CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« L’éthique de l’abondance frugale n’est pas une éthique de la légitimation de la privation, mais un appel à une sagesse économique ainsi qu’à une nouvelle solidarité, inter et intragénérationnelle [1]. »

Introduction

1Ce numéro de la Revue française des affaires sociales (RFAS), consacré à la problématique des enjeux environnementaux et de la protection sociale, marque une étape importante pour la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), qui investit ainsi un nouveau thème de réflexion et de travail et engage une démarche appelée à se poursuivre.

2Les acteurs du social ont longtemps cru (et peut-être certains d’entre eux le croient-ils encore) que le social n’était pas concerné par l’environnement parce que l’objectif prioritaire des politiques publiques était la croissance économique, perçue comme à la fois possible et souhaitable. On considérait alors que la protection sociale permettait à la fois de favoriser la croissance et d’en redistribuer les fruits.

3Mais le contexte change – et il change rapidement. D’une part, l’idée que la croissance n’est pas acquise à long terme fait son chemin : sous l’influence des écologistes, bien sûr, mais aussi de la crise économique et de l’exemple, souvent cité, de la situation japonaise depuis les années 1990. D’autre part, les liens entre croissance et bien-être, et entre croissance et réduction des inégalités sont remis en cause [2]. Enfin, les conséquences de la dégradation de l’environnement sur les conditions de vie et la santé sont de plus en plus largement étudiées, publiées et discutées.

4Ce nouveau contexte représente un terreau pour ceux qui placent le sanitaire et le social au cœur de leurs préoccupations et de leur action. Sur ce terreau sont appelés à croître de nouveaux travaux, de nouvelles pensées. On trace ici quelques-unes des dimensions qu’ils pourraient explorer :

  • les indicateurs de prospérité durable ;
  • l’environnement et la santé ;
  • la mesure du bien-être ;
  • la mesure des inégalités, intra et intergénérationnelles ;
  • le financement de la protection sociale.

5On indiquera ci-dessous, de manière succincte et partielle, de quelle façon ces thématiques sont susceptibles d’interagir avec une pensée sociale et une pensée du social.

Les indicateurs de prospérité durable

6La réflexion sur les indicateurs de mesure du développement et de la prospérité, alternatifs au produit intérieur brut (PIB), n’est pas neuve (voir par exemple la création de l’indice de développement humain du programme des Nations unies pour le développement dans les années 1990). Elle a néanmoins pris un essor vigoureux à partir des années 2000, tant au sein d’institutions internationales (Commission européenne, OCDE), que dans la littérature (voir notamment Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice [3]), puis, à la suite du rapport en 2009 de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social [4] (dite commission Stiglitz), à l’INSEE et au ministère de l’Écologie [5], au Conseil national de l’information statistique, ou à France Stratégie [6]

7Le débat s’étend, le nombre de convaincus s’accroît : le PIB ne peut plus être le seul indicateur du développement et de la prospérité. Sans les développer, on rappelle ici les principaux arguments invoqués :

  • le PIB ne prend en compte que l’activité mesurable en termes monétaires et passe sous silence une grande partie des activités bénévoles et familiales ;
  • il mesure toutes les activités, qu’elles concourent ou non à l’accroissement du bien-être ;
  • il ne prend pas en compte les externalités négatives des activités de production et d’échange ;
  • il est une mesure de flux et non de stock : il ne prend donc pas en compte les variations de stock de capital naturel ni d’autres stocks comme la quantité de savoir ou la dette ;
  • il ne tient pas compte de la répartition de la richesse créée.

8Les travaux récents autour des indicateurs, s’ils explorent diverses voies méthodologiques, présentent pour point commun d’intégrer généralement à la réflexion la dimension environnementale, celle du bien-être et celle des inégalités. Ces trois dimensions indiquent en effet les limites du PIB comme indicateur unique de pilotage du développement : il ne dit rien de la redistribution des richesses produites ; il ne dit rien du niveau de bien-être ressenti par la société et il ne dit rien de l’épuisement des ressources naturelles et de la dégradation de l’environnement. Dès lors qu’il n’en dit rien, ces dimensions passent au second plan des politiques publiques : il y a un objectif prioritaire (la croissance) et, secondairement, des mesures à prendre pour s’assurer de ce que cette croissance profite à tous et qu’elle soit durable.

9Tous les travaux menés sur des indicateurs alternatifs montrent ainsi que la dimension sociale, tant à travers la mesure du bien-être qu’à travers la dimension des inégalités, est une dimension qui doit être prise en compte, à côté ou, mieux, « à l’intérieur », de la dimension économique et de la dimension environnementale.

L’environnement et la santé

10Certains articles de ce numéro de la RFAS le rappellent, les débats sur la justice environnementale sont largement nés d’une appréhension de l’impact de l’environnement sur la santé de populations urbaines défavorisées. Le dernier ouvrage de Joan Martínez Alier [7] cite également des exemples historiques de luttes environnementales portées par des populations rurales, paysannes ou ouvrières.

11Les liens entre l’environnement et de nombreuses pathologies comme le cancer, les maladies respiratoires et cardio-vasculaires, les maladies neurodégénératives, sont complexes et multifactoriels. Cette complexité rend nécessaire le développement d’outils scientifiques de mesure et d’analyse (bases de données, suivi de cohortes, analyses conjointes en épidémiologie et toxicologie, big data …), mouvement déjà engagé [8] et qui doit s’amplifier. Elle rend également nécessaire le recours à des lieux de débat démocratique, sur la base de travaux scientifiques, pour une mise en œuvre raisonnée du principe de précaution. On peut constater avec un certain optimisme que le rôle de l’environnement dans la qualité de vie quotidienne, et particulièrement dans la morbidité et la mortalité des personnes âgées [9] et des enfants en bas âge, émerge de plus en plus fortement dans le paysage médiatique et remonte progressivement parmi les toutes premières priorités de l’agenda politique, en Europe comme dans certains pays émergents (en Chine notamment).

12En effet, si les impacts possibles du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources naturelles sont dramatiques à long terme, ils restent pour beaucoup de citoyens européens des constructions théoriques [10], alors même que les liens entre environnement et santé, hic et nunc, peuvent être illustrés par des cas concrets : la prise de conscience collective des enjeux environnementaux est plus facile en considérant un nourrisson qui tousse aujourd’hui qu’en projetant les conséquences prévisibles du réchauffement décrites par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) [11].

La mesure du bien-être

13Qu’est-ce que le bien-être ? Comment le mesurer ? Question trop vaste pour être discutée sérieusement ici. Pour autant, on voudrait surtout souligner combien le bien-être a trop souvent été appréhendé par le prisme de la richesse monétaire (le PIB par tête), alors même que de nombreux travaux montrent qu’au-delà d’un certain niveau de PIB par tête, le bien-être subjectif ne s’accroît plus.

14Il est vrai que ces travaux font l’objet de débats. Claudia Senik, dans un ouvrage récent [12], avance que la structure psychique des êtres humains et leur goût pour la progression impliquent que la croissance, « en tant que processus davantage qu’en tant que résultat, est un ingrédient essentiel au bonheur des individus ». Mais ressort bien ici l’idée que le besoin de progression et l’anticipation de l’avenir s’incarnent dans le revenu et la consommation, ce qui pose problème dans un monde limité [13].

15Les philosophes et sociologues sont alors d’un grand secours pour rappeler que la possession matérielle seule, au-delà du point où les besoins élémentaires sont couverts, ne peut répondre aux besoins sociaux, culturels et spirituels des êtres humains.

16Tim Jackson [14], se référant à Amartya Sen [15], distingue trois concepts possibles pour la prospérité, pour écarter les deux premiers : la prospérité comme opulence (c’est-à-dire comme satisfaction matérielle) ; la prospérité comme utilité (la satisfaction fournie par les biens matériels, que la théorie économique standard identifie au prix sur le marché libre) ; la prospérité en tant que « capabilités » d’épanouissement à l’intérieur de certaines limites (l’échelle de la population mondiale et le caractère fini des ressources écologiques).

17Ces capabilités d’épanouissement supposent une société dans laquelle tous ont accès à des droits élémentaires, qui ne peuvent être déterminés que par le débat démocratique, mais dont on sent bien qu’ils ont un socle intangible : la santé physique et mentale, l’espérance de vie, la participation à la vie sociale.

18Certains notent ainsi que l’une des limites de la mise en œuvre des 35 heures en France vient du fait que l’on a considéré cette réforme comme une réforme du marché de l’emploi, alors qu’il aurait fallu la considérer également comme une réforme de l’organisation des temps sociaux et familiaux.

19Qu’est-ce qu’une vie bonne ? Quelles sont les politiques publiques qui peuvent favoriser une société plus solidaire, plus égalitaire, plus soutenable ? Le travail conceptuel, déjà engagé, doit se poursuivre autour du bien-être (concept plutôt individuel) et de la santé sociale (concept collectif), en articulation très proche avec les questions écologiques et sociales, autour du « consommer mieux », du « consommer moins », de la transition énergétique, de l’articulation du temps de travail et des autres temps sociaux, du partage des gains de productivité.

La mesure des inégalités, intra et intergénérationnelles

20Ce numéro de la RFAS met largement l’accent sur les questions de justice environnementale, et donc de lien entre environnement et inégalités, intra comme intergénérationnelles.

21La dimension intragénérationnelle est communément étudiée dans les pays développés en ayant recours à des comparaisons de niveau de vie et de taux de pauvreté [16] : on mesure ces deux indicateurs chaque année pour en suivre l’évolution de manière agrégée et on les calcule pour différentes configurations familiales, différentes tranches d’âge, différentes unités géographiques. Les statisticiens enrichissent ces indicateurs monétaires par des indicateurs plus qualitatifs, reposant sur la notion de « pauvreté en conditions de vie », qui mesure l’existence de privations matérielles sévères dans la vie quotidienne. L’Union européenne s’est fixée en 2010 des objectifs de réduction de la pauvreté au sens large (pauvreté monétaire relative, privations matérielles sévères, ainsi qu’un troisième indicateur, la très faible intensité du travail au sein du ménage), l’objectif étant de réduire de 20 millions le nombre de personnes pauvres à l’horizon 2020. On sait déjà que cet objectif ne sera probablement pas atteint. On peut regretter qu’il soit seulement indicatif et non contraignant pour les États-membres : là où le non-respect des critères du traité de Maastricht (un déficit public annuel de 3 % du PIB maximum notamment) tourne en boucle dans la presse économique et fait la Une des journaux télévisés, les objectifs de réduction de la pauvreté restent cantonnés à quelques cercles de spécialistes.

22Mais au-delà de ce constat teinté d’amertume, on peut interroger le concept de pauvreté tel qu’il est défini et mesuré par la statistique européenne. L’indicateur monétaire, en effet, est l’exact reflet de la mesure de la croissance par le PIB. La pauvreté en conditions de vie est un indicateur peut-être plus représentatif de ce que vivent les populations les plus modestes, même s’il reste en partie conventionnel ; mais il découle néanmoins d’une représentation de la vie bonne comme d’une vie où l’on a accès à une quantité suffisante de biens matériels. De nombreux travaux de sociologie ont certes montré que la consommation matérielle est en elle-même un facteur d’accomplissement de soi et de lien social. Mais on pourrait émettre le souhait d’enrichir l’analyse de la pauvreté par d’autres types d’indicateurs reflétant la participation à la vie sociale. Ce constat appelle l’expérimentation de nouvelles démarches méthodologiques [17], associant statisticiens, experts et citoyens, permettant de mesurer et d’évaluer l’activité relationnelle [18].

23Quant à la dimension intergénérationnelle, elle a fait l’objet de nombreux travaux depuis la fin du xxe siècle. Elle est le plus souvent appréhendée sur le plan économique par un calcul monétaire actuariel. On se reportera notamment aux travaux de Laurence Kotlikoff [19], qui effectuent un bilan actualisé des versements effectués et des prestations reçues, par chaque génération, au titre du ou des systèmes de transferts analysés. Malgré des limites méthodologiques importantes, ces analyses reflètent un cadre de pensée propre à notre époque et constituent avant tout un outil technique au service d’un objectif politique visant à réduire les dépenses sociales (qui transféreraient un fardeau insupportable aux générations suivantes).

24Le concept de justice intergénérationnelle est également très présent dans le champ social, notamment dans le champ des retraites. De nombreux travaux ont été publiés en France, explorant différents concepts d’équité intergénérationnelle en matière de retraite, variant les points de vue sur le caractère « favorisé » ou « défavorisé » des générations successives (voir notamment ceux de Didier Blanchet [20], qui montrent que « l’identification de générations “favorisées” s’avère sensible aux critères de bien-être retenus »). Certaines études reposent traditionnellement sur des calculs de transferts monétaires – niveaux de prélèvements et de retraite, calculant combien paie chaque génération et combien elle perçoit, mais d’autres explorent d’autres types d’indicateurs.

25En parallèle du développement de travaux théoriques, les acteurs du système de retraite ont également pris en compte les questions d’équité intergénérationnelle dans le pilotage du système ; d’une part, en mettant en avant l’objectif de la soutenabilité à long terme des régimes de retraite (indicateur monétaire) ; d’autre part, et de manière peut-être plus novatrice, en introduisant, lors de la réforme des retraites de 2003, un objectif de partage des gains d’espérance de vie entre l’activité et la retraite (critère d’équité non monétaire).

26L’introduction de l’environnement dans ces schémas intervient comme un chien dans un jeu de quilles, ou comme un militant écologiste dans une centrale nucléaire : deux mondes aux raisonnements distincts doivent apprendre à dialoguer.

27On peut d’une part interroger la légitimité d’une démarche consistant à engager des études sur l’équité entre générations sur un périmètre partiel, fût-ce celui des retraites, comme si chaque périmètre partiel était indépendant des autres.

28D’autre part, évaluer l’équité intergénérationnelle par le prisme d’un calcul actuariel de transferts monétaires, même si l’on y ajoute une mesure des transferts de capital naturel, pose une difficulté méthodologique difficilement surmontable, soulignée par les tenants du concept dit de « soutenabilité forte ». En effet, faire l’hypothèse d’une substituabilité du capital naturel par le capital productif (ce qui renvoie au concept de soutenabilité faible), en calculant des transferts intergénérationnels agrégés, revient à faire l’hypothèse qu’une génération qui laisserait à la suivante un environnement dégradé, des ressources naturelles diminuées, pourrait compenser cette perte en transférant une quantité plus élevée de capital physique et humain. Ces hypothèses ont été largement critiquées au motif, d’une part, qu’elles font l’impasse sur les seuils d’irréversibilité de la nature (on peut compenser pendant un temps la baisse des réserves d’eau douce par une amélioration de l’utilisation de cette eau en agriculture et par une hausse des rendements ; mais le jour où il n’y aura plus d’eau, il n’y aura plus d’agriculture non plus) ; et au motif, d’autre part, que certaines pertes de capital naturel ne sont pas commensurables : « la théorie de la valeur intrinsèque permet d’échapper à l’utilitarisme économique et aux analyses en termes de coûts et de bénéfices dans lesquelles la valeur naturelle des expériences esthétiques, religieuses ou épistémiques, parce qu’elles ne possèdent aucun prix, ne représente rien au regard des bénéfices économiques matériels considérables que procurent le développement et l’exploitation [21] ». La disparition de milliers d’espèces végétales et animales peut être transparente du point de vue monétaire (voire même favorable si cette disparition alimente des circuits de production et de consommation), alors qu’elle représente une perte irrémédiable sur le plan de l’expérience sensible pour les générations futures. Est-on certain qu’il est plus important, pour un enfant d’aujourd’hui, de savoir qu’il recevra en éducation et sous forme de prestations sociales tel montant actualisé (montant de toute façon tellement sensible au taux d’actualisation retenu que sa signification est extraordinairement limitée) plutôt que de savoir que ses propres enfants ne verront peut-être jamais de tigres du Bengale ou de gorilles ?

29L’équité intergénérationnelle est donc un concept complexe, multifactoriel et multidimensionnel, que la seule expertise technique ne peut trancher, et qui relève du débat collectif démocratique. Ceci signifie-t-il que la mesure monétaire de l’équité intergénérationnelle sur le seul champ des retraites (ou de la santé) est impossible et donc que tout débat est inutile ? Nous pensons que ce n’est pas ici le lieu de le fermer …

Le financement de la protection sociale

30La protection sociale, sous la forme qu’elle a prise dans les pays développés après la Deuxième Guerre mondiale, a bien fonctionné tant qu’elle consistait surtout à partager des revenus en croissance. Un modèle économique de long terme qui ne reposerait plus essentiellement sur la croissance du PIB questionne donc radicalement notre modèle de protection sociale.

31En outre, si, comme de nombreux économistes de l’environnement le prônent, l’une des voies pour lutter contre le réchauffement climatique consiste à transférer progressivement la fiscalité pesant sur le travail vers une fiscalité pesant sur les émissions de carbone, les émissions polluantes, l’utilisation des ressources naturelles et la production de déchets, le financement de la protection sociale, actuellement largement assis sur le travail, s’en trouvera bouleversé. Et, au-delà du financement, c’est peut-être son mode de fonctionnement qui pourra se trouver fragilisé : ses racines « bismarkiennes », qui plongent à l’origine dans un financement et une administration paritaires des régimes de protection sociale, ont certes résisté à bien des évolutions depuis cinquante ans (chômage de masse, déficits sociaux, multiplication des nouvelles sources de financement et en particulier de la CSG …), mais la cotisation sociale prélevée sur le salaire demeure le socle du système.

32Les acteurs de la protection sociale (administrations, partenaires sociaux, associations, chercheurs …) devront donc s’emparer de ces questions et définir, ensemble, les évolutions nécessaires de notre modèle social, non pour le réduire (ce n’est pas la question), mais pour le transformer et l’adapter.

33Une première étape peut consister à mieux relier les paramètres de notre système social à la croissance : c’est une voie ouverte par le rapport de la commission pour l’avenir des retraites [22]. Si elle peut s’avérer féconde, cette option reste en deçà de ce qui sera nécessaire à long terme : refonder l’ensemble de notre modèle, s’extraire du tout monétaire, lutter contre les inégalités sociales et territoriales, valoriser les temps sociaux et familiaux et renforcer l’inclusion sociale.

34Là où la sanctification de la croissance matérielle a progressivement fait oublier à l’homme ce qu’il doit à la nature, ce qu’il doit aux autres et ce qu’il se doit à lui-même, au profit de ce qu’il doit aux objets, la question environnementale nous oblige à une révolution sur nous-mêmes. Cette révolution ne réussira que si elle profite à tous ; elle devra s’appuyer sur des concepts, des institutions et des pratiques renouvelées en profondeur. Les acteurs du social pourraient – devraient – être en première ligne dans ce renouvellement. Les lieux de réflexion et de débat existent pour cela (le Conseil économique, social et environnemental, France Stratégie) ; le ministère chargé de la Santé et des Affaires sociales a également, sans aucun doute, un rôle à jouer.

35Pour ce qui la concerne, la DREES prolongera le travail engagé dans ce numéro de la RFAS avec la création et l’animation de séminaires de recherche sur certains des thèmes évoqués dans ce point de vue.

Notes

  • [1]
    Foucauld (de) J.-B., L’Abondance frugale – pour une nouvelle solidarité, Paris, Odile Jacob, 2010.
  • [2]
    Voir par exemple OCDE, Toujours plus d’inégalités, pourquoi les écarts de revenus se creusent, 2012, qui montre que les inégalités s’accroissent depuis trois décennies dans les pays de l’OCDE, d’une part sous l’effet de la concentration de la richesse au bénéfice des 1 % les plus riches, d’autre part du fait d’une moindre évolution des prestations sociales par rapport aux salaires.
  • [3]
    Gadrey J. et Jany-Catrice F. (2012), Les nouveaux indicateurs de richesse, Paris, La Découverte.
  • [4]
    http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/documents/rapport_francais.pdf
  • [5]
    Voir par exemple le rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de développement durable 2010-2013 : http://www.insee.fr/fr/ffc/dossiers/dev-durable/pdf/strategie-nationale-developpement-durable-2010-2013-3.pdf
  • [6]
    Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
  • [7]
    Martínez Alier J. (2014), L’écologisme des pauvres, Paris, Les petits matins. Voir par exemple p. 154 l’histoire du conflit sanglant en 1888 lié au soufre relâché dans l’atmosphère par la mine de cuivre de la compagnie britannique Rio Tinto, à Huelva en Andalousie.
  • [8]
    Pour une vision actualisée des enjeux et objectifs des études scientifiques et de l’action politique en santé environnementale, voir Marano F., Barouki R. et Zmirou D. (2015), Toxique ? – Santé et environnement : de l’alerte à la décision, Buchet/Chastel.
  • [9]
    Pour une étude récente, voir Corso M. et al. (2015), « Impact à court-terme des particules en suspension sur la mortalité dans 17 villes françaises, 2007-2010 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 1-2, InVS, 6 janvier.
  • [10]
    Ce n’est évidemment pas le cas dans des situations très concrètes de désertification, d’épuisement de ressources en eau, etc., qui frappent en priorité les populations des pays en développement.
  • [11]
    Qu’on ne se méprenne pas : les travaux du GIEC sont nécessaires !
  • [12]
    Senik C. (2014), L’économie du bonheur, Paris, Seuil.
  • [13]
    Les modèles économiques standards reposent sur l’hypothèse qu’il n’existe pas de limite physique à la croissance – hypothèse hasardeuse dès lors que l’on vit sur une planète aux ressources finies.
  • [14]
    Jackson T. (2010), Prospérité sans croissance, Paris, De Boeck, que toute personne intéressée par la question écologique devrait lire et qui devrait être enseigné dans tous les lycées du monde !
  • [15]
    Sen A. (1983), Choice, Welfare and Measurement, Oxford, Blackwell.
  • [16]
    On rappelle que la pauvreté est alors définie de manière relative, comme un niveau de vie inférieur à un certain pourcentage (en général 60 %) du niveau de vie médian.
  • [17]
    L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), qui mène des travaux novateurs sur l’élaboration de budgets de référence reflétant ce que les citoyens estiment être nécessaire à une bonne inclusion sociale, pourrait abriter un telle démarche.
  • [18]
    Voir par exemple Héran F. (1988), « La sociabilité, une pratique culturelle », Économie et statistique, n° 216, décembre, ou Granovetter M. (1973), « The Strength of Weak Ties », American Journal of Sociology.
  • [19]
    Kotlikoff L. (1992), Generational Accounting : Knowing Who Pays, and When, for What We Spend, New York, The Free press.
  • [20]
    Citons, parmi d’autres publications, Blanchet D. et Monfort J.-A. (2002), « Croissance, transferts et inégalités entre générations », Économie et Prévision, 2002/3.
  • [21]
    Baird C. (2013) [1989], In Defense of the Land Ethic. Essays in Environmental Philosophy, traduit par De Benoît A., (« La Nature et sa valeur intrinsèque », Krisis, n° 15, 1993) et cité par Méda D. (2013), La Mystique de la croissance, Paris, Flammarion.
  • [22]
    « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », rapport de la commission pour l’avenir des retraites, 2013. Voir page 113, « piloter la trajectoire par une indexation des salaires portés au compte qui neutralise les aléas de la croissance ».
Franck von Lennep
Directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
Mis en ligne sur Cairn.info le 24/04/2015
https://doi.org/10.3917/rfas.151.0221
Pour citer cet article
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