Introduction
1En septembre 2009, tandis que les débats autour de l’adoption de la réforme de santé se multiplient, Barack Obama s’adresse au Congrès : « Il y a le problème de la hausse des coûts. [La honte américaine] est d’avoir simultanément les plus hauts coûts de santé au monde et d’être le seul pays occidental à ne pas avoir de couverture de santé universelle. Nous dépensons pour notre système de santé, une fois et demie plus par personne que n’importe quel autre pays et nous ne sommes pas en meilleure santé pour autant » (Obama, 2009). Les Américains possèdent en effet le système le plus coûteux au monde. Leurs dépenses de santé représentent aujourd’hui 17,7 % de leur PIB, les classant dans ce domaine en tête des pays de l’OCDE. Le système américain se caractérise en particulier par des coûts médicaux plus élevés qu’ailleurs, autant à l’hôpital qu’en ville [1].
2Ce phénomène n’est pas nouveau. Déjà F.D. Roosevelt s’interrogeait sur les moyens de contenir les coûts croissants des soins médicaux [2]. Plus tard, au début des années 1970 et dans la même perspective, l’administration Nixon fera adopter le HMO Act, favorisant le développement des réseaux de soins [3]. L’inflation des coûts médicaux a donc été un problème récurrent aux États-Unis. Elle est cependant devenue aujourd’hui un problème majeur. En effet, après une période de moindre croissance au cours des années 1990, les coûts ont effectué une envolée spectaculaire depuis quinze ans. Un écart considérable entre les dépenses de santé américaines et celles des autres pays de l’OCDE est alors apparu (plus de 5 points de pourcentage entre les États-Unis et les Pays-Bas pourtant au 2e rang avec des dépenses représentant 12 % du PIB) (OCDE, 2012). Comment expliquer l’existence d’un tel écart ?
3Il est vrai que l’on pratique aux États-Unis une médecine onéreuse, que les dépenses administratives et de gestion du système de santé y sont plus élevées que partout ailleurs dans le monde développé, représentant 7,5 % des dépenses de santé (OCDE, 2006). Mais, plus fondamentalement, la reprise accélérée de l’inflation à partir des années 1997-1998 ne peut être dissociée de l’histoire récente du Managed Care américain.
4Après un développement économique spectaculaire, les HMO (Health Maintening Organizations) – forme la plus répandue des réseaux de soins – subissent, à la fin des années 1990, un désaveu brutal de la part de la population américaine (Managed Care backlash). Dans leur structure initiale, ces HMO visaient à promouvoir des prestations de qualité à moindre coût, notamment par l’instauration d’un parcours de soins. Ce parcours impose une sélection étroite des praticiens, des hôpitaux et une restriction dans le choix des protocoles délivrés, que les consommateurs de soins rejettent désormais avec force. Les parts de marché des HMO s’effondrent alors, les faillites se multiplient, le modèle est en crise. Cet échec retentissant marquera un changement fondamental dans les stratégies des assureurs privés américains. Alors qu’ils menaient une politique de restriction des coûts, ils chercheront désormais à introduire la diversité des choix pour satisfaire les préférences nouvelles de leur clientèle. Une concurrence non plus par les prix, mais par la qualité des soins (entendue ici comme la liberté de choisir des soins onéreux), se développe dès lors. L’élargissement des réseaux induira une reprise violente de l’inflation, principalement en raison du développement du pouvoir de marché des offreurs de soins, qu’il favorise. Ces derniers exercent en effet aujourd’hui aux États-Unis un pouvoir déterminant, leur permettant la plupart du temps d’imposer les prix des soins aux assurances.
5C’est dans ce contexte bien particulier qu’intervient la réforme Obama de 2010. Cette loi permettra-t-elle d’enrayer la progression inquiétante des coûts et les violentes inégalités d’accès aux soins qu’elle génère ? La loi de 2010 est incontestablement historique au regard de l’extension de la couverture maladie à plus de 30 millions d’Américains (sur les 50 millions qui en sont actuellement dépourvus) qu’elle prévoit. Son impact sur les coûts est en revanche beaucoup plus hypothétique. En particulier, la réglementation du marché de l’assurance qu’elle instaure, notamment l’encadrement des primes, l’introduction d’un panier de soins sur les bourses de santé et la taxation des contrats High costs (Cadillac ou Excise Tax), est-elle suffisante au regard du très puissant pouvoir de marché des offreurs de soins et de la nécessité pour les assureurs privés de satisfaire les préférences de leur clientèle ?
6Après avoir examiné les différents facteurs qui expliquent le niveau des coûts des soins médicaux aux États-Unis, nous nous demanderons si la réforme Obama peut limiter leur progression. L’expérience américaine nous apporte de ce point de vue deux enseignements fondamentaux. Elle porte d’abord un éclairage, à l’heure où leur introduction est discutée en France pour les assurances complémentaires, sur la performance des réseaux de soins dans un système privé, et notamment sur leur capacité à contenir les coûts sur une longue période. En second lieu, elle démontre la faible capacité des pouvoirs publics à peser sur les stratégies des assureurs privés, qui restent dictées par la satisfaction des préférences du consommateur, qu’elles soient ou non conformes à l’intérêt public.
Le problème du coût du système de santé américain
L’augmentation des coûts des soins médicaux aux États-Unis
7Aux États-Unis, les assureurs privés prennent en charge l’essentiel de la population assurée. Dans ce contexte, les entreprises jouent un rôle déterminant. On parle de système social d’entreprise car six assurés sur dix – soit 55 % de la population – souscrivent à des contrats d’assurance proposés par leur employeur. La plupart des offreurs de soins – plus de 70 % d’entre eux – sont aujourd’hui organisés en réseaux. Ces réseaux regroupent aujourd’hui de nombreuses formules autres que les HMO, et s’en distinguent essentiellement par la possibilité d’avoir recours à des soins externes au réseau. Ainsi, l’assuré peut-il choisir entre des soins proposés au sein du réseau ou consulter des praticiens en dehors, moyennant une charge financière supplémentaire. La crise des HMO à la fin des années 1990 a été à l’origine de leur quasi-disparition dans leur version intiale [4], au profit d’autres types de réseaux, offrant plus de choix, mais aussi plus coûteux [5]. En 2003, 95 % des personnes couvertes par leur employeur étaient engagées dans un réseau de soins contre 27 % en 1988 (Sauviat et Sommeiller, 2009). Ces réseaux de soins s’étendent aux programmes publics Medicare [6] et Medicaid (ou SCHIP) [7] qui couvrent respectivement 60 millions et 45 millions d’Américains (Rodwin et Tabuteau, 2010) ; il s’agit là des programmes publics d’assurance les plus importants au monde.
8Les dépenses de santé représentent aujourd’hui 17,7 % du PIB aux États-Unis, les classant dans ce domaine largement en tête des pays développés (OCDE, 2012). Comme dans la plupart des pays de l’OCDE, les dépenses de santé n’ont cessé d’augmenter depuis cinquante ans. La croissance des dépenses de santé a été le plus souvent supérieure à la croissance des PIB (OCDE, 2011). Cependant, la part des dépenses de santé dans le PIB a connu une hausse plus rapide aux États-Unis, où elle est passée de 5 % en 1960 à plus de 17 % en 2009 (OCDE, 2011). Ce niveau est de 5 points supérieur à celui des deux pays où les dépenses sont les plus élevées après les États-Unis (les Pays-Bas et la France, qui ont respectivement consacré 12 % et 11,8 % de leur PIB à la santé). Ce différentiel entre les États-Unis et l’Europe s’est notamment creusé depuis le début des années 2000 (OCDE, 2011).
9Les Américains dépensent en moyenne deux fois et demi plus pour leur santé que les Européens. Ces dépenses sont plus élevées pour toutes les catégories de soins, mais surtout depuis quelques années, pour la médecine de ville. Il s’agit là du poste qui augmente le plus rapidement. Les dépenses de médecine ambulatoire représentent en effet un quart de l’augmentation des dépenses de santé entre 2003 et 2006 (OCDE, 2012). L’hôpital est aussi un poste de dépenses important. Les Américains ont dépensé en 2010 trois fois plus que les autres pays développés, pour leurs soins hospitaliers (OCDE, 2012). En 2010, le coût d’une journée d’hôpital était en moyenne deux fois plus élevé aux États-Unis que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Une même intervention chirurgicale – telle que l’appendicectomie, ou l’angioplastie coronarienne – peut être deux ou trois fois plus chère aux États-Unis qu’en France. De la même façon, les consultations de ville sont en moyenne mieux rémunérées aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE, notamment celles des spécialistes (OCDE, 2012) [8].
10Les causes de l’augmentation des dépenses de santé ont fait l’objet de plusieurs études dans les vingt dernières années (Ruprecht et al., 1997). Aux États-Unis, comme dans les autres pays développés, la performance croissante des pratiques médicales et le progrès technologique expliquent en partie l’évolution des coûts des soins (Dormont, 2009). Ils ne peuvent cependant expliquer entièrement la supériorité des prix américains par rapport à ceux des autres pays de l’OCDE (Farrell et al., 2008 ; Aaron et Ginsburg, 2009). Cette différence de prix est en effet aujourd’hui telle qu’elle ne peut s’expliquer totalement par une différence de performance dans les soins délivrés. En outre, les résultats en matière de performance médicale [9] sont très proches de ceux des autres pays qui pratiquent des prix plus bas (Aaron et Ginsburg, 2009, Anderson et al., 2003 ; OCDE, 2011).
11Dans les quinze dernières années, le surcoût du système américain tend essentiellement à s’expliquer par des facteurs institutionnels. En premier lieu, les coûts administratifs et de gestion de l’assurance sont plus élevés aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE. Les chiffres font débat. Pour certains, ces coûts expliqueraient presque 15 % des dépenses de santé américaines (Anderson et al., 2003 ; Farrell et al., 2008). Pour l’OCDE, ces coûts s’élevaient en 2004 à 7,5 % des dépenses de santé américaines contre 4 % en France (OCDE, 2006). Bien qu’importantes, ces dépenses restent toutefois relativement constantes dans le temps et ne permettent donc pas d’expliquer fondamentalement la forte croissance du coût du système américain dans les quinze dernières années.
12En revanche, le coût de la pratique médicale aux États-Unis et, en particulier, le recours intensif aux examens biologiques, d’exploration et aux services de soins intensifs hospitaliers semblent déterminants ; le nombre de scanners et d’IRM, par exemple, a augmenté de manière spectaculaire entre 1997 et 2006 (OCDE, 2011).
13Enfin, le renforcement du pouvoir de marché des offreurs de soins apparaît comme un facteur explicatif fondamental du surcoût du système américain (Draper et al., 2002 ; Anderson et al., 2003 ; Reinhardt et al., 2004 ; Polton, 2004 ; Ginsburg, 2010). Nous verrons ici comment le Managed Care a notamment favorisé, dans les années 1990, la structuration et la position stratégique des offreurs de soins, qui sont aujourd’hui en mesure d’imposer leurs prix aux assureurs privés (Draper et al., 2002 ; Polton, 2004).
Une pratique médicale coûteuse
14La médecine américaine est souvent considérée comme une médecine de l’excellence, en quête de performances, parfois même au détriment de la qualité de la vie des patients. On pratique souvent aux États-Unis une médecine plus agressive que dans d’autres pays, plus obstinée, traquant le moindre espoir d’amélioration de la santé du patient.
15On évoque souvent la « connexion médico-culturelle » pour expliquer cette particularité américaine (Brown, 2011). Le système américain repose sur un enseignement médical de haut niveau au sein duquel est diffusée une recherche scientifique dynamique et de qualité. Les États-Unis ont développé une vaste infrastructure d’hôpitaux de pointe (premiums). Sur la base des données OCDE de 2006, Farrell et al. (2008) montrent que les cinq meilleurs hôpitaux américains produisent à eux seuls davantage d’essais cliniques que chacun des pays de l’OCDE pris isolément.
16Les bénéfices de cette recherche sont ensuite rapidement exploités. Les États-Unis sont en effet, en moyenne, plus rapides que les autres pays de l’OCDE pour adopter de nouvelles techniques chirurgicales, de nouvelles méthodes d’anesthésie et de nouveaux traitements thérapeutiques. En particulier, les nouveaux traitements pharmaceutiques sont, en moyenne, adoptés un an et demi plus tôt aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE (Farrell et al., 2008).
17L’adoption rapide de ces innovations n’a cependant pas toujours des implications positives sur la qualité des soins. Certaines apportent en définitive des bénéfices marginaux ou parfois même négatifs, comme ce fut le cas pour des traitements de chimiothérapie contre les cancers du sein ou de la prostate. L’étude de Farell cite l’exemple du traitement du cancer du sein, qui consistait à administrer de fortes doses de chimiothérapie (au moyen de greffons) et dont les médecins américains se sont massivement emparés. Quelques années plus tard, une étude plus détaillée et statistiquement étayée a démontré l’inefficacité de cette thérapie. Le retour à des chimiothérapies plus légères a alors été observé. Le coût de cet épisode a été évalué à 3,2 billions de dollars et à plus de 9 000 décès (Farrell et al., 2008). Néanmoins, ces mauvaises expériences restent limitées et les États-Unis initient le plus souvent des traitements performants et novateurs qui s’exportent ensuite à l’étranger.
18Outre l’adoption rapide de techniques et de méthodes nouvelles, la pratique médicale américaine se caractérise aussi par le recours plus intense qu’ailleurs aux services et examens médicaux. On observe en effet un nombre de lits d’hôpitaux en soins intensifs plus élevé aux États-Unis qu’ailleurs, et surtout un recours plus élevé aux moyens d’exploration et de diagnostic (IRM, scanner,…). Ainsi, peut-on noter que le recours aux scanners est, dans les dernières années, deux fois plus élevé aux États-Unis qu’au sein des pays de l’OCDE (40,7 par million d’individus contre 22,6 par million en moyenne OCDE, en 2010) [10] (OCDE, 2012). Cette évolution est notamment marquée depuis le début des années 2000, tandis que la fréquence des maladies est restée constante (Smith-Bindman et al., 2008 ; OCDE, 2011). Certaines études ont tenté d’évaluer les effets bénéfiques sur le plan médical de l’importante augmentation des scanners et des IRM aux États-Unis, sans toutefois jamais parvenir à apporter de preuve concluante (Baker et al., 2008).
Les limites du Managed Care et la structuration du pouvoir de marché des offreurs de soins
19En 1972, l’administration Nixon met en place l’HMO Act dans l’objectif de contenir les coûts en progression constante, tout en augmentant la qualité des soins. Les HMO représentent la forme la plus accomplie du Managed Care mais, parallèlement, plusieurs formules alternatives se développent. On attend alors principalement de la concurrence entre assureurs qu’elle induise la minimisation des coûts [11], notamment en rationalisant le parcours de soins. Dans cette perspective, le contrôle de l’activité médicale – par la sélection des offreurs de soins, l’instauration de référentiels des pratiques, le développement de la prévention, le suivi des maladies chroniques, la demande d’entente préalable pour les soins coûteux, le contrôle des salaires, etc. – vise à contenir les coûts. Ces contrôles permanents des offreurs de soins, ces restrictions rigoureuses sur le choix des protocoles, de même que ces négociations étroites concernant les rémunérations génèrent au sein des HMO, des tensions fortes et des relations conflictuelles entre offreurs de soins et directeurs de réseaux, génératrices de coûts de transaction élevés.
20Néanmoins, la recherche de performances est aussi dominante, en particulier, la sélection de compétences pointues apporte la garantie d’une qualité importante dans les prestations délivrées, ce qui constitue un des attendus fondamentaux du Managed Care. Toutefois, dans les années 1980 et 1990, le choix du patient est fortement contraint : médecins de soins primaires, spécialistes, hôpitaux, de même que les traitements et produits pharmaceutiques lui sont le plus souvent imposés par le HMO. Des autorisations préalables pour déclencher l’administration des soins coûteux sont aussi nécessaires et les médecins et hôpitaux sont tenus de suivre des protocoles de soins pré-définis et de prescrire les produits imposés, ce qui limite considérablement les possibilités de choix pour le patient. Celui-ci peut toujours décider d’aller consulter hors du réseau, mais il n’est alors plus pris en charge.
21Des stratégies de recherche de parts de marché se développent au cours des années 1980 et 1990. Les HMO gagnent rapidement des parts de marché. En 1988, ils représentent 60 % du marché des assurances financées par les entreprises. En 1992, ces réseaux couvrent 41 millions de personnes contre 19 millions en 1985 (Kaiser Family Foundation, 2004). Le succès économique des réseaux de soins a donc été spectaculaire au cours des années 1990. Les grands groupes HMO, à but lucratif, sont cotés en bourse, les adhérents sont de plus en plus nombreux. Entre 1993 et 1998, les coûts de santé évoluent à un rythme inférieur à celui de la croissance du PIB, ce qui constitue un résultat inédit dans l’histoire de l’assurance maladie américaine (Draper et al., 2002)
22Mais à la fin des années 1990, les HMO subissent soudainement un désaveu cinglant de la part de la population américaine. Un mécontentement croissant des assurés est l’origine de ce revirement inattendu et brutal. De nombreuses études américaines analysent alors ce qui est décrit comme le « Managed Care backlash » (Blendon et al., 1998 ; Robinson, 2001 ; Draper et al., 2002). Ces études montrent pour l’essentiel que cette insatisfaction, certes très médiatisée, reste néanmoins peu fondée au regard des résultats économiques obtenus par les HMO (Blendon et al., 1998 ; Miller et Luft, 2002 ; Polton, 2004). Miller et Luft montrent en particulier, dans une étude effectuée sur la période 1997-2001, que les coûts des soins HMO sont nettement inférieurs aux autres types d’assurances (11 à 34 % en moins). En outre, les patients HMO consomment moins de soins hospitaliers et d’examens coûteux [12]. De même, la participation financière de ces patients reste inférieure à celle des assurés des autres structures (Miller et Luft, 2002). D’un point de vue qualitatif, les résultats des HMO sont en revanche plus controversés. En particulier, certains font valoir une relativement faible performance à l’endroit des populations les plus fragiles et les plus malades (Miller et Luft, 2002). En réalité, des enquêtes d’opinion réalisées à la fin des années 1990, montrent que ce large désaveu s’enracine dans un sentiment de défiance quant à la prise en charge de maladies graves (Blendon et al., 1998). Plus précisément, la restriction d’accès aux traitements thérapeutiques et aux produits pharmaceutiques, de même que l’impossibilité de choisir son médecin, en particulier spécialiste, ou son hôpital, sont de plus en plus mal acceptées par les patients HMO, surtout en cas de maladie grave (Miller et Luft, 2002 ; Blendon et al., 1998).
23En cette fin des années 1990, des procès retentissants entre patients et réseaux alimentent ce sentiment de défiance croissant à l’encontre des HMO. Ils rencontrent une résonance politique, puisque la quasi-totalité des États adoptent alors des réglementations destinées à protéger les patients face aux HMO. En particulier, la réglementation de certains États stipule que les réseaux peuvent être condamnés si le patient subit des dommages liés à la restriction d’accès aux soins (Hall et Agrawall cité par Polton, 2004 ; Blendon et al, 1998). Notons que ces réglementations ne visent nullement à encadrer, ni même à orienter l’activité des assureurs.
24Elles se limitent à l’amélioration de la protection du consommateur de soins (Polton, 2004). Enfin, ce climat délétère est renforcé par l’insatisfaction de plus en plus médiatisée des offreurs de soins HMO, dénonçant notamment les fortes contraintes qui pèsent à la fois sur leur activité quotidienne et leurs rémunérations.
25Ce désaveu s’est traduit par une diminution brutale des parts de marché des HMO, passées de 60 % en 1988 à 25 % en 2001 [13] (Kaiser Family Foundation, 2004). Le début des années 2000 est aussi marqué par des faillites retentissantes de quelques puissantes HMO. Il s’agit là d’un tournant fondamental et souvent mesestimé de l’histoire de l’assurance maladie américaine.
26En réaction et à partir des années 1998-1999, les HMO adoptent de nouvelles stratégies. Tout d’abord, la logique de restauration des profits, dans laquelle ils s’engagent alors, les conduit à se retirer de certains marchés, jugés peu rentables. En particulier, ils se désengagent significativement des programmes publics (Blendon et al., 1998 ; Draper et al., 2002). Mais plus fondamentalement, les HMO cherchent à introduire une plus grande flexibilité et un choix de soins plus large, de façon à satisfaire les exigences nouvelles de la clientèle (Draper et al, 2002 ; Polton, 2004). Il s’agit de proposer à l’assuré un plus grand nombre d’options possibles dans la prise en charge de ses soins. Des variétés de plans à options soumis au choix du consommateur (consumer driven health plans) vont alors tendre à se multiplier, faisant l’objet d’une surenchère entre les assureurs. L’assuré choisit sur des listes d’offreurs de soins, des formules plus ou moins onéreuses. Le plus souvent, il prend en charge les conséquences financières de ses choix les plus onéreux, soit par le biais d’une prime ou d’un ticket modérateur plus élevé. Au total, tout un ensemble de plans personnalisés à étages (tiered networks) sont progressivement développés, en fonction « de ce que le patient est prêt à payer ». Notons au passage que l’introduction du financement personnel du soin, même partiel, constitue un recul de la solidarité qui sous-tend en principe l’assurance (Robinson, 2001 ; Polton, 2004).
27Ainsi, une concurrence, non plus sur les prix mais désormais sur la qualité des soins proposés, entendue ici comme la flexibilité du dispositif et la possibilité de choisir des soins coûteux, s’est développée au sein des HMO à partir des années 2000. De fait, la distinction entre HMO et les autres formules des réseaux (offrant plus de liberté au patient) est devenue ténue.
28Parallèlement, cet élargissement des réseaux a induit une reprise de l’augmentation des coûts des soins à partir des années 1998-1999 (Draper et al., 2002 ; Polton, 2004). En effet, les réseaux plus larges ont d’abord renforcé la position des offreurs de soins face aux directeurs de réseaux. Les HMO se sont alors livrés à une surenchère pour attirer les médecins devenus relativement moins nombreux au regard des nouveaux besoins. Les médecins et les hôpitaux ont pu obtenir de meilleurs niveaux de rémunérations et, assez souvent même, l’instauration du paiement à l’acte (ou la rémunération à la journée pour les hôpitaux).
29Ce nouveau « pouvoir de marché » des offreurs de soins est aussi parallèlement le produit d’une structuration progressive de ces offreurs au cours des années 1990. Celle-ci s’est opérée en réaction aux restrictions qui s’exerçaient au sein de ces réseaux (Draper et al. 2002 ; Polton, 2004). S’agissant des médecins, plus souvent spécialistes, des « groupes médicaux » s’étaient en effet peu à peu constitués, exerçant dans certains États un pouvoir considérable face aux assureurs (Polton, 2004). Ce mouvement de concentration a été plus sensible encore pour les hôpitaux, dont les « consolidations » ont été nombreuses et fréquentes au cours des années 1990. Ainsi, le secteur hospitalier a-t-il fortement concentré son activité : les trois quarts du marché des hôpitaux à but lucratif est principalement contrôlé par deux chaînes : Columbia/HCA et Tenet, dont la puissance économique leur permet aujourd’hui d’imposer leurs prix (Draper et al, 2002 ; Polton, 2004 ; Sauviat et Sommeiller, 2009). En définitive, le pouvoir de marché que les offreurs de soins ont progressivement acquis au cours des années 1990 se trouve définitivement renforcé par l’élargissement des réseaux au début des années 2000.
30En outre, au sein de ces réseaux élargis, les contrôles de l’activité médicale se sont considérablement assouplis, les directeurs de réseaux cherchant à limiter les conflits avec les offreurs de soins, jugés désormais trop coûteux. Les tensions se sont aussi dissipées à mesure que les restrictions que supposaient des protocoles et des produits imposés disparaissaient. Les demandes d’autorisation préalable pour les soins coûteux ont quasiment partout disparu, permettant alors la multiplication des protocoles les plus chers (Polton, 2004). Comme le note Draper, à mesure que les HMO s’éloignaient de la restriction d’accès aux produits et aux praticiens et que les contrôles diminuaient, les coûts augmentaient parallèlement (Draper et al., 2002).
31Ces coûts se sont répercutés sur les primes, dont le niveau a dès lors considérablement augmenté (Draper et al., 2002). Entre 2000 et 2009, les primes d’assurance liées à l’emploi ont augmenté de 108 % [14], évoluant à un rythme supérieur à celui de l’inflation (Davis, 2009, Kaiser Family Foundation, 2010b). Dans le contexte économique relativement favorable de la fin des années 1990, les employeurs ont, dans un premier temps et le plus souvent, accepté de prendre en charge les coûts supplémentaires des plans de santé de leurs employés. Mais rapidement, et à mesure que les difficultés économiques se développaient, la participation financière des employés a progressé. Ginsburg et Gabel (2001) montrent en particulier que rapidement, dès 1997-1998, le partage des coûts entre employeurs et employés s’est modifié, et de façon différente selon les types de réseaux et les plans proposés. Partout néanmoins, la participation financière des employés a été plus importante.
32La croissance exponentielle de ces primes a eu plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, ces primes élevées ont constitué des charges plus lourdes pour les entreprises, ce qui a pesé sur leur compétitivité. Ensuite, beaucoup de petites et moyennes entreprises se sont désengagées des programmes d’assurance de leurs salariés, laissant ces derniers souvent sans couverture maladie. De nombreux Américains non salariés (professions libérales, entrepreneurs, etc.), qui ne peuvent bénéficier de tarifs négociés par une entreprise, ont été de la même façon évincés du marché de l’assurance. Ainsi, la hausse considérable des coûts des soins médicaux de ces dernières années a fini par compromettre la couverture maladie de plus en plus d’Américains. C’est précisément dans ce contexte, aggravé par la crise de 2007, qu’intervient la réforme Obama.
La réforme Obama peut-elle limiter la hausse des coûts médicaux ?
Les arguments économiques d’Obama
33Lorsqu’il défend sa réforme en 2009, Obama s’attache d’abord à dénoncer les niveaux exhorbitants des primes et des contrats d’assurance : « Le problème n’est pas seulement le fait que plus de 30 millions [15] de personnes ne soient pas couvertes, c’est aussi le fait que certains assurés paient trois fois plus cher leur assurance que les autres, que certains ne trouvent pas d’assurance, en raison d’antécédents médicaux défavorables. En deux ans, un Américain sur trois a perdu son assurance à un moment ou à un autre. Chaque jour, 14 000 Américains perdent leur couverture : cela peut arriver à n’importe qui. » (Obama, 2009). La hausse des primes d’assurance n’a pas seulement pesé sur la situation économique des employés et des employeurs ; elle a aussi entraîné l’exclusion ou le renoncement de nombreux Américains aux programmes d’assurance.
34Autre conséquence de l’inflation des coûts : l’accroissement de la sélection des risques. La sélection des risques est un problème majeur aux États-Unis. Le cadre concurrentiel dans lequel s’organise l’activité des assureurs les incite à sélectionner leur clientèle. Pour minimiser les coûts, les assureurs cherchent ainsi à capter les « bons risques ». En substance, des contrats incomplets et moins chers sont proposés afin d’attirer les patients les moins malades et évincer les malades les plus coûteux (malades chroniques, personnes âgées, etc.). La hausse des coûts renforce ce phénomène dans la mesure où les assureurs vont chercher à garantir leurs profits. Dans le contexte qui vient d’être décrit, où les coûts élevés s’expliquent en partie par le pouvoir de marché des offreurs de soins, les assureurs sont en effet davantage incités à sélectionner leur clientèle plutôt que d’affronter les offreurs de soins (Polton, 2004).
35Au moment où Obama arrive au pouvoir en 2008, près de 50 millions d’Américains n’ont pas d’assurance maladie. Ce chiffre augmente en continu, à raison d’un million supplémentaire de non-assurés par an (Vaudagna, 2012). Ce phénomène touche très directement les Américains en situation précaire, non éligibles aux programmes publics, c’est-à-dire une partie non négligeable de la classe moyenne américaine. Ces populations non couvertes sont de ce fait exposées de plein fouet à la maladie et à ses conséquences économiques. On assiste à de réelles tragédies humaines. On déplore notamment un nombre croissant de décès, de handicaps et de pathologies évitables, faute de prises en charge adaptées pour ces personnes non assurées. L’Institut national de médecine avait estimé, en 2001, l’existence d’une surmortalité de 18 000 morts par an pour les populations non couvertes (Institute of Medecine, 2001).
36Parallèlement, bon nombre de petites et moyennes entreprises se sont désengagées à leur tour des programmes d’assurance santé de leurs employés, notamment depuis la crise de 2007. Ce désengagement s’est traduit par une diminution de la couverture maladie de leurs retraités : en 2006, un tiers seulement des entreprises de plus de 200 salariés continuaient à assurer le risque maladie de leurs retraités, contre deux tiers en 1998 (Cohu et Lequet-Slama, 2007). Les autres entreprises, celles qui continuent à offrir une couverture maladie à leurs employés, ont vu leurs charges considérablement augmenter ces dernières années. Leur compétitivité s’en est trouvée diminuée. Obama rappelle combien ces entreprises sont, de ce point de vue, pénalisées sur la scène internationale (Obama, 2009).
Les principales mesures de la réforme de 2010
37La réforme Obama est sans aucun doute la réforme de santé la plus importante conduite dans le pays depuis quarante ans. Des fonds d’un montant élevé ont été et seront débloqués en direction de l’État fédéral et des États fédérés pour la mise en place de ces mesures. Cette loi, dont le coût a été évalué à 931 billions de dollars par le CBO (Congressional Budget Office), devrait pouvoir être financée essentiellement par la réforme de Medicare, notamment l’augmentation des cotisations pour les revenus supérieurs à 200 000 dollars par an pour un célibataire et 250 000 dollars pour un couple marié (Kaiser Family Foundation, 2010a), la taxe sur les contrats high costs (Cadillac ou excise Tax) et l’amélioration des pratiques médicales dans les dix années à venir (Congressional Budget Office, 2009). Des innovations majeures, telles que l’évaluation des traitements médicaux ou l’instauration d’un programme national d’assurance pour les soins de longue durée, sont prévues dans le cadre de cette loi ambitieuse [16].
38Un des points fondamentaux de la loi porte sur la réforme de Medicare et l’introduction d’incitations destinées à l’amélioration des performances dans les pratiques médicales et la délivrance des soins au sein de ce programme. En particulier, la loi vise à développer de nouvelles formes de rémunération des soins, en instaurant par exemple le Bundled payment (ou bundling) qui consiste à grouper différentes prestations donnant lieu à un paiement unique. Par exemple, le patient paiera en une seule fois une hospitalisation et les soins de suite ou le suivi d’une maladie chronique. Cette mesure permettra aussi de limiter le coût et le nombre des réadmissions hospitalières, qui seront fondues dans les frais de l’hospitalisation initiale (Cutler, 2010). Des incitations destinées à l’amélioration des performances des offreurs de soins et à la coordination des soins sont aussi prévues au sein de Medicare et de Medicaid. Dans cette perspective, l’Accountable Care Organizations (ACO) vise à inciter financièrement les praticiens à coordonner leurs soins et à rechercher l’efficacité (comparative effectiveness research) en évitant par exemple les examens redondants. Cet aspect de la loi est fondamental, nous verrons que l’administration Obama entend dégager par ces mesures de réels gains de productivité, permettant notamment de financer en bonne partie l’extension de la couverture maladie que prévoit la loi (Aaron et Ginsburg, 2009).
39L’axe principal de la loi se structure en effet autour de l’extension de la couverture maladie à une plus grande partie de la population. On estime que la loi permettra à 34 millions d’Américains supplémentaires, qui en sont actuellement dépourvus, de contracter une assurance santé. Dans cette perspective, la loi prévoit l’obligation d’assurance imposée aux particuliers et aux entreprises. Avant la fin 2014, les Américains devront contracter ou renouveler leur assurance (principalement via leur entreprise), sous peine d’être sanctionnés par une amende. Initialement, la pénalité est faible, 95 dollars ou 1 % du revenu selon les cas. Ces pénalités augmentent rapidement jusqu’à 695 dollars par an et par individu, 2 085 dollars par famille ou 2,5 % du revenu à partir de 2016 (le montant le plus élevé des deux sera retenu) (Kaiser Family Foundation, 2010a). À l’exception des petites structures comptant moins de 50 salariés, les entreprises seront soumises à cette même date à l’obligation de proposer à leurs employés au moins un « plan » d’assurance, sous peine, là encore de se voir appliquer des sanctions financières. S’agissant des petites entreprises, elles seront incitées à couvrir leurs salariés, notamment par des crédits d’impôts accordés par l’État.
40Hautement symbolique, l’obligation d’assurance a suscité de virulents débats, conduisant Obama à en justifier la pertinence de façon permanente : « l’existence d’individus non assurés, expliquait-il, induit des coûts supplémentaires pour la population. Le financement des soins d’un nombre croissant de non-assurés coûte cher à la société : chacun d’entre nous paie un impôt caché et croissant – environ 1 000 dollars par an – que nous versons à l’État pour qu’il vienne en aide aux plus démunis » (Obama, 2009). Les coûts induits par les non-assurés viennent en effet peser lourdement sur la situation économique des Américains. La notion de « responsabilité partagée » est alors évoquée. Il s’agit non seulement d’une responsabilité morale de chacun envers la société, mais aussi plus pratiquement, d’une dette économique contractée par celui dont les soins sont pris en charge par la société. En conséquent, il devra s’en acquitter en payant des pénalités.
41Le développement de la couverture maladie au sein de la population américaine est rendu possible à la fois par l’extension de Medicaid et la création de « bourses de santé ». La loi prévoit en effet l’extension de Medicaid à toute personne de moins de 65 ans, dont le revenu est inférieur à 133 % du seuil de pauvreté (défini au niveau fédéral), soit 14 404 dollars par an et par individu ou 29 237 dollars par an et par famille (Office of the Legislative Counsel, 2010). Cette mesure est associée à l’établissement d’un seuil d’admissibilité universel, commun à tous les États. Ainsi, la moitié de la population actuellement non assurée remplira désormais les conditions de prise en charge par Medicaid. En particulier, les adultes qui n’ont pas d’enfants à charge et qui remplissent les conditions d’éligibilité y auront désormais accès. On estime à plus de 16 millions le nombre supplémentaire de bénéficiaires de Medicaid dû à cette modification des critères d’éligibilité [17] (Kaiser Family Foundation, 2010b).
42Par ailleurs, les personnes (particuliers ou salariés des petites entreprises) dont le revenu dépasse 133 % du seuil de pauvreté, mais qui ne sont pas couvertes par une assurance santé, pourront désormais s’assurer via des bourses de santé (State Health Insurance Exchanges). Ces « bourses de santé » seront organisées par les différents États et seront réservées aux seuls particuliers et petites entreprises. Les grandes entreprises n’y auront en effet pas accès. Ces bourses de santé ont pour objectif de faciliter l’accès à l’assurance des particuliers et des petites entreprises en leur faisant bénéficier de contrats négociés. Leurs bénéficiaires auront dès lors accès à l’assurance dans des conditions plus favorables, comparables à celles des salariés des grandes entreprises.
43Chacun des cinquante États fixera ainsi des contrats de base devant remplir un certain nombre de critères. Ils devront inclure en particulier un panier de soins de base obligatoire, à côté d’autres services pouvant être, quant à eux, proposés à titre optionnel. Précisément, les assureurs devront proposer quatre niveaux de couverture qui varieront selon le taux de cotisation, les dépenses médicales effectives des assurés et la nature des prestations incluses dans chaque contrat. Chacun de ces quatre niveaux de couverture ouvrira droit à toutes les prestations médicales de base et offrira pour les autres soins un taux de remboursement compris entre 60 % et 90 % (Office of the Legislative Counsel, 2010).
44Ces bourses seront financées par les cotisations des bénéficiaires. Il ne s’agit donc pas de structures publiques. Néanmoins, des subventions du gouvernement fédéral (notamment sous la forme de crédit d’impôt) sont prévues pour les familles dont le revenu représente entre une et quatre fois le seuil national de pauvreté et qui n’ont pas encore de couverture santé. Par ailleurs, les primes seront plafonnées en fonction des ressources des assurés [18]. Cette mesure devrait « lester » le marché de l’assurance en matière de prix, en assurant notamment la permanence de contrats de base.
45En outre et s’agissant du fonctionnement de ces bourses de santé, les assureurs ne sont pas tenus d’y participer. Or, les conditions de réussite de cette mesure dépendent en grande partie de l’adhésion massive des assureurs à ces nouvelles structures. Selon un rapport de la PwC (Health Research Institute, 2011), une majorité d’assurances déclare vouloir participer à ces bourses de santé. De fait, les assureurs ont intérêt à intervenir sur ce marché, afin de capter une clientèle nouvelle : celle des particuliers et petites entreprises. En outre, dans le cadre des bourses de santé, la loi interdit à ces assurances privées de refuser d’assurer une personne, pour quelque motif que ce soit. En particulier, la sélection des clients à partir de leurs antécédents médicaux est illégale dans ce cadre. De la même façon, il n’est pas non plus possible d’exiger des primes supplémentaires pour raisons médicales, ni même de plafonner les remboursements ou encore de résilier un contrat (sauf pour cas de fraude). Par ailleurs, un ensemble de mesures visent à encadrer l’augmentation des primes d’assurance. Ces augmentations devront désormais toujours être justifiées, en particulier il s’agira de rendre compte de la façon dont les primes sont utilisées par les assureurs.
46Enfin, la loi Obama prévoit la taxation des contrats les plus onéreux, les célèbres contrats « Cadillac Plans » [19], dont certains salariés bénéficient dans le cadre de leur contrat de travail. L’objectif est ici de briser la dynamique de surenchère sur la qualité et la diversité des choix qu’exercent les assureurs. À partir de 2018 donc, les primes de ces contrats high costs, dont la valeur dépasse 10 200 dollars par personne ou 27 500 dollars pour un couple, seront soumis à une taxe de 40 %. Cette mesure devrait rapporter 32 milliards de dollars dans les dix années à venir (Kaiser Family Foundation, 2010a).
47L’ensemble de ces mesures, depuis l’obligation d’assurance, la création des bourses de santé, jusqu’à la réforme de Medicaid ou la réglementation du marché de l’assurance, permettront de toute évidence d’étendre significativement la couverture maladie aux États-Unis.
Faible impact des mesures adoptées sur les coûts médicaux
48Les effets attendus de la réforme continuent encore aujourd’hui de faire l’objet de nombreux débats. En particulier, la capacité de celle-ci à peser sur l’évolution rapide des coûts médicaux pose question.
49D’un côté, la réforme de 2010 est considérée comme le moyen non pas de diminuer ou de limiter les dépenses de santé, mais au contraire de les accélérer et, de ce fait, de peser davantage encore sur l’économie américaine. En particulier, Howard estime que l’extension de Medicaid et les subventions fédérales destinées aux personnes à faible revenu et amenées à intervenir sur les bourses de santé représentent des centaines de millliards de dollars qui viendront creuser davantage encore les déficits publics. Face à l’importance de ces subventions, les mesures visant à modifier les pratiques médicales et la délivrance des services (Bundled payment, ACO, rémunération à la performance) risquent de n’avoir que des effets insuffisants, d’autant qu’elles créeront des coûts administratifs supplémentaires (Foster, 2010 ; Howard, 2011).
50D’autres appréciations sont plus mesurées et anticipent un ralentissement de la progression des coûts des soins. Sur la base de statistiques produites par la Kaiser Family Foundation de 2007, et tenant compte à la fois du ralentissement actuel de la progression des coûts lié à la récession et de l’application de la loi, Young et De Voe montrent que le niveau de la prime d’assurance pour une famille n’atteindra le niveau médian de son revenu qu’en 2037, au lieu de 2033 (si la loi n’avait pas été adoptée). L’évolution des coûts sera telle toutefois que l’assurance privée deviendra alors inabordable pour les Américains à faible et moyen revenus (Young et De Voe, 2012).
51D’un autre côté, certains estiment que la question des coûts des soins, pourtant initialement désignée par Obama comme étant le problème majeur du système de soins, a progressivement été occultée au cours des débats (McGillis, 2010). Peu à peu, la nécessité d’une rationalisation des dépenses et en particulier d’une lutte contre le gaspillage s’est imposée dans les échanges. Ainsi, l’accent a été porté sur la mise en place de dispositifs nouveaux en matière de délivrance des soins et de rémunération des praticiens (Accountable care organization, Bundling, paiement à la performance…) au sein de Medicare et Medicaid. L’instauration de ces dispositifs par la réforme permettra au mieux de limiter certains gaspillages, mais ne constituera pas un moyen substantiel et efficace de contenir l’évolution des coûts à terme.
52D’autres enfin considèrent en revanche que les dispositifs en question sont fondamentaux et auront des effets déterminants sur les coûts des soins. Cutler (2010) estime en particulier que la réduction des coûts des soins proviendra principalement de la modernisation du système de santé que développe la réforme. Cette position se fonde sur une étude réalisée par le Center for American Progress Action Fund en 2009, selon laquelle deux trillions de dollars (soit 2 300 dollars par personne et par an) pourraient être dégagés par une plus grande efficacité du système, en particulier en réorganisant la délivrance des soins et en réduisant les coûts administratifs (Center for American Progress Action fund, 2009).
53De ce point de vue, l’intégration de plusieurs soins dans le paiement d’un épisode médical (bundled payment ou bundling), ainsi que l’application de l’Accountable care organization au sein de Medicare et Medicaid, prévues par la loi, apparaissent particulièrement pertinentes. Elles diminueront notamment les coûts de traitement des maladies chroniques et celui des réadmissions hospitalières. En outre, une plus grande coordination des soins et les incitations décrites précédemment conduiront aussi les médecins à davantage de performances individuelles. Par ailleurs, les modifications des modes de paiements des offreurs de soins, tels que la loi les développe au sein de Medicare, permettront de limiter le nombre d’actes (Cutler, 2010). De plus, on estime que ces mesures auront un large impact au sein du monde médical, historiquement le secteur privé ayant volontiers adopté les pratiques de Medicare (Aaron et Ginsburg, 2009). Ces incitations en matière de délivrance des soins sont donc de nature à initier une réelle « révolution de productivité », dont les effets s’exerceront dans le temps (Aaron et Ginsburg, 2009 ; Cutler, 2010).
54L’étude réalisée par le Center for American Progress Action Fund (2009) donne en effet à penser qu’une partie non négligeable des dépenses de santé pourraient être réduites en rationalisant davantage la délivrance des soins – autant en ville qu’à l’hôpital –, les coûts administratifs, que les auteurs de l’étude évaluent à 15 % des dépenses médicales, étant significatifs. De ce point de vue, les mesures destinées à l’amélioration de la performance du système de soins apparaissent particulièrement justifiées. Cela établi, leur capacité à peser significativement sur l’évolution des coûts semble peu convaincante. L’histoire récente illustre en effet le rôle déterminant qu’ont joué à la fois les stratégies économiques des assureurs et le pouvoir de marché des offreurs de soins dans l’évolution des coûts médicaux aux États-Unis.
55Or, la loi de 2010 ignore le problème du pouvoir de marché des offreurs de soins et les situations de monopole ou quasi-monopole qu’il induit le plus souvent (Rice et Vladeck, 2009). Dans un tel contexte, chaque acheteur se voit contraint d’accepter les conditions imposées par les offreurs de soins. Comme l’explique Tom Scully, ancien administrateur du CMS (Centers for Medicare and Medicaid Services), « si Medicare utilisait son pouvoir de marché pour négocier les prix des médicaments, comme le régime des Vétérans le fait, nous ne négocierions pas, mais fixerions les prix nous-mêmes et nous détruirions alors le marché » (Scully cité par Rice et Vladeck, 2009). Nombreux sont ceux qui regrettent l’abandon de la Public option (assurance publique), qui aurait permis l’instauration d’un payeur unique (Anderson et al., 2003 ; McGillis, 2010).
56Toutefois, et dans l’optique de ménager une partie des démocrates modérés et de permettre l’adoption de la loi, l’administration Obama aurait pu mettre en place des mécanismes de régulation destinés à renforcer le pouvoir de marché des acheteurs de soins. En particulier, elle aurait pu instaurer des mécanismes incitatifs en faveur d’un nivellement des tarifs (Rice et Vladeck, 2009). L’extension de la couverture maladie, renforçant la position des acheteurs face aux offreurs de soins aurait pu favoriser la mise en œuvre d’une telle mesure. Mais le gouvernement ne s’est pas engagé dans une telle perspective, et chaque payeur continuera le plus souvent à payer des montants différents pour le même service (Ginsburg, 2010).
57En outre, et s’agissant des stratégies des assureurs, on voit mal quelles mesures de la loi permettraient de les infléchir. Les assureurs, soucieux d’attirer une clientèle attachée à la diversité des choix, n’auront probablement de cesse de multiplier les options en matière d’assurance. De ce point de vue, l’encadrement de l’évolution des primes [20] et l’instauration du panier de base dans le cadre des bourses de santé risquent de peser bien faiblement face à l’imposante nécessité pour les assureurs de satisfaire la préférence de leurs consommateurs pour la diversité des soins.
58De ce même point de vue, l’effet attendu de la taxe sur les contrats high costs (Cadillac tax) apparaît également limité. Son application concerne pourtant un nombre non négligeable de contrats. On estime en effet que 16 % des plans d’assurance liés à l’emploi seront concernés par la taxe dès son instauration en 2018, et quelque 75 % de ces mêmes plans, dix ans plus tard, du fait de la progression des coûts [21] (Kaiser Family Foundation, 2010a ; Herring et Lentz, 2012). Toutefois, son instauration pose question. La taxe risque de frapper en effet non pas les seuls traders de Wall Street, dont on pense en général qu’ils sont les principaux bénéficiaires de ces plans onéreux, mais aussi de nombreuses personnes aux revenus modestes. En particulier, le rapport de 2010 de la Kaiser Family Foundation rappelle que beaucoup de ces plans de santé ont été attribués à des employés en complément d’un salaire modeste. Leur coût élevé s’explique alors souvent, par le fait que le partage du risque se fait au sein de personnes âgées et en moyenne plus malades. L’application de la taxe dans ce contexte, risque de pénaliser des personnes économiquement fragiles en compromettant leur accès aux soins (Kaiser Family Foundation, 2010a ; Herring et Lentz, 2012). Cet exemple illustre la complexité à fiscaliser les plans de santé qui sont aussi une composante plus ou moins importante du salaire. Les questions de justice sociale qu’elle implique ne peuvent être résolues indépendamment de toute considération plus générale sur les politiques de rémunération des salariés.
59De plus, l’impact de la Cadillac Tax sur l’évolution des coûts reste hypothétique. La plupart des études effectuées sur le sujet montrent que la taxe n’aura qu’un faible impact sur les assureurs (ce qu’elle visait initialement) et qu’elle risque plutôt d’induire une renégociation des co-paiements entre employeurs et employés au sein des entreprises. La Cadillac Tax risque donc, en d’autres termes, d’être essentiellement supportée par les employés. Il reste à savoir si elle peut avoir un effet dissuasif sur leur consommation de soins, ce qui apparaît peu probable au moins pour la partie la plus modeste et la plus malade d’entre eux (Kaiser Family Foundation, 2010a ; Herring et Lentz, 2012 ; Health Policy Briefs, 2013). Ces estimations restent inquiétantes quant aux moyens réels dont dispose le gouvernement pour peser sur les stratégies des assureurs. De ce point de vue, l’impact de ces mesures apparaît très limité au regard des préférences des consommateurs qui orientent massivement ces stratégies (Anderson et Hussey, 2003).
60Bien qu’historique, notamment pour l’extension de la couverture maladie qu’elle instaure, la loi de 2010 risque de ne jouer qu’un faible rôle sur l’évolution des coûts médicaux. Son effet sur les stratégies des assureurs, de même que sur le pouvoir de marché des offreurs de soins qui apparaissent pourtant comme les ressorts essentiels de l’inflation des coûts depuis quinze ans, semble en effet limité.
Conclusion
61La hausse des coûts des soins médicaux a depuis de longues années constitué un problème important aux États-Unis. Elle a cependant suivi une évolution exceptionnelle depuis la fin des années 1990. Les prix des soins ont alors considérablement augmenté, autant en ville qu’à l’hôpital, les primes d’assurance ont atteint un niveau jusque-là inégalé ; les programmes publics affichent aujourd’hui des déficits impressionants, enfin près de 50 millions d’Américains étaient sans assurance santé en 2007.
62Cette hausse des coûts, plus forte aux États-Unis qu’en Europe depuis quinze ans, s’explique en partie par la pratique d’une médecine onéreuse, en recherche constante d’innovation et de performances. Elle est également le résultat d’une crise profonde du Managed Care, survenue à la fin des années 1990. Le modèle des HMO, visant à rationaliser les coûts des soins est alors catégoriquement remis en cause par les assurés. La restriction de l’offre de soins est à l’origine de ce profond mécontentement. Les assureurs privés chercheront dès lors à mieux répondre aux attentes de leur clientèle, en introduisant la diversité des soins dans les plans de santé, où désormais se muliplient les options et les prises en charges plus personnalisées.
63Ces stratégies ont en outre permis de conforter définitivement le pouvoir de marché des offreurs de soins, qui s’étaient progressivement constitué dans les années 1990. Ces offreurs sont aujourd’hui en mesure d’imposer leurs prix aux assureurs, ce qui explique en grande partie l’évolution récente des coûts médicaux. Ces réseaux élargis se sont en définitive révélés extrêmement coûteux et de nature à exclure les plus précaires.
64Dans ce contexte, la réforme Obama permettra vraisemblablement d’étendre la couverture maladie à plusieurs millions d’Américains dans les prochaines années. L’obligation d’assurance, la création des bourses de santé, l’évolution des critères d’éligibilité de Medicaid permettront probablement à de nombreux Américains d’accéder à une assurance santé, tandis qu’ils n’en avaient pas ou plus la possibilité. Toutefois, il est fort à craindre que cette loi ne puisse en revanche limiter significativement l’évolution des coûts des soins, qui menace l’accès aux soins sur le long terme. En effet, la réglementation qu’elle met en place, portant notamment sur l’encadrement de l’activité des assureurs au sein des bourses de santé et sur les contrats les plus onéreux (Cadillac Tax) ne permettra probablement pas d’infléchir les stratégies des assureurs, qui continuent d’obéir aux exigences du consommateur de soins.
65Néanmoins, l’obligation d’assurance instaurée par la loi de 2010 marque une étape importante dans l’histoire de la protection sociale américaine, étape qu’il ne faut pas mésestimer. De ce point de vue, elle laissse entrevoir la possibilité de voir à terme une assurance plus universelle se mettre en place aux États-Unis.
Notes
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[*]
Maître de conférences en sciences économiques, université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, Centre d’économie de la Sorbonne (CES, UMR CNRS 8174).
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[1]
Le coût d’une journée d’hôpital est en moyenne deux fois plus élevée aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE. Le coût de la médecine de ville est de 2 852 dollars en moyenne pour l’année 2010 aux États-Unis, pour un peu plus de 1 000 dollars en France et en Allemagne (OCDE, 2012).
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[2]
En 1933, peu après son accession au pouvoir, F.D. Roosevelt commande un rapport sur l’évolution des coûts médicaux aux États-Unis. Le Committee on the costs of medical care concluera quelques mois plus tard à la nécessité de trouver un moyen de solvabiliser la demande et de rembourser les soins pour stabiliser les coûts. Aucune mesure concrète ne sera cependant adoptée à l’issue de ce rapport.
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[3]
L’HMO Act est adopté en 1972. Les différents États sont encouragés financièrement à développer les HMO, de façon notamment à réduire le nombre d’hospitalisations. La loi de 1972 oblige parallèlement les entreprises de plus de vingt-cinq salariés à proposer à leurs employés une option HMO (certifié par le gouvernement) parmi l’ensemble des plans santé soumis à leur choix. L’HMO Act permet, à l’époque, le versement de 375 millions de dollars en subventions aux plans de santé. Le développement des HMO dans les années 1970 s’est traduit par une adhésion massive des Américains.
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[4]
Les HMO actuels ne fonctionnent plus sur la base de restrictions et de sélection des praticiens et de soins. Pour surmonter la crise qu’ils affrontent à la fin des années 1990 et pour regagner des parts de marché, ils ont progressivement introduit, comme nous le verrons, de la diversité dans les soins proposés.
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[5]
Les réseaux se composent aujourd’hui de plusieurs structures, dont notamment les PPO (Preferred Provider Organizations) et les Point of Service Plans qui se distinguent des HMO et des EPO (Exclusive Provider Organization) par la possibilité de choisir des praticiens et des soins en dehors du réseau.
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[6]
Ce programme public a été mis en place en 1965 par l’administration Johnson. Il prend en charge toute personne à partir de 65 ans, ayant cotisé pendant sa vie professionnelle. Ce programme est financé par le gouvernement fédéral.
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[7]
Medicaid a aussi été mis en place en 1965. Ce programme prend en charge les personnes précaires, sous condition de ressources. Il est essentiellement financé et organisé par les différents États, ce qui induisait, avant la réforme Obama, de fortes disparités dans les conditions de prise en charge d’un État à l’autre. Ce programme a été complété en 1997 par l’instauration du dispositif SCHIP (State Children’s Health Insurance Program) par Clinton, destiné aux enfants issus de familles pauvres.
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[8]
Les médecins généralistes américains gagnent en moyenne 60 000 dollars de plus par an qu’en France.
-
[9]
En matière d’espérance de vie à la naissance et de mortalité infantile, les États-Unis affichent des résultats moins bons que ceux de l’Allemagne, de la France ou des Pays-Bas. Les États-Unis se distinguent en revanche par un taux de mortalité pour certains cancers légèrement plus bas que pour ces trois autres pays, mais l’écart entre les pays tend à se réduire (OCDE, 2011).
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[10]
De même 97,7 IRM (pour 1 000 individus) ont été pratiquées aux États-Unis dans l’année 2010, tandis que la moyenne OCDE est de 46,3 pour 1 000, la même année.
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[11]
Initialement, les HMO structuraient des réseaux entièrement intégrés, qui proposaient à leurs seuls adhérents, leurs propres offreurs de soins, qu’ils salariaient. Peu à peu, ces structures se sont ouvertes à d’autres clientèles, mais ont aussi passé contrat avec des médecins et d’autres prestataires pouvant exercer par ailleurs, dans d’autres structures. Les HMO dans leur version initiale proposaient en général un parcours structuré en gatekeeping, un médecin généraliste orientant le patient si nécessaire à l’hôpital ou auprès de spécialistes du réseau. La sélection des offreurs de soins est une garantie de qualité que les assureurs font valoir pour gagner des parts de marché et convaincre leur clientèle. Elle permet aussi de minimiser à terme leurs coûts en instaurant des conditions de rémunération contrôlées et en limitant l’inflation des prix des soins. La prise en charge vise à être performante (développement de la prévention, suivi des maladies chroniques,…), ce qui permet de limiter les complications et épisodes aïgus, particulièrement onéreux.
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[12]
Les études de Miller et Luft (2002) réalisées à la fin des années 1990 montrent en particulier que les HMO ont tendance à attirer les clients en bonne santé plutôt que les autres. Les plus malades apparaissent très soucieux de conserver une liberté de choix entre les praticiens et les hôpitaux.
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[13]
Les PPO, plus coûteux mais qui offrent davantage de liberté et de choix à l’assuré, gagnent en revanche des adhérents à cette époque.
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[14]
L’augmentation des primes par année à été de 10,9 % en 2001, 12,9 % en 2002, 13,9 % en 2003 (Kaiser Family Foundation, 2010b).
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[15]
Dans ce discours de septembre 2009, Obama évoque 30 millions de personnes n’ayant pas accès à l’assurance santé. En réalité, 47 millions de personnes seraient exclues du système d’assurance (Vaudagna, 2012 ; Rodwin et Tabuteau, 2010).
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[16]
La version initiale de la réforme Obama visait en outre l’instauration d’une bourse publique (National Health Insurance Exchange). Cette mesure était hautement symbolique, puisqu’introduisant l’État dans la régulation du système. Devant l’hostilité qu’elle suscitait, cette perspective a néanmoins été abandonnée par le Président Obama. Il s’agissait très précisément d’obtenir le soutien des démocrates modérés, radicalement opposés à cette mesure. La volonté de développer une assurance universelle est ancienne aux États-Unis. Dès 1918, à l’issue de la Première Guerre mondiale, Wilson tente déjà d’instaurer mais en vain un système universel et obligatoire. Par la suite, Roosevelt, puis beaucoup plus tard, Clinton s’y risqueront sans davantage de succès.
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[17]
Sachant qu’on estime en moyenne à un ayant droit sur deux, le nombre d’individus qui font effectivement valoir leurs droits à Medicaid, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les effets réels de cette mesure.
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[18]
Les primes sont limitées à 3 % du revenu pour ceux qui ont un revenu correspondant à 133 % du seuil de pauvreté (31 900 dollars pour une famille de quatre personnes) et plafonnées à 9,5 % du revenu pour ceux dont le revenu est supérieur à 400 % du seuil de pauvreté.
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[19]
Ces contrats particulièrement chers s’adressent souvent aux catégories sociales favorisées et proposent des services médicaux en général plus performants. Ils donnent accès aux technologies de pointe, aux meilleurs services, aux hébergements hospitaliers luxueux. Il faut souligner toutefois que certaines personnes à bas ou moyen revenu, souvent plus âgées et plus malades, bénéficient de ces contrats grâce à leur employeur qui supporte en général l’essentiel de la prime (Kaiser Family Foundation, 2010a).
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[20]
Par la justification de leur réinvestissment et leur plafonnement pour les revenus les plus modestes.
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[21]
Les seuils de déclenchement de la taxe sont indexés à l’inflation (Kaiser Family Foundation, 2010a).