1 Les hautes technologies sont des activités reposant sur l’innovation et sur des compétences élevées. Quatre types d’intervention doivent permettre d’une part de favoriser l’innovation dans ces secteurs et d’autre part de passer plus facilement à l’étape de la production et de la commercialisation, afin d’en faire un moteur de la croissance.
Simplifier le paysage institutionnel de la recherche, lui assurer des financements pérennes et la valoriser, y compris hors des schémas académiques
Diagnostic : Des conditions de recherche difficiles, cloisonnées et peu attractives
2 La structuration par opérateurs de gestion [1] rend le discours français inaudible pour les étrangers, en particulier au niveau européen. De plus, ces opérateurs sont dans des positions de concurrence à de nombreux niveaux (financiers, effectifs...). Enfin, les chercheurs qui souhaitent s’impliquer dans la valorisation ne bénéficient d’aucun statut, et surtout les revenus des chercheurs et enseignants-chercheurs ne sont pas attractifs dans notre pays.
3 Les financements sont complexes à obtenir. Le modèle de l’appel à projets n’est pas mauvais en soi : il permet à une politique de s’affirmer avec des choix stratégiques liés aux besoins ou à l’actualité, y compris avec des ressources limitées. Prenons l’exemple de Taïwan : le 35e pays au niveau des richesses et le 7e ou 8e pays le plus innovant. Les Taïwanais ont en effet la volonté politique d’être dans les 10 ans, la future Silicon Valley de la biotechnologie. Or dans notre pays, le millefeuille administratif est couronné par des agences de moyens et d’évaluations multiples, nationales ou internationales. Cette multiplicité de guichets est extrêmement désagréable pour les chercheurs – Agence nationale de la recherche (ANR), Europe, Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), Fonds unique interministériel (FUI)… – et laisse peu de moyens pour faire fonctionner les laboratoires et rémunérer les chercheurs. Les budgets de la recherche sont en diminution permanente. Prenons celui du programme TecSan de l’ANR [2] : il est passé en 5 ans de 17 millions d’euros par an à moins de 5 millions par an.
4 De plus, les investissements d’avenir ont financé de grands groupes, mais nous pouvons craindre que ces grands groupes ne fassent plus beaucoup de recherche en France depuis très longtemps. L’innovation est vraiment dans les petites entreprises, aux limites des laboratoires de recherche et de l’hôpital. Il faut insister sur l’excellence des hospitaliers universitaires français. Pourtant, la place de la recherche n’y est pas facile, puisque de nombreuses missions sont assignées à l’hôpital et que la partie recherche est souvent limitée. Par ailleurs, les universités tendent à ne laisser aux hôpitaux que la recherche clinique.
5 Enfin, les activités françaises de recherche dans les technologies pour la santé ne sont que très peu reconnues par les structures de recherche habituelles – Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)… –, bien qu’importantes, productives et développées depuis de très nombreuses années. Les établissements publics à caractère scientifique et technologique ne sont pas encore prêts à cette nouveauté, et les commissions d’évaluation internes ne favorisent pas l’innovation. La création des instituts thématiques multi-organismes (ITMO) aurait dû apporter un peu de souplesse, mais sans moyens, force est de constaté que c’est aujourd’hui un échec patent. De plus ces domaines à forte « valence valorisation » sont peu inscrits dans les critères de Shanghai [3].
6 Propositions : 1/ Simplifier l’administration actuelle (gestion et évaluation) de la recherche et diminuer les guichets de financement. 2/ Offrir des carrières plus attractives aux jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs avec l’économie ainsi réalisée. 3/ Favoriser les espaces de recherches publiques-privées au sein des hôpitaux. 4/ Favoriser les statuts ouverts entre le public et le privé et les Laboratoires communs organismes de recherche publics (LabCom)… 5/ Contrôler davantage la recherche industrielle financée sur fonds publics. 6/ Homogénéiser les barèmes d’évaluation, quelle que soit la tutelle : points Système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques (SIGAPS)…
S’appuyer sur nos points forts en matière de formation
Diagnostic : Un modèle en mutation
7 L’esprit d’ingénierie à la française est très admiré à l’étranger avec son ambivalence : il s’agit à la fois d’approfondir la recherche de solutions à un problème et d’être pragmatique. De plus, nous avons des filières historiques dites d’excellence : formation médicale dont résulte un système de soins globalement de grande qualité.
8 Or la France et, en particulier, les universités ont multiplié les formations courtes – Instituts universitaires de technologies (IUT), licences, masters – pour ressembler au modèle allemand. Nous disposons maintenant d’un éventail souvent instable de formations hétéroclites, où il est difficile de se frayer un chemin pour nos jeunes, déjà peu encouragés à poursuivre des études scientifiques. Néanmoins, ces formations ont l’intérêt de répondre à un besoin réel de proximités régionales. Par exemple, le master Technologie pour la médecine (TecMed) mêle médecins de spécialités et ingénieurs dans un même cursus : il ouvre des perspectives de collaboration scientifique aux interfaces dans les laboratoires et apporte aux industriels des solutions imaginatives et performantes.
9 Propositions : 1/ Laisser du temps entre deux modifications des cursus. La multiplicité des masters est certes préjudiciable à la clarté, mais l’intérêt de la proximité régionale est aussi bénéfique. 2/ Favoriser les cursus multicompétences.
Assurer le passage de l’ingénierie biomédicale à l’industrialisation et à la commercialisation
Diagnostic : Un tissu industriel très innovant mais sans modèle économique
10 Une part importante de l’innovation est produite en Europe et, contrairement aux idées reçues, la France est très bien placée, y compris en matière de robotique.
11 Malheureusement, le modèle économique général ne convient pas au domaine de la santé, où le prix de la production n’est pas fixé par le marché, mais, en France, par la Sécurité sociale. De plus, le système industriel s’appuie sur un marché européen qui n’est pas homogène. Les possibilités de développement des innovations européennes se situent sur de grands marchés, comme le marché américain, voire les marchés émergents (Chine…).
12 Propositions : Le modèle économique des sociétés innovantes doit être repensé en évitant des aides publiques et en aidant aux transferts laboratoires- hôpitaux-industries.
Donner un rôle aux « citoyens-patients »
Diagnostic : Une tendance à la déshumanisation de l’exercice de la médecine
13 Il est indéniable que les technologies doivent apporter une réelle amélioration à la qualité de vie. Néanmoins, la médecine est un acte humain, et la télémédecine doit être perçue comme une assistance à distance, comme le sont les imageurs et autres outils d’aides (biologie, anatomopathologie…).
14 Enfin, il n’est pas certain que la déresponsabilisation du patient par le non-paiement de l’acte de la consultation soit un choix raisonnable, d’autant plus qu’il aboutira indéniablement à une augmentation des coûts de la santé.
15 Propositions : 1/ Impliquer le « citoyen-patient » dans l’évolution des exercices professionnels de la recherche scientifique comme dans l’exercice de la médecine de demain. 2/ Le responsabiliser dans son parcours de soins.
Notes
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[1]
Institut national de la santé et de la recherche médicale (CNRS), Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de recherche agronomique (INRA), Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)…
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[2]
Ce programme a vocation à créer de l’innovation valorisée aux interfaces des technologies de santé et des sciences humaines.
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[3]
L’université Jiao Tong de Shanghai établit un classement académique des universités mondiales en fonction de six critères : nombre de Prix Nobel et de médailles Fields parmi les chercheurs ; nombre de chercheurs les plus cités dans leurs disciplines ; articles publiés dans Nature et Science ; articles indexés dans Science Citation Index et Arts & Humanities Citation Index ; performance académique au regard de la taille de l’institution.