CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1En France, le congé parental d’éducation et les allocations qui peuvent y être adjointes [2] sont ouverts aux hommes comme aux femmes depuis 1984. Cependant, dans les pratiques, les mères y ont toujours eu davantage recours que les pères : en 1992, lors de la première enquête statistique menée en France sur le congé parental, plus de 98 % des bénéficiaires étaient des femmes (Renaudat, 1993), ce qui est toujours le cas en 2010 (Govillot, 2013). Même constat concernant les allocations parentales qui peuvent être associées à ce congé, où les pères sont minoritaires (Boyer, 2004 ; 2016). Cette surreprésentation des femmes parmi les bénéficiaires du congé parental n’est pas propre à la France. Dans la majorité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « le recours au congé parental est essentiellement effectué par les femmes. La durée du congé ainsi que sa rémunération influencent toutefois le comportement des hommes. Peu d’hommes font usage de leur droit au congé parental si celui-ci n’est pas rémunéré, ou qu’il l’est faiblement avec un montant fixe. Une rémunération proportionnelle au salaire accroît, en revanche, la proportion des hommes à y avoir recours, pour une durée limitée. […] L’existence d’une période de congé strictement réservée aux pères […] exerce également un effet positif sur le taux de recours » (Thévenon, 2009, p. 93). Par exemple, la réforme du congé parental en Allemagne en 2007, qui a remplacé la prestation forfaitaire précédente par une allocation qui représente 67 % du salaire antérieur et a introduit deux mois de congé réservés au père, est allée de pair avec une forte augmentation de la proportion de pères prenant un congé parental dans les années suivantes (Erler, 2011).

2Des enquêtes menées en Suède (Elwert, 2012 ; Månsdotter et al., 2010), en Finlande (Lammi-Taskulan, 2008), en Allemagne (Geisler et Kreyenfeld, 2011 ; Reich, 2010), au Canada (McKay et al., 2013) et en Europe (Marshall, 2008) montrent des résultats similaires concernant les caractéristiques sociodémographiques des pères qui prennent un congé parental : ils sont généralement diplômés de l’enseignement supérieur, appartiennent aux classes moyennes et supérieures, travaillent dans le secteur public ou dans de grandes entreprises et sont en couple avec des femmes qui ont un niveau de revenu similaire ou supérieur au leur. Concernant la France, l’enquête menée sur les pères de l’APE (Boyer, 2004) établissait un profil-type différent, puisque si les pères étaient dans la majorité des cas dans une situation d’hypogamie (60 % des conjointes gagnaient plus que leurs conjoints), ils appartenaient majoritairement aux catégories « ouvriers » et « employés » et travaillaient dans le secteur privé. L’enquête plus récente menée sur les pères bénéficiaires du CLCA (Boyer et al., 2013) ne permet pas d’établir si les caractéristiques de ces pères ont évolué depuis la mise en place du CLCA en 2004, en dehors d’une augmentation du salaire moyen des pères bénéficiaires et de la persistance d’une majorité de couples hypogames (58,1 %). Cependant, cette enquête met en avant les différences dans le recours au CLCA par les pères et les mères. Tout d’abord, les pères souscrivent plus fréquemment l’allocation à taux partiel que les femmes (70,3 % des pères bénéficiaires, contre 56,2 % des mères bénéficiaires). Ensuite, lorsque le père perçoit l’allocation, il est fréquent que ce soit le cas de sa conjointe également. Enfin, les pères restent moins longtemps dans le dispositif que les mères (deux mois de moins que ces dernières en moyenne).

3Or, la revalorisation de la prestation à taux partiel et son ouverture aux familles ayant un seul enfant, en 2004, ont contribué à diversifier les profils des bénéficiaires féminins du CLCA par rapport à ceux de l’APE : alors que les femmes bénéficiaires de l’APE appartenaient majoritairement aux catégories « ouvriers » et « employés » (Simon, 1999), la mise en place du CLCA et la revalorisation de l’allocation à taux partiel sont allées de pair avec une proportion plus importante de femmes appartenant aux catégories « cadres » et « professions intermédiaires » (Berger et al., 2006). On peut alors formuler l’hypothèse d’une diversification similaire des profils des bénéficiaires masculins.

Congé parental d’éducation et indemnisation

Les débats autour du congé parental font généralement la confusion entre le congé parental d’éducation et l’allocation qui peut y être attachée. Rappelons qu’ils font l’objet de deux législations différentes. Le congé parental d’éducation, instauré en 1977, dépend du Code du travail et peut être souscrit jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. L’allocation, instaurée en 1984, sous la forme de l’allocation parentale d’éducation, dépend du Code de la Sécurité sociale, et ses modalités (durée, montant, etc.) sont fixées par décret. Si ces deux dispositifs sont pensés pour être souscrits conjointement, ils peuvent être dissociés.
Les pères de notre enquête ont bénéficié pour une partie d’entre eux du CLCA. Cette allocation concerne les parents qui ont interrompu totalement ou partiellement leur activité professionnelle et qui viennent d’avoir un enfant. Elle peut être versée jusqu’aux six mois de l’enfant si le parent n’a qu’un enfant ou jusqu’à ses trois ans si le parent a au moins deux enfants. En cas d’interruption totale de l’activité, elle s’élevait à 390,92 euros au 1er janvier 2014.
Dans cet article, le terme « congé parental » sera utilisé indifféremment pour désigner « congé parental d’éducation » et « complément de libre choix d’activité », dans la mesure où des hommes qui ne bénéficiaient que du CLCA se présentaient comme étant en congé parental.

4Le caractère minoritaire de la prise du congé parental par les pères interroge. Seuls 46 % des pères ne se déclarent pas intéressés a priori par un congé parental (Govillot, 2013). Les raisons invoquées par les pères pour ne pas avoir pris de congé sont principalement le fait de (penser) ne pas remplir les conditions – 30 % des pères qui auraient pu être intéressés par le congé parental – et la crainte de retombées professionnelles (30 %). La faiblesse de l’indemnité est moins souvent évoquée (22 %), même si elle joue sans doute un rôle important. Il est également possible que cette faible proportion de pères qui prennent un congé parental soit liée aux représentations des hommes concernant le congé. Selon une enquête d’opinion de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), le congé parental est pensé avant tout comme une prérogative maternelle : « [il] est bien souvent vécu et ressenti par les pères comme un prolongement de la grossesse, du congé maternité lui-même, pour des raisons biologiques (permettre à la mère de récupérer après l’accouchement), physiologiques (allaitement), psychologiques (fusion mère/enfant) » (Rowley et al., 2013 : 1 ; Boyer, 2016).

5Cet article s’attache à explorer les déterminants qui président à la prise d’un congé parental par les pères en France. À quelles conditions un père prend-il un congé parental en France ? Pour répondre à cette question, nous nous appuierons sur un corpus d’entretiens menés auprès de pères qui ont effectivement pris un congé parental d’éducation et/ou ont bénéficié du CLCA. Il s’agira d’étudier les arrangements privés et professionnels mis en œuvre par ces pères concernant la souscription et les modalités du congé parental, et également l’usage qu’ils en font. En effet, là où les femmes estiment que leur responsabilité pendant le congé parental est de consacrer leur temps aux enfants et à la tenue du foyer (Brunet et al., 2010), les pères rencontrés mettent fréquemment en avant le fait qu’ils n’ont pas pris un congé uniquement pour s’occuper de l’enfant. Il s’agira donc de comprendre à quelles conditions un père peut s’autoriser à prendre un congé parental.

Méthodologie de l’enquête

Cet article s’appuie sur un corpus de 36 entretiens semi-directifs, réalisés entre septembre 2014 et juin 2016, avec des pères en congé parental d’éducation et/ou bénéficiaires du CLCA, en couple hétérosexuel et avec 10 de leurs conjointes. Un père en congé parental d’éducation à temps plein en couple homosexuel a également été interrogé. Les entretiens portaient sur le choix du père de prendre un congé parental et les représentations et les pratiques des enquêté•e•s en matière de parentalité. L’objectif de l’enquête étant d’étudier l’influence de la garde à plein temps des enfants sur la paternité, seuls quatre pères de notre échantillon n’ont pris qu’un congé à temps partiel, à titre de comparaison.
Ils ont été recrutés par le biais d’une liste de la Caisse d’allocation familiale de Paris recensant les hommes bénéficiaires du CLCA à taux plein en janvier 2015 ; par des modes de garde payants situés en France métropolitaine contactés par mail ; et par interconnaissance.

Prendre un congé parental quand on est un homme : une décision qui va de soi ?

6Loin d’être décrit comme une concession d’une partie de son congé par la mère au père, comme c’est le cas au Québec (McKay et Doucet, 2010) ou au Royaume-Uni (O’Brien et al., 2016), le congé parental au masculin en France est présenté comme une décision familiale, afin de permettre au père de se rendre disponible pour ses enfants et aussi de faire une pause dans son activité professionnelle.

Décider de prendre un congé parental

7Dans la majorité des cas (24 pères), la possibilité de prendre un congé parental émerge pendant la grossesse (ou du projet d’adoption, dans le cas d’Édouard), lors des discussions conjugales sur le mode d’accueil de l’enfant à venir [3]. Bien que la prise du congé ne soit pas présentée comme un projet de longue date, le congé du père se serait néanmoins imposé « naturellement », comme la meilleure solution de garde pour la famille.

8Contrairement aux pères portugais (Wall, 2016) dont certains déclarent s’être engagés auprès de leurs employeurs à se rendre disponible en cas de besoin pendant leur congé, les pères français rencontrés ne mentionnent pas de réelles négociations avec l’entreprise concernant le congé. Comme dans le cas des pères bénéficiaires du CLCA à taux partiel (Boyer, 2016), la demande de congé des pères semble avoir été bien accueillie par leurs employeurs. En revanche, le congé peut intervenir dans le cadre d’autres négociations avec ces derniers, concernant leur évolution future dans l’entreprise ou pour obtenir une rupture conventionnelle à leurs conditions (quatre pères cadres). De plus, certains pères prennent l’employeur en compte dans le choix de la période de prise du congé, en prévenant très à l’avance de la prise de leur congé ou en en limitant la durée (chez les cadres).

9Aucun père n’évoque de conflits ou de désaccords avec sa conjointe concernant le congé et ses modalités. Les conjointes sont décrites comme un soutien et les ont encouragés dans leur projet. Tout au plus, quelques parents évoquent des conditions qui auraient été posées par elles, non tant concernant le congé parental en lui-même, que sur l’allocation du temps pendant le congé :

10

« Je lui ai dit : “ok, tu es en congé parental, mais le deal, c’est que tu t’occupes aussi de la partie ménage.” »
(Sabine [4], adjointe d’agence en banque, deux enfants)

11Le congé parental des pères est donc présenté comme une demande émanant d’eux, par désir de passer plus de temps avec les enfants, bien qu’il puisse s’agir, dans certains cas, d’un choix contraint par l’absence de mode d’accueil. Ils se déclarent dans l’ensemble soutenus inconditionnellement par leurs conjointes et leurs employeurs dans ce projet.

Négocier les modalités du congé parental

12La durée du congé est le plus souvent établie en fonction des contraintes légales, des possibilités financières du couple ou éventuellement par le désir du père de retourner dans l’emploi après une ou plusieurs années de congé. De fait, la majorité des pères (24) prend un congé qui couvre la totalité de la période de perception du CLCA [5]. Les 13 pères qui se retirent du dispositif avant la fin de la période de droits mettent en avant des raisons similaires à celles des mères bénéficiaires du CLCA (Legendre et al., 2011) : le désir d’améliorer la situation financière du couple et l’envie de retravailler (chez des pères appartenant aux professions intermédiaires ou exerçant une activité intellectuelle). Par exemple, Hugo, journaliste, en congé à temps plein pendant un an, trois enfants, explique qu’il se serait bien vu prolonger, mais qu’après un an de congé, financièrement, « ça commençait à être vraiment chaud. » De plus, quatre d’entre eux, des cadres, ont trouvé un nouvel emploi avant la fin du congé.

13Les pères bénéficiaires du CLCA à temps partiel, interrogés par Danielle Boyer (2016), présentent un rapport distancié à l’emploi et déclarent privilégier la qualité de vie et leur investissement parental, même s’ils n’auraient pas pu imaginer interrompre leur activité professionnelle (par crainte des conséquences sur leur carrière ou par besoin ressenti d’équilibrer vie professionnelle et vie familiale). Les raisons invoquées pour expliquer un recours au dispositif à temps partiel plutôt qu’à taux plein sont des raisons financières et également le désir de ne pas s’isoler :

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« On en est venus aux 50 % pour la simple et bonne raison, parce que après calculs… […] avoir un demi-salaire, c’était beaucoup plus confortable au niveau du budget familial, et, accessoirement, le fait de continuer à aller au travail, ça permet d’avoir une fenêtre ouverte sur autre chose ; sinon, on est un peu enfermé à la maison, avec la famille. »
(Goddefroy, en congé à temps partiel depuis un mois et demi, conjointe en congé maternité ; chargé de relation clients dans une entreprise d’aéronautique ; un enfant)

15À l’inverse, les pères en congé parental à temps plein ne semblent pas avoir envisagé de prendre un congé à temps partiel.

16Concernant les couples où les deux conjoints ont pris un congé parental, les pères évoquent des contraintes liées à l’absence de mode d’accueil pour expliquer qu’ils aient « pris le relais » de leurs conjointes après le congé de ces dernières, ou un besoin ressenti de « faire une pause » dans leur activité professionnelle, suite à l’arrivée du deuxième ou du troisième enfant ; là où les conjointes interrogées mettent plutôt en avant leur désir d’être avec l’enfant pour justifier leur recours au congé parental.

17Le père est donc laissé assez libre dans la fixation des modalités du congé parental. Si plusieurs pères mentionnent des contraintes extérieures responsables de la prise du congé, le type de congé (temps partiel ou temps plein) et la fin du congé sont largement laissés à leur appréciation, dans la mesure où ni les conjointes ni les employeurs ne sont mentionnés dans la décision de retourner à l’emploi. Ainsi, dans la majorité des cas, le recours au congé parental ne semble possible pour ces pères que dans la mesure où il s’agit d’une parenthèse par rapport à l’emploi [6].

Prendre un congé parental : à quelles conditions ?

18Concernant le rapport à l’emploi des pères en congé parental, nous pouvons remarquer plusieurs caractéristiques qui les rapprochent du profil des pères en congé parental à l’étranger : ils sont, pour la majorité d’entre eux, diplômés de l’enseignement supérieur – 26 – et 25 d’entre eux appartiennent aux catégories « cadres » et « professions intermédiaires ». De plus, les pères rencontrés prenaient peu de risque professionnellement à prendre un congé parental : seuls six étaient au chômage au moment de la prise du congé, les autres occupaient un contrat à durée indéterminée (dont neuf pères travaillant dans la fonction publique). Parmi ces pères, 21 avaient l’intention ou ont retrouvé leur emploi précédent à la fin du congé et cinq des pères qui avaient l’intention d’en changer en restant dans la même branche ont retrouvé un emploi pendant ou à la fin de leur congé. Les cinq pères restants voulaient profiter de leur congé pour opérer une reconversion professionnelle.

19Par ailleurs, ils sont pour une majorité d’entre eux en situation d’hypogamie (24 d’entre eux ont un salaire inférieur à celui de leur conjointe), raison fréquemment avancée par eux pour recourir au congé parental :

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« Si [ma femme] se met en congé parental, grosso modo on ne mange plus. »
(Isaac, en congé parental à temps plein pendant six mois, employé d’accueil en entreprise, deux enfants)

21D’un point de vue financier, aucun père ne signale de difficultés liées à la prise du congé parental, soit parce que le salaire de la conjointe est présenté comme étant suffisant pour assurer les dépenses familiales, soit parce que la prise du congé était conditionnée à la réalisation de calculs en amont pour s’assurer de la viabilité économique du projet ou à une réduction délibérée du train de vie familiale pendant cette période.

22Les pères de notre échantillon sont donc, pour une grande partie d’entre eux, des pères qui « peuvent se le permettre », tout d’abord parce que la stabilité de l’emploi de leurs conjointes et son niveau de revenu assure au foyer un apport suffisant, ensuite parce que leur retour à l’emploi est assuré. De plus, pour les pères qui ne veulent pas retourner dans leur emploi précédent, le congé parental est une occasion de faire des recherches d’emploi et, dans certains cas, de faire pression sur l’employeur pour obtenir une rupture conventionnelle. Enfin, pour les pères sans emploi, le CLCA est une façon d’indemniser une période d’inactivité, en attendant de pouvoir retrouver un poste.

23Les pères qui recourent à ce dispositif dans notre échantillon se rencontrent principalement dans les classes moyennes et supérieures (probablement parce qu’ils sont plus sensibles au modèle du « nouveau père » [Le Pape, 2009] et aussi parce que le congé parental présente un moindre risque pour leur carrière professionnelle), et ils ont généralement une conjointe qui gagne un salaire supérieur au leur, ce qui justifie le choix conjugal de privilégier la carrière de cette dernière. Concernant les modalités du congé parental, les pères disposent d’une grande latitude et déclarent les fixer librement, en fonction de leurs envies de rester avec les enfants, de quitter temporairement l’emploi ou d’y retourner.

Un congé parental pour garder les enfants soi-même ?

24Si le congé parental du père est souvent présenté par eux comme un mode d’accueil s’étant imposé « naturellement » au couple pendant la grossesse de la conjointe, les choix conjugaux au sujet des modes d’accueil laissent apparaître un tableau plus nuancé. Tout d’abord, tout comme les pères bénéficiant du CLCA sont fréquemment en couple avec une femme bénéficiant également du CLCA (Boyer et al., 2013), un tiers des conjointes dans notre échantillon ont également pris au moins un congé parental à plein temps. Ensuite, une partie des pères rencontrés ont recours à un mode d’accueil pendant une partie ou la totalité de leurs jours de congé.

« Et ta femme, pourquoi elle ne prend pas un congé parental ? »

25Dans la majorité des couples rencontrés (21), la prise du congé parental a été envisagée pour le père, mais pas pour la mère – ou l’autre père dans le cas d’Édouard. La raison la plus souvent évoquée pour justifier que le père ait pris un congé et pas le•la conjoint•e est qu’il•elle a un salaire supérieur ou que sa carrière se prête moins que la sienne à la prise d’un congé parental, parce qu’il•elle occupe un poste à responsabilité ou en indépendant par exemple. Par exemple, Rémi explique que pour sa conjointe, sous-préfète, prendre un congé parental :

26

« C’est assez compliqué par rapport au job qu’elle fait et ce qui se fait ; son job lui plaît beaucoup. C’est des jobs où c’est toujours compliqué… »
(Rémi, en congé à temps plein pendant neuf mois, conjointe sous-préfète ; administrateur territorial ; deux enfants)

27C’est également le cas dans les deux couples où la prise du congé parental a été envisagée pour les deux parents, mais où seul le père en a finalement pris un. Enfin, dans le cas des couples où le père était au chômage au moment de la naissance d’un des enfants, la question ne s’est tout simplement pas posée.

28Cependant, dans 13 couples, des congés parentaux à plein temps ont été pris par les deux conjoints. Dans la plupart des cas, la conjointe a pris un congé parental pour le premier enfant ou dans le prolongement du congé maternité ; et le père a pris un congé pour un enfant plus âgé ou à la suite du congé parental de la conjointe. Par exemple, Kévin explique que sa conjointe a pris six mois de congé parental après son congé maternité pour leur deuxième enfant, parce qu’il « n’avai[t] pas forcément eu l’idée de prendre le congé parental », mais qu’il a finalement décidé de prendre le relais de sa conjointe :

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« Mon travail me prenait énormément de temps et se passait pas forcément très bien, donc je préférais prendre du temps pour moi et pour ma famille. »
(Kévin, en congé à temps plein depuis un an ; technicien audiovisuel ; deux enfants ; recours à la crèche une, puis plusieurs journées par semaine)

30Dans ces couples, le congé parental du père est souvent présenté comme une décision prise au dernier moment, liée soit au besoin ressenti par eux de se désengager de leur activité professionnelle, soit à un défaut de mode d’accueil. À l’inverse, dans les couples où le père a pris un congé à plein temps avant que leur conjointe n’en prenne un à plein temps pour le deuxième enfant, les conjointes déclarent que c’est le congé de leur conjoint qui leur a donné envie d’en prendre un elles-mêmes. L’alternance des congés comme volonté délibérée n’est avancée que par trois couples.

31Ainsi, les couples n’ont pas d’abord choisi de passer par un congé parental pour décider ensuite lequel des parents allait le prendre. De fait, la volonté que l’enfant soit gardé par un de ses parents n’est presque jamais présentée comme étant la raison principale à la prise du congé. Le principal moteur du congé parental est l’envie d’un des parents d’être présent auprès de ses enfants, souvent adjoint de justifications liées aux carrières respectives des parents.

Un mode d’accueil concurrent ou complémentaire d’un autre mode d’accueil ?

32Dans la plupart des couples, le congé parental n’était pas le seul mode d’accueil envisagé. Presque tous les couples font état de discussions conjugales sur le meilleur mode d’accueil. Les raisons qui les font finalement opter pour un congé parental du père sont variées :

  • désir de s’occuper soi-même des enfants, 12 pères ;
  • défaut du mode d’accueil précédemment envisagé, 9 pères ;
  • avantage financier à s’en occuper soi-même, 6 pères.

33Cependant, si dans la plupart des couples le congé du père est pensé comme exclusif du recours à un autre mode d’accueil à plein temps, sept pères ne gardaient pas leurs enfants à titre principal pendant leur congé.

34Dans deux couples sur quatre concernant les pères en congé à temps partiel et cinq des couples où le père est en congé à temps plein, l’enfant est gardé par quelqu’un d’autre les jours du congé. Il s’agit pour ces pères, souvent cadres, de réaliser un projet de reconversion ou de chercher un emploi, ce qui est le plus souvent le principal objectif du congé. Par exemple, Baptiste explique que :

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« Depuis mon congé parental, j’ai pas changé les horaires de la nounou, ce qui fait que le lundi et le vendredi, [mon fils] y est toujours. Moi, ça me permet de me dégager du temps pour chercher un boulot. »
(Baptiste, en congé à temps partiel depuis deux mois ; ingénieur consultant ; un enfant ; recours à un•e assistant•e maternel•le cinq jours par semaine)

36Dans la plupart de ces cas, le congé parental du père n’a été décidé qu’après le placement de l’enfant dans le mode d’accueil payant et il est pensé comme étant transitoire. Il s’agit donc d’être disponible si un emploi se présente.

37De plus, neuf des pères ont pu bénéficier d’un mode d’accueil ponctuel (une journée par semaine) en halte-garderie ou en multi-accueil, comme Kévin :

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« On a fini par la mettre une journée à la crèche par semaine, histoire que moi, de temps en temps, je puisse faire quelques autres trucs. »

39Le recours à ce mode d’accueil ponctuel est souvent justifié par le besoin du père d’avoir du temps pour lui et, dans une moindre mesure, comme étant l’occasion de sociabiliser l’enfant.

40En l’absence de statistiques sur le sujet, il est difficile d’affirmer que le recours à un autre mode d’accueil pendant un congé est spécifique aux pères. Néanmoins, au regard des travaux sur les mères en congé parental (Brunet et Kertudo, 2010 ; Govillot, 2013), nous pouvons formuler l’hypothèse que les pères ont la possibilité d’envisager le congé parental moins comme un mode d’accueil que comme un moyen – moins risqué qu’une démission – de prendre le temps de chercher un autre emploi ou de se reconvertir, ce qui semble moins vrai pour les femmes. Il est également possible qu’un père ne se sente pas légitime à prendre un congé parental seulement pour s’occuper des enfants, comme semble le montrer l’intrication dans les discours des pères entre les raisons liées au travail et celles liées à l’enfant, et les projets qu’ils envisageaient de réaliser pendant cette période.

41Le recours à un congé parental par le père ne signifie donc pas que ce dernier soit systématiquement pensé comme étant le principal mode d’accueil des enfants. Au contraire, les parents ont souvent eu recours à une multiplicité de modes d’accueil (qu’il s’agisse de congés parentaux, de gardes ponctuelles par des grands-parents ou de modes d’accueil payants) avant et après le recours au congé parental par le père, voire dans certains cas pendant le congé.

Un congé parental uniquement pour s’occuper de l’enfant ?

42Bien que tous les pères motivent leur décision de prendre un congé parental par le désir de passer plus de temps avec leurs enfants, ils avancent aussi l’idée qu’ils voulaient en profiter pour mettre en place des projets personnels, professionnels ou des travaux dans le logement. Cependant, la majorité d’entre eux ont dû y renoncer de par la charge de travail que représente la gestion quotidienne d’un ou plusieurs enfants et d’un logement. On peut alors distinguer plusieurs profils de pères, en fonction de l’usage qu’ils font du temps alloué par le congé parental.

Un congé parental : pour faire quoi ?

43Presque tous les pères interrogés mentionnent des projets de travaux dans la maison, d’investissement associatif, d’activités sportives… qu’ils espéraient mettre en place. Si certains pères y sont parvenus, la majorité d’entre eux disent avoir dû revoir leurs exigences à la baisse, voire d’avoir renoncé à les réaliser pendant le congé :

« Je pense qu’il faudrait renommer le congé parental en “année parentale” [rire]. Parce que moi, je l’ai vachement pris à la légère ; je me suis dit : “Je ferai ça, ça, la maison, je vais faire une cabane dans le jardin, je l’avais prévue depuis longtemps, je vais faire ça, je vais faire ça…” et en fait… Pas grand-chose ! [rire] »
(Nathan, en congé à temps plein depuis un an ; commercial ; deux enfants ; garderie deux matinées par semaine)
« Quand j’ai commencé le congé parental, souvent on m’a souri, notamment les femmes qui en avaient pris… “Ah, j’aimerais bien avoir le temps de cuisiner, apprendre de nouvelles recettes…”, et voilà : “Grand naïf que tu es, déjà si tu arrives à t’occuper des enfants, ce sera bien”… Et c’est vrai ! Il y a souvent eu des journées, à la fin de la journée, j’avais pas eu le temps de faire le repas du soir ! »
(Fabien, en congé à plein temps pendant six mois ; cadre de la fonction publique ; deux enfants)
Si les projets sont rarement présentés comme étant la raison principale de la prise du congé, le fait que presque tous les pères mentionnent avoir voulu profiter du congé « pour faire quelque chose » interpelle : contrairement aux mères en congé parental qui estiment que leur temps doit être exclusivement consacré aux enfants et à la famille (Brunet et Kertudo, 2010), les pères en congé parental ne semblent s’être autorisés à prendre le congé qu’à condition de faire quelque chose de productif de leur temps.

Le congé parental au quotidien : priorité aux tâches parentales et ménagères

44Le renoncement aux projets précédemment envisagés est présenté comme la conséquence de la masse de tâches parentales et ménagères à réaliser pendant les journées de congé. Comme dans le cas des pères portugais (Wall, 2016) ou norvégiens (Kvande et al., 2016), les pères français déclarent fréquemment que la présence de l’enfant contraint considérablement leur emploi du temps, tant en raison du rythme imposé par l’enfant que de la nécessité pour ces pères de se rendre disponible pour lui (plutôt que de le surveiller en faisant autre chose). Ainsi, Justin explique :

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« En dehors des siestes, où on en profite souvent pour faire une sieste [rire], il reste peu de temps pour lire un bouquin ou se donner un petit peu de temps, pour penser à autre chose qu’être tout le temps dans la gestion de son enfant [rire]. […] C’est vraiment rythmé par son rythme à lui. »
(Justin, en congé à temps plein pendant six mois ; chargé de projet ; un enfant)

46Les pères déclarent alors, pour la majorité d’entre eux, avoir décidé de faire passer leurs projets au second plan pour se concentrer sur l’enfant, mais aussi pour garder la maison bien tenue. En effet, en passant plus de temps à la maison, ils seraient amenés à en faire plus en termes de tâches ménagères – comme dans le cas des pères norvégiens (Kvande et al., 2016) –, d’autant plus qu’ils estiment que ces tâches sont de leur responsabilité pendant le congé ou qu’ils souhaitent en décharger leur conjointe. Néanmoins, les tâches domestiques sont plus partagées le week-end, comme l’explique par exemple Justin :

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« [Le week-end] on essayait de rééquilibrer un petit peu […]. Pour qu’on puisse se répartir les tâches et que j’ai un petit peu de temps pour moi seul. »

48L’affectation du temps quotidien est différente pour les pères dont les enfants sont en mode d’accueil à plein temps, mais pas pour ceux qui placent leurs enfants une journée par semaine dans un mode d’accueil. En effet, les premiers semblent disposer de davantage de marge de manœuvre pour réaliser les projets qu’ils s’étaient assignés, voire afin de profiter de temps pour eux, comme dans le cas des pères portugais (Wall, 2016).

49Contrairement aux pères finlandais qui vivent le congé parental comme un moment de liberté et de relâchement sur le plan temporel (Lammi-Taskula, 2016), la majorité des pères français le décrivent sur le mode de l’intensité, tant émotionnelle que temporelle. En effet, le congé est décrit comme l’occasion de construire réellement une relation avec son ou ses enfants, même lorsqu’il est relativement court. De plus, les journées du congé sont vécues comme étant trop courtes, du fait de la cadence du rythme imposé par l’enfant et par les tâches ménagères à réaliser de surcroît. La difficulté, voire l’incapacité des pères à mettre en place leurs projets pourrait être la conséquence d’un marquage du temps induit par le recours à un congé parental : un père pourrait difficilement s’autoriser à faire autre chose que s’occuper de ses enfants dans ce cadre (contrairement à un congé payé par exemple), charge fréquemment décrite comme étant plus importante que ce qu’ils avaient imaginé.

Des usages différents du congé parental en fonction du milieu social ?

50Nous pouvons distinguer trois usages du congé parental par les pères rencontrés, en fonction de ce à quoi ils déclarent consacrer le temps de leur congé et, dans une moindre mesure, de leur recours à d’autres modes d’accueil pendant cette période.

51Une minorité (quatre pères) utilise le dispositif avant tout pour mener un projet de reconversion ou de recherche d’emploi – et pour obtenir une rupture conventionnelle de leurs employeurs, pendant que les enfants sont gardés par un autre mode d’accueil. Par exemple, Philippe (en congé à temps plein pendant six mois et à temps partiel pendant trois mois ; ingénieur pédagogique ; deux enfants ; premier enfant gardé par les grands-parents une partie de la journée pendant le congé à plein temps) explique que lui et sa conjointe ont pris un congé parental à temps plein de six mois pour monter une entreprise au Chili et que « [s]on congé parental, c’était avant tout pas pour l’enfant quand même ». Trois de ces pères sont dans des couples hypergames [7], ce qui explique sans doute leur capacité à négocier au sein de leur couple le recours à un congé parental accompagné du recours à un autre mode d’accueil. Cependant, bien que l’objectif du congé soit avant tout professionnel, ces pères affirment qu’il a aussi été pour eux l’occasion de passer plus de temps avec leur(s) enfant(s), par exemple en allant le(s) chercher à la sortie de leur mode d’accueil.

52Sept pères, appartenant plutôt aux professions intermédiaires, font un usage mixte du congé parental, dans la mesure où ils en consacrent la majeure partie aux enfants, mais qu’ils se réservent du temps pour des activités ou des projets (par le biais d’un mode d’accueil payant ou lorsque la conjointe n’est pas au travail). Par exemple, Oscar (en congé à temps partiel depuis un an ; professeur des écoles ; deux enfants ; recours à un•e assistant•e maternel•le une journée de congé sur quatre) explique qu’il passe généralement sa journée de congé avec sa fille, sauf un lundi par mois (« le lundi du papa »), où il la laisse chez l’assistant•e maternel•le.

53La majorité des pères de notre échantillon (26) décrivent leurs journées comme étant consacrées à leur(s) enfant(s). La majorité d’entre eux a renoncé aux projets qu’ils avaient à l’esprit lors de leur demande de congé parental, et leur temps personnel est présenté comme des instants volés lorsque l’enfant dort. Ainsi, deux pères expliquent :

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[Je voulais réfléchir à ma vie professionnelle] et rapidement, j’ai écarté en disant “le congé parental, il dure trois mois, tout le reste, le professionnel, ça fait une dizaine d’années, tu t’en occuperas en rentrant, et là, consacre-toi à vivre pleinement ce projet” […]. C’étaient des journées très découpées, avec des temps très courts pour faire chacune des choses, un peu la course et un besoin d’organisation pour […] faire en sorte que ça marche… »
(Antoine, en congé à temps plein pendant trois mois ; directeur adjoint ; un enfant)

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« Quand je parle de faire de la musique… Si je suis honnête, mes journées commencent le soir [rire]. S’occuper d’un enfant, c’est vraiment prenant, y a pas de demi-mesure. Surtout si on a envie de bien le faire. »
(Mohammed, en congé à temps plein pendant trois ans ; gérant de manège ; quatre enfants)

56Ces catégories ne sont pas étanches. En effet, six pères (appartenant plutôt aux professions intermédiaires) déclarent que si, dans un premier temps, leur congé était consacré exclusivement à la famille, ils se sont par la suite ménagé du temps pour un projet de reconversion. Par exemple, Camille (en congé à temps plein pendant six ans ; développeur Internet ; trois enfants) a commencé à prendre des cours de japonais avec une de ses filles pour ses loisirs, et il a par la suite décidé d’en faire un projet professionnel. Il s’agit de pères qui ont cumulé plusieurs congés à temps plein. Il est donc possible qu’étant donné leur moindre niveau de qualification (par rapport aux pères cadres de notre échantillon) et leur plus long éloignement du marché de l’emploi, ils aient ressenti le besoin de développer de nouvelles compétences afin d’assurer plus facilement leur retour au travail.

57Ainsi, nous pouvons discerner quelques tendances à l’échelle de notre enquête concernant l’usage du congé parental selon le milieu social. Contrairement à ce à quoi nous aurions pu nous attendre, nous n’observons pas de dichotomie entre les pères appartenant aux catégories les moins favorisées, qui consacreraient la totalité de leurs temps aux enfants, et les pères cadres qui s’autoriseraient un investissement moindre. Au contraire, ce sont plutôt les pères de professions intermédiaires qui adoptent un usage mixte du congé. Cette catégorisation fait apparaître en filigrane une distinction :

  • d’une part les pères qui ont les moyens (économiques ou symboliques) de revendiquer un usage du congé hédoniste – notamment les pères cadres qui présentent le congé comme l’occasion de se consacrer exclusivement à la famille – ou au contraire exclusivement utilitaire – grâce au placement des enfants dans un mode d’accueil ;
  • d’autre part les pères qui en font un usage mixte, faute de moyens pour ignorer des préoccupations liées à l’emploi ou placer les enfants dans un mode d’accueil payant.

Conclusion

58Les pères qui décident de recourir à un congé parental se voient poser peu de conditions, tant par leurs conjointes que par leurs employeurs. En effet, comme dans le cas des pères en congé parental à l’étranger, les pères interrogés se trouvent dans de bonnes conditions pour recourir à un congé : ils disposent souvent d’un emploi stable, dans des sphères professionnelles où l’investissement parental des pères est bien perçu. Cependant, les conditions que les pères se posent à eux-mêmes sont décisives dans la décision du père. En effet, les pères rencontrés ne se sentent pas légitimes à user de ce droit seulement pour s’occuper des enfants. Les projets professionnels, associatifs, personnels évoqués par les pères [8] sont la condition pour qu’un homme s’autorise à prendre un congé parental. Certes, dans la plupart des cas, ces projets sont revus à la baisse, dans le sens d’un investissement exclusif auprès des enfants et des tâches domestiques. Cependant, les pères paraissent avoir la possibilité d’envisager un usage différent du congé par rapport à celui des femmes, ce qui se traduit en partie par le recours de certains enquêtés à d’autres modes d’accueil pendant le congé.

59Nous pouvons à ce titre nous interroger sur les effets possibles de la réforme du CLCA, devenu la PreParE, qui instaure un partage de l’allocation entre les deux parents dans les familles biparentales. En effet, le fait que certains couples aient choisi un partage du congé parental avant la mise en place de la réforme montre que cette possibilité était déjà présente à l’esprit des couples intéressés, au moins pour les cas d’urgence. De plus, le fait que les couples décident le plus souvent de la prise du congé parental pendant la grossesse, sur le mode « soit l’un, soit l’autre », laisse penser que les pères ne prendront pas nécessairement un congé parental des deux ans aux trois ans de l’enfant (selon le modèle envisagé lors de la réforme), et que les couples choisiront plutôt pour un mode d’accueil payant à la fin des deux années de congé.

Notes

  • [1]
    Personne ayant une situation professionnelle et un salaire inférieurs à ceux de son conjoint.
  • [2]
    Ces allocations sont l’allocation parentale d’éducation (APE), devenue par la suite le complément de libre choix d’activité (CLCA), puis la prestation partagée d’accueil du jeune enfant (PreParE). « Parmi les personnes ayant déclaré être en congé parental total dans l’enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants, 73 % ont également déclaré percevoir le CLCA. Mais il est très probable que cette proportion soit sous-estimée. En effet, classiquement dans les enquêtes réalisées auprès des ménages, les personnes connaissent parfois assez mal les prestations qu’elles perçoivent. » (Crenner, 2011, p. 4).
  • [3]
    C’est le cas de 38 % des mères ayant pris un congé parental à plein temps (Govillot, 2013).
  • [4]
    Les prénoms ont été changés.
  • [5]
    C’est le cas de 72 % des femmes bénéficiaires du CLCA à taux plein – 76 % à taux réduit – (Legendre et al., 2011), là où les hommes bénéficient en moyenne du CLCA de rang 1 pendant 4,4 mois et CLCA de rang 2 et plus pendant 19,5 mois (Boyer et al., 2013).
  • [6]
    Comme dans le cas des pères bénéficiaires de l’APE (Boyer et al., 2004) et des femmes bénéficiaires du CLCA, dont la majorité retravaille ou cherche un emploi après la période de perception de l’allocation (Ananian, 2010).
  • [7]
    Leur conjointe a une situation professionnelle et un salaire inférieurs.
  • [8]
    Là où les mères en congé parental semblent plutôt « s’assigner de nouvelles missions domestiques » (Brunet et Kertudo, 2010, p. 27).
Français

La récente réforme du congé parental (2014) a instauré un partage entre les parents de l’allocation pouvant être associée au congé parental d’éducation afin d’encourager les pères à avoir davantage recours au congé. La faible proportion de pères bénéficiaires du congé serait-elle donc due à la méconnaissance des pères de ce dispositif, ou à leur peur que sa souscription n’entrave leur carrière professionnelle, comme l’ont affirmé certains défenseurs de la réforme ? D’après 37 entretiens réalisés auprès des hommes ayant pris un congé parental, si les conditions d’emploi de chacun des conjoints ont un rôle à jouer dans la décision de la prise du congé au masculin (stabilité de l’emploi de la mère, hypogamie [1]), les conditions que l’homme se fixe pour s’autoriser à prendre le congé semblent également décisives. En effet, les pères ne semblent se projeter dans le congé qu’à condition de ne pas s’occuper seulement des enfants pendant cette période, signe d’un investissement possible du congé différent entre les hommes et les femmes.

Références bibliographiques

Myriam Chatot
Doctorante en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), sous la direction de Marc Bessin et de Catherine Marry, elle est rattachée à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux et au Centre Maurice-Halbwachs. Ses recherches portent sur la famille et sur le genre en France.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/07/2017
https://doi.org/10.3917/rfas.172.0229
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