CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La question du logement aujourd’hui, en effet, pourrait nourrir plusieurs numéros de revues, les unes consacrées aux politiques urbaines, les autres à l’épargne des ménages et au financement de l’économie, à l’environnement, à l’aménagement du territoire, au secteur économique du bâtiment... Par ailleurs, le logement est étroitement lié aux modes de vie des individus et des familles, à l’évolution des aspirations personnelles pour le présent et pour l’avenir, aux modalités de stratification sociale et de « vivre ensemble » des groupes sociaux... Aussi avons-nous tenté de canaliser le dossier vers les aspects sociaux des questions que soulève le logement dans un contexte de ralentissement économique prolongé en orientant l’appel à contribution vers un nombre resserré de questions posées :

  • aux ménages et aux personnes confrontées dans ce domaine au jeu du marché qui soulève des difficultés parfois lourdes alors que les revenus évoluent de façon très inégale, et que les normes de confort, d’autonomie individuelle, sont devenues plus exigeantes ;
  • aux pouvoirs publics pris en tenaille – comme dans tous les secteurs sociaux – entre besoin accru d’aides et contraintes de gestion, la politique du logement absorbant plus de 40 milliards d’euros provenant du budget de l’État et des prestations sociales. Les pouvoirs publics ont également été sollicités, dans cette période, comme protecteurs d’un droit fondamental d’accès au logement ;
  • il faut sans doute y ajouter le monde associatif – ce que l’appel à contribution ne mentionnait pas spécifiquement. Comme le montrent très bien plusieurs « points de vue » en effet, les associations ont fait face sur le terrain à des difficultés d’ampleur, mais ont aussi constitué des forces de proposition importantes pour les politiques publiques en particulier concernant les populations les plus en difficulté.

2 S’il ne résume pas l’ensemble des éléments concernant les politiques du logement, qui doivent donc compter avec d’autres dimensions, le volet social des politiques du logement est l’un des plus anciens. Des observations et des actions publiques dans ce domaine sont en effet inséparables de l’ensemble des débats sur la situation de différents groupes sociaux depuis la fin du xix e siècle. En témoignent de nombreux épisodes de la lutte contre les slums[1] en Grande-Bretagne, de multiples actions privées relayées ensuite par des dispositifs légaux en France (lois Siegfried de 1894 ou Loucheur de 1928…), puis la mise en place d’aides au logement dans la branche famille de la Sécurité sociale et la loi sur la limitation des loyers en 1948, les suites données aux actions de l’abbé Pierre et de l’association Emmaüs, le basculement en 1977 [2] des outils des politiques sociales du logement (aide à la personne, aide à la pierre), dans les années suivantes, et, dans les dernières années, un train de mesures législatives de plus en plus rapprochées (on pense principalement aux lois dites Besson [3], SRU [4], Duflot [5], ALUR [6], Pinel [7], au projet de loi Égalité et Citoyenneté…). L’accès à un logement de bonne qualité est un élément constitutif du bien-être social et un objectif de la politique de protection sociale. Depuis quinze ans, La Revue française des affaires sociales n’a consacré que deux dossiers à des sujets touchant au logement – encore avaient-ils pour objet des thématiques aux marges de la fonction logement elle-même : un numéro de 2001 a traité de la politique de la ville et un numéro de 2002, des « sans-logis et squatters, auto-organisation et mobilisation collective [8] ». Aujourd’hui, pour beaucoup de ménages, le problème du logement – en termes de coûts, de disponibilités du parc… – est devenu partie intégrante des problèmes de conditions de vie : il est difficile de le résoudre seul. Même s’il touche à d’autres domaines, de ce fait le logement, comme à des époques beaucoup plus anciennes, se situe de plain-pied dans la nébuleuse des questions dites sociales d’une grande actualité.

3 Dans les quinze dernières années, se loger est devenu – redevenu – un enjeu essentiel pour certaines catégories sociales, mais quelques données de cadrage montrent que les catégories les plus démunies sont loin d’être les seules concernées par des difficultés dans ce domaine. On présente ces éléments de cadrage dans un premier paragraphe. Pour les quinze dernières années, ils font ressortir une amélioration du confort de l’habitat mais aussi une forte accentuation des disparités sociales et territoriales des conditions de logement. Les thématiques abordées par les auteurs fournissent des éléments d’analyse de ces constats présentés dans les trois paragraphes suivants « logements, familles et trajectoires », « logement, collectivités locales et territoires » et « précaires et mal logés » ; la dernière partie de cette introduction est consacrée à la présentation des articles dans l’ordre de leur publication.

Un logement plus confortable aujourd’hui mais des disparités territoriales et sociales accentuées

4 Au 1er janvier 2014, la France métropolitaine compte 33,9 millions de logements, soit 509 logements pour 1 000 habitants. Globalement donc et malgré des niveaux de tension très différents selon les territoires, la France se caractérise par un stock de logements assez important, puisqu’on en compte 539 pour 1 000 habitants en Espagne, 516 en Allemagne, mais 449 au Pays-Bas, 436 au Royaume-Uni et 433 en Italie [9].

5 Depuis trente ans, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le parc s’accroît d’environ 1 % par an. D’après le cabinet d’audit et de conseil Deloitte, cité dans le rapport de l’institut Montaigne de juillet 2015 sur les politiques du logement, la France fait partie des pays dans lesquels on construit le plus : cinq logements construits en 2013 pour 1 000 habitants, contre trois en Allemagne.

6 Les résultats de l’édition 2013 de l’enquête nationale Logement de l’INSEE, disponibles depuis la remise de ces articles à la revue, confirment notamment les principales tendances contribuant à donner un poids très considérable au logement dans les budgets des ménages. En 2013, plus de la moitié des résidences principales (58 %) étaient occupées par des ménages propriétaires, dont près de 20 % d’accédants, qui n’ont pas fini de rembourser leur emprunt pour l’achat de leur logement. La proportion de l’habitat individuel (maisons) est stable depuis le début des années 2000 (57 % en 2013), après avoir augmenté régulièrement dans les années 1970, 1980 et 1990. 80 % des propriétaires occupent une maison, alors que les deux tiers des locataires du secteur libre et 84 % de ceux du secteur social vivent en habitat collectif [10]. D’après Bernard Vorms, cette situation correspond à un équilibre assez satisfaisant entre les préférences pour le statut de propriétaire exprimées régulièrement par de nombreux ménages [11], et les besoins de mobilité d’une partie de cette population – la situation de locataire étant plus favorable à cette mobilité. Cette dernière peut être rendue plus difficile dans des pays, comme l’Espagne, où la proportion de propriétaires est plus élevée, ce qui fait notamment obstacle au départ des jeunes du domicile parental.

7 Globalement, les trois quarts des ménages disposant d’un logement en sont satisfaits ou très satisfaits et moins d’un ménage sur quatre souhaite changer de logement. L’opinion des ménages sur leurs conditions de logement varie cependant selon leurs caractéristiques et celles de leur logement : les propriétaires sont plus satisfaits que les locataires ; on souhaite davantage changer de logement lorsqu’on réside dans un appartement que dans une maison et lorsque le logement est « surpeuplé » ou présente des défauts…

8 Les dépenses de logement constituent le poste le plus important dans la consommation des ménages. Leur poids dans le budget des ménages a connu une forte croissance, avec l’envolée des prix immobiliers depuis la fin des années 1990, qui ont augmenté bien plus rapidement que les prix, les loyers et les revenus (et que l’indice de référence qui sert à revaloriser les loyers). L’indice du prix des logements anciens a ainsi plus que doublé entre début 2000 et début 2016, signant une complète déconnexion des prix des logements avec les revenus des ménages et les loyers (figure 1).

Figure 1

Évolution des prix des logements anciens, du revenu des ménages par unité de consommation, des loyers et de l’indice de référence des loyers et des prix entre 1996 et 2015 (base 100 en 1996)*

Figure 1

Évolution des prix des logements anciens, du revenu des ménages par unité de consommation, des loyers et de l’indice de référence des loyers et des prix entre 1996 et 2015 (base 100 en 1996)*

* ICC : indice du coût de la construction ; IRL : indice de référence des loyers.
Champs : France, sauf pour l’indice des prix des logements anciens (France métropolitaine).
Source : INSEE

9 Les dépenses de logement ont augmenté plus vite que les revenus des ménages, faisant passer leur taux d’effort brut moyen (la part de leur budget consacrée au logement [12]) de 17,3 % en 2001 à 19,4 % en 2013 – dont 11,1 % pour les dépenses de loyers et remboursements d’emprunts, 5,7 % pour les charges (y compris les dépenses en eau et en énergie) et 2,6 % pour la taxe d’habitation et les taxes foncières (voir tableau en annexe).

10 Les loyers et les charges de remboursement d’emprunts ne sont pas les seules composantes des dépenses liées au logement à avoir augmenté plus rapidement que les revenus. Ces derniers ont progressé de 26 % entre 2001 et 2013, tandis que les dépenses correspondant à la taxe d’habitation et à la taxe foncière, qui ont le poids le plus faible dans l’ensemble des dépenses liées au logement, ont été les plus dynamiques sur la période (+ 73 % tous statuts d’occupation confondus) ; viennent ensuite les charges (qui ont augmenté de 40 %) et les loyers et charges de remboursement d’emprunt immobilier (+ 38 %).

11 Même après aides au logement, le poids des dépenses de logement reste important dans le budget des ménages : au moins un quart des revenus en moyenne pour les locataires et les accédants à la propriété en 2013. La moitié des locataires du secteur libre ont un taux d’effort net supérieur à 30 % (et, pour un quart, les dépenses de logement après aides au logement dépassent 40 % de leur revenu) ; c’est le cas de 40 % des accédants et de 34 % des locataires du parc social [13].

12 L’accès à la propriété, qui reste une cible pour la majorité des Français, est difficile pour les ménages les plus modestes et notamment pour les jeunes, faute d’emploi stable ou de soutien financier significatif de parents aisés. Les inégalités résultant de la disponibilité ou non d’un tel soutien – qui était moins fortement requis pour les générations précédentes – se creusent entre « les héritiers » et les autres.

13 Les aides au logement contribuent à réduire très significativement les taux d’effort des plus modestes, sur lesquels ces aides sont concentrées, avec un écart de presque 10 points entre taux d’efforts brut et net pour les ménages du premier quartile de niveau de vie [14]. Néanmoins, c’est cette population modeste qui doit consentir l’effort le plus important pour se loger : c’est aussi cette population qui a subi la hausse la plus forte depuis 2001 : en 2013, pour les ménages du premier quartile de niveau de vie, les taux d’effort nets dépassent 30 % pour 41 % des locataires du parc social, 67 % des locataires du secteur libre et 77 % des accédants à la propriété.

14 La hausse du coût du logement pour les ménages correspond certes en partie à une amélioration du confort et de la surface par occupant du logement. En effet, en 2013, moins de 1 % des logements sont privés d’un des trois éléments de confort sanitaire de base que sont l’eau courante, une baignoire ou une douche, des toilettes à l’intérieur ; on en comptait 15 % trente ans plus tôt.

15 Même si cette amélioration des conditions de logement a été un peu moins marquée pour les ménages modestes, si on allonge encore la profondeur de la mise en perspective historique, elle a été spectaculaire sur les cinquante dernières années. Ainsi, Claude Alphandéry écrivait-il en 1965, alors qu’il était membre de la commission de l’habitation du v e Plan [15], au sujet de la région parisienne : « Toutes les insuffisances qui viennent d’être évoquées se font sentir dans la région parisienne plus que partout ailleurs : la vétusté, puisque dans la ville de Paris 20 % des logements sont antérieurs à 1870 ; l’inconfort, puisque 50 % des logements n’ont pas de W.C. intérieurs, 80 % n’ont ni douche ni salle d’eau, et 70 000 d’entre eux n’ont pas encore l’électricité ; le surpeuplement, puisque 500 000 personnes s’entassent dans 236 000 chambres meublées, que 30 % des logements sont en état de surpeuplement critique et que, selon A. Griotteray, rapporteur général du budget de la ville de Paris, 37 000 familles de 4 à 9 personnes vivent dans une seule pièce ; enfin, le désir de changement qui en résulte est manifesté par 40 % des Parisiens. »

16 Par ailleurs, la taille des résidences principales a augmenté, rapidement dans les années 1970 et 1980, puis plus lentement dans les décennies 1990 et 2000. Elle a peu varié entre 2006 et 2013 (91 m2 par logement), résultat global qui provient d’une augmentation de la surface des maisons conjuguée à une baisse de celle des appartements.

17 Et comme le nombre de personnes par logement a diminué (sous l’effet de la diminution du nombre de familles nombreuses, du vieillissement de la population et des décohabitations liées au développement de l’autonomie résidentielle des générations, puis, plus récemment, aux ruptures conjugales), la surface moyenne par personne a augmenté de près de 10 m2 depuis les années 1980. La part des ménages vivant dans un logement « surpeuplé » [16] (c’est-à-dire dans lequel il manque au moins une pièce par rapport aux normes de référence retenues par l’INSEE) s’est réduite et s’établit à 8,5 % en 2013 [17]. L’évolution globale masque une amélioration pour l’habitat individuel (avec un taux de 3 % en 2013), une dégradation dans le collectif (16 %, soit un niveau plus de cinq fois plus élevé) et des situations plus difficiles lorsque la taille de l’unité urbaine augmente (le taux parisien est de 20,6 %).

18 Si, aujourd’hui, la quasi-totalité des logements dispose donc d’un confort de base et si la surface par personne a augmenté, d’autres formes d’inconfort subsistent : en 2013, 18,8 % des ménages (4,8 millions) déclarent avoir souffert du froid l’hiver précédent. La précarité énergétique (avoir froid dans son logement ou dépenser beaucoup pour se chauffer) reste un des sujets préoccupants [18], auquel s’ajoutent les autres dimensions du « mal-logement » et les grandes difficultés des personnes qui n’arrivent pas à se loger. Ainsi, la Fondation Abbé Pierre estime, dans l’édition 2016 de son rapport annuel sur le mal-logement [19], que 3,8 millions de personnes sont mal logées (privées de logement personnel, vivant dans des conditions de logement très difficiles ou ne pouvant pas accéder à une place dans les aires d’accueil) et que 12,1 millions de personnes sont « fragilisées dans leur rapport au logement » (propriétaires occupant un logement dans une copropriété en difficulté, locataires en impayés de loyers ou de charges, personnes modestes en situation de surpeuplement modéré, ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité énergétique, ou personnes en situation d’effort financier excessif). La Fondation – et elle n’est pas la seule dans le monde associatif – insiste aussi sur le fait que les inégalités de logement, qui reflètent les inégalités de revenus, contribuent à leur tour à accroître les inégalités de toutes sortes (de revenus, de santé…), avec un phénomène de « cercle vicieux », qui contribuerait à un « processus de décrochage des couches populaires ». C’est le cas par exemple lorsque la hausse continue du coût du logement pénalise les ménages les plus modestes qui ne disposent que de faibles capacités d’arbitrage entre des dépenses toutes nécessaires, ou quand la constitution d’un patrimoine immobilier accentue l’écart entre la situation des locataires et celle des propriétaires.

19 Les disparités masquées par le bilan global assez positif sont aussi largement territoriales. L’opposition entre les zones « tendues » et les zones où la demande est au contraire faible, parfois atone, devient de plus en plus importante. Dans les zones « tendues », les taux d’effort pour se loger peuvent devenir très élevés et limitent la mobilité résidentielle, ce qui peut faire obstacle à une mobilité professionnelle [20] : en effet, dans ces zones (Paris faisant exception avec la mise en place d’un encadrement des loyers depuis la loi ALUR [21] d’août 2014), certains locataires renoncent à déménager, pour ne pas avoir à subir une forte augmentation de loyer – lequel reste contenu en revanche en cours de bail, du fait de la revalorisation sur l’indice de référence des loyers, à peine plus dynamique que l’inflation.

20 Dans les pages qui suivent, le lecteur ne trouvera pas matière à alimenter certains des questionnements, principalement économiques, qui traversent le plus fréquemment le monde du logement, de la construction et de l’épargne. Font ainsi l’objet de débats et de prises de position passionnés la question de la répartition entre locataires et propriétaires – et des meilleurs moyens pour inciter les Français à investir dans le logement – ; l’évaluation de la situation actuelle de l’offre de logements (est-elle globalement insuffisante ou bien sa structuration, sa localisation, sont-elles inadaptées à la demande ?) ; les interrogations sur le crédit qu’il convient d’apporter à la théorie dite du « ruissellement », selon laquelle accroître une offre adaptée aux classes moyennes ou supérieures libérerait des logements pour les ménages moins aisés et, par ricochet, pour les plus démunis. La question des effets inflationnistes des aides au logement est mentionnée, sans conclusion définitive, dans l’article de synthèse de Pierre Madec sur les aides personnelles au logement.

21 En revanche, les sujets qu’abordent les auteurs nous amènent, par plus petites touches, à préciser ou à affiner la compréhension des relations entre le logement et certaines transformations sociales importantes. Ils ont une résonance tout à fait actuelle sur les politiques publiques.

Logement, familles et trajectoires

22 La monographie sur la ville de Tlemcen (Algérie) et sur l’évolution de son urbanisation depuis les années 1970, que nous propose Baddredine Yousfi, nous rappelle opportunément qu’un logement, c’est le lieu où vivent une ou plusieurs personnes, généralement des familles. La configuration de ces familles n’est pas immuable : loger des familles traditionnelles à plusieurs générations, voire réunir plusieurs branches familiales sous le même toit, avec des taux d’occupation moyens de 5 à 7 personnes par logement, comme à Tlemcen dans les années 1970, ne nécessite ni le même nombre ni la même forme de logement qu’un parc destiné à des personnes seules ou en couple et à des familles nucléaires au nombre d’enfants limité. La demande de logement est liée certes à l’évolution démographique quantitative, mais elle évolue également avec les modes de vie familiaux, ce qui a contribué à accroître très rapidement la pression de la demande dans un pays comme l’Algérie dans les dernières décennies.

23 La France a connu des mouvements de moindre ampleur, mais de nature similaire dans les années 1960-1970, lorsque la fréquence de l’accueil des personnes âgées sous le toit de leurs enfants a très brutalement chuté. L’adaptation du logement à des configurations familiales de plus en plus complexes est toujours d’actualité. Les travaux précis de Sophie Villaume sur les données toutes fraîches de l’enquête nationale Logement 2013 de l’INSEE, concernant la mobilité des ménages liée à des événements familiaux, le montrent bien : 43 % des déménagements sont liés à une naissance, une séparation, la formation d’un ménage, le départ d’un grand enfant, un décès… On relèvera, en écho au précédent article cité, un certain retour vers une cohabitation intergénérationnelle, éventuellement provisoire et contrainte, lorsque surviennent des séparations de couples ou des difficultés professionnelles. Les jeunes chômeurs sont fréquemment accueillis chez leurs parents. Les séparations, dont la fréquence constitue une nouvelle composante importante des évolutions familiales en Europe occidentale, s’accompagnent d’un risque accru de vivre un temps sans logement personnel (27 % des personnes qui ont vécu une rupture conjugale dans les quatre ans précédant l’enquête), c’est-à-dire chez les parents ou dans d’autres situations hors normes. Quant aux conjoints qui n’ont pas la responsabilité quotidienne des enfants, leur permettre de recevoir régulièrement ces derniers dans de bonnes conditions nécessite également une réflexion et des adaptations par exemple du parc de logements, des critères d’attribution des logements sociaux, des prestations associées… [22].

24 La disponibilité en logements adaptés n’est en effet pas la seule condition pour que la demande soit satisfaite. Il faut également que ces logements soient accessibles à des conditions abordables pour tous. C’est notamment le rôle des aides personnelles au logement dont Pierre Madec fait une synthèse des analyses critiques. L’allocation de logement à caractère familial (ALF), destinée à rendre les familles solvables, et l’aide personnalisée au logement (APL), qui vise à permettre à l’ensemble des ménages avec ou sans enfants occupant un logement du parc conventionné d’être solvables, ainsi que l’allocation de logement à caractère social (ALS) pour les personnes sans enfant, sont attribuées en fonction du revenu du foyer, de sa composition (et notamment du nombre d’enfants) et du loyer versé. 91 % du montant total de ces prestations se concentrent sur les trois premiers déciles de revenus, ce qui facilite très sensiblement l’accès des ménages modestes à un logement. Mais, alors même que de 1994 à 2014, la part des dépenses en logement dans la consommation finale des ménages est passée de 16,8 % à 18,6 % et que les écarts entre les revenus des ménages des premiers déciles ont baissé, la part des aides personnelles dans ces dépenses (au plus haut à 6,8 % en 1999) stagne depuis une dizaine d’année autour de 6,1 % environ nous rappelle Pierre Madec, ce qui atteint principalement les catégories à faibles revenus, bénéficiaires de ces aides. La principale raison en est que la prise en compte du loyer dans le calcul des aides est plafonnée. Or les plafonds varient selon trois zones géographiques – assez frustes – qui ne correspondent pas nécessairement aux écarts effectifs de loyer. Surtout, sous-indexés par rapport aux loyers en progression rapide, ils limitent considérablement aujourd’hui l’aide reçue par les allocataires, qui ne parvient plus toujours à rendre suffisamment solvables les ménages modestes bénéficiaires. L’auteur passe en revue les solutions étudiées ou proposées par les inspections générales (Inspection générale des finances-IGF, Inspection générale des affaires sociales-IGAS, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux-CGAAER) ; le Conseil d’analyse économique (CAE) ; l’Institut des politiques publiques (IPP)… et préconise d’améliorer le ciblage et le zonage des aides personnelles.

25 Sans naturellement faire le tour du sujet « logement, familles et trajectoires », ces trois contributions apportent donc, dans des perspectives très différentes, des éclairages sur la dynamique actuelle de ce sujet, tant sous l’angle de la demande de logement, des trajectoires résidentielles, que du point de vue des difficultés financières des accédants et des locataires.

Logement, collectivités locales et territoires

26 La relation du logement au territoire est abordée dans une majorité de contributions. Mais les regards sur cette relation sont là aussi très divers. Certains auteurs se placent du point de vue du lien individuel des ménages avec leurs espaces de vie (où ils ont été, où ils sont, où ils projettent d’aller) ; d’autres – les plus nombreux – adoptent le point de vue, plus institutionnel, des collectivités locales et de leur action sur le territoire communal ; d’autres, enfin, centrent leur attention sur la mixité sociale locale, objectif affiché de politiques publiques nationales contre une ségrégation sociale territoriale qui s’était renforcée dans les dernières décennies. Le fait est que les disparités territoriales tendent à croître à toutes les échelles dans le secteur : concentrations de pauvres contre concentrations de riches, territoires « en tension » et territoires… qu’on préfère généralement ne pas qualifier, car on devrait alors souligner que certains ne se portent pas bien et n’attirent guère de nouveaux habitants. Même la très récente reprise de la construction immobilière, qui réjouit les conjoncturistes, profite inégalement aux régions : tandis qu’en mai 2016, le nombre de logements commencés depuis un an augmente de 26,1 % en Île-de-France, il poursuit sa pente descendante (- 15,6 %) dans les Hauts-de-France [23]… L’attraction des grandes villes et de leur périphérie s’oppose à la stagnation des villes qui ne dépassent pas 20 000 habitants. Le Monde du 29 juin 2016 cite un expert : « le marché immobilier français est, en réalité, très concentré sur à peine 3 000 communes ». Ces oppositions ne sont pas approfondies en tant que telles dans le dossier, mais les mouvements entre différentes zones sont saisis sous différentes facettes dans les articles traitant des territoires.

Les territoires périurbains et les trajectoires de leurs habitants

27 Sur les cartes de France, les territoires périurbains, intermédiaires entre ville et campagne, en forte croissance démographique, ont envahi une part importante de l’espace (voir carte ci-dessous).

Carte. Zones « en forte croissance résidentielle et éloignées de l’emploi », selon la typologie des campagnes françaises

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Carte. Zones « en forte croissance résidentielle et éloignées de l’emploi », selon la typologie des campagnes françaises

28 De nombreuses études ont pointé les problèmes environnementaux posés par des milliers de kilomètres de moyens de transport, les millions de trajets quotidiens et les milliers de kilomètres carrés de sols bétonnés supplémentaires, qui accompagnent la diffusion rapide de tels espaces. Les habitants de ces territoires ont aussi leur « portrait-robot », souvent présenté de façon tout aussi négative : famille avec enfants, revenus moyens, rêvant de devenir propriétaire et de s’installer dans sa maison à la campagne et/ou éloignée des centres-villes par les coûts du logement…

29 Les résultats de l’étude menée par Sophie Villaume sur la mobilité en relation avec une naissance ou une séparation ne remettent pas en cause la validité d’un tel portrait. L’auteur ne cherche pas à décrire la population du secteur périurbain dans son ensemble, mais indique qu’en effet, « lors de leur dernier déménagement, les familles qui ont eu un enfant [dans les quatre ans précédant l’enquête réalisée en 2013] ont davantage que la moyenne migré d’un grand pôle urbain, en centre-ville, vers l’espace périurbain » – et que « cette migration est plutôt le fait des familles nouvellement propriétaires ». À l’inverse, après une séparation, si (afin, sans doute, que les enfants gardent le même cadre de vie) les familles monoparentales restent plus souvent dans la même commune que les personnes seules séparées, ces dernières se déplacent essentiellement de l’espace périurbain vers les grands pôles urbains (de 10 000 emplois ou plus), contrairement à l’ensemble des ménages mobiles dans la même période.

30 À l’inverse, les habitants de la périphérie sont bien au centre des observations de l’équipe de l’UMR Géographie-Cités (« Trajectoires résidentielles, construction des espaces de vie et ancrage dans le périurbain »). Loin de se rallier à l’idée d’un modèle résidentiel périurbain unique, dont ces auteurs contestent la spécificité, l’équipe met en valeur la diversité des trajectoires qui ont conduit les habitants à s’installer dans ces secteurs et souligne l’attachement et « l’ancrage dans le territoire » qui caractérisent certains types de trajectoires. À partir d’une étude monographique qualitative sur 3 secteurs situés à quelques kilomètres au nord de Paris (quelques communes) sont en effet dégagés 6 types de trajectoires, dont plusieurs s’écartent de la figure de « l’exilé du centre-ville » : des jeunes qui ont vécu leur enfance sur place y reviennent à l’âge adulte, parce qu’ils y sont attachés ou y ont gardé des relations, d’autres y ont toujours vécu – ou ont vécu dans la région – et tiennent à leur environnement… Ceux qui ont des origines citadines ont vu s’y réaliser un projet positif (on retrouve l’acquisition d’une maison, l’attrait d’une vie calme à proximité de la forêt ou de zones rurales…) ; quant aux provinciaux venus à Paris pour leurs études, puis retenus en Île-de-France par leur métier ou d’autres motifs, ils ont trouvé sur de tels terrains le compromis idéal, parce qu’ils n’avaient aucune envie de vivre à Paris ; restent quelques « atypiques » dont les choix résidentiels sont plus complexes. Cette typologie de trajectoires concerne une grande diversité de catégories socio-professionnelles, sans qu’il y ait adéquation préférentielle d’un type de trajectoire à l’une d’entre elles.

31 Le regard des auteurs sur la vie périurbaine prend également en compte l’ancrage concret des personnes dans les ressources locales : loin du modèle de repli chez soi avec l’aller-retour à l’hypermarché pour le quotidien et le recours au centre-ville pour tout le reste, la plupart de ces « périurbains » ont une pratique diversifiée de l’espace local très proche ou un peu plus lointain, selon leurs relations familiales et sociales locales ou selon leurs expériences antérieures. Au total, l’article, convaincant quant à la diversité vivante des lieux et de leurs habitants, confirme cependant que des attraits comme le coût foncier, la possibilité de devenir propriétaire, d’avoir un logement plus grand, d’habiter une maison, jouent un rôle important dans la croissance rapide de l’habitat en zone périphérique.

32 On notera en contrepoint que l’extension ultra-rapide de la ville de Tlemcen décrite par Baddredine Yousfi multiplie également les zones périurbaines neuves où de grandes opérations immobilières dessinent un paysage en grande partie composé d’immeubles collectifs… alors que les habitants, auprès desquels l’auteur a réalisé une intéressante enquête, rêvent plus que jamais de maison individuelle…

Collectivités locales et politiques du logement

33 L’appel à contribution pour ce dossier avait souligné l’intérêt de rassembler des travaux sur la place du logement dans les projets des collectivités locales et de leurs élus. Dans l’esquisse qu’il trace des grands points de débat sur le logement des dernières décennies, Bernard Vorms note en effet combien leurs politiques peuvent être différenciées : alors que les gouvernements nationaux de gauche ou de droite, fortement contraints notamment par les équilibres financiers, se sont souvent peu écartés en France d’une voie « moyenne » – soutien à l’investissement immobilier des ménages, maintien sans gros à-coups des aides à la pierre et à la personne, objectifs faisant finalement consensus concernant la mixité sociale, le droit au logement opposable… –, les collectivités locales ont développé des stratégies contrastées sur leurs territoires. Ce sont en particulier elles qui, en France aujourd’hui, définissent des politiques qui vont permettre d’accueillir ou d’écarter telle ou telle catégorie de population.

34 De fait, dans le domaine du logement, le partage des tâches et les articulations entre niveaux de collectivités varient selon les objectifs et les politiques particulières : par exemple le volume des aides à la personne et des aides à la pierre, comme la définition des conditions d’accès à ces aides relèvent du niveau national, mais le choix d’y recourir ou non et le dessin de chaque opération relèvent du niveau municipal – dans des cadres (planification urbaine) souvent définis à un niveau supracommunal. L’évaluation de la façon dont les pouvoirs locaux s’emparent ou non des outils à leur disposition est d’autant plus intéressante que depuis le début des années 2000, une série de mesures législatives (loi SRU, lois Duflot – dont la loi ALUR –, projet de loi Égalité et Citoyenneté…) contribuent régulièrement à modifier sensiblement ce partage des tâches – ou peut-être vaudrait-il mieux dire l’encadrement des obligations des collectivités locales ?

35 Point de comparaison toujours utile : ce partage des tâches est loin d’être partout équivalent dans d’autres pays. Baddredine Yousfi souligne, avec quelques regrets semble-t-il, qu’en Algérie l’essentiel d’une politique du logement très active, depuis le début des années 2000 en particulier, a été piloté par les instances centrales et les représentants locaux de l’État – qui exercent l’ensemble des pouvoirs dans ce domaine, jusqu’à la sélection des ménages bénéficiaires : « les collectivités locales (communes) ne contribuent que timidement à la définition des projets : choix du site, aménagements extérieurs… ». Une configuration aussi centralisée est certes en correspondance avec l’organisation politique du pays, mais l’auteur ne cache pas non plus que le retour à la centralisation, en 2007, a suivi une phase où les collectivités locales ont été plus impliquées, par exemple dans la sélection des bénéficiaires. Les collectivités, en effet, ont été accusées de « mauvaise gestion », c’est-à-dire de favoritisme, qu’il s’agisse de clientélisme ou d’autres raisons (par exemple conflit de priorités). Avec une pénurie très sensible de logements, la question des attributions est particulièrement sensible, pouvant conduire jusqu’à des mouvements de protestation urbaine. Plus généralement, l’auteur rappelle que la régulation du logement implique des intérêts et des crédits très importants ; avec une politique d’encouragement à la propriété, les initiatives privées pour capter les ressources rares, par exemple au profit de groupes socio-professionnels d’un même secteur (classes moyennes), y sont fréquentes ; surtout, pour les collectivités locales et pour d’autres acteurs les opportunités de spéculation y sont nombreuses et difficiles à contrôler ; même si les degrés en sont divers, comme le rappelle au passage l’auteur, cette caractéristique du secteur logement n’est pas spécifique de l’Algérie.

36 Dans son bilan de l’application de la loi SRU de 2000 et des dispositions ultérieures qui l’ont modifiée (loi Duflot de janvier 2013, ordonnances de l’été 2013), Sandrine Levasseur centre ses investigations sur le comportement des collectivités locales (appartenant à des agglomérations assez importantes), contraintes de construire des logements sociaux pour atteindre le quota fixé par la loi – ainsi, d’ailleurs, que sur celui de leurs autorités de tutelle préfectorales. À mi-chemin entre la promulgation de la loi SRU et la date-limite de mise en conformité de ces communes, fixée aujourd’hui à 2025, cette étude permet de faire plusieurs constats.

37 – L’identité des communes « carencées » [24] et les raisons de leur refus sont assez uniformes et ne réservent guère de surprise : il s’agit de communes riches, très majoritairement situées en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) ou Languedoc-Roussillon, dont les habitants, en grande proportion propriétaires, votant plutôt à droite (61 % des maires), tiennent sans doute à un « entre-soi » ou craignent de perdre le bénéfice d’un attrait touristique. Dans sa contribution, Florent Gueguen mentionne d’ailleurs les abandons de projet de construction annoncés aux lendemains des dernières élections municipales. Il peut arriver aussi, comme c’est le cas de certaines communes examinées en annexe de l’article, que des contraintes environnementales (zones naturelles classées, zones à risques…) ne facilitent pas le dégagement de foncier adapté.

38 – Les modalités de contournement de la loi ou de minimisation des conséquences de l’accroissement des logements sociaux sont variées :

  • pour accélérer le temps de financement et de construction des logements et faciliter la résolution du problème foncier, développement du recours à la VEFA, c’est-à-dire à la possibilité offerte à un promoteur privé de « vendre en l’état futur d’achèvement » une partie de son programme immobilier à un bailleur social ;
  • pour la construction des logements, mobilisation de prêts locatifs à usage social (PLUS) − qui financent des logements non accessibles aux ménages les plus modestes − plutôt que des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), de façon à attirer des locataires plus proches des classes moyennes ;
  • modulation de la taille des logements, excluant l’accueil de certaines catégories de ménages ;
  • modification des documents d’urbanisme (notamment en déclassifiant certaines zones à urbaniser en zones nécessitant une protection environnementale) ou atermoiements concernant leur finalisation ;
  • et, enfin, option pour une taxation prévue pour sanctionner les communes récalcitrantes ou les inciter à construire du social plutôt que pour l’extension du parc social (ce que la richesse des communes peut leur permettre de supporter).

39 – Il apparaît également que les préfets, qui disposent d’une marge d’appréciation concernant les sanctions appliquées aux communes (ne respectant pas leurs objectifs de progression quantitative en dépit des taxes), restent plutôt à leur égard en deçà d’une fermeté maximale. Ils n’appliquent pas les taxes-plafonds et peu de communes carencées sont mises sous tutelle préfectorale… Les communes mises sous tutelle par les préfets possèdent toutefois des caractéristiques spécifiques (notamment un potentiel fiscal encore supérieur à celui des communes carencées).

40 Finalement, cette loi est-elle utile ? La conclusion de l’article est nette : clairement, en l’absence de son article 55, sur lequel repose ce dispositif, comme l’ont également soutenu d’autres auteurs, Sandrine Levasseur soutient que la production de logements sociaux aurait été inférieure : les communes soumises à l’obligation « de rattrapage » ont en effet contribué pour 40 % à cette production, qui a repris un cours vraiment croissant à partir de 2003. En outre, ajoute-t-elle, compte tenu d’une demande croissante de logement due à de purs facteurs démographiques au début des années 2000, les prix du logement en France auraient été encore plus élevés. Même si tous les objectifs poursuivis par la loi – et notamment les objectifs de mixité sociale – ne sont pas atteints, on a fait un pas dans ce sens, et tous les outils dont disposent les préfets n’ont pas été utilisés à plein ; ces outils vont probablement encore être renforcés par la loi Égalité et Citoyenneté dans un proche délai. On a donc toutes raisons de penser qu’un progrès peut encore être fait dans le sens d’un meilleur accueil des catégories les moins favorisées de la population et d’une meilleure répartition entre les communes des charges liées à la construction des logements sociaux.

41 L’étude présentée par Camille Devaux est d’une tout autre nature. L’auteure s’intéresse à ce relativement nouvel objet qu’est l’habitat participatif – concept timidement introduit dans la législation par la loi ALUR en mars 2014. Il y est défini comme « une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces communs, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis ». La loi précise que ces démarches s’inscrivent « dans une logique de partage et de solidarité entre les habitants ». Le déroulement des expériences d’habitat participatif a fait l’objet d’analyses et d’un suivi assez régulier par des chercheurs depuis les premières opérations qui datent des années 1970-1980. 500 opérations (5 000 logements) environ seraient aujourd’hui en cours en France. Mais l’originalité de cette contribution est de se placer cette fois du point de vue des collectivités locales. Ces dernières prennent en effet une place croissante dans ces démarches. Cet engagement est-il le signe d’une intégration de l’habitat participatif aux politiques locales ?

42 Les observations réunies par Camille Devaux sur plusieurs sites et les contacts qu’elle a entretenus durant plusieurs années avec des acteurs de ces initiatives lui permettent d’apporter à cette question une réponse bien nuancée. Les relations entre les collectifs d’habitants et les municipalités ont varié au cours du temps : la méfiance, voire la franche hostilité réciproque ont cédé la place à la simple réserve et ont souvent débouché sur un « mariage d’intérêt ». Les groupes d’habitants ont évolué : ils ont besoin de partenaires publics pour dégager du foncier et parfois pour obtenir des financements de type habitat social ; les municipalités, de leur côté, multiplient depuis peu (2010 environ) les discours de soutien et leur réservent une place par exemple dans les programmes locaux de l’habitat (PLH)… Mais, comme le montre très concrètement Camille Devaux, les acteurs municipaux s’y engagent souvent un peu de façon hasardeuse, en partie par mimétisme, sans très bien savoir ce qu’ils peuvent en attendre et en espérant que cette forme d’habitat contribue à résoudre certains des problèmes de l’action publique urbaine auxquels ils sont appelés à se confronter : mixité sociale, développement durable, participation des habitants. Un bon outil de marketing, en somme…doublé d’une tendance des autorités à se défausser prudemment sur des opérateurs intermédiaires connaissant mieux le sujet que les municipalités elles-mêmes. Au stade actuel, l’auteur ne se risque pas à prévoir l’avenir de l’habitat participatif, qui dépend encore largement – c’est ici naturel – de l’implication des habitants dans de telles opérations, et qui repose aussi sur la formation qui sera donnée à des techniciens qui ne savent pas bien aujourd’hui comment y trouver leur place.

Mixité sociale

43 Plusieurs évolutions expliquent que la mixité sociale soit devenue depuis le début des années 2000 un objectif des politiques publiques, régulièrement rappelé : ségrégation spatiale renforcée par l’évolution des prix en zones « tendues », appauvrissement d’une partie importante de la population touchée par le chômage, isolement et ostracisme des populations des quartiers les plus défavorisés, accroissement des problèmes de transport domicile-travail… Intégré aux politiques nationales, cet objectif nécessite la collaboration active des collectivités.

44 Mais comment se définit la mixité sociale ? De quoi parle-t-on exactement et de quels indicateurs dispose-t-on pour la mesurer ?

45 L’étude de Sandrine Levasseur apporte à ce sujet des précisions par un point de méthode très utile. L’auteur a recours à plusieurs indicateurs. On ne commentera ici que l’un d’entre eux.

46 En prenant comme référence de la mixité sociale la coexistence de niveaux de vie très différenciés sur la commune, l’auteur utilise d’abord un indice de Gini pour apprécier les inégalités internes aux communes ; puis, elle construit un indicateur qui tient mieux compte du nombre de ménages riches sur chaque commune et permet d’intégrer une connaissance de la contribution des locataires du parc social à la mixité sociale de la commune. La comparaison du niveau de ces indices pour les communes carencées avec celui qui caractérise l’ensemble des communes montre que les premières se distinguent par les niveaux de vie plus élevés et par une répartition moins inégalitaire des revenus que l’ensemble des communes françaises – ce qui marque en effet un « déficit » de mixité – et que leurs ménages les plus modestes ont des niveaux de vie plus élevés que dans les autres communes ; les locataires du logement social (peu nombreux) ne contribuent en outre que très modérément à la mixité existante dans ces communes.

47 Bien sûr, il restera à savoir, pour les communes mises sous autorité préfectorale, comment les décisions prises par cette nouvelle autorité permettront de respecter la loi et de se rapprocher du quota de logements sociaux fixé ; et aussi, pour toutes les communes carencées en particulier, dans quelle mesure les nouveaux logements sociaux implantés dans leur tissu urbain (qui sont en partie occupés par des classes moyennes) permettront d’augmenter la mixité sociale, c’est-à-dire le partage d’un même territoire par des groupes de population aux niveaux de vie très inégaux. L’affaire n’est pas si simple, puisque l’auteur parvient à chiffrer la différence qui sépare déjà les habitants des logements sociaux des communes concernées par la loi selon qu’elles comprennent plus ou moins de 20 % de logements sociaux. Les ménages logés dans le parc social des communes qui dépassent déjà ce quota sont plus souvent logés en PLAI, et leur niveau de vie moyen est inférieur.

48 À observer le raccourci saisissant d’évolution urbaine qu’offre la monographie de Baddredine Yousfi sur la ville de Tlemcen, on ne peut qu’être frappé par la spécialisation et la hiérarchisation sociales progressives des quartiers, organisées de fait par la politique algérienne du logement sur trente ans.

49 Les habitants des premiers programmes de l’État ont en partie été transférés d’un habitat ancien, certes dégradé, mais qui eut un temps une vocation « interclasses » – peut-être pas à la façon du Paris du début du xix e siècle, décrit par Balzac dans César Birotteau », puisqu’il s’agissait moins d’immeubles que d’un habitat traditionnel à patios, nous dit l’auteur. Ces premiers programmes ont été soit collectifs, en zones d’habitat urbain nouvelles (ZUHN), logeant beaucoup d’ouvriers et de cadres des grands chantiers de l’industrialisation, soit individuels, dans de grands lotissements communaux pas très accessibles aux classes populaires. Si l’habitat individuel reste majoritaire à Tlemcen, les grands programmes ont recommencé à se multiplier dans les années 2000, après les années noires qu’a connues l’Algérie, les différents programmes ayant chacun leur public : ménages en bas de l’échelle de revenus pour les logements « sociolocatifs », classes intermédiaires encouragées à investir dans leur logement pour les « socioparticipatifs », hauts revenus pour les programmes promotionnels, de standing et positionnés sur un marché, faisant plus encore appel à l’épargne des ménages aisés. La consolidation de « l’entre-soi » pour les accédants à la propriété s’est faite également par les multiples canaux qu’offre, dans la société algérienne, ce qui semble être une sorte de d’auto-organisation corporatiste, permettant à la fois de faire passer auprès des autorités des dossiers groupés de « collègues » et de choisir ses voisins.

50 Tous ces mouvements rappellent certes des souvenirs de grands ensembles, certains bien connus de la France des années 1960-1970, d’autres plus proches de nous. On se demande dès lors comment des processus similaires – qui, de part et d’autre de la Méditerranée, favorisent aussi la périurbanisation – peuvent éviter à l’Algérie urbaine une évolution vers un habitat plus marqué par la ségrégation que par la mixité sociale.

51 Et cependant, Baddredine Yousfi observe, à l’inverse, qu’une mixité sociale est effectivement présente à Tlemcen. La cause en serait paradoxalement la pénurie de foncier : dans une telle situation, les promoteurs de logement haut de gamme prennent pour cible tout terrain ouvert ou enclavé pour s’insérer dans les espaces les plus intégrés à la ville – qui prennent de la valeur. Ainsi se côtoieraient diverses catégories sociales…

52 Ces dernières observations renvoient par ricochet à une carte présentée par Pierre Madec dans son article, qui suscite la réflexion : il s’agit de la carte du taux d’effort net pour le logement des allocataires d’aides personnelles, par département. Certes, son propos n’est pas de discuter de la mixité sociale, mais de s’interroger sur la capacité des prestations personnelles pour le logement à résorber les différences de coûts du logement auxquelles les ménages doivent se confronter sur le terrain. Si les disparités de taux moyens d’effort départementaux et leur répartition se maintiennent, par le jeu du marché immobilier (écart maximum le long des côtes méditerranéenne et atlantique, pour l’essentiel – minimum en zones plutôt rurales), comment imaginer que les « pauvres », aux capacités financières et aux aides accordées insuffisantes, pourront se maintenir longtemps dans des zones où leurs ressources – faibles par définition – sont absorbées dans d’importantes proportions par les coûts du logement ? Si en outre on ne peut attendre du système d’aides personnelles des corrections suffisantes, cela suggère la nécessité de mettre en place d’autres moyens d’intervention des pouvoirs publics. L’auteur, pour sa part, après avoir passé en revue les rapports officiels et les solutions qu’ils ont proposées, avance une préférence pour une combinaison de contrôle des loyers dans de telles zones et une adaptation du mode de calcul aux réalités des marchés locatifs.

53 Bernard Vorms ne dit pas autre chose quand il souligne que, si les taux d’effort moyens ont augmenté, ceux du premier quartile de revenus ont fait des bonds en avant spectaculaires à plus de 40 % ; les hausses ont été particulièrement fortes dans les zones métropolitaines, là où le marché du travail est dynamique, mais attire des outsiders (jeunes, notamment) qui rencontrent les plus grandes difficultés à s’y loger. Pour lui, avancer un « manque global de logements » en France n’a pas grands sens : les problèmes sont importants, mais spécifiquement localisés. C’est dans les zones les plus riches que se concentre la plus grande pauvreté. Une mixité sociale s’y établit de fait, mais dans les pires conditions, à défaut d’un parc locatif social localisé qui permettrait à des personnes modestes d’y vivre. Bernard Vorms réfute pourtant la théorie selon laquelle les carences de la politique du logement seraient seules responsables des situations les plus dramatiques des sans-logis, et il renvoie sur ce sujet à d’autres sources de difficultés – dans le secteur de l’emploi, certes, mais aussi dans celui de l’hébergement. C’est un sujet qu’aborde de façon plus approfondie la contribution du directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS).

Précaires et mal logés

54 Le point de vue de Florent Gueguen et Sami Chayata (FNARS) sur le « mal-logement » et la prise en charge des sans-abris permet de faire un tour complet et très pédagogique de la situation, à tous égards catastrophique, du secteur dit de « l’hébergement » aujourd’hui : impossibilité de répondre à la moitié des appels et demandes d’hébergement, conditions désastreuses (et coûteuses) d’accueil des familles en hôtel, difficultés particulières pour les jeunes paupérisés de moins de 25 ans sans accès au RSA (qui constituent 25 % des effectifs des centres d’hébergements adhérents à la FNARS), absence de solutions dignes pour les familles migrantes, envoi des demandeurs d’hébergement en zones isolées, où ils ne souhaitent pas se trouver « enfermés »…

55 Mais pourquoi cet afflux actuel vers le secteur de l’hébergement ? Les auteurs s’interrogent sur le lien entre hébergement et logement. Certains demandeurs d’hébergement s’adressent en effet à ce secteur parce qu’ils se heurtent aux plus grands obstacles pour se loger – notamment par suite du manque global de logements très sociaux (PLAI) et de capacités insuffisantes d’accompagnement dans le logement de personnes en grande difficulté. La FNARS et les grandes associations luttant contre la pauvreté et l’exclusion prennent fermement parti depuis quelques années pour une modification radicale de la relation entre hébergement (conçu habituellement comme une première marche de l’escalier de l’insertion) et logement – qui en serait le dernier palier. La démarche se résume dans la formule « le logement d’abord ! » Les associations affirment en effet que même de grands exclus qui paraissaient très éloignés du logement – comme des personnes qui présentent des troubles sévères de la santé mentale ou des addictions – peuvent accéder directement à un logement autonome personnel dès lors qu’ils bénéficient d’un accompagnement pluridisciplinaire (juridique, social, sanitaire…). Dès lors, dans la majorité des cas, un passage par le secteur de l’hébergement ne serait nullement nécessaire pour favoriser l’insertion.

56 L’administration s’est engagée à ce sujet dans une expérimentation dite « Un chez soi d’abord », pilotée par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL). Les premiers résultats viennent d’être rendus publics. Ils démontrent en effet que dans 80 % des cas les personnes concernées se maintiennent dans le logement, tandis que leur bien-être et leur situation sociale évoluent positivement lorsque leur sont aussi apportés simultanément les services indispensables d’accompagnement.

57 Avec le comité de suivi mis en place par la loi DALO, plus de neuf ans après son adoption, Bernard Lacharme dresse un bilan mitigé de l’application de cette loi instituant le droit au logement opposable, dont il décrit la genèse de façon très instructive. D’un côté, de nombreuses personnes en grande difficulté ont été relogées, des personnes qui ne l’auraient pas été sans la possibilité de recours ouverte par la loi, ou qui l’auraient été beaucoup moins vite : 100 000 ménages ont obtenu un logement suite à un recours DALO entre 2008 et 2015. En outre, le plus important impact de la loi n’est pas chiffré : cette mesure a fortement contribué, en effet, à faire en sorte que la situation des personnes en difficulté soit prise en compte en amont, qu’il s’agisse de l’attribution des logements sociaux, de la mobilisation par les pouvoirs publics des outils permettant de traiter l’habitat insalubre ou encore de la prévention des expulsions. D’un autre côté cependant, des ménages reconnus prioritaires au titre de la loi DALO restent en attente du relogement auquel ils ont droit : ils étaient 58 000 fin 2015, essentiellement en Île-de-France et en PACA ; beaucoup d’autres pourraient être dans cette situation si les procédures de recours DALO était davantage connues.

58 Bernard Lacharme insiste donc sur « les [nombreux] chantiers de la bonne application du DALO qu’il reste à conduire », sans cacher que le premier et sans doute le plus important est celui des moyens donnés à cette politique : moyens de formation des travailleurs sociaux ; formation du public sur ses droits ; disponibilités en logements sociaux, à des loyers abordables par les populations en difficulté (on y revient) ; mobilisation plus active de l’intermédiation locative… et aussi retour sur les risques d’autocensure des commissions de médiations (on peut hésiter à désigner « trop » de ménages prioritaires si les moyens de répondre à leur demande sont déficitaires…) ; réforme de l’attribution des logements sociaux ; réformes du Fonds national d’accompagnement dans et vers le logement (FNADVL), qui recueille le paiement des astreintes lorsque l’État est condamné pour non-respect du droit… Certaines des dispositions de nature législative évoquées dans ce « point de vue » pourront être discutées au cours du processus d’adoption du projet de loi Égalité et Citoyenneté en cours de débat au Parlement. La loi DALO a eu, comme le suggère Bernard Lacharme, les vertus d’une loi d’ouverture et non d’un acte « final » pour « régler un problème ».

59 Au total, les pistes de réflexion ouvertes dans ce dossier paraissent très abondantes. Les analyses croisées sont de nature à convaincre qu’en effet, le logement aujourd’hui constitue un point nodal des politiques sociales – et que, disons-le, les plus défavorisés n’ont pas trouvé leur compte dans les évolutions des dernières années.

60 Chacun des articles ou des points de vue qui constituent ce dossier aborde, comme on l’a vu, plusieurs thèmes ; on en a relevés ci-dessus un certain nombre qu’il paraissait intéressant de rapprocher d’un auteur à l’autre, bien qu’ils soient parfois évoqués de façon plus incidente que centrale par leurs auteurs. L’ordre de présentation des articles dans ce numéro, en revanche, tente de les regrouper en fonction de leurs thématiques principales respectives.

61 Ainsi, trois articles traitent le logement en prenant pour objet principal les familles, leurs trajectoires résidentielles et les aides qu’elles reçoivent pour se loger :

  • Sophie Villaume exploite l’enquête nationale Logement 2013 de l’INSEE, en s’intéressant aux relations entre événements familiaux (et tout particulièrement naissances et séparations conjugales) et changements de résidence ;
  • L’équipe de l’UMR 8504 Géographie-Cités, composée de Sandrine Berroir, Matthieu Delage, Antoine Fleury, Sylvie Fol, Marianne Guérois, Juliette Maulat, Lina Raad et Julie Vallée, adopte une démarche plus qualitative pour interroger finement les relations des habitants de communes périurbaines de la région parisienne avec leur territoire – tant en termes de trajectoires que de pratiques quotidiennes de l’espace ;
  • Pierre Madec présente un état des lieux des aides personnelles au logement en France et de leur contribution essentielle au règlement des dépenses de logement, suivie d’une synthèse des propositions récentes de réforme de ces aides.

62 Trois articles se concentrent au contraire sur une vision collective et locale du logement, et placent notamment les collectivités locales sous leurs projecteurs :

  • Sandrine Levasseur fait un bilan aux dernières dates disponibles de la mise en œuvre des dispositions de la loi SRU, promulguée en 2000, qui a placé les communes faisant partie d’agglomérations urbaines dans l’obligation d’atteindre, en 2022, un quota de 20 % de logements sociaux sur leur territoire et qui a été ultérieurement renforcée ;
  • Camille Devaux se penche sur l’accueil que font les collectivités locales à l’habitat participatif, qui s’appuie sur quelques expériences anciennes de collaboration entre habitants rassemblés pour concevoir et produire leur propre logement, expériences encouragées à s’étendre par la loi ALUR (2013) ;
  • Baddredine Yousfi, seul auteur étranger de ce dossier, prend appui sur une monographie de la ville algérienne de Tlemcen pour présenter et analyser les défis gigantesques auxquels les évolutions démographiques, les transformations sociales accélérées et un contexte politique complexe ont confronté son pays dans les dernières décennies en matière de logement.

63 Le développement de la pauvreté et l’augmentation simultanée des coûts du logement – surtout en zone urbaine tendue – posent de graves problèmes à une frange de plus en plus importante de la population, dont une partie se trouve soit à la rue soit dans des conditions de logement très précaires. Ces questions sont abordées dans deux « points du vue » :

  • un entretien a été conduit par les coordinatrices du dossier avec Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion (FNARS) et Sami Chayata, chargé de mission à la FNARS, qui expliquent pourquoi et comment le regard porté sur l’accès au logement pour des populations démunies et précaires doit changer : « mettre à l’abri » les personnes en difficulté dans des lieux « d’hébergement » est souvent moins efficace pour leur insertion que de leur fournir un « logement d’abord » avec un accompagnement adapté ;
  • Bernard Lacharme, secrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), revient sur la construction de la loi DALO. La notion de droit au logement opposable est plus ancienne que cette loi, mais celle-ci définit une construction juridique qui doit en assurer l’application. L’auteur analyse les difficultés et les réussites de cette application aujourd’hui.
  • Enfin Bernard Vorms, longtemps directeur général de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), président de la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale (SGFGAS), s’appuie sur sa très large connaissance de l’ensemble du secteur du logement pour en resituer les principaux enjeux – qui ne sont pas nécessairement, de son point de vue, ceux que la voie médiatique et le débat politique ont tendance à privilégier.

64 Pour les lecteurs de la Revue française des affaires sociales les moins familiers du secteur du logement, il peut être utile de commencer la lecture de ce dossier… par la fin. Le paysage d’ensemble, brossé en vue cavalière par Bernard Vorms, s’écarte quelque peu de la focale sociale du numéro, ce qui leur permettra peut-être de mieux situer ensuite les enjeux particuliers qu’approfondissent chacune des contributions.

Annexe

Taux d’effort en logement des ménages selon le niveau de vie et le statut d’occupation du logement en 2001 et 2013

Tableau(*),(**)

tableau im3
2001 2013 Taux d’effort brut (en %) Taux d’effort net* (en %) Part des ménages ayant un taux d’effort net supérieur à 30% (en %) Taux d’effort brut Taux d’effort net* Part des ménages ayant un taux d’effort net supérieur à 30% Total Loyers et remboursement d’emprunt Charges, dépenses en eau et énergie Taxe d’habitation et taxes foncières Total loyers et remboursement d’emprunt charges, dépenses en eau et énergie Taxe d’habitation et taxes foncières Ensemble 17.3 10.2 5.2 1.9 16.1 18 19.4 11.1 5.7 2.6 18.3 26 Quartiles de niveau de vie** 1er quartile 33.6 21.3 10.6 1.8 24.9 33 40.8 25.5 12.8 2.5 31.3 46 2ème quartile 21.4 13.0 6.5 1.9 20.2 20 24.1 13.8 7.5 2.8 23.3 31 3ème quartile 17.4 10.4 5.0 2.1 17.3 13 19.5 11.1 5.6 2.8 19.4 19 4ème quartile 11.9 6.6 3.4 1.8 11.8 6 13.1 7.0 3.7 2.4 13.1 7 Statut d’occupation du logement Propriétaire sans charge de remboursement 7.7 0.0 5.1 2.6 7.7 3 9.0 0.0 5.5 3.5 8.9 4 Propriétaire accédant 23.9 17.3 4.5 2.0 23.3 29 26.8 19.6 4.6 2.6 26.6 40 Locataire du parc social 25.2 16.9 7.4 1.0 20.2 19 29.9 19.0 9.4 1.4 24.1 34 Locataire du secteur libre 26.1 20.2 5.1 0.8 23.6 34 31.5 24.0 6.3 1.1 28.4 50

Tableau(*),(**)

(*) après taxes d’habitation et foncières et prestations logement
(**) y compris ménages logés en meublé et ménages logés gratuitement
Champ : France métropolitaine, hors ménages dont la personne de référence est étudiante, hors ménages déclarant des revenus négatifs.
Source : Insee, enquêtes nationales Logement 2001 et 2013

Notes

  • [1]
    Taudis.
  • [2]
    Loi du 3 janvier 1977 réformant le financement du logement (forte réduction des aides à la construction et création des prêts à l’accession, des APL – aide personnalisées au logement – …).
  • [3]
    Loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, (notamment par la création des « plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées » - PDALPD).
  • [4]
    Loi du 13 décembre 2000, relative à la Solidarité et au renouvellement urbains (notamment en imposant aux communes les plus importantes de disposer de 20 % de logements sociaux).
  • [5]
    Loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (taux de logements sociaux pour les commun les importantes porté à 25 % − dispositif d’incitation fiscale pour l’investissement immobilier).
  • [6]
    Loi du 24 mars 2014 pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR ou loi Duflot II, (instaurant notamment un encadrement des loyers et une « garantie universelle des loyers »).
  • [7]
    La mesure législative portée par Sylvia Pinel est inclue dans la loi de Finances pour 2014. Elle vise à stimuler par des avantages fiscaux la construction de logements neufs dans des zones « tendues ».
  • [8]
    On trouvera une analyse du traitement de la thématique du logement au sens large par la Revue Française des affaires sociales entre 1946 et 2004, dans l’article : Carriou C., Haguenauer-Caceres L. (2006), « Le logement est-il une question sociale ? Le logement dans la revue (1946-2004) », Revue française des affaires sociales, 2006/4, n° 4, p. 285-297.
  • [9]
    Rapport de juillet 2015 de l’institut Montaigne : « Politique du logement : faire sauter les verrous », d’après les chiffres de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF).
  • [10]
    Arnault S., Crusson L. et Donzeau N., « Les conditions de logement en 2013 – Premiers résultats de l’enquête Logement », Insee Première, n° 1546, avril 2015.
  • [11]
    Dans l’enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) « Conditions de vie et aspirations », menée en juin 2014, « favoriser l’accession à la propriété » est la réponse la plus fréquemment citée à la question sur la priorité des pouvoirs publics en matière de logement. Dans l’enquête nationale Logement 2013 de l’INSEE, 44 % des ménages désirant changer de logement souhaitent devenir propriétaires, et la moitié, vivre dans une maison individuelle.
  • [12]
    Pour calculer le taux d’effort brut en logement, on rapporte les dépenses de logement pour la résidence principale (loyers, remboursements d’emprunt, charges, énergie, taxe d’habitation et taxes foncières), avant aides au logement, au revenu du ménage. Le taux d’effort net est calculé de la même façon, sauf qu’on considère la dépense après aides au logement.
  • [13]
    4 % des propriétaires sans charge de remboursement.
  • [14]
    Le premier quartile de niveau de vie est composé des 25 % des ménages qui ont les niveaux de vie les plus bas.
  • [15]
    Alphandéry C. (1965), Pour une politique du logement, Paris, Seuil, collection « Jean Moulin ».
  • [16]
    Un indice de surpeuplement du logement est calculé par l’INSEE. Il caractérise le degré d’occupation du logement, par comparaison entre le nombre de pièces qu’il comporte avec un nombre de pièces considérées comme nécessaires au ménage. Leur définition dépend de la façon dont on combine le nombre de pièces disponibles, le degré d’intimité dont disposent les occupants du logement et la surface disponible par personne. Un logement est en situation de surpeuplement lorsqu’il manque au moins une pièce par rapport aux normes qui ont été définies (pour une définition plus détaillée voir Insee Première, n° 1546 et « Cinq millions de personnes vivent dans un logement suroccupé » sur le site de l’INSEE).
  • [17]
    Hors étudiants, qui sont mal appréhendés dans l’enquête Logement de l’INSEE et dont on considère que les conditions de logement sont transitoires.
  • [18]
    Devalière I., Briant P. et Arnault S., « La précarité énergétique : avoir froid ou dépenser trop pour se chauffer », Insee Première, n° 1351, mai 2011.
  • [19]
    « L’état du mal-logement en France en 2016 ».
  • [20]
    Bigot R. et Hoibian S., « La mobilité professionnelle bridée par les problèmes de logement », Rapport, CREDOC, collection « Rapports », n° 274, juin 2011. Ce rapport présente les résultats des questions insérées à la demande du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) dans l’enquête « Conditions de vie et Aspirations » du CREDOC, à la suite d’un rapport préliminaire du CREDOC pour le MEDEF, portant sur « Les répercussions directes et indirectes de la crise du logement sur l’emploi », (Bigot R., CREDOC, collection « Rapports », n° 273, mars 2011).
  • [21]
    Voir note 6 p. 8.
  • [22]
    « Les ruptures familiales : état des lieux et propositions », Rapport du Haut Conseil de la famille, avril 2014.
  • [23]
    Nouvelle région « Nord–Pas-de-Calais–Picardie » (ndlr).
  • [24]
    Parmi les communes soumises à la loi SRU, dans la dernière période triennale connue (2011-2013), 1 022 communes devaient « faire un effort de production supplémentaire afin de tendre vers 20 % de logements sociaux sur leur territoire » selon le ministère du Logement – 221 de ces communes dites « carencées », qui n’ont pas atteint leur objectif triennal, font l’objet d’un constat de carence. Enfin, en avril 2016, 47 de ces dernières avaient été mises sous tutelle préfectorale.
Marianne Berthod-Wurmser
Membre du comité éditorial de la Revue française des affaires sociales, elle a exercé différentes fonctions à la charnière entre administration et recherche, notamment à la direction de la prévision, au commissariat au Plan, à la Mission recherche (MIRE) du ministère des Affaires sociales, à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Lucie Gonzalez
Administratrice de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), elle est secrétaire générale du Haut Conseil de la famille.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2016
https://doi.org/10.3917/rfas.163.0007
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