CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Les transformations organisationnelles connues depuis les années 1980 par les établissements de santé ayant une activité hospitalière se sont traduites par une intensification du travail et un raccourcissement des durées de séjour (Acker, 2005). Selon l’approche retenue par les auteurs, ces travaux ont montré que les réformes sont associées à une politique de maîtrise des dépenses (Serré, 2002) et de « managérialisation » de l’hôpital (Belorgey, 2010) ou bien au développement de services spécialisés dans les interventions rapides (Peneff, 1992 et 2000). Dans le cas de la psychiatrie, les politiques de dés-hospitalisation [1], entamées entre le début des années 1950 et la fin des années 1970 selon les pays (principalement aux États-Unis, en France [2], au Royaume-Uni et en Italie), ont conduit à ne plus considérer l’hospitalisation comme l’élément central de la prise en charge des troubles psychiques. Elle s’articule avec d’autres espaces de prise en charge tels que les centres médico-psychologiques ou CMP (Velpry, 2008), des programmes de réinsertion (Estroff, 1998) ou encore des groupes d’entraide mutuelle ou GEM (Grard, 2011). En retour, les professionnels qui travaillent dans ce cadre hospitalier, emblématique du « monde psy » (Dodier, 2006), font face à de nouvelles contraintes telles que la nécessité de conserver des lits vacants pour les personnes à venir (Rhodes, 1995) ou bien résister à la tentation de psychiatriser des problèmes sociaux (Coutant, 2012). Aussi, en France, François Chapireau décrit-il une transformation profonde du recours à l’hospitalisation psychiatrique dès 1945, caractérisée par un plus grand nombre d’entrées et de sorties chaque année (Chapireau, 2007). Les séjours hospitaliers seraient ainsi plus courts et également plus répétés : à partir de 1976, la proportion des personnes ré-hospitalisées dépasse celle des personnes hospitalisées pour la première fois. Pour autant, bien que fortement encouragée, la réduction de la durée des séjours [3] continue d’être difficilement mesurable à l’échelle des trajectoires individuelles. Les nouveaux outils de quantification de l’activité hospitalière, mis en place au milieu des années 2000 [4], ne permettent pas encore d’appréhender les durées d’hospitalisation en les rapportant à l’ensemble de la vie d’une personne (Coldefy, 2012). Le plus souvent, ces informations sont rapportées à un établissement donné, à une année donnée (Coldefy, 2014). Ainsi, les effets des réformes des différentes politiques publiques concernées sur les bénéficiaires des soins hospitaliers sont encore difficiles à évaluer.

2 Dans cet article, nous souhaitons revenir sur les mutations de ce temps hospitalier dans la période contemporaine, en proposant une méthode pour saisir conjointement les transformations d’une institution donnée et les histoires individuelles de ceux qui y sont hospitalisés. Pour cela, nous utiliserons les résultats d’une enquête ethnographique menée, depuis 2012, dans un établissement privé de psychiatrie. L’enquête monographique construite autour d’entretiens et d’observations s’est également « armée » (Weber, 1995) d’une entreprise de quantification des temps d’hospitalisation connus par les patients de cette « maison de santé pour maladie mentale [5] » sur une période de soixante ans. Suivant en cela l’invitation formulée il y a longtemps par Daniel Bertaux et Isabelle Bertaux-Wiame, nous chercherons à distinguer « plusieurs temps et les rapports entre ces temps » (Bertaux et Bertaux-Wiame, 1980). Le temps qu’y passent « ses » patients nous servira à appréhender les mutations successives de l’institution elle-même. Là où l’école définit un temps régulier, divisé et planifié (Verret, 1975), la scansion des temps individuels d’hospitalisation (faits d’admissions, de réadmissions, de transferts d’une unité à l’autre) ne se prête pas aisément à l’identification d’un rythme collectif. Il faut se pencher sur les négociations portant sur la poursuite d’une hospitalisation ou bien sur les réflexions que formulent les acteurs à propos de l’avancement ou du retard d’un patient pour découvrir des « repères » (Roth, 1963) et des « marqueurs institutionnels » (Millet, 2000) qui rythment le temps de présence. Ce temps incertain de l’hospitalisation s’allonge, prend une place de plus en plus importante dans la vie des patients au fil du temps, alors même que les professionnels sont persuadés que, depuis plusieurs années, le rythme des passages s’accélère. Face à ces différents modes d’écoulement du temps, l’approche retenue ici considère le temps comme le produit d’un apprentissage (Darmon, 2013) et situe le cadre de cet apprentissage dans le paysage de l’offre sanitaire.

3 Jusqu’à la fin des années 1980, la construction du secteur psychiatrique est adossée, dans le droit, aux seuls établissements « assurant le service public hospitalier [6] ». Les établissements privés à but lucratif ayant une activité de psychiatrie sont, sur cette même période, progressivement reconnus par les autorités sanitaires (Faure et Dessertine, 2012). Mais ce n’est que depuis 1991 qu’une catégorie unique, celle des établissements de santé, réunit hôpitaux publics et cliniques privées [7]. Ainsi, s’ils sont aujourd’hui explicitement associés à la mise en œuvre des politiques de santé mentale [8], les établissements privés ne participent pas directement à l’activité des secteurs de psychiatrie et se tiennent à la marge des politiques de sectorisation [9]. Ils ne se décomposent pas en un ensemble de services couvrant une offre intra- et extra-hospitalière [10], ils n’ont pas la charge d’un territoire géographique donné [11] et seuls trois d’entre eux étaient habilités en 2011 à accueillir des patients en hospitalisation sans consentement (Bertrand, Durrleman et Migaud, 2011). La clinique dans laquelle s’est déroulée l’enquête constitue en cela un lieu d’observation privilégié pour saisir la complexité des effets de la dés-hospitalisation. Elle compte une centaine de lits et une vingtaine de places en hôpital de jour pour des patients en hospitalisation libre, dont plus de la moitié vient d’un département autre que celui dans lequel elle se trouve.

4 En outre, cet établissement a ouvert ses portes au milieu des années 1950, c’est-à-dire dans une période où la critique de l’ordre asilaire avait trouvé une formulation théorique dans les initiatives et les publications de plusieurs psychiatres proches de la psychanalyse lacanienne (Henckès, 2007). La psychothérapie institutionnelle constitue encore aujourd’hui une référence cardinale dans les divers modes de présentation qui sont faits de l’établissement (aux nouveaux embauchés, aux nouveaux patients, dans la presse locale …) et l’on y retrouve les thèmes majeurs qu’avait synthétisés Robert Castel (Castel, 1973) : humanisation des hôpitaux, disponibilité du personnel, permissivité et lutte contre les hiérarchies. Les entretiens menés avec les professionnels nous ont permis de relever que cette identité thérapeutique justifie le fait d’entreprendre un travail de fond auprès des patients, travail pouvant parfois s’étaler sur plusieurs mois d’hospitalisation [12].

5 L’approche monographique d’un établissement privé sera ici l’occasion d’appréhender le temps institutionnel à deux niveaux. Tout d’abord, la perception d’une accélération du temps dans la période récente nous permettra d’examiner le nouveau statut des cliniques, dont la place au sein de l’offre sanitaire s’est modifiée. Ensuite, la tendance à hospitaliser plus longtemps des individus déjà familiers de l’hospitalisation psychiatrique sera rapportée à l’échelle individuelle des trajectoires biographiques de ceux qui font l’expérience de ce temps d’hospitalisation en tant que patient.

Les conditions de l’enquête

L’enquête s’est déroulée pendant dix mois, répartis sur une période de deux ans. C’est en tant que stagiaire, étudiant en sociologie, que nous avons d’abord (pendant quatre mois) accompagné différentes équipes paramédicales au sein de l’établissement. Cette phase d’observation participante a ensuite été complétée par des entretiens semi-directifs auprès des professionnels médicaux, paramédicaux et administratifs (n = 30).
Par la suite, nous avons recentré nos observations sur les réunions d’équipes quotidiennes et hebdomadaires, puis cherché à obtenir des entretiens avec différents patients de l’établissement. En accord avec l’actuel directeur de la clinique ainsi qu’avec chacun de leurs médecins, nous avons ainsi pu proposer à quinze personnes hospitalisées de faire un entretien et nous avons obtenu dix réponses positives. Dans le même temps, l’établissement a accepté d’écrire en son nom un courrier à d’anciens patients ayant terminé leur hospitalisation, dans lequel nous avions joint une lettre leur proposant de réaliser un entretien. L’envoi de 120 courriers nous a ainsi permis de rencontrer douze personnes.
Enfin, toujours en accord avec la direction médicale de l’établissement, nous avons pu procéder au tirage au sort aléatoire de 450 dossiers parmi les 3 600 ouverts depuis 1955. Ce travail nous a permis de recenser les dates de présence dans l’établissement de ces personnes, dans le but de constituer une « base de données ethnographique ».
(Zalc, Lemercier et Ollivier, 2013).

Une accélération paradoxale

6 Alors que, dans les services de médecine, les patients qui ont cessé de prévoir le moment de leur sortie sont susceptibles d’être moqués par leurs pairs comme étant des « cas psychiatriques » (Roth, 1963), dans les services de psychiatrie, plusieurs travaux ont déjà souligné l’embarras des professionnels face à des patients pour lesquels « le passage du temps ne marque plus de changement » (Barrett, 1997). Pour ces patients, qui se caractérisent par leur ancienneté dans le service ou par leurs incessants retours – l’équipe hospitalière que décrit Lorna Rhodes les qualifie de « migrating birds » (Rhodes, 1995), la « chronicité » désigne à la fois la pathologie et la personne elle-même. Le patient devient alors « un chronique ». Ces quelques patients mettent les équipes en contradiction avec leur volonté de se démarquer de l’ordre asilaire et de sa fonction d’enfermement (Coutant, 2012).

7 Cette volonté de mettre à distance le monde clos de l’asile caractérise de nombreuses équipes en psychiatrie hospitalière. La façon dont elle prend forme dans une institution donnée indique en négatif la conception que telle équipe a de la durée et du rythme normal de présence dans l’établissement. Ainsi, les patients désignés aujourd’hui comme chroniques sur notre terrain nous renvoient à deux mutations amorcées à la fin des années 1990 : une plus grande rotation des patients et l’allongement de la durée d’hospitalisation connue par chacun d’eux. Ce double mouvement qui suit, comme nous allons le voir, une nouvelle politique d’échange avec les centres hospitaliers publics, fait écho aux tensions que rencontrent les soignants qui travaillent en intra-hospitalier dans le secteur public. Comme le constate Delphine Moreau (2015), il leur faut composer à la fois avec l’accélération (collective) du rythme des sorties et avec la nécessité de garder certains patients « le temps qu’il faudra ».

En finir avec « l’engagement à vie » ?

8 Les psychiatres de cette clinique opposent fermement les longues hospitalisations qui avaient cours dans les années 1990 à la temporalité plus « dynamique » et « ramassée » des hospitalisations qu’ils entendent désormais proposer à leurs patients. Ainsi, le psychiatre-directeur qui travaille dans l’établissement depuis 1987 m’explique qu’à son arrivée quelque chose s’était « dégradé dans le fonctionnement de la clinique », il y avait beaucoup moins de « mouvement ». Il lui avait alors fallu « batailler » avec le directeur précédent pour réduire les durées d’hospitalisation quand ce dernier estimait « qu’il avait un engagement à vie avec les patients ». Associée aux autres psychiatres de l’établissement depuis quatre ans, Hélène commentait également en entretien cet ordre ancien qu’il fallait dépasser : « À partir du moment où on décide qu’on n’est plus un lieu de vie pour toujours … […], je pense que ce n’est pas seulement politiquement parlant qu’il faut que les gens ne restent pas trop longtemps, je crois vraiment que pour des gens comme ça, il faut que ça reste dynamique et, si on est à la fois son lieu d’habitation et son lieu de soins, on ne peut plus […] soigner [le patient], parce qu’il se met à être ici, comment dire, entièrement ce qu’il est. C’est-à-dire qu’il n’est plus au travail, c’est-à-dire que tu ne peux pas être au travail 24 heures sur 24, cinq ans de ta vie, quoi. Donc, par les aléas de ce que tu vis, tu détruis des pans du travail thérapeutique que tu as construit. »

9 Les patients restés « trop longtemps » en hospitalisation atteignent une sorte de « point mort » où « le passage du temps signifie stase et indétermination plutôt que changement » (Barrett, 1997). Ils s’identifient complètement au lieu de leur hospitalisation (devenu à la fois leur lieu de vie et leur lieu de soin) et relèvent ainsi, dans le discours des soignants, d’un état antérieur de la pratique psychiatrique. Au moment où se déroulait l’enquête, plusieurs employés ont bénévolement constitué avec cette psychiatre un groupe de travail, pour présenter aux autres soignants l’embarras dans lequel ils se trouvaient face à une dizaine de patients, hospitalisés depuis vingt ou trente ans dans la clinique et âgés aujourd’hui d’environ soixante ans. Ces réunions portaient sur les personnes psychotiques vieillissantes. Les quelques patients dont il était question ne représentent qu’une minorité de la population séjournant dans l’établissement (au plus une dizaine, pour une centaine de lits), mais ils faisaient l’objet d’un grand nombre de remarques sur le temps « immobile » de la psychose, ainsi que sur l’histoire de l’établissement lui-même. Ils incarnent un temps révolu. Nicole (éducatrice, quarante-cinq ans, travaillant à la clinique depuis douze ans) introduisit l’une des réunions en insistant sur l’immobilisme qui caractérise la situation de ces patients : « Il existe une catégorie de patients à la clinique, où ce travail de mise en mouvement vers la vie ne fonctionne plus. Je parle ici des personnes vieillissantes, présentes en ce lieu depuis vingt ou trente ans et plus. Il fut un temps où, sûrement, elles ont participé à ce mouvement, mais plus actuellement […]. L’objectif est qu’elles ne se déshumanisent pas au milieu des autres. Nous nous rendons compte qu’elles n’y arrivent plus, que ces personnes sont capables de rester des semaines sans se laver, se changer et échanger également. Il est question de les maintenir dans une réalité physique, la leur entre autres, et dans une relation humaine possible. C’est aussi faire en sorte qu’elles ne soient pas rejetées par l’institution qui les a accueillies, pour certains il y a si longtemps que la clinique est devenue leur maison. »

10 Nous reviendrons plus loin sur les différentes temporalités réunies par la figure des personnes psychotiques chroniques vieillissantes (leur âge, leur ancienneté dans l’institution et l’évolution de leur maladie). Nous souhaitons d’abord rattacher l’inquiétude qu’elle fait naître à son objet premier : le temps de présence.

La mise en place de « l’effet tourniquet »

11 À un premier niveau d’analyse, l’immobilisme des plus anciens patients contraste avec des flux d’admissions plus intenses depuis le début des années 2000. Alors que le nombre de lits n’a pas varié dans cet établissement depuis le milieu des années 1960, on constate bien, entre 2000 et 2003, le début d’une augmentation du nombre de personnes qui, chaque année, commencent une hospitalisation dans cette clinique (figure 1). Cette tendance à la hausse est essentiellement due à une augmentation importante du nombre et de la part des réadmissions, c’est-à-dire du retour de personnes qui avaient déjà connu une hospitalisation dans cette clinique auparavant. Cet établissement connaît, avec un retard d’une trentaine d’années, l’une des mutations majeures de la psychiatrie hospitalière française nommée habituellement « revolving doors » (Chapireau, 2007). Ce phénomène, traduit littéralement par « effet tourniquet », désigne les ré-hospitalisations rapides et répétées de certains patients [13]. En ce sens, les personnes psychotiques chroniques vieillissantes témoignent d’autant plus de leur appartenance à une époque supposée révolue, que le rythme des admissions et réadmissions s’est modifié.

Figure 1

« L’effet tourniquet » – Évolution de la proportion de réadmissions entre 1955 et 2015

Figure 1

« L’effet tourniquet » – Évolution de la proportion de réadmissions entre 1955 et 2015

Lecture : en 1970, sur les trente personnes admises, dix-sept le sont pour la première fois dans cet établissement.
(Champ : 450 patients d’un même établissement.)

12 À un second niveau d’analyse, on observe que dans la même période, les modalités de participation des psychiatres de l’établissement à ce que Nicolas Dodier et Agnès Camus nomment une « logique généralisée de l’échange » (Dodier et Camus, 1997) se sont modifiées. Depuis 1995 (et systématiquement depuis 2005), les psychiatres de la clinique acceptent d’être sollicités sur les questions d’admission uniquement par des centres hospitaliers publics. L’hospitalisation d’une nouvelle personne suppose qu’il y ait eu au préalable un échange de courriers entre un praticien hospitalier soutenant la demande d’admission et un psychiatre de la clinique. L’intérêt de ce processus de sélection, tel que me le présente le psychiatre qui centralise les demandes, est de pouvoir le cas échéant mettre les hôpitaux face à leur obligation de soin. Ainsi, toute demande d’hospitalisation dans la clinique doit être accompagnée d’un « engagement de retour » rédigé et signé par un praticien du secteur, c’est-à-dire d’un courrier dans lequel il s’engage à ré-hospitaliser ce patient si nécessaire.

Philippe : « Donc on demande d’emblée ce qu’on appelle un « engagement de retour » ».
Julien Bourdais : « Mais cet engagement de retour, c’est une lettre ou un papier officiel ? »
Philippe : « Non, rien, ça n’a aucune valeur légale, mais ça a la valeur d’être écrit et d’engager des gens. Est-ce que votre parole a encore du poids ou pas ? En partant toujours du principe que tu connais bien, qui est qu’on ne veut pas avoir ici de gens qui soient apatrides, qui soient sans secteur. Et on ne veut pas non plus que des gens se cristallisent et se fixent ad vitam aeternam sur le département. C’est-à-dire qu’on ne veut pas transformer la région en réservoir à vieux psychotiques ou a psychotiques vieillissants […] on veut être un lieu où ça puisse tourner, donc il faut qu’on ait cette certitude qu’on peut travailler avec les secteurs [14]. »
En ce sens, l’accélération du rythme des admissions accompagne bien un changement dans les ressources mobilisables par ces psychiatres de l’établissement pour définir la place qu’ils entendent occuper dans une « division du travail » psychiatrique qui dépasse les frontières de la clinique. Ces nouvelles ressources leur permettent d’une part de s’assurer la reconnaissance – contractuelle – de leurs pairs, souvent vue comme nécessaire pour mieux maîtriser la relation thérapeutique (Castel, 2005) ; d’autre part ces ressources les assurent en partie contre le risque de se retrouver en bas d’une chaîne de « délégation du sale boulot » (Hughes, 1984) et leur permettent d’envisager la circulation de leurs patients.

Un nouveau temps long d’hospitalisation

13 Au cours de la même période, le temps de l’institution se modifie d’une autre façon : en effet, à partir du milieu des années 1990, la durée occupée par les différentes séquences d’hospitalisation dans la vie de chaque patient s’accroît.

14 Comme nous le signalions plus haut, il n’est pas encore possible d’appréhender le temps long de l’hospitalisation en suivant un groupe de personnes au fil de leurs prises en charge dans différents établissements (Coldefy, 2012). Bien que les sciences sociales aient de plus en plus recours, depuis une vingtaine d’années, à des méthodes de mesure statistique des phénomènes longitudinaux (Abbott, 1995), les données disponibles ne permettent pas encore de suivre dans le temps les déplacements d’une même personne. Dans d’autres domaines, de telles études ont pourtant montré tout leur intérêt pour appréhender la transformation du marché du travail (Blair-Loy, 1999), les processus de sélection scolaire (Cayouette-Remblière, 2014) ou encore la sédentarisation d’une main-d’œuvre ouvrière (Renahy, Detang-Dessendre et Gojard, 2003). Dans le cadre de notre enquête, nous nous sommes proposé de saisir la succession des hospitalisations connues par un même individu à partir des données d’un établissement. Les régularités ainsi observées décrivent non pas des histoires individuelles, mais une histoire collective, celle du rythme social des hospitalisations dans un établissement.

15 On constate ainsi que le temps total d’hospitalisation connu par un patient est très étroitement lié à la période pendant laquelle il a commencé sa première hospitalisation et que ce temps total s’allonge (tableau 1). Ainsi, entre 1955 et 1980, il était plutôt courant de connaître moins de trois mois cumulés d’hospitalisation dans cette clinique. Depuis 1995, en revanche, ce sont les individus qui connaissent plus d’un an d’hospitalisation dans leur vie qui sont surreprésentés.

Tableau 1

Allongement des temps d’hospitalisation

Tableau 1
Temps total d’hospitalisation connu moins de 3 mois 3 mois à 1 an plus d’1 an Total Date de la première hospitalisation 1955-1980 103 (41 %) 78 (31 %) 70 (28 %) 251 (100 %) 1980-1995 22 (28 %) 18 (23 %) 39 (49 %) 79 (100 %) 1995-2015 27 (23 %) 35 (29 %) 58 (48 %) 120 (100 %) Total 152 (34 %) 131 (29 %) 167 (37 %) 450 (100 %)

Allongement des temps d’hospitalisation

Lecture : parmi ceux qui ont été hospitalisés dans l’établissement entre 1955 et 1980, 41 % ont connu moins de trois mois d’hospitalisation dans l’ensemble de leur vie. Ils sont seulement 23 % après 1995. On peut rejeter l’hypothèse d’indépendance entre ces deux variables avec une probabilité de se tromper inférieure à 0,001 %.

16 Le relevé rétrospectif des périodes d’hospitalisation suppose d’opérer une « césure à droite » (Courgeau et Lelièvre, 1989), c’est-à-dire, de ne pas tenir compte de ce qui se passe après la date de l’enquête. Mais, alors qu’on interrompt ainsi, pour les besoins de la recherche, des processus en cours (certains patients sont encore hospitalisés, d’autres peuvent revenir), on note que ce sont les individus entrés dans la période récente, qui ont à la fois connu les temps d’hospitalisation les plus longs (tableau 1) et le plus de chances de revenir dans les prochaines années (tableau 2). Le modèle semi-paramétrique de Cox (Cox et Oakes, 1984) permet dans ce cas d’estimer les chances qu’ont les individus de quitter définitivement leur état (de patient hospitalisé [15]). On observe alors que la date de la première admission est significativement corrélée aux chances de quitter définitivement le statut de patient hospitalisé (tableau 2) : plus la première hospitalisation connue est récente et moins un individu a de chances de quitter définitivement la clinique.

Tableau 2

Les chances de quitter définitivement l’institution

Tableau 2
Coefficient Écart-type P-value Date de la première admission 1955-1980 réf. - - 1980-1995 - 2,285 0,343 0 1995-2015 - 4,807 1,003 0 Sexe femme réf. - - homme - 0,549 0,152 0 non renseigné 0,274 0,254 0,282

Les chances de quitter définitivement l’institution

Lecture : à sexe identique, les personnes admises pour la première fois à la clinique après 1995 ont significativement moins de chances que celles entrées avant 1980 de quitter définitivement l’institution, c’est-à-dire de ne plus revenir, ne serait-ce que pour une journée.

17 Dans cette clinique, le temps long de l’hospitalisation n’est donc pas un phénomène ancien qui serait en train de se résorber. Il s’agit plutôt d’une tendance qui se poursuit et s’intensifie depuis plusieurs années. Dans ce contexte, c’est la continuité de leur présence qui renvoie les anciens patients à une période révolue. Ils s’inscrivent au même titre que les autres dans le temps long de l’hospitalisation, mais ils dérogent à l’accélération et au morcellement des temps de présence promus par les politiques nouvelles d’admission. Ils révèlent en cela le caractère contradictoire des logiques dans lesquelles les professionnels de l’établissement sont pris. D’un côté, l’intérêt des soignants pour l’accélération des flux d’entrées et de sorties traduit un rejet de l’hospitalisation comme mode de prise en charge exclusif et continu. De l’autre, l’allongement des temps d’hospitalisation traduit une forme de spécialisation, à une époque où les durées d’hospitalisation ont été réduites à l’échelle nationale [16].

18 C’est ce double temps institutionnel que doivent appréhender les nouveaux admis en hospitalisation et dont nous allons chercher à restituer les conditions d’apprentissage.

Apprendre le temps long de l’hospitalisation

19 Les réflexions sur la notion d’institution totale (Goffman, 1968), qu’ont permis les travaux de sociologie carcérale, ont souligné l’importance de décrire des trajectoires biographiques (Chantraine, 2000) pour appréhender l’ouverture de l’institution sur d’autres mondes sociaux (Rostaing, 1997). En considérant la prison comme un lieu de passage, voire comme un « inévitable motel » (Foucault, 1975), ces auteurs ont insisté sur la diversité des expériences du temps carcéral. L’analyse des trajectoires a, de cette façon, saisi le monde clos de la prison au prisme des « rapports de force extérieurs au système qui conditionnent l’équilibre de ces [institutions] dans l’espace social et dans le temps historique » (Castel, 1968).

20 Bien que le caractère contraignant de l’institution dans laquelle nous avons conduit notre enquête soit sans commune mesure avec celui des établissements pénitentiaires, les craintes que peuvent susciter ces hospitalisations libres nous invitent à interroger le temps passé en établissement dans les trajectoires biographiques. Les sentiments d’isolement et les peurs de « passer sa vie en psychiatrie » exprimés par les patients ou les efforts déployés pour maintenir l’hospitalisation dans une parenthèse biographique seront ainsi considérés comme autant de discordances entre le temps hospitalier et des attentes forgées en dehors. On verra que l’apprentissage de l’incertitude du temps de l’hospitalisation fait osciller la personne entre le sentiment d’une rupture avec ce qui a précédé l’admission et la mobilisation de compétences acquises dans d’autres mondes sociaux.

Le relâchement des attentes

21 Du fait de la politique d’admission de cet établissement, nous avons plutôt rencontré des personnes qui avaient déjà connu plusieurs périodes d’hospitalisation et plusieurs formes de prises en charge au sein des « mondes psy » (Dodier, 2006). Pourtant, quand bien même l’entretien était l’occasion de manifester cette familiarité avec les dispositifs de soin, les quelques semaines qui suivent l’admission dans la clinique sont systématiquement décrites comme un moment provoquant une forte acculturation. Le début d’une nouvelle hospitalisation suppose la mobilisation de techniques d’adaptation au temps hospitalier. Il faut ainsi réinventer des manières de faire face à l’inquiétude et échapper à la crainte d’être happé par le temps long d’une hospitalisation.

22 C’est à Paris que je rencontre Marc, un an après la fin de sa dernière hospitalisation dans la clinique. Il a obtenu un diplôme d’enseignant à vingt-cinq ans et a exercé toute sa vie dans des collèges en Bretagne. Un peu après ses quarante ans, pendant cinq années, il est hospitalisé à plusieurs reprises dans différents hôpitaux de l’Ouest de la France, toujours pour des séjours de quelques semaines. C’est à ce moment que ce qu’il nomme sa « première dépression » sera diagnostiquée comme un trouble bipolaire même si, ajoute-t-il, « j’ai rarement été maniaque au sens fort ». Cette période se clôt par un séjour de six mois dans une clinique de la région parisienne. Après son départ en retraite, quinze ans plus tard, il connaît une rechute et il est à nouveau hospitalisé après un passage aux urgences. Par son épouse, qui l’avait déjà aidé à contacter une psychiatre exerçant en libéral, il entend parler d’une clinique qui est « le contraire des HP [17] » où « les gens ne sont pas fermés à clef ». Les démarches qu’il entreprend pour obtenir une admission dans cet établissement montrent une certaine familiarité avec « les mondes psy » : il se soumet volontiers au devoir de se raconter (Grard, 2008) lors d’une première visite, peut comparer le premier aperçu qu’il a de la psychiatre qui le reçoit avec ses expériences précédentes et trouve facilement une psychiatre pour rédiger un compte rendu le concernant. Pour autant, après son admission, cette familiarité ne l’empêche pas de faire complètement l’expérience de l’incertitude du temps à venir : « Au début, bah … les deux premiers mois je dirais, surtout le premier mois et surtout les quinze premiers jours, je ressentais ça comme quelque chose d’horrible, il fallait que, comme un taulard quoi, j’en prends pas pour perpète, mais j’en prends pour un an … surtout que mon épouse m’avait dit, ton affaire, ça va pas durer six mois … Elle avait tout de suite eu l’intuition, et d’ailleurs elle s’est pas trompée, que c’était une rechute et que c’était très, très profond. La seule chose, c’est que je voulais plus mettre fin à mes jours, j’avais plus cette idée-là. Au tout début, j’ai ressenti ça comme quelque chose d’horrible, enfin de dur, et puis, au bout de deux-trois mois, quand j’ai commencé à avoir les activités dont je vous ai parlé … En plus, j’ai commencé à me prendre en amitié avec deux ou trois personnes … Alors j’étais moins mal et là, très vite, je me suis dit, là, ça sera au moins un an, ça sera très long, je vais prendre mon temps. »

23 C’est une autre forme de familiarité et d’inscription dans « les mondes psy » qui caractérise Maud. Pendant deux ans, elle a expérimenté diverses alternatives à l’hospitalisation (telles que les maisons relais et l’hôpital de jour) au sein du secteur dans lequel se situe géographiquement la clinique. Elle n’a jamais occupé d’emploi stable et, au moment où elle est admise à la clinique, ses revenus ne proviennent plus du revenu de solidarité active (RSA), mais de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), relevant des dispositifs spécifiques du handicap. Lorsque je la rencontre, elle a trente ans et est hospitalisée depuis deux ans. Bien qu’elle décrive son admission comme un répit par rapport à la succession des prises en charge qu’elle a connue dans le secteur et l’hôpital voisin, elle insiste sur le fait qu’elle s’inquiétait alors beaucoup du temps que cette nouvelle hospitalisation allait prendre.

24

Maud : « J’étais retournée chez moi un mois. Je suis arrivée là au mois de septembre. Le mois d’août, je l’avais passé chez ma mère et ça m’a fait drôle, ça m’a fait drôle. »
Julien Bourdais : « Qu’est-ce qui vous a fait drôle ? »
Maud : « De passer de chez moi à la clinique. »
Julien Bourdais : « Parce que ? »
Maud : « Bah j’étais angoissée, j’avais peur. C’était surtout le fait d’arriver à [la clinique], de pas savoir quand j’allais ressortir, parce qu’à cette époque-là j’avais peur de finir ma vie en psychiatrie. Et j’ai toujours cette angoisse-là, il faut pas se leurrer, elle est plus ou moins forte. »
Julien Bourdais : « Mais vous aviez déjà l’expérience de l’hôpital … »
Maud : « Malgré tout, ouais. »
Julien Bourdais : « Mais c’était différent, par rapport aux moments où vous rentriez à l’hôpital ? »
Maud : « Bah, j’allais voir d’autres personnes, j’étais pas stabilisée du tout, j’allais pas bien dans ma tête, donc voilà, quoi. Il y avait beaucoup de choses qui … »
Julien Bourdais : « Et vous aviez … Pour contacter la clinique, c’est vous qui aviez envoyé une lettre la première fois pour dire que vous alliez venir ? Vous vous souvenez un peu de ce que vous leur dites ? »
Maud : « Alors là, franchement, je me souviens que je leur ai dit que j’allais faire plein de choses, mais j’en ai pas foutu une [rires] ! Non je déconne, mais ouais, ça allait très vite dans la tête pour dire que j’allais faire des choses, mais la réalité, c’est que j’ai eu du mal à faire les choses. Il a fallu pas mal de temps. »

25 L’admission dans l’établissement, qui a pourtant été précédé d’autres admissions, dans d’autres établissements hospitaliers, est vécue par ces nouveaux patients comme un moment de rupture où il est difficile de se projeter avec précision dans le temps. Les premières semaines qui suivent l’admission sont appréhendées avec un sentiment global (« quelque chose d’horrible » ou bien de « déstabilisant ») qui se dissipe dans la durée, laissant la place à un certain relâchement. C’est par la suite que des repères pourront être identifiés, sans toutefois que soit complètement levée l’incertitude sur l’horizon de la sortie.

Lutter contre l’apathie

26 Les enquêtes ethnographiques s’intéressant à l’expérience collective de l’hospitalisation sont plus rares aujourd’hui (Zussman, 1993), mais leurs résultats ouvrent encore des pistes pour comprendre les réactions à l’incertitude du temps hospitalier. Comme le souligne Robert Barrett (1997), l’organisation spatiale et symbolique des différentes unités de soins au sein de l’établissement peut constituer un repère pour l’action. L’architecture d’ensemble (qui dessine une « ligne de partage » diagnostique, divisant les patients en fonction de leur ancienneté, de leur pathologie ou de leurs chances de sorties), dès lors qu’elle est intériorisée, guide certaines réactions au temps institutionnel.

27 C’est lors de son transfert dans une nouvelle unité d’hospitalisation que Geoffrey prend conscience du fait que ses échanges avec son psychiatre risquent de le conduire à être hospitalisé pour un temps indéfini. Cette unité, le Haut Pavillon, est un peu excentrée par rapport aux autres bâtiments, et elle a la réputation, parmi les soignants, d’accueillir surtout des patients faisant preuve d’une certaine autonomie (dont certains présents depuis plusieurs années). Elle est pour Geoffrey le signe d’une relégation dans l’ordre symbolique de la clinique : être transféré au Haut Pavillon, c’est pour lui retourner à « l’HP » [18], c’est-à-dire être à nouveau hospitalisé sans qu’il ait de prise sur cette décision.

28

Geoffrey : « C’est ça le problème aussi, B. [le psychiatre qui le suit], il était toujours derrière moi. Dès que je faisais un truc qui me plaisait, il me disait “non, vous allez venir dans mon bureau, on va parler”. Et du coup, ça me faisait chier d’aller dans son bureau. »
Julien Bourdais : « Et du coup, tu faisais quoi dans ces moments-là ? »
Geoffrey : « J’allais plus le voir. »
Julien Bourdais : « C’est possible ça ? »
Geoffrey : « Non, ils m’ont foutu à l’“HP”, au Haut Pavillon je veux dire. Il m’a fait : “bon bah, réfléchissez, si vous restez trop longtemps au Haut Pavillon, je vous refous à l’hôpital”. En gros, c’était ça, c’était du rapport de force, vraiment du rapport de force. Bah ouais, c’est pas forcément … c’est pas bleu tout le temps. Il faut montrer les crocs des fois. Mais enfin, j’ai enfin pu réfléchir à ce que je voulais faire. »
Julien Bourdais : « Mais ça t’avait fait quoi, quand il t’avait dit : “ça sera l’hôpital si ça continue” ? »
Geoffrey : « Ah bah, j’ai compris, hein, il m’a jamais rien dit, mais j’ai compris. Il m’a jamais dit que c’était l’HP. Je peux pas te dire où est-ce qu’il voulait en venir. Mais moi j’ai dit, “je peux pas rester comme ça toute ma vie”. J’ai eu une étincelle d’esprit. Je me suis dit “on va réfléchir : soit je reste là toute ma vie et je reste dans mon cocon, pseudo-cocon familial, je m’en remets toute ma vie, soit j’essaie de trouver un truc”. Et c’était pas forcément terrible, mais j’essaie de demander un truc à B. et c’est là que je suis parti au Module [autre unité]. Mais avec le temps, je pense que ça se serait beaucoup mieux arrangé. Le problème, c’est qu’on m’a toujours dit, “fais ci, fais ça”, cette rapidité de choses et je ne peux pas, et j’arrive pas à emmagasiner quoi. »

29 Trois ans plus tôt, alors qu’il a terminé un BEP d’électrotechnique et vient de refuser un contrat à durée indéterminée, il fugue du domicile de ses parents. Lorsqu’il revient, quinze jours plus tard, sa mère lui rappelle qu’il l’a menacée de mort et qu’elle ne veut plus l’héberger. Elle décide de le conduire aux urgences et insiste pour qu’il soit hospitalisé en psychiatrie. Il n’avait jamais fréquenté les « mondes psy » auparavant et l’hôpital, dans lequel il reste un an, constitue pour lui une expérience d’intense violence. C’est depuis cet hôpital qu’il sera transféré à la clinique dans laquelle il reste deux ans et demi.

30

Geoffrey : « Je suis resté deux semaines à la rue ; je suis revenu, ma mère elle a dit “maintenant, on va pouvoir recommencer, comme en 14, on va te foutre à l’HP [l’hôpital psychiatrique]”. Elle avait pas de solution vous voyez ce que je veux dire ? »
Julien Bourdais : « Ouais. Et c’est elle qui t’a emmené ? »
Geoffrey : « Ouais, elle m’a dit “allez, suis-moi”. Et moi je croyais que ça allait se faire en douceur. Et je me suis rendu compte qu’elle était trop loin. Je me suis dit : “là, ça va être les durs, ça va être trop dur, ça va être en mode, t’as une étiquette et tu existes plus”. »
Julien Bourdais : « Ah ouais. »
Geoffrey : « Ouais, tu existes plus, on te fout des cachetons … L’entretien [d’admission] s’est vachement bien passé. Il m’a dit : “Est-ce que vous voulez quoi ? Est-ce que vous voulez venir ici ?” Moi : “Non, non”, lui : “bah, vous allez venir quand même, vous inquiétez pas !” [rires]. Hop, je suis venu là-bas, des cachetons … ça commence, je commence à plus rien voir, je me suis dit “oh, c’est bizarre”. Hop, je me réveille, j’arrive dans un endroit et je comprends plus rien. »
Julien Bourdais : « C’était la première fois que tu prenais des médicaments ? »
Geoffrey : « Ouais, drogué, comme si j’avais pris dix pétards. »
Julien Bourdais : « ah ouais. »
Geoffrey : « Ouais, c’est compliqué, on savait pas comment me prendre et ils m’ont foutu dans un truc … Mais tout le monde me dit “l’hôpital de X [en Île-de-France], c’est un truc pété, il faut pas y aller, c’est pourri, pourri, pourri …” Et moi, je pensais que j’allais être soigné et retrouver un peu de bonheur, mais que dalle, ça m’a pas soigné du tout, ça m’a foutu dedans plus qu’autre chose. »

31 À un moment de son hospitalisation dans la clinique où il sent qu’il risque « de rester comme ça toute sa vie », c’est à partir de ce qu’il sait d’un hôpital que Geoffrey réagit. L’expérience du contrôle social qu’il a vécue au moment de sa première hospitalisation le pousse à réagir face aux intentions qu’il prête à son psychiatre. Alors que « l’apathie » (Bajoit, 1988) constitue pendant un temps sa ligne de conduite, le transfert qu’il obtient (vers le Module) l’autorise à formuler, à nouveau, des anticipations. La lutte qu’il entend mener pour se sortir de « l’HP » – à la fois « l’hôpital psychiatrique » et le « Haut Pavillon » – s’appuie donc à la fois sur une socialisation antérieure à l’hôpital et sur l’identification d’un type de comportement qu’il juge maintenant inadapté, fait de repli sur soi et de ce que Gilles Chantraine nomme un « travail d’auto-effacement », c’est-à-dire une forme d’abandon au temps institutionnel (2004). Cette forme de résignation, dans laquelle Geoffrey ne veut plus s’inscrire, lui permet de tenir à distance le monde de l’hôpital et les patients chroniques qui se caractérisent justement par cette forme d’attentisme aux yeux des professionnels.

32 Selon les cas, les réactions au temps institutionnel peuvent prendre différentes formes, mais nous souhaitions avancer ici que pour lever l’incertitude qui pèse sur le temps à venir, il faut s’être familiarisé avec les repères qui permettent de convoquer, dans le temps passé à la clinique, des expériences antérieures.

Les rappels à l’ordre de l’extérieur

33 Si l’apprentissage du relâchement qui se fait au moment de la première admission suppose de rompre complètement avec d’autres rythmes sociaux, les réadmissions donnent à voir une autre expérience du temps, faite de ruptures plus ténues. Lors de ces retours, le temps de l’hospitalisation entre en concurrence avec d’autres temps sociaux qui se manifestent comme autant de rappels à l’ordre venant du monde du travail, de la famille ou des psychiatres de l’établissement eux-mêmes …

34 Comme me le confirmera l’assistante sociale de la clinique, André est l’un des très rares patients à percevoir un revenu de compensation de son activité salariale (c’est en tant que guichetier de banque qu’il perçoit des indemnités journalières). Toutes les hospitalisations qu’il a connues dans la clinique se sont inscrites dans le temps d’un même arrêt maladie de trois ans, au terme duquel il arrive à la retraite. Les allers-retours qu’il fait entre la clinique et son domicile (qui se trouve dans la ville voisine) l’autorisent à occuper un statut de patient atypique avec lequel la psychiatrie reste « un monde qui [lui] est étranger ».

35 Lorsque je le rencontre, un an après sa dernière hospitalisation, il m’explique que c’est par le biais du médecin du travail de son entreprise qu’il obtient un rendez-vous avec l’ancien directeur de la clinique. Ce dernier le recommande lui-même pour qu’il soit hospitalisé. Ses cinq hospitalisations (qui durent entre dix jours et trois mois) sont vécues comme autant de parenthèses qui lui permettent de se détacher de son rythme de vie habituel, miné à la fois par un procès avec son employeur pour discrimination syndicale, les obligations qu’il a vis-à-vis de sa mère âgée vivant à domicile et sa consommation d’alcool. Toutefois, au cours d’une hospitalisation, il apprend que, passé un délai de trois ans, son employeur peut demander son licenciement pour inaptitude. Il contacte alors le psychiatre qui le suit à la clinique ainsi qu’un médecin de la mutuelle qui l’assure et négocie pour que ses droits de salarié se prolongent encore pendant quelques mois. L’enjeu est pour lui d’arriver à la retraite sans sortir des dispositifs de protection sociale liés à son emploi. Il échappe ainsi à ce qu’il juge comme un processus d’assignation.

36 Ce sont donc les modes de régulation en vigueur sur le marché du travail qui mettent des bornes au temps de l’hospitalisation et conduisent André à adopter un rapport utilitariste à l’hospitalisation. C’est ce rapport utilitariste qui lui permet aujourd’hui d’estimer que « la clinique, enfin moi, je l’analyse comme ça, ça a été un ensemble de choses qui a fini par arriver à ce que je résolve mon problème ».

37 D’autres dispositifs peuvent constituer des rappels à l’ordre. L’incertitude du temps d’hospitalisation peut ainsi s’inscrire comme un préalable à la reconnaissance du handicap (Calvez, 1994). L’expérience du temps se situe alors au carrefour d’autres expériences : celle de la maladie, des exigences médicales et, dans le cas d’Olivier, d’une relation amoureuse. Lorsque je le rencontre, il a vingt-cinq ans et a emménagé depuis un an dans la ville voisine de la clinique avec Audrey (trente ans) qu’il a rencontrée pendant son hospitalisation. Il juge la première hospitalisation (d’une année et demie, il a alors vingt-trois ans) qu’il connaît dans cette clinique, comme un moment de calme relatif, pendant lequel il s’inscrit dans un groupe de d’« interconnaissance » et peut épargner une partie de l’AAH qu’il vient de commencer à percevoir. Alors qu’il pensait n’être hospitalisé qu’un mois, il « en [prend] pour deux ans », ce qui change radicalement son rythme de vie par rapport aux années qu’il vient de traverser. À seize ans, il avait quitté le lycée général pour être suivi dans un hôpital de jour parisien et continuer à vivre chez ses parents dans une ville de Seine-et-Marne. Il réussit plusieurs « fois à échapper à l’HP », son père levant les demandes d’hospitalisation au dernier moment. Pendant quelques mois, il travaille dans la société de production où sa mère est employée en tant que comptable, mais il est pris de plusieurs bouffées délirantes et « [atterrit] finalement à l’hôpital » (dans un service de psychiatrie) pour une durée de trois semaines. C’est une sorte d’emballement qui caractérise la période qui suit et que vient clore son admission dans cette clinique.

38

Olivier : « Et du coup, j’ai dû partir de chez mes parents. Et en fait j’ai dû aller à l’hôpital. J’ai dû aller à l’hôpital pendant trois mois, trois mois et demi mais en “HL” [hospitalisation libre], parce que j’avais aucun endroit où dormir. Et puis après, je suis allé chez mon parrain qui vivait à Y. Je suis resté deux ou trois mois aussi. Et là, mes parents, ils m’ont appelé et ils m’ont dit : “Écoute, il y a une amie d’Odile” – Odile, c’est ma tante –, “qui nous a parlé d’une clinique et qu’a dit apparemment c’est bien et tout”. Du coup, on a fait une demande. J’ai dit que j’étais d’accord, parce que j’étais archi-fatigué. À l’époque, je souffrais un truc de ouf ; à l’époque en plus, mes psychoses revenaient, en fait je faisais une rechute aussi au point de vue mental et tout. »
Julien Bourdais : « Et du coup tu faisais quoi de tes journées ? »
Olivier : « Bah, je faisais rien ; je traînais à Y., je commençais de plus en plus boire de l’alcool. C’est là que j’ai commencé à aimer un peu l’alcool, parce que je buvais en soirée avant, je faisais le con comme tous les jeunes, mais jamais je buvais en plein après-midi ou je sais pas quoi. Mes parents m’ont appelé et m’ont dit : “ouais, tu peux revenir à la maison, la clinique, ils t’ont accepté, tu peux revenir à la maison, le temps de retourner là-bas”. Et après du coup, je suis retourné chez mes darons. Je faisais beaucoup de rap à l’époque avec mes potes, pour m’occuper les trois mois où j’étais chez mes parents. »

39 Au terme d’un an et demi, après avoir été surpris plusieurs fois en train de consommer de l’alcool, il est renvoyé de la clinique et il commence à développer un rapport plus instrumental au temps de l’hospitalisation. Pendant deux mois, il téléphone à plusieurs reprises pour être hospitalisé à nouveau, soulignant que « sa psy de l’HP à Paris » est au courant et qu’elle soutient sa demande. Un psychiatre de la clinique l’autorise à revenir à la condition qu’il « passe d’abord à l’hôpital pendant une semaine ». Il retrouve alors Audrey, dont « il tombe amoureux » mais il est à nouveau renvoyé de la clinique vers l’hôpital parisien. Lorsqu’il en ressort, Audrey est également à Paris, et ils décident ensemble de louer un appartement dans la ville voisine de la clinique. Comme il le présente au propriétaire, ils perçoivent tous les deux une AAH qui leur assure un revenu stable, et la mère d’Olivier accepte de se porter caution.

40 Alors que l’hospitalisation constituait un piège auquel il fallait échapper quand il vivait chez ses parents, elle est devenue par la suite une ressource. Toutefois, les différents bénéfices qu’elle procure sont difficiles à anticiper, et les prévisions d’Olivier doivent s’accommoder d’une temporalité imposée par les décisions médicales. Envisager d’instrumentaliser l’hospitalisation suppose de pouvoir jouer de ces différents temps sociaux.

Conclusion

41 C’est la vision d’un temps universel qui ne serait fait que de sa propre durée, que l’enquête suggère de dépasser. La tendance à la réduction des temps d’hospitalisation en psychiatrie entretient autant qu’elle brusque la spécialisation de ce champ de l’offre sanitaire. À travers l’étude d’un établissement qui est à la fois extérieur au secteur public et en relation étroite avec lui, nous avons pu voir que le temps d’une hospitalisation était le produit de transactions entre différents acteurs. Entre médecins, tout d’abord, c’est l’inquiétude d’occuper une place de second rang vis-à-vis de leurs collègues qui les poussent à s’assurer de moyens de résister à la relégation des patients « à vie ». Les engagements qui sont ainsi pris entre pairs peuvent parfois conduire certains patients à multiplier les hospitalisations. Entre patients, ensuite, c’est la familiarisation avec différents lieux d’hospitalisation (et leurs logiques propres), qui contribue à forger des compétences en matière d’anticipation et de projection dans le temps. Entre collègues enfin, au sein d’un même établissement, ce sont les cas de quelques patients jugés emblématiques, qui permettent de définir le temps du travail thérapeutique.

42 La perspective biographique permet en outre de prendre la mesure du temps hospitalier à l’aune d’autres temporalités. Les rappels à l’ordre qui peuvent se manifester dans le temps de l’hospitalisation soulignent que la présence à l’hôpital ne constitue pas une parenthèse fermée sur elle-même. Pas plus qu’elle ne s’inscrit dans un processus linéaire organisant les prises en charge en fonction de leur degré de contrainte.

Notes

  • [1]
    Sans prétendre trancher les débats existants sur la traduction du terme anglais « deinstitutionalisation », nous utiliserons par la suite les termes de « dés-hospitalisation » et de « sectorisation » pour désigner les transformations organisationnelles connues par la psychiatrie dans la seconde partie du xx e siècle. De cette façon, nous entendons ne pas réduire l’institution au lieu qu’est l’établissement. Pour une discussion de ce choix, voir Moreau (2015).
  • [2]
    En France, le nombre de lits d’hospitalisation consacrés à la psychiatrie chute continuellement, passant de 134 000 en 1975 à 56 000 lits en 2010 (« Statistique annuelle des établissements de santé », données DREES, 2011, [en ligne] http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/open-data/etablissements-de-sante-sociaux-et-medico-sociaux/article/la-statistique-annuelle-des-etablissements-sae).
  • [3]
    Bien que la durée moyenne des séjours soit passée de 86 jours en 1989 à 30 jours en 2008 (source Fédération nationale des observatoires régionaux de santé - FNORS, citée par Grard, 2011), la Cour des comptes continuait à pointer en 2011 le frein que constituent les « hospitalisations longues » (de plus de 292 jours) au développement de la « mission de secteur » (Bertrand, Durrleman et Migaud, 2011).
  • [4]
    Le recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (RIM-P) est un outil informatique dont le renseignement a été rendu obligatoire en 2006 dans les établissements privés et publics autorisés à exercer en psychiatrie. Il recense un ensemble d’informations administratives et médicales sur les personnes prises en charge par ces établissements.
  • [5]
    Cette dénomination administrative est retenue par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) pour désigner les établissements de santé privés à but lucratif, autorisés à exercer en psychiatrie (documentation Finess, 2015, [en ligne] http://finess.sante.gouv.fr/finess/jsp/nomenclatures.do).
  • [6]
    Article 4 de la loi n° 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique.
  • [7]
    La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant sur la réforme hospitalière. La création des agences régionales d’hospitalisation en 1996 approfondit cette logique en soumettant à une même procédure de contrôle de leurs financements établissements privés et publics (Benamouzig et Pierru, 2012).
  • [8]
    Article L3221-1 du Code de la santé publique.
  • [9]
    Entre 2000 et 2011, le nombre de lits recensés dans les établissements privés est passé de 10 138 à 12 040 soit, de 16 % à 21 % de l’offre hospitalière à temps plein en psychiatrie.
  • [10]
    En 2011, les 137 établissements à but lucratif exerçant en psychiatrie comptent entre 30 et 258 lits d’hospitalisation à temps plein, avec une moyenne qui s’établit à 87 lits. En revanche, seuls 58 proposaient une alternative au temps plein hospitalier sous la forme d’un hôpital de jour. Ceux-ci comptent entre 3 et 36 places, avec une moyenne qui s’établit à 15 lits (DREES, SAE, 2011). Ces établissements sont donc absents du monde des soins ambulatoires tels qu’ils s’organisent dans le secteur.
  • [11]
    Voir la fiche de Magali Coldefy (organisation du secteur).
  • [12]
    En 2000, seuls 17 % des patients étaient hospitalisés plus d’un an en clinique, contre 43 % dans le secteur public (Chapireau, 2002). D’après les données RIM-P, cette proportion atteint 30 % dans l’établissement enquêté en 2012.
  • [13]
    Des associations comme l’Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques – UNAFAM, ont pu critiquer cette évolution comme témoignant de « dés-hospitalisations abusives » (Bungener, 2001).
  • [14]
    Ici, le terme « secteur » renvoie par métonymie à une unité d’hospitalisation ; voir la fiche de Magali Coldefy.
  • [15]
    Dans nos données, aucun individu n’ayant été admis après 65 ans, nous avons fixé cet âge comme celui au-delà duquel chaque personne peut être considérée comme ayant définitivement quitté l’institution.
  • [16]
    En l’état, notre enquête laisse en suspens deux hypothèses pour expliquer cette spécialisation relative. Il nous reste encore à mener une campagne d’entretiens auprès de psychiatres adressant des patients dans cette clinique, pour évaluer s’il s’agit, à leurs yeux, de patients nécessitant de longues hospitalisations. En outre, nous n’avons pas encore étudié les différents diagnostics présentés dans les demandes d’admission.
  • [17]
    Hôpitaux psychiatriques.
  • [18]
    Hôpital psychiatrique.
Français

Cet article se fonde sur une enquête ethnographique pour comprendre comment les ambiguïtés des politiques de « dés-hospitalisation » en psychiatrie peuvent contribuer à forger des expériences du temps d’hospitalisation. En partant du secteur hospitalier privé, assez peu étudié jusque-là quoique fortement spécialisé dans la prise en charge hospitalière à temps plein, on montrera que l’impression d’accélération du rythme des séjours, qui intéresse les professionnels, peut se combiner avec un allongement du temps d’hospitalisation, connu par les patients. Ce double phénomène invite à s’intéresser aux frontières que les acteurs dessinent entre leur propre hospitalisation et les autres temps sociaux dans lesquels ils sont inscrits.

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Julien Bourdais
Doctorant contractuel de l’Université Paris Descartes sur les carrières hospitalières en psychiatrie à l’heure de la dés-hospitalisation, sous la direction d’Alain Ehrenberg et moniteur à l’École normale supérieure de Cachan.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 22/06/2016
https://doi.org/10.3917/rfas.162.0157
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