CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Un grand nombre d’économies européennes continuent à subir des répercussions négatives liées au contrecoup de la crise économique et financière mondiale. Cette crise a exacerbé la tendance de long terme de hausse des inégalités, et de nombreux pays souffrent de taux de chômage élevés – en particulier chez les jeunes. Dans le même temps, alors qu’une part croissante de la jeune génération est confrontée à des difficultés de plus en plus importantes pour accéder aux emplois qualifiés et bien rémunérés, les transitions structurelles des économies industrielles vers des économies du savoir fondées sur le secteur tertiaire accroissent l’importance et la valeur des investissements en matière de capital humain sur le marché du travail (Goldin et Katz, 2008). Tandis que les spécialistes ont mis en lumière différentes « variétés de capitalisme » (Hall et Soskice, 2011) durant l’ère keynésienne, des observations plus récentes attestent une tendance générale à la libéralisation au sein des économies politiques développées, promue par la démarche continue d’intégration économique sur le plan mondial (Streeck, 2009 ; Thelen, 2014). Face à l’émergence de nouveaux risques sociaux et l’évolution de la situation des anciens risques sociaux, les gouvernements et les législateurs se trouvent confrontés à de nouveaux appels en faveur d’une réforme et d’un recalibrage des systèmes d’État-providence (Hemerijck, 2013, Morel, 2012). Toutefois, au regard des contraintes fiscales et économiques qui pèsent sur l’Europe en crise, la plupart des gouvernements n’ont que peu de marge de man œuvre pour augmenter les dépenses publiques consacrées aux politiques sociales ou à d’autres programmes. La montée en puissance des formes non standard d’emplois telles que des contrats à temps partiel subis, à durée déterminée ou d’autres formes d’emploi atypiques, constitue un problème important pour les systèmes de formation professionnelle (Busemeyer et Thelen, 2015).

2 Néanmoins, comme on l’a observé en Europe ces dernières années, certains pays ont mieux résisté à la crise que d’autres. Les taux de chômage allemands, par exemple, n’ont pas augmenté au cours de la crise et ont même continué à baisser (Eichhorst, 2015). L’un des facteurs expliquant ce phénomène est la politique adoptée par le gouvernement qui consistait à offrir aux entreprises des allocations pour les contrats à court terme (Kurzarbeitergeld). Un autre facteur en jeu – plus pertinent à l’aune des objectifs de cet article – est l’importance des systèmes d’enseignement et de la formation professionnels (EFP), qui font partie intégrante des stratégies de gestion du personnel et de formation des employeurs allemands. En effet, les employeurs ont investi de gros moyens dans la formation de leur main-d’œuvre qualifiée et hésitent donc à se séparer de leurs salariés en temps de crise, afin de ne pas perdre ces investissements. En revanche, dans d’autres pays, le chômage, et en particulier le chômage des jeunes, s’est considérablement accru, lors de la crise, et également par la suite. Ceci est partiellement lié aux organismes du marché du travail, mais, une fois encore, la formation professionnelle est également en cause. Dans les systèmes éducatifs où les jeunes terminent leur scolarité armés de qualifications relativement générales et facilement transférables, les employeurs pourraient être moins réticents à l’idée de se séparer de leurs salariés, puisqu’il leur est plus facile de réembaucher de nouveaux travailleurs sur le marché du travail. C’est particulièrement le cas dans les pays doté d’un marché du travail flexible et dérèglementé tels que le Royaume-Uni ou les États-Unis et également dans un pays tel que la France.

3 Dans les paragraphes suivants, j’aimerais amorcer la discussion par une brève analyse de l’argumentaire économique conventionnel concernant le rapport entre l’éducation et les inégalités, qui est décrit dans les travaux de Goldin et Katz sur la théorie d’un biais du progrès technique en faveur de la qualification (Goldin et Katz, 2008). Cette analyse sera suivie d’une discussion critique sur les limites de cette approche, mettant en évidence le fait que les différences existant au niveau du cadre institutionnel des systèmes d’enseignement et de formation ont en effet des répercussions importantes sur les inégalités, le chômage (des jeunes) et, au bout du compte, sur les modèles de croissance économique. Ensuite, je présenterai et analyserai des recherches réalisées au sujet de différentes typologies des systèmes de formation, lesquelles sont liées aux différents types de capitalisme social existants et à des régimes de croissance distincts. Enfin, je présenterai quelques travaux empiriques permettant de faire le lien entre d’une part les régimes de formation professionnelle et d’autre part les inégalités, le chômage des jeunes et la croissance.

Éducation et inégalités : perspectives des économistes et rôle du cadre institutionnel

4 La perspective des économistes sur les liens entre l’éducation, la croissance économique et les inégalités est largement encadrée par les travaux influents de Goldin et Katz (2008) sur le biais du progrès technique avantageant les travailleurs à hauts niveaux de qualification. Dans leur perspective, les changements technologiques constituent le moteur fondamental de la croissance économique et ont des répercussions sur le marché du travail. Les progrès technologiques sont « biaisés en faveur de hauts niveaux de qualification » en ce sens que, sur le long terme, ils augmentent le rendement des investissements réalisés dans l’éducation et privilégient les travailleurs dotés d’un haut niveau de qualification au détriment des travailleurs peu qualifiés. Si l’accès à des niveaux d’enseignement supérieurs est développé suffisamment rapidement, l’éducation peut gagner la course contre la technologie : si le système éducatif produit suffisamment de diplômés hautement qualifiés pour compenser les effets du biais technique avantageant les hauts niveaux de qualification, la répartition globale des salaires (et, donc, des inégalités) restera à peu près la même. La hausse récente des inégalités peut donc s’expliquer par le fait que le développement des opportunités de cursus universitaires a atteint une limite supérieure (ou potentiellement naturelle) : au vu des différences existantes en matière d’aptitudes scolaires, le système éducatif n’est plus à même de produire un nombre suffisant de diplômés, ce qui entraîne une limitation de l’offre en matière de travailleurs hautement qualifiés. En résulte une hausse des salaires de cette catégorie de travailleurs, creusant ainsi davantage les écarts de salaires entre les travailleurs hautement qualifiés et les travailleurs peu qualifiés. D’après cette théorie de Goldin et Katz, la tendance générale à la hausse des inégalités peut donc être comprise comme un effet secondaire des progrès technologiques, qui sont eux-mêmes, dans une large mesure, stimulés par des forces socioéconomiques et non par les politiques publiques ou les actions du gouvernement.

5 Or cet argument peut être contesté d’un point de vue théorique et également empirique. L’analyse empirique de Goldin et Katz (2008) est principalement limitée au cas des États-Unis. Toutefois, si l’on adopte un point de vue comparatif et plus global, on constate que les pays diffèrent considérablement, non seulement sur le plan de leurs niveaux existants d’inégalités, mais également eu égard à l’ampleur des changements intervenus au cours de ces dernières années. Ainsi, le mécanisme identifié par Goldin et Katz fonctionne en réalité différemment selon les cadres institutionnels. Plusieurs articles d’économie politique ont mis en lumière un certain nombre de facteurs qui déterminent les niveaux d’inégalités et leur évolution. Il s’agit par exemple de l’ampleur des négociations salariales collectives, de la portée du pouvoir des syndicats et des partis de gauche, de la générosité de l’État-providence ou encore des différentes variétés du capitalisme (Bradley, 2003 ; Hicks et Kenworthy, 1998 ; Iversen et Soskice, 2009 ; Pontusson, 2002 ; Wallerstein, 1999).

6 Des travaux plus récents ont par ailleurs analysé le rôle joué par le cadre institutionnel des systèmes d’enseignement et de formation vis-à-vis des différences en termes d’inégalités sur les marchés du travail (Busemeyer, 2015 ; Busemeyer et Iversen, 2014 ; Huber et Stephens, 2014 ; Solga, 2014). Ceci représente un nouveau facteur important qui vient compléter les nombreux travaux publiés sur les inégalités scolaires dans les domaines de la sociologie et des sciences de l’éducation. En effet, ces derniers s’intéressaient principalement à la persistance des divergences en matière d’accès aux différents niveaux d’enseignement selon les classes (Blossfeld et Shavit, 1993 ; Breen, 2009) et négligeaient la question du rapport entre les institutions éducatives et les évolutions des inégalités sur le marché du travail en tant que tel. Busemeyer (2015) et d’autres auteurs (Huber et Stephens, 2014 ; Solga, 2014) démontrent qu’il existe en effet un lien entre les institutions éducatives et les inégalités sur le marché du travail, mais que celui-ci est plus complexe que ce que l’on pourrait penser.

7 Quoi qu’il en soit, il n’existe aucun rapport linéaire simple entre l’ampleur des inégalités scolaires et celle des inégalités socioéconomiques sur le marché du travail. Par exemple le système éducatif américain peut être caractérisé comme un système relativement ouvert et général, puisqu’il n’existe qu’un seul type de cursus secondaire général (high school) et que le taux d’inscription en cursus universitaires est clairement supérieur à la moyenne internationale, ce qui indique un degré élevé d’ouverture. Or, il est bien connu que les États-Unis souffrent d’un taux élevé d’inégalités d’ordre socio-économique. Inversement, le système éducatif allemand a souvent été critiqué pour ses inégalités persistantes en matière d’accès à l’éducation, lesquelles sont liées au système d’enseignement secondaire stratifié et à un faible taux d’inscription en cursus universitaires. Néanmoins, les inégalités socio-économiques en Allemagne ont longtemps été significativement inférieures à la moyenne internationale (leur hausse est récente). Enfin, en Suède et dans d’autres pays scandinaves, le « modèle nordique d’éducation » (Antikainen, 2006), fondé sur le principe d’un enseignement polyvalent du niveau primaire au secondaire, puis à l’enseignement supérieur, est associé à un taux d’inégalités très faible par rapport au reste du monde. Ces exemples concis prouvent qu’il est fort probable que le cadre institutionnel des systèmes d’enseignement et de formation ait un impact sur le marché du travail (voir également Busemeyer et Thelen, 2015), mais il est crucial de distinguer les différents mécanismes complexes qui entrent en jeu dans ce rapport.

Variétés de capitalisme et systèmes de formation

8 Outre les conséquences sur les inégalités, l’école de pensée des variétés de capitalisme (Varieties of capitalism [VOC]) – (Hall et Soskice, 2001 ; Estévez-Abe, 2001 ; Iversen et Soskice, 2001 ; Iversen, 2005) – soutient que les systèmes de formation professionnelle ont, eux aussi, un impact sur la performance économique. Cet impact serait dû au fait que ces systèmes incitent les employeurs à investir dans des types particuliers de qualifications qui sont à leur tour associées à l’existence de différents scénarios de compétitivité. En somme, selon la théorie des VOC, les institutions des économies de marché coordonnées (EMC), comme en Allemagne, encouragent la formation spécialisée dans des qualifications professionnelles et spécifiques, tandis que dans les économies de marché libérales (EML), à l’instar des États-Unis, les qualifications scolaires et générales dominent.

9 Dans les EML, le système éducatif post-secondaire se caractérise par une forte prédominance de l’enseignement supérieur et de formes de gouvernance du système éducatif fondés sur le marché. Ce type de système attire les individus hautement qualifiés qui ont pour objectif de travailler au sein d’entreprises menant des stratégies d’innovation radicale, notamment dans les domaines du conseil en affaires, des technologies de l’information, de l’informatique, des biotechnologies et de l’industrie pharmaceutique (Hall et Soskice, 2001, p. 40-41). La disponibilité de jeunes diplômés hautement qualifiés permet aux entreprises des EML d’exceller au sein des marchés de produits en évolution rapide, bien que l’ampleur de la stratification interne des systèmes d’enseignement supérieur étalonnés sur le marché, à l’instar du système américain (Allmendiger, 1989), exacerbe les inégalités déjà existantes entre les gagnants et les perdants du système scolaire (Estévez-Abe, 2001).

10 En revanche, la disponibilité de compétences spécifiques au sein de l’offre de main-d’œuvre au sein des EMC permet d’inciter les employeurs à se spécialiser dans des types de production de qualité diversifiés (Streeck, 1992), c’est-à-dire dans des domaines de production de biens de qualité tels que la fabrication haut de gamme, la construction de machines, l’industrie automobile et les produits chimiques. Cette stratégie de production repose sur une innovation incrémentale, qui donne lieu à une amélioration et à un peaufinage progressifs des produits existants sur de longues durées. Dans ce modèle, les stratégies de formation et de gestion du personnel, axées sur le long terme, sont complétées par des mécanismes de coopération et de coordination bien établis entre les syndicats et les employeurs à l’échelle des entreprises et des industries.

11 Comme le démontrent Hall et Gingerich (2009) – bien qu’il convienne de se référer [également] aux travaux de Kenworthy (2006) pour aborder un point de vue différent –, les performances des économies de marché coordonnées et des économies de marché libérales en matière de croissance sont très similaires sur le long terme. Toutefois, différentes variétés de capitalisme sont associées à différents modèles de croissance ancrés au sein de la structure de qualifications de l’économie : un premier modèle de croissance marqué par une innovation rapide dans les nouveaux secteurs des services et de l’économie axée sur les hautes technologies au sein des économies de marché libérales, initié à partir de la grande disponibilité de qualifications scolaires et générales de haut niveau, et un second modèle fondé sur un investissement incrémental, axé sur l’acquisition de qualifications de nature professionnelle et plus spécifiques sur le long terme au sein des économies de marché coordonnées.

12 Le paradigme des VOC a eu une influence significative lors des dernières années, mais il a également été critiqué à de nombreux égards (Hancké, 2009). Par exemple certains détracteurs affirment que cette hypothèse est trop ancrée dans l’ère industrielle et qu’elle néglige et sous-estime les implications de la transposition des économies développées en économies tertiaires fondées sur le savoir et également sur la libéralisation du capitalisme mondial et sur l’évolution des structures d’emploi. Concernant plus spécifiquement les qualifications, un certain nombre de spécialistes avancent que la distinction dichotomique entre les qualifications générales et spécifiques est trop simpliste (Anderson et Hassel, 2013 ; Busemeyer, 2009 ; Busemeyer et Trampusch, 2012 ; Emmenegger, 2009 ; Streeck, 2012). Une catégorisation des systèmes de qualifications des pays anglo-saxons libéraux, en tant que systèmes axés sur l’enseignement supérieur, pourrait être pertinente. Toutefois, comme ces travaux le soulignent, il existe une diversité bien plus vaste de systèmes de formation au sein du groupe plus hétérogène des économies de marché coordonnées. S’appuyant sur des travaux antérieurs (Blossfeld, 1992 ; Crouch, 1999 ; Greinert, 1995 ; Lynch, 1994 ; Ryan, 2000), Busemeyer et Trampusch (2012 ; voir également [Busemeyer, 2009]) proposent un élargissement de la typologie des systèmes de formation qui tient compte de cette diversité (tableau 1).

Tableau 1

Variété des systèmes de formation au sein des démocraties industrielles développées

Tableau 1
Investissement public dans la formation professionnelle Important Système de formation étatiste (Suède) Système de formation collectif (Allemagne) Faible Système de formation libéral (États-Unis) Système de formation segmentaire (Japon) Faible Important Investissement des entreprises dans la formation professionnelle initiale

Variété des systèmes de formation au sein des démocraties industrielles développées

Source : Busemeyer et Trampusch, 2012, p. 12.

13 Contrairement à la distinction unidimensionnelle entre les qualifications générales et spécifiques, avancée dans les travaux sur les VOC (voir également Estévez-Abe, 2001 et Iversen et Stephens, 2008 pour une approche plus différenciée), cette typologie s’appuie sur deux dimensions. Toutefois, il convient de noter que celle-ci ne concerne que la formation initiale et exclut ainsi le domaine de la formation continue, en pleine expansion. Ceci est dû au fait d’une part que le cadre institutionnel de la formation continue peut être très différent de celui de la formation initiale et d’autre part que les premiers stades de la formation et de la vie professionnelle sont susceptibles d’avoir des répercussions plus importantes sur la stratification du marché du travail et sur les inégalités que la formation continue. En outre, il est important de signaler que cette typologie ne concerne pas uniquement la formation dans des secteurs particuliers de l’économie (par exemple l’industrie), mais bien dans l’économie dans son intégralité, y compris dans le secteur tertiaire.

14 La première dimension de cette typologie reflète l’ampleur de l’investissement public dans l’enseignement professionnel et la formation (initiale). Ceci est lié à différents aspects. Les pays diffèrent par exemple quant au degré de spécialisation professionnelle (Blossfeld, 1992) associé à la structure de leur système éducatif. Dans les pays dotés d’un haut degré de spécialisation professionnelle, le système éducatif offre une multitude de diplômes spécialisés qui sont entièrement et largement reconnus sur le marché du travail intérieur. En Allemagne par exemple il existe environ 330 diplômes professionnels reconnus. En revanche, le système éducatif des pays présentant un faible degré de spécialisation offre uniquement des diplômes généraux, ce qui est le cas du diplôme secondaire américain. En sus de la structure du système éducatif, l’investissement public touche également les systèmes d’EFP, par le biais de subventions accordées aux entreprises participant à l’enseignement et à la formation professionnels ou d’investissements dans les écoles professionnelles.

15 La seconde dimension de cet investissement concerne l’engagement des employeurs vis-à-vis de ces systèmes d’EFP (initiales). Dans certains pays tels que l’Allemagne et également certains pays de l’Asie de l’Est, les employeurs sont disposés à dépenser d’importantes sommes d’argent pour investir dans la formation professionnelle. Ceci ne relève pas entièrement de décisions volontaires, mais est souvent conditionné par le cadre institutionnel. Pour traduire cette idée, Streeck (1989, 1992) parle de la notion de « contraintes bénéfiques ». D’après cette perspective, la législation relative à la protection de l’emploi est l’une de ces contraintes bénéfiques. Dans les pays dotés de hauts niveaux de protection de l’emploi, il n’est pas facile pour les employeurs de licencier leurs salariés. Ainsi, ils sont fortement incités à continuer d’investir dans les qualifications de leur main-d’œuvre afin d’améliorer leur productivité. Or, comme l’illustrent le cas des pays de l’Europe du Sud et également de la France, de hauts niveaux de protection de l’emploi ne sont pas en eux-mêmes une condition suffisante pour garantir un fort engagement des employeurs vis-à-vis de la formation professionnelle. Il convient en effet de compléter ces hauts niveaux de protection de l’emploi par d’autres institutions, et principalement par des relations de coopération entre syndicats et employeurs, qui développent ainsi un intérêt commun dans le développement des qualifications de la main-d’œuvre.

16 La typologie bidimensionnelle permet de distinguer différents types de régimes de formation professionnelle. Dans les systèmes de formation libéraux tels qu’aux États-Unis, l’investissement public et l’engagement des employeurs dans les systèmes d’EFP se situent à de faibles niveaux. Par conséquent, l’EFP joue un rôle mineur dans le système éducatif et est souvent considéré comme un choix secondaire destiné aux jeunes qui ne parviennent pas à intégrer les universités. Ainsi, l’enseignement post-secondaire est dominé par les cursus universitaires, et les employeurs sont réticents à l’idée d’investir dans la formation dès lors que celle-ci va au-delà de leurs besoins immédiats à court terme. Ceci est dû au fait que les employeurs des pays où le marché du travail est libéral et déréglementé sont confrontés au risque que les concurrents attirent leurs employés formés à l’aide de salaires plus élevés. Ce risque est plus faible dans les pays dotés d’organismes de négociations de salaires coordonnées, puisque les disparités salariales y sont moindres.

17 Dans les systèmes de formation d’État, comme c’est le cas de la Suède, l’État est le fournisseur et le financeur principal de l’éducation, et le taux d’investissement public dans les systèmes d’EFP est plutôt élevé. Au sein du système suédois, par exemple, les étudiants du deuxième cycle de l’enseignement secondaire peuvent choisir parmi treize programmes de formation professionnelle, et environ 50 % des étudiants optent pour la voie professionnelle. Peut-être en conséquence de la domination de l’État en tant que dispensateur et financeur de l’éducation, le rôle des employeurs dans la mise en place de systèmes d’EFP a été marginalisé, bien que les gouvernements suédois aient tenté à plusieurs reprises d’accroître le niveau d’engagement des employeurs (Lundahl, 1997).

18 Les systèmes de formation segmentaire, comme celui du Japon, conjuguent un niveau élevé d’engagement des employeurs à un faible taux d’investissement public dans l’EFP. De façon similaire au système américain, le système éducatif japonais se distingue par une domination des cursus universitaires sur l’enseignement post-secondaire et par un faible développement des opportunités d’enseignement et de formation professionnels au niveau secondaire (Dore et Sako, 1998 ; Heidenheimer, 1997). Toutefois, les employeurs sont fortement engagés dans la promotion de la formation de leur main-d’œuvre, mais ceci concerne principalement les marchés du travail internes spécifiques à des entreprises. Ainsi, bien que la nature des compétences enseignées puisse en réalité être plutôt vaste, le lien avec les marchés du travail internes spécifiques à des entreprises permet de garantir que la portabilité de ces compétences dépende de segments particuliers du marché du travail.

19 Enfin, les systèmes de formation collectifs affichent des taux élevés sur les deux dimensions. Les employeurs sont fortement engagés dans la mise en place de systèmes d’EFP et sont également disposés à assumer une part importante des coûts associés à la formation. En parallèle, l’État est engagé dans le financement de l’EFP à titre d’alternative à l’enseignement universitaire et ce, tant au deuxième cycle qu’au niveau post-secondaire. Cela peut fonctionner de différentes façons, dont la plus fréquente est l’établissement d’une structure de gouvernance corporatiste. Par rapport aux autres systèmes de formation, les associations intermédiaires et, notamment, les syndicats et les confédérations patronales jouent un rôle bien plus important dans les systèmes de formation collectifs. Selon la notion de « gouvernements par intérêts privés » (Streeck et Schmitter, 1985), l’État s’abstient délibérément de trop intervenir dans le fonctionnement du système de formation. Au lieu de cela, il délègue certaines tâches à des acteurs privés, c’est-à-dire à des associations qui sont ensuite chargées d’assurer la mise en œuvre des intérêts publics à leurs membres. Concernant l’EFP, l’État mobilise les employeurs et les syndicats dans la détermination du contenu des profils de formation reconnus à l’échelle nationale, ce qui permet de garantir que le contenu de ces systèmes correspond aux besoins du marché du travail. Les régimes de formation collectifs s’appuient sur l’équilibre entre les intérêts des employeurs, des syndicats et des acteurs d’État, équilibre caractérisé par une précarité permanente dans une certaine mesure.

20 Le système français est relativement difficile à classer selon cette typologie, puisqu’il allie des éléments issus de différents systèmes de formation. En premier lieu, l’État joue un rôle dominant et central dans la mise en place et le financement de l’éducation. Par ailleurs, le système éducatif distingue différents types de diplômes généraux et professionnels – baccalauréat général, technologique, professionnel –, ce qui reflète un certain degré de spécialisation professionnelle, bien que celui-ci soit moins prononcé qu’au sein du système allemand qui, lui, reconnaît plusieurs centaines de diplômes professionnels. Ces facteurs plaident en faveur d’une classification de la France en tant que système de formation d’État, mais il existe également un système d’apprentissage professionnel qui favorise l’intégration de jeunes sur le marché du travail à l’issue de leur scolarisation (Centre européen pour le développement de la formation professionnelle [Cedefop], 2009). Cependant, Culpepper (2003, p. 36-37) affirme que les contrats de professionnalisation, qui constituent un élément central du système d’apprentissage professionnel, sont davantage sollicités par les grandes entreprises/employeurs, qui ont une certaine influence sur le contenu de ces contrats. Cette caractéristique du système français, elle, est propre au régime de qualifications segmentaire. En somme, on peut estimer que le système français est majoritairement un système d’État, bien qu’il présente toutefois des éléments des systèmes segmentaire et collectif et constitue de ce fait un système hybride.

Formation professionnelle et régimes de croissance

21 Dans quelle mesure les régimes de formation professionnelle coïncident-ils avec les régimes de croissance ? Pour répondre à cette question, il est utile de revenir sur l’un des piliers de la théorie des VOC (Hall et Soskice, 2001), à savoir l’idée que les régimes de formation professionnelle influent sur le type de compétences disponibles dans une économie politique. Ainsi, au lieu de se contenter d’affirmer que davantage d’éducation équivaut à davantage de croissance, l’hypothèse des VOC avance que différents types de compétences correspondent à différents modèles de production et, ainsi, à différents schémas de croissance économique. Selon la distinction dichotomique classique faite entre les économies de marché libérales et coordonnées mentionnée plus haut, les régimes de formation généraux (libéraux) sont associés aux entreprises qui adoptent des stratégies d’innovation radicale, puisque les qualifications générales de haut niveau sont abondantes dans ces types d’économies. Ceci crée une croissance (à court terme) considérable, mais aussi potentiellement des inégalités socio-économiques de plus grande ampleur, car la promotion de l’économie du savoir axée sur le service augmente les niveaux de rémunération relatifs des plus instruits au détriment des moins qualifiés.

22 Selon l’école de pensée des VOC, les compétences spécifiques domineraient les économies de marché coordonnées. Contrairement aux compétences scolaires générales, ces compétences spécifiques seraient moins facilement transférables d’entreprise en entreprise ou de poste en poste, car elles sont liées à des employeurs ou à des professions spécifiques (Hall et Soskice, 2001 ; Estévez-Abe, 2001). En conséquence, les stratégies d’innovation des entreprises sont davantage incrémentales que radicales, ce qui implique également des stratégies de gestion de personnel plus axées sur le long terme, où les entreprises investissent par exemple dans l’éducation et la formation de leur propre main-d’œuvre au lieu de recruter de nouveaux talents sur le marché du travail externe (Streeck, 1989 et 1992). Concernant l’emploi et la croissance, il est donc plausible de s’attendre à ce que la croissance globale au sein des EMC puisse être moins sensible aux fluctuations conjoncturelles sur le court terme et à ce que celle-ci soit moins dynamique pour développer de nouveaux secteurs économiques. Or, du fait que les employeurs investissent de gros moyens dans la formation de leurs salariés, ceux-ci devraient trouver un grand intérêt à conserver leurs salariés lors des périodes de crise économique.

23 Comme il a été mentionné plus haut, la distinction dichotomique faite entre les économies de marché libérales et coordonnées avancée par l’hypothèse des VOC (Hall et Soskice, 2001 ; pour un point de vue différent, voir également [Estévez-Abe, 2001]) est trop vaste. Différents régimes de formation relevant de cette vaste catégorie peuvent être associés à différents schémas d’emploi, de croissance et d’inégalités. En premier lieu, il convient de s’intéresser au fait que les compétences prédominantes au sein des EMC sont moins spécifiques et donc plus transférables que ce qu’avancent les travaux effectués sur les VOC (Busemeyer, 2009 ; Streeck, 2012). L’avantage particulier de l’enseignement et de la formation professionnels dans des pays, comme l’Allemagne, la Suède ou le Japon, est que les jeunes qui ne parviennent pas à intégrer un cursus universitaire obtiennent de larges bases de compétences professionnelles et techniques.

24 En fonction des systèmes de formation, l’importance relative des qualifications spécifiques à des entreprises par rapport à ces larges bases de compétences professionnelles varie toutefois. Au sein du régime segmentaire, la majorité des systèmes d’enseignement et de formation professionnels opèrent au sein d’un contexte axé sur l’entreprise, mais cela ne signifie pas que le contenu de cette formation sera spécifique à tel point qu’il serait inutile au sein d’un autre contexte d’entreprise. La portabilité réelle et la valeur sur le marché du travail associées à ces qualifications sont déterminées par l’absence ou la présence de mécanismes conformes de certification des compétences (Busemeyer, 2009). Ces systèmes sont majoritairement absents dans le régime segmentaire, mais ce n’est pas le cas au sein des systèmes de formation collectifs, puisque dans ces derniers, les chambres de commerce et d’industrie et d’autres entités similaires certifient et délivrent des diplômes professionnels. L’implication des associations d’employeurs et des syndicats dans la détermination du contenu des systèmes d’EFP permet de garantir que ces diplômes correspondent à la demande du marché du travail, contribuant ainsi à réduire les taux de chômage (des jeunes). Dans les systèmes de formation d’État, l’enseignement et la formation professionnels sont davantage axés sur une formation théorique, puisque ces cursus prennent généralement place en milieu scolaire. Ceci permet de rendre la transition d’un cursus d’EFP à un cursus universitaire plus facile qu’au sein des régimes collectifs. Sur le long terme, ce fonctionnement peut profiter à la croissance économique, puisqu’il permet un transfert des talents des secteurs industriels vers les économies du savoir axées sur le secteur tertiaire.

25 En somme, il est probable qu’il existe un lien solide entre, d’une part, les systèmes de formation, et d’autre part, les schémas d’emploi, de croissance et d’inégalités. Ceci est dû au fait que le cadre institutionnel du système d’enseignement et de formation joue sur la disponibilité de différents types de qualifications sur le marché du travail, qui, en retour, façonne les stratégies en matière de production, d’innovation et de ressources humaines des employeurs. De plus, il n’existe pas un modèle unique idéal, mais les différents régimes possèdent tous des atouts et des points faibles. Ce sont précisément ces atouts et ces points faibles que nous allons analyser d’un point de vue empirique dans le chapitre suivant.

Croissance et formation : éléments de preuve empiriques

26 Dans ce chapitre, je présenterai et j’analyserai certains travaux empiriques qui démontrent l’existence de liens entre les organismes de formation, la croissance et les inégalités. Cette analyse n’est pas strictement causale, mais porte sur les corrélations de ces facteurs dans le but de mettre en évidence des liens intéressants (voir [Busemeyer, 2015] pour une analyse plus détaillée et plus sophistiquée de la régression quantitative).

27 La figure 1 illustre le lien entre l’importance de l’apprentissage professionnel (axe des y) et la croissance moyenne dans les années précédant la crise (axe des x). L’importance de l’apprentissage professionnel (qui est également exprimée sous forme de moyenne pour la période 1997-2008) correspond au pourcentage d’étudiants du deuxième cycle du secondaire inscrits dans des formes de cursus d’enseignement et de formations professionnels qui cumulent une formation en entreprise avec un enseignement théorique en milieu scolaire (modèle d’apprentissage en alternance). Les données sont issues de la série Regards sur l’éducation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – différentes années. Comme attendu, les régimes de formation collectifs (Autriche, Allemagne, Suisse, Danemark et également Pays-Bas) présentent les taux les plus élevés d’inscriptions en cursus d’apprentissage professionnel, tandis que les économies de marché libérales et également les pays de l’Europe du Sud, eux, affichent les pourcentages les plus faibles. Il convient toutefois de noter que ces mesures de l’OCDE sont problématiques à certains égards (Busemeyer et Schlicht-Schmälzle, 2014 pour une analyse plus approfondie et un système de mesure alternatif). Ces problèmes sont majoritairement dus à la complexité même des systèmes d’enseignement et de formation. Selon les caractéristiques spécifiques du cadre institutionnel propre à chaque système de formation, les limites entre la formation en entreprise et l’enseignement théorique ne sont pas aussi claires que ce que l’on pourrait imaginer. En outre, les mesures de l’OCDE ne peuvent pas tenir compte de la qualité des formations en entreprise. Par conséquent, ces mesures ne doivent être perçues que comme une approximation grossière de la réalité empirique.

Figure 1

Formation professionnelle et croissance

Figure 1

Formation professionnelle et croissance

28 Quoi qu’il en soit, la figure 1 démontre bien l’existence d’un lien statistique entre les deux dimensions mentionnées, mais celui-ci est négatif. Au cours de la décennie précédant la crise, les pays proposant des cursus complets d’apprentissage professionnel en alternance ont affiché un taux de croissance moins dynamique que les autres pays. En particulier, les pays qui ont été les plus touchés par la crise ces dernières années (Espagne, Grèce, Irlande) ont affiché des taux de croissance nettement supérieurs à la moyenne. Il s’est avéré a posteriori que cette croissance était en réalité en grande partie alimentée par une envolée de la dette. Toutefois, la figure indique également que les économies de marché libérales, telles que les États-Unis, le Canada et les pays scandinaves, affichent une bien meilleure performance que les pays de l’Europe continentale, comme l’Allemagne. Bien que de nombreux facteurs expliquent la moins bonne performance économique de l’Allemagne par rapport à la moyenne internationale au début des années 2000, certains spécialistes mettent en cause le système de formation comme un « coupable potentiel » (Anderson et Hassel, 2013 ; Wren, 2013). D’après cette dernière perspective, le modèle d’apprentissage professionnel en alternance ancré dans les secteurs de l’industrie et de l’artisanat ne répond plus aux besoins en termes de qualifications propres à l’économie du savoir axée sur le secteur tertiaire. Selon ce point de vue, le meilleur moyen de préparer les jeunes à ce nouveau type d’économie serait de promouvoir l’enseignement supérieur et non d’encourager les étudiants potentiellement attirés par cette voie à opter pour l’EFP.

29 Les travaux empiriques des années précédant la crise étayent cette perspective. Lors de cette période, les économies les plus dynamiques étaient les économies de marché libérales et, en particulier, les États-Unis qui donnaient le ton à la nouvelle ère des technologies de l’information en adoptant des stratégies d’innovation radicale, comme l’indique l’approche des VOC. Cependant, la crise a permis de donner un nouvel éclairage sur les performances relatives des différents types d’économies. Bien que la récession de l’économie allemande fût d’ampleur similaire à celle des États-Unis, pour l’Allemagne, économie particulièrement tributaire de l’export, l’impact sur le marché du travail était très différent. La figure 2 illustre le rapport entre l’importance des systèmes d’EFP au sein du deuxième cycle du secondaire et l’évolution du taux de chômage entre 2008 et 2011. Contrairement aux outils de mesure utilisés dans la figure 1 et 2 parts d’une définition plus large des systèmes d’EFP, qui englobe à la fois la formation en milieu scolaire et la formation en entreprise. Ceci explique pourquoi l’Allemagne se situe désormais approximativement au même niveau que la Finlande, la Norvège, le Royaume-Uni ou l’Australie. Les systèmes d’EFP en milieu scolaire sont très populaires dans les pays scandinaves (systèmes de formation d’État). Le Royaume-Uni et l’Australie, quant à eux, se distinguent des autres économies de marché libérales telles que les États-Unis et le Canada en ce que l’enseignement et la formation professionnels y demeurent très présents ; cependant, dans ces pays, ces systèmes sont majoritairement organisés sous la forme d’un marché de la formation au sein duquel différents organismes de formation semi-publics et privés se disputent les subventions de formation publiques. Par conséquent, la qualité des formations y est souvent faible, et l’engagement réel des employeurs vis-à-vis de la formation de leur main-d’œuvre est limité (Fuller et Unwin, 2011). En raison de la complexité du marché britannique de la formation, les données de l’OCDE surestiment très probablement l’importance réelle de l’EFP en tant que cursus scolaire du deuxième cycle du secondaire.

Figure 2

Importance des cursus d’EFP et hausse du taux de chômage durant la crise

Figure 2

Importance des cursus d’EFP et hausse du taux de chômage durant la crise

30 De façon générale, la figure 2 illustre une tendance qui indique un rapport négatif entre la prévalence de l’EFP au deuxième cycle du secondaire et l’évolution du taux de chômage (général) durant la crise, bien que cette tendance ne soit pas aussi prononcée qu’au sein des autres cas abordés dans cet article. Par conséquent, ce rapport négatif ne permet pas d’affirmer que l’EFP génère un taux de chômage inférieur. Il symbolise plutôt le lien empirique entre les différentes sphères institutionnelles de l’économie politique. Comme le prône la perspective des VOC et comme démontré précédemment, les entreprises/employeurs adaptent leurs stratégies en matière de gestion du personnel et de ressources humaines en fonction du cadre institutionnel, tout au moins à court terme (« la structure influence la stratégie », [Hall et Soskice, 2001, p. 15]). Ainsi, dans les pays où les systèmes d’EFP sont importants, les entreprises peuvent tirer profit des qualifications professionnelles et plus spécifiques disponibles sur le marché du travail. Il est possible que ce système ne génère pas nécessairement une innovation radicale et une croissance dynamique à court terme, mais qu’il encourage les entreprises à adopter des stratégies axées sur le long terme en matière de gestion des ressources humaines et de développement de produits. Ce type de stratégie de « production diversifiée de qualité » (Streeck, 1992) crée une dépendance mutuelle entre les employeurs et les salariés : les employeurs dépendent des connaissances spécifiques aux postes et à l’entreprise que les salariés ont accumulées au fil des années, et les salariés eux-mêmes deviennent de plus en plus dépendants de leur employeur, puisque leurs compétences les plus spécifiques ne seraient pas aussi productives dans d’autres contextes. De ce fait, dans les situations de crise (à court terme), les employeurs sont vivement encouragés à conserver leur main-d’œuvre, puisqu’ils ont déjà beaucoup investi dans leurs qualifications.

31 L’importance de cette dépendance mutuelle est également liée à la structure des entreprises dans une économie donnée, ainsi qu’au régime institutionnel du marché du travail. Les grandes entreprises opérant sur de vastes marchés du travail internes sont davantage en mesure de conserver leurs salariés en période de crise que les petites et moyennes entreprises. De plus, de hauts niveaux de protection de l’emploi peuvent augmenter le coût des licenciements pour les entreprises, tandis que l’accès facile à des politiques actives du marché du travail, telles que les reconversions professionnelles, peut réduire le coût du chômage pour les travailleurs. Ces facteurs pourraient en partie expliquer la différence entre des pays comme l’Allemagne et le Danemark. La structure de l’activité économique allemande consiste en une combinaison de grandes entreprises dotées de marchés du travail internes importants d’une part et d’une multitude de petites et moyennes entreprises d’autre part. Le niveau relativement élevé de protection de l’emploi et l’importance des comités d’entreprise (notamment dans les grandes entreprises) contribuent à compliquer le licenciement des salariés. La politique gouvernementale de subventions à court terme accordées aux entreprises afin qu’elles conservent leurs salariés (Kurzarbeitergeld) a complété ces mesures d’incitation et s’est traduite par un faible taux de chômage lors de la crise. Au Danemark, le chômage s’est accru de façon bien plus importante malgré la présence d’un système de formation collectif bien établi. Ceci est dû à la plus grande flexibilité du marché du travail (niveaux plus faibles de protection de l’emploi), combinée à une structure de l’activité économique dominée par les petites et moyennes entreprises et à une politique gouvernementale axée sur des mesures en faveur d’un marché du travail actif et d’une scolarité plus poussée, qui sont venues réduire les coûts associés au licenciement de personnel (approche de la « flexicurité »). Cependant, en somme, la figure 2 montre que l’importance des cursus d’EFP est liée aux différences en termes de taux de chômage, indiquant ainsi que les employeurs pourraient être plus réticents à l’idée de licencier leurs employés lors des crises de courte durée dans ces pays.

32 Outre le niveau global de chômage, la structure institutionnelle du système éducatif est naturellement encore plus liée au chômage des jeunes et à la facilité de transition entre la scolarité et le travail. Les travaux pertinents réalisés au sujet du chômage des jeunes (Breen, 2005 ; Gangl, 2003 ; Wolbers, 2007) révèlent tous que les transitions entre l’école/la formation et le travail sont bien plus fluides dans les pays où les systèmes de formation en entreprise sont bien développés. Ceci est dû à une simple raison : les employeurs se servent souvent de l’apprentissage professionnel comme d’un système de sélection visant à identifier des travailleurs qualifiés qui pourront constituer le cœur de leur main-d’œuvre. Ayant déjà beaucoup investi dans leur formation, les employeurs ont un grand intérêt à conserver les jeunes étudiants ayant effectué leur formation au sein de leur entreprise une fois leur diplôme obtenu. Les entreprises ne participent pas toutes à l’apprentissage professionnel en raison de ce motif d’investissement. Certaines recrutent également des apprentis pour bénéficier d’une main-d’œuvre relativement peu onéreuse. Mais même dans ce cas de figure, les jeunes diplômés issus d’un cursus d’apprentissage professionnel sont en bonne posture sur le marché du travail, car ils ont acquis des compétences pratiques importantes.

33 La figure 3 vient confirmer le lien négatif attendu entre l’importance de l’apprentissage professionnel au niveau secondaire et l’évolution du taux de chômage des jeunes durant la crise. En principe, les systèmes d’apprentissage professionnel en situation de travail sont plus sensibles aux fluctuations du cycle de l’activité économique que les systèmes d’EFP en milieu scolaire. En période de récession, les employeurs deviennent plus réticents à l’idée de recruter de nouveaux apprentis, tandis que le nombre de places disponibles dans les systèmes d’EFP en milieu scolaire, lui, demeure généralement constant lors des périodes de crise économique et peut même s’accroître suite à une hausse de la demande. Or, malgré ce principe, les systèmes de formation en entreprise affichent une meilleure performance que les cursus d’EFP en milieu scolaire en termes d’intégration des jeunes diplômés issus de cursus d’apprentissage professionnel sur le marché du travail et ce, même en temps de crise. Ceci s’explique par le fait que, dans les systèmes d’EFP en milieu scolaire, la réticence des employeurs à embaucher de nouveaux collaborateurs se manifeste sous la forme d’une hausse du taux de chômage des jeunes une fois les étudiants diplômés. C’est pourquoi, au sein des systèmes de formation d’État tels que ceux de la Suède, de la Belgique ou de la France, le chômage des jeunes est bien plus élevé qu’au sein des systèmes de formation collectifs (bien qu’il ne soit toutefois pas aussi élevé que dans les pays de l’Europe du Sud). Les systèmes de formation libéraux, eux, se situent dans une position intermédiaire. Le marché du travail étant bien plus souple dans ces pays, les employeurs sont en principe moins réticents à l’idée d’embaucher de nouveaux collaborateurs. Outre la spécialisation professionnelle, le degré de protection de l’emploi a été identifié comme le deuxième facteur déterminant du niveau de chômage des jeunes (Wolbers, 2007). Des niveaux de protection de l’emploi élevés – tels qu’en Europe du Sud et également en France – engendrent des transitions plus difficiles entre scolarité et travail et, par conséquent, des taux de chômage des jeunes plus importants, si celles-ci ne sont pas facilitées par des organismes de formation dotés d’un degré de spécialisation professionnelle élevé (comme c’est le cas en Allemagne). Toutefois, bien que les systèmes de formation libéraux soient mieux placés que les systèmes d’État sur la question du chômage des jeunes, les emplois auxquels les jeunes dépourvus de diplômes universitaires peuvent accéder dans ces pays sont davantage susceptibles d’être associés à de faibles niveaux de qualification, de qualité et de rémunération (Busemeyer et Thelen, 2015).

Figure 3

Cursus d’apprentissage professionnel et chômage des jeunes

Figure 3

Cursus d’apprentissage professionnel et chômage des jeunes

34 Cette théorie est étayée par la figure 4, qui illustre le rapport entre le pourcentage d’étudiants inscrits en cursus d’EFP (on entend, ici également, à la fois les cursus d’EFP en entreprise et en milieu scolaire) et les inégalités de salaires. Cette figure s’appuie sur la base de données des inégalités de revenus de l’OCDE et illustre le rapport entre le salaire d’un individu se situant dans le neuvième décile de l’échelle des salaires et celui d’un individu du premier décile. Les chiffres révèlent un net lien négatif entre ces deux variables, qui se reflète également dans d’autres analyses de régression à variables multiples plus sophistiquées, qui tiennent compte d’un certain nombre de facteurs supplémentaires susceptibles d’avoir un impact sur les inégalités (Busemeyer, 2015, chapitre 4). Les niveaux d’inégalités de salaires sont considérablement inférieurs dans les pays disposant de systèmes d’EFP bien établis par rapport aux régimes axés sur l’enseignement supérieur au niveau post-secondaire.

Figure 4

EFP et inégalités de salaires

Figure 4

EFP et inégalités de salaires

35 Ce phénomène est dû à une raison simple (Busemeyer, 2015 ; Estévez-Abe, 2001) : les systèmes d’EFP de grande qualité offrent aux jeunes situés dans la moitié inférieure de l’échelle de distribution des qualifications scolaires, qui ne parviennent pas à entrer à l’université, une voie alternative vers des emplois décents et relativement bien rémunérés. Les systèmes d’EFP bien établis permettent aux individus dotés de compétences plus pratiques d’être formés et donc d’être valorisés sur le marché du travail. En revanche, au sein des systèmes éducatifs dépourvus de cursus d’EFP, il n’existe aucune alternative réelle à l’enseignement supérieur à l’université. Même dans les pays présentant des taux élevés d’inscription en cursus universitaires (comme les États-Unis ou le Canada), cela crée une différence importante entre les individus possédant un diplôme universitaire et ceux qui n’en ont pas, reflétant et renforçant ainsi les tendances de stratification et d’inégalités sur le marché du travail.

36 La figure 4 illustre également l’idée selon laquelle, s’agissant des inégalités, les systèmes d’EFP en milieu scolaire semblent mieux placés que les systèmes d’EFP en entreprise. Il va de soi que les inégalités de salaires sont également déterminées par un grand nombre d’autres facteurs non illustrés dans cette figure, tels que la générosité du système d’État-providence. Ceci étant dit, ce lien peut également être confirmé par des analyses statistiques plus sophistiquées. La raison en est que les systèmes d’EFP en milieu scolaire sont souvent entièrement intégrés à des systèmes scolaires secondaires généraux. Dans les pays scandinaves en particulier, le « modèle nordique d’éducation » (Antikainen, 2006) est fondé sur le principe d’un accès universel aux différents niveaux scolaires visant à promouvoir la mobilité sociale et éducative. Ainsi, les cursus scolaires et professionnels du niveau secondaire permettent en principe d’accéder à un niveau d’enseignement supérieur. Il s’agit ici d’une différence cruciale par rapport aux systèmes de formation collectifs – qui peuvent ainsi également être appelés « régimes de qualification différenciés » (Busemeyer, 2009, p. 394). Dans ces derniers – bien entendu, à des degrés divers (Nikolai et Ebner, 2012) –, les possibilités d’évoluer depuis un cursus professionnel vers un cursus universitaire sont bien plus limitées. En Allemagne, accéder à un cursus universitaire est particulièrement difficile pour les diplômés issus de cursus d’EFP. Ce point a été fortement critiqué en raison de ses implications négatives en termes de justice éducative et sociale (Baethge, 2006). En revanche, ceci pourrait en réalité contribuer à préserver la disposition des employeurs à investir dans les systèmes d’EFP, puisqu’ils peuvent être relativement certains que les diplômés issus de cursus professionnels resteront dans leur entreprise. Quoi qu’il en soit, la figure 4 indique qu’il existe effectivement un lien entre d’une part le cadre institutionnel du système d’enseignement et de formation et d’autre part le niveau d’inégalités (de salaires). En outre, la prédominance des systèmes d’EFP par rapport à l’enseignement supérieur est un facteur important pour expliquer ce lien.

Discussion et conclusions

37 Dans cet article, je vous ai présenté un aperçu du débat portant sur le lien entre les organismes de formation, les inégalités et les régimes de croissance du point de vue de l’économie politique comparative et des recherches sur l’État-providence. Plusieurs messages-clés se dégagent de ce débat, mais doivent être encore approfondis dans de futures recherches. Le premier point à retenir est la confirmation de l’existence de liens importants entre d’une part la structure institutionnelle du système d’enseignement et de formation et d’autre part les inégalités et les régimes de croissance. Toutefois, ces liens sont bien plus complexes que ce que l’on pourrait penser et reflètent un certain nombre d’importants arbitrages politiques. D’abord, certains éléments indiquent que la croissance économique a en effet été moins dynamique dans les pays disposant de systèmes d’apprentissage professionnels bien établis par rapport aux économies de marché libérales axées sur l’enseignement supérieur. Cependant, la crise a démontré que les employeurs des pays ayant un système de qualifications à spécialisation professionnelle prononcée sont bien plus enclins à conserver leurs salariés qualifiés en période de repli économique, car ils ont beaucoup investi dans leurs qualifications. Si les politiques gouvernementales complètent les stratégies des employeurs, comme c’est le cas en Allemagne, ceci se traduit par des niveaux bien plus faibles de chômage. Un bref tour d’horizon empirique est également venu étayer l’observation notoire selon laquelle le taux de chômage des jeunes est inférieur dans les pays dotés de systèmes d’apprentissage professionnel en entreprise. Même si ceci est probablement moins connu, les inégalités socio-économiques, en d’autres termes, les niveaux d’inégalités de salaires, sont elles aussi plus faibles dans les pays où les systèmes d’EFP sont importants. Or, il faut souligner qu’à cet égard, les systèmes d’EFP en milieu scolaire sont mieux placés que les systèmes d’apprentissage professionnel en entreprise, car l’intégration totale de l’EFP au sein de l’enseignement secondaire général y promeut la mobilité sociale et éducative et réduit les obstacles existant entre l’enseignement professionnel et l’enseignement général.

38 Enfin, j’ai observé quelques parallèles intéressants entre les systèmes de formation et les régimes de croissance. En matière de résultats socio-économiques, le lien entre la formation et les régimes de croissance reflète le fait que la disponibilité de différents types de qualifications au sein de l’économie influence et façonne les stratégies des employeurs en termes de gestion de personnel et de production. Cela contribue ainsi au bout du compte à façonner différents styles d’innovation et différents scénarios de compétitivité. L’identification de ces liens est l’une des contributions-clés du débat des VOC (Hall et Soskice, 2001). La question de l’importance du rôle des organismes de formation vis-à-vis de la croissance économique par rapport à d’autres facteurs demeure toutefois ouverte. Bien que l’offre de qualifications soit clairement importante, mon impression personnelle est que le cadre institutionnel des systèmes d’enseignement et de formation a des conséquences plus directes et plus importantes sur l’évolution de l’emploi, du chômage et des inégalités que sur la croissance en tant que telle. Ainsi, les systèmes de formation peuvent jouer (et jouent effectivement) un rôle important pour limiter et contrebalancer la tendance générale à la stratification et à la dualisation du marché, souvent associées à la montée en puissance des économies du savoir axées sur le secteur tertiaire. Dans cet article, j’ai démontré qu’il était possible que les systèmes d’EFP jouent un rôle plus important à cet égard que ce que l’on imagine généralement (pour un approfondissement de la question, voir [Busemeyer, 2015]).

39 Dans tous les cas, il semble également intéressant de réfléchir aux effets potentiels et aux limites de l’influence que peuvent avoir les politiques gouvernementales sur les régimes de croissance. Tous les gouvernements souhaiteraient parvenir à des taux de croissance et d’emploi élevés pour pouvoir être réélus ; cependant, les possibilités d’influer directement sur la croissance et de la stimuler semblent être limitées, à défaut de quoi le taux de croissance ne serait pas à ce point différent selon les pays. L’approche des VOC et les débats associés ont révélé l’existence de différents modèles de capitalisme qui peuvent être tous aussi fructueux que le modèle libéral inspiré par les Américains, à l’instar du modèle scandinave plus étatiste et du modèle allemand coordonné. Comme je l’ai signalé précédemment concernant l’exemple de l’Allemagne, la conception de politiques visant à compléter les stratégies des employeurs en matière de formation et de production, plutôt que des politiques vouées à imposer le même modèle quel que soit le contexte propre à chaque pays, semble être une solution bien plus prometteuse pour maintenir de bons taux de croissance et d’emploi.

Français

Les perspectives des économistes expliquent souvent la hausse des inégalités, observée dans de nombreux pays, par les contraintes sur l’offre de main-d’œuvre hautement qualifiée. Cet article remet en question cette perspective en mettant en lumière l’importance des différences de structures institutionnelles des systèmes d’éducation et de formation entre pays, qui sont liées aux disparités en termes de niveaux d’inégalités socio-économiques. Cet article évalue également dans quelle mesure les systèmes de formation professionnelle sont liés à la croissance économique et au chômage. Il y est argumenté (et démontré de façon empirique) que les systèmes de formation professionnelle en place au sein des économies de marché coordonnées telles que l’Allemagne, qui misent beaucoup sur la formation et l’enseignement professionnels, pourraient ne pas induire des taux de croissance élevés à court terme. Toutefois, ces systèmes encouragent les employeurs à adopter une perspective de long terme dans leurs stratégies en matière de gestions de personnel et de production, contribuant ainsi à la baisse des taux d’emploi et de chômage des jeunes, en particulier en temps de crise.

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Marius R. Busemeyer
Professeur en science politique, université de Constance.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/06/2016
https://doi.org/10.3917/rfas.161.0189
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