CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1La conjonction de crises économiques et sociales dans les pays industrialisés et de diverses crises environnementales à l’échelle planétaire questionne avec acuité les articulations entre ces dimensions du développement soutenable. Hausse des inégalités dans les pays riches depuis deux décennies (Piketty, 2013) et conscience croissante de la nécessité d’agir pour préserver l’environnement (UNEP, 2011) convergent vers l’impératif d’avancer sur un nouveau front, que l’on pourrait appeler « social-environnemental » (Laurent, 2011a). L’idée de traiter la question des inégalités de concert avec celle de la soutenabilité écologique fait son chemin, y compris chez les économistes (Gadrey, 2009 ; Laurent, 2013a). Ce constat est renforcé par le fait que de nombreuses tentatives de réformes écologiques se sont heurtées à la réalité, mais aussi, et surtout, à l’idée que l’écologie nuit aux plus modestes (Martínez Alier, 2014 ; Sénit, 2012).

2Au-delà de l’instrumentalisation de la question sociale pour justifier l’absence d’action sur le front environnemental, le problème de l’articulation social-écologique se pose réellement. On assiste à une montée en puissance des revendications de justice environnementale dans le monde, et à une importation (tardive) de l’idée et des politiques correspondantes en Europe (Laurent, 2011b).

3La discipline économique, qui s’est traditionnellement désintéressée de la question écologique (Dasgupta, 2008), ne dispose à ce jour que de peu d’outils pour penser l’articulation des impératifs social et écologique. L’économie dite « de l’environnement et des ressources naturelles », qui applique les outils de l’économie néoclassique à l’étude de la pollution et de l’extraction des ressources, a largement laissé de côté les enjeux de distribution des coûts et bénéfices des politiques environnementales ainsi que des biens et maux environnementaux eux-mêmes. Bien que les questionnements éthiques et sociaux y soient de plus en plus considérés comme incontournables, l’analyse est limitée par une armature théorique peu appropriée.

4De son côté, l’économie dite « écologique » [1] ambitionne de traiter prioritairement les questions de justice et d’équité, ceci ayant pour corollaire la mise en avant des limites à la croissance économique (Van den Bergh, 2007). La dimension sociale de la soutenabilité lui est donc consubstantielle. La discussion des problématiques de la justice environnementale et des conflits environnementaux fait d’ailleurs partie intégrante de ce courant. Si les travaux relevant de l’économie écologique couvrent de larges pans de la problématique des inégalités et injustices environnementales et écologiques, leur apport spécifique réside à nos yeux dans la mise en lumière de disparités dans la contribution aux pressions environnementales (inégalités et injustices écologiques), plutôt que dans l’analyse des disparités d’exposition aux pollutions et aux risques (inégalités et injustices environnementales) [2]. L’étude de ces dernières relève de disciplines aussi variées que la géographie, la sociologie, l’économie ou l’épidémiologie, et renvoie à ce que l’on pourrait appeler les études de la justice environnementale. Mais la richesse des contributions de l’économie écologique à la compréhension des inégalités sociales d’environnement pâtit encore d’une certaine hétérogénéité et d’un manque d’assise théorique.

5Sans prétendre couvrir toutes les dimensions du « complexe socio-environnemental » (le « social-ecological nexus », en anglais – voir Laurent, 2013a), nous proposons dans cet article un panorama non exhaustif des approches économiques des questions d’inégalités et de justice environnementales et écologiques. Nous accordons une place particulière au courant de l’économie écologique dans la mesure où celui-ci considère des distributions potentiellement inéquitables qui dépassent celles des variables monétaires traditionnelles. L’article est structuré comme suit. La première partie se penche sur l’économie « standard » et expose les raisons de sa difficile prise en compte simultanée des dimensions environnementale et sociale. La deuxième partie revient sur le mouvement et les travaux de la justice environnementale, et montre les défis qu’ils posent à l’analyse économique. La troisième partie propose une synthèse des apports de l’économie écologique sur la question des inégalités sociales d’environnement. La dernière partie ouvre une réflexion sur les voies de recherche pertinentes à nos yeux.

L’économie standard et la difficile prise en compte simultanée de l’environnement et de la justice

6Le croisement de la justice [3] avec la question environnementale n’est pas une pratique commune en économie. L’efficacité est la boussole de l’analyse économique standard [4]. Il n’est pas rare de lire ou d’entendre que l’économie s’occupe d’efficacité, tandis que le politique s’occupe de justice [5]. Une politique est réputée efficace si elle maximise le bien-être social, lequel est généralement compris comme une somme d’utilités individuelles issues de la consommation de biens et services. Ainsi, le critère normatif clé est la satisfaction des préférences des individus, telles que révélées par leurs actes de consommation. Si l’économie est apte à traiter des inégalités de revenus, de patrimoine, et potentiellement de tout ce qui possède une valorisation monétaire, elle est largement muette sur les inégalités d’accès aux biens et services environnementaux non marchands [6]. Son intérêt pour la question environnementale, et la soutenabilité du développement en général, se manifeste essentiellement dans une étude de la justice intergénérationnelle plutôt qu’intragénérationnelle.

L’économie de l’environnement et des ressources naturelles face à la justice

7L’économie de l’environnement se conçoit comme une science de l’internalisation des « externalités environnementales ». D’un côté, elle propose d’identifier les pollutions, de les quantifier et de les évaluer monétairement. D’un autre côté, elle étudie les outils économiques (autrement dit, en l’occurrence, incitatifs) susceptibles d’y remédier (taxes ou quotas) reflétant le coût social de ces pollutions [7]. Il s’agit ainsi de trouver les outils les plus efficaces pour internaliser les externalités, ce qui revient à trouver le meilleur moyen d’appliquer le principe pollueur-payeur. L’économie de l’environnement avance ainsi, a minima, armée d’un critère normatif selon lequel les pollueurs doivent assumer les coûts environnementaux qu’ils font peser sur le reste de la société [8].

8Mais les choses ne sont pas si simples. Tout d’abord, identifier correctement pollueur(s) et pollué(s) n’est pas chose aisée dans le cas de pollutions diffuses, causées par et affectant une myriade d’agents. L’existence d’« effets cocktail » complique encore les choses, car les effets des pollutions ne sont plus linéairement associés aux quantités de rejets polluants.

9Ensuite, il faut estimer monétairement la valeur des pollutions. Or si l’on s’appuie sur le consentement à payer pour éviter la pollution (tel que déclaré lors d’une enquête ou tel que révélé par l’engagement de coûts de protection par les pollués, par exemple) ou sur le coût d’opportunité de subir la pollution (flux de revenus qui auraient été tirés de la poursuite normale de l’activité), la valeur de la pollution dépend du niveau de revenu des pollués. Un cours d’eau évalué monétairement par des pauvres aura moins de valeur que s’il est évalué par des riches.

10Une telle situation suggère une indifférence de l’analyse aux inégalités sociales et environnementales [9]. En effet, les plus démunis ayant une capacité moindre à faire valoir monétairement leur attachement à un lieu, un environnement ou une ressource, leur poids dans l’analyse risque d’être faible. Ce point a reçu une illustration saisissante avec le cas désormais célèbre du mémorandum de Lawrence Summers, adressé en 1991 à ses collègues de la Banque mondiale dont il était alors économiste en chef [10]. Il y expose l’idée selon laquelle il serait souhaitable que des industries polluantes soient déplacées des pays riches vers les pays les moins avancés. Les arguments sont les suivants : le « coût » d’une pollution est constitué des revenus qu’elle sacrifie, à travers l’augmentation de la morbidité et de la mortalité. Les pays pauvres sont le lieu où le coût de la pollution ainsi défini est le plus faible, ils sont donc « sous-pollués ». En outre, la demande de qualité environnementale est, selon Summers, fortement liée au niveau de revenu. Ce cas, bien qu’extrême, peut être considéré comme une application froide de la théorie économique standard. Comme le font remarquer Daniel Hausman et Michael McPherson (2008), un tel raisonnement, prétendument rationnel, est pétri de présupposés normatifs tout à fait critiquables.

Comparer des distributions ?

11L’économie de l’environnement est souvent mise à contribution dans l’évaluation de politiques ou de projets ayant des impacts dépassant la sphère des revenus. Il est alors question de porter des jugements sur des scénarios alternatifs, en comparant coûts et bénéfices touchant des dimensions et des acteurs variés.

12Le critère de Pareto, qui stipule qu’un changement est désirable si personne n’est lésé tandis qu’au moins une personne en tire un avantage, est considéré comme trop restrictif, dans la mesure où il n’existe (quasiment) pas de projets ou de politiques comportant des impacts environnementaux et qui ne lèse au moins une personne. La solution théorique est fournie par le critère de Kaldor-Hicks, selon lequel il suffit que les gagnants puissent dédommager les perdants ex post, autrement dit que la somme des bénéfices surpasse celle des coûts. Mais rien n’assure que la compensation ait effectivement lieu, et par ailleurs ce critère ne dit rien sur l’équité de l’opération envisagée, ce qui lui a valu d’être maintes fois critiqué.

13D’innombrables exemples montrent qu’il ne suffit pas de prouver l’efficacité globale d’une mesure pour qu’elle soit adoptée. Ainsi en est-il de la taxe carbone, qui reçoit un assentiment presque unanime de la part et des économistes et des politiques, mais échoue à être mise en œuvre pour des raisons touchant essentiellement à ses présumés effets anti-redistributifs : certains seront lésés, et il faut prendre au sérieux ces impacts différenciés. Les économistes ont pris acte de telles contraintes relevant de « l’économie politique », et les travaux portant sur les effets redistributifs des politiques environnementales sont désormais nombreux (Serret et Johnstone, 2006).

Donner plus de poids dans l’analyse aux plus démunis ?

14Une manière de tenir compte des disparités sociales dans l’économie de l’environnement et des ressources naturelles est de pondérer le bien-être des populations les plus modestes dans la fonction de bien-être social que l’on adopte. En économie du climat, par exemple, la « pondération sociale » est envisagée depuis longtemps (Azar et Sterner, 1996). Elle consiste à donner un poids plus important aux coûts liés aux changements climatiques que vont subir les populations les plus pauvres. Les applications de ce type de pondération conduisent à des estimations des coûts du changement climatique nettement plus élevées que les estimations sans pondération (chaque euro ou dollar a la même valeur en tout point du globe) (Anthoff et al., 2009). Reste que la pratique habituelle est plutôt de considérer le monde comme une entité homogène et de ne raisonner qu’en termes moyens (pas de distinction entre pays, ni entre couches sociales à l’intérieur des pays) (Pearson, 2013, p. 63-68). Mais alors, comment expliquer que l’on invoque un principe de justice pour actualiser le revenu des générations futures et que l’on ne le fasse pas pour les inégalités de revenus entre générations présentes ? Il semble que les économistes reconnaissent la pertinence d’une différenciation sociale des impacts du changement climatique tout en ne la mettant pas en application. Christian Azar et Thomas Sterner (1996) citent William Nordhaus à ce propos [11]. Plus récemment, le rapport Stern (Stern et al., 2006) reconnaît l’intérêt de pondérer les pertes de richesse selon les régions mais ne le fait pas.

15Pourquoi la question distributive est-elle ainsi laissée de côté ? On peut d’abord supposer que la croyance dans le marché comme meilleur révélateur des préférences agit comme un filtre éthique. Le consentement à payer pèse ainsi davantage que les conditions environnementales réellement vécues. Ensuite, se livrer à des pondérations sociales risque d’ouvrir la boîte de Pandore des jugements moraux, ce qui nous amène à un troisième point. L’économiste se conçoit comme porteur d’un discours positif et il laisse le soin au politique d’imprimer à ses travaux la couleur éthique qu’il désire. Enfin, l’introduction de disparités sociales dans les modélisations écoclimatiques est un enjeu techniquement ardu, et qui requiert des données pas toujours disponibles.

Conceptions de la justice et politiques environnementales

16La justice fait aussi irruption dans l’économie de l’environnement dès lors que les individus sont reconnus comme fondamentalement moraux, ou susceptibles d’instrumentaliser les principes de justice.

17Pour Olof Johansson-Stenman et James Konow (2010), bien que les questions distributives aient une grande importance dans les problématiques environnementales, elles ont été relativement éludées par l’économie de l’environnement [12]. Ils apportent trois explications à ce manque d’intérêt : les questions de justice sont souvent vues comme subjectives et amorphes, pas assez structurées pour être intégrées dans les modèles ; les considérations d’équité sont la plupart du temps invoquées dans le but de bénéficier à l’agent qui les emploie (usage intéressé) ; elles rendent les modèles moins faciles à manipuler. On retrouve l’idée que traiter de justice dans l’analyse des politiques environnementales fait courir un risque de complexité et de « subjectivité » que l’économiste n’entend pas prendre. Les travaux cités par Johansson-Stenman et Konow renvoient essentiellement à l’économie expérimentale et comportementale. Il s’agit d’étudier les « biais de justice » des individus, leur tendance à voir la justice à leur porte et à ne pas se départir de ces biais.

18Si de tels travaux apportent des éclaircissements intéressants sur les motivations des acteurs ainsi que sur les obstacles cognitifs et comportementaux à l’adoption de politiques environnementales, ils restent très microéconomiques. Ils se heurtent de ce fait au problème classique de la montée en généralité, de l’agrégation, du passage du microéconomique au macroéconomique. Les problèmes classiques liés aux effets de cadrage et à la dépendance des résultats au contexte montrent les limites d’approches essentiellement comportementales et expérimentales. Si les auteurs affirment que les individus sont préoccupés par l’équité, rien n’est dit ou presque des inégalités et injustices réellement existantes ni de la manière dont les injustices environnementales et écologiques peuvent et doivent être étudiées et traitées.

Justice et évaluation de l’environnement

19Les conceptions de justice des individus sont bien souvent considérées comme un « bruit », un « biais » empêchant de percevoir leurs véritables intérêts et préférences. Ces dernières étant l’objet que l’analyse économique entend sonder, les réponses aux enquêtes qui ne consistent pas uniquement en l’expression de préférences ne peuvent être considérées que comme problématiques. Or les répondants, au lieu de n’exprimer que la « vraie valeur de leur bien-être » lors de leurs réponses aux enquêteurs sur leur consentement à payer, y mêlent fatalement des considérations morales. Il ressort d’ailleurs des enquêtes que le consentement à payer (pour limiter le changement climatique, par exemple) est supérieur lorsque les interrogés savent que la répartition des fardeaux est équitable (les pollueurs sont les payeurs) et que ce sont les plus pauvres qui risquent de subir les impacts les plus graves. L’interprétation en termes de modification de bien-être (strictement) individuel des enquêtes de consentement à payer ou à recevoir est ainsi mise à mal.

20Les méthodes d’évaluation participatives et délibératives prennent au sérieux cette dimension morale irréductible (Zografos et Howarth, 2010). S’il n’est possible ni de la neutraliser (ce qui n’est d’ailleurs pas non plus désirable) ni d’en rendre compte « scientifiquement » (a fortiori dans une valeur monétaire), alors l’enjeu est de proposer des cadres d’expression des préférences et des jugements qui respectent ces derniers et ne les contraignent pas dans le langage de l’intérêt et de la monnaie.

21À l’issue de cette partie, il apparaît que les considérations de justice ne sont pas absentes du cadre d’analyse de l’économie de l’environnement et des ressources naturelles. Pour autant, elles font l’objet de traitements sporadiques. En outre, la question de la justice environnementale, et notamment la partie de celle-ci qui a trait à la répartition inégale des ressources et de la qualité environnementale, est absente. Pourtant la question se pose avec une acuité croissante, les mouvements sociaux s’en revendiquant prennent de l’ampleur, et les travaux académiques s’y intéressant se multiplient, toutes disciplines sociales confondues.

L’enjeu de la justice environnementale

22Le courant de la justice environnementale (ci-après JE) étudie la distribution des activités polluantes selon des critères sociaux, économiques ou ethniques, et tente de montrer dans quelle mesure cette distribution est juste ou injuste. Ce courant d’analyse est fort d’un très grand nombre d’études de cas et de riches données empiriques, bien que ces travaux restent encore majoritairement nord-américains. Issue de mouvements sociaux de base inspirés des mouvements pour les droits civiques des années 1960 et 1970, cette démarche conclut la plupart du temps à la présence d’injustices environnementales. Pour l’économie, reconnaître les situations d’injustice environnementale implique de reconnaître une dimension supplémentaire dans ses analyses de la répartition des ressources. L’enjeu est de taille.

Les racines nord-américaines

23Les travaux de la JE prennent leur source dans le courant de l’environmental justice, né aux États-Unis à la fin des années 1970, et analysent la répartition des « fardeaux » environnementaux selon une division en catégories sociales, ethniques ou de genre (Agyeman, 2007). Des études de terrain datant des années 1980 ont eu une influence décisive sur la législation, notamment celles de Robert Bullard, du Government Accountability Office et de la United Church of Christ. L’Agence de protection de l’environnement américaine compte ainsi depuis 1992 un Bureau de la justice environnementale (Office of Environmental Justice), et dans certains états des personnels sont spécialement dédiés à la promotion de la justice environnementale.

24Les travaux récents tendent à renforcer les constats tirés depuis plusieurs décennies (voir, par exemple, Sicotte et Swanson, 2007 et Bouvier, 2014). Julian Agyeman (2014) note néanmoins un déclin du discours et des politiques de justice environnementale aux États-Unis, au profit de discours sur l’« économie verte » et la promotion d’emplois « verts ». Le discours de la justice environnementale aurait été remplacé par un discours de la justice économique dans un contexte d’énergies vertes et de protection du climat, et la promotion d’un capitalisme vert.

Mondialisation de la problématique

25La JE est devenue une bannière incontournable pour l’activisme social bien au-delà des États-Unis (Schlosberg, 2007). L’exportation de la problématique de la justice environnementale hors des États-Unis ne s’est pas faite automatiquement, du fait de la dimension ethno-raciale dont le concept est porteur en Amérique du Nord. Ainsi l’ONG « Amis de la Terre Royaume-Uni » a-t-elle, à la fin des années 1990, voulu éviter le vocable « environmental justice », lui préférant « pollution injustice ». Les ONG se sont progressivement emparées de la problématique, et celle-ci est désormais portée haut et fort dans des pays émergents et en développement, à travers un des réseaux d’organisations et de chercheurs qui vont en se densifiant. Pour prendre un exemple, au Brésil un réseau contre le racisme environnemental a été créé, et des chercheurs travaillent spécifiquement sur ce sujet (Acselrad et al., 2004). Les exemples ne manquent pas, et le mouvement prend de l’ampleur pour lutter contre l’extraction minière, les cultures OGM ou encore l’accaparement des terres (Martínez Alier, 2014). On commence même à évoquer le concept de « justice environnementale mondiale » (Sikor et Newell, 2014). Les mouvements de justice environnementale sont appelés à s’intensifier dans les pays en développement dans la mesure où ce sont les populations les plus vulnérables de ces pays qui vont souffrir le plus directement des changements climatiques à venir (Mendelsohn et al., 2006).

Une importation tardive de la problématique en Europe

26En Europe, l’accent est mis davantage sur les inégalités socio-économiques que sur les inégalités ethno-raciales, d’où la difficulté d’y importer la bannière et les catégories de la JE. Toutefois, la problématique est à l’agenda depuis la fin des années 1990-début des années 2000. Au Royaume-Uni, la JE a fait irruption à la faveur notamment de l’émergence politique et académique de la question de la précarité énergétique. En France, l’économiste Éloi Laurent a contribué à importer les débats largement nord-américains autour de la justice environnementale (Laurent, 2011b), et ceux-ci sont désormais en cours d’appropriation par les acteurs sociaux au sens large (CESE, 2015 ; Laurent, 2013b). Les travaux menés en Europe sont aujourd’hui nombreux et divers (voir, par exemple, Cornut et al., 2007).

Théories économiques des inégalités environnementales

27On peut trouver dans la littérature économique quelques tentatives de théoriser les injustices environnementales. David Pearce (2006) propose une analyse de l’économie des inégalités environnementales dans une perspective de JE. Selon lui, les hypothèses de la JE sont les suivantes : la distribution existante des « maux » environnementaux est régressive selon les niveaux de revenu ; les politiques environnementales sont biaisées, en défaveur des groupes à bas revenus. Pearce attire l’attention sur l’importance de distinguer les émissions, les émissions nettes (sont soustraites les émissions « exportées » et ajoutées les émissions « importées »), les concentrations de polluants, l’exposition (qui dépend du comportement de la population à risque) et le risque sanitaire (qui dépend des caractéristiques personnelles des individus exposés). Les résultats peuvent en effet varier grandement selon la variable cible retenue. Le choix du critère de justice influe lui aussi très fortement sur la conclusion tirée des études de cas et des enquêtes statistiques, entraînant un hiatus entre approche par les droits (« rights-based distribution ») et approche par les préférences (« preference-based distribution »).

28Une première vision économique des inégalités environnementales est la théorie de la compensation par le salaire : vivre dans un environnement pollué aurait pour contrepartie des revenus plus élevés (Rosen, 1979). Les ménages aux revenus les plus élevés devraient donc se trouver dans des lieux moins riches en aménités environnementales. Une hypothèse alternative, qui concerne également la localisation des ménages, stipule que les individus à hauts revenus ont les moyens (un « consentement à payer » supérieur) de s’offrir un environnement de qualité (Hanna, 2007). La demande de qualité environnementale est réputée croissante en fonction du revenu. Un tel cumul des avantages ou des handicaps peut être considéré comme l’expression de préférences à travers le marché (Banzhaf, 2008), situation pas forcément inéquitable. Charles Tiebout (1956) avait avancé l’idée que les individus se déplacent vers des lieux où la qualité environnementale est égale à leur consentement à payer, lequel dépend du niveau de revenus. Ce modèle « push and pull » conclut que les riches ont une demande de qualité environnementale élevée et que les pauvres acceptent d’habiter dans des zones plus polluées dans la mesure où, d’une part, l’offre d’emploi y est plus élevée (Liu, 2001), et d’autre part, les taxes et le coût des logements y sont plus faibles (Hite, 2000). Le jugement de justice appliqué aux résultats de tels phénomènes polarisateurs dépendra de l’approche adoptée (« rights-based » ou « preference-based »). Pour l’approche par les droits, chaque individu a un droit égal à un environnement de qualité, donc la situation est injuste. Pour l’approche par les préférences, la situation n’est pas forcément injuste, dans la mesure où pauvres et riches ont librement choisi leur « état d’équilibre » une fois pris en compte leurs revenus. Les inégalités environnementales ne se surajoutent pas aux inégalités primaires de revenu, puisqu’elles en découlent. Comme le rappelle à juste titre David W. Pearce (2006), cette divergence d’analyse est très importante et rend difficile le débat entre économistes de bords différents.

29Enfin, l’hypothèse privilégiée par l’école de la justice environnementale est que les activités dangereuses et/ou polluantes se situent en des lieux où la résistance espérée est la moins forte. Or les populations les moins aisées ont moins de moyens financiers et politiques pour faire valoir leurs intérêts. D’où une surimposition des inégalités environnementales sur les inégalités économiques (Hamilton, 1995).

30On dispose de trop peu de travaux ayant pour but explicite de tester ces hypothèses afin de pouvoir trancher. Les travaux empiriques suggèrent une possible combinaison de ces effets, à des degrés variables selon le type de population (Bouvier, 2014).

31L’objectif de justice environnementale est certainement désirable pour lui-même, mais il est aussi porteur de vertus écologiques s’il permet d’atteindre un plus haut degré de préservation de l’environnement (Agyeman, in Atkinson et al., 2007). Il est aussi plus large qu’une simple égalisation des dotations en ressources des individus, ce que tendent à négliger les interprétations économiques présentées plus haut. Comme l’indique David Schlosberg (2007), la justice environnementale implique des enjeux de distribution, de participation, de reconnaissance et d’amélioration des « capabilités » au sens de Amartya Sen.

32Au niveau des politiques, le discours de la justice environnementale subit la concurrence de celui de la modernisation écologique. Pour autant, au niveau des mobilisations, la bannière garde son efficacité et tend même à se globaliser. Cette tendance pourrait contribuer à contrecarrer l’effet pervers pointé par Agyeman (2014), à savoir que la réussite des mouvements de justice environnementale aux États-Unis a contribué à l’aggravation des injustices internationales en déplaçant les problèmes vers d’autres pays.

Économie écologique et inégale contribution des humains aux pressions sur l’environnement

33Les travaux relevant de l’économie écologique présentent l’intérêt, par rapport à ceux de l’économie standard, de porter une attention plus soutenue aux implications en termes de justice des phénomènes étudiés. Ainsi en est-il des travaux sur l’impact environnemental socialement différencié de la consommation, sur l’« effet rebond » selon la catégorie de population, sur une politique climatique juste, sur les inégalités d’empreinte carbone, sur l’échange écologique inégal, etc.

34Si la justice environnementale a toute sa place dans les travaux relevant de l’économie écologique, c’est l’analyse des inégalités écologiques (dans le sens précisé plus haut d’inégalités dans la contribution aux pressions et maux environnementaux) qui nous paraît être l’apport original de cette discipline. Ces travaux reposent pour la plupart sur l’utilisation de matrices input-output (à l’échelle régionale, nationale, multirégionale et mondiale) permettant de retracer le fil des impacts internationaux des consommations [13].

35Dans une large mesure, les analyses présentées ci-dessous sont complémentaires de celles représentatives du courant de la justice environnementale.

La justice au cœur de l’économie écologique ?

36Échelle soutenable, distribution équitable et allocation efficace sont considérées comme les balises normatives de l’économie écologique depuis ses débuts (Daly, 1992). C’est notamment la reconnaissance de limites écologiques au développement économique qui conduit à faire passer au premier plan la question de la distribution (Luks et Stewen, 1999). H. P. Aubauer (2006) développe ces idées en suggérant d’aller vers une distribution égale dans l’usage des ressources à travers des certificats de ressources (« rights to resource throughput ») distribués gratuitement et égalitairement à tous les citoyens et susceptibles d’être échangés. Une telle proposition se distingue de l’idée des quotas d’émission distribués aux entreprises polluantes, que l’on trouve de façon beaucoup plus courante dans la littérature en économie de l’environnement. L’accent mis sur la consommation comme source des pressions environnementales et objet de l’équité écologique est typique de l’économie écologique.

37Certains économistes écologiques s’efforcent d’intégrer théoriquement la question de la soutenabilité avec celle de la justice. Nathan Pelletier (2010) considère la soutenabilité comme « premier principe de la justice distributive ». D’autres travaux récents s’emploient à étudier les interrelations entre les concepts de justice et ceux de soutenabilité, et entre justice intra et intergénérationnelle [14].

Élargir le champ d’étude des inégalités

38On oppose souvent économie standard et économie écologique en relevant que la première s’intéresse aux prix et aux valeurs monétaires tandis que la seconde traite davantage des quantités et des agrégats physiques. Cette distinction n’est pas sans fondement : l’économie écologique étudie les répartitions de biens sous leur angle matériel et non seulement sous l’angle de ce qu’ils coûtent en termes monétaires. Ainsi, certains ont proposé d’élargir le champ des variables pertinentes dans le calcul des inégalités à des variables environnementales.

39Huber Jack Ruitenbeek (1996) critique le premier le fait que les indices d’inégalités traditionnels n’incluent que l’économie formelle, et que les biens et services environnementaux, tels que les usages de la forêt, soient omis. Il construit un coefficient de Gini « ecologically sensitive » qui prend en compte des services écologiques traditionnels en plus des revenus monétaires. Son étude empirique sur le cas du Cameroun montre que le coefficient de Gini « écologiquement sensible » donne une image plus fidèle des inégalités effectives (de fait, les niveaux d’inégalités sont revus à la baisse) que les calculs d’inégalité traditionnels. Dans un esprit similaire, mais en l’appliquant à des pays développés, Angela Druckman et Tim Jackson (2008) proposent un indicateur des inégalités de l’usage des ressources (consommation) et des émissions qui en découlent. Ce sont les premiers à calculer un tel indicateur pour des ressources autres qu’énergétiques. Cet indicateur est spatialisé : il traduit des inégalités entre petites zones géographiques, ce qui est utile pour les politiques publiques, qui agissent au niveau local. L’indicateur proposé peut être appliqué à un large spectre de ressources et aux émissions qui leur sont associées. C. Wu et Z. Xu (2010) calculent plusieurs indices des inégalités spatiales de l’empreinte écologique dans une région du nord-ouest de la Chine. Les résultats montrent que l’inégalité écologique, très élevée, s’est accrue parallèlement à l’inégalité de revenus et surtout entre zones rurales et urbaines.

Des indicateurs socio-écologiques de soutenabilité ?

40C. Azar et al. (1996) proposent une batterie d’indicateurs socio-écologiques de soutenabilité, parmi lesquels certains doivent rendre compte de préoccupations de justice. Ils distinguent des indicateurs de justice intragénérationnelle, de justice intergénérationnelle et de satisfaction des besoins humains fondamentaux. Ces indicateurs sont tous non monétaires. Leur idée est d’orienter la focale sur l’amont de la chaîne causale plutôt que sur des indicateurs de dégradation environnementale qui viennent en bout de chaîne, et d’identifier ainsi les activités potentiellement non soutenables. Les auteurs recommandent l’usage d’indicateurs de justice intragénérationnelle qui comparent le montant de ressources utilisées par tête pour une région avec le même montant par tête pour le monde. Les auteurs défendent le point de vue que l’égalité dans l’usage des ressources à échelle mondiale est un objectif social désirable.

41T. J. White (2007) applique l’approche suggérée par Azar et al. (1996) en calculant des indicateurs d’inégalité internationale de répartition de l’empreinte écologique et de ses composantes. C’est une mesure de l’inégalité des « demandes humaines en termes d’environnement ». Il montre la place prépondérante de l’énergie dans l’inégalité de distribution de l’empreinte. La décomposition de l’analyse entre rôle du revenu et rôle de l’intensité environnementale du revenu montre que le rôle du revenu est plus important dans l’explication des inégalités d’empreinte écologique. D’où l’idée que, bien que l’égalisation mondiale des intensités environnementales soit plus aisée que celle des revenus, c’est bien une égalisation des revenus qui est cruciale si l’on veut atteindre une plus grande égalité dans l’usage des ressources.

Disparités sociodémographiques de pressions environnementales

42Dans le prolongement des travaux évoqués précédemment, un nombre important d’études empiriques récentes explore les inégalités dans la contribution aux pressions appliquées sur les ressources et l’environnement selon des variables sociologiques, économiques, démographiques et géographiques.

43Juan Antonio Duro et Emilio Padilla (2006) décomposent les inégalités d’émissions carboniques entre pays selon les contributions de l’intensité carbone de l’énergie, de l’intensité énergétique du revenu, et du revenu. Ils trouvent qu’entre 1970 et 1999, ce sont les écarts de revenus qui sont le principal facteur des inégalités d’émissions entre pays. Duro et Jordi Teixidó-Figueras (2013) montrent de leur côté que les différences de PIB sont la principale explication aux inégalités d’empreinte écologique par tête, et Nicola Cantore (2011) montre que les inégalités futures d’émissions de gaz à effet de serre (GES) seront essentiellement dues aux écarts de PIB par tête (plutôt qu’aux intensités CO2 ou énergie).

44Eleni Papathanasopoulou et Tim Jackson (2009) calculent le degré d’inégalité dans la consommation d’énergie fossile (usage direct et indirect) entre les quintiles de revenus au Royaume-Uni entre 1968 et 2000, en utilisant le coefficient de Gini. Ce coefficient a crû de 24 % sur la période, tandis que celui de la dépense totale n’a augmenté que de 13 %. Ce résultat est dû à une hausse de la demande en biens intensivement énergétiques (voitures, voyages, électricité …). La plus forte hausse est constatée pour l’énergie utilisée indirectement dans les biens consommés, d’où l’importance selon les auteurs de s’intéresser à ce type d’inégalités indirectes. Entre 1968 et 2000, les inégalités indirectes ont augmenté de 35 %. L’inégalité de consommation de ressources fossiles associée au voyage a crû de 40 % au cours de la période.

45De manière générale, le rôle du niveau socio-économique et du revenu, en particulier dans les pressions environnementales exercées par les individus, est assez largement discuté dans la littérature. Tous les travaux concluent à un impact nettement positif du revenu sur les émissions de gaz à effet de serre, et ce dans tous les domaines (voir, par exemple, Baiocchi et al., 2010 ; Druckman et Jackson, 2008). Milena Büchs et Sylke V. Schnepf (2013) montrent que l’association entre caractéristiques des ménages et émissions de CO2 varie en fonction des domaines d’émission au Royaume-Uni [15] : résidentiel, transport et émissions indirectes. Les auteurs s’appuient sur des enquêtes sur les dépenses des ménages, et les émissions indirectes sont évaluées grâce à des matrices input-output. Il ressort que ce sont les émissions liées au transport qui croissent le plus vite avec le revenu. La taxation du CO2 des transports se révélerait ainsi plus progressive que la taxation du CO2 résidentiel (chauffage). Pour la France, Fabrice Lenglart et al. (2010) présentent des données d’émissions de CO2 par quintile de niveau de vie et confirment que « la quantité de CO2 induite par la consommation d’une catégorie de ménages est clairement croissante avec son niveau de vie ». Les 20 % des ménages les plus aisés induisent, via leurs achats, 2,7 fois plus d’émissions de CO2 que les 20 % des ménages les plus modestes. Cyria Emelianoff et al. (2012) vont dans le même sens, tout en mettant en évidence le rôle particulier de la mobilité exceptionnelle (à distinguer de la mobilité quotidienne) dans les écarts de niveaux d’émissions entre catégories de revenus. Prabodh Pourouchottamin et al. (2013) poursuivent l’analyse en calculant l’emprise énergétique (consommations d’énergie directe et d’énergie « grise », c’est-à-dire l’énergie mobilisée en amont pour la production de l’énergie et des biens et services consommés) des ménages selon le niveau de vie. Le rapport entre les quintiles 1 et 5 est de 2,5, et les paniers de consommation (transferts sociaux compris) des ménages aisés sont plus énergivores que ceux des ménages modestes. D’où l’existence d’un effet structure de consommation se surajoutant à l’effet volume.

46On voit aussi apparaître des travaux sur les différences sociales d’« effet rebond » [16]. Mona Chitnis et al. (2014) travaillent sur les quintiles de la population du Royaume-Uni. Ils montrent que les dépenses de consommation des ménages les plus modestes sont plus intensives en gaz à effet de serre, mais les émissions totales restent croissantes en fonction du revenu de manière non équivoque. Les ménages les plus modestes sont aussi ceux qui présentent l’effet rebond le plus marqué. Leurs émissions sont dominées par les consommations domestiques en énergie tandis que celles des plus aisés sont dominées par les émissions contenues dans les biens et services consommés (émissions indirectes). Les auteurs recommandent ainsi de tenir compte de l’effet rebond et de sa différenciation sociale, ainsi que de privilégier une taxation des gaz à effet de serre qui s’applique à tous les biens, et pas seulement à l’énergie consommée par les ménages. L’effet social serait ainsi plus progressif. La taxe devant s’appliquer également aux biens importés, ce qui pose la question d’une taxe carbone aux frontières et de l’équité écologique à l’échelle internationale.

Par quel angle aborder répartitions et inégalités ?

47La justice environnementale ou écologique pose la question de la manière dont on se représente et dont on rend compte des responsabilités vis-à-vis de l’environnement. Doit-on aborder les émissions de gaz à effet de serre, par exemple, du point de vue des systèmes productifs ou de la demande qui « commande » ces émissions ? Quelle clé de répartition apposer au partage des responsabilités entre entreprises et consommateurs, entre choix souverain de ces derniers et poids des structures économiques ? Il n’est pas question ici de trancher des questions si épineuses, mais de montrer dans quelle mesure les travaux se revendiquant de l’économie écologique permettent de rééquilibrer les analyses en montrant le rôle des modes de consommation et les inégalités que ceux-ci manifestent. L’enjeu est de taille, notamment en matière de géopolitique climatique.

Encadré : Émissions nationales versus empreinte carbone

Il est désormais largement connu que les registres d’émissions de gaz à effet de serre tenus par les nations sont fondés sur le lieu d’émission, et que cette manière de comptabiliser les émissions néglige les émissions « importées [17] » et le phénomène de « fuites de carbone [18] ». Les pays européens qui présentent des résultats encourageants en termes d’émissions nationales de CO2 doivent ces résultats en grande partie au déplacement des émissions vers des pays en développement ou émergents. Giovanni Baiocchi et Jan Minx (2010) montrent que la spécialisation de l’économie britannique dans les services depuis le début des années 1990 a été associée à une croissance importante du CO2 « importé » à travers des produits manufacturés produits hors du territoire. Des travaux similaires sur la France font également état d’une hausse du CO2 importé parallèlement à une diminution des émissions sur le territoire (Pasquier, 2012).

Encadré : Consommations de matières et découplage

Un constat similaire peut être fait à propos des consommations de matières. Si celles-ci paraissent stagner ou régresser dans certains pays industrialisés (on parle d’un « découplage » par rapport à la croissance du PIB), examiner l’empreinte de ces consommations (donc en incluant les impacts à l’étranger liés aux produits importés) conduit à tempérer l’optimisme (Dittrich et al., 2012). Les inégalités internationales de consommations de ressources paraissent donc plus marquées si l’on se penche sur un indicateur comme l’empreinte matérielle que si l’on opte pour l’optique des activités des entités résidentes.

48Les points de vue de la production et de la consommation sont complémentaires, et l’analyse des inégalités écologiques gagne à être abordée selon ce double point de vue. C’est ce que l’on considère comme l’objectif le plus important et urgent qui détermine de quel côté l’on choisit de faire pencher la balance : agir sur l’offre ou sur la demande ? Sur la technologie ou sur les comportements ?

49Les pressions environnementales sont inégalement distribuées dans la société, que ce soit du point de vue de leur origine ou de leurs impacts. Les travaux établissant des corrélations entre variables environnementales et variables sociodémographiques apportent des informations intéressantes qui dans, une large mesure, complètent les travaux de l’économie de l’environnement et des ressources naturelles et permettent la conception de politiques environnementales mieux informées (Büchs et al., 2014).

Intégrer la justice environnementale et écologique à l’agenda de l’économie ?

50Comme nous venons de le voir, l’économie écologique contribue au programme de recherche sur la justice environnementale et écologique en quantifiant les impacts écologiques des activités humaines à différentes échelles et pour différentes catégories de population. Nous présentons désormais quelques prolongements de ces analyses qui nous paraissent particulièrement pertinents.

Affiner le calcul d’empreintes écologiques à l’aide du big data ?

51Un défi de taille que peut relever l’économie est d’approfondir l’étude des relations entre type et localisation des activités économiques et type et localisation des impacts environnementaux (et donc potentiellement des inégalités environnementales). Le calcul d’empreintes écologiques prend déjà la voie du « big data ».

52Klaus Hubacek et al. (2014) proposent le concept de « téléconnexion » pour désigner les liaisons spatiales entre consommation locale et impacts environnementaux éloignés. Le propos consiste à encourager les travaux ayant recours au big data pour spécifier les types de consommation en se basant sur la géodémographie pour ensuite les relier à leurs impacts. Cette approche permettrait de procéder à une analyse environnementale à une échelle spatiale fine. Il s’agirait de poursuivre le raffinement des modèles input-output multirégionaux mondiaux à des échelles imbriquées. Il faudrait également passer d’une comptabilité environnementale à une comptabilité des impacts environnementaux : l’information « Quelles ressources sont nécessaires à tel type de consommation ? » n’est pas suffisante, il faut poser la question complémentaire : « Quels impacts environnementaux effectifs tel type de consommation entraîne-t-il, et à quel endroit ? ». Il devient alors nécessaire de pondérer les ponctions en ressources par leurs impacts écologiques, ce qui commence à être fait dans le domaine de l’eau notamment (Pfister et al., 2009 ; Feng et al., 2014). L’idée est qu’identifier les lieux où les impacts prennent leur source permet de réduire, en termes virtuels, la distance du producteur au consommateur et peut, en plus, aider à la prise de décision à un niveau beaucoup plus détaillé, en retraçant les conséquences sur l’environnement à l’échelle mondiale et en assignant des responsabilités.

Inégalités écologiques et système-monde

53Une autre voie, potentiellement complémentaire et plus critique dans sa démarche, s’emploie à mettre au jour les inégalités écologiques systémiques liées à la configuration contemporaine du système-monde [19].

54S’appuyant en partie sur la mise à jour des téléconnexions présentées plus haut, ces travaux visent une théorisation relevant de l’économie et de l’écologie politiques. Alf Hornborg (1998, 2014) œuvre à une théorie de l’échange écologique inégal. Daniel D. Moran et al. (2013) se proposent de décomposer analytiquement l’hypothèse d’échange écologique inégal et de la tester à l’aide de calculs d’empreintes écologiques diverses. Ils confirment une disproportion des échanges biophysiques par rapport aux échanges monétaires ainsi que la plus grande intensité écologique des exportations des pays en développement. En revanche, les pays riches sont, en valeur absolue, des exportateurs nets de ressources naturelles. D’où une validation seulement partielle de l’hypothèse. Dans cette lignée des analyses de l’échange écologique inégal, Duro et Teixidó (2014) tentent de fournir un soubassement empirique à la théorie du système-monde et de la relation centre-périphérie à l’aide de calculs de polarisation de l’empreinte écologique des nations. Ils interprètent leur mesure de polarisation comme une indication de potentiel conflictuel. Crelis Rammelt et Jan Boes (2013) proposent un cadre théorique (le « Capital Dual ») articulant une distinction centre-périphérie avec une approche en termes de stocks de capitaux (l’économie est représentée comme un ensemble d’actifs fournissant des services de consommation ou de production et soumis à la dépréciation et donc exigeant un entretien) afin d’analyser les questions d’inégalités socio-écologiques dans le cadre de l’économie écologique. La propriété des stocks, les droits d’usufruit des services ou bénéfices issus de ces stocks, et le contrôle sur l’entretien des stocks définissent une structure d’inégalité à l’intérieur d’une société ou entre nations.

55D’autres travaux plus empiriques et portant sur les conflits environnementaux visent aussi à établir les interdépendances écologiques au niveau planétaire. À travers une hybridation des travaux de l’économie écologique avec ceux de l’écologie politique, les chercheurs proches de l’économiste catalan Joan Martínez Alier documentent et cartographient les conflits environnementaux et tentent de les relier aux consommations matérielles qui en découlent [20]. Cette manière de faire de l’économie écologique « à partir de la base » est attentive à la pluralité des valeurs et discours des populations impactées et des parties prenantes des conflits socio-environnementaux.

Pour une économie politique de l’environnement qui prenne au sérieux l’enjeu de la justice

56Terminons avec les travaux plus microéconomiques ressortissant de l’économie politique de l’environnement.

57Des travaux « hybrides » à la lisière des recherches sur la justice environnementale voient aujourd’hui le jour : Micheal Ash et James Boyce (2008), par exemple, appliquent la grille de lecture de la JE à la responsabilité sociale des entreprises. Les auteurs essaient de combler le fossé entre les études destinées au côté production des entreprises et celles relevant de la JE qui se concentrent sur les « récepteurs ». Ils parviennent ainsi à relier dans une même analyse exposition et source. Boyce et Pastor (2013) proposent quant à eux une économie politique du climat qui montre l’intérêt d’incorporer la justice environnementale dans les politiques climatiques. Ils montrent que les cobénéfices (réduction de la pollution de l’air) de politiques climatiques radicales sont aussi importants que les bénéfices (estimés) de réductions de gaz à effet de serre, et plus grands pour les communautés désavantagées. Ils confirment en cela les résultats de Nicolas Z. Muller et al. (2011) sur les coûts des pollutions de l’air au États-Unis.

58Il s’agit donc, en poursuivant ce type de démarche, de discuter des politiques environnementales en mettant au cœur la dimension sociale. De tels travaux s’éloignent parfois de la doxa en économie de l’environnement selon laquelle le même prix doit être appliqué à toute émission de CO2. L’approche prône une prise en compte des cobénéfices locaux des réductions d’émissions. À travers cette réintégration du social dans l’environnemental, l’objectif est d’assurer une plus grande acceptabilité des mesures de lutte contre le changement climatique. Si l’on en croit les travaux évoqués supra, il semblerait que dans le cas nord-américain efficacité et justice puissent aller de pair dans la politique climatique, à condition d’identifier les points sources qui entraînent les coûts sociaux les plus élevés.

Conclusion

59Les dimensions de justice des problématiques environnementales sont de plus en plus connues et reconnues, y compris par les économistes du courant standard. Il va désormais de soi que la question distributive doit être prise au sérieux par l’économie. Toutefois, la prise en compte de ces questions dans l’analyse est encore insuffisante, et ce pour plusieurs raisons. Si l’on peut craindre que l’intégration de considérations d’équité entame la scientificité et la robustesse de l’analyse, il s’agit en fait d’une nécessité de cohérence interne. Par ailleurs, réviser les modèles traditionnels de l’analyse économique conduit potentiellement à rajouter des couches de complexité, d’autant que les échelles pertinentes sont multiples. Mais l’étude « dans le monde réel » des politiques environnementales, de leurs conditions de possibilité et de leurs impacts est à ce prix.

60L’approche de l’économie écologique a l’avantage de nous ramener à l’économie « réelle-réelle », c’est-à-dire aux échanges matériels entre acteurs économiques et entre nations. On a vu que les inégalités sociales de cette nature sont importantes, qu’elles peuvent servir à comprendre les impacts différenciés des politiques environnementales, et qu’elles sont susceptibles de justifier et informer des mesures spécifiques de nivellement des consommations de ressources entre individus et/ou territoires. Révéler les inégalités écologiques indirectes, relatives à des consommations de ressources « commandées » mais pas forcément locales, est important dans la mesure où ce type d’impact s’accroît fortement. De telles analyses posent la question des conditions d’une convergence matérielle globale. La mise en évidence des « téléconnexions » ou la cartographie des « points chauds » en matière d’extractions de ressources et de conflits environnementaux peut contribuer à déchirer le voile d’ignorance de notre interdépendance écologique globale.

61L’introduction de la justice environnementale dans le champ de l’économie pourrait aussi avoir la vertu de ramener à une conception plus située géographiquement de l’économie. L’analyse des injustices environnementales, nous l’avons vu, a souvent recours à l’analyse spatiale et aux cartes. Il est difficile de méconnaître que les problématiques écologiques ont, pour la plupart, une dimension spatiale, c’est pourquoi une égalité planétaire stricte en termes de ressources ne saurait être un horizon normatif désirable.

62Enfin, la globalisation et la généralisation de l’idée de la justice environnementale et des pratiques associées peuvent être un puissant levier de soutenabilité, en plus d’être un objectif éthique en soi, et l’on peut souhaiter que l’économie y participe.

Notes

  • [1]
    L’économie écologique est un courant de l’économie qui s’est constitué à la fin des années 1980 avec pour ambition affichée d’être une science de la soutenabilité (voir Merino-Saum et Roman, 2012). Elle s’intéresse principalement aux relations entre les systèmes sociaux et écologiques, et étudie les conditions de leur compatibilité. L’accent est mis sur les équilibres de la biosphère et l’approche s’efforce d’être systémique (Vivien, 1994 ; 2005). En ce sens l’économie écologique se distingue de l’économie de l’environnement et des ressources naturelles. Cette dernière applique essentiellement les outils de l’analyse néoclassique aux pollutions et aux extractions de ressources. Elle considère les pollutions comme des problèmes d’externalités (phénomènes se produisant à l’extérieur du marché) et l’utilisation des ressources (renouvelables ou non) comme un problème d’optimisation de la croissance sous contraintes. Elle tend à négliger les effets de système, les seuils critiques de pollution ou d’extraction, l’incertitude et la complexité. La frontière entre ces courants est toutefois poreuse. Certains auteurs se revendiquant de l’économie écologique utilisent les outils « standards », et il arrive que des économistes de l’environnement ouvrant leur cadre d’analyse publient leurs travaux dans la revue Ecological Economics.
  • [2]
    Nous empruntons cette distinction à la géographe Cyria Emelianoff (Emelianoff, 2007). La terminologie n’est toutefois pas stabilisée. Certains emploient les termes « distribution écologique » ou « inégalités écologiques » pour désigner à la fois les dimensions de contribution et d’exposition aux pressions environnementales (Bouvier, 2014 ; Martínez Alier, 2014), d’autres utilisent le vocable « inégalités environnementales ». Il est important de noter que la distinction entre « inégalités environnementales » et « inégalités écologiques », qui renvoie à des objets d’analyse différents, ne recouvre pas la distinction entre « économie de l’environnement » et « économie écologique », qui concerne des champs disciplinaires caractérisés par des présupposés ontologiques, épistémologiques et méthodologiques hétérogènes.
  • [3]
    Nous ne distinguons pas ici le terme « justice » de celui d’« équité » car nous n’entrons pas en profondeur dans les débats normatifs sur les critères de justice.
  • [4]
    L’économie contemporaine est multiforme, y compris son courant dominant habituellement appelé « économie néoclassique ». Tandis que l’approche néoclassique, reposant sur une axiomatique exigeante et peu réaliste des comportements individuels, est remise en question et dépassée de toutes parts, on peut continuer à parler d’économie « standard » (« mainstream » en anglais) pour désigner un ensemble de travaux recourant principalement à la méthode hypothético-déductive et faisant un usage abondant de la formalisation mathématique.
  • [5]
    Il ne s’agit pas de nier l’existence d’une économie des inégalités, de théories du choix social, ou d’une économie publique ou du bien-être. Simplement, il nous semble que leur omission (partielle, puisque l’économie de l’environnement dont il est question plus loin s’inscrit dans l’économie du bien-être) n’est pas ici de nature à modifier le propos.
  • [6]
    Exception faite, certainement, de l’économie des « communs » (common pool resources), dont la figure de proue est Elinor Ostrom.
  • [7]
    Je n’aborderai pas ici les travaux et les débats autour du caractère plus ou moins (anti-)redistributif des différents outils économiques de la politique environnementale (taxe carbone, quotas d’émissions, etc.). Une vaste littérature existe à ce sujet (voir Serret et Johnstone, 2006).
  • [8]
    L’économiste Ronald Coase a proposé de voir les problèmes d’externalité comme symétriques (Coase, 1960), s’opposant ainsi à la tradition pigouvienne de taxation des pollutions. Selon lui, l’objectif est de minimiser le dommage infligé à celui qui pollue (dans le cas où il devrait cesser de polluer) et le pollué. Si les coûts de transaction sont nuls ou faibles, la meilleure manière de résoudre le problème est la négociation directe entre pollueur et pollué. Cette négociation peut aboutir à une solution dans laquelle c’est le pollué qui dédommage le pollueur, d’où la non-universalité du principe pollueur-payeur en économie de l’environnement.
  • [9]
    Notons qu’il existe des méthodes d’ajustement de ces résultats au niveau de revenu ainsi qu’aux inégalités de revenus. Elles ne sont toutefois pas appliquées de manière systématique.
  • [10]
    Voir Hausman et McPherson (2008) pour une discussion approfondie.
  • [11]
    Cet économiste nord-américain très réputé est l’un des pionniers de l’économie du climat. Il est connu pour les conclusions « rassurantes » tirées de ses analyses des coûts engendrés par le changement climatique. L’économiste britannique Nicholas Stern lui est souvent opposé dans la mesure où les travaux de ce dernier, autre figure marquante de l’économie du climat, militent pour des politiques climatiques très vigoureuses.
  • [12]
    Ce point de vue est partagé par de nombreux économistes de l’environnement et des ressources naturelles. Voir Heal et Kriström (2007).
  • [13]
    Une matrice input-output est une représentation de l’économie qui relie entre elles les demandes en termes de biens et services des différents secteurs et acteurs d’une économie. Elle permet, par exemple, de suivre des flux de matières ou d’énergie entre secteurs et éventuellement entre régions ou pays.
  • [14]
    Baumgärtner et al., 2012 ; Glotzbach et Baumgärtner, 2012 ; Sievers-Glotzbach, 2013.
  • [15]
    Cette discussion au Royaume-Uni est liée aux débats autour de l’opportunité d’introduire des permis d’émissions individuels.
  • [16]
    Par « effet rebond » on entend le surcroît de consommation et de pollution susceptible de limiter les économies d’énergie ou de ressources permises par des gains d’efficacité, en raison d’effets comportementaux et de l’effet-revenu.
  • [17]
    Les émissions générées par la production des biens importés.
  • [18]
    C’est ainsi que l’on désigne les activités économiques fortement émettrices de gaz carbonique qui se déplacent vers des pays aux législations moins contraignantes.
  • [19]
    Ces travaux « verdissent » un programme de recherche s’inspirant des travaux de Fernand Braudel et Immanuel Wallerstein notamment, ainsi que des théories de la dépendance (Raúl Prebisch, Celso Furtado, Samir Amin, Arrighi Emmanuel …).
  • [20]
    Voir les travaux menés dans le cadre du projet EJOLT (http://ejolt.org/).
Français

Bien que l’allocation et la distribution des ressources rares soient les objets traditionnels de l’analyse économique, ressources naturelles et environnement ont longtemps été négligés en raison de leur nature souvent non marchande. En outre, l’horizon normatif de l’économie étant généralement l’efficacité, la question de la répartition des ressources naturelles et de la qualité environnementale peine encore à trouver sa place. L’économie de l’environnement et des ressources naturelles, qui s’intéresse aux problèmes de pollution et à l’exploitation optimale des ressources, raisonne dans un cadre qui permet difficilement de penser les inégalités d’environnement pour elles-mêmes. Mais les enjeux de justice font trop souvent irruption dans les débats environnementaux pour n’être pas traités, et les économistes en sont de plus en plus conscients. De son côté, le courant de l’économie écologique porte un intérêt particulier à la justice sociale dans le cadre de limites écologiques du développement. De nombreux travaux en relevant interrogent les disparités socio-économiques dans la relation à l’environnement. La question de la justice environnementale et des conflits socio-environnementaux y a d’ailleurs une place importante. Nous proposons dans cet article un tour d’horizon critique et non exhaustif des apports de l’économie à l’étude des inégalités sociales d’environnement.

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Philippe Roman
Doctorant en économie à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) au sein du laboratoire REEDS (Recherches en économie écologique, éco-innovation et ingénierie du développement soutenable), et ATER en économie à l’université de Poitiers.
Mis en ligne sur Cairn.info le 24/04/2015
https://doi.org/10.3917/rfas.151.0099
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