Le besoin d’une nouvelle source de données
1Les différentes politiques publiques de la petite enfance ont permis une diversification des modes d’accueil pour une meilleure conciliation entre les vies familiale et professionnelle. Les acteurs publics ont consacré près de 31,4 milliards d’euros à l’accueil des enfants âgés de zéro à six ans au titre de l’exercice 2015. Ce financement couvre à la fois l’accueil par les parents bénéficiant de prestations accompagnant la réduction ou l’arrêt de leur activité professionnelle, l’accueil individuel par un•e assistant•e maternel•le ou par un•e salarié•e à domicile et, enfin, l’accueil collectif (y compris en école pré-élémentaire et en accueil de loisirs sans hébergement).
2La branche famille de la Sécurité sociale [1] contribue à cet effort financier à hauteur de 14,5 milliards d’euros, soit 46,2 % de l’effort consacré à l’accueil du jeune enfant. Son financement se répartit en :
- 6,1 milliards d’euros versés aux parents bénéficiaires des compléments de libre choix du mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ;
- 2,6 milliards d’euros aux bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA) ;
- 5,8 milliards aux établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) pour leur fonctionnement et leurs investissements.
3Par le biais de cette dépense, elle entend développer l’offre d’accueil dans les territoires prioritaires, le pilotage dans les territoires et faciliter l’accès à un mode de garde pour toutes les familles dans leur diversité.
4Dans la mesure où les caisses d’allocations familiales (CAF) calculent les droits aux prestations pour l’accueil individuel des enfants, elles détiennent des informations relatives aux familles bénéficiaires dans leurs bases de gestion. Dès lors, il existe une production nationale statistique : la base Cristal, mise à jour tous les trimestres. Elle permet de dénombrer et de décrire les familles bénéficiaires et leurs enfants. Ainsi en 2015, 575 820 enfants de moins de trois ans (Observatoire national de la petite enfance, 2015) sont gardés par plus de 291 200 assistant•e•s maternel•le•s actifs•ives au mois de novembre employé•e•s directement par des parents, et près de 32 650 enfants de moins de trois ans vivent au sein de foyers qui emploient un•e salarié•e à domicile. À cet effet, les CAF ont financièrement pris en charge des cotisations et rémunérations des assistant•e•s maternel•le•s et des salarié•e•s à domicile d’un montant moyen par famille de 560 euros pour les 831 504 bénéficiaires du CMG de la PAJE. De la même façon, les CAF calculent les droits des prestations de services pour l’accueil du jeune enfant à partir des éléments de fonctionnement fournis par les EAJE percevant la prestation de service unique (PSU). L’ensemble de ces données est rassemblé dans le système d’information d’action sociale (SIAS) des CAF, qui ont donc une bonne connaissance de ces structures d’accueil et de leur fonctionnement. De ce fait, tous les ans, l’Atlas des établissement s d’accueil d u jeun e enfant dresse un état des lieux de l’offre d’accueil rendu par les structures (http://www.CAF.fr/etudes-et-statistiques/publications/atlas-des-eaje). Ainsi en 2014, 11 968 EAJE offrent 394 700 places aux enfants de zéro à six ans pour un prix horaire moyen de 1,72 euro par enfant. Le taux d’occupation moyen, élément d’évaluation du bon fonctionnement d’un EAJE, est de 72,1 % en 2014. Cependant, ce système d’information ne permet pas d’avoir une connaissance des familles et des enfants usagers de ces structures, dans la mesure où la CAF n’est pas en contact direct avec ces familles. Le nombre de familles et d’enfants fréquentant un EAJE, leurs caractéristiques, le coût mensuel de l’accueil, le cumul avec d’autres modes d’accueil sont des données non connues avec une granularité adéquate au pilotage de cette politique pour les acteurs locaux.
5Pour combler ce manque, la direction des statistiques, des études et de la recherche de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a mis en œuvre une nouvelle production statistique qui viendra compléter les informations existantes. Ce projet vise à collecter des informations individuelles auprès des EAJE pour chaque enfant ayant été accueilli au moins une heure dans l’année. Ces données sont regroupées au sein du fichier localisé des utilisateurs d’EAJE, nommé Filoue. Il complète les outils de diagnostic locaux existant en matière d’évaluation des politiques d’accueil du jeune enfant en ce qui concerne les caractéristiques du jeune public accueilli dans les structures. Les résultats seront mis à la disposition du public sous forme d’études et de bases de données cohérentes et consolidées.
Filoue, un lien entre les familles allocataires et les usages des structures
6Dans sa phase expérimentale, la participation des EAJE était volontaire, les taux de couvertures locaux ont donc été variables d’une commune à l’autre, avec des écarts très significatifs. Les deux premières vagues de l’expérimentation Filoue ont été effectuées en 2015 et en 2016, sur les données 2013 et 2014. Paris, le Nord, la Loire-Atlantique et le Rhône ont été les premiers départements participants. Une troisième vague est en cours de réalisation. Les EAJE d’une dizaine de départements y ont participé. Compte tenu de l’apport des résultats Filoue obtenus à partir de ces deux vagues, la généralisation de Filoue a été adoptée.
7Dans la base statistique reçue, un enregistrement, soit une ligne, correspond à un épisode d’accueil [2] pour un enfant sur l’année civile. Plusieurs enregistrements peuvent concerner un enfant au cours d’une même année. D’une part, s’il fréquente plusieurs EAJE : par exemple un premier épisode d’accueil dans l’EAJE1 de janvier à mars, et un second séjour dans l’EAJE2 d’avril à mi-juillet. D’autre part, s’il a fréquenté à plusieurs reprises le même EAJE sur différentes périodes : par exemple un premier épisode d’accueil dans l’EAJE1 de janvier à février, et un second épisode d’accueil dans l’EAJE1 de mai à juin.
8Pour un épisode d’accueil d’un enfant, les informations collectées sont les suivantes :
- son appartenance ou non à une famille allocataire de la CAF ;
- le cas échéant, son numéro d’allocataire rendu anonyme (pour les non-allocataires de la CAF, un identifiant fictif séquentiel et distinct est produit) ;
- sa date de naissance ;
- le code postal et le libellé de sa commune de résidence ;
- le régime de Sécurité sociale de sa famille (régime général, mutuelle sociale agricole, autres) ;
- le nombre annuel d’heures de présence facturées et le nombre d’heures de présence réalisées au cours de l’année civile ;
- le montant annuel facturé à sa famille ;
- le dernier montant horaire facturé à sa famille ;
- le dernier taux d’effort appliqué à sa famille ;
- son premier jour d’accueil et son dernier jour d’accueil sur l’année civile.
9Les données sont rendues anonymes, puis mises en relation avec des données administratives : celles relatives aux structures fréquentées par les enfants et celles relatives à la perception de prestations légales. Ces rapprochements permettent de connaître l’offre des EAJE, leur localisation, ainsi que les tarifs appliqués. Pour les familles allocataires, ils permettent de connaître leurs caractéristiques socio-économiques, leur situation familiale et les aides auxquelles elles ont recours et, notamment, les autres modes d’accueil qu’elles mobilisent le cas échéant. Ces compléments de données ne sont pas disponibles pour les enfants dont les parents ne sont pas ressortissants du régime général et pour les enfants dont le matricule allocataire est erroné. Il n’est donc pas possible de compter le nombre d’enfants non allocataires ou ceux dont le matricule n’est pas connu. Enfin, conformément à la loi informatique et liberté, si les parents se sont opposés à la transmission des données, celles-ci ne sont pas restituées. La base statistique finale contient une ligne par enfant allocataire avec l’ensemble de ses séjours, l’information sur les EAJE fréquentés et sur la famille de l’enfant. Le fichier Filoue enrichi de ces données permet une connaissance précise du jeune public des EAJE selon ses caractéristiques familiales et son usage de ces structures. Il permet également de réaliser un diagnostic territorial de l’accueil en EAJE.
Éléments de cadrage et perspectives
10Le territoire couvert par Filoue compte un peu plus de 2 200 EAJE sur les 431 communes des quatre départements où ils sont situés. La première vague Filoue sur les données 2013 comportait 24 500 épisodes d’accueil localisés sur 150 communes des quatre départements préfigurateurs. Cela correspond à la participation de 350 EAJE, soit 17 % de la capacité d’accueil collectif de la zone expérimentale. Si l’on tient compte de la non-participation de la ville de Paris, dont le système d’information était en migration au moment de cette campagne, le taux de couverture moyen s’établit à 30 % de la capacité d’accueil des trois autres départements (Clément J., Pélamourgues B. et Thibault F., 2015).
11La deuxième vague Filoue couvrant l’année civile 2014 a recensé près de 68 900 épisodes d’accueil fournis par 850 EAJE situés sur 208 communes. Le taux de participation est de 51 % de la capacité d’accueil des EAJE des quatre départements. Le taux de couverture est meilleur dans l’ensemble, mais les taux de couverture des communes ayant participé aux deux vagues peuvent avoir diminué.
12Les taux de refus des familles au sein des structures participantes ont diminué lors de la deuxième vague : 9 % des épisodes d’accueil sont réalisés par les enfants dont la famille s’est opposée à la transmission des données à la CNAF, il y en avait 13,4 % en 2013. Après les différents appariements, il ressort que 71 % des épisodes d’accueil de 2013 ont pu être exploités et 73 % en 2014 (respectivement 17 500 et 50 600 épisodes), car il s’agit d’enfants appartenant à une famille allocataire identifiée dans les fichiers administratifs de prestations légales.
13À l’heure actuelle, les études faites à partir de ces données ne peuvent être que locales en attendant d’avoir des données plus représentatives de l’ensemble du territoire. Elles permettent déjà de comparer les familles d’un territoire par rapport aux familles usagères des EAJE selon différents critères : vie en couple, activité (actif, chômage, temps partiel), taille de la famille, niveau de ressources. Les cumuls des modes de garde – parents ou accueil individuel − peuvent également être analysés à partir des allocataires qui cessent ou réduisent leur activité [3] et/ou des allocataires du complément mode de garde (CMG). Enfin, il est possible de décrire les types de fréquentations réalisés par les familles (nombre d’heures, nombre de structures fréquentées dans l’année, nombre d’enfants en EAJE dans la famille…).
Notes
-
[1]
Régimes général et agricole.
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[2]
Un épisode d’accueil se caractérise par une date de début (premier jour d’accueil de l’enfant dans la structure au cours de l’année civile), une date de fin (dernier jour d’accueil de l’enfant au cours de l’année civile) et par les données d’activité associées (nombre d’heures de présence de l’enfant, tarification appliquée à la famille…).
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[3]
Jusqu’en 2014, les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA) ; à partir de 2015, les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE).