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Introduction – La social-écologie, chaînon manquant du développement soutenable

1Dans son acception la plus commune, le développement soutenable se définit comme la préoccupation éthique et politique accordée simultanément aux enjeux économiques, sociaux et écologiques. Trois chaînons unissent dans cette optique les trois domaines de la soutenabilité : la relation « économie-environnement », la relation « économie-social » et la relation « social-environnement » (figure 1).

Figure 1

Développement soutenable et social-écologie

Figure 1

Développement soutenable et social-écologie

2Au vu de l’état actuel de la recherche et des politiques publiques, un constat paradoxal s’impose : alors même qu’il s’agissait du cœur du travail de la commission Brundtland (1983-1987), la relation « social-environnement » est, près de trois décennies après la publication du rapport qui en a popularisé le concept, le chaînon manquant du développement soutenable. Lorsqu’elle est reconnue, la relation entre les dimensions sociale et environnementale, médiatisée par l’analyse économique, se réduit souvent à la question de l’emploi (« emplois verts » ou « verdissement » des emplois), les enjeux éthiques étant, quant à eux, cantonnés à l’intersection entre dimension économique et dimension sociale (et donnant lieu ces dernières années à de très nombreux travaux sur les inégalités économiques).

3L’approche social-écologique [1], qui puise aux travaux fondateurs d’Elinor Ostrom (Ostrom, 1990 et 2011) et de James Boyce (Boyce, 2002 et 2013), vise précisément à remédier à cette lacune : elle consiste à considérer la relation réciproque qui lie question sociale et enjeux écologiques, souvent par la médiation du facteur sanitaire, en démontrant comment les logiques sociales déterminent les dégradations et crises environnementales et en explorant en retour les conséquences sociales de ces atteintes à l’environnement humain.

4Cet article se propose d’abord de présenter le cadre théorique et analytique de la social-écologie, puis de l’illustrer empiriquement à partir de l’enjeu des inégalités environnementales en France en insistant finalement sur les limites actuelles, notamment empiriques, de cet agenda de recherche.

Lier crise des inégalités et crises écologiques : social-écologie intégrée et social-écologie différentielle

5Les inégalités sociales au sein des pays du monde développé, émergent et en développement progressent de manière importante depuis trente ans, entraînant avec elles quantité de conséquences néfastes pour les individus et les communautés humaines [2]. Parmi les conséquences de ce qu’il faut bien appeler une crise des inégalités, les atteintes à l’environnement immédiat ainsi que l’aggravation des trois grandes crises planétaires que sont le changement climatique, la destruction de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes sont encore trop peu étudiées (même si certaines organisations internationales sont désormais conscientes de l’enjeu) [3].

6La première dimension de l’approche social-écologique peut être dite intégrée au sens où elle tend à démontrer que l’impact écologique de l’aggravation des inégalités absolues et relatives est supporté, à un degré variable, par tout un chacun (le périmètre de la communauté affectée pouvant cependant varier de l’échelle globale à l’échelle locale). Au plan global, la boucle négative entre pauvreté et destruction de la biodiversité, bien documentée empiriquement [4], conduit à un appauvrissement commun de l’humanité (selon les dernières estimations du WWF, la biodiversité aurait reculé de moitié depuis quarante ans). Au plan local, pour ne prendre qu’un cas de figure, la pollution des ressources en eau d’un village chinois sous l’effet du pouvoir exorbitant d’une entreprise chimique installée à proximité affecte l’ensemble de ses habitants.

7Pour autant, les crises écologiques frappent le plus durement les plus vulnérables au plan international comme au plan intranational : c’est la dimension différentielle de la social-écologie. Pour reprendre les deux exemples utilisés, la destruction de la biodiversité globale est bien moins ressentie dans les pays riches que dans les pays pauvres [5] et la dégradation des ressources en eau du village chinois frappera d’abord et surtout les habitants les plus pauvres [6]. Dans cette seconde perspective, on reconnaît de fait l’existence d’inégalités environnementales, c’est-à-dire d’inégalités sociales dans l’exposition aux impacts environnementaux mais aussi dans l’accès aux ressources et aménités environnementales.

La social-écologie intégrée : le carburant inégalitaire des crises écologiques

8Au-delà de la question, qui vient d’être évoquée, du lien avéré entre inégalité absolue (pauvreté) et destruction de la biodiversité (et de celui, réciproque, entre richesse absolue et atteintes à l’environnement, patent dans le cas des émissions de gaz à effet de serre qui sont linéairement corrélées au niveau de revenu), on peut considérer cinq grands canaux de transmission entre inégalités relatives et dégradations de l’environnement (on trouvera le détail de chaque argument dans Laurent, 2014), canaux que l’on peut qualifier de « macroécologiques » dans la mesure où ils résultent de l’interaction entre riches et pauvres et non seulement de leurs pratiques considérées isolément.

9Le premier canal de transmission tient au fait que l’inégalité accroît inutilement un besoin de croissance économique potentiellement nuisible à l’environnement : plus la création de richesses d’un pays est accaparée par un petit nombre, plus le reste de la population aura besoin de compenser cet accaparement par un surcroît de développement économique potentiellement destructeur du point de vue environnemental. On peut ainsi démontrer empiriquement à partir des données relatives aux États-Unis qu’il serait possible de baisser simultanément les inégalités de revenu et les émissions de CO2 (voir Laurent, 2013).

10Deuxième mécanisme de transmission, l’inégalité accroît l’irresponsabilité écologique des plus riches. En creusant l’écart de revenu et de pouvoir entre les habitants d’un même pays ou de deux pays, elle aggrave l’incitation à l’externalisation des coûts propre au capitalisme, au niveau national comme international. C’est toute la justification des travaux du courant dit de « justice environnementale ».

11L’inégalité, en affectant la santé des individus, amoindrit également la résilience social-écologique des sociétés et affaiblit dès lors leurs capacités collectives d’adaptation aux chocs écologiques et notamment les risques naturels, dont l’impact sera décuplé. Les travaux de Richard Wilkinson et Michael Marmott au Royaume-Uni ont bien établi ce fait.

12Selon une logique voisine, l’inégalité entrave les capacités d’action collective susceptibles de préserver les ressources naturelles. À l’inverse, les bonnes institutions, celles qui permettent aux communautés nationales et locales de préserver à long terme les ressources naturelles essentielles à leur développement, sont fondées sur des principes de justice et de réciprocité. Elinor Ostrom a consacré de très nombreuses études et son ouvrage majeur à étayer empiriquement cette hypothèse (voir Ostrom, 1990).

13Enfin, cinquième et dernier canal de transmission, l’inégalité réduit la sensibilité des plus modestes aux enjeux environnementaux et la possibilité de compenser socialement les éventuels effets régressifs des politiques environnementales. L’abandon de la taxe carbone par le gouvernement français au printemps 2010 dans le contexte de la « grande récession » peut être considéré comme une illustration de ce mécanisme.

La social-écologie différentielle : la cristallisation environnementale de l’inégalité sociale

14Le point de départ de l’analyse de la relation réciproque est le fait que les conditions environnementales dans lesquelles vivent les individus ou les groupes déterminent de manière décisive leur santé et plus largement leur bien-être. Les dégradations environnementales dont il vient d’être question, et qui sont en partie nourries par la crise contemporaine des inégalités ont par conséquent, en retour, un impact social différentiel.

15De la question scientifique – l’importance avérée, connue depuis Hippocrate, des facteurs environnementaux dans la santé et le bien-être des individus et des groupes (voir la section suivante) –, découle naturellement une question éthique et politique, celle de l’exposition et de la vulnérabilité socialement différenciée des citoyens à ces facteurs. Il importe ici de procéder en deux temps : il convient de montrer en quoi ces inégalités potentielles sont injustes (en adoptant un point de vue normatif) puis de montrer en quoi elles sont réelles (c’est le point de vue positif, exploré dans la partie suivante à la lumière du cas français).

16Pour montrer en quoi ces inégalités environnementales peuvent être injustes, il nous faut disposer d’une définition qui explicite notre conception de la justice. On choisit ici, à la suite d’autres auteurs [7], de les relier à la théorie des capacités et du développement humain développée par le philosophe et économiste Amartya Sen [8].

17Une inégalité environnementale, qui peut être la simple observation empirique d’une disparité, se traduit par une injustice sociale dès lors que le bien-être et les capacités d’une population particulière sont affectés de manière disproportionnée par ses conditions environnementales d’existence, même si cette situation résulte d’un choix. Les conditions environnementales d’existence désignent, de manière négative, l’exposition aux nuisances, pollutions et risques et, de manière positive, l’accès aux aménités et ressources naturelles. Le caractère particulier de la population en question peut être défini selon différents critères, sociaux, démographiques, territoriaux, etc. La justice environnementale vise dès lors à repérer, mesurer et corriger les inégalités environnementales qui se traduisent par des injustices sociales. Elle suppose l’adoption d’un arsenal efficace de politiques publiques, qui inclue des moyens de recherche conséquents. On peut ainsi distinguer trois formes d’inégalités environnementales.

18D’abord, les inégalités d’exposition et d’accès : cette catégorie désigne l’inégale répartition de la qualité de l’environnement entre les individus et les groupes. La qualité en question peut être négative (l’exposition à des impacts environnementaux néfastes) ou positive (l’accès à des aménités environnementales telles que les espaces verts, les paysages mais aussi l’eau ou l’énergie). Dans cette catégorie d’inégalités sont inclus la vulnérabilité sociale aux risques naturels, le risque d’effet cumulatif des inégalités sociales et environnementales et le risque de conséquences sociales dynamiques des inégalités environnementales (tel que l’effet sur l’éducation ou le revenu à long terme de l’exposition prénatale ou périnatale à la pollution atmosphérique [9]).

19Dans un deuxième temps, les inégalités distributives des politiques environnementales : il s’agit de l’inégal effet des politiques environnementales selon la catégorie sociale, notamment l’inégale répartition des effets des politiques fiscales ou réglementaires entre les individus et les groupes, selon leur place dans l’échelle des revenus et leur localisation dans l’espace social. L’impact différentiel des taxes sur le carbone, qui sont aussi des taxes sur l’énergie, ressortissent par exemple de cette catégorie d’inégalité environnementale.

20Enfin, l’inégalité dans la participation aux politiques publiques : il s’agit de l’accès inégal à la définition des politiques environnementales selon le statut social et politique, politiques qui déterminent pourtant en partie les conditions environnementales des individus et des groupes. Un exemple bien connu de ce type d’inégalité environnementale est l’absence de consultation des populations locales dans le choix des sites sur lesquels est réalisé l’enfouissement des déchets toxiques (par exemple l’enfouissement des déchets nucléaires dans les réserves indiennes-américaines aux États-Unis).

21On donne dans la partie suivante une illustration empirique de cette social-écologie différentielle, directement en lien avec les enjeux sanitaires et de protection sociale français, en considérant la montée en puissance des inégalités environnementales.

Un enjeu social-écologique pour la France : les inégalités environnementales [10]

22Pour saisir l’enjeu des inégalités environnementales en France, on peut partir d’un fait bien établi et récemment rappelé par la « stratégie nationale de santé » dévoilée à l’automne 2013 : alors que la santé des Français est d’un très bon niveau en moyenne, en comparaison historique et internationale, elle est dans le même temps marquée par des inégalités fortes et croissantes qui ne s’expliquent pas par des facteurs individuels. La clé de ces inégalités sanitaires françaises est plutôt à rechercher du côté des logiques sociales et territoriales :

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« La part attribuable aux facteurs “sociaux et environnementaux” (problèmes financiers, situation professionnelle, conditions de travail, nombre de personnes par pièce, salubrité de l’habitat) pèserait pour 80 % dans la constitution des inégalités de santé, soit directement, soit indirectement par leur influence sur les facteurs comportementaux [11]. »

24Quelle est la part propre des facteurs environnementaux dans ces inégalités de santé, l’élément du bien-être le plus valorisé par les citoyens en France et Au-delà et de ce fait systématiquement placé en première position des enquêtes sur le sujet ? Si on mesure bien l’importance de la question, on perçoit immédiatement la difficulté de la réponse : l’environnement (au sens des conditions physiques, chimiques et biologiques des milieux de vie) est entremêlé dans un écheveau de facteurs causaux dont il est assurément difficile de mesurer la part respective.

25L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît dès 1994 le concept de « santé environnementale », déterminée par « les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement » et fait, en 1999, de l’amélioration des conditions environnementales « la clé d’une meilleure santé ». L’OMS a doublé cette reconnaissance conceptuelle d’une innovation méthodologique, en concevant et popularisant une méthode empirique permettant d’isoler la part proprement environnementale de la charge de morbidité (l’OMS estime ainsi aujourd’hui à 24 % de la charge mondiale de morbidité et 23 % des décès la part des facteurs environnementaux [12]).

26Le débat public sur la relation santé-environnement en France est très récent et peut être précisément daté du rapport de la commission d’orientation du Plan national santé-environnement de 2004. Dans la foulée de la canicule de l’été 2003 et de l’adoption de la Charte de l’environnement en 2004, il propose un diagnostic détaillé de « la santé environnementale en France » et formule de nombreuses recommandations. Détail intrigant : il ne contient que deux occurrences du mot « inégalité » et laisse entièrement de côté la question de la déclinaison sociale de la santé environnementale.

27L’Organisation mondiale de la santé confirme pourtant dans de nombreux travaux l’importance du prisme des inégalités environnementales pour les politiques sanitaires [13], mais cette reconnaissance progresse encore trop peu dans les faits en France. Certes, la deuxième mouture du Plan national santé environnement (PNSE2, 2009) se donne pour ambition : « la prise en compte et la gestion des inégalités environnementales, c’est-à-dire la limitation des nuisances écologiques susceptibles d’induire ou de renforcer des inégalités de santé ». De même, le PNSE3, en gestation, entend poursuivre sur cette lancée. Mais le constat, formulé par les pouvoirs publics eux-mêmes [14], s’impose : la montée en puissance des inégalités environnementales ne s’est pas accompagnée de politiques publiques capables d’y répondre.

28Or l’opérationnalisation publique de la préoccupation de la justice environnementale est vieille de 20 ans aux États-Unis : on a célébré le 11 février 2014 le vingtième anniversaire du décret 12898 de l’administration Clinton enjoignant les agences fédérales de promouvoir la justice environnementale en faveur des minorités ethniques et des populations à faible revenu. La problématique de la santé environnementale, vieille d’une décennie en France, n’a pas encore conduit à une analyse systématique des inégalités environnementales et encore moins à une réforme profonde des politiques publiques visant à les réduire.

29Et pourtant, les dégradations structurelles de l’environnement et la montée en puissance des crises écologiques dans la période actuelle et plus encore à venir justifient pleinement en France le prolongement de la réflexion sur les inégalités environnementales et sa traduction en actes. On illustre cette urgence dans les paragraphes qui suivent en détaillant différentes formes d’inégalités environnementales en France.

L’inégalité face aux pollutions de l’air

30Les études portant sur les effets sanitaires de la pollution atmosphérique extérieure, et en particulier la pollution aux particules fines, au dioxyde d’azote et à l’ozone, a progressé de manière décisive au cours des dernières années. L’OMS a ainsi présenté fin 2013 une étude complète concluant au classement de la pollution atmosphérique dans la catégorie des « cancérigènes certains », et porté début 2014 au double du chiffre antérieurement admis le nombre de décès prématurés liés à cette pollution (7 millions de morts en 2012). La conclusion des experts de l’OMS est dénuée d’ambiguïté : « Peu de risques ont un impact supérieur sur la santé mondiale à l’heure actuelle que la pollution de l’air ».

31Or une étude européenne de grande ampleur [15] qui a récemment évalué avec précision l’impact sanitaire de la pollution aux particules fines en France révèle des inégalités fortes en la matière. Les résultats considérés en moyenne témoignent de l’ampleur du problème sanitaire : si les normes de l’OMS étaient respectées en matière de pollution atmosphérique, l’espérance de vie à 30 ans pourrait augmenter de 3,6 à 7,5 mois selon la ville française étudiée.

32Mais le projet révèle aussi l’inégalité territoriale attachée à cette exposition : l’impact sanitaire varie considérablement selon les espaces urbains (du simple au double, de Toulouse, ville étudiée la moins polluée à Marseille, ville la plus polluée) et même à l’intérieur de ceux-ci. Habiter à proximité du trafic routier augmente ainsi sensiblement la morbidité attribuable à la pollution atmosphérique (à proximité de voies à forte densité de trafic automobile, on constate une augmentation de 15 à 30 % des nouveaux cas d’asthme chez l’enfant et des pathologies chroniques respiratoires et cardio-vasculaires fréquentes chez les adultes âgés de 65 ans et plus).

33De l’impact sanitaire, on passe à l’inégalité territoriale et enfin aux publics les plus vulnérables. En bout de chaîne, l’injustice est démultipliée, car la pollution de l’air peut avoir des effets durables sur les capacités des enfants tout au long du cycle de vie. Il n’est pas exagéré de parler d’injustice destinale, dès lors que la recherche la plus avancée met en évidence l’incidence de l’exposition environnementale néfaste sur le devenir social de l’enfant (à nouveau, voir Currie, 2011). De même, la recherche moderne en toxicologie insiste lourdement sur l’impact des effets de l’environnement prénatal et périnatal quant au développement biologique et social des enfants.

34On peut évaluer cette question de manière plus systématique et précise, comme le fait le projet Equit’Area, qui mesure avec minutie le différentiel d’exposition des populations socialement défavorisées dans les agglomérations françaises. Les résultats sont particulièrement probants pour l’exposition au dioxyde d’azote dans les agglomérations lilloises et marseillaises. De manière concrète, un enfant né aujourd’hui dans un quartier de Marseille à proximité immédiate d’un axe de transport est la victime d’une inégalité environnementale socialement injuste et qui peut l’affecter durablement.

35L’impact sanitaire des pollutions de l’air intérieur (au sein des habitations et des lieux de travail) est également, en France, très préoccupant. Une récente étude [16] montre que le radon, deuxième cause de cancer du poumon après le tabagisme, provoque chaque année entre 1 200 et 3 000 décès (23 000 années de vie perdues) tandis que près de 300 décès et 6 000 intoxications sont liés à des intoxications au monoxyde de carbone (au total, la pollution l’air intérieur serait responsable de 20 000 décès par an). Or la localisation et la qualité du logement (et notamment la hauteur, l’isolation et la ventilation des pièces), qui est bien entendu facteur du niveau de revenu, influent fortement sur la qualité de l’air intérieur. Il y a donc bien un enjeu social de l’air intérieur.

L’inégalité face aux pollutions du milieu

36S’agissant des pollutions du milieu, un premier enjeu concerne le caractère équitable de la répartition des sites classés dangereux ou toxiques sur le territoire national (le caractère nocif de ces installations pour la santé n’est pas à prouver puisque c’est précisément leur caractère nocif qui justifie leur classement en sites toxiques). Or, ici aussi, des études récentes attestent que cette exposition environnementale n’est pas socialement neutre. Une première étude de 2008 [17] montre que les communes françaises ne sont pas également affectées par les risques inhérents aux sites de stockage des déchets dangereux : les villes dont les habitants ont les revenus les plus faibles et qui comptent en leur rang la plus forte proportion d’immigrés (à la fois étrangers et nationaux d’origine étrangère) sont bien plus exposées que les autres communes.

37Une étude plus récente encore [18] vient conforter ces premiers résultats : non seulement la présence d’incinérateurs est positivement corrélée à la présence de personnes à faible revenu et d’immigrés mais de surcroît le lien de causalité dans le temps est clair : les nouveaux incinérateurs sont installés à proximité des populations vulnérables et non l’inverse. Cette question de la précédence chronologique est un débat capital dans la littérature américaine sur la justice environnementale, il est en effet toujours possible de faire l’hypothèse que les populations défavorisées ou vulnérables s’installent à proximité des sites toxiques pour des questions financières. Mais y compris dans ce cas, rien ne justifie qu’elles soient exposées à des nuisances disproportionnées comparées au reste de la population. Dans le cas français, la situation est encore plus simple : pour 1 % de population d’origine étrangère en plus, une commune voit augmenter de près de 30 % la probabilité de voir s’installer sur son territoire un incinérateur.

38Le bruit, considéré par les spécialistes comme le deuxième risque environnemental en importance juste derrière la pollution atmosphérique du fait de son impact (mesuré en années potentielles de vie perdues ajustées sur l’incapacité), doit également être considéré comme une pollution du milieu. La relation entre inégalités sociales et expositions au bruit vient d’être mise en lumière par une étude publiée début 2014 par l’agence régionale de santé d’Île-de-France portant sur les grandes plateformes aéroportuaires franciliennes. Les résultats révèlent que la part de population exposée croît avec le niveau de « défaveur » socioéconomique et que les IRIS (îlots regroupés pour l’information statistique) où il y a une part importante de personnes exposées sont les plus défavorisés. D’autres études sur le bruit, réalisées par exemple dans la région de Marseille, parviennent à des conclusions moins tranchées et montrent notamment que ce sont plutôt les catégories sociales intermédiaires qui sont les plus exposées aux nuisances sonores (ce qui n’enlève rien à la nécessité de l’action publique).

39Les pollutions chimiques sont elles aussi inégalement réparties sur le territoire national et les travaux de recherche français ont fortement progressé dans cette voie également depuis quelques années. Le modèle Plaine construit par l’Ineris permet par exemple de cartographier la présence du nickel, du cadmium, du chrome et du plomb, en se concentrant sur deux régions. Les résultats obtenus pour le Nord – Pas-de-Calais pour le cadmium permettent d’identifier deux zones de surexposition potentielle (Metaleurop et la périphérie de l’agglomération Lilloise) [19]. Cet enjeu des pollutions chimiques et de la surexposition de certaines populations doit être relié à la multiplication des « cancers environnementaux », c’est-à-dire des cancers imputables à des facteurs environnementaux, que l’on estime désormais autour de 10 %, ce qui est très important.

40La question de la dimension professionnelle des inégalités environnementales apparaît alors avec force. L’exposition aux « perturbateurs endocriniens » n’est ainsi pas homogène selon le milieu professionnel : c’est dans l’industrie, l’agriculture, le nettoyage, la plasturgie que les expositions sont les plus fortes. Or, comme pour la pollution aux particules fines, l’exposition prénatale et périnatale peut avoir des conséquences durablement néfastes. Certaines études établissent un lien entre l’exposition à l’arsenic in utero et une mortalité infantile accrue, un poids inférieur à la naissance et une moindre résistance aux infections infantiles. Ce type d’études a justifié l’interdiction en France du bisphénol A, mais beaucoup reste à faire sur de nombreux autres perturbateurs endocriniens.

41Les inégalités environnementales liées au milieu professionnel sont fortes, dans un contexte où, pour la première fois en 2011, le nombre de décès par maladies professionnelles dépasse le nombre de décès par accident du travail. Il suffit de rappeler à ce sujet la différence considérable d’espérance de vie entre catégories professionnelles (de 7 ans entre cadres et ouvriers et de 6 ans entre cadres et employés), écart qui a tendance à s’accroître et non à se réduire depuis trente ans.

L’inégalité dans l’accès aux ressources naturelles (alimentation, eau, énergie)

42Une autre facette des inégalités environnementales tient à l’accès inégal aux ressources naturelles que sont l’alimentation, l’eau et l’énergie.

43S’agissant de l’alimentation, où déterminants liés aux comportements et environnement compris au sens large se cumulent (cf. dernière partie), une étude récente révèle l’existence de différences sociales d’un facteur 2 à 3 pour les pathologies en lien avec la nutrition, en particulier l’obésité et le diabète [20]. L’accès à l’eau est également très inégal selon les territoires du fait de son coût différencié pour le consommateur. Deux études indépendantes conduites ces dernières années échelonnent respectivement le prix de l’eau du simple au quadruple (Confédération générale du logement, 2013) et du simple au septuple (60 millions de consommateurs, 2012) [21].

44Enfin, les inégalités énergétiques, à la fois absolues (pauvreté énergétique, qui touche 8 millions de personnes en France) et relatives (précarité énergétique et écart de dépenses énergétiques entre ménages en fonction du niveau de revenu et du lieu d’habitation, croissantes depuis deux décennies), qu’elles soient liées au logement et à la mobilité, sont de mieux en mieux documentées en France, même si la qualité des données nationales est encore loin de celles du Royaume-Uni (pour des données et études récentes, voir Laurent et Hallegatte, 2013 et ONPE, 2014).

L’inégalité face aux risques naturels

45Il y a deux façons de voir les risques naturels et notamment le changement climatique : la première émet l’hypothèse que les catastrophes dites « naturelles » frappent au hasard et que les humains n’y peuvent rien (c’est l’étymologie du mot « dés-astre », qui désigne la mauvaise fortune). La seconde consiste à penser que la responsabilité humaine est au cœur de ces événements, lesquels mériteraient plutôt le nom de « catastrophes », qui oriente étymologiquement vers l’idée d’un dénouement, heureux ou malheureux, d’un risque dont la réalisation, et en particulier l’impact social, est dans les mains des humains.

46Pour le dire dans le langage des programmes de réduction des risques de catastrophe des Nations unies (Disaster Risk Reduction ou DRR), « il n’y a pas de catastrophes naturelles, il n’y a que des risques naturels » : l’impact d’une catastrophe « dépend des choix que nous faisons pour nos vies et notre environnement […]. Chaque décision et chaque action nous rendent plus vulnérables ou plus résilients » [22]. Le rôle du capital social est par exemple de toute première importance dans l’impact des catastrophes social-écologiques. La matrice de cette inégalité face aux catastrophes social-écologiques est pour la France la canicule de 2003, dont 90 % des 14 000 victimes avaient plus de 65 ans et dont le décès fut lié à des causes sociales (isolement, pauvreté).

Limites et obstacles

47Cet agenda des inégalités environnementales ne va pas sans limites empiriques et sa traduction en termes de politique publique peut s’avérer problématique. Certaines données sont aujourd’hui difficilement accessibles, et notamment les données sociales et environnementales au niveau le plus fin (celui de l’IRIS), là où elles sont le plus utiles. Mais quand bien même on pourrait disposer de ces données, leur analyse se révèle particulièrement complexe : l’impact des facteurs environnementaux peut être immédiat ou à moyen et long terme, et les personnes sont souvent exposées à des combinaisons complexes de risques qui ont en plus une dimension dynamique. L’analyse cause-effet en est compliquée d’autant. L’action publique en incertitude est un problème bien connu mais qui n’empêche nullement la décision, comme le rappelle le principe de précaution.

48Cette complexité des impacts environnementaux est encore aggravée par l’entrelacs des inégalités environnementales et sociales, qui peuvent se cumuler sans qu’il soit possible de démêler le facteur premier, ce qui rend particulièrement délicat l’application d’une politique publique adéquate. La clé consiste ici sans doute à élargir la notion d’environnement pour y intégrer la dimension familiale, professionnelle, etc.

49Un autre défi tient au sens de la relation observée entre fardeau environnemental et statut social : certaines études sur le bruit mais aussi la pollution révèlent que les individus ou les groupes favorisés peuvent subir les nuisances environnementales les plus fortes. Ceci n’abolit en rien la pertinence de ces études mais témoigne de la nécessité de disposer d’indicateurs de bien-être suffisamment larges : on peut disposer d’un revenu supérieur et voir son bien-être dégradé. C’est ici la dimension sociale qu’il faut élargir pour y inclure les différents déterminants du bien-être. Le critère social du fardeau environnemental doit donc être compris largement : si des individus âgés sont fortement touchés par les effets d’une canicule, le fait qu’ils disposent d’un revenu en moyenne plus élevé que les actifs peu touchés n’enlève rien à l’injustice qu’ils subissent.

50Il peut être ici utile d’accompagner la mesure des inégalités d’exposition de mesure d’inégalités de vulnérabilité et de résilience incluant par exemple la question de l’accès aux soins. Il importe donc de pondérer socialement les inégalités d’exposition en utilisant les inégalités de vulnérabilité et de résilience. Par exemple, l’exposition au trafic automobile dans l’agglomération francilienne, inégalité environnementale territoriale liée à la proximité du trafic, devient une injustice sociale lorsque l’on considère la vulnérabilité et la résilience, socialement différenciées, des individus et groupes exposés.

51Les critères varieront bien entendu selon le problème concerné : au cas par cas, il importe de définir le public vulnérable frappé de manière disproportionnée. Les inégalités environnementales sont foncièrement plurielles : il y a bien d’autres inégalités que les inégalités sociales comprises au sens étroit d’inégalités liées à la structure économique (on peut penser à toutes les inégalités de bien-être et à d’autres types encore d’inégalités environnementales qui ne sont pas abordées dans cette note telles que les inégalités de représentation et reconnaissance, les inégalités culturelles au sens large et les inégalités de genre).

52Autre problème, la différence entre des situations d’inégalité que l’on pourrait dire choisies (parce qu’elles résultent de préférences, par exemple le choix résidentiel) et des situations subies (qui dépendent notamment des ressources des individus) se trouve au cœur des débats les plus contemporains en matière de justice sociale, dans l’interaction complexe entre responsabilité individuelle et contexte social.

53Mais cette distinction n’épuise pas l’enjeu de justice attaché aux inégalités environnementales. Ainsi, comment interpréter les choix résidentiels strictement du point de vue des préférences, alors qu’ils résultent d’un mélange complexe de contraintes choisies et de choix contraints. Et quand bien même les phénomènes de marché conduisent à des inégalités environnementales a posteriori, les pouvoirs publics ne peuvent les ignorer : un habitant qui verrait son risque de cancer multiplié de manière exponentielle ou celui de ses enfants à proximité d’une installation toxique où il s’est installé de manière volontaire pour des raisons budgétaires doit tout de même être considéré comme subissant une injustice (et se voir par exemple proposé par les pouvoirs publics un accès aux soins privilégié ou subventionné s’il ne peut ou ne veut pas être relogé).

54Même si l’on choisit de vivre à proximité d’une centrale nucléaire parce que le terrain y est moins cher, il est tout de même injuste d’y encourir un risque sanitaire plus élevé et il en va de même de tous les choix résidentiels à proximité des sites dangereux. La question des zones inondables obéit à une logique voisine : même si les individus ont fait le choix d’habiter dans le lit d’une rivière, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de rendre la zone non constructible au nom du risque encouru, ne serait-ce que pour des motifs d’efficacité compte tenu du coût économique pour la collectivité d’un tel risque (mobilisation des services de secours, assurances, etc.).

55Par ailleurs, il peut être malaisé d’opérer une distinction tranchée entre comportements et environnement : une personne qui choisirait de s’alimenter exclusivement dans un fast-food pour des motifs financiers développerait certainement des pathologies graves, que les pouvoirs publics devraient pourtant considérer comme injustes. Si les comportements devaient complètement recouvrir la question des conditions environnementales, comment reconnaître les maladies professionnelles ?

56L’écart entre inégalités subjectives et objectives s’inscrit dans cette même problématique : certaines inégalités environnementales étant perçues comme résultant de choix, les individus peuvent ne pas les considérer comme injustes. Il s’agit d’un problème bien connu dans les enquêtes de bien-être qui n’enlèvent rien à la pertinence de l’action des pouvoirs publics (les femmes indiennes se déclarent, pour des raisons culturelles, plus heureuses et en meilleure santé que les hommes quand bien même leur bien-être objectif est bien plus dégradé). De même, le fait que ces inégalités soient perçues comme stigmatisantes et par conséquent minimisées implique non pas l’inaction mais la subtilité : il importe de combiner mesures objectives et mesures subjectives pour cerner les situations injustes.

57Le lien entre inégalités environnementales et inégalités territoriales doit enfin être privilégié dans l’analyse et l’action publique. D’une part parce que beaucoup d’inégalités environnementales peuvent être comprises comme des inscriptions spatiales d’inégalités sociales, d’autre part parce que les politiques publiques doivent être conduites au plan territorial et notamment au moyen des agences régionales de santé très en pointe sur la question de la santé environnementale. Le parti pris pourrait être celui d’une territorialisation de l’action publique en matière de prévention et de lutte contre les inégalités environnementales.

58Dernier point, délicat et parfois instrumentalisé contre les politiques environnementales, le fait que les pouvoir publics eux-mêmes puissent créer des inégalités environnementales, notamment dans la promotion des politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. L’émergence du prisme des inégalités environnementales en France ne pourra qu’aider à comprendre et prévenir ces inégalités environnementales d’émanation publique.

Conclusion

59Les pouvoirs publics français ne sont pas complètement désarmés face à la question des inégalités environnementales : une politique de santé environnementale informée par la question sociale est en gestation dans le futur Plan national santé environnement (PNSE 3), dont une priorité sera la lutte contre les inégalités environnementales et territoriales (voir aussi Ineris, 2014).

60Mais, d’une part la question de la santé environnementale est encore trop peu considérée dans les stratégies sanitaires, comme l’atteste le plan Cancer rendu public en février 2014. Et d’autre part, les déclinaisons sociales des questions environnementales sont à un stade encore embryonnaire dans les politiques publiques (excepté la question de la précarité énergétique, qui a su trouver un écho important dans le débat public sans pour autant faire encore l’objet d’un traitement prioritaire, ce qui devrait en partie s’améliorer avec la future loi de transition énergétique, mais en partie seulement).

61Il est donc utile de s’interroger pour conclure sur la traduction institutionnelle de l’approche sociale-écologique appliquée aux inégalités françaises. Une priorité pourrait alors s’imposer : la création d’une institution transversale et territorialisée faisant le pont entre les institutions sanitaires et les politiques environnementales et territoriales, dont la première mission serait l’établissement d’un état de l’art sur les inégalités environnementales en France.

62Un centre d’analyse et de prévention des inégalités environnementales rassemblant les compétences et les savoirs dans ce domaine, afin de les mettre au service des citoyens et des territoires (l’articulation avec les collectivités territoriales doit être une priorité de cette institution) pourrait ainsi utilement voir le jour. La référence américaine est ici pertinente : l’Environmental Protection Agency (EPA) dispose à la fois d’une compétence scientifique et d’une légitimité politique transversale en matière de justice environnementale [23].

63Il s’agirait en France de forger et consolider un lieu qui serait aussi un lien institutionnel permettant de rapprocher les études épidémiologiques qui révèlent les effets sanitaires des facteurs environnementaux et les travaux en matière de justice environnementale qui relient les inégalités environnementales aux inégalités sociales (le premier courant de recherche étant bien plus développé en France que le second).

64La première mission de cette nouvelle institution serait de produire en un temps relativement court un état précis des connaissances sur les inégalités environnementales. C’est l’exemple britannique qui est ici utile : le travail confié par le Gouvernement Blair à Gordon Walker et son équipe a donné lieu à une série de rapports publiée en 2007 par l’Environmental Agency qui fait aujourd’hui référence [24]. Un tel état du savoir fait encore défaut en France.

Notes

  • [1]
    Voir notamment Laurent, 2011 et 2014a.
  • [2]
    Pour une synthèse accessible sur le sujet, voir Stiglitz, 2012.
  • [3]
    Voir United Nations Development Program, 2011.
  • [4]
    Voir en particulier Barrett, Travis et Dasgupta, 2011.
  • [5]
    Notamment du fait de la capacité des populations des pays les plus développés de se tourner vers des ressources de substitution, comme dans le cas des ressources halieutiques.
  • [6]
    Les études existantes montrent que dans les pays qui n’ont en moyenne que très peu accès à l’eau potable, l’accès de la minorité des plus riches à cette ressource est équivalente aux populations des pays les plus développés.
  • [7]
    Pour une justification approfondie de ce choix, voir Schlosberg, 2007.
  • [8]
    Voir notamment Sen A. (2011), L’idée de justice, traduit de l’anglais par Paul Chemla, avec la collaboration d’Éloi Laurent, Paris, Flammarion.
  • [9]
    Voir les travaux de Currie, 2011.
  • [10]
    Cette partie reprend Laurent, 2014b.
  • [11]
    Stratégie nationale de santé, feuille de route, ministère des Affaires sociales et de la Santé, 23 septembre 2013.
  • [12]
    Voir OMS, « Quantifying Environmental Health Impacts », http://www.who.int/quantifying_ehimpacts/en/
  • [13]
    Voir notamment OMS, 2012.
  • [14]
    « Malgré les travaux lancés par le deuxième Plan national santé environnement (PNSE2), les inégalités environnementales demeurent peu évaluées et donc peu traitées en tant que telles par les pouvoirs publics car il n’existe pas à ce jour des données spatialisées pour l’ensemble de ces risques et de méthodologie opérationnelle pour les additionner » (Inégalités territoriales, environnementales et sociales de santé – Regards croisés en régions : de l’observation à l’action, ministère des Affaires sociales et de la Santé, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 2014).
  • [15]
    Le projet Aphekom (Improving Knowledge and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe) a estimé l’impact de la pollution de l’air sur la santé des 39 millions d’habitants des 25 villes européennes participant au projet.
  • [16]
    Anses/ABM/CSTB, 2014.
  • [17]
    Laurian, 2008.
  • [18]
    Laurian et Funderburg, 2014.
  • [19]
    Caudeville (2013), pour une approche régionale étendue au territoire français, voir Ineris, 2014.
  • [20]
    Darmon et Carlin, 2013.
  • [21]
    Dans le détail, l’étude de la Confédération générale du logement (2013) dit : « Des prix moyens départementaux qui varient du simple au triple, des prix médians qui vont du simple au double, des écarts très importants au sein d’un même département voire entre communes voisines, des prix élevés dans beaucoup d’endroits, une France rurale qui paie son eau plus chère, des grandes villes qui tirent leur épingle du jeu, telle est la situation des prix de l’eau en France ». Quant à l’étude de 60 millions de consommateurs (2012), elle note : « En France, le prix moyen du service de l’eau varie de 2,76 euros/m3 en Auvergne à 4,15 euros/m3 en Bretagne. Mais à l’intérieur d’une même région, les écarts peuvent être très importants. Ainsi en Midi-Pyrénées, le prix varie de 0,30 euros/m3 (sans assainissement collectif) à 6,70 euros /m3 ».
  • [22]
    Voir le site de l’UNISDR : http://www.unisdr.org/who-we-are/what-is-drr
  • [23]
  • [24]
    Les résultats de ces travaux sont rassemblés dans Walker, 2012.
Français

Cet article se propose, dans un premier temps, de présenter de manière synthétique le cadre théorique et analytique de l’approche social-écologique, qui vise à lier question sociale et enjeux écologiques, en la resituant dans la problématique plus large du développement soutenable. La relation social-écologique est à double sens : d’un côté les inégalités sociales, dont la montée ces dernières décennies est attestée par de nombreuses études, nourrissent les dégradations environnementales et les crises écologiques contemporaines via un certain nombre de canaux de transmission que l’article identifie ; en retour, ces mêmes crises écologiques aggravent les inégalités sociales qui les ont en partie fait naître en engendrant de nouvelles inégalités, que l’on peut qualifier d’environnementales, et dont on propose ici une typologie.
Cet enjeu des inégalités environnementales est, dans la seconde partie de l’article, choisi pour illustrer la pertinence et l’utilité de l’approche social-écologique pour la France. On identifie quatre facettes des inégalités environnementales françaises : les pollutions de l’air, les pollutions du milieu, l’inégalité d’accès aux ressources naturelles (eau, alimentation, énergie) et enfin l’inégalité dans l’exposition aux risques naturels. Cette seconde partie se clôt par un passage en revue des limites de cet agenda de recherche et des obstacles qui peuvent s’opposer à sa traduction en termes de politique publique.

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Éloi Laurent
Économiste senior à l’OFCE (Centre de recherche en économie de Sciences Po) ses travaux portent actuellement sur la soutenabilité environnementale, le bien-être individuel et social et l’économie territoriale. Il enseigne à Sciences Po et Stanford University. À l’automne 2013, il était chercheur et professeur invité à Harvard University.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 24/04/2015
https://doi.org/10.3917/rfas.151.0125
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