Introduction
1 Les mobilités résidentielles peuvent être étudiées sous des angles très différents : les trajectoires résidentielles des individus dépendent en effet de nombreux facteurs, liés à leurs caractéristiques sociodémographiques, à leur situation sur le marché du travail, au marché du logement ou plus largement au contexte macro-économique.
2 Plusieurs études réalisées en France ont identifié les principaux déterminants du changement de domicile, parmi lesquels le statut d’occupation du logement [1] est l’un des plus influents : les locataires, notamment ceux du secteur privé, sont en effet plus mobiles que les propriétaires. La taille du logement, son type et sa localisation influent également sur cette mobilité.
3 L’impact du contexte conjoncturel est moins net ; toutefois un niveau de chômage élevé peut freiner les mobilités résidentielles (Debrand et Taffin, 2005), notamment chez les plus jeunes (Portela et Dezenaire, 2014).
4 Les caractéristiques individuelles ou familiales ont également une forte influence sur ces mobilités. Le changement de résidence diminue nettement avec l’âge, tandis que les personnes ayant un niveau d’études élevé déménagent davantage (Couet, 2006). Le revenu aurait un impact positif sur la propension à déménager (Debrand et Taffin, 2005). Pour Gobillon (2001), l’opinion du ménage sur son aisance financière serait plus déterminant que le niveau effectif de ses ressources, le sentiment d’une amélioration financière pouvant être lié à un changement sur le marché du travail. En effet, le changement de logement ponctue les étapes de la vie familiale ou professionnelle (Minodier, 2006 ; Debrand et Taffin, 2006). Quitter le logement des parents, acquérir l’indépendance résidentielle est un des attributs du passage à l’âge adulte (Portela, de Saint Pol et Albérola, 2014). La formation du couple, une naissance, la séparation, la perte ou le changement d’emploi, puis, à un âge plus avancé, le départ des enfants, la retraite, peuvent également occasionner un changement d’adresse.
5 Mais la relation entre les étapes du cycle de vie et la mobilité résidentielle n’est pas univoque. Les caractéristiques du logement occupé, sa localisation, son coût aussi peuvent influencer les trajectoires individuelles, familiales ou professionnelles ; par exemple la difficulté à quitter son logement actuel pour des raisons de coût peut constituer une contrainte forte dans la recherche d’emploi ou l’évolution professionnelle. Elle peut aussi être un frein à une naissance ou à la formation d’un couple.
6 Tout en ayant conscience de ces multiples interactions, l’étude présentée ici, fondée sur l’enquête Logement 2013-2014 de l’Insee, se concentre plus spécifiquement sur le rôle joué par les naissances et les séparations dans les mobilités des adultes en âge d’être actifs.
7 La première partie évoquera plus en détail le lien existant entre les mobilités résidentielles et les différents événements familiaux et professionnels.
8 La deuxième partie sera consacrée à l’étude détaillée de la situation des ménages qui déclarent avoir vécu l’arrivée d’un enfant au cours des quatre années précédant l’enquête, avec l’examen de plusieurs questions : déménagent-ils plutôt à la naissance du premier enfant ou suite à l’arrivée d’un deuxième ou d’un troisième enfant ? Changent-ils de logement avant ou après la naissance ? Quelles sont les caractéristiques du nouveau logement comparé au précédent, en termes de taille, de localisation, de type ? Sont-ils devenus propriétaires ? Leur nouveau logement correspond-t-il à leurs attentes ?
9 Enfin, la dernière partie se focalisera sur les parcours résidentiels des ménages dont un des membres a connu une séparation (hors veuvage) au cours des quatre ans précédant l’enquête. Les hommes et les femmes sont-ils égaux en termes de mobilité résidentielle lorsque survient une rupture ? Qu’en est-il lorsque le couple a des enfants ? Les personnes séparées ont-elles été davantage contraintes de déménager, ont-elles vécu des situations de logement difficiles ? Dans quelle mesure la séparation implique-t-elle une dégradation des conditions de logement ?
Encadré : Données
On interroge également le répondant sur les événements familiaux ou professionnels ayant eu lieu au cours des quatre ans précédant l’enquête, qui ont pu modifier la composition du ménage ou la situation d’au moins un de ses membres vis-à-vis de l’emploi. Les questions posées ne permettent pas de connaître précisément qui, au sein du ménage, a vécu l’événement ni sa date précise. Parmi les événements professionnels sont recensés les changements d’emploi (les changements d’employeur ou, au sein de la même entreprise, les mutations dans un autre établissement), les pertes d’emploi, entrées en activité ou reprises d’activité, les interruptions ou fins d’activité. S’entendent par « événements familiaux », les mises en couple, les naissances, les séparations, les départs de grands enfants et les décès. Lors d’une séparation, trois cas peuvent se présenter :
- soit les deux membres du couple ont déménagé et forment désormais deux ménages distincts : si l’un ou l’autre des ex-conjoints est enquêté, il déclarera alors avoir changé de logement ;
- soit un seul des membres du couple a déménagé, l’autre étant resté dans le logement initial : ces ex-conjoints forment alors également deux ménages distincts. Si l’un ou l’autre est enquêté, il déclarera, selon le cas, avoir déménagé ou être resté dans le même logement ;
- soit aucun membre du couple n’a changé de logement (par exemple parce que la séparation est récente ou par manque de moyens) : dans ce cas, les ex-conjoints constituent toujours un seul ménage et, si ce ménage est enquêté, le répondant déclarera ne pas avoir déménagé.
- les ménages dont le répondant ou son conjoint était, quatre ans avant l’enquête, logé gratuitement par ses parents ou amis, ou résidait dans une collectivité ou dans une habitation mobile, sans avoir de logement indépendant. Cela représente 7 % de l’ensemble des ménages qui résidaient déjà en France métropolitaine quatre ans avant l’enquête ;
- les ménages dont la personne de référence a moins de 25 ans ou plus de 59 ans. En effet, la situation des jeunes adultes (18-24 ans) est très particulière : ils cumulent une forte mobilité professionnelle – en raison de la fin des études et de l’entrée sur le marché du travail – et une forte mobilité résidentielle, liée aux études et au départ du foyer parental. De même, les seniors (60 ans ou plus) ont des caractéristiques spécifiques, notamment en raison de leur retrait du marché du travail.
Ces restrictions de champ excluent toutefois de l’analyse certaines personnes aux statuts ou aux trajectoires plus précaires que la moyenne.
Séparations et naissances coïncident plus d’une fois sur deux avec un déménagement
Pourquoi s’intéresser aux naissances et aux séparations ?
10 Au cours des quatre ans précédant l’enquête, 30 % des ménages étudiés ont changé de logement, soit 4,6 millions. Sur cette même période, parmi les 6,0 millions de ménages qui ont connu au moins un événement familial (naissance, séparation, formation du ménage, départ d’un grand enfant, décès…), 43 % ont déménagé au minimum une fois.
11 Les séparations et les naissances sont les deux événements familiaux qui contribuent le plus aux mobilités résidentielles des adultes. D’une part, sur notre champ d’analyse, ces deux événements sont parmi les plus fréquents : 15 % des ménages ont connu une naissance au cours des quatre années précédentes, tandis que 9 % comptent une personne ayant vécu une séparation conjugale. D’autre part, naissances et séparations sont majoritairement associées à un changement de logement. Ainsi, six ménages sur dix dont l’un des membres a vécu une séparation conjugale au cours des quatre dernières années ont déménagé sur cette même période, et un ménage sur deux parmi ceux qui ont vécu l’arrivée d’un enfant (tableau 1). Un quart des personnes séparées ont même déménagé plusieurs fois sur cette période, contre 8 % de l’ensemble des ménages. C’est le cas de 14 % des parents de jeunes enfants.
Mobilité résidentielle au cours des quatre années précédant l’enquête1


Mobilité résidentielle au cours des quatre années précédant l’enquête1
Degré de significativité : *** : 1 % ; ** : 5 % ; * : 10 % ; (ns) non significatif au seuil de 10 %.1. On ne dispose pas de l’activité de la personne de référence quatre ans avant l’enquête. Dans 66 % des ménages du champ, le répondant est aussi la personne de référence.
Note : l’enquête ne fournit pas d’informations sur le revenu du ménage quatre ans avant l’enquête. Le revenu actuel n’a pas été retenu dans le modèle, car il s’agit d’une variable endogène, qui peut dépendre des événements familiaux vécus.
Lecture : pour 18 % des ménages du champ, la personne de référence a entre 25 et 34 ans. Parmi ces ménages, 45 % ont changé de logement au sein du même département au cours des quatre ans précédant l’enquête, contre 26 % des ménages dont la personne de référence a entre 35 et 44 ans (soit 19 points de plus). À autres caractéristiques équivalentes (diplôme, activité, nombre d’enfants mineurs en 2009, caractéristiques du logement, événements vécus), leur probabilité d’avoir déménagé au sein du département est supérieure de 6 points à celle des ménages dont la personne de référence a entre 35 et 44 ans.
Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui résidaient déjà en France métropolitaine quatre ans avant l’enquête, et étaient occupants en titre de leur logement.
12 La formation du ménage (mise en couple ou départ du domicile parental) [4] est l’événement familial le plus souvent associé à un changement de domicile (deux fois sur trois), mais il ne concerne ici que 5 % des ménages étudiés. En revanche, le départ d’un grand enfant est assez fréquent (12 % des ménages sont concernés), mais il ne s’accompagne pas souvent d’un déménagement : seul un ménage sur six a alors changé de logement. En effet, avec le départ d’un grand enfant, les conditions de logement des membres de la famille qui restent s’améliorent, car ils gagnent en surface et ce, généralement, sans coût supplémentaire.
13 5,8 millions de ménages comptent un membre ayant vécu au moins un événement professionnel au cours des quatre ans précédents. 38 % d’entre eux ont changé de logement sur cette période (13 % ont déménagé plusieurs fois).
14 Changer d’employeur ou être muté dans un autre établissement de la même entreprise sont les événements professionnels les plus souvent associés à une mobilité résidentielle : dans les deux cas, près d’un ménage sur deux a changé de logement (tableau 1). Toutefois, un changement d’employeur d’un membre du ménage n’intervient que dans un cas sur dix et la mutation professionnelle (3 %) reste un événement rare. La perte d’emploi est l’événement professionnel le plus fréquent (18 % de ménages concernés) et coïncide relativement souvent avec un déménagement : c’est le cas de quatre ménages concernés sur dix, soit la même proportion qu’en cas d’entrée en activité ou de reprise d’activité d’un des membres.
15 2,7 millions de ménages ont connu à la fois un événement familial et un événement professionnel [5] : la moitié d’entre eux ont déménagé, contre seulement 19 % des ménages n’ayant vécu aucun événement.
Les événements familiaux et les déménagements : des changements liés au cycle de vie
16 Globalement, les modifications de la composition du ménage sont fortement liées à l’âge. Ainsi, l’arrivée d’un enfant est plus fréquente à la trentaine qu’à la cinquantaine, tandis que le départ d’un grand enfant concerne davantage les ménages d’âges plus avancés. La séparation se place à un niveau intermédiaire : les personnes de référence qui ont connu une séparation ont en moyenne 42 ans, soit deux ans de moins que la moyenne du champ retenu ici. À l’exception du retrait d’activité qui intervient plus souvent à un âge avancé, les événements en rapport avec l’activité sont moins liés à l’âge que les changements de la composition familiale.
17 Or, l’âge, comme de nombreux autres facteurs, peut également influencer la mobilité du ménage, indépendamment des événements familiaux ou professionnels (Debrand et Taffin, 2005). Afin notamment de démêler les effets propres des événements familiaux et de l’âge sur les mobilités résidentielles, on estime ici la probabilité que le répondant ait déménagé au cours des quatre ans précédant l’enquête en fonction de quatre types de déterminants :
- les caractéristiques du ménage : âge et diplôme de la personne de référence, activité du répondant quatre ans avant l’enquête, nombre d’enfants mineurs ;
- les caractéristiques du logement occupé par le répondant quatre ans auparavant : surface par habitant, statut d’occupation du logement, type de logement et taille de l’unité urbaine de la commune de résidence ;
- les événements familiaux ayant modifié la composition du ménage au cours des quatre dernières années ;
- les événements professionnels vécus par les membres du ménage au cours des quatre dernières années.
18 L’objectif est d’identifier le rôle de chacun de ces déterminants, observables [6] dans l’enquête, sur les déménagements. La modélisation permet également d’identifier les facteurs qui favorisent une mobilité de courte distance (mobilité intra-départementale) plutôt qu’une mobilité de plus longue distance (mobilité interdépartementale). On retient ici l’hypothèse d’événements exogènes, ce qui constitue une hypothèse forte (voir encadré).
19 Ainsi, à autres caractéristiques comparables, une naissance, la séparation du couple ou la formation du ménage accroissent la probabilité de déménager (respectivement de + 11 points, + 26 points et + 18 points par rapport aux ménages n’ayant pas vécu un tel événement) (tableau 1). Parmi les événements professionnels, seuls les changements d’emploi augmentent la probabilité de déménager : + 4 points pour le changement d’employeur et + 11 points pour la mutation.
20 Les événements familiaux favorisent une mobilité de courte distance : toutes choses égales par ailleurs, la probabilité de déménager au sein du même département est augmentée respectivement de + 9 points, + 20 points et + 13 points pour les ménages ayant vécu l’arrivée d’un enfant, pour ceux dont l’un des membres a vécu une séparation, et pour ceux qui se sont formés. À l’inverse, les événements professionnels sont davantage liés aux mobilités de plus longue distance : une mutation augmente par exemple de 12 points la probabilité de déménager dans un autre département (tableau 1). Ainsi, 30 % des ménages dont l’un des membres a connu un événement professionnel et qui ont changé de logement au cours des quatre années précédant l’enquête sont allés dans un autre département (50 % en cas de mutation), contre 23 % de ceux qui ont déménagé et vécu un événement familial. Lorsqu’ils quittent leur logement, les ménages qui n’ont vécu aucun événement restent souvent à proximité : 44 % ont changé de logement dans la même commune et seuls 15 % ont quitté leur département.
21 Concernant les caractéristiques du ménage, les ménages les plus jeunes et les plus diplômés ont davantage de chances de déménager que les autres, que ce soit au sein du même département ou ailleurs. Parmi les caractéristiques du logement, le statut d’occupation a le plus fort effet sur la mobilité : comparés aux propriétaires, les locataires du secteur privé ont une probabilité de déménager accrue de 35 points, et ceux du secteur social, de 12 points. L’exiguïté du logement favorise aussi la mobilité, dans une moindre mesure seulement. Habiter l’agglomération parisienne a en revanche un effet négatif sur la probabilité de déménager. La mobilité résidentielle y tient beaucoup à la jeunesse de la population et à l’importance du parc locatif ; mais, à caractéristiques comparables des ménages et des logements, la mobilité y est plus faible qu’ailleurs (Louchart, 2011).
Encadré : Famille, logement et emploi : des changements souvent interdépendants
Pour mesurer l’interdépendance entre la survenue d’un événement et la mobilité résidentielle, on utilise un modèle probit bivarié, qui permet d’estimer simultanément la probabilité de changer de logement – équation 1 – et celle de vivre l’événement considéré – équation 2. Dans chaque équation, on intègre comme variables explicatives les mêmes caractéristiques du ménage et du logement initial que dans le précédent modèle (tableaux annexes). On teste alors la corrélation des résidus des deux équations, qui tiennent compte de l’hétérogénéité inobservée. Si le coefficient de corrélation ρ est significativement différent de zéro, les variables inobservables conditionnent à la fois le fait de déménager et de vivre l’événement considéré : les probabilités de vivre l’événement et de changer de logement sont dépendantes l’une de l’autre, et le sont d’autant plus que la valeur absolue de ρ est grande (ρ pouvant varier entre - 1 et 1).
D’après ces modèles, les événements familiaux les plus interdépendants avec la mobilité résidentielle sont, par ordre décroissant : la séparation (ρ = 0,40), la formation du ménage (ρ = 0,32) et la naissance (ρ = 0,19) (tableaux annexes). En revanche, le départ d’un grand enfant serait bien exogène (ρ n’étant pas significativement différent de zéro au seuil de 5 %). Concernant les événements professionnels, seules les probabilités de vivre une mutation (ρ = 0,18) ou de changer d’employeur (ρ = 0,12) sont corrélées à celle de changer de logement : cette interdépendance pourrait par exemple s’expliquer par une inclination pour le changement, qu’il soit résidentiel ou professionnel.
Afin d’estimer correctement nos modèles (sans biais d’endogénéité) [Lollivier, 2001], il faudrait estimer les deux équations simultanément grâce à un modèle probit bivarié récursif (c’est-à-dire que la survenue de l’événement est introduite en tant que variable explicative de l’équation « mobilité »). Ceci nécessiterait d’inclure dans l’équation « événement » une ou plusieurs « variables instrumentales » qui expliqueraient la survenue de l’événement, sans avoir d’influence sur la mobilité résidentielle. Ceci n’a pas été réalisé ici, faute d’instruments exogènes.
Plus de la moitié des ménages devenus récemment parents ont changé de logement
La naissance du premier enfant : l’occasion de devenir propriétaire
22 Parmi les 15 millions de ménages de notre champ d’analyse, 2,3 millions de ménages ont vécu l’arrivée d’un enfant au cours des quatre ans précédant l’enquête [7]. 53 % d’entre eux ont déménagé durant cette même période.
23 La mobilité est plus fréquente (63 %) lorsqu’il s’agit du premier enfant qu’à l’arrivée du deuxième (50 %, soit 13 points de plus) ou d’un enfant de rang supérieur (45 %) (tableau 2). En effet, comparés aux autres parents ayant vécu une naissance, ceux qui ont eu leur premier enfant ont des caractéristiques spécifiques, qui augmentent leurs chances de déménager : ils sont plus jeunes (63 % des personnes de référence ont moins de 35 ans, contre 41 % pour les autres parents) ; ils sont initialement moins souvent propriétaires (30 % contre 41 %) ; ils vivent moins souvent dans une maison individuelle (38 % contre 50 %). En revanche, bien que leur logement de départ soit plus petit, la surface dont ils disposent par habitant est initialement plus grande. Ces spécificités n’expliquent pas tout : à autres caractéristiques observables comparables, la probabilité de déménager pour les familles qui ont eu leur premier enfant reste supérieure de 7 points à celle des familles qui ont eu leur deuxième enfant (tableau 2).
Mobilité résidentielle des ménages ayant vécu une naissance ou une séparation(*),1,2,3


Mobilité résidentielle des ménages ayant vécu une naissance ou une séparation(*),1,2,3
(*) L’effectif de cette catégorie est faible (moins de 100 ménages), les résultats sont à prendre avec précaution.Degré de significativité : *** : 1 % ; ** : 5 % ; * : 10 % ; (ns) non significatif au seuil de 10 %.
1. On s’intéresse ici aux naissances des enfants présents dans le ménage.
2. On ne dispose pas de l’activité de la personne de référence quatre ans avant l’enquête.
3. Les femmes seules qui ont un enfant mineur résidant hors de leur domicile sont trop peu nombreuses dans l’enquête pour qu’on puisse les distinguer.
Lecture : 54 % des ménages ayant vécu une naissance vivaient dans un logement collectif quatre ans avant l’enquête. Parmi ces ménages, 66 % ont changé de logement au cours des quatre ans précédant l’enquête, contre 39 % des ménages qui résidaient dans une maison individuelle (soit 27 points de plus). À autres caractéristiques équivalentes (caractéristiques du ménage, autres caractéristiques du logement occupé quatre ans avant, changement d’emploi), leur probabilité d’avoir déménagé est supérieure de 11 points à celle des ménages qui vivaient dans une maison.
Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, ayant vécu une naissance ou dont l’un des membres a vécu une séparation au cours des quatre ans précédents, qui résidaient déjà en France métropolitaine quatre ans avant l’enquête, et étaient occupants en titre de leur logement.
24 Lorsqu’on leur demande la principale raison de leur dernier déménagement, les parents qui ont eu un enfant au cours des quatre dernières années évoquent plus souvent que l’ensemble des ménages ayant changé de logement l’envie de devenir propriétaire (29 % contre 20 %) ou encore le fait d’obtenir un logement plus grand (23 % contre 15 %) (tableau 3). Ceux qui ont eu leur premier enfant citent encore davantage que les autres l’accès à la propriété (34 %), ce qui reste vérifié à âge comparable. Atteindre une stabilité conjugale et professionnelle conditionne en effet souvent le désir d’enfant (Régnier-Loilier et Solaz, 2010) et aussi l’accession à la propriété. Dans les autres cas, quand la famille comptait déjà au moins un enfant avant la dernière naissance, les parents étaient plus souvent déjà propriétaires : la recherche de gain de surface devient donc la première raison avancée pour leur déménagement (27 % contre 17 % de ceux ayant eu leur premier enfant).
Principale raison du dernier déménagement1,2,3,4,5

Principale raison du dernier déménagement1,2,3,4,5
1. Ménages dont l’un des membres a vécu une séparation.2. On s’intéresse ici aux naissances des enfants présents dans le ménage.
3. Logement démoli, transformé pour un usage autre que l’habitation, congé donné par le propriétaire, logement provisoire.
4. Changer d’environnement, de voisinage, avoir une maison individuelle, un logement plus petit ou plus accessible, un logement de meilleure qualité, un logement moins cher.
5. Rapprochement de la famille ou des amis, raisons de santé, départ de chez les parents, autres.
Lecture : 12 % des ménages mobiles déclarent que la principale raison de leur dernier déménagement était professionnelle.
Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui ont déménagé au sein du territoire métropolitain au cours des quatre ans précédant l’enquête, et qui étaient déjà occupants en titre de leur logement quatre ans avant l’enquête.
25 Certains déménagements peuvent être forcés comme les cas des ménages dont le logement a été démoli ou transformé en un local à usage autre que celui d’habitation, ceux dont le propriétaire les a congédiés, et ceux qui n’étaient logés que provisoirement. Les mobilités concomitantes à l’arrivée d’un enfant entrent moins souvent dans cette catégorie que l’ensemble des déménagements (5 % contre 9 %). Parmi les parents de très jeunes enfants, les familles aujourd’hui nombreuses (3 enfants ou plus) ont été un peu plus souvent forcées de déménager que les autres (9 % contre 4 %).
26 Parmi les ménages ayant changé de résidence, les familles qui se sont agrandies ont plus souvent que les autres amélioré leurs conditions de logement : notamment, 35 % d’entre elles sont passées d’un statut de locataire à celui de propriétaire (contre 24 % en moyenne) et 33 % sont passées d’un logement collectif à une maison individuelle (contre 21 %) (tableau 4). 52 % ont ainsi connu une mobilité « ascendante », soit en termes de statut d’occupation, soit en termes de type de logement, contre 36 % en moyenne. Fin 2013, près d’un ménage mobile sur deux ayant vécu une naissance est propriétaire de son logement, contre un sur six avant l’arrivée de l’enfant, quatre ans auparavant. Près de deux sur trois vivent maintenant dans une maison individuelle, contre un sur trois quatre ans plus tôt.
Caractéristiques du nouveau logement, comparées à celles du logement occupé quatre ans auparavant1,2,3

Caractéristiques du nouveau logement, comparées à celles du logement occupé quatre ans auparavant1,2,3
1. On s’intéresse ici aux naissances des enfants présents dans le ménage.2. Ménages dont l’un des membres a vécu une séparation.
3. Une mobilité est ici dite descendante si le ménage est désormais locataire alors qu’il était auparavant propriétaire, ou s’il réside dans un logement collectif alors qu’il vivait auparavant dans une maison individuelle. Une mobilité est dite ascendante si le ménage est désormais propriétaire alors qu’il était auparavant locataire, ou s’il réside dans une maison individuelle alors qu’il vivait auparavant dans un logement collectif. Avec ces définitions, une mobilité peut éventuellement être à la fois descendante et ascendante : c’est par exemple le cas pour un ménage qui louait une maison individuelle quatre ans avant l’enquête et qui est aujourd’hui devenu propriétaire d’un logement collectif.
Lecture : 24 % des ménages qui ont déménagé au cours des quatre ans précédant l’enquête étaient locataires et sont devenus propriétaires et 12 % sont restés propriétaires. Ainsi, 36 % sont propriétaires fin 2013, contre 21 % quatre ans avant. C’est le cas de 46 % des ménages qui ont déménagé et qui ont vécu une naissance entre ces deux dates.
Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui ont déménagé au sein du territoire métropolitain au cours des quatre ans précédant l’enquête, et qui étaient déjà occupants en titre de leur logement quatre ans avant l’enquête.
27 Les parents d’un premier enfant ont encore plus fréquemment amélioré leurs conditions de logement : pour eux, 58 % des mobilités sont ascendantes ; 41 % de ces familles sont devenues propriétaires et 38 % sont passées d’un appartement à une maison.
28 Le nombre d’enfants joue en revanche assez peu sur le gain de pièces : en moyenne environ sept familles ayant récemment accueilli un nouvel enfant sur dix ont gagné au moins une pièce en déménageant. Les familles qui sont devenues propriétaires gagnent davantage de pièces en changeant de logement que celles restées locataires. Notamment, parmi les familles qui ont eu leur premier enfant, la moitié de celles devenues propriétaires ont gagné au moins deux pièces, contre un quart de celles restées locataires. Les familles se placent probablement davantage dans une perspective de long terme lors d’un achat, anticipant quand cela leur est possible l’agrandissement à venir de la famille et leurs futurs besoins. Elles se constituent un patrimoine immobilier, durable et transmissible (Bonvalet, 1993).
29 Concernant le lieu d’implantation, trois familles qui ont eu un enfant et ont déménagé sur dix sont restées dans la même commune, et même quatre sur dix lorsque la famille comptait déjà un ou plusieurs enfants. Dans ce dernier cas, les familles ont pu choisir de rester dans la même commune pour conserver leur cadre de vie, notamment le même mode d’accueil ou le même établissement scolaire pour les enfants. Lors du choix de leur logement, les familles qui ont des enfants en bas âge accordent en effet plus de poids que les autres à la proximité des écoles et des lieux d’accueil des enfants (Union départementale des associations familiales (UDAF) de Haute-Garonne, 2010). Des stratégies scolaires se combinent parfois avec les stratégies résidentielles (Authier, Bonvalet et Lévy, 2010).
30 Comme l’ensemble des ménages mobiles, six familles récemment agrandies sur dix résident désormais dans un grand pôle urbain (plus de 10 000 emplois) – dans le centre-ville ou en banlieue – et une sur quatre dans l’espace périurbain [8]. Mais lors de leur dernier déménagement, les familles qui ont eu un enfant ont davantage que la moyenne migré d’un grand pôle urbain (plus précisément des villes-centres) vers l’espace périurbain : + 8 points (et + 10 points pour celles qui ont eu un premier enfant), contre + 5 points en moyenne (figure 1). En réalité, cette migration vers l’espace périurbain est plutôt le fait des familles nouvellement propriétaires : + 16 points, contre + 4 points pour celles qui sont restées locataires. On peut supposer que pour acheter leur logement, ces familles se sont éloignées des pôles, où les prix sont généralement plus élevés (Buisson et Lincot, 2016).
Localisation de la commune de résidence1

Localisation de la commune de résidence1
1. On s’intéresse ici aux naissances des enfants présents dans le ménage.Lecture : quatre ans avant l’enquête, 35 % des ménages mobiles résidaient dans une ville-centre d’un grand pôle, contre 29 % au moment de l’enquête.
Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui ont déménagé au sein du territoire métropolitain au cours des quatre ans précédant l’enquête, et qui étaient déjà occupants en titre de leur logement quatre ans avant l’enquête.
31 Parmi les familles qui se sont agrandies, 30 % de celles qui ont déménagé se déclarent très satisfaites de leurs conditions de logement, contre 25 % de celles qui sont restées dans le même logement. Par ailleurs, les premières envisagent moins souvent de changer à nouveau de logement que celles qui n’ont pas déménagé (38 % contre 47 %). Qu’elles aient ou non déménagé au cours des quatre ans précédents, 23 % des familles récemment agrandies qui souhaitent changer de logement ont déposé ou renouvelé une demande d’habitation à loyer modéré (HLM) au cours des douze derniers mois. Pour environ un quart d’entre elles, la demande date de moins de six mois, tandis que dans un cas sur cinq, elle date de plus de trois ans. Les familles nombreuses ont plus fréquemment fait une demande (30 %), et celle-ci est souvent plus ancienne (30 % ont déposé leur demande au moins trois ans plus tôt).
Déménager avant ou après la naissance ?
32 Naissance et déménagement sont des décisions interdépendantes (encadré), même si ces deux événements ne sont pas pour autant toujours concomitants. On souhaite ici étudier la séquence entre le changement de logement et l’arrivée de l’enfant – c’est-à-dire savoir si le déménagement précède ou suit la naissance. Pour étudier cette question, dans l’idéal, il faudrait disposer d’un panel permettant de suivre la situation familiale et résidentielle du ménage à différentes dates. L’information recueillie par l’enquête Logement sur ces questions est rétrospective et partielle. L’observation des déménagements liés aux naissances les plus récentes est tronquée. En effet, par construction, plus la naissance de l’enfant est récente, plus les chances d’observer un déménagement après sa naissance sont limitées par la date d’enquête (figure 2). Par ailleurs, l’enquête ne fournit pas les dates d’emménagement dans les précédents logements, il n’est donc pas possible de reconstruire complètement le parcours résidentiel de ces familles. À titre d’illustration, l’étude va donc s’intéresser ici, toujours à partir de l’enquête Logement de fin 2013, à des naissances un peu plus anciennes. Au sein des familles dont l’aîné est né entre 2005 et 2009, un quart a déménagé entre 0 et 2 ans avant sa naissance et un tiers a déménagé entre 1 et 3 ans après sa naissance [9].
Année d’installation dans le logement actuel et année de naissance de l’aîné1

Année d’installation dans le logement actuel et année de naissance de l’aîné1
1. Il s’agit de la différence entre l’année de naissance de l’aîné et l’année d’installation dans le logement actuel. Par exemple deux ans avant pour une famille s’étant installée dans son logement en 2007 et dont l’aîné est né en 2009. Mécaniquement, plus la naissance de l’aîné est récente (proche de la date de l’enquête, qui a eu lieu entre juin 2013 et juin 2014), moins on a de chances d’observer un déménagement après la naissance.Lecture : 40 % des familles dont l’aîné est né en 2013 se sont installées dans leur logement actuel plus de deux ans avant l’année de naissance de l’aîné (soit en 2010 ou avant).
Champ : France métropolitaine, familles dont le benjamin est né entre 2005 et 2013.
33 Les jeunes ménages (dont la personne de référence a moins de 35 ans) sont surreprésentés parmi les déménagements postérieurs à la naissance : ils représentent la moitié des familles qui ont emménagé dans leur logement actuel au cours des trois ans suivant la naissance de l’aîné, contre 39 % des familles installées dans les trois ans précédant la naissance (tableau 5). C’est également le cas des ménages modestes – premier quartile de revenu – (29 % contre 19 %) ou peu diplômés. Les familles monoparentales sont aussi davantage représentées parmi les déménagements postérieurs à la naissance (15 % contre 9 %) – en lien avec la survenue d’une séparation après la naissance –, ainsi que les familles nombreuses dans une moindre mesure. À l’inverse, les ménages qui habitent une commune rurale sont plus nombreux parmi les parents ayant emménagé avant la naissance que parmi ceux ayant emménagé après (29 % contre 20 %), ainsi que les propriétaires (73 % contre 52 %), les résidents d’une maison individuelle (66 % contre 56 %) ou encore les occupants d’un logement de plus de 90 m2 (53 % contre 46 %). Les couples socialement favorisés, notamment ceux dont la femme travaille, semblent davantage procéder par anticipation (Kersuzan, 2009).
Répartition des familles dont l’aîné est né entre 2005 et 2009, qui se sont installées dans leur logement actuel…1,2

Répartition des familles dont l’aîné est né entre 2005 et 2009, qui se sont installées dans leur logement actuel…1,2
1. Il s’agit de la différence entre l’année de naissance de l’aîné et l’année d’installation dans le logement actuel. Par exemple deux ans avant pour une famille s’étant installée dans son logement en 2007 et dont l’aîné est né en 2009.2. Cette variable est provisoire (elle est calée sur les revenus fiscaux 2012). Les quartiles de revenu ont été calculés sur le champ des familles dont l’aîné est né entre 2005 et 2009 (comprises), ayant emménagé dans leur logement actuel au cours des cinq ans entourant la naissance de l’enfant.
Lecture : Parmi les familles dont l’aîné est né entre 2005 et 2009, qui ont emménagé dans leur logement actuel au cours de l’année de naissance de l’enfant ou des deux ans précédants, 66 % résident dans une maison individuelle.
Champ : France métropolitaine, familles dont l’aîné est né entre 2005 et 2009 (comprises), ayant emménagé dans leur logement actuel au cours des cinq ans entourant la naissance de l’enfant.
Pour les personnes qui ont connu une séparation, quatre déménagements sur dix s’accompagnent d’une dégradation des conditions de logement
Les femmes seules sont les plus mobiles
34 Environ 1,4 million de ménages comptent un membre qui a vécu une séparation au cours des quatre ans précédant l’enquête [10]. 46 % de ces ménages sont désormais des familles monoparentales (c’est-à-dire un parent vivant seul avec ses enfants, sans conjoint cohabitant) ; 43 % sont des personnes qui vivent seules, sans conjoint ni enfant dans leur logement ; enfin, 11 % se sont remises en couple – avec ou sans enfant – ou vivent avec d’autres personnes sans lien familial (tableau 2). Huit fois sur dix, les parents de famille monoparentale sont des mères (Buisson, Costemalle et Daguet, 2015), tandis que six fois sur dix, les personnes qui vivent seules sont des hommes. Si les femmes qui habitent seules ont rarement un enfant mineur vivant dans un autre logement, c’est le cas de quatre hommes seuls sur dix. On peut supposer que ces enfants vivent chez leur autre parent et, ainsi, que ces hommes sont des pères n’ayant pas la garde principale de leur enfant.
35 Pour 60 % des personnes séparées, la rupture s’est accompagnée d’un déménagement au cours de la même période. Les femmes déménagent en moyenne davantage que les hommes, notamment lorsqu’elles n’ont pas d’enfant : ainsi, 69 % des femmes sans enfant et vivant désormais seules ont changé de logement au moins une fois, contre 55 % des hommes sans enfant, vivant seuls (tableau 2). Être père n’a pas d’impact sur la mobilité des hommes : en effet, les pères séparés déménagent quasiment autant que les hommes seuls sans enfant, que l’enfant réside chez eux ou ailleurs (respectivement 52 % et 54 % ont déménagé). En revanche, parmi les femmes, les mères de famille monoparentale ont moins souvent changé de logement que les femmes sans enfant (60 % contre 69 %). Une fois les autres caractéristiques prises en compte, la probabilité de déménager des femmes seules est supérieure à celle des hommes seuls et sans enfant (+ 15 points), tandis qu’au sein des familles monoparentales, celle des mères n’est pas significativement différente de celle des pères (tableau 2). La plus grande mobilité des femmes pourrait, pour certaines d’entre elles, être liée à leur statut d’occupation lorsqu’elles vivaient encore en couple [11] : les femmes actuellement en couple sont en effet un peu moins souvent propriétaires ou locataires en titre de leur logement que les hommes. Pour 17 % des couples qui n’ont pas d’enfant notamment, seul l’homme figure sur le bail ou l’acte de propriété, contre 12 % où la femme est la seule occupante en titre du logement (tableau 6). Ces différences s’observent également au sein des couples ayant eu des enfants, mais elles sont un peu moins marquées.
Statut d’occupation individuel au sein des couples en 2013

Statut d’occupation individuel au sein des couples en 2013
Lecture : dans 81 % des couples, l’homme et la femme ont le même statut d’occupation (ils figurent tous deux sur l’acte de propriété ou le bail du logement) ; dans 10 % des couples, seul l’homme est propriétaire ou locataire en titre ; dans 6 % des ménages, seule la femme l’est ; enfin, 3 % des couples sans enfant sont logés gratuitement.Champ : France métropolitaine, couples hétérosexuels dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans.
36 À autres caractéristiques comparables (tableau 2), le fait que l’union qui a été rompue ait été plus ou moins institutionnalisée n’apparaît pas déterminant, puisque le statut matrimonial après la séparation (divorcé, célibataire ou encore marié) ne joue pas significativement sur la probabilité de changer de logement.
37 Certaines caractéristiques du logement occupé avant la séparation augmentent également la probabilité de déménager. Ainsi, être locataire du secteur privé accroît cette probabilité de 29 points par rapport à être accédant à la propriété et, contrairement à ce que l’on observait sur l’ensemble des ménages mobiles au cours des quatre dernières années, résider dans une maison individuelle augmente de 12 points la probabilité de déménager par rapport à résider dans un logement collectif (tableau 2). En effet, habiter une maison et être propriétaire sont deux phénomènes très liés, et « lorsqu’il y a séparation des conjoints, l’entretien financier et domestique et les remboursements d’emprunt d’une maison restent une charge trop lourde pour un parent. Les difficultés de l’après-séparation, en particulier le partage des biens, le versement de pensions alimentaires… conduisent souvent les conjoints à se séparer de leur logement » (Pirus, 2005).
38 À l’inverse, d’autres caractéristiques qui habituellement augmentent les chances de déménager, comme le diplôme ou la surface du logement par habitant, n’ont pas d’impact significatif sur la mobilité quand on s’intéresse aux ménages dont l’un des membres a vécu une séparation. Pour 43 % des personnes qui se sont séparées et ont déménagé au cours des quatre dernières années, la séparation est en effet le principal motif de leur dernier changement de logement (tableau 3). Comparées à l’ensemble des ménages ayant changé de résidence, elles citent moins souvent des raisons liées au logement (32 % contre 56 %) ou des raisons professionnelles (7 % contre 12 %).
Avoir vécu un épisode sans logement personnel est plus fréquent pour ceux qui ont vécu récemment une séparation
39 Les répondants séparés déclarent un peu plus souvent avoir connu un déménagement imposé [12] de leur dernier logement (11 % contre 9 %), notamment parce qu’ils n’étaient logés que provisoirement (8 % contre 6 %). Parmi eux, les jeunes (moins de 35 ans) sont les plus concernés par ces mobilités forcées (14 %), ainsi que les personnes qui vivent seules sans enfant (13 %), notamment les femmes (15 %).
40 Ces situations peuvent engendrer des périodes sans logement personnel, c’est-à-dire une absence durable et non choisie de lieu de vie, par exemple un hébergement chez des proches, dans un hôtel, une habitation mobile, un centre d’hébergement. Sur notre champ d’étude, 14 % des personnes de référence ont déjà vécu une telle situation par le passé [13] (tableau 7). Pour 24 % d’entre elles, cette période sans logement personnel a duré moins de trois mois, tandis que pour 41 % elle a duré entre trois mois et un an, et pour 35 % elle a duré plus d’un an.
Part des ménages dont la personne de référence a déjà connu une période sans logement personnel1,2,3

Part des ménages dont la personne de référence a déjà connu une période sans logement personnel1,2,3
1. Il s’agit d’une absence durable et non choisie de lieu de vie, par exemple hébergement chez des proches, dans un hôtel, une habitation mobile, un centre d’hébergement, etc.2. Cette variable est provisoire (elle est calée sur les revenus fiscaux 2012). Les quartiles de revenu ont été calculés sur le champ des ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui quatre ans avant l’enquête résidaient en France métropolitaine et étaient occupants en titre de leur logement.
3. Au sein des familles constituées d’un couple et de son ou ses enfants, les familles traditionnelles sont celles où tous les enfants sont des enfants du couple. Si l’un des enfants est né d’une union précédente de l’un des conjoints, c’est une famille recomposée.
Lecture : pour 27 % des ménages dont la composition a été modifiée par une séparation au cours des quatre ans précédant l’enquête, la personne de référence a déjà connu une situation de logement difficile.
Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui quatre ans avant l’enquête résidaient en France métropolitaine et étaient occupants en titre de leur logement.
41 Les séparations sont liées à un risque plus grand de vivre un temps sans logement personnel : 27 % des personnes qui ont vécu une rupture conjugale au cours des quatre années précédant l’enquête ont déjà été dans ce cas. Plus globalement, sans se restreindre aux séparations récentes, 23 % des familles monoparentales ont déjà vécu une telle situation et 25 % des personnes vivant seules, mais dont le ou les enfants mineurs résident chez l’autre parent. Les plus jeunes (moins de 35 ans), les plus modestes (premier quartile de revenu) ou encore les répondants ayant perdu leur emploi au cours des quatre années précédentes sont également davantage touchés que les autres.
Après une séparation, quatre mobilités sur dix sont « descendantes »
42 Quatre personnes séparées sur dix qui ont déménagé ont vécu une mobilité « descendante » en termes de statut d’occupation ou de type de logement, contre 17 % de l’ensemble des ménages mobiles. Elles ont ainsi plus souvent perdu leur statut de propriétaire – 23 % contre 9 % en moyenne – et sont plus souvent passées d’une maison individuelle à un appartement – 29 % contre 11 % – (tableau 4). Fin 2013, 18 % d’entre elles sont propriétaires, contre 33 % quatre ans plus tôt (avant la séparation). 34 % résident dans une maison individuelle, contre 54 % fin 2009. Après une séparation, les besoins en logement peuvent changer : la composition du ménage n’est plus la même, et, en moyenne, une rupture d’union fait baisser le niveau de vie (Bonnet, Garbinti et Solaz, 2015 ; Jauneau et Raynaud, 2009), ce qui affecte les conditions d’accès au logement.
43 Avant leur séparation, bien qu’ils aient en moyenne le même âge, les parents de famille monoparentale étaient plus souvent propriétaires que les personnes qui vivent actuellement seules sans conjoint ni enfant [14] (37 % contre 29 %), et ils résidaient plus souvent dans une maison individuelle (64 % contre 47 %). Ils ont donc été un peu plus touchés par une mobilité descendante que les personnes seules (44 % contre 39 %), perdant notamment plus fréquemment leur statut de propriétaire (27 % contre 20 %). Ainsi, fin 2013, parmi les personnes séparées qui ont déménagé, les parents de famille monoparentale ne sont proportionnellement pas plus nombreux que les personnes seules à être propriétaires ; en revanche, ils sont plus fréquemment locataires du secteur social (34 % contre 20 %) et restent plus nombreux à vivre dans une maison (42 % contre 24 %).
44 Le cas des hommes séparés qui vivent aujourd’hui seuls et qui ont un enfant mineur résidant principalement ailleurs (chez la mère) est un peu particulier. Avec la séparation, leur situation de statut d’occupation et de type de logement se rapproche davantage de celle des personnes seules séparées sans enfant. Ils avaient auparavant une situation de logement assez similaire à celle des parents désormais à la tête d’une famille monoparentale : comme eux, ils étaient alors plus souvent propriétaires de leur logement que les personnes séparées sans enfant et ils résidaient un peu plus fréquemment dans une maison. Mais la séparation les a plus souvent conduits vers un logement collectif.
45 Concernant la taille du logement, logiquement, la moitié des ménages séparés qui ont déménagé ont désormais moins de pièces qu’auparavant, contre un quart de l’ensemble des ménages mobiles au cours des quatre dernières années. Les personnes seules ont encore plus fréquemment perdu une pièce (59 %) que les parents seuls, notamment celles qui n’ont pas d’enfant mineur (66 %). Les déménagements après une rupture entraînent donc une réduction de la taille du logement pour les enfants, quel que soit le mode de résidence de ces derniers (Bonnet, Garbinti et Solaz, 2015). Lorsque les personnes séparées sont passées d’une maison à un logement individuel ou qu’elles ont perdu leur statut de propriétaire, elles perdent huit fois sur dix également en nombre de pièces.
46 Les familles monoparentales qui ont déménagé restent plus souvent dans la même commune après une séparation que les personnes seules séparées (38 % contre 26 %), et elles quittent moins souvent leur département (19 % contre 26 %). Elles peuvent faire le choix de demeurer dans la même commune afin que leur(s) enfant(s) garde(nt) le même cadre de vie. Les hommes seuls qui ont un enfant mineur résidant ailleurs ne restent en revanche pas plus souvent dans la même commune que les autres personnes seules.
47 Les personnes séparées se sont plutôt déplacées de l’espace périurbain vers les grands pôles urbains (de 10 000 emplois ou plus), contrairement à l’ensemble des ménages mobiles au cours des quatre dernières années : 66 % d’entre elles résident désormais dans une commune appartenant à un grand pôle, soit 5 points de plus qu’avant leur dernier déménagement, contre 5 points de moins en moyenne pour l’ensemble des ménages ayant changé de logement (figure 1). Ces mobilités des personnes séparées vers les villes a également été observée aux Pays-Bas, avec une probabilité plus forte d’y rester par la suite (Feijten et Van Ham, 2007).
48 Au final, parmi les ménages dont l’un des membres a vécu une séparation au cours des quatre dernières années, 47 % de ceux qui ont déménagé sur cette période envisagent à nouveau de changer de logement, et 42 % de ceux qui n’ont pas déménagé également. 19 % de ceux qui souhaitent déménager ont déposé ou renouvelé une demande d’HLM au cours des douze derniers mois, mais les familles monoparentales ont plus fréquemment fait une demande que les personnes seules (26 % contre 14 %).
Conclusion
49 L’arrivée de l’enfant va souvent de pair avec un changement de logement : plus de la moitié des ménages a alors déménagé. Ces mobilités ont très souvent permis une amélioration des conditions de logement : la moitié des familles ayant déménagé sont soit devenues propriétaires alors qu’elles étaient locataires quatre ans plus tôt, soit passées d’un logement collectif à une maison individuelle. La plupart du temps, elles ont gagné au moins une pièce supplémentaire. Les familles qui comptaient déjà un ou plusieurs enfants avant la naissance du benjamin sont plus souvent que les autres restées dans la même commune, sans doute pour conserver le cadre de vie des aînés (même école par exemple). Comparés aux autres ménages mobiles au cours des quatre dernières années, ceux qui ont connu l’arrivée d’un enfant se sont un peu plus souvent déplacés d’un grand pôle urbain vers la périphérie, notamment ceux qui sont devenus propriétaires.
50 Les deux tiers des ménages qui comptent une personne ayant connu une séparation ont changé de logement. À la différence des mobilités liées à l’arrivée d’un enfant, ces déménagements sont souvent associés à une dégradation des conditions de logement : quatre fois sur dix, les personnes séparées ayant déménagé ont soit perdu leur statut de propriétaire, soit perdu le bénéfice de résider dans une maison individuelle. Dans la moitié des cas, elles ont perdu au moins une pièce à la suite de ce déménagement.
51 Plusieurs questions mériteraient d’être analysées en complément de l’étude présentée ici.
52 Tout d’abord, si les parents des jeunes enfants ont souvent amélioré leurs conditions de logement à l’occasion d’un déménagement en lien avec l’arrivée d’un enfant, cela ne s’est pas fait sans un coût pour la famille. L’estimation des dépenses de logement est un des postes importants du « coût » de l’enfant, et elle intervient par la suite de façon décisive dans l’estimation des échelles des équivalences qui sert à comparer le niveau de vie des différentes configurations familiales (Hotte et Martin, 2015 ; Eudeline et al., 2011). Pour certains ménages, le logement peut-il constituer un frein ou une cause de retard des naissances ? L’étude des caractéristiques des familles qui ont eu un enfant sans déménager pourrait permettre de répondre à cette question.
53 De même, la rupture conjugale n’est pas toujours synonyme de séparation résidentielle : quand cette dernière n’est pas possible, pour de multiples raisons, certains ex-conjoints continuent de vivre ensemble après la rupture pendant une période plus ou moins longue (Martin et al., 2011). Cette étape living together apart (« vivre ensemble séparés ») peut altérer leurs chances de reformer une nouvelle union.
54 De façon plus générale, la dégradation des conditions de logements qui a été constatée à la suite d’une rupture conjugale persiste-t-elle longtemps ? Qu’en est-il lorsque les personnes séparées se remettent en couple (Festy, 1990) ? Vivre des unions successives est en effet de plus en plus fréquent, en France comme en Europe (Andersson, 2003 ; Prioux, 2006). L’étude présentée ici ne permet pas de répondre à cette question.
55 La question du coût du logement se pose d’ailleurs aussi en d’autres termes dans le cas d’une séparation. Le coût du logement dû à la présence d’enfants est alors lié aux modalités de l’organisation de la résidence des enfants entre les parents séparés (Domingo, 2013). En cas de résidence exclusive chez l’un des parents, et même si les prestations sociales ou le versement d’une pension alimentaire peuvent venir en compenser une partie, le surcoût de logement est important. Cela se reflète dans les difficultés plus fréquentes des familles monoparentales à payer les coûts liés au logement (Villaume, 2016). Le parent « non-gardien », lui, doit faire face au coût d’un logement plus grand pour accueillir l’enfant de temps en temps. Il peut aussi se voir empêché de recevoir ses enfants s’il n’a pas les moyens de disposer d’un logement assez grand. Enfin, dans le cas d’une résidence alternée des enfants, cas de plus en plus fréquent à la suite d’une rupture conjugale (Bonnet, Garbinti et Solaz, 2015), les deux ex-conjoints doivent supporter théoriquement ce surcoût qu’ils mutualisaient lorsqu’ils étaient en couple. Le coût du logement comprend alors aussi le coût du transport entre les deux logements qui peuvent être éloignés. Ces questions sont cruciales, dans la mesure où de bonnes conditions de logement favorisent l’exercice de la coparentalité. Dans cette optique, un renfort des aides publiques à destination des parents les plus fragilisés par une séparation pourrait être envisagé (Haut Conseil de la famille, 2014).
56 Enfin, dans quelle mesure les parents séparés restent-ils à proximité l’un de l’autre, pour faciliter leur quotidien et celui des enfants ? Plus largement, à l’occasion d’une rupture conjugale, se rapprochent-ils de leur entourage familial : parents, fratrie, amis et proches au sens large (Bonvalet et Lelièvre, 2012) ? La proximité d’un tel réseau, fréquente en Europe du Sud (Pfirsch, 2011), permet de bénéficier de relations d’entraide et peut suppléer en partie l’absence d’un conjoint au quotidien. Les parents de famille monoparentale ont ainsi plus souvent recours aux grands-parents pour l’accueil de leurs jeunes enfants (Boyer et Villaume, 2016) ; pour certains parents seuls, la séparation peut se traduire par un retour au foyer parental ou une cohabitation avec d’autres adultes (Acs, Lhommeau et Raynaud, 2015).
Tbleaux annexes : Modèles probits bivariés
Mobilités résidentielles et événements familiaux


Mobilités résidentielles et événements familiaux
Degré de significativité : *** : 1 % ; ** : 5 % ; * : 10 % ; (ns) non significatif au seuil de 10 %.Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui résidaient déjà en France métropolitaine quatre ans avant l’enquête, et étaient occupants en titre de leur logement.
Mobilités résidentielles et événements professionnels


Mobilités résidentielles et événements professionnels
Degré de significativité : *** : 1 % ; ** : 5 % ; * : 10 % ; (ns) non significatif au seuil de 10 %.Champ : ménages dont la personne de référence a entre 25 et 59 ans, qui résidaient déjà en France métropolitaine quatre ans avant l’enquête, et étaient occupants en titre de leur logement.
Notes
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[1]
Le statut d’occupation définit la situation juridique du ménage concernant l’occupation de sa résidence principale. On distingue les accédants à la propriété (propriétaires de leur résidence principale, avec un ou plusieurs prêts concernant cet achat en cours de remboursement), les propriétaires non accédants (sans charges de remboursement), les locataires d’un logement vide (en distinguant ceux relevant du secteur social de ceux relevant du secteur libre) et les autres statuts d’occupation, regroupés dans une même catégorie (locataires d’un logement meublé, logés à titre gratuit…).
-
[2]
Le répondant est l’un des occupants en titre du logement (c’est-à-dire figurant sur le bail ou sur l’acte de propriété). Deux fois sur trois, le répondant est la personne de référence du ménage (voir note 3) et une fois sur trois il s’agit de son conjoint.
-
[3]
Il s’agit du principal apporteur de ressources ou à défaut de l’actif le plus âgé du ménage.
-
[4]
L’enquête ne permet pas de distinguer les mises en couple et les départs du domicile des parents. Or il est probable que les mises en couple impliquent moins souvent un déménagement : par exemple si le répondant se met en couple et que son conjoint s’installe chez lui, il déclarera ne pas avoir déménagé.
-
[5]
Par ailleurs, seulement 5 % des ménages ont connu deux types d’événements familiaux au cours des quatre dernières années et moins de 10 % deux types d’événements professionnels.
-
[6]
D’autres types de déterminants de la mobilité résidentielle n’ont pas pu être retenus ici, notamment des éléments conjoncturels (par exemple le prix du logement, le taux de chômage ou encore le volume de la construction neuve…).
-
[7]
Soit environ 2 400 ménages dans l’échantillon.
-
[8]
Une aire urbaine ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine), dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.
L’espace périurbain est constitué des communes des couronnes périurbaines et des communes multipolarisées des grandes aires urbaines (communes dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans plusieurs aires urbaines, sans atteindre ce seuil de 40% avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant).
Au sein du pôle urbain, si une commune représente plus de 50 % de la population de l’agglomération, elle est seule ville-centre. Sinon, toutes les communes qui ont une population supérieure à 50 % de celle de la commune la plus peuplée, ainsi que cette dernière, sont villes-centres. Les communes urbaines qui ne sont pas villes-centres constituent la banlieue. -
[9]
Il s’agit de la différence entre l’année de naissance de l’aîné et l’année d’installation dans le logement actuel. Par exemple deux ans avant pour une famille s’étant installée dans son logement en 2007 et dont l’aîné est né en 2009.
-
[10]
Soit environ 1 300 ménages dans l’échantillon.
-
[11]
L’enquête Logement 2013 récolte pour la première fois des informations sur le statut d’occupation individuel.
-
[12]
Logement démoli, transformé pour un usage autre que l’habitation, congé donné par le propriétaire, logement provisoire.
-
[13]
Lorsque le ménage a changé de logement au cours des quatre années précédant l’enquête, la personne de référence a plus fréquemment connu une période sans logement personnel au cours de sa vie (il y a peut-être aussi ici un effet « mémoire », puisque les changements sont moins récents pour les autres ménages). Dans plus de quatre ménages sur dix contraints de déménager lors de leur dernier changement de logement, la personne de référence a vécu au moins une période sans logement personnel.
-
[14]
Ces dernières peuvent toutefois avoir des enfants qui vivent ailleurs. C’est le cas de 22 % d’entre elles.