CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction [1]

1Au milieu des années 2000, l’Union européenne (UE) donnait l’impression qu’elle allait moderniser l’agenda de la politique sociale afin de surmonter les problèmes liés au développement de la crise économique et financière. En mars 2008, les conclusions de la présidence réaffirmaient « l’importance de la dimension sociale de l’UE, qui fait partie intégrante de la stratégie de Lisbonne » (Conseil de l’Union européenne, 2008, p. 4). Néanmoins, au cours des années suivantes, les préoccupations majeures portèrent sur la stabilité économique, la maîtrise des dépenses publiques et les réformes structurelles [2]. L’austérité devint un mot clé de la politique publique de l’UE et la dimension sociale disparut pratiquement de l’agenda politique de l’UE (Daly, 2012), en matière de stratégies et de ressources, dans le cadre d’une redéfinition globale de la gouvernance de l’UE (Graziano et Halpern, 2015). Même la panoplie de mesures sociales mises en œuvre ces dernières années (Europe 2020 en 2010, les plans « emploi » et « emploi des jeunes » de 2012, l’investissement social de 2013 et la garantie pour la jeunesse de 2013) a été clairement intégrée dans une configuration globale dans laquelle les compétences de l’UE demeurent très limitées, ce que confirme pleinement l’introduction de l’une des toutes dernières communications de la commission intitulée « Renforcer la dimension sociale de l’Union économique et monétaire » expliquant qu’« il convient […] de noter que les politiques sociales et de l’emploi relèvent très largement de la compétence nationale des États membres [3] ».

2Cela est paradoxal, car la crise a provoqué un chômage croissant et une augmentation des incertitudes concernant la protection sociale dans pratiquement tous les pays de l’UE (l’Allemagne étant l’exception la plus frappante). Les institutions de l’Union, en particulier la Commission européenne, auraient pu profiter de l’importance croissante de la « pression du problème » pour promouvoir des politiques de l’UE plus structurées en faveur de la création d’emplois ou de la protection contre le chômage et de l’inclusion sociale. Notre point de départ empirique est le suivant : pourquoi la politique sociale a-t-elle été soustraite aux priorités de l’agenda politique de l’UE malgré la crise ? Comment et pourquoi cela s’est-il produit ? S’est-il réellement agi d’une brusque évolution des préférences politiques ? Les racines politiques et organisationnelles de ce changement ne remontent-elles pas plutôt à la fin des années 1990 ?

3Nous fondant sur l’approche d’Easton, nous comprenons le système politique de l’UE comme un système intégré dans un environnement auquel il est exposé et auquel il réagit à son tour. De ce point de vue, la crise et les résultats des élections créent des exigences et un soutien pour les acteurs politiques au sein du système. De l’autre côté du système politique sont générés des résultats (outputs) politiques. La discordance apparente entre les demandes sociales (inputs) du système politique de l’UE et les outputs en matière de politique sociale constitue notre point de départ, afin d’examiner comment les inputs sont traités au sein du système politique de l’UE. Alors que le modèle d’Easton s’abstient d’ouvrir la « boîte noire » que représente le système politique et se limite à la constatation générale selon laquelle les modèles internes des relations de pouvoir sont influencés et donnent à leur tour des outputs (Easton, 1965, p. 28), nous nous intéressons particulièrement à la question de savoir si et comment les inputs ont un effet sur l’orientation et la force organisationnelle des principaux acteurs responsables de l’élaboration des politiques de l’UE. Bien qu’Easton ne regarde pas dans la boîte noire, on pourrait supposer que pour qu’un système politique soit totalement légitimé et donc pour qu’il continue à fonctionner, on devrait pouvoir détecter certains liens entre inputs et outputs, surtout lorsqu’il s’agit des problèmes de bien-être, qui sont au cœur des préoccupations des citoyens.

4Notre thèse est qu’empiriquement il y a peu d’indices que l’exigence suscitée par la crise ait transformé les variables et les outputs essentiels du système politique de l’UE. Si l’on examine les relations de pouvoir internes, il semble qu’au lieu d’avoir induit une évolution, la crise a fourni au système politique une opportunité pour continuer d’aller dans le sens du soutien inputé par les élections de 2004 et 2009. Sur cette base et en raison de la disponibilité de nouvelles « fenêtres d’opportunité politique » (par exemple les compétences croissantes, en matière de surveillance économique et fiscale, mobilisées pour venir à bout de la crise économique et financière), la Commission européenne et plus généralement les institutions européennes ont mieux défini leurs objectifs de maîtrise des dépenses publiques (ou d’austérité) que leurs objectifs de politique sociale (ou de solidarité).

5Cet article entend apporter deux contributions. Premièrement, si le déclin de l’Europe sociale est communément admis, ce sujet a été jusqu’ici traité principalement par rapport aux changements dans les politiques de coordination (par exemple Daly, 2012 ; Bekker, 2013 ; Porte et Heins, 2015). Jusqu’à présent, dans les politiques sociales réglementaires, le sujet a été limité à des études de cas isolées (Mailand et Arnholtz, 2015). Nous considérons que la politique de régulation de l’UE en matière sociale est tout aussi importante pour comprendre la tendance globale des évolutions. En second lieu, si la littérature a fourni un certain nombre d’arguments hautement convaincants sur les raisons ayant facilité l’intégration économique par rapport à l’Europe sociale, les démonstrations sont largement statiques et ne prennent pas aisément en compte l’évolution des conditions économiques ou des besoins sociaux. Il est important de noter que l’asymétrie entre le droit supranational et la politique intergouvernementale a été soulignée (Weiler, 1981), l’élimination des barrières ou obstacles actuels à la liberté du marché étant beaucoup plus facile que la réalisation d’un consensus sur la manière d’harmoniser ou de re-réglementer les marchés communs émergents (Scharpf, 1999, p. 45). Cet argument de base a fait l’objet de raffinements et d’extensions, mettant l’accent sur des cadres d’argumentation élaborés autour des politiques économiques (Fligstein, 2001) ou de l’hétérogénéité institutionnelle croissante des États-providence et des différentes variétés de capitalisme (Höpner et Schäfer, 2012). Nous n’entendons pas remettre en question le pouvoir explicatif de ces analyses, le modèle d’Easton fournissant plutôt un outil pour les structurer et les rendre cohérentes d’un point de vue plus dynamique. Bien loin de prétendre fournir la preuve d’un lien de cause à effet, notre but est de favoriser un point de vue plus dynamique sur l’évolution des politiques, qui s’attache à prendre en compte si et comment les intérêts concurrents au sein du système politique de l’UE sont influencés par les soutiens et exigences externes.

6La section suivante propose une démonstration stylisée des évolutions des outputs que sont la politique réglementaire et la politique de coordination de l’UE dans le domaine social. En décrivant la situation avant et après la crise, nous essaierons de justifier notre point de vue paradoxal selon lequel il y a eu moins de politique sociale de l’UE malgré la crise. Nous développerons alors notre thèse de manière plus approfondie en nous appuyant sur l’approche du système politique d’Easton. Nous étudierons la demande née de la crise et des élections en tant qu’inputs influant sur les variables essentielles du système politique de l’UE et nous formulerons trois hypothèses examinant si et comment cette relation entre inputs et système politique a des conséquences sur les relations de pouvoir entre les principaux acteurs du système. S’appuyant sur divers ensembles de données et différentes approches méthodologiques, une dernière partie explore trois indicateurs de l’évolution des relations de pouvoir à l’intérieur du système politique de l’UE : la composition idéologique du collège des commissaires, la perception de la puissance relative des portefeuilles de la Commission en matière économique et sociale et les interactions et relations entre les acteurs supranationaux et intergouvernementaux dans le processus interinstitutionnel.

Quelques faits stylisés confortant le paradoxe

7Le point de départ du présent article est ce paradoxe : nous constatons un déclin de l’Europe sociale malgré la crise, alors que l’intégration économique se renforce. Cependant, si le déclin de l’Europe sociale est une vérité communément admise, il est plus difficile à mettre en évidence. L’Europe sociale est difficile à mesurer, même si nous nous concentrons sur les évolutions de la politique de l’Union européenne, plutôt que sur ses effets au niveau national. Il en est ainsi parce qu’un certain nombre d’instruments différents sont apparus au fil du temps : des réglementations contraignantes ou facultatives, différentes politiques de dépense publique, ainsi que des instruments de coordination reposant sur des évaluations et des meilleures pratiques dans le cadre de la méthode ouverte de coordination (MOC). Qui plus est, la politique sociale de l’UE peut difficilement être confinée à un domaine politique donné [4]. Dans ce contexte, nous ne prétendons pas dresser un tableau exhaustif de la politique sociale de l’UE. Nous avons plutôt choisi de nous concentrer sur deux mesures qui sont fréquemment utilisées comme indicateurs de l’Europe sociale dans la littérature : les politiques réglementaires et les politiques de coordination contraignantes. Dans ces deux domaines, nous apportons des éléments stylisés concernant les mesures proposées au niveau de l’UE et nous les comparons dans le temps.

Tableau 1

Résultats des élections au Parlement européen 1999-2004

Tableau 1
Résultats des élections Parti Sièges obtenus (Parlement entrant) Pourcentages (Parlement entrant) Sièges obtenus (Parlement sortant) Pourcentages (Parlement sortant) EPP/ED (Parti populaire européen/ 233 37,2 % 295 37,4 % Démocrates européens) PES (Groupe parlementaire du Parti 180 28,7 % 232 29,4 % socialiste européen) ELDR (Parti européen des libéraux, 50 7,9% 67 8,5% démocrates et réformateurs) Greens/EFA (Les Verts/Alliance libre européenne) 48 7,6% 47 5,9% GUE/NGL (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique) 42 6,7% 55 6,9% UEN (Groupe Union pour l’Europe des 30 4,7% 30 3,8% Nations) TDI (Groupe technique des députés 18 2,8% indépendants-groupe mixte) EDD (Europe des démocraties et des 16 2,5% 18 2,2% différences) NI (Non inscrits) 9 1,4% 44 5,5% Total 626 788

Résultats des élections au Parlement européen 1999-2004

Politique de régulation de l’UE en matière sociale

8Un premier indicateur important de l’Europe sociale est l’activité législative au niveau supranational. Nous prenons en compte les mesures de politique sociale qui ont été élaborées par la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion (DG EMPL).

9La figure 1 montre le nombre de règlements de l’UE en matière de politique sociale adoptés chaque année dans le cadre du processus interinstitutionnel depuis les débuts de la construction européenne.

Figure 1

Règlements de l’UE par institution les ayant adoptés, dans le temps

Figure 1

Règlements de l’UE par institution les ayant adoptés, dans le temps

Sources : EurLex, à l’exclusion des règlements d’extension géographique et des règlements Euratom, d’après le nombre annuel de règlements par institution.

10Si l’on considère l’évolution des règlements dans le temps, leur nombre a augmenté lentement, mais constamment avec une moyenne de quatre règlements par an et des fluctuations constantes à la hausse et à la baisse (écart type de 2,8). La forte augmentation qui s’est produite au début du nouveau siècle est particulièrement frappante. À l’origine, les règlements étaient presque exclusivement proposés par le Conseil (119). Depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, les règlements conjoints du Parlement européen et du Conseil ont presque entièrement remplacé les règlements du Conseil. Par conséquent, à l’égard des règlements, deux faits sont confirmés. D’abord, la politique sociale n’est pas morte, il y a un nombre substantiel et globalement croissant de règlements. En second lieu, les changements les plus importants concernant les outputs des politiques avaient déjà eu lieu avant la crise et semblent liés à des changements institutionnels plutôt qu’aux demandes qui lui sont adressées.

11Les directives en matière de politique sociale sont un deuxième indicateur important de l’Europe sociale. Dans le système politique de l’UE, la Commission bénéficie d’un quasi-monopole de proposition de la législation. Il est donc particulièrement intéressant d’examiner le nombre d’actes législatifs proposés par la Commission pour comprendre la dynamique de la politique sociale dans l’UE.

12La figure 2 montre qu’il n’y a pratiquement pas de directives dans le champ social proposées jusqu’au début des années 1970. Au cours des deux décennies suivantes, la Commission a été particulièrement active en matière d’initiative législative. Le nombre total de directives proposées par an a culminé en 1990 (dix directives), au milieu de l’ère Delors (1985-1994). Une deuxième période d’activité intense a duré de 1994 à 2001, avec un pic en 1998 (sept directives). La dernière décennie a vu un nombre nettement plus réduit de directives de politique sociale proposées. Après 2008, douze directives ont été proposées (moyenne de 1971 à 2013 : 2,4), soit un nombre comparable à celui allant du milieu des années 1970 aux années 1980, en dépit du fait que le traité permette désormais de proposer une politique sociale de l’UE dans un nombre beaucoup plus étendu de domaines, comme par exemple l’article 13 du traité d’Amsterdam (article 19 TFUE) en matière de législation antidiscrimination.

Figure 2

Directives de politique sociale proposées par la Commission 1971-2013

Figure 2

Directives de politique sociale proposées par la Commission 1971-2013

Lecture : actes réglementaires dans le portefeuille de la DG EMPL, y compris les directives Euratom. Les extensions géographiques sont exclues ; les révisions incluent également les codifications et les amendements ; les directives proposées après 2008 sont classées comme en cours d’élaboration (si elles n’ont pas encore été adoptées).
Sources : EurLex, contrôlé avec PreLex.

13Une autre évolution importante est le nombre croissant de révisions (comprenant les codifications et les amendements). Alors qu’au cours des décennies actives une majorité de textes législatifs concernaient des problèmes nouveaux, c’est désormais plutôt l’exception que la règle. En même temps, nous notons que des problèmes véritablement nouveaux ont rarement été traités après 2008 (six sur douze directives proposées). Ce nombre serait même encore plus réduit si nous excluions les directives sur la libre circulation des personnes, qui sont parfois considérées comme des instruments de réalisation du marché unique plutôt que comme de véritables évolutions de la politique sociale (quatre sur six). Après 2008, deux types de propositions de directives seulement peuvent être considérées comme substantiellement nouvelles : l’une relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse et à des mesures connexes (COM [2012] 614) et l’autre portant application de l’accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire conclu par l’European Hospital & Healthcare Employers’ Association (HOSPEEM) et la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP) (COM [2009] 577). Si ces mesures sont certainement importantes en elles-mêmes, elles ne reflètent pas une dynamique étendue en matière de politique sociale.

14Enfin, les données disponibles montrent que, avec le temps, le nombre de directives proposées mais non adoptées est également en baisse. Par conséquent, il semble de nos jours moins probable qu’au milieu des années 1990 que la Commission agisse conformément aux préférences qu’elle met en avant en matière de politique sociale (Hug, 2003). Si les chiffres sont en baisse, cela peut être interprété comme l’indice d’un apprentissage institutionnel face à un Conseil de plus en plus hétérogène quant à son intérêt pour la politique sociale. Cependant, cela peut aussi être le signe d’une diminution de la capacité d’initiative et du volontarisme de la Commission européenne. Du point de vue du système politique, si le principal acteur maîtrisant l’agenda omet de formuler des mesures (nouvelles), alors il est peu probable que des progrès puissent être réalisés en matière d’ouput pour la politique sociale de l’UE.

Politique de coordination de l’UE dans le champ social

15Le deuxième indicateur, plus qualitatif, concerne le rôle joué par la MOC dans des domaines de la politique sociale tels que l’emploi et l’inclusion sociale, qui sont en fait les seuls subsistant sur les quatre domaines lancés à la fin des années 1990 et au début des années 2000, qui comprenaient également la santé et les retraites. Au départ, la MOC semblait le seul moyen de sortir de l’impasse quant à la prise de décision qui avait été générée par la réticence des États membres à abandonner leur souveraineté en matière sociale et par le souhait et la prise de conscience, de la part des institutions européennes (notamment de la Commission européenne) de l’importance d’une plus grande coordination en matière sociale. Certes, on pourrait arguer que la stratégie européenne pour l’emploi a été essentiellement une politique marginale et ayant en partie manqué sa cible (Watt, 2004 ; Raveaud, 2007), mais si on la rapproche de l’importance croissante jouée par la législation concernant l’emploi et les affaires sociales au cours des années 1990, elle témoignait au moins de la présence d’une préoccupation pour une politique de l’emploi au niveau de l’UE et de son inclusion dans l’agenda politique.

16Dès le milieu des années 2000, la MOC a subi des transformations importantes, qui ont été renforcées par la réponse de l’UE à la crise. Pour reprendre les termes de Kröger (2009) : « Des changements importants se sont produits depuis [le début des années 2000] sous diverses influences : le rapport Kok (2004), qui faisait apparaître un manque d’efficacité et de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne ; un Conseil des ministres européen largement dominé par les conservateurs ; un nouveau président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, de droite ; ainsi que l’élargissement à l’Est. La stratégie européenne pour l’emploi avait déjà été liée plus étroitement aux grandes orientations de politique économique en 2003, tandis que la stratégie de Lisbonne, lors de son examen à mi- parcours (2005), avait été recentrée autour des objectifs de compétitivité, de croissance et d’emploi. Si l’objectif de cohésion sociale était officiellement maintenu, il devenait clairement contingent à la situation économique (Zeitlin, 2009) » (Kröger, 2009, p. 2). En d’autres termes, en même temps que, depuis le milieu des années 2000, la production de la législation sociale de l’UE était réduite aux acquêts, est intervenu un changement profond dans la signification et le champ de la MOC sur la protection et l’inclusion sociales, qui a vu son autonomie encore réduite dans le nouveau document stratégique EU2020 (Marlier et Natali, 2010 ; Copeland et Daly, 2012 ; Bekker, 2013).

17Nous sommes conscients que cela ne donne pas une image exhaustive des évolutions de la politique sociale de l’UE. Cependant, contrairement à Mailand et Arnholtz (2015), nous pensons qu’aucun de nos deux indicateurs ne confirme une progression ou un maintien de l’importance en matière d’output de la politique sociale de l’UE. Qui plus est, les deux indicateurs (directives et coordination) confirment nettement le paradoxe d’un déclin de l’activité de l’UE dans le champ des politiques sociales avant même la crise. Nous nous tournons maintenant vers le modèle de système politique d’Easton pour montrer comment l’analyse input/ output peut être liée à un résultat paradoxal.

Traitement de l’évolution de l’exigence et du soutien au sein du système politique de l’UE

18Les fondements théoriques de notre thèse s’appuient sur l’approche du système politique de David Easton (1953). En considérant l’UE comme un système politique (Hix et Høyland, 2011), nous devrions être en mesure d’appliquer le schéma inputs-produits (input-output) : Les inputs sont des transactions entre l’environnement du système politique et le système politique lui-même. À l’intérieur du système politique, un certain nombre d’acteurs (gardiens) luttent entre eux et utilisent les exigences et soutiens des citoyens pour produire des produits politiques en fonction de leurs intérêts. Comme chacun sait, la principale fonction des institutions dans une approche du système politique est de fournir « l’attribution de valeurs par voie d’autorité », qui, en termes d’analyse politique, pourraient être traduites en production de décisions légitimes. Les décisions sont adoptées suivant des règles spécifiques (le régime) pour répondre aux inputs des membres de la communauté politique et aux divers gardiens (tels que les partis, les groupes d’intérêt et les mouvements sociaux). Par conséquent, le produit résulte du comportement des membres à l’intérieur du système politique et non directement de son environnement (Easton 1965, p. 27).

19La figure 3 décrit l’approche du système politique d’Easton appliquée à l’UE. Les élections européennes et la crise économique et financière figurent dans le système en tant que soutien et exigence déterminants, tandis que la politique sociale de l’UE est le produit.

Figure 3

Système politique d’Easton

Figure 3

Système politique d’Easton

Sources : adapté d’après Easton (1965, p. 32).

Demande et soutien

20Nous examinerons ici les changements dans l’environnement fonctionnant comme input du milieu des années 2000 à 2014. Nous distinguerons entre l’exigence (particulière) et le soutien (plus structurel) représentant les deux côtés, pile et face, de la pièce de monnaie « input ».

21D’un côté, d’après Easton, les demandes adressées au système politique sont « l’expression de l’opinion qu’une attribution par voie d’autorité concernant une question particulière devrait ou ne devrait pas être effectuée par la personne ayant la responsabilité de le faire » (Easton 1965, p. 38). Avec la crise, le niveau de revenu global a diminué et les perspectives du marché du travail se sont détériorées. De plus, les contraintes fiscales ont entraîné des coupes dans les dépenses sociales tout en limitant la capacité d’ajustement macro-économique des États membres. Il en est résulté une explosion de la pauvreté et des inégalités aussi bien à l’intérieur des États membres de l’UE qu’entre ces États (par exemple Leschke et al., 2012). En réaction à ces évolutions, particulièrement dans un contexte de crise, on aurait pu s’attendre à une demande accrue de politique sociale de l’UE avec une attention accrue aux conséquences de la crise économique et financière. Si la nature d’une telle demande est, certes, difficile à saisir pleinement dans sa complexité, l’état de l’opinion publique peut jouer le rôle d’indicateur approximatif [5]. Par exemple, lorsqu’on les interrogeait en 2013 sur l’importance des objectifs politiques de l’UE pour 2020, les citoyens classaient en premier l’objectif « d’aider les gens pauvres et socialement exclus et [de] leur permettre de prendre une part active dans la société », suivi de celui de « moderniser les marchés de l’emploi en visant l’augmentation du niveau des emplois » (Commission européenne 2013b, p. 30-31).

22D’un autre côté, suivant Easton, le soutien peut être compris comme une « variable de synthèse essentielle reliant un système à son environnement » (Easton, 1965, p. 156). Ici, le comportement de vote est une catégorie importante « pour révéler la manière dont le soutien est réparti, déplacé et mobilisé » (Easton, 1965, p. 158). Les élections représentent une étape majeure dans la définition d’un cycle politique qui culmine dans « l’attribution de valeurs par voie d’autorité ». L’Europe sociale a été essentiellement soutenue par des gouvernements nationaux de centre-gauche et par certains partis européens (à savoir : le Parti socialiste européen, après 2009, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates et le Parti populaire européen). On peut donc s’attendre à un affaiblissement des acteurs poursuivant des objectifs en matière de politique sociale en cas de recul de la proportion de sièges détenus par les partis européens soutenant l’Europe sociale. Alors que nous observions des changements de majorité gouvernementale étroitement liés, il nous apparaît difficile de les intégrer en tant qu’inputs dans notre schéma pour des raisons analytiques. En effet, les gouvernements nationaux agissent au sein du système politique de l’UE à travers le Conseil.

23À cet égard, les élections européennes de 2004 et de 2009 ont marqué une véritable rupture dans le soutien à l’Europe sociale. Comme le montrent les tableaux 2 et 3, depuis les élections de 2004, le Parti populaire européen et surtout l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe ont acquis de plus en plus de poids au sein du Parlement européen. La situation se présentait de façon très différente à la fin des années 1980 et au début des années 1990, lorsqu’un solide contingent socialiste (majoritaire entre 1989 et 1999) au sein du Parlement européen soutenait les politiques sociales de l’UE. Par conséquent, le recul des politiques sociales au niveau de l’UE aurait dû commencer après les élections européennes de 2004 et non au milieu de la crise, ainsi que certains travaux en la matière semblent le suggérer (par exemple Copeland et James, 2013). Les élections de 2014 ont légèrement changé la donne, bien qu’elles n’aient pas totalement modifié le tableau, les libéraux continuant de jouer un rôle de coalition clé au sein du parlement de l’UE. En d’autres termes, pour reprendre les catégories d’Easton, un écart encore plus net est apparu entre les demandes (favorables à davantage de protection sociale) et le soutien politique (favorable à moins de protection sociale, si ce n’est à davantage d’austérité), cette contradiction étant rendue encore plus aiguë par la participation électorale limitée des électeurs les moins privilégiés (Parlement européen, 2014).

Tableau 2

Résultats des élections au Parlement européen 2004-2009

Tableau 2
Sièges Pourcen- Sièges Pourcen- Résultats des élections obtenus tages obtenus tages Parti (Parlement (Parlement (Parlement (Parlement entrant) entrant) sortant) sortant) EPP/ED (Parti populaire européen/Démocrates européens) 268 36,6 % 288 36,6% PES (Groupe parlementaire du Parti socialiste européen) 200 27,3 % 217 27,6% ALDE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) 88 12% 100 12,7% Greens/EFA (Les Verts/Alliance libre européenne) 42 5,7% 43 5,4% GUE/NGL (Groupe confédéral de la Gauche unitaire 41 5,6% 41 5,2% européenne/Gauche verte nordique) IND/DEM (Groupe Indépendance/Démocratie) 37 5% 22 2,8% UEN (Groupe Union pour l’Europe des Nations) 27 3,6% 44 5,6% NA (Non inscrits) 29 3,9% 30 3,8% Total 732 785

Résultats des élections au Parlement européen 2004-2009

Tableau 3

Résultats des élections au Parlement européen 2009-2014

Tableau 3
Résultats des élections Parti Sièges obtenus Pourcentages EPP (Parti populaire européen) 265 36% S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement 184 25% européen) ALDE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) 84 11,4% Greens/EFA (Les Verts/Alliance libre européenne) 55 7,5%
Tableau 3
Résultats des élections Parti Sièges obtenus Pourcentages ECR (Conservateurs et Réformistes européens) 54 7,3 % GUE/NGL (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche 35 4,8 % verte nordique) EFD (Europe de la liberté et de la démocratie) 32 4,3 % NA (Non inscrits) 27 3,7 % Total 736

Résultats des élections au Parlement européen 2009-2014

24L’approche du système d’Easton en tant que théorie générale est très utile, à titre de modèle simplifié, en ce qu’elle identifie les demandes formulées à l’égard du système politique. Néanmoins, cette analyse d’Easton doit être complétée par une approche plus attentive au fonctionnement interne de la « boîte noire », que constitue le système politique : il s’agit de comprendre à quelles conditions un type d’input est susceptible de modifier le fonctionnement et les relations de pouvoir à l’intérieur du système. Le paradoxe concernant la politique sociale de l’UE est que les demandes adressées au système politique ne débouchent pas sur des résultats tangibles. Il nous semble en conséquence nécessaire d’étudier de plus près les modifications à l’intérieur de la « boîte noire ». L’analyse des aspects dynamiques internes au système politique de l’UE est mieux susceptible de permettre de comprendre les résultats produits. In fine, une telle approche a pour finalité de comprendre les raisons pour lesquelles ce système politique – celui de l’UE en l’occurrence – n’est pas à même de traiter les demandes qui lui sont adressées [whether the system is failing to process demand or whether differential input is at the root of the (seemingly) paradoxical output]. L’approche du système d’Easton en tant que théorie générale est très utile, à titre de modèle simplifié, en ce qu’elle identifie les demandes formulées à l’égard du système politique. Néanmoins, cette analyse d’Easton doit être complétée par une approche plus attentive au fonctionnement interne de la « boîte noire » que constitue le système politique : il s’agit de comprendre à quelles conditions un type d’input est susceptible de modifier le fonctionnement et les relations de pouvoir à l’intérieur du système. Le paradoxe concernant la politique sociale de l’UE est que les demandes adressées au système politique ne semblent pas déboucher sur des résultats tangibles. Il nous semble en conséquence nécessaire d’étudier de plus près les modifications à l’intérieur de la « boîte noire ». L’examen des aspects dynamiques internes au système politique de l’UE est susceptible de permettre de comprendre les résultats produits. En définitive, une telle approche a pour finalité de comprendre les raisons pour lesquelles un système politique – celui de l’UE en l’occurrence – n’est pas à même de répondre aux demandes qui lui sont adressées ou si c’est le contenu, un input contrasté des demandes qui lui sont adressées, qui est à l’origine des résultats (apparemment) paradoxaux qui en résultent.

À l’intérieur de la « boîte noire » : trois hypothèses sur l’évolution des modèles idéologiques et des modèles de relations de pouvoir

25Lorsque les inputs se modifient, certains acteurs arrivent au pouvoir ou voient leurs positions renforcées à l’intérieur d’un système politique. En conséquence, leur interaction devrait entraîner un output différent. Mais qu’en a-t-il été dans l’UE ? Nous examinerons les acteurs principaux de la prise de décision dans l’UE pour comprendre si et comment les demandes ont été traitées. Nous commencerons par la Commission européenne, qui bénéficie d’un quasi-monopole en matière de proposition de législation dans le système de l’UE, avant de nous tourner vers l’évolution des relations de pouvoir dans le processus interinstitutionnel en tant que cadre crucial pour l’adoption de politiques.

26Premièrement, afin de comprendre si et comment les demandes sociales sont traitées au sein du système politique de l’UE, il convient de prendre en compte la composition idéologique du collège des commissaires. Ils sont nommés (habituellement) pour un mandat, désignés (de manière informelle) par leurs gouvernements et approuvés par le Parlement européen. Les processus canalisant les inputs ont récemment été renforcés, puisque, depuis 2014 et pour la première fois, les têtes de liste de toutes les familles politiques étaient candidates à la fonction de président de la Commission européenne dans le cadre des élections au Parlement européen. Si les commissaires participent rarement à l’élaboration de politiques concrètes, nous pouvons nous attendre à ce que leur orientation exerce une influence substantielle sur les politiques de l’UE à travers différents mécanismes. Premièrement, la Commission est une instance collégiale dans laquelle toutes les initiatives législatives sont proposées conjointement par le collège des commissaires. Si le centre de gravité politique du collège des commissaires venait à changer, le point où le consensus est réalisé pourrait basculer vers telle ou telle autre option politique. En second lieu, de façon très analogue aux directeurs d’administration centrale dans les ministères nationaux, les commissaires exercent une influence substantielle sur le travail réalisé au sein de leurs services respectifs. Ils définissent les orientations politiques et les choix politiques généraux qui sont ensuite traduits en processus d’élaboration quotidiens à travers leurs cabinets. Et ils ont leur mot à dire dans la promotion et le recrutement du personnel aux différents échelons du service. Par conséquent, toutes choses égales par ailleurs, nous pouvons nous attendre à ce qu’un commissaire d’une famille politique conservatrice favorise des politiques d’économie et d’austérité, alors qu’un commissaire appartenant à la famille politique sociale-démocrate devrait plaider pour une Europe plus sociale (Schmidt, 1996 ; Hartlapp et Lorenz, 2015).

27Deuxièmement, à l’intérieur de la Commission, le choix de la politique proposée pour l’UE est déterminé par un processus complexe, en plusieurs étapes, entre les différents portefeuilles au sein de l’institution qui est maître de l’agenda européen. Typiquement, les différents portefeuilles défendent des positions nettement différentes, les différents commissaires en charge des portefeuilles de la politique sociale répondant à leur mission de faire avancer l’Europe sociale, tandis que les portefeuilles économiques s’intéressent à l’intégration des marchés et à la stabilité financière ou à leur renforcement. La politique adoptée pour alimenter le processus interinstitutionnel fait l’objet de conflits internes et de luttes de pouvoir (Hartlapp et al., 2014). Les portefeuilles les plus puissants devraient être mieux à même de faire prévaloir leur position sur les intérêts contrastés au sein de la Commission. De ce point de vue, formulons l’hypothèse selon laquelle la nature des inputs du système politique est un facteur important du pouvoir relatif des directions générales (DG) au sein de la Commission.

28Troisièmement, les politiques sont négociées et adoptées dans le cadre du processus interinstitutionnel ; nous postulons que la nature et l’intensité des inputs influencent l’équilibre des pouvoirs entre la Commission européenne et le Conseil européen. La première commission Barroso (2004-2009) et plus encore la deuxième (2009-2014) étaient particulièrement en harmonie avec les nouvelles majorités politiques établies au sein du Parlement européen. La forte demande de politiques de l’emploi (Commission européenne 2004) a été interprétée par les institutions européennes essentiellement comme un soutien à des politiques en faveur de la croissance. Après la crise, celles-ci sont devenues des politiques d’austérité. La crise a augmenté l’importance de la dimension de l’UE au niveau national, les gouvernements se tournant vers les institutions européennes pour venir à bout des problèmes économiques qui étaient partagés par plusieurs États membres. La gouvernance économique entièrement nouvelle et ses mécanismes associés ont été le produit de négociations intergouvernementales et non le résultat de la promotion de l’intérêt d’une politique sociale européenne, que la DG EMPL aurait pu soutenir. Nous nous attendons à ce que l’acteur prééminent (et résilient à la crise), l’Allemagne, soit particulièrement fort dans la définition de l’agenda et donc des priorités politiques au niveau de l’UE.

Évaluation des racines idéologiques et organisationnelles des changements

29Cette section examine l’évolution des relations de pouvoir entre les acteurs centraux participant à la prise de décision dans le domaine de la politique de l’UE. Selon la thèse d’Easton, ces relations de pouvoir sont sous-jacentes aux décisions et actions du système politique et sont donc particulièrement importantes du point de vue de l’output politique. Nous commencerons par examiner la Commission européenne en tant que maître de l’agenda au sein du système politique, avant de nous tourner vers les interactions interinstitutionnelles.

Évolution de la composition idéologique du collège des commissaires

30Notre première hypothèse concerne la composition idéologique de la Commission européenne. À cette fin, nous retracerons l’évolution de l’orientation politique des commissaires. Nous évaluerons leur appartenance politique à l’aide d’une nouvelle base de données sur la Commission européenne [6]. De 1958, avec la première commission Hallstein, à 2010, avec la première commission Barroso, il y a eu 146 commissaires nommés à 242 postes différents. Chaque commissaire peut être rangé dans l’une des familles politiques suivantes : conservateurs/démocrates-chrétiens, libéraux, indépendants, verts, sociaux-démocrates, communistes et apparentés (voir figure 4) [7].

Figure 4

Appartenance politique des commissaires dans le temps

Figure 4

Appartenance politique des commissaires dans le temps

Lecture : le chiffre indique l’appartenance politique effective à la date de nomination (et non, par exemple, le fait d’avoir été désigné par un gouvernement donné). Les mois en fonction permettent de tenir compte du cas (rare) d’un changement de commissaire en cours de mandat. La signification des tonalités de gris se lit de gauche à droite, en respectant l’ordre suivant : libéraux, chrétiens-démocrates/conservateurs, sociaux-démocrates, communistes, verts et indépendant.

31L’alternance entre les familles politiques dominantes devient ainsi visible dans le temps. La domination relative des commissions orientées à droite sur celles dominées par les sociaux-démocrates est particulièrement marquée dans les premières commissions des années 1960 (Hallstein I, Hallstein II, Rey), ainsi que dans les années 1980 et au début des années 1990 (Thorn, Delors I, Delors II, Delors III). Les partis sociaux-démocrates ont vu leur influence atteindre un sommet à la fin des années 1990 et au début des années 2000 (Santer, Prodi). Conformément à la perception du public, la commission Prodi a été la « moins conservatrice » (353 sur 1337 mois), tandis que la commission Barroso était d’une composition particulièrement libérale. Hallstein I, quant à elle, était la commission la « moins sociale-démocrate » (65 mois sur 445). Étonnamment, la commission Delors est, après la commission Hallstein, la seconde commission « la moins sociale-démocrate », alors qu’elle est généralement associée à la dimension sociale de l’Europe. Une explication possible est que, dans certaines circonstances, une seule personne, en l’occurrence le social-démocrate Jacques Delors, peut avoir une importance qui va au-delà de l’équilibre politique au sein du collège des commissaires. Les commissions Santer et Prodi, en tant que commissions à dominante sociale-démocrate, sont associées à des projets de politique sociale dans le cadre de la méthode ouverte de coordination et à une période (1995-2005) (Pochet et Degryse, 2013, p. 108sqq) décrite comme la « phase sociale » de la construction européenne.

32Par rapport à notre sujet, il est particulièrement intéressant de noter qu’une diminution constante du nombre de commissaires indépendants va de pair avec une augmentation des commissaires pouvant être affiliés à la famille libérale. Jusqu’au tournant du millénaire, la proportion de membres libéraux du collège se situait entre 10 et 20 %. Le recul des commissaires libéraux était particulièrement marqué dans la commission Prodi, où ils ne représentaient qu’environ 10 % des commissaires en fonction. Leur nombre dans les récentes commissions Barroso est d’autant plus important. Au cours du premier mandat Barroso, ils représentaient pratiquement 40 % du collège, avec des chiffres un peu inférieurs lors du deuxième mandat (environ 30 %). Lors des deux mandats, une coalition des commissaires libéraux et conservateurs a atteint un record jamais atteint jusque-là (72,5 % sous Barroso I et 70,2 % sous Barroso II). Par conséquent, si l’on examine les deux derniers mandats de la Commission, le soutien s’est traduit par une plus forte influence de l’idéologie libérale en son sein.

La perception de la puissance des différents portefeuilles à l’intérieur de la Commission

33Venons-en à notre deuxième hypothèse, celle ayant trait à la puissance relative des portefeuilles. Pour la tester, nous utilisons les données d’un projet, qui analysait la formation des positions au sein de la Commission européenne. Les tableaux sont basés sur des interviews d’experts conduits en 2008-2009 avec des fonctionnaires de différentes DG et de différents niveaux hiérarchiques (Hartlapp et al., 2014, chapitre 3) [8]. Lors de ces interviews, nous avons posé à 95 fonctionnaires la question suivante : « Nous savons que dans les administrations nationales les ministères ont des réputations différentes. Si vous examinez les différentes DG au sein de la Commission, quelles DG considéreriez-vous comme plutôt puissantes ? ». Quatre-vingt-quatre des 95 personnes interrogées ont fourni une réponse. Deux limites importantes de cette méthode sont liées à sa subjectivité et à sa représentativité. En premier lieu, les données sont une évaluation subjective des personnes participant à l’élaboration quotidienne des politiques au sein des commissions Prodi et Barroso I. En second lieu, les interviews visaient à retracer les processus de formation de position sur 48 initiatives législatives intentionnellement sélectionnées dans des domaines où nous prévoyions des tensions internes le long d’un axe opposant État et marché. Il y a donc des limites à l’extrapolation de ces données. Toutefois, nous considérons que le tableau est suffisamment clair pour revêtir un caractère général quant à la plus ou moins grande capacité des différentes DG à s’imposer dans des domaines d’une importance décisive pour la production de l’Europe sociale.

34La figure 5 montre combien de fois une DG spécifique a été mentionnée et présente les données agrégées. Par rapport à la question traitée dans le présent article, ce qui est frappant, c’est le pouvoir que les fonctionnaires de la Commission attribuent aux portefeuilles chargés du marché commun et des politiques économiques. Il est important de relever que la DG Concurrence (COMP) est considérée comme particulièrement puissante par plus de la moitié des personnes interrogées, suivie par la DG Marché intérieur et services (MARKT, aujourd’hui Direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME, DG GROW), qui est encore mentionnée comme détenant un pouvoir important dans plus d’un tiers des réponses. Au-delà des DG COMP et DG MARKT, les DG Affaires économiques et financières, DG Budget (BUDG) et DG Commerce représentant « les DG économiques […] sont manifestement des acteurs de premier plan » (COM101 : 198, ainsi que COM102 : 324). Concernant, en particulier, les DG COMP et MARKT, cela est attribué à leur solide ancrage dans le traité (COM1 : 207, ainsi que COM5 : 154, COM117 : 151, COM19 : 333), qui, à son tour, rend ces DG « plus sûres de leur position en termes d’impact réglementaire » (COM117 : 151). Le rôle central que le marché commun joue pour le fonctionnement du processus d’intégration est étroitement lié au pouvoir réglementaire. La DG MARKT est une « espèce de moteur. Un moteur pour la libre circulation des capitaux de la propriété intellectuelle » (COM66 : 159). En second lieu, les services horizontaux sont évalués comme puissants par un grand nombre de personnes interrogées. Ce pouvoir résulte en grande partie de leur rôle formel dans la coordination interne du processus menant à une prise de position. Plus spécifiquement, la consultation interne du service juridique est obligatoire et le secrétariat général (SG) dispose d’un droit de veto sur toute proposition de la Commission, alors que toute politique de dépense est soumise au consentement de la DG BUDG (Hartlapp et al., 2014, chapitre 10). Lorsque les interviews le permettaient, nous avons complété notre interrogation par une question opposée sur les DG les plus faibles au sein de la Commission : « Si vous examinez les différentes DG au sein de la Commission, quelles DG considéreriez-vous comme plutôt faibles ? » Trente-trois personnes ont répondu à cette question. Parmi elles, cinq ont mentionné la DG EMPL comme particulièrement faible, devancée uniquement par les DG Éducation et culture (17 personnes), DG Santé et consommateurs (8), l’actuelle DG Communication (7) et la DG Affaires maritimes et pêche (6).

Figure 5

Évaluation subjective de la direction générale la plus puissante

Figure 5

Évaluation subjective de la direction générale la plus puissante

Données : 84 entretiens réalisés par les auteurs au sein de la Commission
Lecture : N = 84, plusieurs réponses possibles en fonction des réactions à l’interview.
La catégorie « autres » comprend INFSO (4), EAC (1), ELARG (1), TAXUD (1). Le nombre total de DG mentionnées comme puissantes excède le nombre de personnes ayant répondu, car plusieurs réponses étaient possibles et très probables. Bien que les personnes interrogées aient souvent classé les DG qu’elles mentionnaient en fonction de leur pouvoir, nous nous abstenons de pondérer les réponses. Les DG non mentionnées par les personnes ayant répondu ne figurent pas sur le graphique.

35En outre, nous avons demandé aux personnes interrogées dans quelle mesure le classement des DG en fonction de leur pouvoir avait évolué aux cours des cinq dernières années. Quarante-six personnes interrogées ont indiqué plusieurs DG qui, à leurs yeux, sont devenues plus importantes, 14 personnes ont indiqué des DG qui, à l’inverse, ont vu leur importance diminuer. Là encore, plusieurs réponses étaient possibles et une certaine précaution s’impose dans l’interprétation des résultats, pour des raisons tenant à la fois à la subjectivité et à la représentativité des opinions émises. Parmi les portefeuilles les plus fréquemment mentionnés comme de plus en plus puissants figure le secrétariat général, qui est devenu « encore plus fort maintenant qu’il ne l’a jamais été historiquement » (COM44 : 119). Cela s’explique par des raisons à la fois structurelles (réforme Kinnock) et liées à la personnalité concernée (la secrétaire générale Catherine Day) (COM69 : 200, COM56 : 164, COM104 : 256, COM84 : 161). Parmi les DG dont l’importance recule, c’est la DG MARKT qui est le plus souvent citée, principalement à la suite de la directive sur la libéralisation des services publics qui a provoqué l’indignation du public et a donc détérioré l’image de la Commission aux yeux de beaucoup (COM65 : 200). Bref, à part la perte d’influence de la DG MARKT, aucune des évolutions de la perception du pouvoir ne peut être facilement attribuée aux demandes adressées au système politique de l’UE. Cependant, si nous relions la perception du pouvoir à l’orientation idéologique des commissaires dirigeant les services respectifs pendant la période étudiée, il est alors possible d’expliquer les évolutions des relations de pouvoir internes à la Commission. Notamment, la DG EMPL perçue comme faible était dirigée par des socialistes (le commissaire Vladimír Spidla de 2004 à 2008 et le commissaire László Andor de 2008 à 2014) et des démocrates-chrétiens (le commissaire Marianne Thyssen depuis 2014), les commissaires chargés des réponses de la DG Affaires économiques et financières (ECFIN) à la crise provenaient de la famille politique conservatrice (Joaquin Allmunia de 2004 à 2008) et libérale (Olli Rehn de 2008 à 2014). Cela a changé avec la nouvelle commission Juncker et l’on verra avec le temps si le commissaire Pierre Moscovici (socialiste) est davantage susceptible de répondre aux demandes en faveur de la politique sociale.

36Globalement, la perception de la force des DG économiques est un résultat très important de notre analyse, car il souligne que les interactions à l’intérieur du système politique devraient se dérouler entre des acteurs qui n’ont pas le même pouvoir. En outre, si la structure et la procédure de coordination interne ne compensent pas systématiquement une telle asymétrie de pouvoir, on doit s’attendre à ce qu’elle produise une distorsion systématique en fonction des intérêts économiques sur les questions controversées. Cependant, nous notons également que ces asymétries de pouvoir semblent plutôt stables, même à la lumière des inputs évoqués plus haut.

La progression du caractère intergouvernemental des politiques européennes

37Le vieux débat entre partisans de l’intergouvernementalité et partisans du néofonctionnalisme a été un des débats les plus féconds dans les études classiques sur la construction européenne. Au regard des objectifs de notre recherche, nous souhaitons en apprendre davantage sur le rôle des États membres, au cours des années écoulées, dans la définition de l’agenda politique et dans la réalisation de solutions politiques européennes. Premièrement, nous devons rechercher des indicateurs permettant de mesurer l’importance croissante du pouvoir des gouvernements nationaux au niveau de l’UE, afin d’évaluer l’équilibre des pouvoirs. Une variable indicative, même si elle n’est pas parfaite, pourrait être le nombre de réunions du Conseil européen. À cet égard, les données sont très parlantes : au cours de la période allant de 1975 (première année au cours de laquelle se sont tenus des conseils européens) à 1992, le nombre moyen de sommets annuels est de 2,5 ; au cours de la période de 1993 à 2002, la moyenne est de 3,1 alors qu’au cours de la période de 2003 à 2013, la moyenne est de 5,3 (avec un pic de dix sommets en 2010). S’il s’agit à l’évidence d’un indicateur rudimentaire, il nous dit quelque chose de la façon dont les politiques de l’UE ont été définies dans le temps. Il indique que la Commission a été de plus en plus sous le contrôle du Conseil européen, qui a toujours conservé les compétences de définition de l’agenda, mais qui, grâce à l’augmentation de la fréquence des réunions, a aussi surveillé davantage la phase de formulation des politiques, qui reste à l’ordinaire dans les mains de la Commission européenne.

38Il nous paraît difficile d’être en désaccord avec l’affirmation suivante de Pochet : « Le processus dit “Europe 2020” ressemble plus à un ajustement mutuel entre des gouvernements (principalement de droite) souhaitant adopter certaines réformes et la Commission (DG ECFIN) qui fournit des arguments complémentaires […]. La conséquence en est un déséquilibre au détriment des ministres des Affaires sociales et de l’Emploi au niveau national, car les ministres de l’Économie peuvent les court-circuiter à l’aide des procédures européennes. » (Pochet 2010, p. 6). En outre, au sein du Conseil européen, ainsi que dans les diverses formations du Conseil qui ont élaboré les nouvelles politiques de gouvernance économique, l’Allemagne a été l’acteur-pivot pour toutes les mesures importantes, comme dans le cas de la principale, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) (pour plus de détails sur la façon dont l’Allemagne a façonné cette politique et est parvenue à réaliser tous ses objectifs principaux, voir Kreilinger, 2012 ; pour un point de vue institutionnaliste discursif, voir Schmidt, 2014). En d’autres termes, le scénario politique mis en œuvre pendant la gestion de la crise démontre non seulement la prédominance d’une DG (ECFIN) sur toutes les autres (pour plus de détails, voir Copeland et James, 2013), mais aussi la concentration du pouvoir de négociation entre les mains du gouvernement allemand, l’un des rares pays n’ayant pas eu à subir les lourdes conséquences économiques et sociales de la crise. L’intergouvernementalité a prévalu, sous une forme asymétrique innovante, l’Allemagne ayant joué le rôle de médiateur dans les négociations sur la gouvernance économique et ayant fermé la porte à une relance de l’Europe sociale. Pour reprendre les catégories précédemment mentionnées, le « soutien » et la « demande » semblent donc avoir façonné les relations de pouvoir internes du système. Cependant, plutôt que les demandes nées de la crise, ce sont particulièrement des gouvernements des États membres qui semblent avoir été un pivot à cet égard.

39En résumé, les trois observations empiriques sur l’évolution des modèles idéologiques et des modèles de relations de pouvoir fournissent des informations importantes sur le fonctionnement de la « boîte noire » dans le modèle d’Easton. Il nous semble que dans un contexte global du système politique européen caractérisé par le changement de majorités politiques au sein du Parlement européen (passant d’une majorité Parti populaire européen-Parti socialiste européen [PPEPSE] à une majorité PPE-Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe [ALDE], notamment après 2004), le rééquilibrage interne (au sein de la Commission européenne) et externe (entre la Commission européenne et le Conseil) des pouvoirs a été défavorable à la promotion de « l’Europe sociale » et a favorisé un agenda politique « axé sur l’austérité » au cours des années écoulées. Ces processus n’ont pas été uniquement une conséquence de la crise récente, mais plutôt le résultat d’évolutions antérieures de l’agenda politique européen, qui avaient réduit le pouvoir des acteurs défendant les objectifs de politique sociale au sein du système politique de l’UE.

Discussion et perspectives

40Nous sommes partis du constat paradoxal selon lequel le système politique de l’UE ne fournit pas de réponse sociale à la crise. Au contraire, l’intégration économique et, avec elle, les mesures d’austérité ont été renforcées. En matière de politique de régulation, l’action de l’UE dans le domaine social ne faiblit pas seulement en termes absolus. On constate en effet que peu de directives comportant des normes substantiellement nouvelles et courant le risque d’être rejetées par le Conseil ont été proposées. C’est un indicateur du fait que la Commission, maître de l’agenda, a fait preuve de toujours moins de dynamisme et d’innovation. Ce n’est là, bien sûr, qu’une partie d’un panorama plus large, mais avec les évolutions déjà notées dans le domaine des MOC sociales et les constats faits dans la littérature académique, il en ressort clairement un net déclin de l’Europe sociale. Il est frappant de constater qu’en dépit d’un soutien croissant des citoyens en faveur d’une Europe plus sociale, les institutions européennes et les gouvernements des États membres ont, au cours des dix dernières années, conduit d’autres politiques. Si, initialement, la promotion des politiques sociales n’empruntait déjà que des voies indirectes, la politique conduite, après 2008, s’est opposée à une relance de l’Europe sociale et a eu, dans certains pays, des effets dévastateurs sur l’économie nationale et la cohésion sociale (Theodoropoulou et Watt, 2011). Les institutions européennes et les gouvernements des États membres ont de facto conduit des politiques qui ont reflété, à partir de 2004, l’existence d’une majorité conservatrice et libérale de plus en plus large au sein du Parlement européen et l’émergence d’un État membre à majorité conservatrice, doté d’un rôle clé dans la formulation des politiques d’austérité : l’Allemagne. En nous appuyant sur l’approche du système politique d’Easton, nous avons identifié les élections de l’UE, ainsi que les demandes sociales nées de la crise comme des inputs du système politique européen et nous nous sommes demandé si et comment ils étaient susceptibles de modifier les relations de pouvoir en son sein. En examinant l’orientation idéologique et l’organisation du pouvoir au sein de la Commission, nous avons constaté que depuis le milieu des années 2000 la composition idéologique de la Commission, maître de l’agenda dans le système politique de l’UE, s’est profondément modifiée. L’influence néolibérale est beaucoup plus forte qu’avant et semble bien être un facteur déterminant des résultats produits dans le champ de la politique sociale de l’UE. Qui plus est, à l’intérieur de la Commission, les portefeuilles économiques sont perçus par les acteurs comme nettement plus puissants que les DG responsables de l’élaboration de la politique sociale. Enfin, l’évolution des relations de pouvoir dans le processus interinstitutionnel a été une conséquence du rééquilibrage des pouvoirs lié au changement de l’orientation politique de l’électorat, tel que les résultats des élections du Parlement européen l’ont exprimé.

41En résumé, un tel panorama met en évidence, d’un point de vue dynamique, que le système politique de l’UE semble réagir aux résultats des élections (soutien) plutôt qu’aux demandes sociales plus générales (input) et entraîner, depuis 2004, des conséquences durables sur l’équilibre interne des portefeuilles et des relations interinstitutionnelles, en favorisant les préférences politiques du gouvernement représentant le pays le plus puissant, tant sur le plan politique que sur le plan économique (l’Allemagne).

Notes

  • [1]
    Nous souhaitons remercier Saskia Klüver pour son assistance dans nos recherches. Miriam Hartlapp souhaite remercier la Fondation Volkswagen pour le soutien généreux qu’elle lui a accordé à travers une bourse Schumpeter.
  • [2]
    Theodoropoulou et Watt, 2011 ; Copeland et James, 2013 ; Blyth, 2013 ; Greer, 2013.
  • [3]
    Commission européenne, 2013a ; Porte et Heins, 2015.
  • [4]
    Cela est illustré par les exemples qui suivent. Les directives antidiscrimination sont apparues comme des instruments relatifs aux conditions de travail, avant d’être considérées comme des droits des citoyens et d’être transformées en instruments du titre « justice et affaires intérieures ». Le droit de séjour pour les membres de la famille est classé parfois dans la politique sociale, parfois dans la justice et les affaires intérieures. De plus, la réglementation sociale s’étend aux politiques de protection de l’environnement ou des consommateurs, comme le montre la récente directive en matière de mobilité des patients.
  • [5]
    Nous sommes conscients que l’opinion publique et les exigences ne doivent pas être mises sur un pied d’égalité, mais que c’est bien l’opinion publique qui modèle les exigences (voir Easton, 1965, p. 42).
  • [6]
    La base de données couvre la période de 1957 à 2008 et fournit trois points de vue différents sur la Commission : les membres de la Commission (« données sur les personnes »/« fonctions des personnes »), la structure administrative et la taille des DG (« données sur les DG ») et une localisation des politiques dans la structure administrative (« nomenclature des DG »). Pour plus de détails, voir http://www.wzb.eu/de/forschung/internationale-politik-undrecht/positionsbildung-in-der-eu-kommission/publikationen/database, consulté le 19 septembre 2015.
  • [7]
    Nous sommes conscients que les modifications entre les partis nationaux sont importantes, y compris au sein des familles politiques (Hix et Lord, 1997), mais nous pensons que l’orientation politique des commissaires apporte néanmoins certains éléments utiles.
  • [8]
    Pour préserver l’anonymat, nous citons ces interviews en tant que COM1, COM2, etc.
Français

Partant de l’approche du système politique d’Easton, nous considérons les élections européennes de 2004, 2009 et 2014 et la crise économique et financière comme des inputs du système politique de l’Union européenne (UE). Du côté des outputs, la politique sociale ne faisait pas partie des priorités de l’agenda politique de l’UE avant même la crise. Pour comprendre cette discordance entre inputs (les demandes sociales) et outputs (les résultats), nous examinons si et dans quelle mesure les inputs ont modifié les relations de pouvoir entre les principaux acteurs du système politique européen. Nous formulons la thèse selon laquelle si l’on pouvait s’attendre à ce que la crise fasse naître une demande de politiques sociales à l’échelle européenne, les acteurs favorables à un approfondissement de la construction économique et aux politiques d’austérité ont été confortés dans leur action par les résultats électoraux. Nous étayons notre thèse à l’aide de données empiriques originales.

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Paolo Graziano
Professeur associé au département d’analyse politique et de gestion publique de l’université Bocconi de Milan.
Miriam Hartlapp
Professeure de gouvernance pluri-niveaux au département de science politique de l’université de Leipzig.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 18/12/2015
https://doi.org/10.3917/rfas.153.0089
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