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Introduction [1]

1L’emploi à temps partiel et l’emploi temporaire (regroupant l’emploi à durée déterminée et le travail pour des agences d’intérim) progressent depuis quelques décennies. Cette évolution s’explique par l’assouplissement, voire la suppression des règles sur le recours aux contrats à durée déterminée et à l’intérim. Dans le même temps, la réglementation sur l’emploi à durée indéterminée est restée inchangée et les pouvoirs publics encouragent le travail à temps partiel face à la montée du chômage des femmes. Cette tendance touche surtout les jeunes et les femmes. Lorsque la crise s’est déclarée, les titulaires d’un contrat de travail temporaire ont souvent été les premiers à perdre leur emploi, et leur proportion moyenne dans l’emploi a donc reculé au début de la crise. De plus, lorsqu’ils ont retrouvé un travail, c’était souvent un emploi temporaire. D’ailleurs, en moyenne, cette catégorie d’emploi regagne déjà du terrain par rapport à 2010. Elle ressortait à 13,7 % en 2012 pour l’Union européenne des 27 (UE 27), avec une part pour les femmes légèrement supérieure à celle des hommes. Dans l’UE-27, 42,1 % des jeunes (de 16 à 24 ans) avaient un contrat de travail temporaire en 2012 et 36 % d’entre eux déclaraient que c’était principalement parce qu’ils n’avaient pas trouvé d’emploi à durée indéterminée. L’emploi à temps partiel a continué de progresser pendant la crise, atteignant 19,2 % en 2012 en moyenne pour l’UE-27, la part des femmes et des hommes étant respectivement de 32,1 % et 8,4 %. Les mesures de partage du travail n’expliquent qu’en partie cette croissance. Dans les pays qui ont été les plus durement touchés par la crise, en particulier, la part de l’emploi temporaire et de l’emploi à temps partiel non choisis a fortement augmenté. Au-delà de ces moyennes, l’étendue de l’emploi atypique et les évolutions intervenues pendant la crise diffèrent très largement selon les pays (Eurostat, base de données en ligne) [2].

2Des travaux antérieurs ont montré que l’emploi atypique ne sert pas toujours de tremplin, qu’il a plutôt tendance à se prolonger ou à se répéter et qu’il accompagne le plus souvent la transition de l’emploi vers le chômage ou l’inactivité (Anxo et O’Reilly, 2000 ; Commission européenne, 2009 ; Erhel et Guergoat-Larivière, 2010 ; Gash, 2008 ; Leschke, 2009 ; Muffels, 2008). En ce qui concerne la protection sociale, les rares travaux de recherche disponibles indiquent que les travailleurs atypiques sont désavantagés pour l’accès aux allocations de chômage (à des degrés divers suivant le pays et la catégorie de travailleurs). Cependant, dès lors qu’ils y ont accès, ils sont parfois mieux indemnisés en raison de la nature de certains systèmes (plafonds de prestations peu élevés, dispositifs forfaitaires, etc.) (voir Grimshaw et Rubery, 1997 ; Talós, 1999 ; Klammer et Tillmann, 2001 ; Eurofound, 2003 ; Leschke, 2007, 2008 ; Schulze Buschoff et Protsch, 2008).

3Dans un contexte de croissance de la flexicurité, les difficultés d’accès aux prestations de sécurité sociale, et notamment aux allocations de chômage, ont retenu davantage l’attention en Europe pendant la deuxième phase de la Stratégie de Lisbonne [3]. Un point illustre parfaitement ce constat : les nouvelles lignes directrices intégrées sur les politiques économiques et de l’emploi adoptées dans le cadre de la Stratégie Europe 2020 soulignent explicitement l’importance d’une protection sociale adéquate pour les travailleurs sous contrat à durée déterminée et pour les travailleurs indépendants (on notera que les travailleurs à temps partiel ne sont pas mentionnés ici) (Conseil de l’Union européenne, 2010) [4]. De même, les Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2010 proposent une étude de la qualité de l’emploi à temps partiel qui s’intéresse notamment à l’accès des travailleurs à temps partiel aux allocations de chômage (OCDE 2010a et 2010b). Les travaux de la Commission européenne comme ceux de l’OCDE mettent en évidence les nombreuses formes de discrimination dont sont victimes les travailleurs atypiques pour l’accès aux allocations de chômage. Cette discrimination est plus manifeste au niveau de l’assurance chômage que de l’assistance chômage, mais apparaît aussi dans cette dernière.

4Depuis peu, sous l’effet de la crise économique, la couverture chômage des travailleurs atypiques fait l’objet d’une attention soutenue tant au niveau européen que national. L’augmentation rapide du chômage, qui affecte surtout certaines catégories de la population active comme les jeunes et/ou les travailleurs temporaires, ou plus généralement les travailleurs qui n’ont pas cotisé longtemps, a mis en lumière les carences de la protection sociale (Conseil de l’Union européenne, 2011 ; Commission européenne 2010a et 2010b ; BIT, 2010 ; OCDE, 2009b ; Immervoll, 2010). Ces études soulignent que de plus en plus de travailleurs risquent d’être privés de protection si le travail temporaire et d’autres formes de travail atypiques se développent. Elles indiquent également que l’absence de protection pour ces travailleurs se révèle particulièrement préoccupante pendant les phases de repli économique, car ce sont précisément ces catégories qui risquent d’être les plus durement touchées par les suppressions d’emplois. Tous les chercheurs ne sont pas d’accord sur le meilleur moyen de parvenir à une couverture plus complète pour les travailleurs atypiques. Si certains préfèrent que l’on mette en place des dispositifs d’assistance adéquats, comme l’assistance sociale, au lieu de modifier l’assurance chômage au coup par coup, d’autres formulent des recommandations plus ouvertes et invoquent la nécessité d’un débat sur les rôles respectifs des prestations d’assurance et d’assistance dans l’amélioration de la couverture des travailleurs atypiques. Les travaux récemment publiés par Clasen et Clegg (2011) ainsi que par Lefresne (2008) proposent des études de cas par pays qui cherchent à déterminer à quel point les dispositifs d’indemnisation se sont adaptés aux principaux changements qu’ont connus les marchés du travail ces dernières décennies, notamment pendant la crise économique récente.

5Précisons qu’en réaction à la crise économique et à la montée du chômage touchant surtout certaines catégories de la population active, beaucoup de pays se sont employés à améliorer l’accès des travailleurs atypiques et/ou des jeunes travailleurs aux allocations de chômage. Certains ont aussi ouvert leurs programmes d’emplois de courte durée subventionnés par l’État à de nouvelles catégories de travailleurs [5].

6La situation des travailleurs atypiques face à la crise a ainsi connu des évolutions à première vue contradictoires. D’un côté, ces travailleurs ont bien souvent été plus durement touchés que les autres par le chômage, mais de l’autre, plusieurs pays se sont attachés à améliorer leur protection aussi bien dans l’emploi (programmes d’emplois de courte durée) que dans le chômage (allocations de chômage, politiques d’activation du marché du travail). L’emploi à temps partiel a continué de progresser et les emplois créés pendant la deuxième phase de la crise étaient souvent des emplois temporaires. Cet article cherche à déterminer si les évolutions du marché du travail et des systèmes de protection sociale intervenues pendant la phase initiale de la crise économique ont perpétué la tendance à la segmentation du marché du travail [6] ou si la crise a en réalité atténué certains clivages apparus au cours des dernières décennies.

7La section qui suit s’intéresse à l’évolution des prestations de chômage et de l’accès de diverses catégories, en particulier des jeunes et des femmes, à ces prestations pendant les premières années de la crise (2008-2010). Les données sur la couverture par les allocations de chômage sont très lacunaires, et nous ne disposons pas de chiffres comparables sur la protection des travailleurs atypiques. Cependant, des données issues de l’enquête sur les forces de travail de l’Union européenne, harmonisées et agrégées, sont disponibles avec une ventilation par genre et par âge, ce qui permet d’obtenir un proxy de l’accès des travailleurs temporaires et à temps partiel aux prestations. De plus, on a constaté que les données de l’enquête relatives à la perception des allocations de chômage n’étaient pas fiables en raison des différences entre les pays. Nous avons donc décidé de ne pas mentionner de niveaux de couverture absolus, mais seulement les différences relatives entre les sous-catégories et les variations au fil du temps. Nous terminons par une analyse de la segmentation tant sur le marché du travail qu’au niveau de la protection sociale.

La segmentation du régime de protection sociale et l’accès des travailleurs atypiques aux allocations de chômage

8Sous l’effet des importants chocs économiques qui ont touché la majorité des pays européens, le chômage au sein de l’UE a nettement augmenté, passant de 7,2 % en 2007 à 9,7 % en 2010, puis à 10,6 % en 2012. Le taux de chômage moyen dans l’UE masque de grandes différences entre les pays en termes d’étendue et d’évolution. Les taux de chômage nationaux s’échelonnent de moins de 5,6 % en Allemagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg, et même 4,4 % en Autriche, à environ 25 % en Grèce et en Espagne. Entre 2007 et 2012, le taux de chômage a doublé dans plusieurs pays (Estonie, Lettonie, Portugal et Danemark), voire triplé dans certains (Irlande, Grèce, Espagne, Lituanie et Chypre). Les jeunes et les travailleurs peu qualifiés ont été particulièrement touchés par cette poussée du chômage, d’autant qu’ils affichaient déjà des niveaux de chômage nettement supérieurs à la moyenne avant la crise. Au sein de l’UE, le chômage des jeunes est actuellement proche de 23 %, soit plus de 7 points de plus qu’en 2007.

9Une grande partie des personnes sans emploi n’a pas accès aux prestations d’assurance chômage. Cette situation résulte parfois d’une politique délibérée (c’est-à-dire d’un lien volontaire entre cotisations et prestations), mais dans bien d’autres situations, elle n’est que la conséquence de critères d’éligibilité qui n’ont pas suivi l’évolution des formes de contrats de travail (voir, par exemple, OCDE, 2009a). Puisque les régimes de protection sociale restent largement fondés sur une relation d’« emploi standard » (à durée indéterminée, à temps plein et caractérisée par une dépendance vis-à-vis de l’employeur), plusieurs principes de base de l’assurance chômage peuvent désavantager les travailleurs atypiques, en particulier pour l’accès aux allocations de chômage. Comme indiqué ci-dessus, les femmes et les jeunes sont bien plus nombreux à travailler, respectivement, à temps partiel et sur la base d’un contrat temporaire. Les seuils exprimés en salaire ou en nombre d’heures travaillées excluent directement ceux qui travaillent peu. Qui plus est, la période d’acquisition des droits (habituellement une durée de cotisation minimale pendant une période de référence donnée) peut encore restreindre l’accès aux prestations pour les travailleurs à temps partiel. Lorsque la période de cotisation se mesure non en mois mais en heures ou en journées travaillées, cela peut aussi poser un problème pour les travailleurs qui ne totalisent pas un nombre d’heures équivalent à un temps plein sur le mois. En outre, dans plusieurs pays, la durée d’indemnisation dépend de la période de cotisation antérieure. Dans la plupart des cas, les mécanismes d’assistance chômage ne connaissent pas de conditions de nombre d’heures travaillées, de salaire ou de durée d’affiliation. Cependant, l’assistance chômage n’existe que dans peu de pays européens et, en particulier, pas dans la majorité des nouveaux États membres. De surcroît, les prestations de l’assistance chômage ne sont pas toujours universelles (elles sont parfois réservées aux chômeurs ayant une famille à charge), elles sont souvent très modiques et soumises à des conditions de ressources applicables à la famille ou (plus rarement) à la personne et/ou au patrimoine (voir les indicateurs de l’OCDE sur les prestations et les salaires).

10Cette section met en évidence les inégalités dont sont victimes les travailleurs atypiques dans l’accès aux allocations de chômage. Elle s’intéresse particulièrement aux changements intervenus pendant la première période de la crise (2008-2010). Les systèmes d’indemnisation du chômage étant conçus pour fonctionner dans des conditions complexes (et évoluant rapidement), nous ne pouvons ici détailler les conditions d’éligibilité et autres caractéristiques. On trouvera des informations, actualisées régulièrement, sur la conception de ces systèmes dans les tableaux comparatifs MISSOC (2012). Une enquête spéciale de l’OCDE (2010b) donne aussi des informations détaillées sur les dispositifs d’allocations de chômage, en particulier pour les travailleurs à temps partiel [7]. Ces sources offrent une vue d’ensemble des éventuels désavantages qu’entraînent des critères d’éligibilité tels que les seuils exprimés en heures travaillées et en salaire ou les périodes d’acquisition des droits. La section suivante présente les évolutions des dispositifs d’indemnisation du chômage durant la première partie de la crise, pendant laquelle, dans le cadre des plans de relance, plusieurs pays ont assoupli les conditions d’accès et donc ouvert leurs dispositifs à de nouvelles catégories de travailleurs. Cette section s’appuie sur des sources comparatives telles que l’OCDE, la Commission européenne et Eurofound. Enfin, les données agrégées issues de l’enquête sur les forces de travail de l’UE, relatives aux taux de couverture par les prestations de chômage et aux évolutions récentes permettront de se faire une idée de la protection « réelle » des travailleurs atypiques. Une ventilation en fonction de la forme du contrat de travail antérieur ou de la durée du travail n’étant pas disponible, nous utiliserons comme proxies les comparaisons entre hommes et femmes, d’une part, et entre travailleurs jeunes et ceux se trouvant dans une tranche d’âge ayant un fort taux d’activité (travailleurs adultes de 25 à 64 ans), d’autre part.

Examen des inégalités en termes d’accès aux prestations de chômage et de niveau

11L’OCDE (2010a, tableau 4.2, p. 235 ; 2010b) apporte des informations sur les systèmes d’indemnisation du chômage dans 21 pays de l’UE [8]. Ces informations nous donnent une idée du nombre de pays dans lesquels des catégories de population active spécifiques, comme les travailleurs temporaires ou à temps partiel, sont désavantagées pour l’accès aux prestations d’assurance chômage. La configuration des dispositifs d’indemnisation du chômage étant extrêmement complexe et variée, et également exposée à des révisions fréquentes, ce qui suit n’est présenté qu’à titre indicatif. Rappelons que les caractéristiques des systèmes diffèrent largement d’un pays à l’autre et peuvent interagir. Par conséquent, même si le système d’un pays comporte plusieurs restrictions (voir infra, notes 12 à 15), il se peut qu’il offre in fine un taux de couverture global supérieur à celui d’un autre pays, doté à première vue d’un système moins restrictif.

12Selon les données recueillies par l’OCDE (2010a et 2010b), dans 6 pays sur 21, la période d’acquisition des droits est calculée en journées ou en heures plutôt qu’en semaines ou en mois [9], ce qui désavantage les travailleurs totalisant moins d’heures ou moins de journées de travail dans une semaine qu’un travailleur à temps plein. De plus, 7 pays ont établi un seuil minimum exprimé en nombre d’heures ou en salaire [10], qui s’ajoute aux conditions d’éligibilité habituelles. Par ailleurs, 12 pays ont instauré des périodes de référence relativement brèves pour les cotisations (l’équivalent d’une année de cotisation pendant une période de référence de deux ans ou moins) [11], ce qui peut poser problème, surtout pour les travailleurs temporaires (et d’autres catégories de travailleurs) ayant peu d’ancienneté et connaissant des épisodes de chômage fréquents. La majorité des pays (12 sur 21) calculent la durée d’indemnisation sur la base des cotisations enregistrées [12], ce qui désavantage encore plus les travailleurs atypiques. Mais là encore, les pays diffèrent considérablement sur la durée de l’indemnisation du chômage. Le Royaume-Uni ou la République tchèque, par exemple, ne tiennent pas compte des cotisations enregistrées pour déterminer la durée d’indemnisation, et accordent à tous six mois seulement de prestations d’assurance chômage. Cette situation a des conséquences également sur les systèmes d’assistance (lorsqu’ils existent), comme il y a des conditions de ressources.

13Dans la plupart des pays, le montant des allocations de chômage est calculé sur la base du dernier salaire, ce qui désavantage en valeur absolue les travailleurs à temps partiel [13]. L’emploi temporaire est souvent associé à une pénalisation en termes de salaire qui se prolonge au niveau du système d’indemnisation. Cependant, les systèmes d’indemnisation du chômage comportent plusieurs mécanismes qui peuvent opérer une redistribution entre hauts salaires et bas salaires. Des pays tels que le Royaume-Uni ou la Pologne, qui servent des prestations forfaitaires universelles, illustrent bien ce cas. Toutefois, le plus souvent, ces prestations forfaitaires sont très modestes, et parfois réduites pour les travailleurs à temps partiel (par exemple, en Irlande). Lorsque les prestations minimales universelles sont généreuses, on aboutit aussi à une redistribution (comme en Suède et au Danemark) ; cependant, là encore, ces prestations sont souvent réduites pour les travailleurs à temps partiel. Le plafonnement des prestations à un niveau peu élevé peut, lui aussi, contribuer à augmenter le taux de remplacement net pour les chômeurs qui percevaient précédemment un salaire modeste par rapport au taux de remplacement des salaires supérieurs. C’est notamment le cas au Danemark, même si, dans ce pays, les assurés ayant travaillé à temps partiel ne reçoivent que les deux tiers de la prestation maximale. Enfin, certains pays ont adopté une réglementation spécifique visant à augmenter les allocations de chômage des travailleurs faiblement rémunérés (par exemple l’Autriche) (voir MISSOC, 2012 ; OCDE 2010b). Sous l’effet de ces mécanismes de redistribution, les taux de remplacement nets des travailleurs à temps partiel (dans la mesure où ils ont accès au système d’indemnisation) peuvent être supérieurs à ceux de travailleurs à temps plein (Leschke, 2008).

La première période de la crise (2008-2010) : une réforme visant une meilleure protection chômage des travailleurs atypiques

14Dans le passé, améliorer l’accès des travailleurs atypiques aux prestations de chômage était rarement une motivation explicite des réformes [14]. Cependant, dans certains pays, sous l’effet d’autres réformes, les seuils horaires ou salariaux ont été abaissés ou abolis, et certains dispositifs ouverts à de nouvelles catégories de travailleurs, par exemple les travailleurs indépendants. En revanche, certaines réformes destinées à améliorer la viabilité financière des systèmes d’indemnisation du chômage n’ont fait qu’aggraver la situation des travailleurs atypiques. Cet effet se manifeste particulièrement dans la tendance à renforcer les systèmes d’assistance en raccourcissant la durée de versement des prestations non soumises à condition de ressources et à durcir les critères d’éligibilité.

15Dans plusieurs pays, la crise économique récente a toutefois donné lieu à un certain nombre de réformes explicitement destinées à mieux protéger des catégories spécifiques de la population active jusque-là non protégées, ou moins bien protégées, notamment les travailleurs atypiques. Ces réformes peuvent également être perçues comme une réaction à la montée du chômage de longue durée en particulier chez les travailleurs temporaires, parmi lesquels on trouve de nombreux jeunes. Cette situation a soudainement révélé les lacunes parfois importantes de la couverture chômage.

16Nous allons étudier ci-après les changements introduits pendant la première phase de la crise, dans les systèmes d’indemnisation du chômage au sein de l’UE-27 [15] en ce qui concerne les critères d’éligibilité (élargissement de l’éligibilité), le niveau des prestations et la durée de l’indemnisation (générosité accrue) [16]. Il importe ici de savoir si ces changements représentent des adaptations à long terme des systèmes de protection sociale du chômage aux nouvelles tendances de l’emploi, ou s’il s’agit de réactions temporaires à court terme face à la crise. Sachant que certaines de ces mesures étaient à l’origine temporaires et que plusieurs pays ont fortement axé leurs plans d’austérité sur une réduction des dépenses sociales et en faveur de l’emploi (pour une étude de divers pays, voir Heise et Lierse, 2011), on serait tenté de pencher pour la deuxième possibilité. Les politiques d’activation du marché du travail (qui ne sont pas étudiées ici), et en particulier l’aide à la recherche d’emploi, ont également été renforcées dans de nombreux pays.

17Les critères d’éligibilité ont été assouplis en Finlande, en France, au Portugal, en Lettonie et en Slovénie ; ces trois derniers pays appliquaient précédemment des critères très stricts. Cette évolution est bénéfique pour les salariés ayant peu d’ancienneté, comme les travailleurs temporaires. En Slovaquie, le congé parental est désormais pris en compte dans les périodes de cotisation ouvrant droit à prestations (pour de plus amples informations, voir Commission européenne 2010b, p. 137 et Commission européenne 2011, pp. 76-78). La Grèce accorde une indemnisation forfaitaire aux personnes qui ont perdu leur emploi et à d’autres catégories vulnérables ; de même, la France versait une prime ponctuelle aux demandeurs d’emploi qui n’étaient pas éligibles aux allocations de chômage faute d’avoir cotisé suffisamment [17]. En Italie, plusieurs améliorations temporaires ont été apportées notamment en faveur des apprentis et des travailleurs affectés à des missions ponctuelles (versements uniques). Le gouvernement espagnol a approuvé une allocation d’assistance chômage forfaitaire et temporaire servie pendant six mois à toutes les personnes sans emploi qui ont cessé d’être indemnisées par l’assurance chômage à partir de janvier 2009 [18]. Pendant le même temps, l’Irlande a diminué à partir de mai 2009, le niveau des prestations pour les jeunes demandeurs (18-24 ans) (Commission européenne, février 2011).

18Le niveau des allocations de chômage a été relevé au début de la période de chômage en Belgique, aux Pays-Bas, en Bulgarie, en République tchèque et en Pologne et, indépendamment de la durée de l’épisode de chômage, en Lettonie et en Finlande (Commission européenne 2011, pp. 76-78).

19La durée de l’indemnisation par l’assurance ou l’assistance chômage a été allongée en Finlande, en Roumanie, en Lettonie et en Lituanie, mais dans ce dernier pays, seulement dans les communes les plus durement touchées par la crise (Commission européenne 2011, pp. 76-78). À l’inverse, l’Irlande, la République tchèque, la Pologne, la France et le Danemark [19] ont réduit la durée maximale d’indemnisation par l’assurance chômage. Les systèmes d’assistance, notamment l’assistance sociale, ont été améliorés dans plusieurs pays, avec notamment des majorations de l’aide au logement. Certains pays (par exemple l’Estonie) avaient prévu d’améliorer leur système d’indemnisation du chômage, mais ont dû y renoncer en raison de difficultés financières.

20Le tableau 1 montre les pays qui ont revu leur système d’indemnisation du chômage ou leurs programmes d’emploi de courte durée (pour de plus amples détails sur ces derniers, voir Leschke, 2012) dans l’optique d’améliorer la protection ou le niveau des prestations. Il est intéressant de noter qu’un certain nombre de pays ont assoupli les critères d’éligibilité et/ou majoré le niveau initial des prestations tout en raccourcissant la durée d’indemnisation ; c’est notamment le cas de la France et de la Pologne (stratégie d’échange ou de négociation des droits). Cependant, dans certains pays, comme la Finlande et la Lettonie, toutes les composantes des prestations de chômage ont été revalorisées en réaction à la crise, tandis que dans d’autres, comme l’Irlande, plusieurs composantes des prestations de chômage ont été revues à la baisse.

Tableau 1

Pays ayant modifié leur système d’indemnisation du chômage ou leurs programmes d’emplois de courte durée durant la première partie de la crise (2008-2010)*

Tableau 1
Modifications* (temporaires) Pays Assouplissement des critères d’éligibilité Finlande, France, Portugal, Lettonie, Slovénie, (Slovaquie) Versements forfaitaires/ponctuels Grèce, France, Italie, Espagne Relèvement du niveau des prestations Belgique, Pays-Bas, Bulgarie, République tchèque, Pologne Allongement de la durée d’indemnisation Finlande, Roumanie, Lettonie, Lituanie Réduction de la durée d’indemnisation Irlande, République tchèque, Pologne, France, Danemark Ouvertures des programmes d’emploi de courte durée à de nouvelles catégories de travailleurs Autriche, Belgique, Allemagne, France, Luxembourg

Pays ayant modifié leur système d’indemnisation du chômage ou leurs programmes d’emplois de courte durée durant la première partie de la crise (2008-2010)*

* Suivant le pays et la réforme, ces modifications concernent soit tous les allocataires soit certaines catégories de travailleurs. Pour des informations plus détaillées, voir le corps du texte et les notes de bas de page.
SOURCES • Auteur.

Évolution de la couverture chômage pendant la crise

21Les systèmes d’indemnisation du chômage diffèrent fortement d’un pays à l’autre, non seulement par le taux de couverture global, mais aussi par la générosité et la durée de versement des prestations. À titre d’illustration, on peut examiner les différences au niveau des dépenses d’indemnisation du chômage et aux politiques actives du marché du travail en pourcentage du PIB et en fonction du taux de chômage. Le graphique 1 montre qu’il n’existe pas de relation entre le taux de chômage et le montant des dépenses allouées aux politiques passives ou actives, comme en attestent, par exemple, le cas de l’Espagne et de la Lettonie. En effet, alors que les chiffres du chômage sont comparables dans ces deux pays, la Lettonie dépense moins d’un tiers des sommes que consacre l’Espagne aux allocations de chômage. De même, le Danemark et la Belgique, qui affichent des taux de chômage moyens, sont les pays qui dépensent le plus pour les mesures actives. En général, les nouveaux États membres, mais aussi le Royaume-Uni et la Grèce, dépensent peu. Face à la hausse du chômage pendant la crise, tous les pays ont accru leurs dépenses destinées aux mesures passives. Dans certains cas, les fonds ont été utilisés de manière préventive pour des mesures à court terme. L’effet d’éviction typique des mesures actives (les politiques actives et passives étant souvent financées par une même source) n’est évident que dans quelques pays, parmi lesquels le Royaume-Uni et l’Italie. Sur la moyenne de l’UE-27, les dépenses consacrées aux politiques actives et aux services du marché du travail ont augmenté, mais moins fortement que celles allouées aux prestations de chômage.

Graphique 1

Dépenses d’indemnisation du chômage et de politiques d’activation, par rapport au PIB et au taux de chômage en 2010 (en%)*

Graphique 1

Dépenses d’indemnisation du chômage et de politiques d’activation, par rapport au PIB et au taux de chômage en 2010 (en%)*

* Les données concernant les services du marché du travail et les politiques actives au Royaume-Uni se rapportent à 2008.
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.

22Nous nous intéressons ensuite à la couverture chômage de différentes catégories de population active et aux évolutions intervenues pendant la crise. Les données comportent plusieurs failles. En effet, les données agrégées issues de l’enquête sur les forces de travail de l’UE renseignent sur les personnes inscrites auprès du service public de l’emploi et qui reçoivent des prestations de chômage ou une assistance chômage [20], mais les informations sur les allocataires sont jugées non fiables en raison, notamment, de problèmes de sous-déclaration et d’erreurs de déclaration [21]. Immervoll et al. (2004) montrent que, pour un certain nombre de pays, les chiffres relatifs au taux de remplacement des prestations servies diffèrent fortement selon les sources : données administratives ou enquêtes sur les forces de travail, et que ces différences ne vont pas toujours dans le même sens. C’est pourquoi nous présentons non pas des niveaux absolus de prestations servies, mais des distributions et des variations sur la durée en termes relatifs. En l’absence d’informations sur la couverture des travailleurs atypiques, la comparaison entre hommes et femmes (les hommes ayant plus de chance d’avoir un emploi à durée indéterminée et, surtout, à temps plein) et entre les jeunes et les travailleurs adultes (ces derniers ayant plus de chance d’avoir un emploi à temps plein, et, surtout, à durée indéterminée) nous permettra d’obtenir une estimation de la couverture des régimes d’indemnisation des différents pays. Les données font défaut en ce qui concerne plusieurs pays, pour des raisons de confidentialité, mais on dispose d’agrégats pour l’UE-27. En outre, les données de l’enquête sur les forces de travail de l’UE ne font pas la distinction entre assurance chômage et assistance chômage. Les données permettent d’évaluer la couverture pour différentes durées de chômage. Davantage de pays ayant communiqué des données, plus abondantes, sur le chômage de courte durée (1-2 mois), nous nous concentrerons essentiellement sur celui-ci.

23La couverture chômage diffère beaucoup d’un pays à l’autre, et les données permettant une comparaison sont rares. Les critères d’éligibilité, variables suivant les dispositifs, les incitations plus ou moins fortes à s’inscrire auprès du service public de l’emploi, l’existence de dispositifs d’assistance et les caractéristiques différentes des travailleurs sans emploi sont déterminants pour la couverture globale [22]. Les différences entre hommes et femmes sont manifestes mais pas extrêmement marquées sur la moyenne de l’UE-27, du moins pour le chômage de courte durée (graphique 2). Cependant, d’autres sources nous apprennent que les hommes ont plus de chance que les femmes d’avoir accès à l’assurance chômage. Les femmes doivent, fréquemment recourir à l’assistance chômage ou à d’autres prestations d’assistance, généralement moins généreuses et souvent attribuées sous condition de ressources (voir, par exemple, Leschke, 2008). Parmi les pays pour lesquels on dispose de données, la couverture est plus élevée pour les femmes que pour les hommes dans quatre pays seulement : la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie et, avec des différences minimes entre hommes et femmes, le Danemark (probablement parce que les femmes plus que les hommes souscrivent à l’assurance chômage volontaire). En France, la couverture est à peu près équivalente. Dans les quatorze autres pays, la couverture est plus élevée pour les hommes que pour les femmes, les écarts étant particulièrement visibles au Royaume-Uni, en Slovaquie et en Italie. Au Royaume-Uni, les écarts marqués entre hommes et femmes sont probablement liés aux conditions strictes qui régissent l’attribution des prestations d’assurance chômage, calculées sur la base des cotisations (Contribution-based Jobseekers’Allowance) et, dans le même temps, aux critères stricts de condition de ressources qui sont appliqués à l’assistance chômage, attribuée en fonction des revenus (Income-based Jobseekers’Allowance). Cela concerne davantage les femmes car ce sont elles qui apportent le plus souvent un revenu secondaire au sein du couple.

Graphique 2

Comparaison de la couverture chômage (assurance ou assistance) des hommes et des femmes en chômage de courte durée en 2010 (femmes + hommes = 100)

Graphique 2

Comparaison de la couverture chômage (assurance ou assistance) des hommes et des femmes en chômage de courte durée en 2010 (femmes + hommes = 100)

NOTE • Durée du chômage : 1-2 mois. Âge : 15-64 ans. Les pays sont classés par ordre croissant en fonction des différences de taux de couverture entre hommes et femmes.
LECTURE • En Bulgarie, le niveau de la couverture chômage est meilleur pour les femmes que pour les hommes avec un niveau de 122 pour les femmes et 84 pour les hommes (pour une moyenne nationale – hommes et femmes – fixée à 100). Au contraire, au Royaume-Uni, le niveau de couverture est bien meilleur pour les hommes : il est de 119 pour les hommes contre 80 seulement pour les femmes, pour une moyenne nationale (hommes et femmes) de 100.
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.

24Le graphique 3 révèle pour les travailleurs jeunes (15-24 ans) et les travailleurs adultes (25-64 ans) des différences nettement plus marquées. Les adultes ont, en moyenne, environ trois fois plus de probabilité d’accéder aux prestations de chômage [23]. On ne dispose de données complètes sur cet indicateur que pour douze pays et les différences entre jeunes et adultes étaient substantielles dans tous les pays, à l’exception du Royaume-Uni, et, plus particulièrement, en Suède, en Finlande, en Pologne et en Espagne. Dans tous ces pays, la part de l’emploi temporaire est supérieure à la moyenne. Les cas du Royaume-Uni et de l’Allemagne montrent que les régimes d’assurance chômage universels fonctionnent relativement bien pour la couverture des jeunes. Les prestations servies par ces régimes sont toutefois généralement faibles.

Graphique 3

Comparaison de la couverture chômage (assurance ou assistance) des chômeurs de courte durée en fonction de l’âge, en 2010 (groupe d’âge 15-64 = 100)

Graphique 3

Comparaison de la couverture chômage (assurance ou assistance) des chômeurs de courte durée en fonction de l’âge, en 2010 (groupe d’âge 15-64 = 100)

NOTE • Durée du chômage : 1-2 mois. Les pays sont classés par ordre croissant de l’écart entre le taux de couverture des jeunes et celui des adultes.
LECTURE • Dans tous les pays, le niveau de la couverture chômage est plus faible pour les jeunes (15-24 ans) que pour les adultes plus âgés (25-64). L’écart est le plus faible au Royaume-Uni. Le niveau de couverture y est de 81 pour les jeunes et de 115 pour les adultes pour un niveau de couverture nationale (tous âges confondus) fixé à 100. L’écart est plus élevé en Suède avec des niveaux respectifs de 23 et 167.
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.

25Existe-t-il des tendances communes dans la couverture chômage pendant la première partie de la crise ? Les modifications apportées aux systèmes d’indemnisation du chômage dans plusieurs pays devraient, le plus souvent, avoir des conséquences positives sur la couverture. Cependant, les caractéristiques des nouveaux chômeurs [24], qui jouent elles aussi un rôle, pourraient bien avoir changé pendant la crise. En moyenne, dans l’UE, on observe, au cours des deux premières années de la crise, et en particulier en 2009, une légère amélioration de la couverture chômage, avant un nouveau recul en 2010 (graphique 4). Sur la gauche, ce graphique fait apparaître les pays dans lesquels la couverture a diminué ou est restée stable entre 2007 et 2010. Le recul n’est pas linéaire dans ces pays. En effet, en 2008 et/ ou en 2009, la couverture était, dans la plupart des cas, plus élevée qu’avant la crise, mais elle a baissé par la suite. Sur la droite, la figure montre les pays où la couverture a été relevée entre 2007 et 2010. Dans certains d’entre eux, elle a commencé par diminuer, en particulier entre 2007 et 2008. Les pays où la tendance à la hausse est la plus vive sont le Portugal, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Il n’est pas surprenant de constater que, dans tous les pays qui ont assoupli leurs critères d’éligibilité aux régimes d’indemnisation du chômage (Finlande, France, Portugal, Slovénie et Slovaquie) ou introduit des prestations spéciales pour les chômeurs (Espagne, Italie et Grèce), la couverture a progressé pendant la crise. L’amélioration de la couverture du chômage de courte durée dans les autres pays s’explique vraisemblablement par une évolution des caractéristiques des chômeurs, et en particulier par la progression du chômage des hommes.

Graphique 4

Évolution de la couverture chômage des chômeurs de courte durée (2007 = 100)*

Graphique 4

Évolution de la couverture chômage des chômeurs de courte durée (2007 = 100)*

* Les chiffres pour le Royaume-Uni se rapportent à 2011/2007 car, pour 2010, ils ne sont pas disponibles.
NOTE • Âge : 15-64 ans ; durée du chômage : 1-2 mois. Les pays sont classés en fonction du sens et de l’ampleur de la variation entre 2007 et 2010.
LECTURE • La couverture du chômage fixée à l’indice 100 pour chaque pays en 2007 a augmenté ou diminué les années suivantes. En France, elle a d’abord diminué en 2008 (98) avant d’augmenter en 2009 (103) et 2010 (112).
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.

26Dans l’UE-27, le taux de couverture moyen pour les hommes a légèrement progressé durant la phase initiale de la crise, avant de renouer en 2010 avec son niveau de 2007 (graphique 5). La couverture des femmes a très légèrement progressé après une baisse initiale (graphique 6). Entre 2007 et 2010, sur les dix-neuf pays pour lesquels des données sont disponibles, la couverture s’est améliorée dans dix pays pour les femmes et dans treize pour les hommes, et le taux de couverture des hommes est resté stable en Belgique. Neuf pays ont enregistré un recul de la couverture pour les femmes et cinq pour les hommes. C’est en Espagne, au Royaume-Uni et en Italie que l’on observe les améliorations les plus substantielles pour les femmes, et en Italie, suivie par l’Espagne et le Portugal, pour les hommes. Il est notoire que la couverture chômage est faible en Italie (Jessoula et Vesan, 2011). La Grèce et le Danemark sont des cas intéressants : pendant la crise, la couverture y a fortement augmenté pour les hommes, tandis qu’elle a reculé pour les femmes. Le Danemark est l’un des rares pays où la couverture était légèrement plus élevée pour les femmes avant la crise. Il n’est guère surprenant de constater des effets bénéfiques pour les hommes comme pour les femmes dans tous les pays (pour lesquels des données sont disponibles) qui ont amélioré les conditions d’accès de leur système d’indemnisation ou la durée de l’indemnisation.

Graphique 5

Évolution de la couverture chômage (assurance ou assistance) pour les hommes en chômage de courte durée (2007 = 100)*

Graphique 5

Évolution de la couverture chômage (assurance ou assistance) pour les hommes en chômage de courte durée (2007 = 100)*

* Les chiffres pour le Royaume-Uni se rapportent à 2011/2007 car, pour 2010, ils ne sont pas disponibles
NOTE • Âge : 15-64 ans ; durée du chômage : 1-2 mois.
LECTURE • La couverture du chômage des hommes fixée à l’indice 100 pour chaque pays en 2007 a augmenté ou diminué les années suivantes. En France, elle a d’abord diminué en 2008 (90) avant d’augmenter en 2009 (100) et 2010 (112).
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.
Graphique 6

Évolution de la couverture chômage (assurance ou assistance) pour les femmes en chômage de courte durée (2007 = 100)*

Graphique 6

Évolution de la couverture chômage (assurance ou assistance) pour les femmes en chômage de courte durée (2007 = 100)*

* Les chiffres pour le Royaume-Uni se rapportent à 2011/2007 car, pour 2010, ils ne sont pas disponibles.
NOTE • Âge : 15-64 ans ; durée du chômage : 1-2 mois.
LECTURE • La couverture du chômage des femmes fixée à l’indice 100 pour chaque pays en 2007 a augmenté ou diminué les années suivantes. En France, elle n’a pas cessé d’augmenter pour atteindre l’indice 103 en 2008, 107 en 2009 et 112 en 2010.
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.

27Quelles sont les tendances de la couverture des jeunes par les prestations de chômage ? Entre 2007 et 2010, la moyenne de l’UE-27 a enregistré un recul sensible, de près de 20 % par rapport à un niveau déjà faible, alors qu’au tout début de la crise, elle avait brièvement augmenté (graphique 7). Il faut rappeler que, pendant la crise, les jeunes ont été particulièrement touchés par le chômage et représentaient une forte proportion des emplois à temps partiel et du travail temporaire. Sur neuf pays pour lesquels des données sont disponibles, la République tchèque est celui qui a enregistré le recul le plus spectaculaire, suivie par la Pologne et l’Autriche. En France, en revanche, la couverture des jeunes s’est nettement améliorée. En Espagne, en Finlande et au Royaume-Uni (avec, dans les deux premiers pays, d’importants écarts entre la couverture des jeunes et celle des adultes, voir graphique 3), la couverture s’est également considérablement accrue. Ces trois pays ont délibérément assoupli les critères d’éligibilité aux prestations durant la crise. Nonobstant les évolutions enregistrées pendant la crise, les pays continuent de différer fortement dans leur capacité à procurer une couverture chômage à l’ensemble de leur population, et surtout aux jeunes. L’Espagne constitue un cas particulièrement intéressant. Les travailleurs temporaires et les jeunes y ont été, de loin, les plus touchés par la crise. Dans le même temps, la couverture chômage, qui, traditionnellement, est très différente pour les travailleurs à durée indéterminée et pour les travailleurs temporaires (Leschke, 2008), a progressé. Dans l’ensemble, la couverture chômage des jeunes reste néanmoins comparativement faible (Mato, 2011).

Graphique 7

Évolution de la couverture chômage (assurance ou assistance) des jeunes chômeurs (15-24 ans) (2007 = 100)*

Graphique 7

Évolution de la couverture chômage (assurance ou assistance) des jeunes chômeurs (15-24 ans) (2007 = 100)*

* Les chiffres pour le Royaume-Uni se rapportent à 2011/2007 car, pour 2010, ils ne sont pas disponibles.
NOTE • Durée du chômage : 1-2 mois.
LECTURE • La couverture du chômage des jeunes fixée à l’indice 100 pour chaque pays en 2007 a augmenté ou diminué les années suivantes. En France, elle a fortement augmenté passant à l’indice 126 en 2008, 132 en 2009 et 112 en 2010.
SOURCES • Eurostat, base de données en ligne.

28Dans l’ensemble, nous pouvons conclure qu’aucun schéma clair ne se dégage au niveau des pays concernant l’amélioration de l’accès aux prestations de chômage pendant la crise. La progression du taux de couverture ne s’est pas limitée aux pays qui ont assoupli les conditions d’éligibilité ou qui ont allongé la durée d’indemnisation. L’évolution des caractéristiques des chômeurs (par exemple l’accroissement du nombre de travailleurs standards parmi les chômeurs masculins) a également eu une incidence sur le taux de couverture. En outre, seuls quelques pays disposant de données pour toutes les catégories de chômeurs ont fait état d’améliorations sur toutes les catégories de population active examinées ici. C’est notamment le cas de la Finlande, de la France, de l’Espagne et du Royaume-Uni, les données étant toutefois limitées pour ce dernier. En République tchèque ainsi qu’en Allemagne et en Autriche, la couverture a diminué pour toutes les catégories. Lorsque l’on évalue ces résultats, il ne faut toutefois pas oublier que les taux de couverture globaux diffèrent largement d’un pays à l’autre, même en l’absence de données de comparaison de qualité (tableau 2).

Tableau 2

Augmentation de la couverture chômage en 2010 par rapport à 2007 – synthèse des constats

Tableau 2
Catégorie de population active Nombre de pays pour lesquels des informations sont disponibles Pays où la couverture a été améliorée ou est restée inchangée en 2010 par rapport à 2007 Pays où la couverture a reculé en 2010 par rapport à 2007 Évolution du taux de couverture moyen au sein de l’UE-27 entre 2007 et 2010, en valeur relative et absolue Total (15-65 ans) 20 (13) Italie, Espagne, (Royaume-Uni), Portugal, Pologne, Slovaquie, Slovénie, France, Grèce, Danemark, Hongrie, Finlande, Roumanie (7) Lettonie, Chypre, Autriche, République tchèque, Belgique, Allemagne, Suède 2 % (0,6 point de pourcentage) Jeunes (15-25 ans) 9 (4) France, Espagne, Finlande (Royaume-Uni) (5) République tchèque, Pologne, Autriche, Allemagne, Belgique – 15 % (-2,7 points de pourcentage) Femmes 19 (10) Espagne, (Royaume-Uni), Italie, Pologne, Portugal, France, Slovénie, Finlande, Roumanie, Hongrie (9) Lettonie, Chypre, Autriche, Grèce, Belgique, Danemark, République tchèque, Suède, Allemagne 3 % (0,9 point de pourcentage) Hommes 19 (14) Italie, Espagne, Portugal, (Royaume-Uni), Grèce, Slovénie, Danemark, Pologne, Hongrie, France, Roumanie, Finlande, Lettonie Belgique (inchangé) (6) Chypre, Autriche, République tchèque, Allemagne, Suède 0 % (0 point de pourcentage)

Augmentation de la couverture chômage en 2010 par rapport à 2007 – synthèse des constats

NOTE • Pour le Royaume-Uni, les données se rapportent à 2007 et 2011, car les chiffres pour 2009 et 2010 ne sont pas disponibles.
SOURCES • Auteur.

Conclusions

29Cet article vise à déterminer si la période de la crise a perpétué, voire exacerbé la segmentation du marché du travail et de la protection sociale, ou si elle a contribué à atténuer en partie la dualité apparue au cours des dernières décennies.

30La segmentation existe à la fois sur le marché du travail et dans le système de protection sociale, et ces deux sphères se renforcent mutuellement. Étant donné que, dans la plupart des pays, les systèmes d’indemnisation du chômage (et en particulier l’assurance chômage) restent fortement axés sur l’« emploi standard », les travailleurs atypiques sont désavantagés pour l’accès aux prestations de chômage. Les femmes et les jeunes sont plus nombreux respectivement dans l’emploi à temps partiel et l’emploi temporaire. Il a été démontré que, dans la majorité des pays (pour lesquels des données sont disponibles), la couverture est plus faible pour les femmes que pour les hommes et que les jeunes sont particulièrement désavantagés en termes d’accès aux allocations de chômage.

31La crise a eu un impact direct sur l’emploi temporaire. En effet, pendant la première phase de la crise, les travailleurs temporaires ont été les premiers à perdre leur emploi dans la plupart des pays, alors que, dans la seconde phase, de nouveaux emplois ont souvent été créés sur une base temporaire. Par ailleurs, l’emploi à temps partiel a continué de progresser tout au long de la crise. Les personnes ayant fait peu d’études et les jeunes travailleurs ont été les plus touchés par le chômage, mais aussi par la hausse qui s’en est suivie de l’emploi temporaire et de l’emploi à temps partiel, lequel poursuit sa progression. En outre, les pays les plus durement frappés par la crise n’ont pas uniquement vu croître leur taux de chômage : la plupart ont aussi enregistré une augmentation de l’emploi à temps partiel. Les tendances de l’emploi temporaire ont été plus diverses dans les pays particulièrement malmenés par la crise. Certains ont recouru au travail temporaire comme une stratégie d’adaptation externe (l’Espagne, par exemple) tandis que d’autres (comme l’Irlande) ont assisté à une progression de la part de l’emploi temporaire dans l’emploi total malgré la montée du chômage. Dans tous les pays où le chômage est élevé, les formes d’emploi atypiques non choisi ont progressé, et souvent dans de grandes proportions, ce qui permet de penser qu’en période de difficultés sur le marché du travail, les chômeurs sont contraints d’accepter des emplois de qualité inférieure. La segmentation du marché du travail s’est donc poursuivie pendant la crise, tant pour certaines catégories de population active (les jeunes et ceux qui ont fait peu d’études) que pour certains pays (principalement les plus touchés par le chômage).

32En ce qui concerne le système de protection sociale, différentes tendances pour la couverture chômage sont apparues durant la crise. Étant donné la force avec laquelle le chômage a frappé certaines catégories de population active, en particulier les travailleurs temporaires et, parmi eux, les jeunes, et parce que ce sont précisément ces catégories qui sont les moins susceptibles de remplir les conditions d’accès aux prestations de chômage, un certain nombre de pays, comme la Finlande, la France, le Portugal, la Lettonie et la Slovénie, ont volontairement assoupli (dans de nombreux cas de façon permanente) ces conditions d’accès, ce qui a amélioré la couverture pour ces catégories. Dans d’autres pays, la couverture a diminué durant la crise. Toutefois, les données disponibles n’étant que des proxies (sous-déclaration, absence de données sur la couverture des travailleurs à temps partiel et temporaires, absence de données distinctes sur l’assurance chômage et l’assistance chômage) et l’information faisant en partie ou totalement défaut pour plusieurs pays européens, il est difficile de déterminer si la crise a accentué ou au contraire atténué la segmentation de la protection sociale.

33Il semble que la situation ne soit pas la même dans tous les pays. L’ouverture délibérée, dans plusieurs pays, des dispositifs de chômage à de nouvelles catégories de population active pendant la crise peut être considérée comme une tendance positive, qui contraste avec les évolutions des dernières décennies. Par ailleurs, les tendances des taux de couverture ne sont bien souvent pas linéaires au sein des pays, et, partant, les résultats dépendent également, dans une certaine mesure, du changement dans les caractéristiques des effectifs des chômeurs. Cependant, dans la grande majorité des pays, les femmes et, surtout, les jeunes restent en position d’infériorité car ils sont désavantagés en termes de couverture par les prestations de chômage, et le taux de couverture des jeunes a, en moyenne, effectivement reculé pendant la crise. Enfin, outre les inégalités que subissent certaines catégories de population active en termes de couverture, les pays diffèrent fortement en ce qui concerne le taux de couverture global et, en général, également au niveau de la générosité des prestations de chômage, comme en attestent les chiffres des dépenses. Les comparaisons entre pays se heurtent ici à un problème important : l’absence de données de comparaison fiables sur la couverture par les prestations de chômage, en valeur absolue.

34Il est intéressant de noter que la protection sociale des travailleurs atypiques figure désormais explicitement à l’ordre du jour de la Stratégie Europe 2020. Auparavant, dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne, c’est-à-dire de 2000 à 2010, la priorité était non pas la protection sociale, mais la sécurité de l’emploi ou l’employabilité. La crise économique a davantage mis en évidence les lacunes de la couverture, et plusieurs institutions (dont l’OCDE et la Commission européenne) se sont demandé, notamment du fait de la crise, s’il valait mieux renforcer la couverture par les allocations de chômage via les régimes d’assurance chômage (plus fortement liés au marché du travail) ou par les régimes d’assistance chômage ou d’autres mécanismes d’assistance. Globalement, il reste à voir si, sur le long terme, les tendances récentes favoriseront l’inclusion des travailleurs atypiques dans les dispositifs d’indemnisation du chômage. Les récentes mesures d’austérité qui, dans plusieurs pays, ont nettement privilégié la réduction des dépenses consacrées aux politiques sociales et à l’emploi, mais le fait que certains pays ont amélioré l’accès aux prestations de chômage pour certaines catégories de travailleurs, à titre temporaire uniquement, font douter. En réponse à la situation des travailleurs en emploi atypique, plusieurs documents de la Commission européenne ont repris l’idée d’un « contrat de travail unique » (sans limite temporelle ex ante mais prévoyant une longue phase d’entrée avec une progression graduelle des droits de protection de l’emploi). Ce type de contrat a été proposé dans des pays comme l’Espagne, la France et l’Italie afin d’atténuer la segmentation du marché du travail.

Notes

  • [*]
    Maître de conférences, département Business and Politics, Copenhagen Business School (Danemark)
  • [1]
    Cet article a été écrit en anglais. Il a été traduit par Architexte. La version initiale en anglais est disponible sur http://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales.htm
  • [2]
    Pour une analyse détaillée de l’emploi à temps partiel et de l’emploi temporaire non choisis, voir Leschke, 2012.
  • [3]
    Ainsi, le Parlement européen a commandé deux études consacrées à l’élaboration d’indicateurs du taux de couverture par les prestations de protection sociale pour les personnes ayant un emploi flexible (Alphametrics, 2005 et 2009).
  • [4]
    Voir le texte explicatif sous la ligne directrice 7 : « Accroître la participation des femmes et des hommes au marché du travail, diminuer le chômage structurel et promouvoir la qualité de l’emploi ».
  • [5]
    Les programmes d’emplois de courte durée et la question de leur accessibilité pour les travailleurs atypiques ne sont pas traités ici. Pour de plus amples informations, voir Leschke, 2012 et Hijzen et Venn, 2011.
  • [6]
    La notion de segmentation décrit ici la division du marché du travail et du système de protection sociale en segments distincts qui se caractérisent par des degrés différents de protection pour l’emploi, le salaire et les revenus. Ce terme peut être utilisé de manière interchangeable avec ceux de dualisation et de fragmentation.
  • [7]
    Leschke (2008) propose une étude approfondie de l’accès des travailleurs temporaires et à temps partiel aux dispositifs d’indemnisation du chômage en Allemagne, au Danemark, en Espagne et au Royaume-Uni, s’appuyant sur les données du panel communautaire des ménages (PCM) (1993-2001) et sur des informations institutionnelles allant jusqu’en 2006.
  • [8]
    Il n’y a aucune information sur la Roumanie, la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, Chypre et Malte, qui ne sont pas membres de l’OCDE. Les tableaux comparatifs MISSOC n’étant pas suffisamment détaillés pour compléter les informations manquantes pour ces pays, ces derniers ne seront pas pris en compte ici.
  • [9]
    Période d’acquisition des droits calculée en heures ou en journées de travail : Belgique, France, Grèce, Hongrie, Pologne et Portugal.
  • [10]
    Conditions d’éligibilité supplémentaires fondées sur le nombre d’heures travaillées antérieurement ou sur le dernier salaire : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Pologne, Royaume-Uni et Suède.
  • [11]
    Période d’acquisition des droits courte : Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Luxembourg, Portugal, Suède et, une période d’acquisition des droits particulièrement courte : Irlande, (Pays-Bas), Pologne, République slovaque et Slovénie. Le système britannique combine le niveau du dernier salaire et la période d’acquisition des droits, ce qui désavantage à la fois les personnes peu rémunérées et celles ayant peu d’ancienneté (pour des informations détaillées, voir Leschke, 2008).
  • [12]
    Durée d’indemnisation conditionnée par les emplois ou les cotisations enregistrés : Allemagne, Autriche, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Slovénie.
  • [13]
    Les taux de remplacement nets des allocations de chômage pour les différents niveaux de salaire et les types de ménages peuvent être consultés sur la page « Prestations et salaires » du site Internet de l’OCDE.
  • [14]
    La réforme du système néerlandais d’indemnisation du chômage, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, motivée par la progression de l’emploi atypique, et particulièrement du travail à temps partiel, constitue une exception qui mérite d’être notée (Koopmans et al., 2005, pp. 365-367).
  • [15]
    Des pays de l’OCDE tels que les États-Unis, le Canada, le Japon et la Suisse ont également revu leur système d’indemnisation du chômage (pour de plus amples informations, voir OCDE, 2010a).
  • [16]
    Les changements apportés aux cotisations dans un certain nombre de pays ne sont pas étudiés ici car ils n’ont généralement pas d’effet direct sur la couverture des travailleurs atypiques. Ils peuvent toutefois produire un effet indirect s’ils introduisent des incitations à embaucher selon des contrats de travail standards plutôt qu’atypiques (voir le cas de l’Espagne où, par le passé, le gouvernement s’est efforcé d’inciter à embaucher sur la base de contrats réguliers, en allégeant les cotisations).
  • [17]
    Cependant, cette mesure ne devait durer qu’un an, à compter de février 2009 (OCDE 2009c, p. 188).
  • [18]
    En Espagne, l’assistance chômage est habituellement réservée à des catégories de la population active spécifiques, comme les chômeurs ayant une famille à charge ou les travailleurs âgés. La prestation spéciale a été supprimée en février 2011 ; environ 700 000 chômeurs en ont bénéficié (Sanz de Miguel, 2 mars 2011).
  • [19]
    Au Danemark, les prestations de l’assurance chômage étaient auparavant servies à tous pendant au maximum quatre ans, ce qui est long comparativement aux autres pays ; en 2010, cette durée maximale a été ramenée à deux ans.
  • [20]
    L’objectif de cette information est de comparer les chiffres du chômage communiqués par l’Organisation internationale du travail et les chiffres officiels.
  • [21]
    Les différences de formulation des questions de l’enquête d’un pays à l’autre jouent un rôle déterminant ici. Voir Immervoll et al., 2004 : pp. 58-67.
  • [22]
    En principe, le moment où sont activés les dispositifs d’assistance et la durée moyenne du chômage entrent également en ligne de compte. Nous ignorons toutefois ces facteurs ici, car nous nous intéressons uniquement au chômage de courte durée, d’un ou de deux mois seulement.
  • [23]
    OCDE (2009c, p. 164) donne des détails sur les pays dans lesquels les jeunes demandeurs d’emploi qui n’ont jamais travaillé peuvent bénéficier de prestations de chômage. C’est le cas en Allemagne, en Finlande, au Danemark, en Suède, en Irlande, au Royaume-Uni, en Belgique, au Luxembourg et en Grèce (ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande). Dans la plupart des cas, les conditions sont strictes et assorties d’obligations mutuelles.
  • [24]
    Les conséquences de l’évolution des caractéristiques des chômeurs ne sont pas claires, car l’effet peut s’exercer dans les deux sens. Prenons un exemple simple : pendant les premières années de la crise, les hommes ont été plus nombreux que les femmes à perdre leur emploi et ils sont, en moyenne, plus susceptibles d’avoir accès aux prestations que les femmes. D’un autre côté, les travailleurs temporaires (qui ont moins d’ancienneté et par conséquent ont en moyenne plus difficilement accès aux prestations que les travailleurs ayant un emploi à durée indéterminée) étaient, eux aussi, plus susceptibles d’avoir perdu leur emploi.
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Cet article cherche à déterminer si les évolutions du marché du travail et des régimes de protection sociale pendant la crise économique ont perpétué la tendance à la segmentation du marché du travail ou si, au contraire, la crise a atténué certains des clivages apparus au cours des dernières décennies. Dans le cas des travailleurs atypiques, il semble, à première vue, que les changements observés durant la crise dans les pays d’Europe ne vont pas tous dans la même direction. En effet, si, bien souvent, ces travailleurs ont été davantage touchés par le chômage, des efforts importants ont été déployés pour améliorer leur accès aux prestations de chômage, car en général, ce sont eux qui y sont les moins éligibles. Grâce à ces efforts, mais aussi parce que les caractéristiques des personnes sans emploi ne sont plus les mêmes, la couverture chômage s’est améliorée dans de nombreux pays. Dans d’autres, ce sont des tendances opposées qui sont apparues. Les femmes, mais surtout les jeunes, demeurent toutefois moins bien lotis. En moyenne, au sein de l’Europe des 27, la protection des jeunes a reculé pendant la première partie de la crise.

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  • Sources des données

Janine Leschke [*]
Maître de conférences au département Business and Politics à la Copenhagen Business School (Danemark). Ses travaux de recherche portent principalement sur des analyses comparatives des marchés du travail et des États-providence au sein de l’Union européenne.
  • [*]
    Maître de conférences, département Business and Politics, Copenhagen Business School (Danemark)
Mis en ligne sur Cairn.info le 20/02/2014
https://doi.org/10.3917/rfas.127.0010
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