CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction [1]

1 Il y a un peu plus de quinze ans, le 13 décembre 2000, la France se dotait d’une loi ambitieuse en matière de solidarité et de renouvellement urbain. Cette loi, dite loi SRU, s’inscrivait en continuité de la politique urbaine des années 1990, mais en lui donnant cette fois-ci un caractère davantage contraignant. « Continuité » car son article le plus important, l’article 55, reprenait le critère quantitatif d’au moins 20 % de logements sociaux dans toutes les grandes villes françaises, déjà contenu dans la loi d’Orientation pour la ville de juillet 1991 (LOV). Cependant, avec l’article 55 de la loi SRU, le quota de 20 % devenait obligatoire avec un horizon fixe de réalisation (i.e. au plus tard en 2022), le fait de payer « l’amende » pour non-satisfaction du quota ne permettant plus à la commune de se soustraire à son obligation de construction de logements sociaux [2]. Inscrite dans la loi, cette obligation visait à rééquilibrer l’offre de logement social sur le territoire, à en faire un principe de solidarité nationale. En outre, la réinscription dans la loi d’un quota de 20 % de logements sociaux consacrait la législation autour du concept de « mixité sociale » (Driant et Lelévrier, 2006), concept resté flou jusque-là.

2 Quinze ans plus tard, force est de constater que l’article 55 de la loi SRU n’a pas atteint son objectif : certaines communes soumises à la loi n’accueillent en leur sein que très peu de logements sociaux, voire aucun. Dans certains cas, le refus de construire des logements sociaux est clairement assumé par la municipalité, tandis que dans d’autres des difficultés objectives empêchent la réalisation des logements sociaux. Cet article vise à établir un bilan sur la loi SRU et de ses quotas de logements sociaux [3]. Le niveau d’analyse privilégié est le niveau communal, avec un focus particulier sur les communes dites « carencées », c’est-à-dire les communes dont la construction ou le financement de logements sociaux a été très en deçà des objectifs définis par la loi sur la dernière période triennale. Comment les communes carencées se distinguent-elles des autres communes en termes de richesse ? Quelles sont les caractéristiques socio-démographiques de leurs habitants ? Quelles sont les étiquettes politiques de leurs maires ? Quel montant moyen de pénalité payent-elles ? Etc. Il est important de connaître les caractéristiques des communes carencées et ce qui les distingue de celles qui satisfont leur objectif en termes d’accueil de locataires du parc social, compte tenu du renforcement de l’article 55 dans le cadre des lois Duflot et ordonnances des années passées. D’une part, l’objectif a été porté à 25 % de logements sociaux dans un grand nombre de communes à l’horizon de 2025. D’autre part, les moyens mis en place en vue d’atteindre cet objectif sont devenus très coercitifs, puisque dans certaines communes carencées, le préfet de région s’est substitué au maire pour l’octroi des permis de construire, l’exercice du droit de préemption et la mobilisation des logements vacants.

3 Le reste du texte s’articule comme suit. Dans un premier temps, nous présentons les aspects législatifs de la loi de décembre 2000 et son évolution au cours du temps. Au-delà du détail de la loi, il s’agit pour nous de revenir sur les points essentiels de la loi initiale, sur les aménagements réalisés en vue de la rendre davantage contraignante pour les communes récalcitrantes en matière de construction de logements. Dans un second temps, nous présentons un bilan statistique des caractéristiques des communes carencées sur la période récente ainsi qu’un bilan plus global sur la construction de logements sociaux au niveau national. Ce bilan est complété en annexe par des études de cas, notre objectif étant d’illustrer les obstacles que peuvent rencontrer les communes dans la construction de logements sociaux et aussi d’essayer de comprendre les raisons qui peuvent amener les autorités nationales à la mise sous tutelle préfectorale de certaines communes plutôt que d’autres. Dans un troisième temps, nous concluons sur le bien-fondé des quotas de logements sociaux, tout en soulignant la difficulté que vont rencontrer certaines communes à satisfaire un quota de 25 % à l’horizon de 2025, y compris parmi les moins récalcitrantes à l’accueil de locataires du parc social. Dans les communes où la substitution des compétences a eu lieu, les années à venir seront aussi des années importantes pour juger de la capacité des préfets de région à faire mieux que les maires en matière de construction de logements sociaux.

La loi SRU du 13 décembre 2000

Ce que dit la loi

4 La loi SRU du 13 décembre 2000 fixe comme objectif un minimum de 20 % de logement sociaux à l’horizon de 2022 pour toute commune de plus de 3 500 habitants (de plus de 1 500 habitants en Île-de-France) appartenant à des agglomérations de plus de 50 000 habitants et comportant une ville-centre d’au moins 15 000 habitants. Le quota de logements sociaux est défini par rapport aux résidences principales (et non par rapport à l’ensemble des résidences, ce qui exclut donc du calcul les résidences secondaires). Les logements sociaux comptabilisés sont des logements offerts à la location soit par des bailleurs sociaux (l’essentiel), soit par des bailleurs privés au travers de conventionnement.

5 Le mode de calcul en vue d’atteindre l’objectif repose sur un principe simple : l’écart par rapport à l’objectif de 20 % doit être comblé à hauteur de 5 % par an sur vingt ans. Concrètement, la loi fixe tous les trois ans un nombre précis de logements sociaux à construire (tout du moins à financer) par commune. À l’issue de ces trois ans, un bilan du plan triennal est réalisé par le préfet. Les communes dont le pourcentage de logements sociaux est en deçà de 20 % se voient alors imposer un prélèvement (dit brut) dont elles peuvent cependant déduire les dépenses en faveur du logement social (p. ex. subventions foncières, moins-values sur les terrains et logements préemptés, travaux de viabilisation en vue d’accueillir du logement social). Ce prélèvement, net des dépenses, est annuel et applicable pendant trois ans jusqu’au prochain bilan triennal. En outre, à l’issue du bilan, le préfet peut promulguer un constat de carence à l’encontre des communes n’ayant pas atteint l’objectif triennal. Ce constat, laissé à l’appréciation du préfet, tient compte des difficultés auxquelles fait face la commune pour satisfaire son objectif (p. ex. difficultés à mobiliser du foncier, décroissance de sa population).

6 Le calcul du prélèvement brut distingue deux types de communes en fonction de leur richesse mesurée par le potentiel fiscal [4]. Ainsi, pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 5 000 francs (i.e. 762 euros), la taxe est égale à 1 000 francs (i.e. 152 euros) par logement social manquant. Pour les autres communes, le prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant multiplié par le pourcentage de logements sociaux manquants, avec un plafond fixé à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune de l’année précédente. Le préfet peut, le cas échéant, majorer le prélèvement des communes pour lesquelles un constat de carence a été établi. Le taux de majoration maximal est alors égal au rapport entre le nombre de logements sociaux non réalisés et l’objectif total du plan triennal. En d’autres termes, le préfet peut majorer le prélèvement jusqu’à 100 %.

7 L’article 55 de la loi SRU a fait l’objet de plusieurs modifications depuis sa promulgation. Pour l’essentiel, ces modifications ont visé à modifier le prélèvement (son mode de calcul, sa majoration) de façon à ce qu’il constitue davantage une incitation à respecter les obligations de construction. Le renforcement des pouvoirs du préfet a constitué l’autre volet essentiel de modification de la loi dès lors qu’il est apparu que le système d’incitations était inopérant pour certaines communes (voir les paragraphes intitulés « Les évolutions de la loi au cours des années 2000 » et « Le renforcement de la loi SRU dans le cadre des lois Duflot »).

Ce que la loi implique concrètement

8 Dans les faits, la mise en place de quotas de logements sociaux a conduit bon nombre de communes à :

  • intégrer la réalisation de programmes de logements sociaux dans les documents d’urbanisme ;
  • faciliter la réalisation de logements sociaux, notamment au travers de la mise à disposition de terrains publics, pouvant aller jusqu’à la fourniture du foncier public aux bailleurs sociaux ;
  • subventionner (au-delà de la fourniture du foncier) la construction des logements sociaux de façon à ce que les bailleurs sociaux puissent équilibrer leurs opérations ;
  • préempter des terrains ou des logements en vue d’une réhabilitation en logements sociaux.

9 Enfin, la loi SRU a obligé un certain nombre d’élus municipaux à communiquer autour des points qu’elle développe, de la solidarité qu’elle impose et de la mixité sociale qu’elle prescrit [5]. En effet, avec un quota de 20 % de logements sociaux, la loi SRU impose par conséquent, sur le territoire communal, qu’une résidence principale sur cinq soit occupée par un ménage qui remplit les conditions d’accès à l’habitat social. Les caractéristiques de tels ménages pouvaient être appréciées de la façon suivante en 2006 [6] :

  • fréquence des familles avec au moins trois enfants et des familles monoparentales (ces dernières représentant 16 % des ménages du parc social, contre 7 % dans l’ensemble des ménages en 2006, d’où une surreprésentation au sein du parc social) ;
  • ménages disposant de ressources modestes (le revenu moyen des ménages du parc social étant inférieur de 30 % à celui de l’ensemble des ménages) ;
  • familles présentant une tendance à la précarité plus élevée que l’ensemble des ménages (13,5 % des ménages du parc social étaient au chômage en 2006 contre 8,8 % pour l’ensemble de la population) ;
  • davantage de personnes issues de l’immigration que la moyenne nationale (avec une part de ces ménages dans le parc social de 17,5 % en 2006 contre 9,6 % dans l’ensemble de la population).

10 Dans les communes n’ayant jamais compté de logements sociaux, caractérisées par l’« entre-soi » depuis plusieurs décennies pour des raisons historiques et/ou culturelles, la présence de ces nouveaux types de ménages sur le territoire communal ne va pas nécessairement de soi. Dans certains cas, des stratégies de contournement de la loi ont pu être mises en place par les municipalités, notamment au travers du choix des types de logements sociaux, tandis que, dans d’autres cas, la volonté de ne pas accueillir de locataires du parc social a été clairement affichée [7].

Encadré : La mixité sociale : définition et indicateurs

Dans les faits, une définition restreinte de la mixité sociale
De façon synthétique, « la mixité sociale peut être définie comme la coexistence sur un même espace de groupes sociaux aux caractéristiques diverses » (Selod, 2004). Tandis que ces « caractéristiques diverses » peuvent s’entendre dans un sens large, c’est très souvent le critère de revenu ou de niveau de vie qui est jugé discriminant en matière de mixité sociale, celle-ci s’entendant alors comme la coexistence de populations pauvres et riches sur un même territoire ou espace. Pour autant, la mixité sociale, définie plus largement, peut aussi s’apprécier à l’aune de groupes diversifiés par l’âge, l’ethnie ou le statut socio-professionnel (Tanter et Toubon, 1999 ; Selod, 2004). Remarquons que si certaines de ces caractéristiques peuvent se recouper (on pense notamment au statut socio-professionnel et au revenu, qui sont relativement corrélés), le lien entre âge et revenu est à l’opposé plutôt ténu.
Dans cet article, nous retenons uniquement la caractéristique du revenu ou du niveau de vie pour évaluer l’existence ou non de mixité sociale. C’est d’ailleurs selon cette caractéristique que la sphère politique française admet le bien-fondé de la mixité sociale, qu’elle se situe à gauche ou à droite de l’échiquier. Car, de fait, toutes les étiquettes politiques s’accordent sur l’importance de la mixité sociale au sein des espaces selon cette caractéristique, à l’exception du Front national [1]. En revanche, les étiquettes politiques peuvent se distinguer substantiellement en fonction de la « bonne » échelle d’exercice de ladite mixité sociale (immeuble, îlot, quartier, etc. jusqu’à l’agglomération). En général, les étiquettes de gauche auront tendance à préférer une échelle restreinte pour l’exercice de la mixité sociale. Ainsi, dans son programme présidentiel 2012, le Front de gauche prônait-il un logement social accessible à tous, ce qui impliquait la suppression des plafonds de ressources pour y accéder et une mixité sociale au niveau de l’immeuble. À l’opposé, ce sont essentiellement des représentants des étiquettes de droite qui montreront une préférence pour « faire du logement social » à l’échelle de l’agglomération. Enfin, la sphère politique est divisée sur ce que l’on entend par « logement social » : tandis que la loi SRU ne comptabilise que les logements locatifs, certains considèrent qu’un logement acquis en partie grâce aux aides publiques (p. ex. prêt à taux 0,1 % logement, aides diverses) est aussi un logement social et doit être comptabilisé comme tel. Ainsi, Christine Boutin avait-elle déposé en 2008 une proposition de loi comprenant des dispositions visant à comptabiliser l’accession sociale à la propriété dans le quota SRU. Ces dispositions ont finalement été rejetées au Sénat, à la fois par les membres de l’opposition et par ceux de la majorité.
Un peu étonnamment, c’est au sein de la sphère académique, notamment en économie et en sociologie, que la mixité sociale fait le moins consensus (Epstein et Kirszbaum, 2003). Tandis que Sarkissian (1976), Deschamps (2001), Dansereau et al. (2002) ou encore Fitoussi, Laurent et Maurice (2004) avancent que la concentration spatiale des ménages défavorisés nuit à leur intégration économique et sociale, d’autres, comme Maurin (2004) ou Chamboredon et Lemaire (1970), émettent des doutes quant aux vertus supposées de la mixité sociale, la présence de plusieurs groupes en un même lieu n’entraînant pas nécessairement la mixité ni l’échange généralisé (Tanter et Toubon, 1999).
Malgré ces réserves, un consensus a émergé au sein de la sphère politique à partir des années 2000 sur le bien-fondé de la mixité sociale.
Deux indicateurs de la mixité sociale fondés sur les niveaux de vie
Pour mesurer la mixité sociale, entendue comme la coexistence de niveaux de vie (très) différenciés sur le territoire communal, nous considérons deux indicateurs. Le premier est l’indice de Gini qui mesure l’inégalité des revenus entre les ménages par unité de consommation au sein de chaque commune [2]. Par construction, l’indice de Gini appartient à [0 ;1] avec 0 indiquant une égalité parfaite des revenus et 1 indiquant une inégalité parfaite. Sur un territoire communal donné, plus l’indice de Gini est élevé, plus il indique une répartition inégalitaire des revenus entre les ménages et plus la mixité sociale est élevée. En 2010, sur l’échantillon de 4 826 communes de France métropolitaine de plus de 2 000 habitants, pour lesquelles les données sont disponibles, l’indice de Gini en moyenne pondérée s’est établi à 0,36 (source : « Revenus fiscaux localisés », INSEE). Autrement dit, en 2010, l’écart de revenus entre deux unités de consommation tirées aléatoirement était (en anticipation) de 72 % par rapport au revenu moyen (voir aussi tableau 2).
L’indice de Gini souffre d’imperfections. Notamment, il est sensible aux valeurs extrêmes : la présence de quelques ménages riches sur le territoire communal peut suffire à générer un fort coefficient de Gini, ce qui sera interprété à tort comme l’évidence d’une forte mixité sociale. En outre, l’indice de Gini ne permet pas de connaître la contribution des locataires du parc social à la mixité sociale de la commune. Un second indicateur est donc considéré dans ce but. Le premier terme de l’indicateur rapporte le niveau de vie des ménages par unités de consommation du troisième quartile (i.e. 75 % des ménages ont un niveau de vie inférieur à ce niveau) à celui des ménages du premier quartile des locataires du parc social (i.e. 25 % des ménages du parc social ont un niveau de vie inférieur à ce niveau). Plus ce ratio est élevé, plus le niveau de vie des habitants les plus riches de la commune s’écarte de celui des locataires les plus pauvres du parc social et plus il y a mixité sociale. Cependant, les locataires du parc social ne contribueront réellement à la mixité sociale de la commune que s’ils sont nombreux sur le territoire communal. Le ratio des niveaux de vie (premier terme) est donc pondéré par la part des locataires du parc social dans la population communale, mesurés en unités de consommation (second terme). D’un point de vue théorique, le produit du premier et second terme appartient à [0 ;+∞], avec 0 indiquant l’absence de locataires du parc social sur la commune. Dans la réalité, l’indicateur est vraisemblablement borné aux alentours de 1. En effet, d’une part, le ratio moyen des niveaux de vie (premier terme) est de l’ordre de 4 (voir tableau 2). D’autre part, si l’on s’en tient à la moyenne nationale ciblée, celle des quotas SRU, la part des unités de consommation ne peut aller au-delà de 20-25 % (second terme).

Les évolutions de la loi au cours des années 2000

11 Hormis les lois Duflot et ordonnances récentes, les évolutions les plus notables de la loi SRU ont été introduites en 2006 dans le cadre de la loi d’Engagement national pour le logement (ENL), puis en 2007, dans le cadre de la loi du droit au logement opposable (DALO).

12 La loi ENL soumet toutes les communes à la même règle de calcul du prélèvement, soit la règle du « 20 % du potentiel fiscal par habitant par logement social manquant », appliquée auparavant uniquement aux communes dont le potentiel fiscal était supérieur à 762 euros par habitant. Par ailleurs, pour ne pas faire l’objet d’une majoration, la commune doit avoir mis en chantier au moins 30 % de logements locatifs sociaux par rapport au nombre total de logements commencés. En outre, des commissions départementales sont créées avec deux missions principales : évaluer les recours des communes et doubler, le cas échéant, le prélèvement majoré du préfet [8].

13 La loi DALO de 2007 élargit le champ d’application de la loi SRU aux communes appartenant à une intercommunalité sur le même modèle que celles appartenant à une agglomération (communes de plus de 3 500 habitants, intercommunalité avec une ville-centre d’au moins 15 000 habitants, etc.). Pour les nouvelles communes soumises à la loi SRU, le prélèvement n’est cependant effectif qu’à partir de 2014.

Le renforcement de la loi SRU dans le cadre des lois Duflot

14 À plusieurs reprises durant les années 2000, l’article 55 de la loi SRU a fait l’objet de plusieurs dépôts d’amendements (p. ex. comptabilisation de l’accession sociale à la propriété dans le quota des 20 % de logements sociaux, loi applicable au niveau de l’agglomération). Il a finalement été renforcé sous la présidence Hollande tant dans ses objectifs que dans ses moyens. Pour les communes les plus récalcitrantes à l’objectif de rattrapage de construction de logements sociaux, l’incitation laisse même la place à la coercition.

15 La loi Duflot 1 du 18 janvier 2013 porte à 25 % le quota de logements sociaux à atteindre d’ici 2025. Seuls font exception les territoires ne justifiant pas d’un effort de production supplémentaire où le taux est maintenu à 20 % [9]. Par ailleurs, les communes de plus de 15 000 habitants en croissance démographique ne relevant ni d’une agglomération ni d’une intercommunalité de plus de 50 000 habitants sont désormais soumises à l’obligation de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux sur leur territoire [10]. Ces mesures s’appliquent dès 2014, selon un principe de réalisation d’une part croissante des logements manquants en vue d’atteindre le quota (20 % ou 25 % selon les cas) : 25 % des logements manquants pour la période triennale 2014-2016, 33 % pour 2017-2019, 50 % pour 2020-2022 et enfin 100 % des logements sociaux manquants pour la période triennale 2023-2025.

16 Compte tenu du caractère insuffisamment incitatif du prélèvement tel que pratiqué jusqu’en 2013, la loi Duflot 2 et les ordonnances subséquentes renforcent les pouvoirs du préfet :

  • en lui donnant la possibilité de majorer jusqu’à cinq fois le prélèvement de la commune n’ayant pas atteint son objectif de construction de logement social sur la période triennale. En outre, le plafond du prélèvement est porté à 7,5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la commune contre 5 % auparavant ;
  • en étendant son droit de préemption aux logements dans les communes carencées, en sus de son droit de préemption existant déjà pour les terrains ;
  • en lui donnant la possibilité de délivrer les permis de construire en lieu et place du maire dans les communes carencées ;
  • en lui permettant d’attribuer directement les logements sociaux des contingents communaux, notamment pour y loger les ménages DALO ;
  • en obligeant la construction d’une part minimum de 30 % de logements sociaux de type prêt locatif à usage social-prêt locatif aidé d’intégration (PLUS-PLAI) dans les opérations de taille significative [11].

17 Le 26 octobre 2015, le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) a publié une liste de 36 communes carencées au titre du bilan triennal 2011-2013, dans lesquelles le préfet se substitue au maire pour :

  • préempter des terrains et des logements ;
  • délivrer les permis de construire ;
  • et mobiliser des logements vacants dans le parc privé.

18 Une seconde liste de 11 communes carencées et mises sous tutelle préfectorale a été publiée le 13 avril 2016, alors que le projet de loi Égalité des territoires et citoyenneté, dont l’examen au Parlement est prévu courant 2016, précisera les mesures à l’encontre des communes ne respectant pas les obligations de constructions de logements sociaux fixées par la loi SRU et redéfinira les critères d’exonération du seuil de 25 % de logements sociaux.

État des lieux

19 L’état des lieux est tout d’abord réalisé au niveau communal avec un focus particulier sur les communes carencées, puisque c’est pour celles-ci que le caractère incitatif du prélèvement est a priori insuffisant [12]. Puis, l’état des lieux est dressé au niveau national afin de juger de l’efficacité du dispositif en général, hors spécificités communales.

Au niveau communal

20 Selon les données du ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, sur la dernière période triennale 2011-2013, 1 022 communes concernées par l’article 55 de la loi SRU devaient « faire un effort de production supplémentaire afin de tendre vers 20 % de logements sociaux sur leur territoire ». Sur ces 1 022 communes, 221 n’ont pas atteint leur objectif triennal et font l’objet d’un constat de carence.

21 Le pourcentage de communes carencées (22 % sur le bilan 2011-2013) est en augmentation relativement aux bilans précédents où il était de 14 % à 15 % (Fondation Abbé Pierre, 2011 ; Chapelon et Schmit, 2011). L’augmentation des communes carencées est donc sensible au cours du dernier bilan triennal.

22 Le bilan triennal 2011-2013, combiné aux caractéristiques des communes carencées, permet d’établir la synthèse suivante.

23Les communes carencées sont des communes riches : en 2013, leur potentiel financier [13] était, en moyenne, de 1 101 euros par habitant contre 718 euros par habitant pour l’ensemble des communes de France métropolitaine (tableau 1).

Tableau 1

Caractéristiques des communes carencées du bilan triennal 2011‑2013*,**,***,****,*****,******

Tableau 1
Total dont : PACA Ile‑de‑France Languedoc‑Roussillon Communes sous tutelle préfectorale* Nombre de communes carencées 221 88 40 33 36 Taux de réalisation de l’objectif triennal 36 % 50 % 39 % 34 % 30 % Majoration de l’amende 78 % 66 % 83 % 83 % 148 % Potentiel financier moyen par habitant en 2013 (en euros) 1 101 1 119 1 215 956 1 155 Potentiel fiscal moyen par habitant en 2013 (en euros) 918 946 1 082 694 975 Prélèvement brut** Total en 2013 (millions d’euros) 37,7 15,7 11,3 3,9 14,7 Moyen par logement social manquant en 2013 (en euros)*** 144 161 189 116 312 Maximum moyen par logement social manquant (en euros)**** 409 342 504 323 701 Données démographiques moyennes (INSEE)***** Pourcentage de logements sociaux en 2012 (en pourcentage des résidences principales) 6,2 % 6,0 % 6,8 % 4,8 % 4,7 % Taux de propriétaires occupants en 2012 (en pourcentage des résidences principales) 68,8 % 65,5 % 73,4 % 67,9 % 69,8 % Taux de logements vacants en 2012 (en pourcentage du total des logements) 5,6 % 5,8 % 5,4 % 5,5 % 5,1 % Taux de résidences secondaires en 2012 (en pourcentage du total des logements) 8,7 % 10,1 % 2,1 % 17,8 % 9,3 % Nombre d’habitants au titre de la résidence principale 9 062 11 012 11 745 6 714 13 640 Niveau de vie des locataires du parc social par unité de consommation****** Premier quartile (en euros) (Écart en pourcentage par rapport à la moyenne nationale ou régionale) Deuxième quartile (en pourcentage) (Écart en pourcentage par rapport à la moyenne nationale ou régionale) Troisième quartile (en pourcentage) (Écart en pourcentage par rapport à la moyenne nationale ou régionale) 8 534 n.d. 13 196 n.d. 18 410 n.d. 8 220 106 % 12 729 104 % 17 720 103 % 10 156 113 % 15 853 110 % 22 311 110 % 6 877 106 % 11 367 104 % 16 095 103 % 9 338 105 % 15 181 106 % 21 249 104 %

Caractéristiques des communes carencées du bilan triennal 2011‑2013*,**,***,****,*****,******

* Communes carencées dans lesquelles le préfet s’est substitué au maire pour certaines prérogatives (octroi des permis de construire, préemption des logements et terrains, mobilisation des logements vacants) sur décision du 26 octobre 2015.
** Il s’agit d’une approximation, compte tenu des données disponibles. Le prélèvement brut est calculé comme suit : logements sociaux manquants (en 2012) x potentiel fiscal (en 2013) x 20 %.
*** Il s’agit du prélèvement brut effectivement majoré par le préfet.
**** Il s’agit du montant brut qui aurait pu être prélevé si le préfet avait appliqué la majoration maximale de 400 %.
***** Nous utilisons ici les données INSEE, lesquelles peuvent différer des données de l’inventaire SRU, du fait d’un champ de logements sociaux plus restreint (logements HLM uniquement).
****** Pour chaque quartile, les moyennes ont été pondérées par les unités de consommation des locataires du parc social des communes.
Sources : ministère du Logement ; Observatoire des territoires ; INSEE ; ministère de l’Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL), sousdirection (S/D) des finances locales, revenus fiscaux localisés des ménages ; calculs de l’auteur.

24Les communes carencées se trouvent avant tout dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) qui compte 40 % des communes carencées (tableau 1). L’Île-de-France et le Languedoc-Roussillon comptent respectivement 18 % et 14 % des communes carencées. En PACA, sur les 146 communes soumises à la loi SRU en 2011-2013, 88 sont carencées (soit 60 %). En Île-de-France, sur les 185 communes soumises à la loi SRU, 40 sont carencées (soit 21 %).

25Le taux de réalisation de l’objectif triennal est faible, en moyenne de 36 % sur l’ensemble des communes carencées (tableau 1). Il diffère assez peu du taux de réalisation observé lors des précédents bilans triennaux. Au total, les 221 communes carencées du bilan 2011-2013 ont construit 7 300 logements sociaux, tandis que les objectifs triennaux leur en avaient commandé 18 000.

26Les prélèvements en cas de non-respect de l’objectif triennal de construction de logements sociaux ont été majorés en moyenne de 78 %, alors que la loi permet une majoration pouvant aller jusqu’à 400 % (tableau 1). En fait, la majeure partie des préfets applique toujours l’ancienne règle : pour un très grand nombre de communes, la majoration du prélèvement est égale au taux de non-réalisation de l’objectif triennal (figure 1). Cependant, 6 communes ont fait l’objet d’une majoration maximale (soit 400 %) pour des pourcentages de réalisation de l’objectif triennal très différents, qui allaient en effet de 0 % à 60 %. Inversement, 5 communes dont le taux de réalisation de l’objectif triennal n’a pourtant pas dépassé 6 % n’ont pas été majorées.

Figure 1

Pourcentage de réalisation de l’objectif triennal 2011-2013 et majoration du prélèvement*

Figure 1

Pourcentage de réalisation de l’objectif triennal 2011-2013 et majoration du prélèvement*

* La pénalité va de 0 (absence de majoration) à 400 % (majoration maximale permise par la loi).
Champ : 218 communes carencées sur 221 (trois communes ayant un taux de réalisation négatif de leur objectif du fait de logements sociaux détruits ont été exclues pour des raisons de visibilité de la figure).
Source : ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité.

27En l’absence de dépenses en faveur du logement social, les communes carencées encourent un prélèvement brut d’un montant total de 37,7 millions d’euros, soit 171 000 euros en moyenne par commune carencée [14]. Cela équivaut à un prélèvement brut moyen de 144 euros par logement social manquant alors qu’une majoration maximale par les préfets aurait pu conduire jusqu’à un prélèvement brut de 409 euros par logement manquant (tableau 1).

28Les communes carencées en 2013 se caractérisent par une forte inertie en matière de non construction de logements sociaux en vue de satisfaire le quota SRU.

29 Ainsi, en Île-de-France, le pourcentage moyen de logements sociaux dans 37 communes carencées en 2013 était de 9,2 % en 2013 contre 5,9 % en 2002 (figure 2). En onze ans, elles n’ont donc augmenté leur pourcentage de logements sociaux que de 3,3 points.

Figure 2

Pourcentage de logements sociaux dans 37 villes d’Île-de-France carencées en 2013 (comparaison 2002 et 2013)*

Figure 2

Pourcentage de logements sociaux dans 37 villes d’Île-de-France carencées en 2013 (comparaison 2002 et 2013)*

* Parmi les 40 communes d’Île-de-France carencées en 2013, 3 n’étaient pas soumises à la loi SRU en 2002, d’où l’échantillon de 37 communes retenues.
Sources : ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité ; inventaire SRU.

30Une relative inertie se retrouve aussi dans les communes non carencées et soumises à l’article 55 de la loi SRU, car elles ont atteint leur objectif triennal, voire leur objectif de 20 % de logement sociaux. Par exemple, en Île-de-France, le pourcentage moyen de logements sociaux des communes non carencées en 2013, mais déjà concernées par la loi SRU en 2002, n’a augmenté que de 4,2 points en onze ans, passant de 9,6 % en 2002 à 13,8 % en 2013 (figure 3). Il est évident qu’à ce rythme de progression, même les communes non carencées n’atteindront pas leur objectif de 20 % de logements sociaux en 2022 et de 25 % en 2025.

Figure 3

Pourcentage de logements sociaux dans les 146 villes d’Île-de-France concernées par l’article 55 de la loi SRU en 2002, mais non carencées en 2013 (comparaison 2002 et 2013)

Figure 3

Pourcentage de logements sociaux dans les 146 villes d’Île-de-France concernées par l’article 55 de la loi SRU en 2002, mais non carencées en 2013 (comparaison 2002 et 2013)

Source : ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité ; inventaire SRU.

31Les communes carencées présentent, en moyenne, un taux élevé de propriétaires occupants au titre de la résidence principale supérieur de 7,5 point à celui observé pour l’ensemble des communes hors zone rurale (68,8 % contre 61,3 %) [15]. Mais s’il existe bien une corrélation négative entre le taux de réalisation de l’objectif triennal et le pourcentage de propriétaires occupants (ou celui de résidences secondaires), cette corrélation n’est pas significative aux seuils statistiques usuels [16]. De même, à l’exception de l’Île-de-France, les communes carencées présentent, en moyenne, un taux de résidences secondaires bien supérieur à celui observé pour l’ensemble des communes hors zone rurale (5 %). La présence d’un pourcentage élevé de propriétaires occupants ou de résidences secondaires dans les communes n’implique pas nécessairement que la construction de logements sociaux soit freinée, par exemple par des pressions exercées sur les élus [17].

32Le taux de logements vacants dans les communes carencées n’est pas très élevé : il est de 5,6 % en moyenne contre 6,9 % dans l’ensemble des communes hors zone rurale. La transformation de logements vacants en logements sociaux dans les communes carencées ne pourra donc véritablement constituer une manne, y compris dans les communes sous tutelle préfectorale [18].

33Les communes carencées sont plutôt des communes de petite taille, en moyenne de 9 000 habitants (tableau 1). Or, le pourcentage de logements sociaux semble en partie lié à la taille de la commune, les grandes villes ayant en moyenne une plus grande part de logements sociaux que les communes de taille plus modeste (figure 4) [19]. On peut en effet présumer que, toutes choses égales par ailleurs, la possibilité de libérer du foncier, de préempter des terrains et logements, d’inclure des logements dans les documents d’urbanisme augmente avec la taille de la commune, indépendamment de la volonté des édiles d’accueillir des logements sociaux. La non-majoration du prélèvement alors même que le taux de réalisation du bilan triennal est très faible (voir figure 1) tient compte de ces difficultés objectives à financer du logement social.

Figure 4

Part de logements sociaux dans les résidences principales (par centiles de communes*)

Figure 4

Part de logements sociaux dans les résidences principales (par centiles de communes*)

* Part moyenne de logements sociaux dans les résidences principales par centiles de communes classées par ordre décroissant du nombre d’habitants. Chaque centile comporte 365 communes et seuls les 12 premiers sont représentés.
Champ : communes françaises de France métropolitaine.
Source : INSEE, calculs de l’auteur.

34Les locataires du parc social sont généralement plus aisés dans les communes carencées que dans les autres communes de la région correspondante (tableau 1). Ceci est particulièrement vrai en Île-de-France où les locataires sociaux les plus modestes (le premier quartile) des communes carencées ont un revenu supérieur de 13 % à celui des locataires sociaux les plus modestes des autres communes. En PACA et en Languedoc-Roussillon, la différence est plus modeste, de l’ordre de 6 % pour le premier quartile. Les communes carencées auraient donc tendance à préférer des populations moins pauvres, soit en privilégiant certains types de construction de logements sociaux (voir infra), soit au moment de l’attribution des logements sociaux.

35Un focus sur les communes d’Île-de-France montre que ce sont plus généralement les communes dont le quota SRU est inférieur à 20 % qui ont tendance à préférer des locataires aisés dans leur parc social (tableau 3). À l’inverse, les communes d’Île-de France dont le quota SRU est supérieur à 20 % l’ont satisfait avec des locataires du parc social beaucoup plus modestes. L’écart de niveaux de vie est particulièrement marqué pour le premier quartile des locataires sociaux puisqu’il atteint 23 % à 24 % entre les communes franciliennes dont le quota SRU est inférieur à 20 % et celles dont le quota est supérieur à 20 % [20].

36Les communes carencées se distinguent par une répartition moins inégalitaire des revenus que l’ensemble des communes françaises : leur indice de Gini est, en moyenne, de 0,35 contre 0,36 pour l’ensemble des communes françaises (tableau 2 et encadré). La mixité sociale y est donc plus faible qu’ailleurs et ce déficit de mixité sociale est plus marqué en Languedoc-Roussillon et en PACA qu’en Île-de-France. En outre, dans les communes carencées, l’indicateur de mixité sociale imputable aux locataires sociaux est très inférieur à 1, soit la « borne » de cet indicateur, essentiellement du fait d’une part peu élevée de locataires du parc social (tableau 2 et encadré).

Tableau 2

Indicateurs de mixité sociale fondés sur les niveaux de vie*,**

Tableau 2
Total des communes carencées dont : PACA Île-de-France Langedoc-Roussillon Communes sous tutelle préfectorale Indice de Gini 0,350 0,346 0,373 0,343 0,370 Écart en pourcentage par rapport à la moyenne nationale ou régionale** -3,10 % -8,60 % -3,30 % -10,50 % 2,50 % Pour information : moyenne nationale ou régionale** 0,361 0,378 0,385 0,383 0,361 Niveaux de revenu troisième quartile (tous ménages)/ premier quartile (parc social) 4,0 3,6 4,3 4,1 4,2 X Pourcentage de locataires du parc social dans le total des ménages (en UC) 6,4 % 5,9 % 6,4 % 4,9 % 5,0 % = Mixité sociale imputable aux locataires du parc social 0,26 0,21 0,27 0,2 0,21

Indicateurs de mixité sociale fondés sur les niveaux de vie*,**

* Communes carencées mises sous tutelle préfectorale en octobre 2015.
** Moyenne nationale pour l’ensemble des communes carencées et pour les communes sous tutelle préfectorale.
Source : Revenus fiscaux localisés des ménages, 2011, INSEE ; calculs de l’auteur.

37Les communes dont le maire a été élu sous une étiquette politique de droite en 2008 représentent 61 % des communes carencées en 2013 contre 27 % pour les étiquettes de gauche (figure 5A). Les communes de droite carencées sont donc clairement surreprésentées par rapport à leur poids dans l’ensemble des communes élues en 2008 [21]. Cependant, la surreprésentation des communes de droite s’estompe largement dès lors que l’on ne considère que les communes où le taux de réalisation de l’objectif triennal a été nul, voire négatif du fait de destructions de logements sociaux (45 % d’étiquettes de droite et 39 % d’étiquettes de gauche ; figure 5B). La couleur politique des communes sous tutelle préfectorale confirme que les plus mauvais élèves en matière de construction de logements sociaux ne se trouvent pas uniquement à droite de l’échiquier politique (figure 5C).

Figure 5A

Couleur politique* du maire dans les communes carencées

Figure 5A

Couleur politique* du maire dans les communes carencées

* Fondée sur la couleur politique du maire à l’issue des élections municipales de 2008.
Champ : ensemble des communes carencées en 2013, 222 communes.
Sources : Wikipédia et L’Internaute.
Figure 5B

Couleur politique* des communes dont le taux de réalisation de l’objectif triennal 2011-2013 a été nul, voire négatif

Figure 5B

Couleur politique* des communes dont le taux de réalisation de l’objectif triennal 2011-2013 a été nul, voire négatif

* Fondée sur la couleur politique du maire à l’issue des élections municipales de 2008.
Champ : 36 communes.
Sources : Wikipédia et L’Internaute.
Figure 5C

Couleur politique* des communes sous tutelle préfectorale en 2015

Figure 5C

Couleur politique* des communes sous tutelle préfectorale en 2015

* Fondée sur la couleur politique du maire à l’issue des élections municipales de 2014.
Champ : 36 communes.
Sources : Wikipédia et L’Internaute.

38Les communes sous tutelle préfectorale se distinguent essentiellement des autres communes carencées par un pourcentage de logements sociaux plus faible (4,7 % contre 6,2 % pour l’ensemble des communes carencées) ce qui, conjugué à un potentiel fiscal un peu plus élevé (975 € contre 918 €) et à un taux de majoration supérieure (148 % contre 78 %), se traduit par un prélèvement brut par logement social beaucoup plus élevé (312 € contre 144 €). La mise sous tutelle préfectorale de ces communes et les mesures coercitives qu’elle induit pour construire du logement social se justifient par l’impact insuffisant des mesures incitatives sur la construction de logements sociaux dans ces communes. Très souvent, en effet, ces communes sont des récidivistes du constat de carence [22].

Tableau 3

Niveau de vie des locataires du parc social francilien par quartile*

Tableau 3
Positionnement des communes par rapport au quota SRU en € Moyenne Île-de-France Quota SRU > à 20 % Quota SRU < à 20 % Non carencées Carencées Q1 8 977 € 8 056 € 10 237 € 10 156 € Q2 14 372 € 13 153 € 15 290 € 15 853 € Q3 20 255 € 19 332 € 20 979 € 22 311 € en pourcentage de la moyenne Île-de-France Quota SRU > à 20 % Quota SRU < à 20 % Non carencées Carencées Q1 100 % 90 % 114 % 113 % Q2 100 % 92 % 106 % 110 % Q3 100 % 95 % 104 % 110 %

Niveau de vie des locataires du parc social francilien par quartile*

* Données pour 2010. L’échantillon Île-de-France est constitué de 484 communes pour lesquelles les données sont disponibles, celui des Quotas SRU > à 20 % est constitué de 194 communes, celui des Quotas SRU < à 20 % est constitué de 162 communes (dont 34 communes carencées). Pour chaque quartile, les moyennes sont pondérées par les unités de consommation (UC) des locataires du parc social des communes.
Source : Revenus fiscaux localisés des ménages, 2011, INSEE ; calculs de l’auteur.

Bilan au niveau national

39 Le bilan est un peu moins désespérant au niveau national. Les quinze dernières années se caractérisent par une reprise plutôt forte du financement de logements sociaux et in fine de leur mise en service, stoppant net la baisse observée à partir du milieu des années 1990 (figure 6).

Figure 6

Nouvelles mises en service de logements sociaux (hors démolitions et acquisitions)

Figure 6

Nouvelles mises en service de logements sociaux (hors démolitions et acquisitions)

Source : INSEE, ministère du Logement et de l’Habitat durable.

40 Pour autant, les communes soumises à l’obligation de rattrapage dans le cadre de la loi SRU ont réalisé moins de 40 % de cette offre de nouveaux logements sociaux (Chapelon et Schmit, 2011). Les 60 % restants sont essentiellement le fait de communes dont le taux de logements sociaux est au-delà (et dans certains cas, très au-delà) du quota de 20 %.

41 Du fait de ces deux mouvements (relative atonie de la construction dans les communes en obligation de rattrapage et poursuite du dynamisme dans celles ayant déjà atteint leur quota), la répartition des logements sociaux entre les communes a assez peu évolué au cours des quinze dernières années, et leur concentration spatiale reste forte. Par exemple, la courbe de Lorenz pour les communes d’Île-de-France soumises à la loi SRU montre que les 20 % des plus grandes communes (soit 80 communes sur 405) accueillaient 70,5 % des logements sociaux de la région en 2012 (figure 7). Une concentration équivalente des logements sociaux en Île-de-France était déjà observée en 2007. La courbe de Lorenz théorique, qui postule que toutes les communes d’Île-de-France disposaient de 20 % de logements sociaux en 2012, montre une répartition un peu moins concentrée des logements sociaux, avec les 20 % des plus grandes communes comptabilisant 65,5 % de la masse des logements. Cette courbe de Lorenz a été construite en diminuant le nombre de logements sociaux dans les communes dépassant le quota des 20 %. Notre idée, en effet, est que lorsque les logements sociaux représentent plus de 40 % ou 50 % des logements sur un territoire communal, ils ne remplissent plus leur rôle en termes de mixité sociale, même s’ils constituent une offre de logements pour les ménages les plus modestes.

Figure 7

Répartition des logements sociaux en Île-de-France en 2012 (courbe de Lorenz observée et théorique*)

Figure 7

Répartition des logements sociaux en Île-de-France en 2012 (courbe de Lorenz observée et théorique*)

* Du fait de tailles de communes très différentes, la diagonale ne peut constituer la norme à atteindre. La norme est ici la courbe de Lorenz que l’on observerait si toutes les communes comptaient 20 % de logements sociaux, dite « courbe de Lorenz théorique ».
Champ : 405 communes d’Île-de-France soumises à l’article 55 de la loi SRU (hors communes avec contraintes d’inconstructibilité).
Sources : ministère du Logement ; Observatoire des territoires ; INSEE ; calculs de l’auteur.

42 La reprise de la construction de logements sociaux au niveau national au cours des quinze dernières années doit cependant être relativisée au regard des évolutions démographiques. En effet, la part des ménages locataires du parc social n’a pas augmenté, elle a même baissé d’un petit point de pourcentage depuis 1995, pour se stabiliser à un peu moins de 19 % (figure 8). L’offre de nouveaux logements sociaux depuis le milieu des années 2000 suit donc peu ou prou la croissance des nouveaux ménages.

Figure 8

Ménages locataires du parc social (en pourcentage du total des ménages de France métropolitaine)

Figure 8

Ménages locataires du parc social (en pourcentage du total des ménages de France métropolitaine)

Source : Compte du logement.

43 Le dynamisme démographique constitue un facteur explicatif important des difficultés objectives de certaines communes à atteindre leur quota de 20 % de logements sociaux.

Les stratégies proactives et de contournement

44 Afin de satisfaire leur objectif en matière de construction de logements sociaux, un certain nombre de communes se sont engagées dans des stratégies proactives, dont la forme la plus manifeste a été la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA). Tandis que dans le cas d’une construction traditionnelle, le bailleur social est le maître d’ouvrage, dans le cas de la VEFA, un promoteur privé vend une partie des logements à construire de son programme immobilier au bailleur social. La VEFA présente un certain nombre d’avantages. Elle permet de réduire le temps de financement, de construction et de livraison des logements sociaux. Plus en amont, elle permet de réduire la concurrence sur les disponibilités foncières lorsque celles-ci sont faibles, tout en garantissant la mixité sociale. Enfin, la VEFA permet de prétendre à la mise en chantier d’au moins 30 % de logements sociaux dans le total des constructions nouvelles, ce qui, en retour, peut permettre à la commune d’échapper à la majoration du prélèvement. Cependant, au regard de la satisfaction du quota SRU de 20 %, la VEFA ne permet que de combler marginalement le retard : c’est la construction de logements dans son ensemble qui est stimulée et pas seulement celle de logements sociaux. Malgré cet inconvénient et du fait de ses autres avantages, la part de logements sociaux neufs réalisés en VEFA est passé d’un peu plus de 6 % en 2005 à presque 40 % en 2014 (SISAL, 2015).

45 Dans les communes soumises à la loi SRU, 50 % des logements sociaux ont bénéficié d’un financement PLUS et 28 % d’un financement prêt locatif social (PLS) sur la période 2002-2014. Les 22 % restant sont des logements sociaux ayant bénéficié d’un financement PLAI [23]. Dans la mesure où les logements de type PLUS et PLS sont inaccessibles aux ménages à faibles ressources du fait des montants de loyer (et de l’absence d’aides au logement dans le cas des PLS), le recours à ces deux types de financement dans près de 80 % des cas a, certaines fois, été interprété comme un détournement de la loi. Tout du moins, la préférence forte de certaines communes à financer des logements PLS plutôt que PLAI a-t-elle été interprétée comme un arrangement au regard de l’objectif de mixité sociale inscrit dans la loi. Dans le même ordre d’idée, la taille des logements sociaux a pu être utilisée pour exclure l’accueil de certains types de ménages (p. ex. familles monoparentales versus familles nombreuses).

46 Les stratégies de contournement clairement établies et, certaines fois, clairement assumées ont consisté à préférer payer le prélèvement plutôt qu’à financer des logements sociaux. Encore moins glorieux, certaines communes ont modifié les documents d’urbanisme de façon à ne plus être en mesure de construire des logements sociaux (p. ex. déclassement de zones à urbaniser en zones nécessitant une protection environnementale), sans compter les atermoiements dans la finalisation d’un document d’urbanisme. Cependant, ces stratégies de contournement constituent plutôt des exceptions que la règle.

Conclusion : l’article 55 de la loi SRU est-il utile ?

47 Si l’on s’en tient aux deux études récentes qui ont tenté d’isoler l’impact spécifique de la loi SRU sur la production de logements sociaux dans les communes en obligation de rattrapage, la réponse est ambiguë.

48 D’un côté, Vignolles (2014) compare, à caractéristiques communales identiques, la production de logements sociaux dans les communes soumises à la loi SRU et dans celles non soumises à la loi [24]. Il trouve que la loi SRU explique près de la moitié des évolutions observées en termes de logements sociaux dans les communes soumises à la loi. En d’autres termes, sans l’article 55, la production de logements sociaux aurait été réduite à peau de chagrin dans un grand nombre de communes en obligation de rattrapage et, en premier lieu, dans les communes carencées.

49 D’un autre côté, Bono et al. (2013) trouvent que la loi SRU a bien eu un impact positif sur la production de logements sociaux dans les communes soumises à l’article 55, mais que cet impact est faible. Pour une période quadriennale (c’est-à-dire le laps de temps qui s’écoule, selon les auteurs, entre le financement et la mise en location d’un logement social), le gain de production de logements sociaux est estimé à 0,35 point de pourcentage, soit l’équivalent de 40 logements sociaux pour une ville de 20 000 habitants. Selon les estimations de Bono et al., la loi SRU aurait donc eu une efficacité toute relative. Les auteurs n’en concluent pas pour autant que « la loi SRU n’est pas utile ». En effet, Bono et al. cherchent avant tout à illustrer la difficulté à mener des évaluations contrefactuelles dans le cas précis de la loi SRU. Notamment, ils montrent que les méthodes qui n’utilisent pas, pour les communes soumises à la loi SRU, leur histoire passée en termes de production de logements sociaux tendent à surestimer l’impact subséquent de la loi SRU. L’idée est qu’avant la loi SRU, chaque commune se caractérisait déjà par un certain comportement et un certain dynamisme à l’égard du logement social et que cette histoire propre à la commune doit être utilisée pour réaliser l’évaluation contrefactuelle. Le fait que 60 % à 70 % de la production de logements sociaux au cours des quinze dernières années aient été réalisés par des communes non soumises à l’obligation de rattrapage confirme que les communes construisent des logements sociaux indépendamment d’une loi qui les y oblige.

50 Soulignons que, dans les zones tendues, même si la construction de logements sociaux est restée en deçà de ce qu’exigeait la loi, cette nouvelle offre de logements à loyer modéré a constitué une opportunité pour les ménages modestes qui, sinon, auraient dû se loger dans le parc privé à un prix plus élevé ou résider dans des communes à un moindre coût de l’immobilier. Il est important de garder à l’esprit que l’article 55 de la loi SRU entre en application au début des années 2000, soit au moment où la croissance des ménages français (pour des raisons de démographie pure et de décohabitation) exerce des pressions à la hausse sur les marchés immobiliers et, en amont, sur les marchés fonciers. Nul doute que sans la loi SRU et l’obligation (certes, plus ou moins respectée) de construire des logements sociaux, le prix du logement en France aurait été encore plus élevé. Nul doute non plus que la mixité sociale au sein des communes françaises aurait été encore moins forte, le seul jeu du marché (i.e. sans intervention publique) conduisant à la ségrégation sociale [25].

51 De façon plus générale, l’utilité de l’article 55 de la loi SRU tient à son fort effet pédagogique auprès des élus et de leurs électeurs. Chapelon et Schmit (2011) remarquent que la loi SRU est devenue un enjeu des élections municipales en 2008, suscitant de nombreux débats pré-électoraux quant au prélèvement ressenti de plus en plus comme une pénalité, voire une taxe. La montée en puissance des dépenses déduites (subventions foncières, moins-value sur les terrains et communes préemptés, etc.) témoigne de cette prise de conscience de la nécessité de construire des logements sociaux : sur l’ensemble des communes soumises à l’obligation de rattrapage, les dépenses déduites représentent 60 % du prélèvement brut depuis 2008 (contre 47 % au titre du bilan triennal 2005-2007). Même dans les communes les plus récalcitrantes à l’accueil de logements sociaux, la nécessité de construire du logement social fait son chemin, souvent à grand renfort de médiatisation des cas les plus extrêmes. Dans ces communes, la mise sous tutelle préfectorale aide à prendre conscience de la nécessité de participer à la mixité sociale.

52 Pour autant, satisfaire un quota de 25 % de logements sociaux à l’horizon de 2025 risque de relever de la gageure pour certaines communes en obligation de rattrapage, y compris parmi celles qui sont favorables à l’accueil des locataires du parc social. De fait, 5 points supplémentaires de logements sociaux dans un horizon plus long de seulement trois ans constitue une marche probablement difficile à monter pour bon nombre de communes [26]. Évidemment, toutes choses égales par ailleurs, plus le taux de logements sociaux de la commune est initialement faible, plus la difficulté sera grande. Mais la difficulté sera également présente pour des communes proches des 20 %, notamment en zones tendues, où le foncier se fait de plus en plus rare et où le taux de construction global a déjà été soutenu au cours des quinze dernières années. Au prélèvement que les communes en obligation de rattrapage devront payer et/ou aux dépenses qu’elles devront engager en faveur du logement social s’ajouteront des dépenses en équipements publics (établissements scolaires, services sociaux, etc.) pour accueillir cette nouvelle population. Ces dépenses en équipements publics, difficilement chiffrables, tant les situations sont différentes d’une commune à l’autre, peuvent représenter une difficulté supplémentaire à l’accueil des locataires du parc social (voir le cas de Neuilly-sur-Seine dans l’annexe). Au total, les dépenses directement imputables à la construction de logements sociaux, en sus de celles plus indirectes en termes d’équipements publics, peuvent avoir des conséquences non négligeables sur la fiscalité locale ainsi que sur la charge de cette fiscalité locale, la contribution des locataires du parc social à l’impôt étant moindre relativement à celles des autres habitants. Mais c’est le prix de la solidarité nationale.

Annexe

Études de cas : Carry-le-Rouet et Neuilly-sur-Seine

53 Les études de cas qui suivent cherchent à établir les raisons qui amènent certaines communes à respecter ou non leur obligation de constructions de logements sociaux. In fine, il s’agit aussi de comprendre pourquoi certaines communes sont mises sous tutelle préfectorale alors que d’autres, présentant a priori des caractéristiques identiques, ne le sont pas. L’exercice n’est pas simple, il est fondé sur l’examen de données quantitatives (données de l’INSEE, de l’Observatoire des territoires) ou qualitatives (examen des programmes locaux de l’habitat (PLH), des recours auprès des commissions nationales, journaux). Il a été réalisé aussi objectivement que possible.

54 Nous avons considéré plus particulièrement le cas de deux communes : Carry-le Rouet et Neuilly-sur-Seine. Toutes deux font partie des 36 communes carencées sous tutelle préfectorale depuis octobre 2015 : le préfet s’est substitué au maire pour les prérogatives d’octroi des permis de construire, de préemption des logements et de terrains, de mobilisation des logements vacants en vue d’y permettre l’implantation de logements sociaux.

Carry-le-Rouet

55 Carry-le-Rouet est une commune littorale des Bouches-du-Rhône en région PACA. Considérant une batterie d’indicateurs, nous avons comparé Carry-le-Rouet à ses deux communes limitrophes (Sausset-les-Pins à l’ouest, Ensuès-la-Redonne à l’est) ainsi qu’à Le Rove qui jouxte Ensuès-la-Redonne à l’est (figure 1). Notons dès maintenant que les deux communes limitrophes de Carry-le-Rouet n’ont pas fait l’objet d’une mise sous tutelle préfectorale en octobre 2015, malgré des taux de réalisation de l’objectif triennal faibles (Ensuès-la-Redonne) voire nuls (Sausset-les-Pins). Le Rove, à l’inverse, a très largement rempli son objectif triennal (tableau 1).

Figure 1

Carte présentant Carry-le-Rouet et ses communes avoisinantes

Figure 1

Carte présentant Carry-le-Rouet et ses communes avoisinantes

Tableau 1
Tableau 1
Sausset-les-Pins Carry-le-Rouet Ensuès-la-Redonne Le Rove Décisions préfectorales et nationales Constat de carence au titre du bilan 2011-2013 Oui Oui Oui Non Majoration du prélèvement au titre du bilan triennal 2011-2013 100 % 36 % 67 % Ne s’applique pas Mise sous tutelle préfectorale en octobre 2015 Non Oui Non Ne s’applique pas Objectifs et bilans triennaux depuis 2008 Objectif triennal 2008-2010 (unités) 96 88 57 42 Bilan triennal 2008-2010 (unités)* 43 23 0 67 Taux de réalisation de l’objectif triennal 2008-2010 45 % 26 % 0 % 160 % Objectif triennal 2011-2013 (unités) 83 73 64 45 Bilan triennal 2011-2013 (unités)* 0 23 21 147 Taux de réalisation de l’objectif triennal 2011-2013 0 % 32 % 33 % 327 % Objectif triennal 2014-2016 (unités) 71 185 131 96 Taux de réalisation prospectif** 97 % 35 % 54 % 41 % Indicateurs liés à l’urbanisme et à la construction de logements Part du territoire en zones naturelles d’intérêt écologique*** 76,6 % 64,1 % 84,8 % 87,9 % Risques naturels tels que publiés au Journa l Officiel 11 4 11 13 Logements neufs livrés sur 2008-2013 (unités) 116 98 73 88 (en pourcentage des nouveaux logements sociaux)**** 37 % 47 % 29 % 243 % Logements neufs livrés sur 2008-2010 (unités) 26 39 42 51 (en pourcentage des nouveaux logements sociaux)**** 165 % 59 % 0 % 131 % Logements neufs livrés sur 2011-2013 (unités) 90 59 31 37 (en pourcentage des nouveaux logements sociaux)**** 0 % 39 % 68 % 397 % Indicateurs démographiques et résidentiels Nombre d’habitants 7 655 6 053 5 365 4 557 Pourcentage de logements sociaux en 2013 (inventaire SRU)* 2,7 % 0,8 % 0,0 % 8,1 % Pourcentage de résidences secondaires en 2012 23,9 % 26,1 % 14,8 % 6,8 % Pourcentage de propriétaires occupants en 2012 68,2 % 69,5 % 76,5 % 68,6 % Pourcentage de logements vacants en 2012 4,5 % 4,5 % 5,4 % 5,2 % Évolution de la part des logements vacants entre 1999 et 2012 +0,2 point -0,2 point +3,6 point +2,4 point Indicateurs économiques (en 2012) Part d’emploi dans l’industrie 5,5 % 5,5 % 9,8 % 15,0 % Part d’emploi dans le tertiaire 87,7 % 88,1 % 79,9 % 73,4 % Indicateurs fiscaux (en 2013) Potentiel financier par habitant en euros 813,7 1380,8 860,8 853,4 Part des ménages non imposés 25,6 % 24,6 % 25,3 % 32,0 % Indicateurs politiques Étiquette politique du maire depuis 2008***** UMP/LR UMP/LR DVG PCF
Tableau 1
Sausset-les-Pins Carry-le-Rouet Ensuès-la-Redonne Le Rove Déclarations des élus Les établissements scolaires sont à leur capacité maximale. Existence d’une taxe sur les logements vacants. Usage du droit de préemption. Étude d’un certain nombre de projets de construction. Les capacités constructives de la commune sont atteintes. Prélèvement annuel au titre de la loi SRU (depuis 2014)****** Total, en euros 221 471 387 927 128 364 37 309 Par habitant, en euros 29 61 24 8 En pourcentage des impôts communaux 4,7 % 6,1 % 3,3 % 1,6 %
*,**,***,****,*****,******
* Il s’agit des logements sociaux financés (i.e. ils ne sont donc pas forcément offerts à la location).
** Fondé sur le Programme local de l’habitat de Marseille-Provence Métropole (PLH de MPM, 2012-2018). Version au 5/12/2014.
*** Plus précisément, il s’agit de la part des zones naturelles d’intérêts écologique, faunistique et floristique de type 2. La moyenne pour le département des Bouches-du-Rhône est de 49,7 % et la moyenne pour la France est de 24,5 %.
**** Cette part peut être supérieure à 100 %, puisque des logements sociaux ne sont pas forcément des logements neufs. Il peut s’agir de résidences principales ou secondaires, de logements vacants, transformés en logements sociaux. En outre les logements sociaux du décompte SRU sont des logements financés (voir note *). Cet indicateur renseigne sur l’importance des constructions neuves relativement aux nouveaux logements sociaux (neufs, résultant de conversion du parc privé ou seulement financés).
***** Maires sortants, tous réélus en 2014.
****** Les prélèvements brut et net sont équivalents.
Sources : INSEE ; Observatoire des territoires ; PLH de MPM ; ministère du Logement et de l’Habitat durable.

56 Les quatre communes en question sont dans l’obligation de respecter la loi Littoral. Elles appartiennent aussi au réseau Natura 2000, ce qui les contraint à protéger leurs sites naturels. Ce sont des communes dites « loi DALO », laquelle, depuis 2007, élargit le champ d’application de la loi SRU aux communes de plus de 3 500 habitants appartenant à une intercommunalité [27]. Elles sont soumises au même préfet de département, lequel dressait jusqu’en 2013 les éventuels constats de carence. Des différences de pratiques entre préfets ne peuvent donc être avancées pour expliquer les différences de traitement des quatre communes en termes de majoration des pénalités et de mise sous tutelle préfectorale (tableau 1) : les différences doivent être cherchées ailleurs et, en premier lieu, dans la difficulté objective ou non à construire du logement social.

57 Nous avons considéré des indicateurs qui nous semblent pertinents au regard de notre problématique, sachant que la question foncière, le prix des terrains notamment, n’a pu être chiffrée précisément faute de données disponibles suffisantes.

58 Au regard de ces indicateurs, dont seule une partie est reportée dans le tableau 1, Carry-le-Rouet se distingue des trois autres communes par trois éléments essentiels :

  • un potentiel financier très largement supérieur (1 380 euros contre moins de 860 euros pour les autres communes) ;
  • un nombre de risques naturels déclarés au Journal Officiel bien plus faible (4 contre 11 ou 13) ;
  • un pourcentage du territoire classé en zone naturelle moins élevé (64 % contre plus de 76 % pour les trois autres communes) ;

59 En toute vraisemblance, la combinaison de ces facteurs a conduit à la mise sous tutelle préfectorale de Carry-le-Rouet et non par exemple de Sausset-les-Pins, dont le taux de réalisation de l’objectif triennal 2011-2013 a pourtant été nul. L’argument du coût du foncier avancé par le maire de Carry-le-Rouet (PLH, 2012-2018) pour justifier la faible performance de la commune en matière de logements sociaux n’a pas dû sembler recevable eu égard au potentiel financier par habitant. Certes, dans cette zone, les prix du foncier sont particulièrement élevés, mais Carry-le-Rouet ne se distingue pas vraiment des autres communes citées en la matière. Le faible nombre de risques naturels à Carry-le-Rouet relativement aux quatre autres communes, conjugué à un plus faible pourcentage du territoire en zone naturelle, devrait constituer un élément facilitant pour y construire des logements. Et de fait, à Carry-le-Rouet, une centaine de logements neufs ont été livrés sur la période 2008-2013, mais les logements sociaux n’en ont représenté que 47 %. Surtout, la présentation en prévision d’un taux de réalisation de l’objectif triennal 2014-2016 d’à peine 35 % pour Carry-le-Rouet, alors que le contexte urbanistique lui est relativement plus favorable que dans les communes voisines, a vraisemblablement amené les autorités à mettre la commune sous tutelle préfectorale en octobre 2015. À l’inverse, Sausset-les-Pins et Ensuès-la-Redonne, avec des taux prospectifs de réalisation de l’objectif 2014-2016 de respectivement 97 % et 54 %, ont échappé à la mise sous tutelle préfectorale [28]. D’autres éléments ont dû jouer en faveur de Sausset-les-Pins et d’Ensuès-la-Redonne. Le maire d’Ensuès-la-Redonne a fait montre d’un certain usage de son droit de préemption. De plus, les élus de la commune ont étudié plusieurs projets de construction, même si certains ont été abandonnés. Le maire de Sausset-les-Pins a, pour sa part, souligné qu’une forte augmentation de la population et du nombre de logements sur le territoire communal entraînerait une carence en termes d’établissements scolaires, les capacités maximales ayant été atteintes dans les écoles maternelles et primaires. Dans le PLH 2012-2018 que nous avons utilisé pour établir cet exercice comparatif, nous n’avons pas trouvé d’obstacles objectifs à la réalisation de logements sociaux sur la commune de Carry-le-Rouet. Un prélèvement de 61 € par habitant depuis 2014 semble être le prix que les électeurs et les élus acceptent de payer en vue de ne pas satisfaire la loi SRU. Au total, le prélèvement de 387 927 euros en 2014 a représenté 6,1 % des impôts de la commune de Carry-le-Rouet (tableau 1).

60 Il est intéressant de noter qu’à l’inverse des trois autres communes considérées, Le Rove a très largement dépassé ses objectifs triennaux sur l’exercice 2011-2013 et aussi sur l’exercice 2008-2010, les taux de réalisation ayant été respectivement de 160 % et 327 %. Avec une part d’emploi industriel de 15 % et un pourcentage de résidences secondaires inférieur à 7 % (tableau 1), Le Rove se caractérise par une sociologie différente, plus à même de souhaiter – sinon d’accepter – la présence de logements sociaux sur son territoire. Son maire, communiste, souligne toutefois que Le Rove a vraisemblablement atteint ses limites en matière de capacités constructives de logements, y compris sociaux. En prévision, le taux de réalisation de l’objectif 2014-2016, fondé sur les déclarations de projets de la municipalité, n’est pas très élevé (41 %). Selon son maire, le principal problème de Le Rove est que 87 % du territoire est protégé, ce qui en limite l’urbanisation.

61 À l’issue du prochain bilan triennal, il sera intéressant d’observer si d’une part Carry-le-Rouet accueille bien davantage de logements sociaux depuis sa mise sous tutelle préfectorale et si d’autre part Le Rove continue toujours à satisfaire son objectif triennal [29].

Neuilly-sur-Seine

62 Nous comparons ici Neuilly-sur-Seine à Versailles, soit une autre ville résidentielle de l’Île-de-France. Les deux villes sont riches et figurent parmi les dix premières communes françaises en termes d’assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

63 À côté de Versailles, la commune de Neuilly-sur-Seine fait clairement figure de mauvaise élève en matière de respect de la loi SRU : son taux de logements sociaux s’est élevé à 5,6 % en 2014 contre 18,2 % à Versailles (tableau 2). En outre, à l’issue de chaque bilan triennal, Neuilly-sur-Seine a systématiquement fait l’objet d’un constat de carence, à l’inverse de Versailles. Le point important à noter est qu’au moment de l’entrée en vigueur de la loi SRU, Versailles disposait déjà d’un taux de logement social élevé : en 2002, il était de 16 % (contre 2,3 % à Neuilly-sur-Seine). Ce chiffre, élevé, témoigne d’une appétence à – sinon de la nécessité de – doter la commune de logements à loyer modéré pour y accueillir les personnels liés à l’activité administrative et judiciaire d’une part, et à l’activité militaire d’autre part. À l’inverse, les activités économiques de Neuilly nécessitent dans une moindre mesure d’y loger des personnels des classes les plus modestes. Les ouvriers et les employés représentent 27 % des emplois à Neuilly-sur-Seine contre 40,3 % à Versailles, une partie de la différence de 13 points s’expliquant par des emplois liés au domaine public beaucoup plus élevés à Versailles qu’à Neuilly-sur-Seine (tableau 2). Notons qu’au-delà de cette appétence ou nécessité de réaliser des logements sociaux, Versailles a bénéficié d’un facteur facilitant pour augmenter son taux de logements sociaux : son nombre de résidences principales a décru plus fortement que celui de Neuilly-sur-Seine (i.e. quand le dénominateur baisse, le taux de logements sociaux augmente).

Tableau 2
Tableau 2
Neuilly-sur-Seine Versailles Données démographiques et résidentielles Nombre d’habitants en 2012 62 021 85 424 Nombre de logements sociaux en 2014 (inventaire SRU) 1 697 6 827 Taux de logements sociaux en 2002 23 % 16,0 % Taux de logements sociaux en 2005 26 % 16,4 % Taux de logements sociaux en 2008 32 % 17,3 % Taux de logements sociaux en 2011 43 % 17,6 % Taux de logements sociaux en 2014 56 % 18,2 % Progression moyenne du taux de logements sociaux entre 2 bilans triennaux +0,83 point +0,56 point Nombre de résidences principales en 2007 29 713 37 093 Nombre de résidences principales en 2012 29 653 36 407 Croissance du nombre de résidences principales entre 2007 et 2012 (en pourcentage) -0,20 % -1,8 % Évolution du nombre de résidences principales entre 2007 et 2012 (unités) -60 -686 Équipements éducatifs Garde d’enfants préscolaires (unités) 12 25 Écoles maternelles (unités) 3 17 Écoles élémentaires (unités) 15 29 Collèges (unités) 8 7 En pourcentage de la population âgée de 0 à 14 ans 0,36 % 0,49 % Équipements sportifs et culturels Unités 44 71 En pourcentage de la population totale 0,071 % 0,082 % Données socio-économiques Pourcentage d’emplois ouvriers et employés 27,1 % 40,3 % Pourcentage d’emplois liés au domaine public 8,9 % 44,2 % Pourcentage de résidents en activité qui travaillent dans la commune 26,5 % 33,8 % Niveaux de vie des locataires du parc social par quartile (en 2011) En euros, Q1 11 767 12 378 En euros, Q2 20 758 18 347 En euros, Q3 31 545 24 749 En écart par rapport à la moyenne des locataires du parc social en Île-de-France, Q1 131 % 138 % En écart par rapport à la moyenne des locataires du parc social en Île-de-France, Q2 144 % 128 % En écart par rapport à la moyenne des locataires du parc social en Île-de-France, Q3 156 % 122 % Prélèvement annuel au titre de la loi SRU Brut, total, en euros 4 151 607 600 442 Brut, par habitant en euros 67 7 Brut, en pourcentage des impôts communaux 7,3 % 1,1 % Net, en euros 0 0
Sources : INSEE ; ministère du Logement et de l’Habitat durable ; Observatoire des territoires ; INSEE : données de population, d’emploi, de revenus fiscaux localisés, d’équipements communaux.

64 La commission nationale de l’article 55, saisie en 2015 pour aménager l’objectif triennal 2014-2016 de Neuilly-sur-Seine, a fait valoir plusieurs raisons pour justifier son refus d’aménager l’objectif [30] :

  • la forte vacance, estimée à environ 500 logements ;
  • l’inadéquation entre les logements sociaux proposés et la demande constatée, avec un nombre insuffisant de logements PLAI pour accueillir les plus modestes et de logements de petite taille pour accueillir les ménages isolés et les familles monoparentales ;
  • un usage insuffisant du droit de préemption dans l’habitat diffus ;
  • l’absence de réflexion sur la morphologie du bâti existant et sur les possibilités de la faire évoluer, eu égard à la forte densité observée sur la commune ;
  • l’absence d’exploitation des opportunités foncières avec l’État et des possibilités de conventionnement avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

65 Parmi l’argumentaire du maire figurent :

  • le faible dynamisme de la construction locale (80 logements commencés par an dont 80 % dédiés au parc social, ce qui rend hors de portée l’objectif triennal 2014-2016 de 1 544 logements sociaux) ;
  • le prix élevé au mètre carré des logements, ce qui rend difficile l’équilibre financier des opérations des bailleurs sociaux ;
  • le faible taux d’équipements publics de la commune.

66 Concernant la faible construction de logements sociaux de type PLAI, il est intéressant de constater que cette critique faite à l’encontre de Neuilly-sur-Seine s’applique aussi à Versailles. Si, sur la période 2009-2014, les PLAI n’ont représenté à Neuilly-sur-Seine que 11 % des logements sociaux agréés, ils n’en ont pas représenté plus de 15 % à Versailles sur la période 2006-2011. Certes, l’échantillon temporel est différent, mais il est suffisant pour illustrer que, dans les deux communes, le logement social ne s’adresse pas aux ménages les plus nécessiteux : leur taux de PLAI est très en deçà de la moyenne nationale (22 %). Une dernière statistique va dans le même sens : les niveaux de vie des locataires du parc social à Neuilly-sur-Seine et à Versailles sont très supériurs à ceux du parc francilien, entre 22 % et 56 % plus élevés selon les quartiles et les communes (tableau 2).

67 Le faible taux d’équipements publics de Neuilly-sur-Seine mérite attention, car en cas d’accroissement du nombre de logements sociaux, la commune devra aussi accroître ses équipements. Notamment, les écoles maternelles et élémentaires publiques pourraient se révéler très insuffisantes pour accueillir les jeunes enfants dont les parents sont locataires du parc social (tableau 2).

68 Dans le cas de Neuilly-sur-Seine, comme dans le cas de toutes les communes mises sous tutelle préfectorale, il sera intéressant de constater à l’issue du prochain bilan triennal si les performances en matière d’accueil de logements sociaux ont été substantiellement améliorées du fait de l’action du préfet de région plutôt que de celle du maire. Il est d’ores et déjà intéressant de noter que Neuilly-sur-Seine ne paiera pas le prélèvement d’un montant de 3,6 millions d’euros, puisque des dépenses en faveur du logement social d’un même montant (soit l’équivalent de 7,3 % des impôts communaux) ont été engagées sur le territoire communal. Mentionnons aussi le fait que le maire de Versailles, dont le volontarisme en termes d’accueil de logements sociaux ne fait pas de doute, souligne la difficulté de satisfaire un quota de 25 % : pour sa commune, cela impliquera des dépenses supplémentaires qui équivaudront à 4 points d’impôts communaux (contre 1 point actuellement).

Notes

  • [1]
    L’auteur tient à remercier les deux rapporteurs anonymes ainsi que les coordinateurs de ce numéro spécial de la Revue française des affaires sociales pour leurs remarques et commentaires avisés sur une précédente version de ce texte. Le présent texte n’engage cependant que son auteur.
  • [2]
    La loi SRU comporte des dispositions autres que celle relative aux quotas de logements sociaux. Le présent texte ne traite que de l’article 55 relatif au logement social.
  • [3]
    Ce texte reprend des éléments déjà contenus dans « La loi SRU et les quotas de logements sociaux : 15 ans après, quel bilan ? », Note de l’OFCE, n° 54, 14 décembre 2015.
  • [4]
    Le potentiel fiscal est constitué des trois taxes « ménages » et de la cotisation foncière des entreprises.
  • [5]
    Voir l’encadré qui définit et propose deux indicateurs de la mixité sociale.
  • [6]
    Les statistiques qui suivent se réfèrent à l’année 2006. Elles sont données à titre illustratif pour fournir au lecteur un instantané de la composition du parc social au moment où les élus et les électeurs commencent à s’approprier la loi SRU, éventuellement pour ne pas la respecter. Cette composition du parc social est le résultat d’une sédimentation et pas nécessairement une caractéristique moyenne des nouveaux locataires du parc social. Cependant, c’est cette image sédimentée qui a pu être utilisée pour communiquer autour de la loi SRU et de ses quotas de logements sociaux. Les données sont issues de Courrier des maires et des élus locaux (2010) ; Institut national de la statistique et de l’évaluation économiques (INSEE)–Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) (2009) ; Madec et Richard (2015).
  • [7]
    Sur le choix des types de logements sociaux comme mode de contournement de la loi SRU, le lecteur pourra consulter le paragraphe intitulé « Les stratégies proactives et de contournement »… » dans le corps du texte ainsi que l’annexe sur les cas de Neuilly-sur-Seine et Versailles.
  • [8]
    Chaque commission départementale est présidée par le préfet, les maires n’ayant pas atteint l’objectif triennal, ainsi que des bailleurs sociaux et associations engagés dans le logement des personnes défavorisées opérant sur le territoire des communes.
  • [9]
    Ces territoires, situés en zones non tendues, se définissent notamment par une faible demande en logements sociaux, un faible pourcentage de bénéficiaires de l’allocation-logement. Ces dispositions pourraient être réaménagées dans le cadre du projet de loi Égalité-citoyenneté actuellement en débat au Parlement. En effet la faiblesse de la demande de logements sociaux n’est peut-être pas un bon motif pour exonérer les communes d’un effort important de construction sociale : de fait, on constate qu’en l’absence d’offre, il n’y a guère de demande…
  • [10]
    La liste des territoires concernés est donnée au Journal Officiel.
  • [11]
    Voir le paragraphe intitulé « Les stratégies proactives et de contournement » sur la typologie des logements sociaux.
  • [12]
    Les communes carencées au titre du bilan 2011-2013 sont celles de la liste fournie par le ministère du Logement et de l’Habitat durable en octobre 2015. Une liste actualisée des communes carencées a été publiée en avril 2016, mais les changements sont très mineurs et ne concernent que 2 à 3 communes. De la même façon, la liste des communes mises sous tutelle préfectorale que nous considérons est celle publiée en octobre 2015.
  • [13]
    Le potentiel financier est égal au potentiel fiscal, auquel on ajoute la dotation globale de fonctionnement (DGF) provenant de l’État. Le potentiel financier prend en compte l’ensemble des ressources stables d’une collectivité ; il constitue une meilleure mesure de la richesse d’une commune relativement au seul potentiel fiscal. Le potentiel fiscal ne doit pas être confondu avec le revenu fiscal. Le premier est constitué des trois taxes « ménages » et de la cotisation foncière des entreprises tandis que le second correspond aux ressources déclarées par les contribuables sur leur déclaration de revenus, avant tout abattement.
  • [14]
    Le prélèvement brut moyen par commune est proche de celui du précédent bilan triennal, soit 179 000 euros (Chapelon et Schmit, 2011).
  • [15]
    L’échantillon comparatif dit « hors zone rurale » est constitué des communes de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants en Île-de-France), de façon à gommer le biais lié au fort taux de propriétaires dans les communes rurales.
  • [16]
    Une étude économétrique plus approfondie permettrait cependant d’analyser si les taux de propriétaires occupants ou de résidences secondaires sont des déterminants ou non du taux de réalisation de l’objectif triennal.
  • [17]
    En effet, ces résultats s’expliquent en partie par la façon dont la statistique est construite.
  • [18]
    Le taux de vacance ne peut être réduit à 0. D’ailleurs, il ne doit pas l’être, puisque la vacance des logements permet d’assurer la fluidité des marchés immobiliers à la location et à l’acquisition. Jacquot (2007) estime qu’un taux de logements vacants de 6 % constitue un point bas : en deçà, il empêche un fonctionnement normal des marchés immobiliers. Que les résultats en restent minimes au regard du nombre de familles logées n’empêche cependant pas de mobiliser des logements vacants en vue de les transformer en logements sociaux, lorsque c’est possible.
  • [19]
    Dans le même ordre d’idée, Monmousseau (2008) montre que les communes aux taux de réalisation de l’objectif triennal les plus bas sont aussi les moins peuplées.
  • [20]
    Le lecteur pourra consulter l’annexe pour les niveaux de vie des locataires du parc social de Neuilly-sur-Seine et de Versailles.
  • [21]
    À l’issue des élections municipales de 2008, la droite (hors extrême droite) détenait 44,8 % des villes de plus de 10 000 habitants.
  • [22]
    L’annexe fournit des études de cas de communes sous tutelle préfectorale.
  • [23]
    En France, les logements sociaux se distinguent par leur mode de financement public (plus ou moins généreux) qui, lui-même, va déterminer les ménages éligibles pour en bénéficier au travers des plafonds de revenus et loyers afférents. Les logements PLUS (prêt locatif à usage social), PLS (prêt locatif social) et PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) portent le nom du prêt dont le bailleur social a bénéficié pour les financer.
  • [24]
    Les caractéristiques communales comprennent, entre autres, le pourcentage initial de logements sociaux et le revenu fiscal moyen des ménages.
  • [25]
    Voir par exemple les thèses de Maurin (2004) ou de Selod (2004).
  • [26]
    Un calcul grossier au niveau national montre que pour atteindre 25 % de logements sociaux à l’horizon 2025, il faudrait construire 275 000 logements sociaux par an pendant neuf ans (contre 128 000 par an pendant six ans pour un quota de 20 % à l’horizon 2022). Pour rappel, le rythme actuel de construction de logements sociaux oscille entre 120 000 et 140 000 unités depuis le début de la décennie. De façon plus fine, les simulations réalisées par Guy Taieb Conseil (2013) pour l’Île-de-France montrent que pour atteindre 25 % de logements sociaux en 2025, l’augmentation du stock devrait être de 20 000 unités par an (contre 8 000 observées en moyenne sur 2002-2011 et 13 000 entre 2011-2025 si le taux cible de 20 % avait été maintenu).
  • [27]
    Le prélèvement pour les communes « DALO » au titre du non-respect du quota de 20 % n’est cependant effectif qu’à partir de 2014. Dans le cas présent, les quatre communes appartiennent à la même intercommunalité.
  • [28]
    Par définition, la commune de Le Rove ne pouvait être mise sous tutelle préfectorale, puisqu’elle a rempli son objectif triennal.
  • [29]
    Mentionnons qu’en avril 2016, la commune de Sausset-les-Pins a été incluse dans la liste des communes sous tutelle préfectorale. Nous n’avons pas connaissance des éléments justifiant ce durcissement de la position des autorités nationales à l’égard de Sausset-les-Pins. La commune, contactée, n’a pas donné suite.
    Dans le cadre de l’opération « Transparence SRU » menée par le ministère du Logement et de l’Habitat durable (i.e. les données communales relatives aux objectifs SRU sont dorénavant en ligne ainsi que le montant des prélèvements bruts et nets), il serait intéressant que les raisons justifiant la mise sous tutelle préfectorale soient également fournies.
  • [30]
    La commission nationale a été saisie par le préfet du département des Hauts-de-Seine, président de la commission départementale, avec l’accord du maire de Neuilly-sur-Seine.
Français

Le 13 décembre 2015, la loi sur la Solidarité et le renouvellement urbains, dite loi SRU, a fêté ses quinze ans. Son article le plus connu, l’article 55, est aussi le plus important et le plus ambitieux, puisqu’il enjoint les grandes communes d’accueillir au moins 20 % de logements sociaux sur leur territoire à l’horizon de 2022. Cet article de loi, plutôt controversé, a fait l’objet de multiples tentatives de « détricotage » durant les années 2000. Il a finalement été renforcé dans le cadre des lois Duflot, à la fois dans ses objectifs – les quotas ayant été portés à 25 % dans un certain nombre de villes – et dans ses moyens – les communes contrevenantes perdant une partie de leurs prérogatives, qui reviennent au préfet. L’article se propose d’établir un bilan sur la loi SRU et sur ses quotas de logements sociaux. Fort de ce bilan quantitatif et qualitatif, l’article cherche plus généralement à offrir une mise en perspective des renforcements récents de la loi.

Références bibliographiques

Sandrine Levasseur
Senior économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, centre de recherche en économie de Sciences Po, Paris), elle a publié plusieurs articles sur les questions liées au logement (financement de l’accession à la propriété, marchés foncier et immobilier, politique du logement social).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2016
https://doi.org/10.3917/rfas.163.0113
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