personnes handicapées et leurs proches. En effet, les mesures prises impactent des prestations générales s’adressant aux personnes à faibles revenus, mais aussi des prestations spécifiques à celles qui ont des incapacités. Le risque est grand, dans cette réforme, d’oublier les surcoûts du handicap, évalués récemment à 550 £ par mois (Papworth Trust, 2016).
2Cette réforme concerne les personnes handicapées sous deux aspects principaux : le regroupement de plusieurs prestations sociales s’adressant indirectement ou spécifiquement à elles en une seule nouvelle, le crédit universel (Universal Credit − UC), ainsi qu’une révision des aides à la vie indépendante. Ce sera aussi l’occasion d’un état des lieux des prestations handicap chez nos voisins britanniques.
3Dans un premier temps, nous étudierons les prestations qui, menacées d’extinction à terme, restent actives encore jusqu’au moins en 2022. Nous commencerons par celles qui sont ou ont été spécifiques aux personnes handicapées, puis nous en examinerons d’autres, faisant partie du regroupement en cours, moins ciblées, mais pouvant aussi concerner cette population. Un deuxième type de prestations handicap impactées par la même réforme sera abordé : celles soutenant une vie indépendante. Les personnes handicapées auront-elles ou non à souffrir de ces mesures ?
Les principales prestations handicap : l’Employment and Support Allowance (ESA) et l’Income Support (IS)
4L’ESA a été le résultat du regroupement de deux types de prestations : une pension d’invalidité accordée sur une base contributive, l’Incapacity Benefit (IB), et l’équivalent de l’allocation aux adultes handicapés française, l’Income Support (IS), attribuée sous conditions de ressources. Seule cette partie non contributive sera incluse dans le nouveau crédit universel (UC).
Les pensions d’invalidité
5Dès 1971, l’Invalidity Benefit (IVB) assure un revenu aux invalides qui ont suffisamment cotisé à l’assurance nationale. Quatre ans plus tard, la Non-Contributory Invalidity Pension (NCIP) est versée à un niveau beaucoup plus faible à ceux qui n’ont pas pu le faire. Lui succède, en 1984, la Severe Disablement Allowance (SDA). En 1995, l’IVB est remplacée par l’Incapacity Benefit (IB), avec des critères d’éligibilité plus stricts et l’obligation d’envisager un emploi sur l’ensemble des offres du marché du travail.
6Au Supplementary Benefit (SB), prestation non contributive et sous conditions de ressources, attribuée à partir de 1966, succède en 1986 l’IS, plus généreux. La spécificité du handicap obtient des niveaux de paiement plus élevés. À un montant de base, des suppléments tels le Disability Premium, le Severe Disability Premium, pouvaient être attribués si le demandeur recevait d’autres prestations handicap, ainsi qu’un Disabled Child Premium pour un enfant handicapé à domicile.
L’activation contre l’assistance
7Dès 1995, le gouvernement travailliste entame une réforme de l’aide apportée aux personnes handicapées, au même titre que celle apportée aux chômeurs, dans le sens d’une « activation » systématique, c’est-à-dire de conditionner l’attribution des prestations et des compléments à la recherche d’emploi ou à la participation à des activités favorisant l’accès à une vie active. En contrepartie, des pensions, à terme long mais non définitives, sont attribuées aux Britanniques qui sont dans l’impossibilité évidente de travailler.
8Pour trouver une solution, le Department of Work and Pensions (DWP) fusionne en juin 2001 le ministère chargé des prestations sociales et celui de l’emploi. Ce ministère gère les services publics de l’emploi (Jobcentres Plus) et les Pension services. Il accorde des aides financières et incite à exploiter les capacités de travail. Cette politique d’activation s’accompagne de mesures faisant que « le travail paie » – Making work pay – : salaire minimum (1999) et crédit d’impôt – Working Tax Credit. Des possibilités de cumul avec des salaires ont été instaurées en avril 2002. Pour les plus sévèrement atteints, la Disability Income Guarantee (DIG) prévoit un revenu minimum supérieur à l’IS. 130 000 personnes la perçoivent.
9Dès 2002, l’IB était attribuée, après contribution, selon deux séries d’examens médicaux : l’Own Occupation Test (OOT), qui vérifiait que la personne ne pouvait effectuer son travail même avec aménagements ; puis le Personal Capability Assessment (PCA), administré après 28 semaines d’arrêt, test médical qui évaluait les incapacités physiques, sensorielles et mentales dans quatorze domaines. Contrairement à l’OOT, le PCA ne se limitait pas aux capacités de travail mais évaluait l’ensemble des fonctions. Ce test était réalisé par un médecin de la Sécurité sociale et un spécialiste du travail, la décision prise par un décideur administratif non médical. En cas d’attribution d’une prestation, la personne avait un entretien de suivi obligatoire tous les trois ans, sauf dans le cas d’un handicap sévère.
10Pour le gouvernement de l’époque, l’IB fut peu à peu perçue comme un substitut de l’allocation chômage (Jobseeker’s Allowance − JSA), plus avantageux pour les bénéficiaires, voire comme une préretraite. Elle ciblerait insuffisamment les « vrais » pauvres. Une évaluation en continu des possibilités de retour au travail est imposée alors pour tout nouveau demandeur.
La réforme de 2008
11À partir d’octobre 2008, le Welfare Reform Act institue, selon les principes d’activation, la nouvelle allocation pour l’emploi et le soutien concernant les seules personnes handicapées : l’Employment and Support Allowance. On attend ici de la plupart des bénéficiaires qu’ils s’engagent dans des activités liées au travail. L’ESA repose sur une nouvelle forme d’évaluation des capacités de travail (Work Capability Assessment – WCA), réalisée par des organismes privés de santé. L’ESA se présente sous un mode contributif qui remplace l’IB et un mode non contributif sous conditions de ressources, lequel se substitue à l’ancien IS, le tout sous le même nom, pour gagner en gestion.
12L’ESA contributive, attribuée si la personne a préalablement payé suffisamment de contributions (NIC), est une prestation forfaitaire qui n’est pas affectée par le revenu ni l’épargne.
13Suite à l’évaluation (WCA), les demandeurs sont soit déboutés car capables de travailler et renvoyés vers le chômage (JSA), soit reconnus comme ayant besoin d’aide et, à ce titre, bénéficiaires de la prestation mais classés selon deux groupes : ceux bénéficiant de la composante Support (Soutien) étant dans l’incapacité de travailler ; ceux bénéficiant de la composante des activités liées à l’emploi Work-related Activity (WRA) quand ils peuvent (re)trouver une activité grâce à des aides et des incitations. Dans ce dernier cas, les bénéficiaires devront se soumettre à de nombreux entretiens avec un conseiller pour l’emploi. La prestation est réduite en cas de refus. Le versement de l’ESA contributive est limité à un an dans le cas de WRA. Si le bénéficiaire appartient au groupe Support, il n’y a pas de limite pour la durée du paiement de l’ESA contributive.
14Si la personne travaille, avec le système Permitted work, elle le fait sans perdre son allocation ESA quand elle travaille moins de 16 heures et gagne moins d’une certaine somme (115,50 £ par semaine [1]). Cette limite sera supprimée plus tard.
15L’ESA sous conditions de ressources peut soit être attribuée immédiatement, soit suivre une ESA contributive. Elle ne peut être attribuée si le ménage dispose de plus de 16 000 £ d’épargne, conjoint inclus. La prestation peut être payée en complément de revenus insuffisants. L’ESA sous conditions de ressources n’est pas limitée dans le temps, mais s’adresse à des personnes en risque élevé de pauvreté. L’Universal Credit absorbera bientôt totalement cette forme d’ESA.
16Une fois la démarche de demande d’aide déposée, le demandeur reçoit l’ESA à son taux « Assessment » (Évaluation) pendant treize semaines. Ensuite, l’ESA de base est versée au taux Work-related Activity si l’évaluation a décelé chez le demandeur des possibilités d’accès à l’emploi ; au taux Support s’il est trop éloigné de l’emploi.
17Les sommes engagées sur ces prestations (ESA, IB, IS Disability, SRA) s’élèvent à plus de 15 milliards de livres (Office for Budget Responsibility, 2016).
18Les effectifs de bénéficiaires des prestations spécifiques handicap et leur évolution traduisent l’effet des réformes du dispositif d’ensemble (Dodd, 2016). L’ensemble des pensionnés d’invalidité (ESA et IB) représentait en mai 2016 environ 2,47 millions de personnes, dont 2,37 millions avec l’ESA. Ce nombre a baissé de 50 000 bénéficiaires depuis mai 2015.
19L’ESA, telle qu’elle est aujourd’hui versée dans les zones non touchées par l’Universal Credit, contributive ou sous conditions de ressources, est payée aux taux hebdomadaires suivants :
- au taux Assessment 13 semaines : 57,90 £ si moins de 25 ans, 73,10 £ au-delà ;
- au taux Work-related Activity : 73,10 £, 143,90 £ pour les couples ;
- au taux de la version Support : 109,30 £, 151,05 £ pour les couples.
20En mode contributif, dans la version Support, la prime est majorée pour handicap (Enhanced Disability Premium) de 15,90 £ par semaine. De même, une prime de 62,45 £. s’ajoute en cas de handicap sévère (Severe Disability Premium). Il en existe aussi une pour aidants familiaux (Carers’ Premium) qui se monte à 34,60 £.
21Pour 2015-2016, les dépenses de l’État en ESA étaient de 14 276 millions de livres.
Les restes de l’Incapacity Benefit et de l’Income Support
22L’ESA contributive et sous conditions de ressources prenant la place de l’IB et l’IS, celles-ci n’en demeurent pas moins versées à leurs anciens bénéficiaires.
23Aux bénéficiaires de l’ESA s’ajoutent les 68 000 personnes qui perçoivent encore l’IB : ceux qui l’avaient avant 2008 et qui ne l’ont pas perdue. Le taux de long terme est de 105,36 £, les taux à court terme sont bas (79,45 £) ou élevés (94,05 £).
24Au total, cela représente 75 millions de livres.
25L’IS prestation sous conditions de ressources n’est plus, comme autrefois, une prestation tournée surtout vers les personnes handicapées. Elle concerne 706 000 bénéficiaires. Près de 7 % la touchent en raison d’un handicap, soit 45 000 personnes.
26Aux montants de base (57,90 £ à 73,10 £ ; couples : 87,50 £) s’ajoutent :
- Enhanced Disability Premium : 15,90 £ (couple : 22,85 £) ;
- Disability Premium : 32,25 £ (couple : 46,40 £) ;
- Severe Disability Premium : 62,45 £ (couple : 124,90 £) ;
- Care : 34,60 £.
27Les dépenses impliquées au total par l’IS s’élèvent à 2 705 millions de livres, dont une partie, modeste on l’a vu, au titre du handicap.
28Ces suppléments à l’IS, qui concernent aussi l’allocation chômage (JSA), sont attribués selon les conditions suivantes (simplifiées) :
- pour le supplément handicap : être aveugle ou avoir la composante soin de la prestation de vie indépendante (DLA) à son taux moyen ou supérieur, ou encore la composante vie quotidienne (daily living) des PIP, de l’Armed Forces Independence Payments (AFIP) ou l’allocation tierce personne (AA) ;
- le supplément « amélioré » handicap (Enhanced Disability Premium) peut être attribué à ceux qui ont déjà le supplément handicap (Disability Premium) ou l’ESA sous conditions de ressources et le taux amélioré de la composante vie quotidienne du PIP, l’AFIP ou le plus haut taux de la composante soin de la DLA.
29Ce supplément peut aussi être attribué au groupe « Soutien » de l’ESA sous conditions de ressources.
La prise en compte du handicap dans les prestations sociales non spécifiques
30Plusieurs autres prestations sociales seront à terme absorbées par le crédit universel, mais ne concernent les personnes handicapées qu’au travers de suppléments qui viennent s’ajouter aux montants de base.
L’allocation chômage (JSA)
31La logique de l’allocation chômage (Jobseeker’s Allowance − JSA) est issue du Jobseekers Act de 1995. Ce texte institue le terme de recherche d’emploi, et remplace l’Income Support dans cette fonction dès octobre 1996.
32La Jobseeker’s Allowance (JSA) prend deux formes : une forme contributive qui échappera à l’absorption par l’Universal Credit (UC), et une forme sous conditions de ressources faisant partie des prestations incluses dans l’UC. Les deux types de prestation existent encore dans certaines zones géographiques. Là où l’Universal Credit est expérimenté, il ne reste que la version contributive.
33Cette dernière n’est versée que pendant six mois. Ses montants hebdomadaires sont forfaitaires : 57,90 £ avant vingt-cinq ans ; 73,10 £ après et 114,85 £ pour un couple. Le coût de l’allocation chômage contributive s’est élevé à 306 millions de livres (Hood et Keiller, 2016).
34La version « sous conditions de ressources » de l’allocation chômage (JSA) se réfère au fonctionnement du ménage plutôt qu’au seul demandeur. Un seul des membres du couple peut recevoir la JSA, mais les couples sans enfant doivent signer conjointement l’acceptation des conditions.
35Les suppléments accordés aux bénéficiaires de l’allocation chômage (JSA) en raison du handicap sont les mêmes que ceux de l’IS.
36Le montant total de la JSA sous conditions de ressources pour 2015-2016 est de 2 024 millions de livres. Les deux types de JSA représentent 692 000 personnes.
L’aide à l’emploi (Working Tax Credit)
37Prévu comme devant être absorbé par le crédit universel, le crédit d’impôt pour l’emploi (Working Tax Credit – WTC) ne concerne les personnes handicapées qu’à travers le supplément qui se réfère au handicap.
38Le montant de base du WTC est de 1 960 £ par an, mais le montant du WTC peut atteindre 3 000 £ si le demandeur a un handicap et 1 290 £ de plus si le handicap est jugé grave.
39Cette prestation concerne 2 374 200 personnes en 2015-2016, et coûte 5 908 millions de livres. Les données sur la part des personnes handicapées n’ont pas été trouvées.
Le handicap dans le cadre du crédit d’impôt pour enfants
40Comme le WTC, le Child Tax Credit (CTC) est une prestation concernant des familles à bas revenus. Le revenu que le ménage ne doit pas dépasser dépend du nombre d’enfants et de l’existence de coûts de garde.
41Au montant annuel de base de 2 780 £ par enfant (2 maximum), il faut rajouter 3 175 £ pour chaque enfant handicapé, et 1 290 £ supplémentaires pour chaque enfant sévèrement handicapé (maximum 7 245 £). Le demandeur peut obtenir des suppléments si l’enfant se voit attribuer la DLA, le PIP ou l’AFIP, ou s’il est aveugle.
42En 2015-2016, 3 864 000 ménages reçoivent le Child Tax Credit. Cela représente une dépense de 21 733 millions de livres, l’un des postes les plus importants de la dépense sociale (10,27 %). Là non plus, la part du handicap n’est pas connue.
Les allocations logement
43Toujours parmi ces minima sociaux regroupés dans le crédit universel, l’allocation logement Housing Benefit (HB) est l’une des prestations les plus coûteuses, avec 24 273 millions de livres (11,47 % des dépenses sociales) attribués à 4 781 000 Britanniques.
44Elle aide les foyers aux revenus faibles à payer leur loyer. Le nombre de pièces détermine le montant de la prestation, qui peut être réduite si le logement est trop vaste selon les normes en vigueur.
45Depuis avril 2016, l’HB est plafonnée à un niveau local pour tout nouveau bénéficiaire. Cela sera étendu à tous dès avril 2018.
46La principale réforme qui concerne l’HB est la suppression, en 2013, de la Spare Room Subsidy, une allocation qui permettait aux ménages à bas revenus d’habiter dans des logements ayant davantage de pièces qu’ils n’en auraient normalement eu besoin. Cette forme de Bedroom Tax a conduit à une réduction (14 % voire 25 %) des prestations pour plus d’un million de ménages dans l’attente de déménager vers un logement plus petit (DWP, 2014). Prévoyant pourtant des exceptions (Discretionary Housing Payments – DHP), et notamment le maintien d’une chambre à part pour un enfant handicapé, cette réforme semble affecter des ménages qui avaient un logement adapté au handicap. Ceci nuit aux besoins spécifiques d’aide.
47L’Universal Credit, s’il est attribué, se substitue à l’HB pour payer le loyer. Notons par ailleurs l’existence, depuis 1989, de Disabled Facilities Grants (DFG) sous conditions de ressources pour l’adaptation du logement (jusqu’à 30 000 £).
L’évolution du soutien à la vie indépendante
48À côté des minima sociaux existent des aides à la vie indépendante, elles aussi révisées dans le cadre de la réforme de 2012, mais hors du cadre du crédit universel.
Une prestation compensatoire : la Disability Living Allowance (DLA)
49Prestation sociale spécifique ni contributive ni sous conditions de ressources, la Disability Living Allowance est une référence en matière de handicap. Comme cela a pu être observé, l’attribution de certaines de ses composantes sert à reconnaître que le demandeur d’une autre prestation sociale est réellement handicapé, voire sévèrement handicapé, ou prend soin régulièrement d’un enfant ou d’un adulte handicapé.
50Le bénéfice de la DLA est attribué après une double évaluation administrative et médicale des besoins d’aide dans la vie ordinaire qui se fait de façon systématique dans deux domaines principaux : le care (ici prendre soin de soi de façon autonome) et la mobilité.
51La composante « soin » est attribuée si la personne présente des besoins d’aide dans des actes de la vie quotidienne, tels que : se laver, s’habiller, manger, utiliser les toilettes et faire part de ses besoins ; de même, si elle a besoin de supervision pour éviter de se mettre ou de mettre autrui en danger ou si elle a besoin de la présence de quelqu’un quand elle est en dialyse ; si elle ne peut préparer un repas déjà cuisiné.
52La composante « mobilité » est attribuée si la personne ne peut pas marcher ou seulement sur une courte distance sans éprouver de difficultés ou évidemment si le demandeur n’a ni pieds ni jambes, est aveugle à 100 %, reconnu sévèrement amblyope, ou sourd à 80 %, est handicapé mental avec des problèmes de comportement et obtient le plus haut taux de la composante « soins » ou a besoin d’une supervision la plupart du temps lorsqu’il est dehors.
53Le montant hebdomadaire de la prestation (revalorisé récemment) est :
54Pour la composante soins :
- 22 £ pour le taux le plus bas (aide à certains moments de la journée ou pour cuisiner les repas) ;
- 55,65 £ pour le taux moyen (une aide fréquente ou une supervision constante durant la journée, la nuit et une aide lors des dialyses) ;
- 83,10 £ pour le plus élevé (aide et supervision jour et nuit ou fin de vie).
55Pour la composante mobilité :
- 22 £ pour le taux le plus bas (aide aux déplacements et supervision à l’extérieur) ;
- 58 £ pour le plus élevé (toute autre difficulté plus sévère pour marcher).
56La DLA est versée à 2 987 000 Britanniques (2015-2016), et représente un montant total de 13 225 millions de livres.
Les nouveaux « Paiements d’indépendance personnelle » (PIP) et les effets de certaines réductions budgétaires
57Dans le cadre de la Welfare Reforms Law 2012, les PIP (Personal Independence Payments) ont été adoptés pour remplacer la DLA à partir d’avril 2013. Ils présentent les mêmes caractéristiques que la DLA, mais visent à baisser de 20 % les dépenses en versements en réduisant de 500 000 le nombre de bénéficiaires sur trois ans en rendant plus stricte l’évaluation de l’éligibilité. Les modalités d’évaluation des besoins, confiées, comme pour l’ESA, à des opérateurs privés, ont subi les mêmes critiques dans le cadre du PIP.
58En effet, le demandeur doit préalablement répondre à un questionnaire très complet (long). Il doit avoir besoin d’aide dans plusieurs domaines de la vie quotidienne ou pour les déplacements, depuis au moins trois mois et estimer que cela devrait durer neuf mois de plus. Des compléments d’information peuvent être demandés à son médecin traitant ou aux professionnels de santé qui le suivent (Department for Work and Pensions, 2014).
59En 2014-2016 les bénéficiaires de PIP étaient déjà 564 000, soit une dépense de 2 991 millions de livres.
60Le passage de la DLA au PIP se solde depuis 2010-2011 par une plus forte augmentation de la part des taux les plus élevés (enhanced) de la composante « soins » du PIP (+ 2,2 milliards de livres). C’est le contraire pour la composante mobilité : son taux le plus haut est moins souvent accordé, et le refus est plus fréquent (- 1,8 milliards de livres) [Office for Budget Responsibility, 2016].
Les aides aux aidants familiaux
61Dans l’amélioration des conditions de vie indépendante des personnes handicapées, les prestations visant à rétribuer ou à aider les aidants jouent un rôle essentiel.
62L’allocation pour tierce personne (Attendance Allowance – AA) est l’une des principales prestations de ce type. Elle couvre les besoins d’assistance personnelle. Les montants hebdomadaires de l’AA sont de 83,10 £ pour le taux haut et de 55,65 £ pour le taux bas.
63Le taux haut est attribué si le handicap est assez sévère pour nécessiter une supervision.
641 458 000 personnes handicapées perçoivent l’AA, pour un montant total de 5 489 millions de livres.
65Une autre prestation, ni contributive ni sous conditions de ressources, la Motability, était versée à environ 650 000 personnes handicapées pour un total de 17 millions de livres. Elle leur permettait d’acheter des véhicules ou des appareils d’aide au déplacement. Cette aide n’est plus disponible depuis décembre 2015.
66Les militaires gravement blessés peuvent aussi obtenir, depuis 2013, une prestation qui couvre les surcoûts liés aux incidences du handicap : le Armed Forces Independence Payment (AFIP) dont le montant hebdomadaire est de 134,40 £. L’accès à cette prestation n’empêche pas les titulaires de la pension militaire d’invalidité (WDP) d’accéder à la DLA, mais l’AFIP remplace désormais le PIP.
67L’AFIP est versé à 896 personnes pour 7 millions de livres.
68La Carer’s Allowance (CA) n’est pas attribuée à la personne handicapée, mais à la personne qui s’occupe d’elle, qui peut obtenir 62,70 £ par semaine si elle le fait durant au moins 35 heures hebdomadaires.
69Elle est attribuée (en 2015-2016) à 762 000 personnes, pour un total de 2 560 millions de livres.
70Enfin, depuis 2007, les aides offertes par les autorités locales (councils) aux personnes handicapées peuvent leur être versées sous la forme d’un budget personnalisé (Direct Payments) qu’elles utilisent à leur gré. Hormis les membres du ménage, il est permis de rémunérer des proches. Le nombre de personnes recevant les Direct Payments est relativement faible, la majorité des gens bénéficiant des prestations en nature des services traditionnels.
Les autres prestations handicap
71L’équivalent britannique des rentes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, l’Industrial Injuries Disablement Benefit (IIDB), ne concerne que 313 000 personnes pour 869 millions de livres.
72Il prévoit différents suppléments, pratiquement inchangés depuis 1986 : Constant Attendance Allowance (CAA), accordée selon différents taux hebdomadaires en fonction du besoin ; Exceptionally Severe Disablement Allowance si la personne a un besoin constant de soins et d’attentions ; Reduced Earnings Allowance (REA) en raison de pertes salariales.
La mise en œuvre de la réforme de 2012
73L’essentiel de cette réforme tient à une volonté de simplification pour réduire la fréquence des non-recours, ainsi qu’à une incitation au travail, les deux pour lutter contre la pauvreté. Selon Pauline Gonthier (2017) : « La réforme britannique s’apparente de ce point de vue à une activation inédite d’un large champ des dépenses de protection sociale : l’allocation unique, conditionnée à la recherche d’emploi, a absorbé certaines prestations qui restaient généralement hors du champ des dépenses “activées” (allocations logement notamment, ainsi qu’une partie des aides aux familles). »
74L’auteur montre que ce processus se fait progressivement (il est encore en cours en mai 2017) et pose déjà des questions en matière d’efficience ou d’effets contre-productifs.
Le regroupement dans l’Universal Credit
75Pauline Gonthier détaille les conséquences générales de l’opération de regroupement des minima sociaux. Cet article se contentera d’étudier les incidences du processus de fusion sur la situation des personnes handicapées britanniques.
76L’Universal Credit (UC) fusionne, à partir de 2013, six dispositifs déjà présentés :
- l’allocation chômage (JSA) dans sa version sous conditions de ressources ;
- le crédit d’impôt pour l’emploi (WTC) ;
- le crédit d’impôt pour charge de famille (CTC) ;
- l’aide au logement (HB) ;
- l’allocation invalidité (ESA) dans sa version sous conditions de ressources ;
- la prestation de soutien au revenu pour les personnes dispensées de recherche d’emploi (IS).
77Cette prestation (UC) permet aux personnes ayant de très faibles revenus de couvrir leurs dépenses de logement, de prise en charge d’enfants, d’adolescents, d’enfants ou d’adultes handicapés, d’implication comme assistant personnel bénévole. Elle s’articule autour d’une évaluation d’un montant standard pour le ménage auquel s’ajoutent des éléments liés aux conditions de vie de la famille. Son objectif est de réduire la dépendance d’assistance sociale et d’inciter au travail.
78Pour toucher le crédit universel, le bénéficiaire doit participer à des entretiens sur l’emploi, à des sessions de préparation à l’emploi, rechercher un emploi, et être disponible pour le travail. Sont exemptés de ces engagements ceux qui ont été reconnus (WCA) comme ayant une capacité limitée de travail ou de participation, ou encore assument une personne sévèrement handicapée. Ils reçoivent alors des taux plus élevés.
79L’attribution maximale ne peut être obtenue si la famille dispose de plus de 6 000 £ d’économies, incluant le revenu attendu des intérêts qu’elles pourraient générer. À partir de 16 000 £ d’économies, pas de crédit universel. Toutes les autres sources de revenus, de chaque membre du ménage, sont prises en compte.
80L’Universal Credit s’adresse à des familles et non à des individus. Ce changement de cadre a des incidences sur le revenu des familles comportant un membre handicapé.
81La prestation, sous conditions de ressources, décroît progressivement avec les gains issus de l’emploi. Point déterminant, il n’y a plus, dans l’UC, de limite au nombre d’heures que le bénéficiaire peut travailler : au lieu de la perte de prestation au-delà d’un seuil, comme c’était le cas pour l’Income Support ou le Working Tax Credit, le nouveau système permet une simple réduction du paiement, sans perte du droit au crédit universel dans sa totalité. Le bénéficiaire, qui peut travailler autant d’heures qu’il veut, a droit à une allocation de travail (Work Allowance) s’il est responsable d’un ou plusieurs enfants ou a une capacité de travail limitée. Il conserve alors ses gains du travail sans que le montant du crédit universel soit affecté. Cette somme est de 182 £ par mois si le crédit universel comprend les aides au logement ; 397 £ dans le cas contraire. Au-delà, 65 pennies sont défalqués du montant de la prestation pour toute livre supplémentaire.
82Contrairement aux produits « non gagnés », la prestation de vie indépendante (PIP) et la DLA et d’autres aides spécifiques de même ordre ne peuvent être déduites du maximum.
83Les versements se font tous les mois, préservant ainsi les ressources pour payer le propriétaire du logement. Ces versements se font pour un couple sur un compte joint, dans les six semaines après attribution de la prestation. Les sept premiers jours de demande après évaluation ne sont pas payés, ce sont des jours dits « d’attente » (très critiqués).
84La prestation est constituée d’un montant mensuel dépendant de l’âge et de la situation de famille : de 251,77 £ à 498,89 £. À cela peuvent s’ajouter des montants mensuels supplémentaires s’il y a des enfants (231,67 £), afin de couvrir les coûts découlant des soins qui leur sont nécessaires (jusqu’à 1 108 £ par mois).
85Le handicap est pris en compte par le supplément accordé pour soins à un enfant handicapé ou sévèrement handicapé (de 357,78 £ à 649,38 £ par mois). Quand le demandeur a un handicap ou un état de santé qui l’empêche de travailler, il a droit à 318,76 £ supplémentaires. S’il prend soin d’une personne handicapée, il aura 151,89 £ de plus par mois.
86Les aides peuvent être réduites si l’on considère que le logement est plus vaste que nécessaire (Greaves, 2017).
Les coupes budgétaires dans les prestations handicap
87Les prestations les plus importantes pour les personnes handicapées britanniques, l’ESA et celles attribuées pour favoriser leur vie en indépendance (DLA, puis PIP), deviennent-elles aussi les cibles de la recherche systématique d’économies.
88Ainsi, il a été décidé de réduire de 28 %, à partir de 2017, le montant de l’ESA du groupe d’activités liées à l’emploi, pour l’aligner avec l’allocation chômage. On attend de cette décision 2 milliards de livres de réductions des dépenses (Office for Budget Responsibility, 2016).
89La limite de 1 % d’augmentation annuelle imposée à l’ESA autre que « Soutien » a aussi contribué à réduire l’incidence de cette prestation.
90Cela s’ajoute à la décision de 2014 d’introduire sept jours d’attente avant de verser le premier montant d’ESA (10 millions de livres d’économies attendues). On notera que l’ensemble des personnes recevant l’ESA « Soutien », en 2015-2016, représente 64 % des attributions d’ESA.
91Le passage de la DLA au PIP, substituant aux pratiques antérieures d’évaluation une évaluation médicale « objective », se traduirait par une reconnaissance moins favorable des besoins en aide humaine ou technique. Des économies de l’ordre de 20 % sont envisagées. (Office for Budget Responsibility, 2016).
Le plafonnement des prestations (Benefit cap)
92Considérant qu’un cumul de prestations sociales diverses nuit à l’incitation à l’emploi, le gouvernement britannique a procédé à un plafonnement du montant total des prestations attribuées : le Benefit cap (Inch et Greaves, 2016-a).
93Ce Benefit cap est lié à l’environnement : ainsi, pour les personnes vivant hors du Grand Londres, ne pourront être dépassés 384,62 £ par semaine pour un couple ayant ou non des enfants ou une personne seule avec enfant(s) ; réduits à 257,89 £ pour une personne seule. Mais dans le Grand Londres, les plafonds sont plus élevés : 442,31 et 296,35 £.
94Les prestations handicap comptabilisées dans le Benefit cap sont les suivantes :
- prestation handicap (ESA) sauf dans sa version « soutien » ;
- pension d’invalidité (IB) résiduelle ;
- allocation de soutien au revenu (IS) ;
- allocation pour handicap sévère (SDA) ;
- crédit universel (UC) à moins de n’être pas prêt au travail (WCA).
95Ne sont pas incluses les prestations suivantes :
- crédit d’impôt pour le travail (WTC) ;
- pensions militaires d’invalidité (AFCS et AFIP) ;
- allocation tierce personne (AA) ;
- allocation pour l’aidant familial (CA) ;
- allocation de vie indépendante (DLA) ;
- composante Support (soutien) de la prestation handicap (ESA) ;
- rentes d’accidents du travail (IIDP) ;
- versement personnel d’indépendance (PIP) ;
- crédit universel (UC) (coûts des soins ou aptitude limitée à travailler).
La mise en œuvre effective de la réforme
96Le crédit universel est mis en œuvre progressivement, par zones géographiques, avec à terme la disparition des six autres prestations en 2020. Cette mise en fonction a lieu pour toute nouvelle demande et tout changement de situation pour l’une des six prestations, ainsi que par inclusion de nouvelles zones géographiques au crédit universel.
97Il semble cependant que la montée en charge de la nouvelle prestation soit plus lente que prévu (Gonthier, 2017). Ainsi, initialement prévu pour octobre 2017 et après des délais répétés (Keen et Kennedy, 2016), le crédit universel devrait être en grande partie, mais pas totalement, en place en 2022 (Hood et Keiller, 2016).
98En octobre 2016, on comptait près de 401 900 bénéficiaires du crédit universel, dont 241 100 sans emploi et 160 700 ayant un emploi (Keen et Kennedy, 2016).
99La mise en œuvre n’est pas sans générer des erreurs. Le ministère (Department for Work and Pensions) a estimé qu’en 2010-2011, environ 2,4 milliards de livres de prestations avaient été payés en excès et 1,3 milliards de livres de façon insuffisante.
Les incidences de la réforme sur les personnes handicapées et leurs familles
100L’économie de 4,4 milliards de livres d’ici à 2020 attendue de la réforme (Hood et Keiller, 2016) ne peut s’obtenir sans incidence sur les ressources de certains ménages (couples sans enfants ou parents isolés), notamment par la « familiarisation » de la prestation. C’est aussi le cas, indirectement, lorsqu’on réduit les incitations financières à la reprise de travail par le conjoint (Gonthier, 2017) ou qu’on décourage les efforts de constitution d’une épargne au-delà des 16 000 £ (Hood et Keiller, 2016).
101Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels du Conseil économique et social des Nations Unies (2016) « […] recommande à l’État partie (UK) de revoir les politiques et programmes adoptés depuis 2010 et de réaliser une analyse globale de l’effet cumulé de ces mesures sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés, en particulier les femmes, les enfants et les personnes handicapées, qui soit reconnue par toutes les parties prenantes. » Il est également préoccupé par les incidences sur le niveau des prestations sociales de l’application des lois de 2012 et 2016 réformant le régime de Sécurité sociale, ainsi que par l’abaissement des plafonds des prestations familiales, par la Bedroom Tax…, et par la faiblesse des recours en cas de sanctions. Il pointe aussi le risque spécifique de pauvreté encouru par les personnes handicapées dans ce pays et leurs difficultés pour accéder à un logement décent.
Les premiers doutes sur les promesses du crédit universel
102Selon le gouvernement : « Le Crédit universel offrira un soutien plus généreux aux adultes handicapés et aux enfants handicapés qu’il ne le fait dans des circonstances similaires pour des personnes qui ne sont pas handicapées. » Selon la Commission pour le travail et les pensions de la Chambre des communes, certains, comme l’Association des directeurs de services sociaux pour adultes (ADASS), craignent que la simplification ne lèse les personnes sévèrement handicapées qui ont toujours eu besoin des suppléments pour les adaptations, pour le chauffage, pour le transport, pour les vêtements spéciaux et la nourriture…, prestations que « lisse » le crédit universel (House of Commons, 2012).
103En effet, deux suppléments essentiels aux personnes handicapées ont été supprimés lors de l’introduction du crédit universel : le supplément handicap amélioré (Enhanced Disability Premium) qui était attribué aux personnes qui avaient le taux le plus élevé de la composante soin de la DLA ; le supplément pour handicap sévère accordé jusqu’ici aux personnes recevant les deux taux les plus élevés de la DLA. Cela a conduit à accroître les effectifs du groupe « soutien » de l’ESA (Hood et Keiller, 2016). Selon certaines organisations non gouvernementales (ONG), dont Disability Rights UK, 450 000 personnes auraient à perdre (jusqu’à 58 £ par semaine) de la mise en œuvre de la réforme de 2012, y compris leur logement (Ramesh, 2012). Par exemple, le supplément pour handicap sévère (58 £ par semaine) est perdu pour 230 000 personnes qui ont besoin d’assistance (House of Commons, 2012).
104De plus, pendant la mise en place du crédit universel, le Gouvernement a décidé des réductions budgétaires. Ce fut le cas pour avril 2016. Les données montreraient que les personnes handicapées sont parmi les principales perdantes – 3 000 £ dans l’année – avec les parents isolés – plus de 4 000 £ – (Keen et Kennedy, 2016).
Les restrictions propres aux prestations handicap
105La mise en œuvre de la réforme adoptée en 2012 (Welfare Reform Act 2012) a été accélérée et semble avoir eu un impact sur les personnes handicapées de façon disproportionnée, parce que les prestations sociales représentent l’essentiel de ce qui compose leur revenu.
106L’une des principales critiques faite à la réforme de 2008 concernait le mécanisme d’évaluation et de réévaluations des capacités de travail des demandeurs de la pension d’invalidité (ESA). En effet, beaucoup voyaient leurs incapacités de travail contestées trop fréquemment, aboutissant, au mieux à la diminution du montant de la prestation, au pire à sa suppression. Les objectifs de 2012 ne font qu’augmenter la pression visant à réduire le nombre de bénéficiaires. Ces évaluations répétées et la reprise de cette logique dans le crédit universel inquiètent et déstabilisent de nombreuses personnes dont l’état de santé est loin de s’améliorer. Une baisse sensible de l’ESA ou de la nouvelle prestation globale peut remettre en question l’équilibre du revenu familial, parfois même les possibilités de se nourrir (BBC News, 2016). Durant les six dernières années, des personnes gravement malades ou handicapées se sont vu retirer leur seul et unique revenu (Ryan, 2016). Certes, en contrepartie, le nouveau gouvernement abandonna cette réévaluation systématique dans le cas de handicaps ou de maladies graves, mais ce n’est pas équivalent.
107Le Centre for Welfare Reform résume la façon dont les réductions de dépenses ont visé les personnes handicapées ainsi : « Les personnes handicapées (8 % de la population) supportent 29 % de toutes les réductions budgétaires » et « les personnes avec les handicaps les plus sévères (2 % de la population) supportent 15 % de toutes les réductions budgétaires ». De plus, il estime que « les personnes handicapées perdront une moyenne de 4 410 £ par personne – ce qui est neuf fois plus que la charge imposée à la plupart des autres citoyens », et que « les personnes ayant des handicaps sévères perdront une moyenne de 8 832 £ par personne – soit 19 fois plus que la charge imposée à la plupart des autres citoyens » (Priestley, Lawson et Woodin, 2016).
108Les critiques portant sur l’introduction du crédit universel (UC) concernent l’évaluation redoutée de l’aptitude au travail (WCA) associée à ESA, le remplacement de la DLA par les PIP avec des critères plus serrés d’éligibilité, la suppression de l’allocation pièce supplémentaire (Spare Room Subsidy) et d’autres contraintes sur l’allocation logement (HB) affectant de façon disproportionnée les ménages incluant des personnes handicapées.
109Enfin, une investigation du Comité de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour les droits des personnes handicapées a lieu dans le cadre du protocole additionnel sur les effets des réductions budgétaires de l’assistance sociale sur le droit des personnes handicapées de vivre de façon indépendante au Royaume-Uni. Cette investigation, qui restera discrète, a été demandée par Disabled People Against Cuts (UPAC), une organisation militant pour les droits des personnes handicapées (Butler, 2015).
110Il semble cependant que les économies attendues du côté des prestations handicap (ESA + IB et SDA résiduelles, d’une part, et PIP + DLA résiduelle, de l’autre), n’aient pas atteint le niveau attendu. Ces prestations étaient visées car représentant ensemble 31,3 milliards de livres en 2015-2016, soit un quart des dépenses d’aide sociale (Office for Budget Responsibility, 2016).
111Parallèlement, est annoncée l’abolition de la composante « activités liées à l’emploi » de l’ESA, réduisant le soutien aux membres de ce groupe à celui apporté aux chômeurs bénéficiant de la JSA. Ce changement s’appliquera à partir d’avril 2017 et l’économie atteindra 640 millions de livres en 2020-2021 (Hood et Keiller, 2016).
Le risque de pauvreté
112Compte tenu des difficultés d’accès à l’emploi des personnes handicapées, les réformes ont accru chez elles le risque de pauvreté. Selon Green (2014) il y aurait besoin d’une approche transversale et de davantage de coopération pour briser ce lien entre handicap et pauvreté (« breaking the Link between Disability and Poverty »).
113Comme le soulignent Priestley, Lawson et Woodin (2016), il y a aujourd’hui une inquiétude généralisée concernant les conséquences disproportionnées des politiques d’austérité dans le cadre du Welfare Reform and Work Act de 2016 qui abaisse encore le plafond du Benefit cap.
114Les personnes handicapées ont-elles été les « plus durement touchées » par les mesures d’austérité associées à cette politique ? Les inégalités socio-économiques apparaissent plus grandes au Royaume-Uni, comme le risque relatif de pauvreté ou d’exclusion sociale des personnes qui ont un handicap sévère.
Conclusion
115Plus de 900 000 personnes extraites de leur situation de pauvreté, tel était l’objectif que se donnait le gouvernement britannique en 2012. Qu’en est-il finalement pour ce qui concerne les personnes handicapées dans ce pays ?
116Selon l’enquête sur le revenu et les conditions d’existence EU SILC UDB 2013, qui permet désormais des comparaisons, le risque général de pauvreté du ménage ou d’exclusion en raison du handicap et de l’âge est, au Royaume-Uni, de 47,2 % quand le ménage comprend une personne handicapée, contre 20,2 % s’il n’y en a pas. À titre de comparaison, sur l’ensemble de l’Union européenne, il est de 37,3 % contre 22,6 %. Ceci montre bien un désavantage très marqué au Royaume-Uni.
117Ce désavantage est d’autant plus significatif que le handicap est sévère. Ainsi, pour toutes les personnes au-delà de 16 ans, le risque de pauvreté y est de 29,8 % pour celles qui ont un handicap modéré et de 40,5 % pour celles qui ont un handicap sévère (Priestley et al., 2016). On ne peut pas dire que l’on concentre les moyens sur les plus fragiles, bien au contraire. À titre de comparaison, la même enquête donne pour la France un risque de 19,5 % pour les handicaps modérés et de 25,8 % pour les handicaps sévères (16 % sans handicap) (Ebersold et Nicolas, 2016).
118Rien ne dit cependant que les craintes évoquées dans le cadre de la réforme initiée en 2012, complétée depuis, vont s’affirmer au cours de l’application du crédit universel et des nouvelles règles du paiement personnel d’indépendance (PIP). Les travaux d’évaluation menés parallèlement sont suffisamment nombreux et précis pour permettre de corriger les erreurs au fur et à mesure de la mise en œuvre de cette réforme. Le pragmatisme britannique peut aussi s’exprimer ici.