1 Propos recueillis par Marianne Berthod et Lucie Gonzalez le 20 mai 2016.
2 RFAS : Pourriez-vous tout d’abord nous présenter rapidement la FNARS et ses activités ?
3 FNARS : La FNARS est la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale [3]. Elle rassemble 850 structures de lutte contre l’exclusion. 95 % des structures adhérentes sont des associations, mais on compte aussi des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS/CIAS) et des organismes publics.
4 La FNARS a deux champs d’activité principaux : d’une part l’hébergement et le logement, l’accompagnement, la veille sociale auprès de personnes sans-abri, mal logées ou en grande difficulté au sens large ; d’autre part l’insertion par l’activité économique (en particulier les ateliers et chantiers d’insertion).
5 La gouvernance de la FNARS est particulière : à côté du – classique – conseil d’administration, un conseil des régions regroupe 22 associations régionales – bientôt 13 à la suite de la réforme territoriale.
6 La FNARS a donc un pied dans la cogestion des politiques de lutte contre l’exclusion avec l’État et les collectivités locales ; mais, jouissant de l’autonomie liée à son statut associatif, elle ne manque pas de s’exprimer auprès de ces interlocuteurs en plaidant, en les interpellant pour les causes ou les réformes qui lui paraissent nécessaires. Enfin, la FNARS propose à l’attention de tous une analyse de l’ensemble des sujets qui concernent les personnes accompagnées par son réseau, et notamment : la jeunesse, les publics placés sous main de justice, les minima sociaux [4], le logement accompagné [5], le dispositif national d’accueil des migrants [6], la santé, l’intervention sociale, la participation des personnes aux politiques publiques qui les concernent…
7 RFAS : Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du logement, dans le contexte de crises économique et migratoire ?
8 FNARS : Depuis une dizaine d’années notre doctrine est : « le logement d’abord ». Il ne faut pas scinder les politiques entre logement d’un côté et hébergement de l’autre : l’hébergement n’est pas un objectif en soi ; il n’a de sens que dans la perspective de l’accès au logement. Il faut cesser de concevoir les parcours comme « un escalier à gravir », imposant en particulier le passage par l’hébergement pour accéder au logement.
9 L’expérimentation « Un chez-soi d’abord », pilotée par la DIHAL [7] et qui porte sur environ 400 logements en France – et, avant cela, le programme Housing First Europe – ont démontré que peuvent accéder directement à un logement autonome même de grands exclus qui paraissaient très éloignés du logement, comme des personnes qui présentent des troubles sévères de la santé mentale ou des addictions, dès lors qu’elles bénéficient d’un accompagnement pluridisciplinaire (juridique, social, sanitaire…). Dans 80 % des cas, les personnes se maintiennent dans le logement, tandis que leur bien-être et leur situation sociale évoluent positivement.
10 De tels résultats auraient dû conduire à une révision plus structurelle des politiques d’hébergement et d’accès au logement, reposant sur la conjonction d’un accès rapide à un habitat pérenne et d’un accompagnement adapté.
11 En ce qui concerne la demande d’hébergement, la situation actuelle est très problématique : d’après une enquête menée par l’observatoire national du 115 (qui est géré par la FNARS dans 45 départements), entre novembre et mars, en moyenne, une personne sur deux qui appelle le 115 n’obtient pas d’hébergement. Une synthèse de l’hiver 2015-2016 est disponible depuis peu sur le site de la FNARS.
12 Le public traditionnel de la rue était l’homme seul, plutôt vieillissant. Depuis quelques années, on observe une augmentation de nouveaux publics appelant le 115.
13 40 % des appels proviennent désormais de familles avec enfants ; la part des femmes vivant dans la rue progresse : 11 % des appels, avec une progression de + 13 % entre les hivers 2014-2015 et 2015-2016. Alors que c’est un public particulièrement vulnérable, le taux de réponse du 115 n’est pas meilleur pour ces femmes. Nous avons alerté le gouvernement sur ce point, en demandant l’ouverture de places protégées avec des mesures d’accompagnement particulières.
14 En outre, 40 % des appels proviennent de personnes d’origine extracommunautaire : le public migrant est relativement important parmi les demandeurs d’hébergement, du fait notamment du manque de places en centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA).
15 Or le parc d’hébergement reste très largement conçu pour le public traditionnel de la rue. Par exemple, on propose souvent l’hôtel, avec des conditions de vie désastreuses pour des familles avec des enfants très jeunes.
16 La chaîne hébergement-logement est « embolisée » à tous les niveaux :
- la sortie de l’hébergement et du SIAO [8] : les taux de relogements des SIAO sont très faibles, notamment dans les grandes villes ;
- le logement social : depuis la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de 2012, avec la Fondation Abbé Pierre notamment, nous demandons une loi de programmation sur le logement très social, mobilisant les parcs public et privé, que nous n’avons pas obtenue. La production de logements PLAI [9] reste en effet extrêmement faible : environ 30 000 logements PLAI sont financés chaque année pour 1,8 million de demandeurs d’un logement social, dont 60 000 sont reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable. Nous avions demandé le doublement du nombre de PLAI ainsi que des PLAI accessibles, car certains sont trop chers : quand les loyers dépassent le plafond de loyer pris en compte dans le calcul des aides au logement ou que les charges sont importantes, les ménages les plus pauvres se trouvent évincés ;
- le logement du parc privé : il est complémentaire à l’offre de logement social, mais il est très faiblement mobilisé pour compléter l’offre de logement social. Par exemple, le nombre de logements conventionnés par l’ANAH [10] accessibles aux ménages pauvres est en diminution structurelle depuis plusieurs années. Sa captation à des fins sociales nécessite un certain nombre de conditions de réussite : des mécanismes renforcés d’information et d’incitation des propriétaires bailleurs, une simplification des outils existants, la sécurisation des risques locatifs – en particulier lorsque celui-ci est porté par des associations jouant le rôle d’intermédiaire entre les propriétaires et le ménage –, la protection juridique du ménage par la mise en œuvre autant que possible de baux ordinaires ou de baux glissants, etc.
17 RFAS : Comment s’organise « l’accompagnement dans le logement » ?
18 FNARS : L’accompagnement dans le logement désigne une palette de dispositifs complémentaires articulés autour de deux modalités principales :
- les formules d’accompagnement simples, c’est-à-dire n’intégrant pas d’habitat, mais s’adaptant à la situation résidentielle du ménage (par exemple l’accompagnement social lié au logement, financé par les fonds de solidarité pour le logement des conseils départementaux ; l’accompagnement vers et dans le logement, financé par l’État via un fonds national dédié ou, encore, l’accompagnement global hors les murs, financé par l’aide sociale à l’hébergement) ;
- les formules d’accompagnement intégrées, proposées soit en logement-foyer (résidences sociales, pensions de famille, résidences accueil, foyers de jeunes travailleurs, etc.), soit en logement diffus, notamment dans le cadre de mesures d’intermédiation locative.
19 En dépit de leur diversité, ces dispositifs comprennent généralement un suivi d’intensité et de durée variables, centré autour de la question de l’appropriation du logement (démarches administratives, gestion budgétaire, rapports locatifs, aide à la vie quotidienne, inscription dans l’environnement, etc.) ; une gestion locative sociale et, éventuellement, la prise en compte de dimensions connexes au logement pouvant affecter le projet résidentiel : santé, formation et emploi, parentalité, accès aux droits, justice, culture et loisirs, etc. Dans tous les cas, le suivi doit prendre en compte au mieux la situation, les aspirations et les besoins du ménage et reposer sur la coconstruction entre l’intervenant et celui-ci. L’accompagnement peut s’appuyer sur des temps de rendez-vous individuels comme sur des temps d’animation collectifs.
20 L’intermédiation locative mentionnée plus haut est un outil intéressant, en voie de progression : une association joue le rôle de tiers médiateur entre les personnes à loger et le propriétaire bailleur, en proposant différents niveaux de garantie aux deux parties.
21 L’intermédiation locative peut prendre trois formes différentes :
- la location/sous-location : le propriétaire loue son logement à un organisme agréé qui le met temporairement à disposition de personnes en difficulté (avec une redevance proportionnée à leurs ressources), tout en leur proposant un accompagnement social ;
- la location/sous-location avec bail glissant : elle permet au ménage de conserver le logement mis à disposition et d’en devenir le locataire en titre à la fin de l’intermédiation [11] ;
- le mandat de gestion à vocation sociale, c’est-à-dire la location directe d’un logement à un ménage en difficulté à un prix inférieur à celui du marché, par le biais d’une agence immobilière sociale effectuant une gestion locative adaptée et pouvant mobiliser ponctuellement des dispositifs d’accompagnement.
22 Nous soutenons particulièrement la formule du bail glissant, car elle permet l’accès au logement (dans le parc social ou privé) avec un statut d’occupation qui évolue dans le temps. Au fur et à mesure de l’insertion de la personne et de l’évolution de ses ressources, celle-ci change de statut d’occupation (elle peut passer de celui d’hébergé à celui de locataire), mais elle garde son logement. C’est un dispositif très utile, notamment pour les personnes en difficultés d’insertion ou les étrangers en cours de régularisation. Mais il ne faut pas imposer le bail glissant de façon systématique, en particulier lorsque l’accès direct au logement est possible.
23 Nous défendons aussi un hébergement qui soit le plus proche possible du logement autonome, avec des places en habitat diffus, le recours à l’hébergement collectif devenant résiduel.
24 L’accompagnement social dans le logement figure parmi les priorités des pouvoirs publics telles que définies par le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Pourtant il est menacé, car très mal financé. Un exemple parlant en est la crise du financement de l’AVDL, en 2015, liée aux dysfonctionnements du fonds national qui alimente le dispositif [12]. Son mécanisme d’abondement actuel est en effet une « usine à gaz » technocratique et perverse. Le FNAVDL collecte les astreintes versées par l’État, lorsqu’il ne respecte pas ses obligations de relogement des ménages reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable. Ses ressources sont donc par essence très volatiles et proviennent de sommes qui reviendraient de droit au requérant. En outre, avant que le mécanisme soit stabilisé par la loi de finances pour 2015, les tribunaux administratifs ne procédaient pas à la liquidation régulière des astreintes, si bien que le fonds a connu d’importants problèmes de trésorerie qui se sont répercutés sur les associations. Tout cela a créé de l’incertitude et un manque de visibilité sur l’enveloppe financière disponible et a pu conduire à des arrêts brutaux de mesures d’accompagnement, suite à des fermetures de services et à des licenciements. L’accompagnement social est aussi financé par les conseils départementaux, par le biais du fonds de solidarité pour le logement (FSL) [13] et de l’accompagnement social lié au logement ; or dans certains départements, on a assisté à une contraction des budgets destinés au FSL et à l’accompagnement social, en répercussion notamment des difficultés de financement du RSA [14].
25 Nous demandons donc à l’État de réintégrer le FNAVDL dans son budget et aux départements de maintenir leurs niveaux d’engagement dans l’accompagnement social, car c’est la clé de l’insertion dans le logement.
26 RFAS : Comment l’accompagnement social pour l’accès au logement se met-il en place et pour qui ?
27 FNARS : Cela nécessite une évaluation préalable de la situation des ménages. Pour les personnes sans domicile, c’est le SIAO qui doit veiller à la réalisation de l’évaluation sociale pour les orienter vers la bonne solution d’hébergement ou de logement adapté, en lien avec les partenaires incontournables (de la santé, de la justice, de l’emploi, de l’asile, etc.). Cette étape essentielle de diagnostic est réalisée par les acteurs de la veille sociale : les équipes mobiles, les accueils de jours, etc., qu’il convient de valoriser et de soutenir. Le SIAO doit également suivre l’évolution de la situation de la personne dans le temps et s’assurer que l’ensemble des problèmes soit bien pris en compte.
28 Il faut donc une évaluation de la situation de la personne… et une demande de sa part ! La FNARS défend l’idée de la création d’un droit à l’accompagnement dans le Code de l’action sociale et des familles, adapté à la situation de chacun et à la demande de la personne : sinon, c’est une forme de contrôle social. La nature opposable de ce droit fait débat, car elle comporte un risque de judiciarisation.
29 Dans le même ordre d’idée, les notions de coconstruction et de participation ont beaucoup progressé dans la façon de travailler des intervenants sociaux : il ne s’agit pas d’une relation de tutelle, mais d’un accompagnement sur mesure, qui tient compte des souhaits des personnes. Le rôle de ces intervenants sociaux dépasse d’ailleurs désormais celui de la simple élaboration conjointe de la mesure d’accompagnement, pour prendre une dimension territoriale et politique : via les instances de participation mises en place au sein des établissements et services, ainsi que par les conseils consultatifs national (CCPA) et régionaux (CCRPA) des personnes accueillies et accompagnées, ces personnes ont désormais la possibilité de concourir activement à la définition et au suivi des politiques publiques qui les concernent.
30 RFAS : On entend ce même discours du droit à l’accompagnement du côté de l’insertion dans l’emploi, notamment pour les jeunes (Garantie jeunes etc.). Qu’est-ce qui justifie que cet accompagnement se fasse par l’emploi ou par le logement ?
31 FNARS : Dans les centres d’hébergement adhérents à la FNARS, 25 % des places sont occupées par des personnes de 18 à 25 ans : on observe une paupérisation des jeunes, qui est une des conséquences de la crise économique, les jeunes étant les premiers touchés.
32 Pour eux, il n’y a pas de filet de sécurité, puisque le RSA ne leur est ouvert qu’à des conditions très restrictives d’activité préalable. La Garantie jeunes – certes encore dans une phase expérimentale – ne concerne que des effectifs faibles. La FNARS défend sa généralisation pour qu’elle devienne un droit : un droit à l’accompagnement, assorti de ressources du niveau du RSA [15].
33 La généralisation sera difficile si les missions locales restent les seuls opérateurs, car elles ne sont pas outillées pour faire de l’accompagnement social. En outre, elles ne touchent pas tous les jeunes : il faut élargir les missions d’accompagnement à d’autres acteurs sociaux. Les jeunes migrants, par exemple, ne sont éligibles ni à la Garantie jeunes, ni au RSA (s’il était ouvert aux jeunes comme nous le souhaitons). Ces jeunes « à droits incomplets » ne sont éligibles ni au logement social classique, ni au logement adapté ; il n’existe pour eux que le droit à l’hébergement et à l’accès aux soins. C’est dans ces domaines qu’il faut organiser leur accompagnement.
34 RFAS : Le tableau que vous dressez concerne-t-il l’ensemble du territoire ? Les difficultés sont-elles différentes selon que les zones sont ou non en tension ?
35 FNARS : L’insuffisance de logements très sociaux et de places d’hébergement est globale, elle concerne l’ensemble du territoire.
36 Pour ne laisser personne dehors en cas de froid, des places hivernales sont dégagées dans l’urgence, sur la base de diagnostics territoriaux des besoins remontés par les préfets ; mais il y a trop peu de pérennisations et, lorsqu’elles existent, elles s’effectuent sous forme de places de « mise à l’abri », c’est-à-dire avec un financement si faible qu’il ne permet pas de réaliser les missions essentielles définies légalement, telles que l’accompagnement ou même l’alimentation.
37 Il y a de très grosses difficultés dans les zones tendues pour fournir des logements abordables aux personnes en difficulté, en particulier en Île-de-France ou en Rhône-Alpes, où il est particulièrement complexe de mobiliser des logements privés, et où les flux de migrants sont particulièrement concentrés.
38 Dans le cadre du plan de logement des réfugiés, la DIHAL pilote une plate-forme pour proposer un logement aux personnes réfugiées dans des zones de vacance, qui ne sont pas toujours très attractives. Il arrive que les migrants ne restent pas dans ces logements… pour les mêmes raisons que les nationaux !
39 RFAS : Que peut-on faire pour améliorer le logement des ménages modestes ?
40 FNARS : Concernant l’économie du logement social en France, il n’y a pas assez de logements PLAI [16].
41 Le logement financé en PLUS n’est presque plus subventionné par l’État, et le financement du PLAI a diminué depuis quelques années, ce qui a découragé les collectivités territoriales d’apporter leur propre contribution au développement de ce type de logement.
42 Quant au logement financé en PLS, il est produit en nombre supérieur au PLAI chaque année. Or il s’agit quasiment de logements intermédiaires et non plus de logements sociaux, au vu des loyers pratiqués… On peut donc s’interroger sur l’opportunité de maintenir une proportion aussi forte de PLS alors qu’ils sont en décalage manifeste avec les besoins.
43 Les aides à la pierre se répartissent sur une vingtaine de dispositifs de subventions et avantages fiscaux et représentent environ 20,4 milliards d’euros par an, auxquels s’ajoutent 20,5 milliards d’euros d’aides à la personne). Sur ce montant global, seuls 545 millions d’euros sont consacrées aux subventions directes des opérations de logement social… tandis que l’État en dépense plus du triple en incitations à l’investissement locatif ! Ces derniers génèrent de nombreux effets d’aubaine et ont un impact limité sur la production et encore moindre en termes d’efficacité sociale… À titre d’illustration, le nouveau dispositif Pinel qui profite aux familles aisées permet de faire bénéficier leurs ascendants et descendants du logement ayant donné lieu à une défiscalisation.
44 Le logement social accessible à tous, qui correspond pourtant à la situation de 1,8 million de demandeurs de logement sociaux, n’apparaît pas aujourd’hui comme la priorité budgétaire. Ce point fait débat : certains économistes du logement considèrent que financer le logement du secteur libre et le logement intermédiaire bénéficierait à l’ensemble du parc, au nom de la théorie du « ruissellement [17] » ; mais ce n’est pas ce que nous observons sur le terrain.
45 Après les élections municipales de 2014, beaucoup de programmes de logement sociaux ont été annulés. Cela traduit une tendance au « séparatisme social » décomplexé – « Not In My Backyard [18] ».
46 Au moment du plan pauvreté [19], les associations avaient demandé la réalisation de diagnostics territoriaux partagés à « 360 degrés » pour recenser les situations de « mal-logement » et les rapporter à l’offre proposée, afin que la planification locale évolue en fonction des besoins. C’est maintenant chose faite, sauf en Île-de-France où du retard a été pris. On attend que l’État (la DGCS [20]) agrège ces remontées pour aligner la programmation budgétaire sur ces observations. L’État souhaitera-t-il rendre « visible » le mal-logement et prendre de nouveaux engagements en 2017… ?
47 RFAS : …Et les familles ?
48 FNARS : En ce qui concerne l’hébergement des familles, il y a pénurie de places en CHRS [21]. Les pensions de famille (anciennement maisons-relais) concernent, contrairement à ce que leur nom pourrait indiquer, des personnes isolées. Pour les familles avec enfants, il faut de l’accompagnement social adapté et un accueil de la petite enfance articulé avec des partenariats extérieurs.
49 Il est difficile d’avoir des structures mixtes, qui accueillent des personnes isolées et des familles, sauf en habitat diffus.
50 En conséquence, les familles qui sollicitent un hébergement sont orientées vers l’hôtel, comme c’est établi dans le rapport de l’observatoire du Samu social, de 2014, qui présente les résultats de l’enquête ENFAMS [22]. Dans ces hôtels, il n’y a pas de suivi de la grossesse ni des jeunes mères, pas de suivi sanitaire des familles, notamment pour lutter contre la malnutrition.
51 Parmi les 40 000 nuitées à l’hôtel (pour un coût d’environ 200 millions d’euros par an), 80 % sont pour des familles.
52 Sylvia Pinel, lorsqu’elle a été ministre du Logement, a mis en place un plan triennal de résorption des nuitées hôtelières. Mais les solutions alternatives sont insuffisantes, et leur montée en charge est trop lente pour des sorties massives vers le logement ou l’hébergement digne.
53 Le relogement des familles, notamment celles qui sont à l’hôtel, pose aussi la question de la régularisation de leur situation sur le territoire français. Près des trois quarts des familles qui ont besoin d’hébergement sont « à droits incomplets » et ne peuvent pour cette raison accéder au logement. Il est néanmoins possible de développer l’hébergement dans le logement diffus pour ces familles, quitte à faire évoluer leur statut d’occupation en fonction de leur situation administrative. Mais il manque des logements familiaux à loyers abordables, de type PLAI, dans les grande villes où sont localisées ces familles. Pourtant, plus les familles restent longtemps à l’hôtel dans ces grandes villes, plus c’est difficile ensuite de les reloger loin des villes où elles se sont souvent créé un réseau de soutien communautaire. Dans la plate-forme de la DIHAL pour reloger les migrants, il y a trop de logements familiaux dans des zones peu tendues et, par ailleurs, pas assez de logement pour personnes seules.
54 Il faut ouvrir de l’hébergement et du logement là où les gens ont envie de vivre !
55 RFAS : Quels points de vue portez-vous sur les questions de mixité sociale, sur lesquelles est intervenue loi « SRU [23] » et qui font actuellement l’objet de réflexions dans le cadre du projet de loi Égalité et Citoyenneté ?
56 FNARS : Nous sommes favorables aux mesures du projet de loi Égalité et Citoyenneté visant à favoriser la mixité sociale – bien que le projet soit complexe et sans doute difficile à mettre en œuvre sur le terrain : renforcer les sanctions contre les communes qui ne respectent pas les quotas de logements sociaux, réinvestir les préfets dans le relogement des ménages en grande difficulté, moduler les loyers dans un objectif de mixité sociale, etc. Au départ, nous avons contesté le message politique laissant entendre qu’il y avait un « apartheid social » dans les quartiers, car cette formulation était stigmatisante pour les ménages concernés et reposait sur une conception excluante de la mixité sociale, contraire au droit au logement. Plutôt qu’interdire le relogement des ménages en difficulté dans les quartiers populaires, il fallait leur faire une place dans les quartiers attractifs et aisés, qui sont aussi très homogènes socialement. Le projet de loi a été réorienté vers l’obligation faite aux communes déficitaires d’accueillir les populations relevant de l’habitat social dans le parc existant ou à construire, et fixe des objectifs d’attribution de logements aux ménages prioritaires à tous les bailleurs et réservataires.
57 RFAS : Y a-t-il des points sur lesquels vous souhaiteriez ajouter des commentaires ?
58 FNARS :
59 Premièrement, il nous semble important de parler d’un point que nous n’avons pas abordé : la prévention des expulsions locatives. Ce devrait être une priorité nationale à l’heure où la massification et l’intensification de la pauvreté génèrent chaque année un nombre croissant d’expulsions pour impayés de loyers. Il importe d’enrayer ce drame humain, social et économique le plus en amont possible, afin de cesser d’alimenter les rangs du « sans-abrisme » qu’il s’agit précisément de réduire. La DIHAL s’est vu confier une plate-forme nationale de prévention des expulsions locatives, chargée de piloter la politique publique à partir du rapport d’évaluation paru en 2014. Si nous constatons quelques avancées comme la future publication du décret permettant le maintien des allocations logement en cas d’impayés pour les locataires « dits » de bonne foi, il reste beaucoup à faire pour généraliser les enquêtes sociales et déclencher les aides et l’accompagnement avant que les ménages ne s’enfoncent dans la dette. Et les associations constatent que la circulaire censée protéger des expulsions les ménages reconnus prioritaires au titre du DALO n’est pas toujours respectée par les préfets. Le temps que l’ensemble des dispositifs de prévention soient en capacité de jouer leur rôle, nous demandons, avec les associations du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement, un moratoire sur les expulsions locatives sans relogement, avec indemnisation des propriétaires bailleurs.
60 Deuxièmement, la FNARS demande l’élargissement à toutes les personnes précaires du dispositif VISALE [24], destiné à apporter une garantie aux propriétaires qui louent un logement à un salarié qui vient d’être embauché ou aux ménages entrant dans un logement locatif privé via un organisme agréé d’intermédiation locative.
61 Actuellement, c’est Action Logement qui finance VISALE ; seuls ceux qui trouvent un travail peuvent en bénéficier. La FNARS soutient l’idée que les propriétaires paient une cotisation alimentant un fonds mutualisé de garantie, abondé également par l’État et Action Logement. Ce serait une bonne solution pour faciliter l’accès au logement et prévenir l’expulsion locative.
62 Troisièmement, nous souhaitons que soit développé l’accompagnement social « hors les murs », notamment dans le logement, mis en œuvre par les CHRS à partir de l’expertise des travailleurs sociaux en matière d’accompagnement global.
63 Enfin, les dépenses pour des dispositifs d’aide et d’accompagnement devraient être mises en regard des coûts sociaux et économiques des parcours d’errance et de désaffiliation qu’ils permettent d’éviter… Il s’agit bien d’un investissement social et non d’une dépense passive.
Notes
-
[1]
Chargé de mission « veille sociale, hébergement » de la FNARS.
-
[2]
Directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS).
-
[3]
Site FNARS : http://fnars.org/.
-
[4]
Des représentants de la FNARS ont par exemple participé à la Commission présidée par M. le député Christophe Sirugue, dont le rapport « Repenser les minima sociaux : vers une couverture-socle commune » vient d’être remis au Premier ministre (avril 2016).
-
[5]
Intermédiation locative, bail glissant, logement d’insertion (maisons-relais par exemple)…
-
[6]
Centres d’accueil de demandeur d’asile (CADA), plate-forme, centres de mise à l’abri de Calais…
-
[7]
Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement.
-
[8]
Service intégré d’accueil et d’orientation, une plate-forme départementale, consacrée juridiquement par la loi ALUR, qui doit notamment permettre, sur chaque territoire, de mettre en relation la demande et l’offre d’hébergement ou de logement accompagné et d’apporter la réponse la plus adaptée aux besoins de la personne.
-
[9]
Programme locatif aidé d’intégration. Ce programme de l’État assure le financement des logements destinés à des ménages disposant de très faibles ressources. Ces logements sont les seuls accessibles à des personnes en grande difficulté.
-
[10]
Agence nationale de l’habitat. La mission de l’ANAH est d’améliorer le parc de logements privés existants, notamment en accordant des aides financières pour travaux, sous conditions, à des propriétaires occupants, bailleurs et copropriétés en difficulté.
-
[11]
Le bail glissant est un dispositif d’insertion par le logement devant permettre à des ménages en difficulté de devenir locataires. Il fait intervenir trois acteurs : le bailleur (propriétaire du logement) ; le locataire en titre (association, tiers, opérateur social… qui doit être agréé pour l’intermédiation locative et la gestion locative sociale, depuis la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, en particulier pour l’activité de sous-location) ; l’occupant (ménage en difficulté). Dans un premier temps, le locataire en titre loue le logement auprès du bailleur et en son nom propre. Il met ensuite en sous-location le logement pour le ménage occupant. L’association assure également l’accompagnement social. Dans un second temps, le bail est transféré au ménage, selon des modalités prévues par le contrat entre le bailleur et l’association.
-
[12]
Le fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), créé par la loi de finances rectificative votée le 29 juillet 2011, est alimenté par les astreintes payées par l’État en cas de condamnation pour non-respect de son obligation de relogement de personnes reconnues au titre du droit au logement opposable (25,8 millions d’euros en 2013). Ce fonds permet le financement des actions d’accompagnement personnalisé et de gestion locative adaptée, favorisant l’accès et le maintien dans un logement de personnes reconnues prioritaires DALO, auxquelles un logement doit être attribué en urgence, ainsi qu’à toute personne rencontrant des difficultés. Ces actions d’accompagnement étaient auparavant financées dans le cadre du budget de l’État.
-
[13]
Le fonds de solidarité pour le logement (FSL) accorde des aides financières aux personnes qui rencontrent des difficultés pour assurer les dépenses de leur logement (factures, loyers…). Il existe un FSL dans chaque département. La gestion de ces fonds est confiée depuis 2005 aux conseils départementaux qui en sont les principaux financeurs. Des contributions peuvent provenir d’autres partenaires (collectivités territoriales, bailleurs sociaux, associations, distributeurs d’énergie…).
-
[14]
Revenu de solidarité active.
-
[15]
De l’ordre de 460 euros par mois.
-
[16]
On désigne chacun des produits de financement des logements sociaux par le nom du prêt principal qui lui est associé. Plus les loyers sont bas et les conditions d’accès restrictives, plus les aides au financement par l’État sont importantes. Les logements concernés par les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) sont accessibles aux revenus les plus modestes, les logements concernés par les prêts locatifs à usage social (PLUS), standard du secteur social à des revenus plus élevés, les loyers des logements des prêts locatifs sociaux (PLS) sont encore supérieurs et, enfin, alors que les trois premières catégories sont conventionnés et que leurs occupants peuvent recevoir une aide substantielle via l’aide personnalisée au logement (APL), les logements de la quatrième catégorie, les logements issus de prêts locatifs intermédiaires (PLI), ne sont pas conventionnés, et leurs loyers se rapprochent de ceux du secteur privé (voir note ci-dessus).
-
[17]
Selon laquelle faciliter le développement de logements pour les catégories aisées bénéficierait à tous les demandeurs de logement y compris les plus modestes, en permettant à chaque catégorie sociale de trouver le logement qui lui convient sur un marché où l’offre serait plus abondante.
-
[18]
L’expression « Not In My BackYard » (NIMBY) signifie « pas dans mon arrière-cour ». Ce terme est utilisé, généralement de façon péjorative, pour décrire l’opposition de résidents à un projet local d’intérêt général dont ils considèrent qu’ils subiront des nuisances.
-
[19]
Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.
-
[20]
Direction générale de la cohésion sociale du ministère des Affaires sociales et de la Santé.
-
[21]
Centre d’hébergement et de réinsertion sociale.
-
[22]
Enfants et familles sans logement en Île-de-France.
-
[23]
Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains de décembre 2000.
-
[24]
Visa pour le logement et l’emploi. Cet outil de sécurisation locative est venu remplacer la garantie des risques locatifs (GRL) qui n’est plus proposée depuis le 31 décembre 2015.