Introduction
1Comme la France, l’Allemagne dispose d’un cadre réglementaire très strict qui régit les relations entre employeurs et salariés. Si l’Allemagne se distingue par l’absence de salaire minimum garanti et une procédure de négociation salariale confiée aux seuls partenaires sociaux, les deux pays ont veillé à établir un contexte légal contraignant qui permet aux salariés de défendre leurs droits sociaux face aux employeurs. Contrairement à la France et à la plupart des pays dits avancés, l’Allemagne a toutefois permis l’existence et le développement d’une catégorie de salariés qui ne bénéficient pas des dispositifs de protection sociale qui couvrent l’ensemble des autres travailleurs. Il s’agit des salariés à temps très partiel, appelés minijobbers, dont les conditions d’emploi sont clairement précisées par les dispositions de la loi Hartz II de 2002 [1]. Si leur rémunération est inférieure à 450 euros par mois, sans considération du nombre d’heures travaillées, ils sont dispensés tant du versement de cotisations sociales « salariés » que d’impôt sur le revenu. Dans ces conditions, la couverture sociale qui leur revient à titre personnel est inexistante. Théoriquement, ces travailleurs bénéficient de l’ensemble des dispositions du droit du travail, notamment sur les congés et la protection contre le licenciement mais, en pratique, ces droits ne sont guère appliqués, l’exigence du contrat de travail écrit n’étant que rarement respectée.
2Dans ces conditions, on pourrait s’attendre à ce que cette forme d’emploi ne trouve pas son public. Or, c’est le contraire qui se produit. Ces occasions de travail à temps très réduit sont très demandées, au point qu’elles concernent aujourd’hui environ un salarié sur six. Cette importance des emplois à temps très partiel est essentiellement due aux modifications législatives entrées en vigueur en 2003, qui ont facilité le recours aux minijobs tant pour les entreprises que pour les salariés. Le développement, à côté des emplois dits normaux, d’un secteur aussi important d’emplois à temps partiel non soumis aux assurances sociales a suscité des discussions vigoureuses sur la pertinence de ce qui est non seulement une tolérance, mais une sorte d’encouragement indirect de cette forme de travail par les pouvoirs publics. Alors que certains auteurs (Voss et Weinkopf, 2012 ; Herzog-Stein et Sesselmeier, 2012) y voient un piège de bas salaires (Niedriglohnfalle) et pointent du doigt l’absence de protection sociale à titre personnel particulièrement grave à l’heure de la retraite, d’autres (Institut der deutschen Wirtschaft Köln, 2012) y voient une opportunité pour certains groupes de population, tels que les retraités et les étudiants, et soulignent le pouvoir d’intégration des minijobs dans le marché de l’emploi pour des personnes à faible qualification. Le patronat, pour sa part, considère les minijobs comme un élément de flexibilité nécessaire dans un marché de l’emploi trop rigide.
3Après une définition de cette forme de travail, cet article analyse la situation complexe des salariés au regard des assurances sociales. Le groupe très hétérogène de personnes qui n’ont que ce travail à temps partiel comme activité professionnelle est soumis à des incitations différentes, qui seront examinées dans un deuxième temps. Après avoir considéré les motivations des entreprises et celles des salariés, qui semblent se rejoindre dans une défense commune de cette forme de travail, seront étudiées les critiques auxquelles elle est exposée. Enfin, nous verrons brièvement l’amorce de réforme des retraites proposée par le gouvernement pour mettre fin à la pauvreté programmée des retraités ayant travaillé dans le secteur des bas salaires, réforme susceptible de concerner particulièrement les minijobbers.
Définition et importance numérique des minijobs
4Le terme de minijob ou de « job à 450 euros » recouvre une réalité multiforme. Désigné sous le vocable de « geringfügige Beschäftigung » (activité négligeable ou minime), le code social allemand en donne deux définitions dont l’une porte sur la faiblesse du revenu et l’autre sur la faible ampleur du temps de travail. Selon le §8 du code social IV, un emploi est considéré comme négligeable si « le revenu provenant de cette activité ne dépasse pas régulièrement 400 euros par mois » (450 euros depuis le 1er janvier 2013) [2] ou « si l’activité dans une année (Kalenderjahr) est habituellement limitée à deux mois ou cinquante jours ouvrés maximum ». Cette deuxième variante qui correspond surtout à des emplois saisonniers n’entre pas dans nos considérations, qui ici se focalisent sur les emplois négligeables à faible revenu.
5Au sein de la population concernée par les minijobs, il convient d’opérer une deuxième distinction. Depuis l’introduction des réformes Hartz par la coalition gouvernementale sociaux-démocrates/Verts sous le chancelier Schröder en 2003, les salariés ont la possibilité d’exercer une activité négligeable en dehors et en plus de leur emploi régulier assujetti aux assurances sociales, sans que les revenus provenant du minijob soient ajoutés à ceux de l’emploi principal en vue de déterminer le niveau des cotisations sociales et des impôts sur le revenu. Cela signifie concrètement que, pour ces revenus supplémentaires, le salaire net est égal au salaire brut. Les tenants d’un minijob se répartissent par conséquent en deux catégories distinctes : les cumulants qui le pratiquent à côté d’un emploi normal assujetti aux assurances sociales et ceux pour lesquels il constitue la seule activité rémunérée. Pour les statistiques officielles, tant allemandes (Destatis [3]) qu’internationales (Organisation internationale du travail), ces derniers sont considérés comme des actifs dès lors qu’ils travaillent au moins une heure par semaine ou s’ils détiennent un contrat de travail [4].
6L’importance numérique des minijobbers est considérable. Depuis l’introduction des lois Hartz, qui ont profondément modifié les bases légales de cette forme de travail, leur nombre est passé de 6,5 millions à 7,8 millions en 2011. Cet accroissement est essentiellement dû aux effets induits par la réforme. Le nombre de minijobbers exclusifs a augmenté de 350 000 (+8,5 %) dès l’année 2004 et celui des cumulants est passé de 1,44 million à 2,6 millions entre 2004 et 2011 (Körner et al., 2013), ce qui correspond à une augmentation de 80 %. Si le nombre de cumulants s’est accru de façon régulière pendant cette période, celui des minijobbers exclusifs s’est par contre stabilisé depuis 2004 à environ 5,2 millions. L’accroissement du nombre total des minijobs n’est dû qu’à celui des cumulants, alors que le débat public se focalise sur « l’explosion » des minijobs exclusifs, un phénomène démenti par les statistiques. Le nombre presque inchangé des minijobs exclusifs depuis les réformes Hartz semble au contraire souligner le fait qu’il s’agit d’activités spécifiques qui résistent à la conjoncture. Ils n’ont pas reculé lors de la récession entre 2002 et 2005, ni en 2009 lorsque la crise économique et financière actuelle battait son plein en Allemagne, et ils n’ont pas non plus augmenté à partir de 2010 avec la hausse du nombre d’emplois réguliers.
Développement historique des emplois à temps très partiel
7Si l’appellation minijob est récente, l’existence de ce secteur est déjà ancienne, puisqu’il remonte au début du xxe siècle. Ce n’est toutefois que depuis les années 1970 que les minijobs sont devenus un enjeu politique. Depuis cette époque, la réglementation opère des mouvements de balancier, dans une tentative de concilier la protection des salariés, les intérêts des entreprises et la situation financière des assurances sociales.
8Pendant plus de vingt ans, il y eut des allers et retours entre détermination d’une limite fixe du revenu maximal autorisé et adaptation à l’évolution générale des salaires, jusqu’à ce que le gouvernement Schröder décide, en 1999, de restreindre fortement le recours aux minijobs, considérés par le gouvernement SPD/ Verts alors au pouvoir comme préjudiciables aux salariés. Lorsqu’ils étaient dans l’opposition, les sociaux-démocrates et les Verts avaient régulièrement souligné que cette forme d’emploi s’était développée récemment au point de devenir un segment important du marché de l’emploi, avec des conséquences néfastes tant sur l’équilibre financier des assurances sociales que sur la pérennité des emplois à temps plein assujettis aux assurances sociales.
9Pour réduire ce secteur d’emploi et pour accroître la couverture sociale des salariés concernés, le gouvernement Schröder a décidé qu’à partir du 1er janvier 1999, la limite de rémunération serait de 630 marks à l’Ouest comme à l’Est (325 euros depuis le 1er janvier 2000), qu’elle ne serait plus revalorisée et que les revenus, en cas de cumul, seraient assujettis aux assurances sociales comme toute heure complémentaire travaillée chez son employeur habituel. La limite de quinze heures par semaine était maintenue. Comme prévu par l’opposition, l’application de cette réforme a conduit à un effondrement du nombre de cumulants, qui y avaient perdu leurs avantages financiers, mais sans affecter celui des minijobbers exclusifs.
10Trois ans plus tard seulement, les minijobs étaient à nouveau sur la sellette, mais de manière détournée. La Commission Hartz, appelée par le Chancelier Schröder à réformer le marché du travail afin de combattre un niveau de chômage jugé explosif [5], souhaitait en faire un outil destiné à combattre le travail au noir dans les foyers privés. En raison de conflits entre le gouvernement et l’opposition, la réforme des minijobs dans le cadre des travaux de la Commission prit une ampleur imprévue. À partir du 1er avril 2003, date de l’entrée en vigueur de la réforme, la limite de rémunération des minijobs est portée de 325 à 400 euros – et non 500 euros, comme l’avait proposé la Commission Hartz –, et la limitation temporelle de quinze heures par semaine est supprimée. Les détenteurs d’un minijob, en cumul ou non, sont à nouveau dispensés de cotiser aux assurances sociales et de payer des impôts. Afin de ne pas pénaliser les salariés qui passent d’un minijob à un emploi assujetti aux assurances sociales – ce qui était le cas dès qu’ils gagnaient 401 euros par mois –, le gouvernement a introduit les midijobs, afin de lisser la transition entre minijobs et activités plus importantes [6], et de renforcer la fonction « tremplin » des mini/midijobs vers les emplois « normaux ».
11Ces dispositions sont restées inchangées pendant dix ans, jusqu’au 1er janvier 2013. À cette date, les limites de rémunération ont été portées à 450 euros (minijob) [7] et 850 euros (midijob). La dispense de cotisation pour les assurances sociales est maintenue, sauf pour la retraite. Le gouvernement de Madame Merkel a rendu l’assurance retraite obligatoire à partir de cette date pour les minijobbers, tout en précisant que ceux qui le souhaitent peuvent obtenir une dispense (système du « opt-out »). L’histoire mouvementée de la réglementation concernant les minijobs montre la difficulté des gouvernements successifs de concilier l’intérêt des entreprises soucieuses de conserver une main-d’œuvre flexible et bon marché, l’intérêt à court terme des salariés qui préfèrent avoir un salaire net égal au brut et la santé des finances publiques qu’il convient de préserver.
Minijobs et protection sociale
12Afin de considérer la présence ou l’absence de protection sociale pour les détenteurs d’un minijob, cet article se focalise sur les seuls minijobbers exclusifs ; les cumulants bénéficiant de la totalité des assurances sociales par le biais de leur emploi principal, l’étude de leur situation peut donc être écartée.
13Les minijobs constituent une variante spécifique de travail à temps partiel [8]. Ils ne se distinguent d’un emploi régulier que sur le plan du droit fiscal et de celui des assurances sociales. En matière de droit du travail, les minijobbers bénéficient des mêmes droits que les salariés réguliers [9], qu’il s’agisse des conditions de travail, des congés ou des modalités de licenciement. Si l’entreprise est signataire d’une convention collective, et si les salariés à temps partiel sont membres d’un syndicat, ils peuvent également prétendre à un salaire horaire équivalent à celui qui est pratiqué pour les salariés réguliers. Pour les minijobbers, c’est toutefois rarement le cas.
14En matière de droit fiscal, il est généralement admis que les minijobs ne donnent pas lieu au versement de l’impôt sur le revenu par le salarié. Depuis 2003, l’employeur s’acquitte de 2 % du salaire de son minijobber au titre de l’impôt sur le salaire, un taux forfaitaire qui inclut l’impôt d’église et l’impôt de solidarité. En sus de ces 2 % d’impôt, l’employeur verse des cotisations aux assurances retraite, 15 % actuellement, et maladie, 13 %. L’ensemble de ces charges atteint habituellement 30 % [10] auxquelles s’ajoutent :
- 0,7 % pour le versement du salaire en cas de maladie ;
- 0,14 % pour le financement des congés maternité ;
- 0,15 % pour la provision en cas d’insolvabilité.
15Si les minijobbers ne versent aucune cotisation aux assurances sociales, on pourrait en déduire que les prestations sont inexistantes ou très faibles. La situation eu égard aux différentes branches des assurances n’est toutefois pas simple. Elle peut aller d’une couverture totale, financée par la collectivité, à une absence ou quasi-absence de couverture du risque. Les minijobbers ne sont assurés ni contre le risque du chômage ni, à titre personnel, contre celui de la maladie. La plupart d’entre eux bénéficient néanmoins d’une couverture d’assurance maladie dans le cadre familial, pour les élèves et certains étudiants par exemple, ou marital, pour les époux/épouses co-assurés avec leur conjoint. Tant qu’ils dépendent de l’assurance des parents ou du conjoint, leurs droits en matière d’assurance maladie sont égaux à ceux acquis par les salariés réguliers à titre personnel. La protection cesse dès que le minijobber quitte l’unité familiale ou maritale qui lui a offert l’accès à l’assurance maladie. Les cotisations versées par l’employeur aux caisses maladie ne servent qu’à alimenter leurs finances et ne bénéficient pas aux minijobbers au nom desquels elles sont perçues.
16Jusqu’à la fin de l’année 2012, la situation était la même pour l’assurance retraite. Les 15 % du salaire versés à ce titre aux caisses de retraite légales (gesetzliche Rentenversicherung) leur restaient acquis sans contrepartie pour les minijobbers. Leur activité à temps très partiel ne leur donnait pratiquement aucune couverture retraite. Cette situation a changé avec la réforme intervenue au 1er janvier 2013 qui a créé un système de « opt-out » pour l’assurance retraite. Depuis cette date, tous les minijobbers sont automatiquement affiliés aux caisses retraites légales. Mais, conformément à la nouvelle règle du code social VI consacré à l’assurance retraite légale (§6 al. 1b phrase 2 SGB VI), ils peuvent se faire dispenser de cette obligation au moyen d’une demande écrite auprès de l’employeur qui la transmet à la Centrale des minijobs. Sans réponse de celle-ci au bout d’un mois, la dispense, valable pour toute la durée du contrat de travail, est accordée d’office. Elle s’applique à tous les contrats en cas de minijobs multiples. Les minijobbers non affiliés à l’assurance retraite n’acquièrent aucun droit à percevoir une retraite vieillesse ou invalidité, ni à bénéficier des prestations de réhabilitation versées par les caisses retraite. D’après des informations de la Centrale en charge de l’administration des minijobs, les cotisations versées par l’employeur conduisent néanmoins, même dans le cas des minijobbers qui ne cotisent pas eux-mêmes, à une légère augmentation d’une retraite acquise dans le cadre d’autres activités (§76b SGB VI).
17Depuis le 1er janvier 2013, tous les minijobbers qui n’ont pas demandé à être dispensés cotisent aux caisses de retraite légales, ce qui leur assure en principe les mêmes droits que ceux qui découlent d’une activité professionnelle plus importante qu’un minijob. La cotisation versée par le salarié est faible. Il paye la différence entre les 15 % dus par l’employeur pour un minijob et les 18,9 % que représente la cotisation normale aux caisses retraite, à savoir 3,9 % du salaire. L’employeur déduit ce pourcentage de la rémunération qu’il verse au minijobber et le transfère avec sa propre cotisation à la Minijob-Zentrale. La cotisation aux caisses de retraite pour un emploi rapportant 400 ou 450 euros n’est pas très élevée, mais le calcul est moins avantageux pour ceux qui gagnent moins de 175 euros [12].
18Quel est l’avantage financier pour un minijobber qui cotise aux caisses de retraite ? Une année pleine de cotisations pour un salaire moyen de 450 euros par mois correspond à un complément de 3,53 euros par mois pour la retraite s’il n’y a que l’employeur qui cotise, et d’environ 4,45 euros si le salarié complète la cotisation pour atteindre le taux normal de 18,9 %. Ces chiffres montrent que ce n’est pas le complément financier qui joue en faveur d’une participation du salarié, ce que reconnaît la caisse de retraite elle-même, mais l’acquisition de certains droits qui y sont liés. Si le minijobber cotise à hauteur de 18,9 %, il bénéficie de la prise en compte pour le calcul de sa retraite de la totalité de sa période d’emploi au même titre qu’un salarié normal eu égard aux années d’ancienneté nécessaires pour, par exemple, partir en retraite anticipée, bénéficier de mesures de réhabilitation dans le domaine tant médical que social ou accéder à un fonds de retraite privé subventionné par l’État (du type Riester-Rente [13]).
Qui sont les minijobbers ?
19Pour compléter l’analyse de la situation de cette population au régard de la protection sociale, il est nécessaire de s’interroger sur ce qui la caractérise en termes d’âge, de formation et de motivation. La récente étude entreprise conjointement par l’Agence fédérale du travail et l’Office fédéral de statistique (Körner et al., 2013) permet pour la première fois de se faire une idée de la situation sociale des personnes dont la seule activité professionnelle est un minijob. Les 5,18 millions de minijobbers exclusifs, dont un bon tiers d’hommes et un peu moins de deux tiers de femmes, présentent une répartition par âge qui diverge considérablement de celle observée pour les autres catégories de salariés assujettis aux assurances sociales. Contrairement à ces derniers, dont la répartition par âge présente deux sommets, l’un vers 25 à 30 ans et l’autre de 45 à 50 ans, celle des minijobbers en comporte trois, le premier concernant les jeunes de moins de 20 ans, le deuxième les personnes entre 40 et 50 ans et le troisième celles de plus de 60 ans. Le nombre de jeunes minijobbers augmente rapidement entre 15 et 20 ans, diminue doucement jusqu’à l’âge de 30 ans pour atteindre un léger plateau de 40 à 50 ans, avant de diminuer un peu à nouveau et de réaugmenter entre 60 et 66 ans. Les minijobs concernent donc tous les âges à partir de 15-16 ans ; ce n’est qu’au-delà de 70 ans que leur nombre diminue fortement.
20La répartition par âge suggère déjà une image qui sera confortée par les caractéristiques socio-économiques des personnes concernées. L’étude des deux agences officielles indique que les minijobbers exclusifs appartiennent essentiellement aux groupes de personnes suivants :
– femmes/hommes au foyer | 35,2 % |
– élèves et étudiants | 20,1 % |
– retraités | 22,4 % |
– chômeurs | 11,1 % |
– divers | 11,2 % |
21Les pourcentages indiqués ci-dessus se fondent sur l’évaluation faite par les personnes interrogées elles-mêmes lors du sondage effectué dans le cadre de l’étude. C’est ce qui explique le nombre élevé de « divers » [14]. Un tiers des minijobbers se trouvent dans la catégorie des personnes au foyer, surtout des femmes qui prennent en charge les soins apportés à la famille. Les élèves et les étudiants, majoritairement des garçons, représentent un cinquième du total, tout comme les retraités, groupe dans lequel hommes et femmes travaillent pratiquement en nombre égal. Chez les chômeurs, ce sont surtout les hommes qui exercent un minijob tout en percevant leurs allocations [15]. Les minijobbers constituent une population hétéroclite dont les motivations diffèrent selon le groupe auquel ils appartiennent, tant il est vrai que le droit social allemand offre des incitations spécifiques selon la situation des intéressés. La recherche de la protection sociale ne semble guère en faire partie.
Quelle protection sociale pour quel groupe de minijobbers ?
22Le droit social allemand a créé des incitations à l’exercice de « minijobs exclusifs » pour différents segments de la population concernée, notamment pour ceux dont les risques de maladie, de vieillesse ou de perte de revenus sont couverts par ailleurs. C’est ainsi le cas des bénéficiaires de pensions de retraite ou d’allocations sociales, mais aussi de ceux dont la protection sociale est assurée de façon indirecte par un ou plusieurs membres de la famille. Un autre groupe de personnes susceptibles de s’intéresser à un minijob est constitué de ceux qui ne recherchent ce type d’activité que de façon passagère, ce qui rend la nécessité de cotiser aux assurances sociales moins pressante. Ces considérations permettent de distinguer les groupes suivants selon leurs spécificités en matière de droit social (Körner et al., 2013) :
23• Les partenaires de salariés assujettis aux assurances sociales, ou de fonctionnaires : les conjoints ou les partenaires pacsés (eingetragener Lebenspartner) de salariés pleinement assujettis aux assurances sociales sont assurés (contre le risque de maladie par exemple) par le biais de leur partenaire – la plupart du temps par le mari –, au titre de la co-assurance exempte de cotisation, et pour la vieillesse par la pension de retraite du partenaire. Le nombre important de femmes au foyer exerçant un minijob s’explique aussi par une particularité du droit fiscal allemand. Le quotient conjugal (Ehegattensplitting) en vigueur en Allemagne conduit à ce que le dépassement de la limite de 450 euros pour le deuxième revenu du couple est peu intéressant du point de vue fiscal, car il conduit à une diminution du revenu net. C’est pourquoi de nombreux couples restent au-dessous de cette limite, en dépit du désavantage (jusqu’en 2012) pour le minijobber de ne pas se constituer de droits à la retraite à titre personnel.
24• Les chômeurs inscrits aux agences pour l’emploi : le droit social précise que tous les chômeurs, sans considération de la durée du chômage, continuent à être inscrits à l’assurance maladie sans verser de cotisation. C’est pourquoi ils s’engagent volontiers dans une activité professionnelle de faible ampleur, leur protection sociale étant assurée par ailleurs. Le problème pour eux réside dans le fait que les revenus qu’ils perçoivent sont imputés sur leurs allocations chômage dès qu’ils dépassent un certain seuil [16]. Un chômeur de longue durée qui gagne 400 euros par mois, par exemple, ne peut en conserver que 160, le reste étant inclus dans son allocation, règlement qui rend tout emploi plus rémunérateur peu intéressant sur le plan financier. Pour cette catégorie de minijobbers, se pose également le même problème que pour les personnes au foyer : s’ils ne cotisent pas aux caisses retraite, ils ne s’y constituent aucun droit à titre personnel.
25• Les retraités : pour le groupe de retraités, les incitations à la reprise d’un minijob à la fin de leur carrière sont réelles. Les droits à la retraite sont déjà acquis et ils continuent d’adhérer à l’assurance maladie légale. À la différence des chômeurs, ils conservent la totalité de leurs revenus provenant du minijob, à l’exception des bénéficiaires de certains types de retraites anticipées.
26• Les élèves et les étudiants : comme pour le groupe des retraités, les élèves et les étudiants ne subissent pas d’inconvénients en termes de protection sociale lors de l’exercice d’un minijob. Puisque celui-ci accompagne la phase de formation scolaire ou académique, il est en règle générale abandonné lors de l’entrée dans la vie active en tant que salarié assujetti aux assurances sociales. L’acquisition de points retraite n’est pas une priorité pour cette population. En outre, le risque maladie est couvert, soit par l’assurance maladie des parents, soit par celle de la caisse étudiants.
27Le positionnement des différentes catégories de minijobbers eu égard à la protection sociale montre que le problème le plus important de deux groupes sur quatre, les conjoints et les chômeurs, est celui de l’absence ou de l’extrême faiblesse des droits à la retraite acquis dans le cadre de leur minijob. C’est une des raisons majeures de la contestation dont cette forme de travail fait l’objet dans les milieux politiques et socio-économiques en Allemagne. Ce n’est toutefois pas la seule raison.
Les critiques à l’égard des minijobs
28Avant d’analyser les critiques émises à l’encontre des minijobs, il convient de s’interroger sur les raisons qui amènent autant d’entreprises allemandes à proposer des minijobs et sur celles qui poussent plus de 7 millions de personnes à accepter ce type d’emplois à temps très partiel, mal payés et sans protection sociale digne de ce nom. Selon une étude récente (Hohendanner et Stegmaier, 2012), les entreprises avancent essentiellement deux raisons pour expliquer leur recours massif aux minijobs : la baisse des coûts de personnel et l’accroissement de la flexibilité. Les salaires horaires bruts sont de fait moins élevés que ceux des salariés affiliés aux assurances sociales (Bäcker, 2007), et l’emploi de minijobbers permet de réagir de façon flexible aux présences et désirs variables des clients. C’est ce qui explique que, globalement, plus de la moitié des entreprises allemandes emploient des minijobbers, 56 % à l’Ouest et 37 % à l’Est, ce qui correspond à 12 % et 7 % respectivement de l’emploi total (Hohendanner et Stegmaier, 2012). Celles-ci se concentrent particulièrement dans le secteur des services, notamment la restauration et le commerce de détail. Mais la présence massive des minijobs dans les entreprises n’est pas le résultat de la seule stratégie des employeurs en matière de politique du personnel. Dans ce domaine, l’offre rencontre une demande importante provenant de groupes de population extrêmement hétérogènes, mais souvent bien informés des avantages et inconvénients de cette forme de travail et réagissant vigoureusement à toute entrave conçue par les pouvoirs publics pour endiguer ce phénomène [17].
29En dépit de l’approbation dont les minijobs bénéficient dans l’opinion publique, les critiques à leur encontre sont vives. Elles portent essentiellement sur le bas niveau des rémunérations, la faiblesse de la fonction de « pont d’accès » des minijobs vers un emploi stable, le danger qu’ils se substituent aux emplois réguliers et l’insuffisance des droits à la retraite. Alors que les minijobbers devraient en théorie bénéficier de l’ensemble des droits réservés aux salariés en matière de standards fixés dans les conventions collectives, il est probable que bon nombre d’entreprises ne les leur accordent pas, souvent parce que les salariés dans cette position ne connaissent pas leur droits ou n’osent pas les faire valoir (Herzog-Stein et Sesselmeier, 2012). La faible durée d’appartenance à l’entreprise et le contexte d’informalité dans lequel s’insèrent les minijobbers qui, le plus souvent, ne bénéficient pas d’un contrat de travail écrit, y contribuent également. Le deuxième argument selon lequel les minijobs ne mènent pas à un emploi stable est difficile à prouver. Si les employeurs estiment que bon nombre de minijobs débouchent sur un emploi normal, les syndicats considèrent que ce n’est pratiquement jamais le cas. Aucun des deux camps n’ayant de chiffres probants à produire, on peut estimer, en se basant sur la sociologie des minijobbers, que la probabilité qu’un minijob soit transformé en emploi stable est plutôt faible. La grande majorité des minijobs étant des activités fractionnables et peu exigeantes en termes de compétences, la faible rémunération et l’absence de perspectives sont intrinsèques.
30Les deux autres reproches – ils portent atteinte aux emplois stables et ils conduisent à la pauvreté des personnes âgées – sont formulés par les syndicats et par les milieux politiques, tant de droite que de gauche. L’étude récente conduite par l’Institut IAB, rattaché à l’Agence fédérale du travail précédemment citée (Hohendanner et Stegmaier, 2012), a analysé la relation entre création de minijobs et emplois assujettis aux assurances sociales, focalisant l’analyse sur les stratégies d’entreprises de tailles différentes et de secteurs d’activité variés [18]. Aux questions de savoir si les minijobs sont des emplois supplémentaires créés dans le cadre d’une augmentation de la main-d’œuvre, comme le soutient le patronat, ou s’il s’agit d’une transformation d’emplois réguliers en minijobs – parce que les entreprises ne proposent que cette variante de travail à temps partiel pour des raisons financières ou organisationnelles, selon la vision des syndicats –, l’étude apporte des réponses nuancées selon la taille des entreprises. Les minijobs sont très fréquents dans les entreprises de petite taille, notamment dans le secteur des services. Dans ces très petites entreprises (TPE), les minijobs semblent s’être substitués dans de nombreux cas à des emplois réguliers, bien qu’il ne soit pas certain que ces TPE aient été en mesure de créer des emplois réguliers, soit parce que les salariés préfèrent les minijobs avec leur absence de contraintes, soit parce que le volume d’heures travaillées est trop faible. Pour les entreprises d’une certaine taille, cent salariés et plus, les chercheurs ont constaté une situation inversée : l’accroissement du nombre de minijobs s’accompagne de la croissance de celui des emplois réguliers. Il ressort de cette analyse que, non seulement la population des minijobbers est très hétérogène, mais le recours aux minijobs et leur effet sur l’emploi est également très diversifié, ce qui rend l’évaluation de cette forme d’emploi particulièrement ardue.
31Si l’effet nocif des minijobs sur l’emploi prête à discussion, son impact négatif sur la situation des minijobbers à l’heure de la retraite n’est guère contesté. C’est le seul risque social qui n’est ni couvert par la famille, comme pour l’assurance maladie, ni compensé par le marché, comme pour le risque du chômage, les minijobs étant un marché de l’offre très mobile. À l’instar de l’assurance chômage, l’assurance retraite légale est étroitement liée à la biographie professionnelle des bénéficiaires. Le montant des prestations dépend essentiellement du nombre d’années de cotisation et du montant des revenus. Or la grande majorité des minijobbers – ainsi que des travailleurs indépendants – est exclue du système légal de la protection contre la pauvreté lors de la vieillesse. La réforme des retraites de 2013 pour ces salariés n’a qu’un impact très limité. C’est ce qui ressort de la réponse du gouvernement à une question posée au Bundestag par le groupe parlementaire de gauche Die Linke [19]. Selon les calculs du ministère du travail, les droits à la retraite acquis par un minijobber après un an de travail se montent à 3,11 euros par mois. Après quarante-cinq années de cotisation, la retraite, sur la base des valeurs actuelles, atteindrait 139,95 euros par mois. Si le minijobber cotise lui-même, en versant la différence entre les 15 % payés par son employeur et le taux normal de 18,9 %, il recevrait 182,70 euros. Qu’ils cotisent ou non, les détenteurs d’un seul minijob, ne pouvant vivre de leur retraite, sont tributaires de l’allocation vieillesse versée par l’État.
Le projet de réforme des retraites du gouvernement
32La ministre du travail, Ursula von der Leyen, consciente de la faiblesse des perspectives de retraite, notamment de celle des femmes, envisage de créer une retraite complémentaire pour tous ceux dont les droits à pension de retraite se situent au-dessous du minimum vieillesse. Ce projet, qui n’est pas encore connu dans les détails, viserait aussi les minijobbers, sous condition qu’ils cotisent eux-mêmes, qu’ils puissent faire valoir trente-cinq années de cotisation et s’inscrivent en outre à une assurance privée ou d’entreprise. Le projet initial envisageait d’accorder un montant uniforme de 850 euros à tous les bénéficiaires, montant nettement supérieur à celui du minimum vieillesse actuel [20]. Le ministère a prévu qu’environ 1,36 million de retraités en bénéficieraient d’ici 2030. Les coûts, 90 millions d’euros lors de l’introduction de la retraite complémentaire en 2013, seraient supportés par la caisse retraite légale. Ils atteindraient 3,39 milliards d’euros en 2030.
33Devant l’opposition tant des milieux politiques qu’économiques, le projet de Mme von der Leyen a été revu à la baisse. Le nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier de la retraite complémentaire a été porté à quarante. De plus, celle-ci ne serait attribuée qu’après vérification des ressources des bénéficiaires. Cet accord des partis de la coalition gouvernementale, qui laissait encore beaucoup de questions sans réponse, a reçu un avis défavorable de la CSU bavaroise, le parti sœur de la CDU, qui estime que le principe de la retraite légale et l’examen des ressources ne s’accordent pas. Devant ce refus, auquel les libéraux du FDP font écho, une réforme des retraites susceptible d’améliorer la protection sociale des minijobbers n’a pu voir le jour avant les élections au Bundestag du mois de septembre 2013. Les syndicats et les partis de gauche sont unanimes à estimer que le gouvernement n’a pas pris les mesures adéquates pour combattre la pauvreté des personnes âgées qui ne pourra qu’augmenter dans les années à venir. Le gouvernement sorti des urnes suite aux élections de septembre 2013 étant différent du précédent, la future réforme des retraites risque de prendre du temps.
Conclusion
34La réforme des minijobs de janvier 2013 a ravivé le débat autour de cette forme de travail à temps très partiel, car elle souligne les failles du marché de l’emploi et des politiques sociales. Alors que ses défenseurs les considèrent comme un instrument efficace pour la flexibilité dans les entreprises et contre le travail au noir, ses critiques estiment qu’ils sont la cause essentielle de l’accroissement des bas salaires et de la pauvreté des seniors. Depuis l’extension prise par ces emplois informels dans les années 1970, aucun gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, ne s’est avisé de les supprimer, craignant la fronde tant d’une fraction importante de l’électorat attachée aux facilités d’accès d’un type d’emploi considéré comme avantageux que des entreprises à la recherche d’une mesure de flexibilité dans un environnement réglementaire contraignant. Les inconvénients des minijobs en termes de protection sociale, notamment sous l’angle des retraites des femmes, sont bien connus, par les spécialistes comme par les salariés eux-mêmes, mais les avantages, ou supposés tels, du gain immédiat l’emportent sur les considérations d’avenir. Les gouvernements successifs, dans un va-et-vient entre laxisme et contrainte, se sont efforcés de contenter tantôt les défenseurs, tantôt les critiques des minijobs, dans leur tentative soit de maintenir une forme de flexibilité dans le marché du travail soit d’accroître la protection sociale des salariés concernés tout en ménageant la situation financière des caisses sociales. Les caisses de retraite et de maladie étant excédentaires actuellement, la réforme des retraites pour les minijobbers que le gouvernement vient d’entreprendre s’inscrit, par sa timidité, dans le mouvement des politiques sociales mises en œuvre depuis une quarantaine d’années. Elle n’accroît pas la protection contre la pauvreté des personnes âgées, le gouvernement s’en remettant, comme ses prédécesseurs, au filet de sécurité que représente le minimum vieillesse pris en charge par l’ensemble des contribuables. La crainte de l’augmentation du chômage semble toutefois être un motif insuffisant pour expliquer la persistance de cette exception allemande que constituent les minijobs.
Notes
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[*]
Professeur émérite de civilisation allemande contemporaine (université de Cergy-Pontoise) et membre du laboratoire Civilisations et identités culturelles comparées (CICC) (EA 2529).
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[1]
Deuxième loi sur les services modernes du marché de l’emploi, 22/12/2002, BGBl. I, p. 4621-4623.
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[2]
Le revenu comprend non seulement le salaire mensuel, mais aussi des versements annexes tels que les gratifications de Noël ou de congés. Dès que les revenus dépassent 12 x 450 euros = 5 400 euros par an, l’emploi cesse d’être un minijob. De même, pour une personne qui cumule plusieurs minijobs, dès que la limite de revenu annuelle est dépassée, l’ensemble des activités professionnelles à temps partiel est assujetti aux assurances sociales et, le cas échéant, aussi à l’impôt.
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[3]
Statistisches Bundesamt : https://www.destatis.de/DE/Startseite.html
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[4]
Les détenteurs d’un minijob, même si celui-ci ne comporte qu’un faible volume d’heures travaillées, ne figurent par conséquent plus dans les statistiques du chômage allemandes, ce qui doit inciter à considérer celles-ci avec une certaine prudence.
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[5]
De 2003 à 2006, le chômage en Allemagne a atteint des niveaux inconnus depuis les années cinquante : pendant quatre ans, 10 à 11 % de la population active était sans emploi ; ce n’est qu’en 2007, que le taux de chômage est tombé à 8,8 %. C’est aussi la seule période, depuis les trente dernières années, où le taux de chômage en Allemagne fut supérieur à celui constaté en France.
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[6]
Ces petits emplois créés à l’époque se situent dans la zone de rémunération qui va de 401 à 800 euros. Ils sont l’objet d’un régime de transition favorable aux salariés eu égard aux cotisations sociales. Alors que l’employeur verse la totalité des charges pour ses midijobbers dès que le salaire atteint 401 euros, le salarié lui-même ne voit ses cotisations augmenter que de façon graduelle, de 4 % au début pour atteindre le taux plein de 21 % pour un salaire de 850 euros.
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[7]
La limite de rémunération des minijobs est restée inchangée depuis 2003. Le passage de 400 à 450 euros correspond à une augmentation annuelle de 1,3 %, inférieure à l’évolution de l’inflation.
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[8]
À côté des minijobs existe le travail à temps partiel classique, assujetti aux assurances sociales et soumis à l’impôt, qui ne se distingue d’un emploi régulier que par un temps de travail réduit. Il bénéficie même d’un traitement plus favorable par le gouvernement, car tout salarié d’une entreprise de plus de quinze salariés peut exiger de son employeur de passer au temps partiel. Cette particularité du droit allemand tient compte de la popularité du travail à temps partiel auprès des salariés, notamment des femmes. En 2010, 46 % des femmes travaillaient à temps partiel, la variante régulière et la variante minijob confondues.
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[9]
Pour les particuliers employeurs, les droits du travail ne s’appliquent pas de la même manière. Les ménages n’étant pas considérés en Allemagne comme des entreprises au sens du code social ou du code civil, certaines règles ne s’y appliquent pas.
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[10]
Il est à noter que le taux des cotisations à l’assurance retraite et à l’assurance maladie versées par l’employeur est inférieur à ce qu’il verse pour des salariés réguliers. Pour ces derniers, la cotisation retraite atteint 18,9 % depuis 2013 et celle pour l’assurance maladie 15,5 % depuis 2011, financées pour moitié par l’employeur et par le salarié. Si le minijob est exercé auprès d’un employeur particulier, les cotisations forfaitaires exigibles au titre des assurances retraite et maladie ne sont que de 5 % chacune. Dans tous les cas, le minijobber est exempté de cotisation.
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[11]
Les obligations administratives incombent habituellement aux employeurs qui doivent déclarer leurs minijobbers auprès d’un organisme central unique, la caisse fédérale des mineurs, qui encaisse les contributions des entreprises et se charge de toutes les questions administratives, notamment de la déclaration auprès des assurances sociales.
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[12]
La cotisation minimale aux caisses retraite étant de 33,08 euros en 2013, et l’employeur ne versant dans tous les cas que 15 % du salaire, la part restant au salarié peut dépasser les 3,9 % s’il gagne moins de 175 euros par mois. Pour un minijobber qui touche un salaire de 100 euros par mois, une situation très répandue en Allemagne, la cotisation retraite qu’il lui reste à verser s’élève à 18,8 euros, c’est-à-dire presque 20 % de son salaire (Deutsche Rentenversicherung, 2013). Mais, rappelons-le, il peut refuser de cotiser.
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[13]
La Riester-Rente est l’appellation d’une retraite complémentaire facultative subventionnée par l’État. Elle a été introduite en 2002 par le ministre du travail de l’époque, Walter Riester, membre du gouvernement SPD/ Verts du Chancelier Gerhard Schröder.
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[14]
Interrogées sur ce qu’elles considèrent comme leur statut principal, un certain nombre de personnes, notamment parmi les personnes au foyer, se sont considérées principalement comme des actifs.
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[15]
Pour connaître le détail des chiffres, voir Körner et al. (2013) p. 50.
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[16]
C’est ce qui explique que les chômeurs de longue durée percevant l’allocation chômage II, aussi appelée Hartz IV, exercent souvent des minijobs de faible ampleur. La réforme Hartz IV de 2003 a défini de façon très strictes dans quelles conditions un bénéficiaire peut conserver tout ou partie de son revenu de travail. Les premiers 100 euros de son revenu net lui sont entièrement acquis. De 100 à 800 euros, il peut conserver 20 %, entre 800 et 1 200 euros, seulement 10 %. S’il gagne 450 euros par mois, limite permise pour les minijobs, il n’en conserve que 170 euros.
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[17]
Lorsque le gouvernement de Gerhard Schröder a considérablement réduit l’attrait des minijobs en 1999, la réaction de l’opinion publique a été si négative que ces restrictions ont rapidement été levées dans le cadre des réformes Hartz, quatre ans plus tard.
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[18]
Pour connaître la méthodologie employée par les chercheurs de l’IAB, voir Hohendanner et Stegmaier (2012) p. 6.
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[19]
Antwort der Bundesregierung auf die Kleine Anfrage der Fraktion Die Linke, (Drucksache 17/8928), Deutscher Bundestag, Drucksache 17/9117 du 26 mars 2012.
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[20]
Les prestations définies au §46 du code social XII (SGB XII) correspondent à l’assistance vitale (Lebenshilfe) de l’aide sociale, financée par l’impôt. Forfaitaires, elles sont définies par les gouvernements des Länder. Depuis le 1er janvier 2013, leur montant est de 382 euros pour une personne seule ; s’il s’agit d’un couple, s’y ajoutent 345 euros pour le conjoint. Les prestations complémentaires correspondent à celles accordées aux chômeurs de longue durée dans le cadre des lois Hartz IV, à savoir les frais de loyer et de chauffage ainsi que l’inscription gratuite aux assurances maladie et invalidité.