CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction [1]

1Montrée du doigt pendant la décennie 1990, l’Allemagne a été encensée à partir du milieu des années 2000 pour ses performances économiques (le taux de croissance du PIB est supérieur à 3 % en 2006, 2007, 2010 et 2011, alors qu’il est généralement inférieur ou équivalent à 2 % de 1995 à 2005) [2] et en matière d’emploi (+ 7,6 % de croissance de l’emploi entre 2006 et 2014, contre + 4 % entre 1995 et 2005) [3]. Comment ce pays est-il passé, en à peine une dizaine d’années, du statut de « mauvais élève » de l’Union européenne à celui de « modèle » qu’il conviendrait désormais d’imiter ? Le « miracle » allemand s’explique par la vigueur de son marché du travail. Bien que la forte croissance de l’emploi soit due, entre autres, à la réduction du temps de travail, à la faiblesse des gains de productivité ou encore au déclin démographique, elle est également le fruit des réformes du marché du travail menées il y a près de quinze ans. Adoptées et mises en œuvre entre 2002 et 2005, les lois Hartz ont en effet profondément transformé le marché du travail allemand en introduisant davantage de flexibilité et en intensifiant l’accompagnement des chômeurs. Ces réformes ont réussi à stimuler l’emploi tout en réduisant notablement le chômage : le taux de chômage a ainsi été divisé par plus de deux de 2005 à 2014, passant d’un maximum de 10,6 % à un minimum de 4,7 %, cependant que l’emploi a connu en même temps une croissance soutenue (+ 8,5 %) [4].

2Ces bons résultats sont à mettre en relation avec les mutations des politiques de l’emploi. Leur structure a changé sur la période 1998-2008, les mesures passives (indemnisation du chômage) ayant reculé au profit des mesures actives (réintégration sur le marché du travail) : la part des premières dans le total de la dépense pour l’emploi (DPE) a baissé de 65,3 % à 53,6 % – celle des secondes a parallèlement crû mécaniquement de 34,7 % à 46,4 % [5]. Parmi les mesures actives, nous focalisons notre attention sur les dispositifs d’incitation au travail en incluant, dans cette catégorie, les incitations à la reprise d’un emploi mais aussi celles à la création d’entreprise. Bien que ces mécanismes ne soient pas les plus importants au sein de la politique active de l’emploi, ils ont connu un essor considérable depuis la fin des années 1990 : la part des dépenses qui leur sont consacrées dans le total des dépenses actives a en effet été multipliée par trois au cours de la période concernée. Certes, la formation reste de loin la première catégorie de dépenses actives, progressant tout au long de cette période (48,5 % en 1998, 53,8 % en 2003 et 55,7 % en 2008), mais les dispositifs incitatifs ont suivi eux aussi une évolution similaire, et ce jusqu’en 2010, date à laquelle ils représentaient près du tiers du total des dépenses actives [6].

3Au-delà de l’accroissement marqué et continu des services du marché du travail sur toute la période (leur part dans la DPE a été multipliée par 3,5 entre 1998 et 2013), c’est surtout la façon dont la politique active de l’emploi a davantage mis en avant les mesures de nature incitative que nous analysons, ainsi que les raisons de l’accent mis sur ce type de dispositif. Concomitamment au maintien des efforts en formation professionnelle, la politique active en direction des chômeurs allemands a pris de plus en plus appui sur l’incitation au travail, laquelle s’est peu à peu substituée à l’emploi protégé et aux créations directes d’emploi. Après avoir dressé un panorama des mesures incitatives au travail à l’œuvre en Allemagne depuis le début de la décennie 2000, nous exposons les succès et les limites de stratégies de retour à l’emploi basées sur les incitations financières.

Panorama des mesures d’incitation au travail en Allemagne

4Avant de voir comment se sont déployées les incitations au travail, nous indiquons la place qu’occupent ces mécanismes au sein de l’ensemble des dispositifs de la politique active de l’emploi.

La place des dispositifs incitatifs dans la politique active de l’emploi

5Selon la classification établie par Eurostat, la politique de l’emploi comprend trois grandes catégories d’interventions : les services de la politique du marché du travail (labour market policies services), les mesures de la politique du marché du travail (labour market policies measures) et les soutiens à la politique du marché du travail (labour market policies supports) (Eurostat, 2013) [7]. Les deux premières catégories renvoient aux politiques actives de l’emploi dont l’objectif est d’assurer la réinsertion sur le marché du travail des personnes sans emploi, tandis que la troisième catégorie est celle des politiques passives de l’emploi qui visent à compenser une perte de revenu via l’octroi de prestations (indemnités de chômage et préretraite). Dans un sens restreint, les politiques actives correspondent au champ des mesures de la politique du marché du travail qui incluent cinq dispositifs : la formation professionnelle ; les incitations à l’emploi ; l’emploi protégé et la réadaptation (à destination des publics handicapés) ; la création directe d’emplois ; et les aides à la création d’entreprise.

6Dans un sens élargi, s’y ajoutent les services du marché du travail (service public de l’emploi et agences financées par des fonds publics fournissant des services et des activités aux demandeurs d’emploi) dans le sens où ces services ont eux aussi pour objectif de réintégrer les chômeurs dans l’emploi.

7En Allemagne, les services du marché du travail sont la catégorie qui s’est le plus accrue depuis la fin des années 1990 (graphique 1). C’est d’ailleurs cet accroissement qui permet d’expliquer le maintien de la part des politiques actives dans le total de la DPE sur la période 1998-2013.

Graphique 1

Part (en %) des trois principales catégories de dépenses dans le total de la dépense pour l’emploi en Allemagne de 1998 à 2013

Graphique 1

Part (en %) des trois principales catégories de dépenses dans le total de la dépense pour l’emploi en Allemagne de 1998 à 2013

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

8Les dépenses actives « au sens strict » (c’est-à-dire hors services du marché du travail) n’ont pas beaucoup augmenté sur la période considérée. Elles sont de l’ordre de 26 % à 29 % de 1998 à 2008, avec une phase à plus de 32 % en 1999-2002, conduisant à un recul des dépenses passives. La crise a toutefois mis un coup d’arrêt à ce recul, la part des dépenses passives étant repartie à la hausse à partir de 2009 (58,8 %, alors qu’elle n’est que de 53,8 % un an avant) pour atteindre 60 % en 2013. Ce sont surtout les services du marché du travail qui ont progressé, passant de 5,8 % en 1998 à 20,8 % en 2013 (+ 15 points). Leur part dans le total des politiques actives a été multipliée par plus de trois : alors qu’elle était de 16,7 % en 1998, celle-ci a atteint 52 % en 2013. En ajoutant les services du marché du travail aux autres catégories de la politique active, on constate que les politiques actives « au sens large » ont crû de 34,7 % en 1998 à 40 % en 2013. La crise de 2008 n’a fait que modifier la structure des politiques actives, celles-ci ayant mis davantage l’accent sur la catégorie des « services de l’emploi » mais n’ayant pas reflué au profit des politiques passives. Qu’en est-il de la place des dispositifs incitatifs au sein des politiques actives de l’emploi ?

9En nous référant aux cinq dispositifs énumérés, nous observons que la « formation professionnelle » occupe une place prééminente au sein des programmes actifs du marché du travail (PAMT) : de l’ordre de 50 % à la fin des années 1990 et au début des années 2000, elle passe à plus de 75 % en 2013. De leur côté, les « incitations à l’emploi » et les « aides à la création d’entreprise » sont les deux catégories dont la part dans le total des dépenses des PAMT est la plus faible à la fin de la décennie 1990 et au tout début de la décennie suivante (inférieure à 10 % pour les premières et à 5 % pour les secondes). Cette situation évolue cependant avec l’introduction des lois Hartz. Relativement marginales jusqu’en 2005, les « incitations à l’emploi » voient leur part dépasser celle de l’« emploi protégé » à compter de 2006 (8,7 % contre 4,4 %) et celle des « créations directes d’emplois » deux ans plus tard (14,2 % contre 12,4 %) ; quant aux « aides à la création d’entreprise », ce dispositif monte en puissance à partir de 2002-2003 pour surpasser la part des « créations directes d’emplois » dès 2004 et celle de l’« emploi protégé » en 2005 (graphique 2).

Graphique 2

Part des cinq dispositifs de la politique active (hors services du marché du travail) en % du total des dépenses actives en Allemagne de 1998 à 2013

Graphique 2

Part des cinq dispositifs de la politique active (hors services du marché du travail) en % du total des dépenses actives en Allemagne de 1998 à 2013

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

10Si nous opérons le regroupement des « incitations à l’emploi » et des « aides à la création d’entreprise » [8] dans une nouvelle catégorie « incitations au travail » [9], nous remarquons alors que les incitations ont connu une hausse sensible de 1998 à 2010 (graphique 3).

Graphique 3

Part des incitations au travail en % du total des dépenses actives de l’emploi (hors services du marché du travail) en Allemagne de 1998 à 2013

Graphique 3

Part des incitations au travail en % du total des dépenses actives de l’emploi (hors services du marché du travail) en Allemagne de 1998 à 2013

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

11Les incitations au travail ont très fortement augmenté sur la période concernée, leur part dans le total des dépenses actives ayant plus que triplé : de moins de 10 % en 1998, elle dépasse les 32 % en 2010.

12Cette évolution est encore plus prégnante si nous nous intéressons non plus à la part mais au volume des dépenses de nature incitative. Le montant des « incitations à l’emploi » augmente continûment de 1998 à 2003, passant de 1,15 milliard à 2,35 milliards d’euros. S’il diminue de 2004 à 2006 (respectivement 1,82 et 1,34 milliards), il repart à la hausse à partir de 2007 (1,64 milliard) pour atteindre un maximum en 2010 (2,37 milliards). De même, les « aides à la création d’entreprise » ont vu leur montant progresser de 633 millions d’euros en 1998 à 3,36 milliards d’euros en 2005. La baisse des dépenses de ce dispositif, amorcée à partir de 2006 (inférieur à 3 milliards), s’accentue à compter de 2010 (inférieur à 2 milliards jusqu’en 2011 puis à 1 miliard depuis 2012). La mise en œuvre de politiques de rigueur budgétaire à partir de cette date a conduit à mettre un frein à la dynamique de progression des incitations au travail et à redonner la priorité aux mesures de formation. Leur part dans le total des dépenses actives s’est d’ailleurs effondrée depuis 2010 (encore 27,9 % en 2011, mais moins de 10 % en 2013 !), cet effondrement étant autant dû à la réduction drastique des « aides à la création d’entreprise » (– 86,7 % de 2010 à 2013) qu’à celle, à peine plus modérée, des « incitations à l’emploi » (– 74,5 % sur la même période).

Les incitations financières à l’emploi

13Institués à partir de la fin des années 1990 et réformés par la loi Hartz II de 2003, les mini-jobs et les midi-jobs sont des emplois destinés aux personnes sans revenus mais aussi à celles désirant les augmenter en cumulant un deuxième emploi en plus de leur activité professionnelle principale (Koléda & Brun-Schammé, 2010). S’adressant autant aux inactifs qu’aux actifs, ces emplois concernent aussi bien le secteur marchand que le secteur non marchand. Ils permettent de cumuler, sans limitation de la durée hebdomadaire de travail [10], plusieurs contrats de travail sous divers statuts, essentiellement atypiques. Les employeurs embauchant des mini-jobbers ou des midi-jobbers bénéficient d’allègements de cotisations sociales, voire n’en versent pas du tout (exonération totale de charges pour les mini-jobs et partielle pour les midi-jobs[11]). Au vu des caractéristiques évoquées, les mini-jobs et les midi-jobs sont des emplois subventionnés qui relèvent de la catégorie des « incitations à l’emploi », plus particulièrement celle des « incitations à l’embauche » [12]. Les mini-jobs et les midi-jobs visent à accroître le retour à l’emploi des personnes faiblement rémunérées. Cette stratégie repose sur une double dimension incitative. Tout d’abord, les mini-jobbers et les midi-jobbers sont exonérés du paiement de l’impôt (Lestrade, 2004), ce qui revient à introduire un mécanisme d’incitation fiscale au travail. Ensuite, une partie de leurs allocations peut être cumulée avec les revenus du travail : les cent premiers euros d’activité sont en effet intégralement cumulables avec les prestations d’assistance, on passe à 20 % jusqu’à 800 € et à 10 % jusqu’à 1 200 € (Boget, 2013). Or, le cumul entre prestations et salaire constitue l’une des modalités de l’incitation au travail [13].

14Une autre forme d’incitation monétaire réside dans l’octroi de « primes à la reprise d’un emploi » [14]. En Allemagne, celles-ci sont au nombre de trois :

  • l’Arbeitsgelegenheiten mit Mehraufwandsentschädigung, autrement dit l’indemnité pour compenser les dépenses supplémentaires liées à l’exercice d’un travail ;
  • l’Aufwandsentschädigung, qui est l’indemnité à l’allocation de base ;
  • l’Einstiegsgeld, prime mensuelle pouvant être éventuellement accordée aux bénéficiaires de la prestation d’assistance chômage.

15La première renvoie aux « opportunités de travail » reconnues d’utilité publique qui ne font pas concurrence aux emplois du marché du travail régulier. Mise en place à partir de 2005 au travers de la loi Hartz IV, l’Arbeitsgelegenheiten mit Mehraufwandsentschädigung s’adresse plus spécialement aux détenteurs d’un « job à un euro » (Ein-Euro-Job)[15]. S’ajoutant aux allocations chômage, la « compensation pour dépenses supplémentaires » est une aide à la prise en charge des frais liés à la reprise d’un emploi et versée dans la limite de 200 € par mois (ce qui correspondrait à un emploi d’une durée hebdomadaire maximum de 30 heures payées à un taux horaire moyen de 1,5 €. Si les Ein-Euro-Job s’inscrivent essentiellement dans une logique de pression mise sur les chômeurs pour qu’ils reprennent (rapidement) un emploi, la « compensation » qu’ils offrent est assimilable à une « prime » qui autorise à les considérer comme un dispositif d’incitation au travail. Il en est de même pour la seconde aide financière qui a pour but de soutenir les activités secondaires non salariées. Celle-ci est versée lors de la reprise d’un emploi non rémunéré de 13 heures maximum par semaine dans un organisme sans but lucratif (associations) ou dans une structure de droit public. L’Aufwandsentschädigung vise à prendre en charge une partie des frais occasionnés par l’exercice d’un travail bénévole et son montant varie selon le domaine d’activité. Enfin, la troisième forme d’aide est destinée, sous certaines conditions, aux récipiendaires de l’Arbeitslosengeld II (AGII) qui acceptent de reprendre un emploi salarié soumis à cotisations sociales (Kramarz et al., 2012). Cette prime n’est pas automatique : le versement de l’Einstiegsgeld est en effet laissé à l’appréciation discrétionnaire de l’administration compétente qui l’octroie pour une durée maximale de 24 mois et pour un montant ne pouvant excéder les taux standards de l’AGII.

16L’Allemagne a, comme les autres pays d’Europe et dans le sillon des réformes menées au Royaume-Uni, introduit des mécanismes d’incitation à l’emploi. Elle se démarque néanmoins de ses voisins européens par l’attention portée aux dispositifs d’aides à la création d’entreprise. Ce pays est en effet illustratif des efforts réalisés par les pouvoirs publics pour stimuler la création d’entreprise par les chômeurs.

Les incitations financières à la création d’entreprise

17La réintégration des chômeurs sur le marché du travail est aussi passée par le canal des aides à la création d’entreprise. Les dépenses consacrées à cette mesure ont été relativement élevées sur la période 2004-2011, de l’ordre de 14 à 18 %. Elles ont surtout commencé à croître à partir de 2002-2003, au moment même où les incitations à l’emploi amorçaient une légère baisse ; et lorsque ces dernières ont repris de la vigueur (+ 11,4 points de 2005 à 2010), les aides à la création d’entreprise n’ont pas diminué pour autant – en dehors de la brève chute enregistrée entre 2006 et 2008 (– 6 points) –, se maintenant toujours au-dessus de la barre des 11 % (graphique 4). Les politiques d’austérité menées à partir de 2010 permettent d’expliquer le fort recul de la part des aides à la création d’entreprise (de 15,1 % en 2011 à 2,9 % en 2013). Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre aux incitations à la création d’activité puisque les incitations à l’emploi ont connu le même sort (baisse de 11 points entre 2010 et 2013).

Graphique 4

Part des incitations à l’emploi et des aides à la création d’entreprise en % du total des dépenses actives de l’emploi (hors services du marché du travail) en Allemagne de 1998 à 2013

Graphique 4

Part des incitations à l’emploi et des aides à la création d’entreprise en % du total des dépenses actives de l’emploi (hors services du marché du travail) en Allemagne de 1998 à 2013

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

18L’incitation des chômeurs à créer leur propre activité s’est traduite par l’instauration, en 2003, du dispositif Ich-Aktiengesellschaft (Ich-AG) en faveur des micro-entreprises. Institué dans le cadre de la loi Hartz II, Ich-AG ne désignait pas une forme juridique d’entreprise mais la mise en place d’une activité professionnelle autonome par une personne préalablement sans emploi. S’adressant aux demandeurs d’emploi reprenant une activité indépendante ou créant leur entreprise, cette mesure permettait aux chômeurs percevant des allocations chômage ou bénéficiant de mesures de promotion de l’emploi d’obtenir le versement de l’aide au « démarrage » d’activité (Existenzgründungszuschuss). Cette subvention dégressive était octroyée pendant une durée maximale de trois ans (600 € par mois la première année, 360 € la seconde et 240 € la troisième) aux chômeurs s’installant à leur compte et dont le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise n’était pas supérieur à 25 000 €.

19En 2006, Ich-AG a disparu au profit du nouveau programme Gründungszuschuss qui reprend, en les regroupant sous un seul instrument financier, les dispositions de la subvention de démarrage (Existenzgründungszuschuss) d’Ich-AG (Koléda & Brun-Schammé, 2010) et celles de l’allocation de transition (Überbrückungsgeld) (Bouvard et al., 2013). Gründungszuschuss va au-delà des micro-entreprises car cette « aide de base » élargit à toute activité indépendante le bénéfice de la subvention étatique versée aux chômeurs-allocataires créateurs d’entreprise. Exonérée d’impôt et non soumise au taux d’imposition progressif, cette prime à la création d’une activité indépendante n’est toutefois accordée qu’aux titulaires de prestations d’assurance chômage (Arbeitslosengeld I) disposant des compétences personnelles et professionnelles indispensables pour créer une entreprise.

20Il est à noter que le soutien à la création d’entreprise a pu également reposer sur l’Einstiegsgeld. Loin de n’être réservée qu’aux bénéficiaires de l’Arbeitslosengeld II reprenant un emploi salarié soumis à cotisations sociales, cette prime mensuelle est aussi versée, selon les mêmes modalités, à ceux d’entre eux qui décident de créer leur entreprise (Kramarz et al., 2012). Toutes ces mesures ont-elles produit les effets escomptés ? Rien n’est moins sûr. Certes les succès sont au rendez-vous, mais à quel prix ? Les risques inhérents aux dispositifs mis en place interrogent sur leur efficacité réelle et leurs limites.

Succès et limites des stratégies de retour à l’emploi basées sur les incitations

21Bien que les incitations au travail aient un impact positif sur le retour à l’emploi des chômeurs allemands, leurs effets globaux sur l’emploi sont à relativiser. De plus, ils bénéficient surtout aux catégories de chômeurs les plus employables. Ils conduisent par ailleurs massivement à des reprises d’emplois de faible qualité ainsi qu’à accroître la pauvreté et les inégalités.

Une participation accrue au marché du travail mais des effets globaux sur l’emploi à relativiser

22L’introduction des mini-jobs a permis de contribuer, entre 2002 et 2011, à 2 % des 3,8 % de la croissance de l’emploi salarié, soit plus de la moitié du total de l’emploi salarié créé sur la période considérée (Conseil central de l’économie, 2013). Les Ein-Euro-Job, de leur côté, ont permis de créer plus de 95 000 emplois depuis 2004 (Bouvard et al., 2013) et ils ont eu un impact positif sur la performance ultérieure sur le marché du travail (Huber et al., 2011). Même si elles sont peu nombreuses, les évaluations menées à propos de l’impact d’Einstiegsgeld montrent quant à elles une participation accrue au marché du travail des bénéficiaires de l’AGII ayant eu droit à cette prime (Wolff & Nivorozhkin, 2008). Dans l’ensemble, les incitations financières à la reprise d’un emploi ont donc des effets positifs sur le retour des chômeurs sur le marché du travail.

23Il en est de même pour les incitations financières à la création d’entreprise. Le dispositif Ich-AG a été en mesure de créer des emplois dès son entrée en vigueur et il est très rapidement monté en puissance, concernant cinq fois plus de personnes en l’espace d’à peine deux ans : près de 41 000 en 2003 et plus de 233 000 en 2005 (Koléda & Brun-Schammé, 2010). Les bénéficiaires d’Ich-AG et de l’allocation de transition (Überbrückungsgeld) ont par ailleurs une probabilité d’obtenir un emploi supérieure de 22,1 points de pourcentage à celle des personnes qui n’ont pas pu bénéficier de ce programme (Caliendo & Künn, 2011). De plus, le taux de survie des entreprises allemandes créées par des chômeurs est très élevé, à savoir 87 % après trois ans d’exercice (Gruber & Dencker, 2012).

24Dans l’ensemble, les incitations au travail ont contribué aux bonnes performances du marché du travail allemand. Depuis la mise en œuvre de la dernière réforme Hartz IV, l’économie allemande a vu son taux de chômage décroître sensiblement alors que l’emploi est reparti à la hausse. Entre 2005 et 2014, le taux de chômage a en effet diminué de 6,2 points (11,2 % en 2005 et 5 % en 2014) et l’emploi s’est accru (+ 0,8 % dès 2006, puis + 1,7 % en 2007 et encore + 1,3 % en 2011) (graphique 5).

Graphique 5

Évolution du taux de chômage (en % de la population active) et de la croissance de l’emploi (en %) en Allemagne de 1992 à 2014

Graphique 5

Évolution du taux de chômage (en % de la population active) et de la croissance de l’emploi (en %) en Allemagne de 1992 à 2014

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

25Mais le « succès » des mini-jobs doit être doublement nuancé. D’une part, l’augmentation de l’emploi total en Allemagne ne s’explique que marginalement grâce à la mise en place de cette mesure (Bouvard et al., 2013). D’autre part, les mini-jobbers ayant bénéficié le plus des effets de ce dispositif sont avant tout des inactifs et non pas des chômeurs (Lestrade, 2004). Ensuite, par-delà la diversité des emplois auxquels ils conduisent, les Ein-Euro-Job ont des effets modérés sur l’emploi (Hohmeyer, 2011), voire décevants (Bouvard et al., 2013). Ces derniers n’ont en effet permis d’accroître que de 0,3 % l’emploi salarié, soit une contribution de 5,4 % à la hausse de l’emploi salarié total (Conseil central de l’économie, 2013). Hormis pour quelques sous-groupes spécifiques, ils apparaissent relativement inefficaces sur le retour à l’emploi des allocataires (Huber et al., 2011). Les effets positifs de l’Einstiegsgeld sont à relativiser du fait, nous l’avons dit, du peu d’études réalisées à son sujet, mais aussi parce que son impact sur la sortie du système des prestations d’assistance chômage est matière à discussion.

26Si le constat est un peu moins sévère côté aides à la création d’entreprise, ces mesures méritent néanmoins elles aussi examen. Il est vrai que les dispositifs Ich-AG et Überbrückungsgeld accroissent la probabilité de sortie du chômage des participants aux programmes (ces derniers ont 15,6 % de chance de plus que les non-participants de ne pas être réinscrits au chômage 56 mois après le début de leur reprise d’activité) avec des effets positifs en matière de revenus (Caliendo & Künn, 2011), de même que Gründungszuschuss exerce un effet important sur la sortie du système d’allocations (Bouvard et al., 2013). Quant à Einstiegsgeld, son versement au titre de l’aide à la création d’entreprise a conduit, deux ans après le début du programme, à faire augmenter de 11 % à 16 % la probabilité de ne pas recevoir l’Arbeitslosengeld II et à faire accroître de 20 % la probabilité de ne pas être inscrit au chômage ou de ne pas être demandeur d’emploi (Wolff & Nivorozhkin, 2008). Les dispositifs en faveur de l’auto-entreprenariat et du travail indépendant ont ainsi permis d’abaisser le nombre de demandes d’allocation chômage en Allemagne (Lequillerier, 2013). C’est sûrement ce qui explique que, outre-Rhin, les chômeurs créateurs d’entreprise restent moins longtemps au chômage que leurs homologues européens avant de se mettre à leur compte (Gruber & Dencker, 2012). Il n’est cependant pas avéré que quitter précocément le système de prestations se traduise par des gains monétaires nettement substantiels sur le plus long terme. De plus, le taux de survie des entreprises créées par les chômeurs doit être mis en parallèle avec le fait qu’en Allemagne, les entreprises (surtout les petites) ont de toute façon des taux de faillite relativement faibles [16].

Des dispositifs bénéficiant en priorité aux chômeurs les plus employables

27Il convient d’indiquer que les titulaires des Ein-Euro-Job s’en sortent moins bien que les allocataires qui n’ont pu bénéficier que de mesures « traditionnelles » de création d’emplois ou d’opportunités de travail (Hohmeyer & Wolff, 2010). Or, les bénéficiaires des programmes Ein-Euro-Job sont des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire précisément ceux qui connaissent déjà le plus de difficultés à s’insérer sur le marché du travail. De son côté, l’activité envisagée au titre de la perception de Gründungszuschuss doit être suffisamment pérenne pour procurer au chômeur-entrepreneur des moyens de subsistance suffisants sur le long terme qui lui permettent de sortir durablement du chômage : celui-ci a l’obligation de présenter un plan d’affaires afin de démontrer la viabilité de son activité [17]. Ne peuvent ainsi prétendre à Gründungszuschuss que les chômeurs indemnisés au titre de l’assurance chômage (Arbeitslosengeld I) qui ont les compétences personnelles et professionnelles requises pour créer une entreprise [18] et dont l’activité est économiquement pertinente [19]. Cette double condition signifie que ne peuvent bénéficier de ce dispositif que les individus qui sont déjà les plus à même de retrouver par eux-mêmes un travail, en d’autres termes les chômeurs les plus employables qui ne sont pas ceux qui auraient besoin en priorité d’un accompagnement renforcé des services de l’emploi.

Le développement des emplois précaires

28L’impact positif des dispositifs incitatifs en matière de retour sur le marché du travail est à mettre en regard avec la qualité de l’emploi repris ou de l’activité créée. Oscillant entre 12 % et 13 % dans les années 1980, le temps partiel dans le total de l’emploi salarié a augmenté continûment durant la décennie 1990. Il dépasse la barre des 20 % en 2002 et poursuit son ascension pour atteindre 26,5 % en 2014 (graphique 6). Il a été multiplié par plus de deux en l’espace de trois décennies. L’emploi à durée limitée (CDD) a lui aussi progressé : représentant 10 % du total de l’emploi salarié en 1984, il a atteint son maximum en 2010 à 14,7 % (graphique 6). Entre 1984 et 2014, alors que la part des salariés en CDD est demeurée globalement stable (10 à 15 %), celle des salariés à temps partiel a, quant à elle, connu une croissance très importante (+ 14,6 points).

Graphique 6

Évolution de la part (en %) des emplois à temps partiel et des emplois à durée limitée (CDD) dans le total de l’emploi salarié en Allemagne de 1984 à 2014

Graphique 6

Évolution de la part (en %) des emplois à temps partiel et des emplois à durée limitée (CDD) dans le total de l’emploi salarié en Allemagne de 1984 à 2014

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

29Le temps partiel a surtout progressé après la mise en œuvre des lois Hartz, le taux étant de 25,2 % en 2006, alors qu’il n’était encore que de 19,9 % en 2001 [20] (soit + 5,3 points en cinq ans). Même si l’augmentation de l’emploi des salariés ayant un contrat à durée déterminée n’a pas été aussi forte que celle des salariés ayant un emploi à temps partiel, la hausse a surtout eu lieu durant la période 2002-2006 (+ 2,6 points, de 12 % à 14,6 %).

30Ce que l’on peut déduire de ce constat, c’est que les réformes du marché du travail allemand menées entre 2002 et 2005 ont entraîné un accroissement sans précédent des emplois atypiques. Les mini-jobs, par exemple, correspondent à des emplois aux conditions de travail précaires (la fixation d’une durée de travail dans le contrat de travail n’est pas obligatoire) avec des salaires horaires faibles (inférieurs à 5 € en 2009) (Blot et al., 2015) et ils ne fournissent pas une couverture sociale totale (Lestrade, 2013). Un autre constat alarmant est celui de l’augmentation de la part des travailleurs qui occupent un deuxième emploi en plus de leur activité principale. Depuis la fin des années 1990, cette part n’a cessé d’augmenter, aussi bien chez les salariés que chez les indépendants (graphique 7).

Graphique 7

Part des salariés (en % du total des salariés) et des indépendants (en % du total d’indépendants) exerçant un deuxième emploi en Allemagne de 1992 à 2014

Graphique 7

Part des salariés (en % du total des salariés) et des indépendants (en % du total d’indépendants) exerçant un deuxième emploi en Allemagne de 1992 à 2014

Sources : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.

31Cette tendance est surtout manifeste depuis l’instauration des lois Hartz. Alors que la proportion de salariés ayant un deuxième emploi était encore inférieure à 2 % en 2005, celle-ci s’est accrue considérablement à partir de 2006 pour atteindre 3,1 % de l’ensemble de la population salariée en 2014. Il en est de même pour les indépendants : la part de ceux qui ont un deuxième emploi parmi l’ensemble des travailleurs indépendants s’est envolée depuis 2004 (10 % en 2004 et 17,2 % dix ans après). Cette situation n’est pas le fruit du hasard, elle résulte du besoin qu’ont les travailleurs allemands d’avoir une deuxième activité pour espérer augmenter leur niveau de vie, le premier emploi occupé étant insuffisamment rémunérateur. C’est notamment le cas des mini-jobbers : alors que la part dans le total de l’emploi salarié des mini-jobs exercés à titre d’activité principale s’est maintenue depuis le début des années 2000, la part des mini-jobs exercés en plus d’une activité salariée s’est considérablement accrue à partir de 2003 (Blot et al., 2015).

L’accroissement de la pauvreté et des inégalités

32La précarité accrue sur le marché du travail allemand s’est soldée par une accentuation de la pauvreté et des inégalités. Le risque de pauvreté a progressé depuis dix ans en Allemagne. Le taux de pauvreté avant transferts sociaux (en % de la population totale) [21] est passé de 18,4 % en 2005 à 20,6 % en 2007 ; s’il a connu une légère décrue entre 2008 et 2012 (taux inférieur à 20 % en 2010, 2011 et 2012), il est reparti à la hausse depuis 2013 (20,3 %). La progression est encore plus prononcée si l’on s’intéresse à la pauvreté après transferts sociaux. Alors que celle-ci avait diminué de 1995 à 2001 (de 15 % à 11 %), elle s’est accrue de près de 4 points sur la période 2005-2013, passant de 12,2 % à 16,1 % [22]. Autrement dit, les prestations sociales ne contribuent plus à réduire la pauvreté outre-Rhin, cette situation s’expliquant essentiellement par la baisse continue, depuis une dizaine d’années, des aides de l’État et des allocations versées par les organismes sociaux.

33C’est surtout la pauvreté en emploi qui inquiète : le taux de risque de pauvreté au travail a en effet augmenté de près de moitié de 2005 à 2013 (8,6 % contre 4,8 %), cette tendance étant d’autant plus marquée chez les salariés exerçant un emploi à temps partiel : 6,6 % pour les salariés à temps partiel contre 3,5 % pour ceux à temps plein en 2005 et 13,4 % contre 6,3 % en 2013 [23]. Cet accroissement de la pauvreté en emploi est à mettre en rapport avec l’augmentation de la proportion des employés à bas salaires : celle-ci a crû de près de 2 points en Allemagne entre 2006 et 2010 (elle est passée de 20,3 % à 22,2 % [24]). Outre le cas des chômeurs reprenant une activité salariée, celui des chômeurs créateurs d’entreprise pose lui aussi problème. Alors que la dégressivité d’Existenzgründungszuschuss conduisait déjà à ne plus toucher d’allocations chômage au bout de trois ans, le versement de l’aide liée à la Gründungszuschuss sur une durée maximale de 15 mois, indépendamment de la durée des droits restants à prestations chômage [25], suscite également des craintes. Celles-ci sont d’autant plus fondées que les chômeurs bénéficiaires de ce dispositif ne sont plus tenus d’adhérer obligatoirement au régime de pension de retraite légale et à l’Assurance maladie, ce qui peut avoir des conséquences notables à plus long terme sur leur risque de pauvreté lors de la cessation de leur activité.

34L’accentuation de la pauvreté est allée de pair avec le renforcement des inégalités. Alors que le rapport interquintile de revenu s’était amélioré entre 1995 et 2001 (il baisse de 4,6 à 3,6), il a connu un accroissement permanent à partir de 2005 (3,8) pour revenir, en 2013, à son niveau de 1995 [26]. Le coefficient de Gini permet de confirmer cette hausse des inégalités sur vingt ans : alors que celui-ci avait diminué de 1995 à 2001 (de 0,29 à 0,25), il a progressé sur la période 2005-2013 (0,297 contre 0,261). Les inégalités sont aussi le résultat de pratiques administratives différentes selon les territoires, ce qui favorise l’accroissement des disparités géographiques. Par exemple, l’octroi de l’Einstiegsgeld sur une base discrétionnaire par l’autorité compétente de chaque Land conduit à ce que son montant soit variable d’une région allemande à l’autre.

Conclusion

35Que peut-on déduire des bons résultats sur le marché du travail allemand ? À première vue, les réformes entreprises au début des années 2000 ont atteint leur but puisqu’elles ont permis de dynamiser l’emploi. En toute logique, les gouvernements des pays européens qui ont du mal à créer de l’emploi et à lutter contre le chômage devraient donc s’inspirer du « modèle » allemand. Il convient néanmoins d’être prudent quant à l’impact réel des politiques actives et de se garder d’être trop enthousiaste car, à y regarder de plus près, la réalité du marché du travail allemand est moins idyllique qu’il n’y paraît. Certes, les chômeurs qui retrouvent un emploi ne sont plus au chômage, mais dans un marché du travail qui crée beaucoup d’emplois précaires, ces sorties prématurées du système de prestations ne se traduisent pas par une amélioration de la situation des chômeurs reprenant un emploi. Ces derniers ont en effet des statuts d’emploi et des conditions de travail dégradés ainsi que des niveaux de vie plus faibles, qui plus est lorsqu’ils font partie des publics les plus éloignés du marché du travail.

36Les effets contrastés des dispositifs d’incitation au travail sont à pointer du doigt. Bien que les incitations financières à la reprise d’un emploi salarié et les incitations financières à la création d’entreprise aient un impact globalement positif sur le retour au travail des chômeurs, les emplois repris – et, dans une moindre mesure, les activités créées – sont majoritairement instables et mal rémunérés et ils participent à accroître la pauvreté et les inégalités. Ces observations conduisent à reconnaître que les réformes du marché du travail ont joué à plein sur la hausse de la pauvreté (en emploi) et des inégalités en Allemagne. En contribuant à la création d’emplois précaires, les incitations financières au travail ont donc, à leur niveau, participé au mouvement de précarisation de la main-d’œuvre allemande.

37La montée en puissance des mesures incitatives au cours de la décennie 2000 a toutefois été stoppée par la crise. À partir de 2010, cette catégorie a enregistré un brusque déclin : 27,9 % en 2011, 19,3 % en 2012 et 9,6 % en 2013. Ce recul n’est pas propre aux dispositifs d’incitation au travail. Les autres mesures actives ont également amorcé une décrue à partir de cette date – décrue que ne parvient plus à compenser la hausse de la part des services du marché du travail – pendant que, dans le même temps, les dépenses passives ont vu leur part réaugmenter dans le total de la DPE (tombée à 56,2 % en 2011, celle-ci remonte à 58,4 % en 2012 puis à 60 % en 2013). Autrement dit, l’attention portée aux incitations financières au travail n’est plus de mise. La formation professionnelle demeure plus que jamais la priorité de la politique active de l’emploi (elle représente les trois quarts des dépenses actives en 2013), celle-ci étant perçue comme le meilleur moyen d’accroître l’employabilité des chômeurs.

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier Chantal Euzéby et Cécile Massit pour leur relecture attentive, leurs observations et leurs conseils avisés, ainsi que les deux rapporteurs anonymes et le comité de rédaction de la Revue française des affaires sociales, dont les remarques m’ont permis de corriger certaines imprécisions et de clarifier l’analyse. Toutefois, les propos de cet article n’engagent que leur auteur.
  • [2]
    Source : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Banque mondiale.
  • [3]
    Source : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.
  • [4]
    Source : Eurostat et calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.
  • [5]
    Source : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.
  • [6]
    Source : calculs de l’auteur à partir des données d’Eurostat.
  • [7]
    Les services de la politique du marché du travail renvoient aux actions en direction des participants dont la principale activité est de rechercher un emploi et dont le statut sur le marché du travail n’est pas modifié par leur participation à ces services. Les mesures de la politique du marché du travail correspondent aux actions en faveur du soutien temporaire à des groupes défavorisés sur le marché du travail prenant les modalités de l’activation des chômeurs, de l’aide aux individus à sortir d’une inactivité volontaire et à retrouver un emploi, enfin du maintien des emplois des individus menacés de chômage (l’activité principale n’est pas la recherche d’emploi et la participation à ces mesures engendre très souvent un changement de statut sur le marché du travail). Enfin, les soutiens à la politique du marché du travail consistent en des actions compensant une perte de revenu sous la forme d’une aide financière versée aux personnes privées d’emploi et recherchant activement un travail (prestations de chômage essentiellement) ainsi qu’aux individus quittant précocément le marché du travail (dispositifs de préretraite) (Eurostat, 2013, p. 8-9, p. 14-23).
  • [8]
    Selon Eurostat (2013), les incitations à l’emploi sont « les mesures qui facilitent le recrutement de chômeurs et d’autres groupes cibles, ou qui aident à assurer le maintien dans l’emploi de personnes menacées de le perdre involontairement » (p. 18), et les aides à la création d’entreprise sont définies comme « les mesures encourageant les chômeurs et autres groupes cibles à créer leur propre entreprise ou activité indépendante » (p. 21).
  • [9]
    L’inclusion des « aides à la création d’entreprise » dans la catégorie « incitations au travail » se justifie dans la mesure où les aides versées par les pouvoirs publics aux individus qui cherchent à créer leur entreprise ou à exercer une activité indépendante consistent en des subventions qui incitent ces personnes à reprendre un emploi grâce au soutien financier qui leur est offert pour mener à bien leur projet. En ce sens, ces aides représentent bien une forme d’incitation à travailler et ne diffèrent donc pas des « incitations à l’emploi » quant à leur objectif (réintégrer le marché du travail), mais quant au type d’emploi occupé (emploi non salarié).
  • [10]
    Le plafond de quinze heures hebdomadaires a été supprimé en 2003.
  • [11]
    Les taux de cotisations sur les midi-jobs augmentent toutefois progressivement pour limiter les effets de seuil.
  • [12]
    D’après Eurostat (2013, p. 18), les incitations à l’embauche « sont des mesures offrant des incitations favorisant la création et la prise de nouveaux emplois ou qui favorisent des possibilités d’améliorer l’aptitude à tenir un emploi grâce à une expérience de travail, et qui ne peuvent donner lieu à des paiements que pendant des périodes limitées ».
  • [13]
    Ainsi Eurostat (2013, p. 18) considère-t-il que doivent être comptabilisées au titre des incitations à l’embauche « les mesures visant à encourager les chômeurs à accepter un emploi à temps partiel tout en continuant à percevoir les allocations chômage pour les heures/jours non prestés ».
  • [14]
    Eurostat (2013, p. 18) reconnaît que « les incitations à l’embauche peuvent inclure des prestations accordées exclusivement à des personnes d’un groupe cible de la PMT [politique du marché du travail] et qui sont soumises à la condition qu’un nouvel emploi soit pris (prime de retour à l’emploi, prime de mobilité/déménagement ou primes assimilées) ».
  • [15]
    Les Ein-Euro-Job sont des emplois destinés aux chômeurs de longue durée qui perçoivent des prestations d’assistance (AGII). Leur objectif est de maintenir l’employabilité de cette catégorie de chômeurs éloignés durablement de l’emploi en leur offrant un « tremplin » vers des emplois du marché du travail ordinaire.
  • [16]
    Les entreprises individuelles ont en effet un taux de faillite très faibles (de l’ordre de 1 %), inférieur à celui des sociétés anonymes (SA) (Aktiengesellschaft : plus de 2 %) et des sociétés à responsabilité limitée (SARL) (Gesellschaft mit beschränkter Haftung ou GmbH : plus de 1,5 %) (Bergerault et al., 2010).
  • [17]
    Afin d’éviter les effets d’aubaine, la viabilité de l’entreprise est évaluée par un expert qui tient compte des conditions techniques et matérielles favorables à la poursuite réussie de l’activité mises en avant par le demandeur de l’aide.
  • [18]
    Le chômeur-entrepreneur doit prouver qu’il dispose des connaissances et des compétences nécessaires pour effectuer un travail non salarié (qualifications professionnelles et entrepreneuriales, expérience de travail, etc.) et, en cas de doute sur ses qualités et ses capacités, l’agence pour l’emploi peut exiger qu’il participe à des ateliers et stages de préparation à l’exercice d’une activité indépendante.
  • [19]
    Lors de la deuxième phase du dispositif Gründungszuschuss, soit à partir du septième mois de versement de l’aide (sur une durée totale de 15 mois), son octroi demeure à la discrétion de l’agence pour l’emploi qui va juger de la pertinence de son maintien ou non en fondant sa décision sur l’appréciation de la « réussite » économique de l’activité créée.
  • [20]
    Pour comparaison, celui de la France n’a été multiplié que par deux sur la même période, passant de moins de 10 % en 1983 à 18,5 % en 2014.
  • [21]
    D’après Eurostat, les personnes menacées par la pauvreté sont celles dont le revenu disponible équivalent est inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu disponible équivalent médian national.
  • [22]
    Source : Eurostat.
  • [23]
    Source : Eurostat.
  • [24]
    Source : Eurostat.
  • [25]
    Pendant la première phase, à savoir les six premiers mois, le chômeur-entrepreneur perçoit un soutien financier de 300 € versé par l’organisme de sécurité sociale. Les neuf mois suivants, il ne bénéficie plus automatiquement de ce soutien.
  • [26]
    Source : Eurostat.
Français

En dix ans, l’Allemagne est passée du statut de « malade » à celui de « modèle ». Depuis le milieu des années 2000, ce pays est en effet cité en exemple pour ses remarquables performances en matière de croissance économique et d’emploi. La très forte diminution du chômage est en partie due aux réformes Hartz (2002-2005) qui ont notamment conduit à mettre davantage l’accent sur l’activation des chômeurs. Celle-ci s’est traduite, entre autres, par un recours plus substantiel aux incitations financières à la reprise d’un emploi et à la création d’entreprise. Certes, la formation professionnelle demeure la principale catégorie de dépense active, mais les dispositifs incitatifs ont progressé durant la décennie 2000, dans le prolongement de la tendance déjà amorcée à la fin des années 1990. Nous dressons un bilan de ces dispositifs à partir d’une revue de la littérature et de l’analyse des données statistiques fournies par Eurostat sur l’économie allemande, son marché du travail et les conditions de vie de sa population. Nous indiquons les impacts des mesures d’incitation au travail sur l’emploi et leurs conséquences sur la pauvreté et les inégalités.

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Julien Reysz
Docteur en sciences économiques – CREG, université Grenoble-Alpes.
Mis en ligne sur Cairn.info le 20/01/2016
https://doi.org/10.3917/rfas.154.0011
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