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Introduction

1 Loin d’être univoques, les significations des mots « handicap », « perte d’autonomie » ou « dépendance » font débat (Ennuyer, 2002). Loin d’être figés, les usages de ces notions sont en constante évolution. Il est dès lors crucial de s’interroger sur les contenus de ces catégories de pensée, sur les modalités de leur diffusion et sur leurs implications pour les univers d’action publique et professionnels dans lesquels elles s’inscrivent. Dans cet article, nous voudrions contribuer à cette réflexion à partir de l’analyse sociologique de l’une des catégories qui fait l’objet d’usages croissants dans les politiques de l’autonomie : la notion de « fragilité des personnes âgées ».

2 Popularisée dès les années 1990 par des gériatres américains cherchant à qualifier un syndrome physiologique d’affaiblissement des personnes âgées (Fried et al., 2001), la notion de « fragilité » a donné lieu à plusieurs centaines de publications scientifiques. De multiples auteurs ont cherché à affiner la qualification de cet état jugé instable, ce frêle équilibre menacé par le moindre événement difficile, risquant de faire basculer la personne dans une perte d’autonomie avérée. Les promoteurs de ces approches proposent de s’intéresser au statut cognitif, à l’état émotionnel, aux prescriptions médicamenteuses ou encore à l’isolement social des personnes pour évaluer le risque de perte d’autonomie. Les auteurs qui ont étudié l’émergence de la notion de fragilité ont mis l’accent sur son caractère « énigmatique » (Bergman et al., 2004, p. 16). « Floue, mouvante, multidimensionnelle et donc difficilement saisissable » (Finielz et Piotet, 2009, p. 155), la fragilité apparaît comme une catégorie aussi difficile à définir (Bohic, 2013) qu’à déployer de façon opérationnelle (Ennuyer, 2004). Néanmoins, depuis quelques années, cet état intermédiaire entre le pathologique et la normalité fait l’objet d’un intérêt croissant. À l’échelle internationale, le rapport mondial sur le vieillissement et la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est doté d’une définition officielle : la fragilité serait « un déclin progressif et lié à l’âge des systèmes physiologiques, ayant pour résultat de moindres réserves de capacité intrinsèque, conférant une vulnérabilité extrême au stress, augmentant le risque de survenue d’un ensemble de résultats de santé négatifs » (World Health Organization – WHO, 2015, p. 63). En France, cette catégorie n’est plus seulement l’apanage de la gériatrie, comme elle l’était à ses débuts (Dourlens, 2008). Dans les années 2000, le secrétariat d’État aux Personnes âgées a déployé un programme de prévention et d’organisation des soins pour les personnes âgées fragiles. Les pouvoirs publics se sont aussi mis en quête d’indicateurs pour évaluer la fragilité (Renaut, 2004). La notion est aujourd’hui mobilisée à plus vaste échelle, comme en attestent notamment la publication d’un « livre blanc » (Société française de gériatrie et de gérontologie – SFGG et International association of gerontology and geriatrics – IAGG, 2015) et l’élaboration institutionnelle de guides méthodologiques consacrés au repérage de la fragilité (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux – ANESM, 2016 ; Haute Autorité de la santé – HAS, 2013).

3 En d’autres termes, la fragilité devient actuellement un vaste « problème public » (Gilbert et Henry, 2009). Comment rendre compte de l’emprise croissante de cette catégorie ? Bien que la notion de fragilité puisse être considérée comme floue, il importe d’analyser les enjeux sous-tendus par son utilisation, qui amènent une pluralité d’acteurs à s’en saisir. À la manière des auteurs qui ont procédé à la déconstruction des raisonnements statistiques (Desrosières, 1993) ou des théorisations implicites des instruments d’action publique (Lascoumes et Le Galès, 2004), le regard sociologique est équipé pour analyser ce type de catégorie. On voit alors que l’intérêt renouvelé pour la « fragilité » des personnes âgées repose sur l’essor d’un ensemble de raisonnements, d’acteurs professionnels, de pratiques et d’outils de repérage, qui se mettent en mouvement autour d’une logique : il est souhaitable d’agir en amont de la perte d’autonomie pour améliorer les interventions publiques et professionnelles. De par son caractère polysémique, ses frontières floues et son orientation explicite vers l’action, la fragilité se laisse bien saisir comme un « motif cognitif », c’est-à-dire une « composition de parties, intégrant des éléments cognitifs, sociaux et matériels, dont l’organisation plus ou moins réussie produit des effets de conviction », des « systèmes socialement organisés de bonnes raisons » (Benamouzig 2015, p. 11-12). La notion de motif cognitif a été forgée pour étudier la trajectoire du raisonnement économique en santé qui, quoique composite et sujet à des usages variés, n’en est pas moins doté d’un contenu et d’une certaine autonomie. La notion a également été mobilisée pour étudier le mode opératoire d’instruments d’action publique, comme les indicateurs de qualité hospitalière (Bertillot, 2016). Elle permet de saisir dans un même regard la dimension équivoque de ce type d’instruments, conçus à partir de savoirs variés et pour une pluralité d’usages, et les logiques de rationalisation qu’ils instillent. De façon analogue, analyser la fragilité comme un motif cognitif permet de prendre au sérieux les savoirs qui fondent et légitiment cette catégorie, tout en s’intéressant aux usages sociaux variés dont elle fait l’objet. On comprend alors que son essor et ses difficultés opérationnelles se jouent dans la tension entre d’une part la plasticité de la notion et d’autre part les principes d’action normatifs qui en constituent le cœur.

4 Cet article ne porte pas de jugement sur un éventuel intérêt normatif de la notion de fragilité. À partir d’une enquête à deux volets (voir encadré), il s’agit ici de rendre compte de l’emprise croissante de cette catégorie et de quelques-uns des problèmes qu’elle rencontre. Nous commençons par analyser les compositions du motif cognitif de la fragilité avant de saisir en actes sa mise en pratique.

Encadré : Méthodologie : une enquête sociologique à deux volets

Cet article repose sur une enquête réalisée entre février 2015 et mars 2016, dans le cadre d’une recherche pluridisciplinaire (projet MAIA-Age) inscrite dans le programme de recherche La Dynamique du vieillir (université Sorbonne Paris-Cité). Notre approche consiste à étudier l’organisation des politiques d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie, en observant le déploiement de dispositifs d’intégration. La fragilité est dès lors saisie non comme un objet isolé, mais dans un contexte plus large.
Le premier volet de l’enquête a consisté à objectiver les savoirs, les idées et les acteurs mis en jeu dans la notion de fragilité. Nous avons analysé un corpus de sources écrites consacrées à la fragilité, incluant les références internationales centrales et les travaux publiés en France et/ou par des auteurs français depuis une dizaine d’années (n = 200), à partir d’une revue de la littérature scientifique dans les champs de la biomédecine, des sciences sociales, du soin intégré, ainsi que de la littérature grise consacrée à cette question. Notre but n’était pas de produire une revue de la littérature exhaustive, mais d’explorer les divers cadrages de la fragilité et les enjeux autour desquels cette catégorie émerge. Ces sources ont été classifiées, puis organisées dans une bibliographie commentée. Ce travail a été complété par l’observation d’événements en rapport avec la fragilité, congrès professionnels et réunions institutionnelles permettant d’étudier les débats autour de la notion (n = 3).
Le second volet de l’enquête a consisté à saisir la fragilité dans les pratiques des acteurs de la prise en charge des personnes âgées, à partir d’une enquête de terrain comparative, menée depuis février 2015. Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs (n = 40) avec des acteurs institutionnels et professionnels issus de différents secteurs (sanitaire, social, médico-social), essentiellement sur deux territoires d’enquête (en Seine-Saint-Denis, à Paris). À partir de cette enquête qualitative – encore en cours –, il ne s’agit pas ici de comparer terme à terme la situation sur les deux territoires, mais d’apporter un éclairage sur deux aspects. D’une part, nous saisissons comment l’émergence de cette catégorie est perçue en tant que telle par les différents professionnels. D’autre part, nous rendons compte des multiples pratiques locales concrètes ne se revendiquant pas nécessairement de la fragilité mais renvoyant néanmoins à des actions concrètes d’accompagnement ou de prévention de la perte d’autonomie, dans différents univers de pratique.

La fragilité des personnes âgées : les compositions d’un motif cognitif

5 Pour comprendre l’essor de la notion de fragilité, il faut s’intéresser à deux caractéristiques étroitement imbriquées de ce motif cognitif : d’un côté, la fragilité a la particularité d’être hétérogène dans son contenu, ouverte à des acteurs et à des pratiques variés et relativement poreuse par rapport à d’autres notions ; d’un autre côté, elle se présente comme un concept à visée opérationnelle, tourné vers l’action des pouvoirs publics et des professionnels, qui porte en son cœur une ambition de transformation. Elle constitue ainsi à la fois une catégorie plastique et normative, ce qui permet l’engagement d’une variété d’acteurs.

Approches biomédicales, sociales et populationnelles : la plasticité de la fragilité

6 Il est intéressant de chercher à saisir comment la catégorie « fragilité » est en train d’être « cadrée » (Goffman, 1974), c’est-à-dire quelles logiques elle incorpore en son cœur et quels éléments occupent ses marges ou sont mis hors champ. La plasticité de la notion est importante en ce qu’elle permet d’agréger autour de la notion un vaste ensemble d’acteurs qui peuvent se l’approprier – et contribuer à la faire émerger – en fonction de leurs enjeux et pratiques différenciés. Notre revue de la littérature permet d’analyser le tableau d’ensemble, autour de trois grands cadrages de la fragilité qui coexistent, chacun engageant des acteurs, des raisonnements et des pratiques spécifiques [1].

7 En premier lieu, la fragilité a été définie à l’aune d’une approche biomédicale. Cette catégorie a d’abord été inventée par les professionnels de la gériatrie, qui cherchent à l’utiliser pour qualifier un syndrome physiologique précédant la perte d’autonomie (Fried et al., 2001) et dont l’identification précoce permet de prédire des complications pour la santé, comme les risques accrus de chutes, d’hospitalisations et de décès, et de proposer des traitements adaptés. Dans l’acception la plus pure de la fragilité au sens biomédical, on s’intéresse essentiellement à la fragilisation musculaire. S’inspirant de la construction de l’ostéoporose comme domaine d’intervention médicale, des professionnels et chercheurs en gériatrie revendiquent ainsi la découverte d’un nouveau syndrome précédemment non étudié, appelé sarcopénie. Une reconnaissance de la sarcopénie aurait de lourds enjeux : elle ouvrirait la voie à des essais thérapeutiques et à des autorisations de mise sur le marché de produits pharmaceutiques permettant de ralentir la fonte musculaire. Dans une acception moins étroite du cadrage biomédical, la fragilité est vue comme une accumulation de déficits, dont le gériatre doit faire son territoire d’investigation et d’action professionnelle (Rockwood et Mitnitski, 2011). Sarcopénie et fragilité sont les « deux faces de la même pièce » (Cesari et al., 2014), et l’objectif est, in fine, de trouver des modalités de dépistage de ce syndrome, à travers des outils d’évaluation des capacités fonctionnelles ou cognitives des personnes, pour pouvoir agir en amont de la perte d’autonomie, en proposant traitements, compléments alimentaires ou ateliers de remise en forme physique. Ce référentiel biomédical constitue le cadrage historique de la catégorie. Il est très largement dominant dans la littérature [2]. Il a fait le succès des gériatres américains qui ont innové sur ce thème à partir de la fin des années 1980, et trouve aujourd’hui des professionnels entreprenants en France, notamment dans l’équipe médicale et scientifique du gérontopôle de Toulouse, qui s’en est emparé. Si la fragilité a un tel succès auprès de la spécialité gériatrique, c’est aussi qu’elle permet d’élargir considérablement la « juridiction » de ce segment de la profession médicale (Abbott, 1988), en lui permettant d’investir pleinement sa compétence dans le domaine de la prévention : la fragilité concerne un nombre potentiellement plus élevé de personnes dont il s’agit de retarder l’entrée en situation de perte d’autonomie. Ce cadrage biomédical intéresse également les acteurs économiques, qu’il s’agisse des producteurs de domotique, d’alicaments [3] ou de médicaments, pour lesquels les personnes âgées dites fragiles constituent aussi un marché à conquérir dans le cadre de la silver economy (l’économie au service des personnes âgées). Parmi les stands du congrès sur la fragilité de 2015, une entreprise, qui avait axé son marketing sur les personnes âgées, proposait par exemple des échantillons de yaourts fortifiants.

8 En second lieu, la notion de fragilité a été définie en lien avec la « vulnérabilité » des personnes âgées [4]. Contrairement au cadrage biomédical, cette approche sociale de la fragilité n’apparaît que dans un nombre restreint de références spécifiques, par des auteurs qui revendiquent la volonté de passer de la fragilité vue comme un « problème médical » à la fragilité appréhendée comme un « fait social et de santé publique » (Ennuyer, 2004, p. 154) ; ou de la fragilité comme « syndrome gériatrique » à la fragilité appréhendée comme une « notion polymorphe » (Béland et Michel, 2013, p. 7). La notion de vulnérabilité définit une « situation de fait causée par une précarité économique, matérielle, physique et/ou psychologique » (Lefeuvre-Darnajou, 2004, p. 156). Elle permet de qualifier des populations défavorisées en raison de leur situation d’incertitude, d’insécurité ou d’impuissance, dans un environnement social donné (Schröder-Butterfill, 2013, p. 205). L’approche sociale de la fragilité met davantage l’accent sur le parcours de la personne, pour comprendre comment son environnement, son contexte familial et social, peuvent constituer des facteurs accélérant ou retardant les effets du vieillissement (Finielz et Piotet, 2009). L’analyse du parcours de vie permet notamment de saisir l’articulation entre l’état de santé, les conditions de vie, la situation financière et l’action des différents réseaux de soutien. Ce recadrage contribue à porter une vision plus holistique de la fragilité des personnes âgées.

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« [Aujourd’hui] on est plus dans l’approche globale de la personne. Il y a un peu de biomédical, un peu de psychosocial, etc. Cela ne me paraît pas pertinent de mettre des cloisons. […] Quelqu’un qui est isolé socialement, cela va avoir des répercussions sur le volet biomédical, cela va accentuer une dépression, cette dépression peut être somatisée par des problèmes physiques qui amènent à l’hôpital. […] Quelqu’un qui va prendre des antidépresseurs va tomber, se casser le col du fémur… »
(Entretien avec un épidémiologiste travaillant sur la fragilité.)

10 Dès lors que la situation de vulnérabilité s’accompagne d’un risque accru « d’incapacité » (Provencher et Demers, 2013), la catégorie de fragilité devient poreuse par rapport aux conceptions relationnelles et environnementales du handicap (Dourlens et Vidal-Naquet, 2013). Cette évolution vers une approche multidimensionnelle est importante en ce qu’elle permet d’intéresser progressivement tout un ensemble d’acteurs à bonne distance de la fragilité biomédicale, mais très sensibles aux enjeux de vulnérabilité : professionnels et gestionnaires des services sociaux, structures d’aide à domicile, structures associatives investies dans la lutte contre l’isolement social ou caisses de retraite s’intéressant aux conditions de vie souvent difficiles des aidants [5] des personnes, souvent elles-mêmes relativement âgées et en situation de vulnérabilité. Fondamentalement relationnelle, l’approche en termes de vulnérabilité soulève le problème général de la coordination des actions menées dans les différents domaines professionnels.

11 En troisième lieu, la fragilité peut être appréhendée au niveau de la population, avec des effets importants en matière de coûts et d’organisation du système de protection sociale. La catégorie peut ainsi être cadrée comme un problème de santé publique, qui suscite un intérêt tout à la fois épidémiologique et économique. Problème épidémiologique, dès lors qu’il s’agit d’évaluer la « prévalence » de la fragilité (Santos-Eggimann, 2013), d’établir ses déterminants socio-économiques, ou encore d’anticiper des risques accrus d’hospitalisation, de déclin cognitif, de complications ou de mortalité (Hogan et al., 2012). Problème économique, dès lors qu’il s’agit d’évaluer les coûts induits par la fragilité et de modéliser les réponses les plus efficientes à apporter en matière de politiques publiques (Rapp et Sirven, 2015 ; Sirven, 2013). Ce cadrage systémique est important, car il permet à la fragilité de n’être plus seulement l’affaire des professionnels de la gériatrie ou des travailleurs sociaux, mais de devenir un enjeu-clé de l’organisation et du financement du système de santé. La fragilité devient ainsi un motif d’action publique et concerne de plus en plus les multiples acteurs politiques et institutionnels qui interviennent dans le champ de l’autonomie : depuis les équipes ministérielles successives en charge des personnes âgées et de l’autonomie, qui se sont emparées du sujet, jusqu’aux caisses de retraite. Les financeurs – et notamment la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – cherchent à utiliser leurs moyens limités de manière efficiente. De ce point de vue, la notion de fragilité suscite leur intérêt parce qu’elle pourrait permettre de cibler les bénéficiaires socialement fragilisés (Bohic, 2013). C’est dans cette logique que les financeurs ont déployé ces dernières années des observatoires des situations de fragilité sur le territoire national afin de recueillir des informations sur l’isolement social, la précarité, la situation d’aidant et l’état de santé des personnes (Blanckaert, 2012).

12 À travers sa plasticité, la fragilité a pu être décrite comme un « concept fragile » : associée au grand âge sans en être l’apanage, la notion souffre de l’absence de consensus sur des critères de définition simples, pertinents et validés des réalités complexes qu’elle cherche à qualifier (Kagan, 2012). D’autres auteurs plus optimistes considèrent que progresser dans les éléments de définition constitue un « défi qui en vaut la peine » (Rockwood, 2005). Pour notre part, il nous semble que cette plasticité va de pair avec le succès croissant de la notion, qui se fait au prix d’acceptions équivoques des situations englobées par le mot fragilité. Autour de la fragilité se dessine un « consensus ambigu » (Palier, 2004) : le motif se prête à des interprétations variées qui sont sources de malentendus et de difficultés, mais qui lui donnent également une large assise sociale. Le motif cognitif n’est pas neutre. Il est porteur d’une ambition de transformation transversale à ces acceptions plurielles.

Bien vieillir et « soins intégrés » : les dimensions normatives de la fragilité

13 Cette catégorie a une dimension pragmatique, tournée vers l’action et la mise en mouvement des professionnels et des institutions. En son cœur, elle véhicule deux ambitions étroitement articulées, endossées par la plupart des acteurs qui veulent intervenir sur la fragilité des personnes âgées.

14 La première dimension normative réside dans son orientation vers la prévention de la perte d’autonomie, c’est-à-dire dans sa promotion du « bien-vieillir ». Il est possible de ne pas attendre la survenue d’événements marquant l’entrée dans la perte d’autonomie – chutes, hospitalisations ou troubles cognitifs – pour proposer un accompagnement spécifique afin de réduire les risques. Contrairement à l’état de perte d’autonomie avérée, la fragilisation renvoie à un processus jugé largement réversible. Dès lors, il est possible de rendre une personne fragile plus robuste et autonome afin de retarder la perte d’autonomie. Cette logique de prévention, portée à l’échelle internationale à travers la quête d’un « vieillissement en bonne santé » prenant en compte les capacités fonctionnelles des personnes (WHO, 2015), est également présente en France, à travers la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, adoptée le 28 décembre 2015 et le Plan national d’action de prévention de la perte d’autonomie (Aquino, 2015). La notion de fragilité est présentée comme un levier pour faire changer les comportements des professionnels et des personnes âgées (Jeandel et Hanon, 2015), jusque dans les déclarations récentes de la secrétaire d’État en charge des personnes âgées et de l’autonomie :

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« Notre système de soins prend bien en charge les pathologies, mais peine un peu quand il s’agit de prévention. C’est un véritable changement de paradigme auquel procède le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement […]. Vous êtes en plein dans ce changement : traiter non pas la pathologie d’une personne, mais une personne elle-même, y compris dans la dimension de prévention, dans son parcours. Le bien vieillir, c’est un changement de regard sur la vieillesse, pour proposer une prise en charge globale, coordonnée, au service de la santé des individus. »
(Discours de Laurence Rossignol, congrès Fragilité du sujet âgé, Paris, mars 2015.)

16 La prévention doit permettre de maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées à leur domicile, au nom de leur qualité de vie et du respect de leur autonomie. Il s’agit de travailler non seulement sur les conditions matérielles de vie, mais également sur la participation sociale des personnes âgées. À travers cette logique de prévention, l’objectif est également de maîtriser les coûts anticipés du vieillissement rapide de la population, dans un contexte budgétaire contraint. Il s’agit d’investir sur l’amont – la fragilité réversible – pour faire des économies sur l’aval – la perte d’autonomie et ses coûts élevés. Des réponses à la fragilité sont en train d’être expérimentées : consultations fragilité en gériatrie ou chez le médecin traitant, permettant de mettre au point un plan personnalisé de santé ; ateliers mis en place par les caisses de retraite, comprenant des activités physiques adaptées avec coaching sportif, des conseils nutritionnels ; ou encore programmes de lutte contre l’isolement des personnes âgées. La catégorie fragilité porte ainsi à grande échelle une entreprise de transformation des modes de vie qui implique de faire de chaque individu le responsable de son « vieillissement réussi ».

17 La seconde dimension normative de la catégorie réside dans son orientation vers une approche de soins intégrés, qui ambitionne d’accroître la coordination et l’intégration des services dans le champ de l’autonomie. En s’attaquant à la fragilité des personnes âgées en amont de la perte d’autonomie, on cherche aussi à mieux articuler les acteurs du maintien à domicile et à limiter les hospitalisations jugées évitables. À l’échelle internationale, la quête d’intégration est présentée comme un « agenda révolutionnaire » et un « changement de paradigme fondamental » dans la manière dont les services de santé sont financés et gérés (WHO, 2015, p. 34). Dans cette conception, les intervenants institutionnels et professionnels doivent se coordonner autour des besoins des personnes, pour proposer une réponse plus adaptée. Cette quête d’une coordination et d’une intégration accrue a eu diverses traductions institutionnelles et organisationnelles au cours du temps (Bloch et Hénaut, 2014). Elle s’est notamment traduite par le développement de la « méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie » (MAIA), censée associer tous les acteurs engagés dans l’accompagnement des personnes âgées de 60 ans et plus en perte d’autonomie et de leurs aidants (Somme et de Stampa, 2011). Elle s’est également traduite, tout récemment, par le déploiement du dispositif Parcours des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA), qui a pour objectif d’améliorer la prise en charge des personnes âgées de plus de 75 ans, en formalisant un plan personnalisé de santé visant à coordonner les multiples intervenants en ville, à l’hôpital ou dans le secteur médico-social, pour éviter les ruptures ou limiter le recours à l’hospitalisation. Lors des événements scientifiques observés, le lien est régulièrement fait entre ces dispositifs d’intégration et la fragilité, comme nouvelle approche en matière de prévention de la perte d’autonomie.

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« Pour agir sur la fragilité, il existe aussi une clé organisationnelle qui va être inscrite dans la loi : l’intégration. […]. MAIA, PAERPA, fragilité : même combat. »
(Intervention de J.-P. Aquino, Paris, Congrès fragilité du sujet âgé et prévention de la perte d’autonomie, mars 2015.)

19 Par ailleurs, les débats autour des acceptions variées de la fragilité mettent en contact et en tension les différents univers institutionnels et professionnels du champ de l’autonomie. En créant un espace d’échange cognitif, ils contribuent à générer une amorce d’intégration entre les différentes composantes du champ de l’autonomie.

20 La fragilité se présente ainsi comme une notion à la fois plastique et normative qui, loin de s’implémenter sans aspérité, rencontre des systèmes locaux complexes et hétérogènes. La portée et les limites de la catégorie de fragilité se jouent largement dans sa vie locale, c’est-à-dire dans les raisonnements et les pratiques des multiples acteurs dont le travail est d’accompagner les personnes âgées.

La fragilité « en actes » : un motif à l’épreuve des pratiques

21 La fragilité des personnes âgées n’est pas seulement une catégorie qui concerne les travaux des gériatres, les recherches des épidémiologistes et les décisions des acteurs publics. Ses promoteurs tâchent « d’implémenter dans la pratique » (Vellas, Cestac et Morley, 2012) un motif perçu de différentes façons par les multiples intervenants d’un système d’action qui reste fragmenté. Dans ce contexte, agir sur la fragilité implique de clarifier le partage des tâches, de préciser les responsabilités, de garantir certaines compétences professionnelles. La fragilité est ainsi porteuse d’une forte ambition de transformation, qui explique certaines des difficultés qu’elle rencontre.

Des acceptions plurielles de la fragilité inscrites dans la fragmentation du système

22 Le domaine des services aux personnes âgées est, depuis longtemps, caractérisé par sa fragmentation (Bloch et Hénaut, 2014). L’action publique s’est organisée en silos, par grands secteurs : le sanitaire, avec l’hôpital et les soins primaires ; le médico-social et le social, avec leurs établissements et leurs multiples services d’aide à domicile, services polyvalents, équipes gérant l’allocation personnalisée d’autonomie, structures d’animation à destination des personnes âgées, etc. L’articulation de tous ces services, loin d’aller de soi, constitue elle-même un véritable enjeu de l’action publique dans le champ de l’autonomie. Le motif d’action publique de la fragilité rencontre dès lors plusieurs champs professionnels. Dans ce contexte, chaque type d’acteur sur les territoires d’enquête a tendance à développer sa propre acception, en fonction de son inscription dans un univers de connaissances et de pratiques. Si certains acteurs perçoivent la fragilité comme une approche en train d’émerger à l’échelle internationale et nationale et s’ils ont connaissance de la publication d’un livre blanc sur le sujet, d’autres ignorent ces développements institutionnels et présentent des définitions plus locales, indexées sur leurs pratiques. Sur le continuum entre autonomie et perte d’autonomie, tous ne placent pas le curseur de l’état fragile au même endroit. Le caractère équivoque de la catégorie est très perceptible lorsque l’on demande aux différents professionnels à quoi l’on reconnaît une personne âgée en situation de fragilité, et où commence ou bien s’arrête l’état fragile.

23 Sans pouvoir analyser ici dans le détail chacun des positionnements, il est intéressant de donner à voir quelques-uns de ces contrastes, du fait que chacun voit la fragilité à la lumière de son potentiel d’action. Certains professionnels, le plus souvent ancrés dans le domaine sanitaire, insistent sur la dimension physique de la fragilité. C’est le cas de ce professeur de gériatrie en secteur hospitalier fortement investi dans la promotion du « bien vieillir » et dans les recherches sur la fragilité :

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« [La fragilité], c’est un état de vulnérabilité à un stress qui est lié à une diminution des réserves physiologiques. Ce sont des personnes âgées qui sont autonomes, même si elles ont une maladie ou un petit handicap quelconque, et qui brusquement perdent du poids, ont des troubles de la marche, parce qu’elles ont ce qu’on appelle une sarcopénie, qui lors d’un stress que peut représenter une grosse grippe d’hiver, un deuil, une fracture de l’avant-bras, versent dans la dépendance, alors qu’une personne non fragile ne versera pas dans la dépendance. »
(Entretien avec un professeur de gériatrie, Paris.)

25 On reconnaît là le poids du cadrage biomédical de la fragilité perçue comme un syndrome physiologique de vulnérabilité au stress, préfigurant l’entrée dans la perte d’autonomie. De leur côté, les intervenants à domicile, aides à domicile ou professionnels libéraux sont souvent en première ligne dans l’accompagnement des personnes âgées à l’entre-deux entre autonomie complète et perte d’autonomie avérée. À l’instar de cette infirmière libérale intervenant à domicile, ils insistent sur les pertes de capacité physiques et aussi cognitives.

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« [La fragilité], en premier, c’est la perte d’autonomie, tant physique que mentale, parce que l’une ne va pas sans l’autre, bien souvent. […] Nous, professionnelles, on voit très vite quand ça va se dégrader… Quand les personnes âgées commencent à perdre la tête, au début, c’est une fois : “Ah, tiens ! Vous n’avez pas pris votre cachet hier soir.” “Ah non, tiens… J’ai oublié.” Bon, ça peut arriver ; mais quand vous voyez que ça se reproduit dans la semaine… C’est plein de petits trucs comme ça, d’actes de la vie quotidienne, qui vous font dire qu’à un moment donné ça va péricliter ! »
(Entretien avec une infirmière libérale intervenant à domicile, Seine-Saint-Denis.)

27 D’autres acteurs, souvent de l’action sociale, soulignent davantage les dimensions socio-économiques de la fragilité : précarité, difficultés financières, problèmes d’insertion sociale des personnes elles-mêmes ou de leurs aidants. Ce directeur d’un centre communal d’action sociale (CCAS) communique sa vision de la fragilité en termes de vulnérabilité sociale :

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« Nous, c’est plus l’aspect social et financier qui va être la première porte d’entrée […]. Le physique, on va moins le voir, ça va être la dernière composante pour nous. [Sur la commune], il y a une précarité qui est importante, une origine ethnique qui est très variée, […] avec une difficulté linguistique qui est assez forte, avec des personnes qui ne maîtrisent absolument pas la langue française, qui ne vont pas venir forcément vers les services publics. […] Avec des aidants qui sont en très grande difficulté aussi. »
(Entretien avec un directeur de CCAS, Seine-Saint-Denis.)

29 Il faut toutefois se garder d’une vision trop schématique lorsque l’on retrace ces variations dans les acceptions de la fragilité, qui sont bien souvent poreuses pour les différents professionnels rencontrés. Quelle que soit la dimension qui semble la plus centrale à chacun, le caractère multidimensionnel de la fragilité est souvent mis en avant au cours des entretiens, comme le fait par exemple cette psychologue au sein d’un réseau de santé parisien :

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« Souvent, il y a un petit amalgame de problématiques médicales, somatiques, organiques. […] Une implication à la fois de troubles somatiques et de médicaments qui commencent à être mal pris ; souvent le patient a perdu le suivi médical depuis plusieurs mois, voire parfois plusieurs années. […] Il y a aussi énormément de patients qui, au-delà des troubles cognitifs, sont isolés ou qui souffrent de solitude, de dépression… Ou suite à des deuils. […] ou éloignement des proches qui travaillent, n’ont pas le temps… […] Parfois la première chute peut entraîner une cascade de problèmes derrière… […] Quand on dit bio-médico-psycho-social, tout y est ! C’est vraiment l’impact de ces quatre facteurs. »
(Entretien avec une psychologue, réseau de santé, Paris.)

31 La plupart des acteurs soulignent que ces fragilités se traduisent également par une mise en vulnérabilité par rapport à de possibles situations de maltraitance ou d’abus financier. Les définitions pratiques de la fragilité mettent le plus souvent l’accent sur les différents types de déficiences des personnes en perte d’autonomie. Le caractère situationnel des fragilités, signifiant que la fragilité provient moins de certaines caractéristiques des personnes que de l’incapacité de leur environnement à compenser ces fragilités, apparaît beaucoup plus implicitement, notamment à travers la question de l’isolement social et des défaillances de l’environnement familial ou professionnel.

32 En somme, l’enquête révèle que la notion de fragilité existe bien pour la plupart des acteurs, mais que la façon dont cette catégorie est conçue diffère. Dans un système d’action publique fragmenté, les intervenants sont conscients du caractère multidimensionnel de la fragilité, mais chacun s’intéresse avant tout aux facettes qui concernent son champ de compétence.

Les initiatives concernant la fragilité à l’épreuve de la complexité

33 Agir sur les situations de fragilité implique de transformer en profondeur l’organisation du système, en clarifiant les responsabilités, en garantissant les compétences professionnelles, en coordonnant davantage les interventions. Cela ne va pas de soi dans un système d’action publique aussi complexe. La mise en œuvre de réponses aux situations de fragilité met notamment en jeu trois problèmes articulés.

Premier enjeu : comment identifier les personnes en situation de fragilité ?

34 Le système d’accompagnement s’étant historiquement constitué autour de la prise en charge des personnes à l’autonomie déjà fortement réduite, les intervenants sont souvent démunis pour identifier les personnes fragiles en risque de perte d’autonomie. Il se révèle par ailleurs très difficile de repérer les personnes isolées qui échappent, par définition, à tout le maillage d’intervenants, comme le révèle bien l’exemple, à Paris, du fichier sur lequel peuvent s’inscrire les personnes qui souhaitent être accompagnées pendant les épisodes de canicule :

« Les fichiers qu’a l’administration, qu’ont les centre locaux d’information et de coordination gérontologique – CLIC, et la MAIA, ce sont des personnes qui sont déjà repérées, qui sont déjà aidées et suivies. Donc, les vraies personnes fragiles sont ailleurs, elles ne sont pas dans les fichiers. […]. [Prenant l’exemple du fichier canicule] C’est un fichier qui en réalité recense les personnes en situation de non-fragilité, parce que les gens qui sont dans le fichier soit ont conscience qu’ils sont fragiles et se sont inscrits par eux-mêmes, soit ont été inscrits par leurs enfants et par leur entourage, et donc, les vraies personnes fragiles, les personnes qui n’ont aucun entourage, ne sont pas sur ce fichier. »
(Entretien avec la responsable des services sociaux du département de Paris.)
Dans ce contexte, l’identification des personnes à accompagner intervient le plus souvent en aval de leur parcours, à un moment où la perte d’autonomie se concrétise. Cette identification repose souvent sur l’utilisation d’outils d’évaluation des capacités, qui n’ont pas été conçus spécifiquement pour identifier des fragilités, mais qui sont néanmoins utilisés par les professionnels. Pour pallier cette difficulté à identifier les personnes âgées fragiles, des dispositifs de repérage sont actuellement développés. En l’absence de consensus fort sur la fragilité, les acteurs qui élaborent ces outils ne font pas tous les mêmes choix. Le tableau 1 propose une synthèse de la diversité d’intitulés, de critères et d’acteurs concernés par quatre de ces outils [6].

Tableau 1

Une diversité d’outils de repérage autour de la fragilité

Tableau 1
Intitulé Approche Conception Objectifs et usagers Critères de repérage Gerontopole Frailty Screening Tool (GFST) Reperage de la fragilite comme phenotype biomedical Gerontopole de Toulouse. Grille labellisee en 2013 par la HAS comme outil national pour le reperage de la fragilite. Reperage lors de la consultation, pour les medecins generalistes. Adressage possible vers une consultation geriatrique specialisee. 6 criteres simples a cocher, dont perte de poids, ralentissement de la vitesse de marche, fatigue percue. Grille SEGA-A, version modifiée pour le domicile Reperage de la fragilite - aspects phenotypiques et d’autonomie fonctionnelle Adaptation d’un outil belge par l’equipe de recherche en sante publique (EA-3797, Universite de Reims) pour le Reseau de sante REGECA, soutien de la CARSAT- Nord-Est. Reperage au domicile par tous les acteurs concernes, pour transmission au medecin traitant ou au reseau de sante 13 criteres a coter entre 1 et 3, parmi lesquels humeur, sante percue, chutes, nutrition, maladies associees, mobilite, continence, fonctions cognitives… Outil de détection et d’évaluation des fragilités des personnes âgées en GIR 5 et 6 (FRAGIRE) Reperage de la fragilite comme risque de perte d’autonomie - multicritere Elaboration par le Pole gerontologique inter-regional de Bourgogne, pour la CNAV, la CCMSA, le RSI, et d’autres partenaires. Reperage au domicile par des professionnels de l’accompagnement social. 21 criteres dont 3 tests, pour apprehender de multiples dimensions parmi lesquelles l’etat de sante, la depression, le plaisir, les idees suicidaires, l’environnement social et culturel, la situation d’aidant, la sexualite, la motricite… Outil de repérage des risques de perte d’autonomie ou de son aggravation pour les personnes âgées Reperage de la perte d’autonomie - ou de son aggravation ANESM outil experimente en 2015, en cours de finalisation. Reperage au domicile par les auxiliaires de vie sociale et les responsables de services d’aide a domicile. Support du suivi des situations. 29 criteres a cocher en cas d’aggravation, repartis par categories : modifications de l’environnement social, signes generaux de perte d’autonomie, difficultes dans les activites quotidiennes, changements dans le comportement…

Une diversité d’outils de repérage autour de la fragilité

35 Au-delà de l’intérêt de chaque démarche, l’articulation entre ces différents outils et entre les pratiques de leurs utilisateurs n’est pas pensée.

Deuxième enjeu important : quels sont les acteurs légitimes pour repérer les personnes âgées en situation de fragilité ?

36 Si le monde de la gériatrie s’empare progressivement de la question, en proposant des consultations fragilité en hôpital de jour ou en lien avec les équipes mobiles gériatriques des structures hospitalières, le repérage des fragilités est aujourd’hui moins la juridiction attitrée d’un ou de plusieurs groupes professionnels que l’affaire de tous les intervenants. Le repérage passe le plus souvent par des processus informels, qui impliquent une grande variété d’acteurs, depuis les pharmaciens jusqu’aux travailleurs sociaux, en passant par les intervenants au domicile et les médecins traitants. Les personnes âgées jusqu’ici autonomes qui se fragilisent sont souvent signalées par des personnes qui les côtoient au quotidien et sont en capacité de repérer les premiers signes de fragilité : proches ou voisins inquiets d’un changement dans les habitudes, et aussi gardiens d’immeubles, alertés par des nuisances liées à des troubles du comportement. Les services sociaux sont souvent les destinataires de ces signalements qui proviennent de l’environnement social de la personne et sont relayés par la mairie, les pompiers ou la police. Comme le résume ce coordinateur social, lorsque les travailleurs sociaux se déplacent au domicile de la personne pour évaluer la situation, il n’est pas toujours aisé de prendre en compte toutes les dimensions de la fragilité.

37

« Quand vous êtes assistante sociale, ben vous faites pas un pli cutané pour voir s’il y a une déshydratation. Est-ce que la personne elle a des atteintes neurologiques ou des petites bouffées délirantes, ou bien de la fièvre… ? L’assistante sociale, ce n’est pas son job, quoi. »
(Entretien avec un coordinateur social territorial, Paris.)

38 Les nombreux professionnels du maintien à domicile – des auxiliaires de vie sociale aux aides ménagères – sont en première ligne du contact avec les personnes âgées. Sans nécessairement agir intentionnellement pour repérer les personnes fragiles, ils développent bien souvent des compétences informelles qui ont trait au repérage de situations se dégradant sur le moyen ou le long terme, en remarquant par exemple que telle personne n’est « plus en mesure de mettre seule ses pantoufles », que telle autre « a moins d’appétit » ou « sort moins souvent voir ses amis ». Mais au-delà de ces compétences « non prescrites », acquises par l’expérience dans leur travail, plusieurs éléments font obstacle à la capacité de ces professionnels à être les acteurs-clés du repérage des fragilités. Ces acteurs s’inscrivent dans un secteur très hétérogène et concurrentiel, dans lequel les conditions d’emploi, souvent difficiles (salaire faible, temps partiel imposé), sont à l’origine d’un fort turn-over. Les relations d’emploi ne prévoient aucune rémunération spécifique pour le temps passé à des activités de repérage ou de transmission d’informations. En fonction de leur niveau de qualification, très inégal selon les structures et les contrats de travail, ces professionnels ne se sentent pas toujours légitimes pour repérer une fragilisation des personnes. Les responsables des services d’aide à domicile sont d’ailleurs ambivalents au sujet de la qualification professionnelle de leurs employés et ne reconnaissent pas nécessairement leurs compétences en la matière.

39

« Je ne veux pas mettre sur les épaules d’une aide à domicile la responsabilité de faire remonter des choses qui ne relèvent pas de ses compétences. Qu’elle repère qu’une personne aidée mange moins, qu’elle a chuté, ok, mais je ne veux pas qu’elle en interprète les conséquences. Je veux qu’elle fasse remonter à son supérieur hiérarchique et que ça soit lui qui interpelle le médecin traitant. Lui a la formation de travailleur social. […] Chacun son métier. »
(Entretien avec un responsable de service d’aide à domicile, grande agglomération en région.)

40 Dans cette situation, les professionnels du domicile préfèrent parfois transmettre leurs perceptions oralement aux proches, lorsqu’ils existent, plutôt que de transmettre l’information, qui plus est par écrit, au responsable de la structure. De ce point de vue, l’initiative de l’ANESM (2016) pour faire des acteurs du maintien à domicile un rouage-clé du repérage de la perte d’autonomie implique non seulement de les former à l’utilisation de l’outil, mais aussi de valoriser cette mission pour les auxiliaires, de reconnaître leurs compétences tacites en la matière, de clarifier la répartition des responsabilités entre les auxiliaires et les responsables des services. En d’autres termes, il paraît difficile de transformer en profondeur les pratiques actuelles sans modifier les conditions d’emploi et de qualification de ces personnes et l’organisation interne des services.

41 La médecine de ville pourrait également être en première ligne pour repérer la fragilité (HAS, 2013). Mais la démarche de dépistage des sujets fragiles est encore loin d’être intégrée dans les pratiques, non seulement en raison du faible nombre d’outils jugés validés, mais aussi parce que plusieurs obstacles limitent sérieusement l’engagement des médecins traitants, qu’ils exercent en cabinet ou au sein de maisons de santé. Si l’on ne se limite pas à la seule sarcopénie, s’enquérir des personnes fragiles suppose une approche préventive holistique différente de l’approche diagnostique et curative sur laquelle la formation médicale met l’accent. En d’autres termes, il s’agit moins de répondre à telle plainte du patient par un diagnostic, suivi de la prescription du traitement approprié, que de faire le point avec le patient sur les multiples facteurs de fragilisation en amont de la survenue de tout problème, et sur la manière dont celui-ci peut agir sur son mode de vie pour limiter ces risques. Ce travail de repérage, qui prend du temps, n’est pas intégré dans le mode de rémunération à la consultation. Dans le contexte d’une démographie médicale déclinante qui s’accompagne d’une intensification du travail médical et d’un désengagement par rapport à certaines tâches (visites à domicile notamment), ce travail peut être vécu comme une charge. Il repose dès lors sur la seule bonne volonté des praticiens [7]. Par ailleurs, l’action sur la fragilité soulève des questions éthiques : au nom de la santé publique et du « bien-vieillir », jusqu’où les intervenants doivent-ils aller dans le repérage et l’action auprès de personnes qui ne souhaitent pas nécessairement être accompagnées ?

42

« On ne va pas se mettre à pister, à tout anticiper. On fait déjà vachement de choses et je me demande un peu parfois les limites dans notre interventionnisme à tout va. »
(Médecin généraliste responsable d’un réseau de santé, Seine-Saint-Denis.)

43 Troisième et dernier enjeu important : quelles sont les actions qu’il est utile d’entreprendre suite à ces repérages ? Sans une évaluation approfondie de la situation et sans la mise en place d’un plan d’action et de suivi, insister sur le repérage ne présente que peu d’intérêt. La prévention des fragilités ne peut exister que dans le cadre d’une organisation transversale des services intervenant auprès des personnes et de leur entourage. Or, une fois les fragilités repérées, il n’est pas toujours évident de savoir quelle combinaison de soins et d’accompagnement il faut proposer à la personne. Agir suppose des modifications du mode de vie, ce qui ne peut se faire qu’avec le concours des personnes et l’appui des professionnels pertinents. Si des initiatives émergent, à travers notamment les différents ateliers proposés par les caisses de retraite ou les hôpitaux de jour gériatriques (activité physique, nutrition, trouble de l’équilibre, prévention des chutes), l’offre existante de services n’est pas toujours adaptée à ce public fragilisé auprès duquel il s’agit d’intervenir. Les différents professionnels peuvent se trouver démunis et ne pas savoir vers qui se tourner lorsqu’ils font face à la fragilisation de personnes. Agir sur la fragilité, c’est aussi trouver des relais sur lesquels s’appuyer, ce qui implique une coordination accrue entre les acteurs en première ligne et les autres acteurs qui interviennent en matière de prévention ou qui sont susceptibles de prendre le relais lorsqu’une fragilisation est constatée. Ce qu’il advient dépend alors beaucoup de la relation qui se construit avec l’entourage de la personne fragilisée. La coordination suppose de mobiliser des structures de deuxième ligne, comme les centres locaux d’information et de coordination gérontologiques (CLIC) ou les réseaux de santé, capables de mettre en lien les intervenants. On retrouve ici l’enjeu de l’intégration des services qui reste loin d’être aboutie (Bloch et Hénaut, 2014).

Conclusion : quelles perspectives pour la prise en compte de la fragilité ?

44 La notion de fragilité a longtemps été marquée par une approche très biomédicale, aux mains de grands noms de la gériatrie, dont les savoirs et les critères d’évaluation demeurent dominants dans les débats et l’organisation de la recherche sur le sujet. Cela a amené certains auteurs à défendre l’idée que la « notion de fragilité n’amène aucun renouveau dans la conception des politiques publiques » (Ennuyer, 2004, p. 145). Avec une décennie de recul, notre analyse suggère pourtant d’y regarder à deux fois. Aujourd’hui, la catégorie ne fait plus seulement sens pour les médecins gériatres ; elle suscite l’engagement d’un ensemble élargi d’acteurs. Portée par un petit monde d’entrepreneurs professionnels et institutionnels, la fragilité des personnes âgées devient un motif d’action publique, pour un ensemble de raisons. Dans un contexte budgétaire serré, la fragilité est en phase avec une tendance générale au ciblage des politiques sur les publics les plus vulnérables. La catégorie devient aussi un registre d’action légitime pour trouver des financements. Prenant pour cible des personnes auxquelles il s’agit de redonner de l’autonomie, la prise en compte des actions connexes à leur fragilité permet également de développer une facette gratifiante des activités professionnelles. Le succès de ce mot provient ainsi tout autant de sa plasticité que de son contenu normatif : il est porteur de logiques de prévention et d’intégration qui ont d’ores et déjà commencé à transformer le secteur de l’autonomie. Pour autant, ces transformations opèrent à petits pas et non sans tension. L’ouverture de la notion de fragilité à d’autres approches plus sociales, systémiques et moins médicales est amorcée, mais loin d’être aboutie. Le déploiement opérationnel de ce motif est sérieusement mis à l’épreuve de la fragmentation des interventions dans le domaine de l’autonomie, telles qu’elles sont aujourd’hui organisées, qui peuvent elles-mêmes induire ou accroître les fragilités des situations.

45 La trajectoire de cette catégorie évoque celle des définitions du handicap, passées du modèle biomédical de l’OMS (classification internationale des handicaps – CIH en 1980) au modèle situationnel avec la « classification internationale du fonctionnement » de l’OMS (2001). Les promoteurs de la prise en compte de la fragilité sont aujourd’hui face à une alternative qui risque de marquer le destin de la catégorie dans les années à venir. D’un côté, certains sont en quête d’un durcissement du cadrage biomédical de la catégorie, impliquant la reconnaissance de la sarcopénie comme une véritable pathologie (qui pourrait dès lors donner lieu à des traitements médicamenteux), ainsi que l’établissement de critères de définition stricts et restreints ouvrant la voie au déploiement d’outils de dépistage validés et consensuels. Cette recherche de mise en œuvre opérationnelle de la catégorie risque alors de se faire au sacrifice des approches moins biomédicales et des acteurs les plus distants de la médecine. Cette tendance à développer des grilles de repérage évoque sous un angle nouveau le problème déjà ancien des risques de stigmatisation des personnes âgées dites fragiles, dont la situation risquerait de n’être évaluée qu’à l’aune d’une liste de critères formels, alors qu’il existe presque autant de formes de fragilité que de personnes. D’un autre côté, un ensemble d’acteurs promeut la poursuite de l’ouverture de la notion de fragilité à ses dimensions sociales, environnementales et en termes de population. Une telle évolution permettrait d’enrôler dans cette approche un nombre toujours croissant d’acteurs inscrits dans une pluralité d’univers de pratiques. Cette évolution risque toutefois de se faire au prix de nouvelles ambiguïtés, malentendus et difficultés dans la mise en œuvre opérationnelle de la catégorie, à moins que cette évolution ne s’accompagne d’une réflexion approfondie et réaliste sur la place que peut prendre chaque type d’acteurs dans les actions de prévention de la perte d’autonomie.

Notes

  • [1]
    Cet article n’a pas pour objet de proposer un recensement des différentes définitions de la fragilité. Le lecteur pourra se reporter à l’article de synthèse de Dramé et al. (2004) ou, pour des sources plus récentes, au livre blanc consacré à la fragilité (SFGG et IAGG, 2015) ou aux actes d’un séminaire organisé au laboratoire interdisciplinaire de recherche appliquée en économie de la santé (LIRAES) en 2014 (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé – IRDES, 2016).
  • [2]
    Cette prédominance peut être expliquée par l’antériorité de l’investissement de la catégorie par les gériatres et aussi par des incitations plus importantes à la publication dans le champ biomédical par rapport à celui des sciences sociales.
  • [3]
    Produit alimentaire dans lequel ont été des éléments considérés comme particulièrement bénéfiques pour la santé.
  • [4]
    La vulnérabilité constitue une nouvelle catégorie de l’action publique au caractère flou, qui concerne des champs connexes, comme les politiques familiales ou de santé mentale (Brodiez-Dolino, 2015).
  • [5]
    Personnes qui s’occupent de personnes dépendantes.
  • [6]
    Ces outils sont en cours d’élaboration, en phase de test ou déployés depuis peu. Leur validité scientifique est à ce jour controversée.
  • [7]
    Pour remédier à ce problème, le dispositif PAERPA prévoit la création d’un plan personnalisé de santé, réalisé par le médecin traitant et d’autres professionnels, avec une rémunération supplémentaire à la clé.
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Cet article porte un regard sociologique sur la catégorie « fragilité des personnes âgées », qui prend une place de plus en plus importante dans les discours sur l’autonomie en France. À partir d’un travail d’analyse bibliographique complété d’observations d’événements scientifiques et institutionnels, nous analysons d’abord les différentes acceptions de cette catégorie (approche biomédicale, approche en matière de vulnérabilité, approche populationnelle), ainsi que ses ambitions plus transversales en matière de prévention de la perte d’autonomie et d’intégration des services. Nous saisissons ensuite les actions sur la fragilité à la lumière d’entretiens et observations avec des professionnels de deux territoires. La fragilité des personnes âgées émerge comme un motif d’action publique, dont le succès provient autant de la plasticité de son contenu – permettant d’engager une diversité d’acteurs au sein des organisations du champ de l’autonomie – que de ses implications normatives. Pour autant, les actions sur la fragilité sont sérieusement mises à l’épreuve de la fragmentation de ce domaine de l’action publique, dans lequel l’articulation des différentes interventions est loin d’aller de soi.

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  • En ligne Vellas B., Cestac P. et Morley J.E. (2012), « Editorial implementing frailty into clinical practice : we cannot wait », Journal of Nutrition, Health and Aging, vol. 16, no 7, p. 599-600. [En ligne] http://www.iagg.info/data/9._frailty_-_jnha_vol16_no_7_2012_-_morley_vellas_-_implementing_frailty_into_cilinical_practice.pdf
  • WHO (2015), « World Report on Ageing and Health », World Health Organization. [En ligne] http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/186463/1/9789240694811_eng.pdf
Hugo Bertillot
Sociologue, chercheur associé au CSO (CNRS/Sciences Po), actuellement en post-doctorat à l’EHESP (EA7348MOS / MSSH). Ses recherches portent sur les dynamiques de rationalisation à l’hôpital et sur les politiques d’intégration dans le domaine de l’autonomie.
Marie-Aline Bloch
Chercheure en sciences de gestion (EA7348 MOS), professeure de l’EHESP / MSSH, elle s’intéresse aux questions de coordination et de parcours pour les personnes en situation chronique dans une approche systémique (politiques publiques, innovations organisationnelles et dynamiques professionnelles).
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 25/01/2017
https://doi.org/10.3917/rfas.164.0107
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