CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Depuis plus de dix ans, des enquêtes en population générale ont permis d’établir, pour la France hexagonale, un lien statistique fort entre, d’une part, les situations difficiles et les maltraitances vécues dans la jeunesse et, d’autre part, une propension accrue à subir des violences à l’âge adulte, quel qu’en soit le théâtre [1]. Un tel lien illustre l’une des faces de la thèse de la reproduction de la violence, celle de la reproduction de la victimation, selon laquelle la famille, lieu où naissent ou se concentrent la plupart des difficultés rencontrées dans la jeunesse, joue un rôle primordial dans la transmission de facteurs sociaux, psychologiques, mais aussi économiques et culturels, susceptibles de nuire durablement à la qualité des relations sociales et des rapports de genre, tant pour les enfants devenus adultes que pour leurs propres enfants.

2Les données recueillies par l’enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (dite ENVEF-Mque, voir encadré) permettent d’explorer, dans un contexte familial différent de celui de l’Hexagone, l’existence d’une relation entre les épreuves traversées dans les jeunes années et l’importance de l’exposition aux violences à l’âge adulte. Dans les sociétés antillaises, souvent regardées comme matrifocales [2], la famille étendue constitue un cadre de vie et un marqueur social et identitaire fort [3]. En revanche, comme l’ont montré les résultats de l’enquête ENVEF-Mque, les contours de l’entité conjugo-parentale apparaissent souvent difficiles à cerner en raison d’une nuptialité faible et tardive, de l’importance des relations de couple sans cohabitation (un quart des personnes interrogées) et des situations monoparentales (19 % des répondantes et près de 2 % des répondants) ou quasi monoparentales (10 % des répondantes et 2 % des répondants) [4], de la relative fréquence d’un pluripartenariat masculin simultané et stable [5] et de la complexité des fratries et des configurations parentales (Lefaucheur et Brown, 2011).

L’enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique [Encadré]

Cette enquête statistique dirigée par Nadine Lefaucheur (CRPLC) et Elizabeth Brown (CRIDUP), financée par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et le Service des droits des femmes et de l’égalité, a été réalisée à l’automne 2008 par l’institut de sondages MV2 spécialisé dans la collecte des données par téléphone assistée par informatique (Computer-Assisted Telephone Interview), méthode qui a été jugée la plus apte à garantir la confidentialité et à faciliter le questionnement sur un sujet touchant à l’intimité des personnes. Afin de permettre des comparaisons, la problématique, la méthodologie et le questionnaire se sont largement inspirés de ceux des enquêtes sur les violences envers les femmes (ENVEFF) effectuées en France hexagonale et dans les DOM-TOM depuis 2000. Cependant, contrairement à ces dernières, l’enquête ENVEF-Mque a inclus les hommes dans le champ d’étude, selon un protocole de plus en plus fréquent dans les enquêtes sur les violences [*].
Un échantillon représentatif de 1 000 femmes et 500 hommes âgés de 18 à 59 ans, joints sur leur téléphone fixe, a répondu à un questionnaire dit « long » comprenant sept modules :
  • le premier explorait les caractéristiques individuelles et biographiques des répondants et de leurs éventuel(le)s conjoint(e)s ou partenaires ;
  • les cinq suivants étant consacrés aux violences (verbales, psychologiques, physiques et sexuelles) éventuellement subies pendant les douze derniers mois, dans la vie professionnelle ou scolaire, dans la vie conjugale ou amoureuse, dans les relations avec un ancien partenaire, dans les relations avec la famille et les proches, et, enfin, dans les espaces publics ;
  • un dernier module relevait les principaux faits de violence (insultes, menaces, coups et autres brutalités, pratiques et relations sexuelles imposées) subis avant les douze derniers mois, en précisant s’ils l’avaient été avant ou après l’âge de 18 ans.
Les enquêteurs ou enquêtrices s’assuraient que les personnes interrogées étaient seules dans la pièce d’où elles répondaient et, en cas de survenue d’un tiers, un dispositif permettait d’interrompre l’interview pour le reprendre plus tard.
Un questionnaire dit « court » était destiné aux personnes non joignables par téléphone fixe. Reprenant les caractéristiques individuelles et biographiques essentielles et l’interrogation sur les principaux faits de violence vécus de l’enfance jusqu’à la date de l’enquête, il a été soumis à 142 femmes et 464 hommes, joints sur leur mobile. Les données présentées dans cet article se fondent sur les seules réponses au questionnaire long, car le questionnaire court n’abordait pas la question des difficultés de l’enfance.
Afin de permettre l’étude de variations significatives des taux de violence en fonction de plusieurs caractéristiques des individus, des indicateurs agrégés (violences psychologiques, violences physiques et violences sexuelles) ont été construits pour les différents espaces de vie (Brown et Lefaucheur, 2011).
Cette étude statistique a été complétée par deux enquêtes par entretiens biographiques menés par des membres du CRPLC auprès d’hommes (auteurs ou non, victimes ou non, de faits de violence) sur les conditions de la socialisation masculine à la Martinique et auprès de femmes victimes ou ex-victimes de faits de violence (dont la moitié étaient des répondantes de l’enquête statistique), concernant les obstacles rencontrés et les ressources mobilisées pour sortir des situations de violence (Lefaucheur, 2011 ; Lefaucheur et Mulot, 2012).

3Après avoir dessiné le tableau des difficultés que les enquêté(e)s ont connues dans leur prime jeunesse, nous rechercherons l’origine possible de ces difficultés dans l’environnement parental de la prime jeunesse et/ou la précocité de l’entrée dans la vie adulte, puis nous en examinerons les conséquences sur la situation conjugale et parentale des répondant(e)s au moment de l’enquête. Nous vérifierons ensuite si l’on retrouve dans la société martiniquaise l’amplification, constatée dans d’autres contextes géographiques, des risques de victimation à l’âge adulte liés aux stigmates d’une jeunesse marquée par les difficultés sociales et familiales. Nous nous interrogerons enfin, à partir des données statistiques de l’enquête ENVEF-Mque mais aussi des enquêtes qualitatives complémentaires, sur la capacité des personnes qui ont connu de grandes difficultés dans leur enfance à échapper à la surexposition ultérieure aux violences.

Les difficultés vécues dans l’enfance et l’adolescence

4Dans l’enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique, comme dans la plupart des enquêtes nationales abordant les conditions de vie dans la jeunesse [6], les difficultés vécues dans l’enfance et l’adolescence ont été repérées par une série de questions portant sur les privations matérielles, la maltraitance physique, les souffrances psychologiques liées aux relations dégradées au sein de la famille, le placement éventuel hors du foyer parental ainsi que sur le décès prématuré d’un ou des deux parents : 52 % des femmes et 47 % des hommes interrogés ont fait état d’au moins une des dix difficultés évoquées ; 30 % des premières et 26 % des seconds en ont mentionné au moins deux (tableau 1).

Tableau 1

Personnes ayant vécu des difficultés pendant la jeunesse selon la présence des parents dans le foyer à 14 ans (%)(1),(2)

Tableau 1
Femmes Présence des parents dans le foyer à 14 ans Ensemble Les deux parents Mère ou père seul (1) Mère ou père et conjoint(e) Autre (2) n=1000 (n=609) (n=283) (n=59) (n=49) Nombre de difficultés citées Aucune difficulté 48,4 57,7 38,7 29,6 14 Une difficulté 21,6 20,3 23,8 19,4 28 Cumul de difficultés (2 ou plus) 30,0 22,0 37,5 51,0 58 Dans votre enfance ou adolescence, avez-vous… Souffert de la misère 14,9 11,8 18,5 21,2 23 Manqué d’affection 21,5 14,5 27,8 39,4 49 Été souvent punie ou frappée injustement 16,5 14,0 19,6 23,6 22 Été maltraitée ou servi de souffre-douleur 4,8 4,2 3,7 13,5 8 Eu un conflit très grave avec vos ou l’un de vos parents 10,4 8,5 12,0 20,4 13 Vécu dans un climat de graves tensions ou de violence familiale 13,0 11,4 13,0 28,1 15 Souffert de l’alcoolisme d’un de vos proches 12,4 ns ns ns ns Été confiée pendant au moins un an à un membre de la famille autre que vos parents, à une famille d’accueil ou à une institution 14,4 8,0 15,2 29,0 70 Vous êtes-vous sentie rejetée ou moins aimée à cause de votre apparence physique 10,7 ns ns ns ns Avez-vous perdu votre père ou/et votre mère avant 14 ans 4,2 0,0 12,2 13,0 7,3 Agression sexuelle avant l’âge de 18 ans 8,5 8,3 6,2 13,8 17

Personnes ayant vécu des difficultés pendant la jeunesse selon la présence des parents dans le foyer à 14 ans (%)(1),(2)

CHAMP • Ensemble des femmes interrogées.
(1) Avec la mère (n = 253), avec le père (n = 30).
(2) Avec les grands-parents (n = 26), un autre membre de la famille (n = 13), en institution ou famille d’accueil ou chez un employeur (n = 10).

Personnes ayant vécu des difficultés pendant la jeunesse selon la présence des parents dans le foyer à 14 ans (%)(1),(2)

Tableau 1
Hommes Ensemble Les deux parents Mère ou père seul (1) Mère ou père et conjoint(e) Autre (2) (n=500) (n=321) (n=123) (n=30) (n=26) Nombre de difficultés citées Aucune difficulté 53,3 64,8 39,6 29,7 9 Une difficulté 20,9 19,3 24,7 12,7 30 Cumul de difficultés (2 ou plus) 25,8 15,9 35,7 57,6 61 Dans votre enfance ou adolescence, avez-vous… Souffert de la misère 14,3 10,6 22,8 19 15 Manqué d’affection 16,5 8,9 23,9 38 47 Été souvent puni ou frappé injustement 17,3 14,5 19,6 32 24 Été maltraité ou servi de souffre-douleur 3,3 1,7 3,7 15 9 Eu un conflit très grave avec vos ou l’un de vos parents 9,6 6,3 12 20 26 Vécu dans un climat de graves tensions ou de violence familiale 8,3 ns ns ns ns Souffert de l’alcoolisme d’un de vos proches 8,5 ns ns ns ns Été confié pendant au moins un an à un membre de la famille autre que vos parents, à une famille d’accueil ou à une institution 12,1 6 13,2 18 69 Vous êtes-vous senti rejeté ou moins aimé à cause de votre apparence physique 7,5 ns ns ns ns Avez-vous perdu votre père ou/et votre mère avant 14 ans 4,2 0,0 12,2 13 7 Agression sexuelle avant l’âge de 18 ans 2,2 ns ns ns ns

Personnes ayant vécu des difficultés pendant la jeunesse selon la présence des parents dans le foyer à 14 ans (%)(1),(2)

CHAMP • Ensemble des hommes interrogés.
(1) Avec la mère (n = 114), avec le père (n = 9).
(2) Avec les grands-parents (n = 14), un autre membre de la famille (n = 4), en institution ou famille d’accueil ou chez un employeur (n = 8).
Les pourcentages en italiques sont des ordres de grandeur (effectifs inférieurs à 50).
LECTURE • 57,7 % des femmes qui vivaient à 14 ans avec leurs deux parents n’ont déclaré aucune des difficultés de l’enfance étudiées ici ; 11,8 % ont déclaré avoir souffert de la misère.
« ns » : les variations de fréquence de la difficulté selon la présence des parents ne sont pas significatives au seuil de 5 %.
SOURCE • Enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (CRPLC, CRIDUP, 2008).

5Cette série de questions ne mentionnait pas les agressions sexuelles subies dans la jeunesse, dont les effets sont unanimement reconnus comme durablement délétères. Abordées dans la dernière partie du questionnaire, ces agressions ont été relatées par 8,5 % des femmes et 2,2 % des hommes, qui ont déclaré avoir été victimes d’attouchements, de tentatives de rapports sexuels forcés ou de rapports sexuels forcés avant l’âge de 18 ans. Cette dernière partie du questionnaire permet également de préciser la question des violences physiques subies avant 18 ans ; il apparaît que, toutes choses égales par ailleurs, le cumul de difficultés dans l’enfance et l’adolescence est, pour les deux sexes, le premier facteur d’accroissement des probabilités d’avoir subi de telles violences avant 18 ans.

6Le manque d’affection et le fait d’avoir été « souvent puni(e) ou frappé(e) injustement » ont été les deux items les plus cités par les deux sexes – les femmes plaçant en tête le manque d’affection, tandis que les hommes citaient plus souvent les coups et les punitions injustes. Quelle que soit la méthode utilisée, les réponses aux interrogations portant sur les difficultés rencontrées dans l’enfance dépendent certes toujours de l’appréciation personnelle des enquêtés et des aléas de la reconstruction d’un passé parfois lointain. Les questions sur le manque d’affection et l’injustice des punitions et des coups endurés font particulièrement appel à la subjectivité. Mais le fait que ces items soient en tête des difficultés rapportées fait écho à des plaintes souvent exprimées aujourd’hui dans la société martiniquaise, où le style d’éducation traditionnel donne plus d’importance à la punition qu’à la récompense [7] et où, passée la toute première enfance, seule une place limitée est accordée aux marques d’affection et à l’expression de la tendresse (Mulot, 2000 ; Lefaucheur et Mulot, 2012). On peut aussi noter que, dans la moitié des cas, le sentiment d’avoir manqué d’affection ou d’avoir été rejeté(e) a été imputé par les répondant(e)s à leur apparence physique [8]. Le complément apporté à l’enquête quantitative par les entretiens réalisés en face à face nous amène à penser que dans une société aussi fortement racialisée et marquée par la hantise de l’homosexualité, les caractéristiques physiques susceptibles d’entraîner le rejet renvoient sans doute souvent à une couleur de peau socialement ou familialement inadéquate, trop claire ou trop foncée et, pour les garçons, à ce qui est perçu comme une apparence peu virile et des « manières » de makoumè (Pourette, 2002). Que les parents des répondant(e)s se soient réellement montrés injustes à leur égard ou n’aient pas éprouvé d’affection pour eux, et que ce soit ou non en raison de leur apparence physique, n’est d’ailleurs pas ici la question. Ce qui importe est le sentiment éprouvé par les enquêté(e)s de ne pas avoir été aimé(e)s ou d’avoir été rejeté(e)s ou traité(e)s injustement.

7La « misère », terme qui, à la Martinique, connote la grande pauvreté (Bruneteaux et al., 2007), vient en troisième position des difficultés que les répondant(e)s rapportent avoir connues pendant l’enfance, suivie de près par une pratique qui en résulte souvent : le placement (pour une durée d’un an au moins) chez un parent autre que le père ou la mère, dans une famille d’accueil ou, plus rarement, dans une institution, voire chez des quasi-inconnus [9].

8Si l’on excepte le fait d’avoir été un enfant « confié », la fréquence des difficultés déclarées par les répondant(e)s de Martinique et par ceux de l’enquête Événements de vie et santé sont assez proches [10] ; seules les privations matérielles ont été beaucoup plus fréquemment citées dans l’île que dans l’Hexagone, tandis que l’exposition à un « climat de graves tensions ou de violences familiales » l’était beaucoup moins, – résultat qu’il faut rapprocher du fait que les enfants martiniquais, vivant plus souvent avec un parent seul, sont sans doute potentiellement moins souvent exposés aux querelles parentales.

9Le nombre des difficultés évoquées et leur fréquence dépendent en effet largement de l’environnement parental que les répondant(e)s ont décrit comme celui de leur quatorzième anniversaire (tableau 1). Les personnes qui ont le moins fait état de ces difficultés sont celles qui vivaient à cet âge avec leurs deux parents. Parmi les autres, celles qui résidaient avec un parent et son partenaire (le plus souvent leur mère et son conjoint) ont rapporté beaucoup plus de souffrances physiques et psychologiques que celles qui appartenaient à un foyer monoparental [11]. Ces résultats sont vérifiés tant pour les répondantes que pour les répondants. Les femmes vivant à 14 ans dans un foyer « recomposé » ont aussi deux fois plus souvent déclaré avoir subi des agressions sexuelles avant 18 ans et ont presque deux fois plus souvent quitté le domicile familial avant cet âge.

Répercussions des difficultés de l’enfance sur la situation à l’âge adulte

Entrée précoce dans l’âge adulte

10Comme l’avait déjà montré l’enquête ENVEFF réalisée en métropole, les situations difficiles de la jeunesse entraînent souvent une accélération de la transition vers l’âge adulte (y compris de la première expérience sexuelle pour les femmes), avec toutes les conséquences dommageables que cela peut entraîner sur le niveau de formation [12] et, par la suite, sur la capacité à accéder à une situation socio-économique satisfaisante ou simplement acceptable [13].

11Des corrélations étroites sont ainsi apparues, lors de l’enquête ENVEF réalisée à la Martinique, entre le fait d’avoir vécu des événements difficiles tôt dans la vie et l’entrée précoce dans l’âge adulte (tableau 2). Ainsi, les personnes qui ont mentionné au moins deux difficultés dans leur jeunesse sont-elles deux (pour les hommes) ou trois fois (pour les femmes) plus nombreuses à avoir quitté le domicile parental avant 18 ans que celles qui n’en ont pas déclaré. Les femmes ont aussi vécu leur premier rapport sexuel ou leur première maternité beaucoup plus souvent précocement que leurs consœurs qui ont bénéficié de jeunes années exemptes de gros problèmes.

Tableau 2

Passage précoce à l’âge adulte selon le nombre de difficultés vécues pendant la jeunesse (%)*,**

Tableau 2
Nombre de difficultés dans la jeunesse Ensemble 0 1 2 et plus Femmes n = 1000 (n = 482) (n = 216) (n = 302) Départ précoce du domicile parental (avant 18 ans) 20,0 10,6 22,5 32,6 Premier rapport sexuel précoce (avant 17 ans)* 21,0 17,8 17,2 31,6 Première maternité avant 25 ans** 44,8 35,1 45, 56,5 Hommes (n = 500) (n = 273) (n = 102) (n = 125) Départ précoce du domicile parental (avant 18 ans) 16,2 9,7 17,7 28,5

Passage précoce à l’âge adulte selon le nombre de difficultés vécues pendant la jeunesse (%)*,**

CHAMP • Ensemble des femmes et des hommes interrogés.
LECTURE • 20 % des femmes ont quitté le domicile parental avant leur 18e anniversaire, mais 10,6 % seulement l’ont fait quand elles n’ont déclaré aucune difficulté dans la jeunesse.
NB Pour les hommes, les variations de l’âge au premier rapport sexuel ne sont pas significatives.
*. 36 femmes n’ont pas encore eu de rapport sexuel.
**. 265 femmes n’ont pas encore eu d’enfant.
SOURCE • Enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (CRPLC, CRIDUP, 2008).

12De fait, si l’on détaille les différentes souffrances physiques et psychologiques de la prime jeunesse remémorées lors de cette enquête, les taux apparaissent beaucoup plus élevés parmi les personnes qui ont quitté le domicile parental avant leur dix-huitième anniversaire, ainsi que parmi les 22 % de femmes qui ont eu leur premier rapport sexuel avant 17 ans, que parmi leurs homologues moins précoces. L’écart, presque toujours supérieur à 50 %, atteint même, pour les femmes comme pour les hommes, le doublement pour les conflits graves avec les parents et la sensation de climat de violence familiale (tableau 3).

Tableau 3

Difficultés connues pendant l’enfance et l’adolescence, et précocité de l’entrée dans l’âge adulte (%)(1),(2)

Tableau 3
Femmes Âge au départ du domicile parental (1) Âge au premier rapport sexuel (2) Avant 18 ans 18 ans ou plus Avant 17 ans 17 ans ou plus n = 200 n = 620 n = 204 n = 726 Nombre de difficultés citées Aucune difficulté 25,9 51,3 39,7 49,7 Une difficulté 24,5 21,5 17,0 23,5 Cumul de difficultés (2 ou plus) 49,6 27,6 43,3 26,1 Dans votre enfance ou adolescence, avez-vous… Souffert de la misère 26,4 13,7 18,2 14,0* Manqué d’affection 32,0 21,1 ns Été souvent punie ou frappée injustement 26,2 16,1 24,0 15,0 Été maltraitée ou servi de souffre-douleur Ns 8,5 3,9 Eu un conflit très grave avec vos ou l’un de vos parents 16,0 9,3 17,3 8,8 Vécu dans un climat de graves tensions ou de violence familiale 21,5 12,3 18,7 11,8 Été confiée pendant au moins un an à un membre de la famille autre que vos parents, à une famille d’accueil ou à une institution 37,8 8,9 ns ns Vous êtes-vous sentie rejetée ou moins aimée à cause de votre apparence physique ? 16,2 9,5 ns ns Perdu votre père ou/et votre mère avant 14 ans 9,9 4,9 ns ns Agression sexuelle avant l’âge de 18 ans 12,9 8,8 16,7 6,7

Difficultés connues pendant l’enfance et l’adolescence, et précocité de l’entrée dans l’âge adulte (%)(1),(2)

CHAMP • Ensemble des femmes interrogées sauf :
(1) 180 femmes qui n’ont pas quitté le domicile de leurs parents.
(2) 34 qui n’ont pas eu de rapport sexuel et 36 qui n’ont pas indiqué leur âge au premier rapport sexuel.

Difficultés connues pendant l’enfance et l’adolescence, et précocité de l’entrée dans l’âge adulte (%)(1),(2)

Tableau 3
Hommes Âge au départ du domicile parental (1) Âge au premier rapport sexuel (2) Avant 18 ans 18 ans ou plus Avant 15 ans 15 ans ou plus n = 81 n = 266 n = 113 n = 350 Nombre de difficultés citées Aucune difficulté 31,8 53,7 ns ns Une difficulté 22,8 22,0 ns ns Cumul de difficultés (2 ou plus) 45,4 24,3 ns ns Dans votre enfance ou adolescence, avez-vous… Souffert de la misère 24,5 15,6 ns ns Manqué d’affection 32,4 15,1 ns ns Été maltraité ou servi de souffre-douleur 9,5 2,4 ns ns Eu un conflit très grave avec vos ou l’un de vos parents 19,0 8,4 ns ns Vécu dans un climat de graves tensions ou de violence familiale 16,7 7,3 ns ns Souffert de l’alcoolisme d’un de vos proches ns ns ns ns Été confié pendant au moins un an à un membre de la famille autre que vos parents, à une famille d’accueil ou à une institution 37,8 8,3 16,9 11,5 Vous êtes-vous senti rejeté ou moins aimé à cause de votre apparence physique 13,0 5,5 ns ns Perdu votre père ou/et votre mère avant 14 ans 3,7 5,3 ns ns

Difficultés connues pendant l’enfance et l’adolescence, et précocité de l’entrée dans l’âge adulte (%)(1),(2)

CHAMP • Ensemble des hommes interrogés sauf :
(1) 153 hommes qui n’ont pas quitté le domicile de leurs parents.
(2) 19 qui n’ont pas eu de rapport sexuel et 18 qui n’ont pas indiqué leur âge au premier rapport sexuel.
NB : pas de variation significative de la fréquence des agressions sexuelles avant 18 ans pour les hommes.
LECTURE • 49,6 % des femmes qui ont quitté le domicile parental avant 18 ans ont déclaré au moins deux des difficultés de l’enfance étudiées ici ; 26,4 % ont déclaré avoir souffert de la misère.
« ns » : les variations de fréquence de citation de la difficulté selon l’âge au départ du domicile des parents ou l’âge au premier rapport sexuel ne sont pas significatives au seuil de 5 % ou 10 % (avec *).
SOURCE • Enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (CRPLC, CRIDUP, 2008).

13Les difficultés de l’enfance et de l’adolescence, associées à une plus grande précocité de la décohabitation intergénérationnelle, et, pour les femmes, de l’entrée dans la sexualité et de l’âge au premier enfant, se traduisent aussi ultérieurement par un parcours conjugal et parental plus chaotique, résultant sans doute de tentatives de conjugalité, voire de maternité « à tout prix » [14], que les raisons en soient à rechercher du côté des nécessités de la survie économique ou de la quête affective. L’enquête par entretiens auprès de femmes victimes de violence conjugale a ainsi montré que celles qui avaient manqué d’affection, souffert psychologiquement et/ ou subi des sévices physiques ou sexuels dans leur enfance, avaient été amenées à quitter plus tôt que les autres le foyer parental – à le fuir ou à en être exclues, pour autant d’ailleurs que ce foyer existât encore – et à se « réfugier » précocement dans une maternité et/ou une conjugalité vues comme réparatrices des difficultés de l’enfance et de l’adolescence (Ozier-Lafontaine et Lefaucheur, 2011) [15].

Situation conjugale et parentale à l’âge adulte

14Pour les répondantes, les difficultés éprouvées dans l’enfance apparaissent également corrélées à la situation conjugale et parentale à l’âge adulte. Celles qui, au moment de l’enquête, étaient en situation « recomposée », avec un conjoint et des enfants de plusieurs unions de l’un ou de l’autre et, plus encore, celles qui étaient en situation monoparentale ou quasi monoparentale [16], ont plus souvent rapporté avoir vécu des difficultés d’au moins deux ordres dans leur enfance (respectivement 33 % et 42 %) que celles qui résidaient avec un conjoint (27 %).

15Pour les hommes, aucun lien n’a pu être identifié entre les difficultés de la jeunesse et la situation conjugale et parentale au moment de l’enquête. Outre la taille plus limitée de l’échantillon masculin, la raison en est sans doute la différence genrée des modes de vie conjugo-parentaux et de la prise en charge des enfants nés hors mariage : très peu de répondants sont en situation monoparentale (moins de 4 % contre 29 % des femmes) et la majorité des hommes enquêtés (54 %) ne cohabitent ni avec une partenaire ni avec au moins un enfant dont ils seraient le père [17], ce qui n’est le cas que de 30 % des répondantes.

Difficultés vécues dans la jeunesse et violences subies à l’âge adulte : un lien statistique fort…

16Les taux de victimation à l’âge adulte [18] varient fortement non seulement selon le sexe et des caractéristiques telles que l’âge, le niveau de formation, l’origine et le parcours migratoire, le statut d’emploi ou la catégorie socioprofessionnelle, mais aussi selon les deux variables corrélées que sont la situation conjugale et parentale des répondant(e)s et les difficultés éprouvées pendant l’enfance et l’adolescence. Plus précisément, dans la plupart des analyses « toutes choses égales par ailleurs » permettant de dégager les variables explicatives des violences déclarées pour les douze derniers mois dans toutes les sphères de vie [19], les difficultés vécues dans l’enfance et l’adolescence apparaissent comme l’un des principaux déterminants de l’accroissement des risques de victimation (tableau 4).

Tableau 4

Effet multiplicateur (odds ratio) du cumul de difficultés dans l’enfance et l’adolescence sur les risques de victimation à l’âge adulte (au cours des douze mois précédant l’enquête) selon le sexe

Tableau 4
Risques Femmes Hommes Dans l’espace et les lieux publics n = 1000 n = 500 Insultes 3,6 (2,1 ; 6,1) Ns Menaces verbales ou physiques 2,2 (1,1 ; 4,2) 4,1 (1,6 ; 11,0) Violences physiques Ns 4,3 (1,4 ; 13,2) Atteintes et violences sexuelles 3,0 (1,6 ; 5,5) Ns Au travail, 12 derniers mois n = 599 n = 328 Atteintes verbales et psychologiques 2,7 (1,7 ; 4,4) 2,4 (1,4 ; 4,0) Violences physiques et sexuelles 3,1 (1,3 ; 7,7) Ns Dans la relation conjugale ou amoureuse n = 655 n = 330 Atteintes psychologiques 2,1 (1,2 ; 3,8) 3,2 (2,0 ; 4,9) Atteintes physiques 4,2 (1,4 ; 12,8) Ns Atteintes et violences sexuelles 2,2 (1,2 ; 4,1) Ns Dans les relations avec la famille et les proches n = 1000 n = 500 Risque global de violence 3,5 (2,1 ; 5,8) Ns

Effet multiplicateur (odds ratio) du cumul de difficultés dans l’enfance et l’adolescence sur les risques de victimation à l’âge adulte (au cours des douze mois précédant l’enquête) selon le sexe

CHAMP • Ensemble des femmes et des hommes concernés par chaque sphère de vie.
LECTURE • Les 10 régressions logistiques étudient la probabilité d’avoir rapporté au moins une violence de chaque type dans les différents espaces de vie. Pour chaque régression, seul l’effet du « cumul de difficultés dans l’enfance » (en avoir mentionné au moins 2) est reporté dans ce tableau.
L’odds ratio ou rapport de risques estimé indique qu’une femme qui a rapporté au moins deux difficultés dans l’enfance a 2,3 fois plus de risque [p/(1-p)] de déclarer avoir subi des menaces verbales ou physiques dans l’espace public pendant les 12 derniers mois qu’une femme qui a rapporté 0 ou 1 de difficulté.
() : intervalle de confiance à 95 %.
« ns » signifie que la modalité cumul de difficultés n’a pas d’influence significative au seuil de 5 % sur le risque étudié.
SOURCE • Enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (CRPLC, CRIDUP, 2008).

17Pour les hommes, cet effet multiplicateur est particulièrement marqué dans l’espace public, où il quadruple les risques de menaces et ceux de violences physiques ; il est également notable, pour les atteintes de type psychologique, dans la vie conjugale et professionnelle.

18Pour les femmes, ce sont les risques de subir des violences physiques dans les relations conjugales et amoureuses qui sont quadruplés par le seul fait d’avoir vécu des difficultés d’au moins deux ordres dans la prime jeunesse. Les risques d’atteintes sexuelles et d’atteintes psychologiques apparaissent également doublés, voire triplés, pour les répondantes, dans la sphère conjugale ou amoureuse, mais aussi au travail et dans l’espace public.

19Enfin, dans les relations avec la famille et les proches, le risque global de violence au cours de l’année est plus que triplé pour les femmes qui ont décrit une jeunesse difficile : ainsi, les problèmes perdurent-ils à l’âge adulte pour celles et ceux qui n’ont pu rompre, notamment pour des raisons de dépendance économique ou résidentielle, des relations difficiles et souvent empreintes de violence.

20Parmi les difficultés vécues dans l’enfance ou l’adolescence, le fait d’avoir connu une ou plusieurs agressions sexuelles – souffrance majeure pour les 8,5 % de femmes [20] qui en ont fait état – double les risques d’atteintes verbales et psychologiques, d’atteintes et violences sexuelles, et triple celui d’avoir reçu des menaces dans l’espace public au cours de l’ensemble de la vie adulte (et non seulement au cours des 12 mois précédant l’enquête). La survenue de ces agressions sexuelles à de jeunes âges n’est cependant pas significativement corrélée, toutes choses égales par ailleurs, à l’occurrence de violences dans les relations amoureuses ou conjugales plus tard au cours de la vie.

… mais une capacité de résilience

21Cependant, à l’instar des constats réalisés en métropole ou à la Réunion (Brown et al., 2003, Widmer I. et Pourette D., 2009), on observe à la Martinique qu’une majorité de personnes ayant relaté une enfance difficile (avec au moins deux réponses positives aux dix questions qui la caractérisaient dans le questionnaire) ne déclarent pas pour autant avoir été victimes de violences à l’âge adulte.

22Dans les relations amoureuses et conjugales, 53 % de ces personnes n’ont déclaré aucune atteinte et un bon tiers n’ont déclaré que des faits bénins et peu nombreux. En matière de violences subies au travail dans les douze mois écoulés, 60 % des hommes et 64 % des femmes qui ont fait état de difficultés dans l’enfance n’ont rapporté aucune agression. Dans les relations avec la famille et les proches, 82 % des femmes et des hommes qui ont eu une enfance difficile n’ont mentionné aucune atteinte pour l’année écoulée. Enfin, seuls 18,5 % de ces hommes et 21,5 % de ces femmes ont déclaré au moins une atteinte, bénigne une fois sur trois, survenue dans l’espace public.

23La capacité, ainsi manifestée par une majorité des personnes ayant fait état de difficultés dans leur jeune âge, d’échapper à la surexposition statistiquement avérée, aux violences à l’âge adulte, qu’aurait pu laisser craindre une telle enfance, évoque le concept de résilience développé par Boris Cyrulnik. Si la résilience, qui « définit la capacité à se développer quand même, dans des environnements qui auraient dû être délabrants […] se tricote avec mille déterminants » (Cyrulnik, 1999), l’on aimerait pouvoir démêler un tant soit peu la part des qualités psychologiques personnelles de celle des facteurs sociaux, voire économiques, tels que le niveau de formation ou la situation d’activité. La nature des questions posées dans l’enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (qui n’autorisent pas à postuler d’éventuelles qualités individuelles, non plus que leur absence) et la taille de l’échantillon interrogé dans cette enquête ne permettent pas d’aller plus loin dans l’exploration du rôle de ces facteurs. Là où la notion de résilience garde une part d’ombre, la statistique se heurte aussi à des difficultés d’interprétation. Même dans une telle enquête, qui observe un large éventail de caractéristiques sociales, familiales, biographiques, on peut supposer qu’il demeure des variables de confusion importantes, mais aussi que le raisonnement en termes de causalité achoppe, quoi qu’il en soit. L’analyse des entretiens biographiques réalisés auprès de femmes qui étaient ou avaient été victimes de violences conjugales, parfois très graves, et qu’on ne peut donc regarder comme « résilientes », ouvre cependant quelques pistes qui prolongent l’effort d’observation de nombreuses caractéristiques individuelles réalisée dans l’enquête quantitative.

Conclusion : le pire n’est jamais sûr…

24La biographie des dix-neuf femmes rencontrées en entretien [21] illustre au premier abord, et souvent dramatiquement, l’idée de « carrières de victimes » et la thèse de la reproduction à l’âge adulte de la victimation connue dans le jeune âge. Toutes, sauf une, ont évoqué une enfance ou une adolescence malheureuse ou carencée, marquée par la violence exercée sur leur mère par leur père ou leur(s) beau(x)-père(s), par des agressions sexuelles et de la maltraitance. Plusieurs ont été « confiées » à des tantes ou des grands-mères, voire à des quasi-inconnus. Leurs histoires de mise en couple avec le partenaire violent présentent de nombreux points communs, à commencer par l’immaturité et l’absence d’expérience sexuelle ou sentimentale. Certaines, adolescentes, rapidement enceintes (dont l’une à la suite d’un viol), ont interrompu tôt leur scolarité. Quatre femmes ont dit s’être mises en couple avec le « premier venu » pour échapper aux tensions ou violences familiales. La plupart ont évoqué une image paternelle défaillante ou inexistante, des mères suicidaires ou passées à l’acte. Certaines ont elles-mêmes fait des tentatives de suicide. Cinq seulement avaient un niveau supérieur au baccalauréat, sept seulement un emploi et les deux tiers se trouvaient dans une très grande précarité financière.

25Pour treize de ces femmes, cependant, le conjoint ou « l’ami » auteur de violences était un « ex », signe que le cercle vicieux de la victimation avait donc été rompu. Non sans mal. Les obstacles avaient en effet été nombreux : dépendance économique, isolement, situation irrégulière sur le territoire, dépendance affective et empathie à l’égard d’un conjoint « qui a aussi beaucoup souffert dans son enfance », autoculpabilisation, souci de ne pas priver les enfants de leur père, difficultés à se reconnaître victime et à endosser une identité de « femme battue », méconnaissance des recours institutionnels possibles, etc. (Kabile, 2011).

26Au moment de l’entretien, deux de ces femmes n’étaient plus avec le conjoint violent dont elles parlaient parce que celui-ci les avait quittées pour une autre. Mais les onze autres femmes avaient réussi à sortir elles-mêmes de leur situation de « victime de violence conjugale ». Il avait fallu pour cela qu’un « déclic » se produise après une prise de conscience souvent lente et progressive. Il avait fallu qu’à la suite d’un geste, d’un propos ou d’un événement parfois apparemment insignifiant (la « goutte d’eau qui fait déborder le vase »), elles se soient dit : Trop, c’est trop !, comprenant soudain qu’elles ne supporteraient plus ce qu’elles enduraient jusque-là « par amour », « pour les enfants », « parce qu’il a un bon fond mais qu’il est malheureux », parce qu’elles l’avaient « énervé », ou pour ne pas admettre les « ruses de la reproduction » [22] et renoncer à leur idéal conjugal, familial ou amoureux, etc. Elles avaient aussi parfois dû prendre conscience que leur vie même ou celle de leurs enfants était réellement menacée et qu’il leur fallait « se sauver » à tout prix.

27Qu’il résulte d’un « ras-le-bol » ou de la perception d’une menace vitale imminente, le « déclic » leur avait permis de mettre en place des stratégies de « sortie de la violence » ou les avait obligées à le faire dans l’urgence, malgré leurs ressources limitées.

28Si l’on compare les profils de celles qui « s’en sont sorties » et de celles qui étaient encore avec le conjoint violent au moment de l’entretien, on trouve certes beaucoup plus de diplômées et de femmes ayant un emploi du côté des premières. Mais on y trouve aussi plusieurs femmes originaires des États caribéens voisins qui avaient été séquestrées par leur conjoint ou ami martiniquais pendant des périodes parfois longues et avaient connu des violences particulièrement graves et humiliantes. Sans réseau social, quelquefois « sans papiers », il leur était arrivé de longuement « tourner en rond » sans trouver auprès des autorités et des professionnels de l’île l’aide qu’elles cherchaient pour elles-mêmes et surtout pour leurs enfants. Ce sont d’ailleurs le plus souvent les violences exercées à l’égard de ceux-ci qui leur ont donné le courage de partir, lorsqu’elles ont enfin rencontré l’appui d’associations ou de professionnels. Dans une société où la religion tient une grande place, la foi a également constitué une ressource importante, aidant l’une à mobiliser un réseau de coreligionnaires pour une évasion assez rocambolesque, donnant à deux autres le courage de mettre fin à une situation qu’elles jugeaient « immorale », exposant même l’une d’elles à un harcèlement qui lui faisait craindre pour sa vie, ou permettant à une autre de se révolter lorsque son mari lui interdit de participer aux activités de la paroisse [23] et de changer radicalement l’équilibre conjugal sans quitter son conjoint en révélant publiquement, devant un « tribunal familial » et devant l’institution scolaire, tout ce qu’elle subissait en silence depuis des années.

29Certaines s’en sont « sorties » sans recourir aux structures d’aide, en comptant surtout sur leurs propres forces et, un peu, sur l’aide fournie par leur famille, aide accordée de mauvais gré pour cette ouvrière qui a choisi de retourner chez ses parents bien qu’elle y soit mal accueillie, ou, sans même le savoir, dans le cas de cette « anarchiste » qui a refusé de porter plainte contre son conjoint qui l’avait « massacrée » en public, mais qui a joué sur le statut d’étranger « pas tout à fait en règle » de cet homme pour le contraindre à quitter la Martinique avec le billet d’avion que l’argent emprunté (sous un autre prétexte) à l’une de ses sœurs lui avait permis d’acheter. Que cette femme, violée à 15 ans, qui a épousé « le premier venu » pour fuir la violence de son père, a fait plusieurs tentatives de suicide, a connu les drogues dures et de très graves violences conjugales, n’ait eu à déclarer, lors de l’enquête statistique, aucun fait de violence, même minime, de la part du nouveau partenaire avec qui elle avait alors une relation sans cohabitation, plaide pour la reconnaissance de la possibilité de rompre le cercle de la reproduction de la victimation… Probabilité statistique n’est pas fatalité.

30« Le pire n’étant pas toujours sûr », il reste donc à espérer que les enfants de ces femmes, qui ont eux-mêmes souvent vécu tout ou partie de leur enfance et de leur adolescence dans un contexte très violent et carencé, compteront au nombre des résilients ou trouveront suffisamment de ressources, en eux et autour d’eux, pour réussir à rompre, à leur tour, ce « cercle vicieux ».

La victimation à l’âge adulte : des différences marquées entre hommes et femmes pour la sphère conjugale

31Un tiers des répondant(e)s ont déclaré avoir subi au moins une agression au cours des douze mois précédant l’enquête, le plus souvent de nature verbale ou psychologique (tableau).

Tableau

Taux (en %) d’atteintes et violences subies dans les différents espaces de vie pendant les douze derniers mois, selon le sexe

Tableau
Type de violence déclarée Femmes Hommes Dans l’espace et les lieux publics n= 1000 n= 500 Insultes 7,5 7,4 Menaces verbales ou physiques (suivi/e avec insistance, menaces de mort) 4,4 3,3 Violences physiques (vols avec violence, gifles, coups avec arme, tentatives de meurtre) 0,9 2,5 Atteintes et violences sexuelles (attitudes et propos sexuels gênants ou choquants, rapports forcés ou tentatives de rapports forcés) 5,7 2,6 Au travail n= 709 n= 409 Atteintes verbales et psychologiques (insultes, critiques injustes et dénigrement, brimades, destruction du travail ou de l’outil de travail) 19,6 27,0 Menaces verbales ou physiques 1,6 3,2 Agressions physiques 1,6 1,1 Atteintes et violences sexuelles (attitudes et propos sexuels gênants ou choquants, agressions sexuelles) 4,9 1,8 Dans la relation conjugale n= 655 n= 330 Atteintes psychologiques 22,3 26,1 Dont : manifestations de jalousie 9,4 12,5 critiques, mépris, insultes 14,3 13,5 Atteinte économique (contribution insuffisante ou inexistante aux besoins du ménage) 6,7 2,2 Menaces en paroles ou avec une arme 2,0 2,1 Agressions physiques 2,5 1,9 Atteintes et violences sexuelles (pratiques imposées, tentatives de rapports ou rapports sexuels imposés par la force) 7,6 4,4 Dans la relation avec un(e) ancien(ne) partenaire n= 146 n= 96 Insultes graves ou réitérées, menaces en paroles ou avec arme 11,0 7,3 Agressions physiques, atteintes et violences sexuelles 5,2 2,7 Dans la relation avec les membres de la famille, les amis, les proches n= 1000 n=500 Toutes atteintes jugées graves (injures, menaces, agressions physiques et sexuelles) 4,4 4,3

Taux (en %) d’atteintes et violences subies dans les différents espaces de vie pendant les douze derniers mois, selon le sexe

LECTURE • 19,6 % des femmes qui ont travaillé pendant les 12 derniers mois ont déclaré avoir subi des atteintes verbales et psychologiques dans ce cadre.
SOURCE • Enquête Genre et violences interpersonnelles à la Martinique (CRPLC, CRIDUP, 2008).

32Si les femmes ont mentionné beaucoup plus souvent les atteintes et violences sexuelles, quel que soit l’espace considéré, les hommes ont davantage fait état de violences physiques dans les lieux publics (que les femmes fréquentent rarement le soir ou la nuit, surtout seules), de violences psychologiques et de menaces dans le cadre professionnel.

33Dans les relations amoureuses et conjugales, près de 30 % de femmes et d’hommes ont déclaré avoir subi au cours des douze derniers mois soit plus de deux atteintes différentes, soit des atteintes graves ou réitérées.

34Si les hommes ont déclaré un peu plus que les femmes avoir subi des pressions psychologiques de la part de leur conjointe ou amie, celles-ci consistaient surtout en questions et reproches à propos de leur infidélité avérée ou éventuelle. Ce résultat est à rapprocher du fait qu’au moins un tiers des hommes qui font état de manifestations de jalousie de la part de leur conjointe ou amie ont aussi dit avoir eu des relations sexuelles avec plusieurs femmes au cours des douze derniers mois.

35On retrouve ici les caractéristiques très genrées des situations conjugales et familiales, évoquées plus haut. Les femmes, pour leur part, ont un peu plus souvent fait état des critiques exprimées et du mépris manifesté par leur conjoint ou ami.

36Les femmes, qui ont dénoncé trois fois plus souvent que les hommes l’insuffisance ou l’absence de contribution financière de leur partenaire aux besoins du ménage, étaient près de quatre fois plus nombreuses à le faire lorsqu’elles vivaient seules avec au moins un enfant commun.

37Si les hommes font moins souvent état que les femmes d’agressions physiques et sexuelles de la part de leur partenaire, ils y attachent nettement moins souvent un caractère de gravité. Ils évoquent le plus souvent le chantage de leur partenaire à propos des rapports sexuels non désirés, alors que les femmes dénoncent l’emploi de la force physique, et disent, pour la plupart, lorsqu’elles en sont victimes, en éprouver des conséquences néfastes pour leur santé psychologique et physique.

38Il n’est pas possible de déterminer si le fait que les répondant(e)s ont mentionné peu d’atteintes graves de la part des membres de la famille ou des proches doit se lire plutôt comme le signe de relations familiales et amicales souvent harmonieuses ou comme le résultat d’un desserrement ou d’une rupture des relations potentiellement violentes.

39À la Martinique comme dans l’Hexagone (ENVEFF, 2000), les femmes cumulent fréquemment l’exposition à des violences dans la sphère conjugale et au travail : celles qui ont relaté avoir subi plusieurs types de violence (ou au moins un fait grave et répété) dans le cadre conjugal ont aussi déclaré près de trois fois plus d’atteintes verbales ou psychologiques et sept fois plus d’atteintes sexuelles dans l’exercice de leur emploi que celles qui bénéficiaient d’un climat conjugal plus serein.

Notes

  • [*]
    Elizabeth Brown, directrice de l’Institut de démographie de l’université Paris 1 (IDUP) et de son centre de recherches (CRIDUP).
  • [**]
    Nadine Lefaucheur, chercheure associée au Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe ([CRPLC] CNRS/université des Antilles et de la Guyane).
  • [1]
    Voir notamment l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF, IDUP, 2000) et l’enquête Événements de vie et santé (EVS, DREES, 2005-2006).
  • [2]
    Qu’il s’agisse d’une matrifocalité résidentielle (la mère « isolée » vivant avec son ou ses enfants et sa propre mère) ou « relationnelle » (Mulot, 2000, 2013), le rôle éminent de la grand-mère apparaissant comme la cause ou comme la conséquence de « l’oblitération » du père (Lesel, 2003) dans la société antillaise.
  • [3]
    Près de la moitié des répondant(e)s à l’enquête ENVEF-Mque vivaient dans des foyers comprenant deux (près de 40 %), voire trois (10 %), générations et un quart habitait dans le proche voisinage de membres de la famille. Chercher à situer l’interlocuteur dans l’espace social par le nom qu’il porte – et donc par la famille (et la commune) à laquelle il « appartient » – est une pratique courante lors de la prise de contact interindividuelle à la Martinique.
  • [4]
    En 2009, les ménages monoparentaux (ou, selon notre définition, « quasi monoparentaux », c’est-à-dire ceux où un parent qui vit sans conjoint avec au moins un enfant a déclaré avoir une relation affective et sexuelle suivie avec un partenaire non cohabitant) représentaient 7,9 % des ménages en France métropolitaine et 21,2 % des ménages à la Martinique (Insee-RP 2009).
  • [5]
    33 % des hommes enquêtés avaient eu au moins une fois au cours de leur vie simultanément (au moins) deux partenaires pendant au moins six mois. Voir aussi Halfen (2006) et Giraud (1999).
  • [6]
    Enquêtes ECV (Étude des conditions de vie), INSEE, 1986-1987 ; ENVEFF, 2000 ; EVS, DREES, 2006.
  • [7]
    Le recours aux punitions et particulièrement aux châtiments physiques ayant longtemps été – et étant encore souvent – considéré dans la société martiniquaise comme une pratique éducative normale et même incontournable, surtout pour les garçons, nous avions choisi de porter l’accent sur le caractère vécu comme injuste de ces punitions et châtiments physiques. De fait, les commentaires oraux accompagnant les réponses à cette question ont souvent été : « Oui, j’ai souvent été frappé(e) ou puni(e), mais c’était normal, j’avais fait des bêtises, ce n’était pas injuste, c’était pour mon bien, donc cochez non. » Peu de ceux qui ont répondu avoir été souvent frappés injustement ont d’ailleurs considéré avoir été « maltraités » ou avoir « servi de souffre-douleur ».
  • [8]
    Dans l’enquête Histoire de vie (Insee, 2003), 27 % des personnes déclarant avoir subi pendant l’enfance (majoritairement avant 10 ans) des comportements négatifs et 57 % de ceux qui en ont subi à l’adolescence ont aussi estimé que leur apparence physique était en cause (Algava et Bèque, 2006).
  • [9]
    L’une des femmes rencontrées en entretien à la suite de l’enquête a ainsi vécu dès sa petite enfance une situation proche de celle des restavec haïtiens : rejetée par son beau-père en raison de son métissage, elle a été « confiée » à une commerçante, dont elle parle comme de sa « mère adoptive », mais à laquelle elle a très tôt servi de domestique.
  • [10]
    Voir Beck, Cavalin, Maillochon (dir.), 2010, en particulier la partie 3 « Des parcours de vie difficiles : éléments d’analyse biographique », p. 111-170 et le tableau 1, p. 127.
  • [11]
    Le risque d’avoir subi des agressions physiques dans la jeunesse est accru par l’absence du père.
  • [12]
    64 % des femmes et 79 % des hommes qui ont déclaré avoir vécu au moins deux difficultés n’ont aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat, contre respectivement 52 % et 73 % des autres.
  • [13]
    Ce que Nathalie Blanpain (2008) et George Menahem, Patrick Bantman et Sophie Martin (1994) ont montré pour les cas de décès parental au cours de l’enfance.
  • [14]
    Parmi les femmes vivant avec un ou plusieurs enfants mais sans partenaire cohabitant, 23 % ont ainsi déclaré n’avoir jamais eu de relation de couple qui ait duré au moins six mois.
  • [15]
    Sur ce point et pour des données récentes sur le passage à l’âge adulte à la Martinique, voir Breton, 2011.
  • [16]
    Parmi les femmes vivant avec au moins un enfant mais sans partenaire cohabitant, outre les 23 % qui n’avaient jamais eu de relation suivie, 42 % avaient été mariées ou avaient eu au moins une relation suivie dans le passé, avec ou sans cohabitation, tandis que 35 % étaient, au moment de l’enquête, en situation quasi monoparentale, le visiting partner étant, dans la moitié des cas, le père d’au moins l’un des enfants.
  • [17]
    Mais ils cohabitent souvent avec des frères ou sœurs, des neveux ou nièces, s’ils vivent dans le même ménage que leurs parents, ce qui est le cas d’environ un cinquième des répondants.
  • [18]
    Pour les résultats détaillés, selon le type de violences déclarées, les périodes et sphères de l’existence dans lesquelles elles ont été subies, voir annexe et Brown, Lefaucheur, 2011.
  • [19]
    Les régressions logistiques tiennent compte de caractéristiques significativement liées aux fréquences observées des indicateurs de violence : âge, nombre de difficultés déclarées pour l’enfance, origine et parcours migratoire, statut conjugal, statut d’activité et déclaration d’agressions sexuelles avant l’âge de 18 ans ; d’autres facteurs ont été retenus pour certaines régressions : la présence d’enfants au foyer, la fréquence des disputes avec son/sa partenaire, l’infidélité avouée d’ego, l’âge au premier rapport sexuel, l’infidélité connue ou soupçonnée pour le/la partenaire, pour les indicateurs de violence conjugale ; la PCS, le temps de travail et le travail de nuit pour les indicateurs de violences au travail ; la PCS, le travail de nuit pour les indicateurs de violences subies dans l’espace public.
  • [20]
    Le nombre des agressions sexuelles avant 18 ans déclarées par les hommes est insuffisant pour avoir un effet statistiquement significatif sur les taux de violences subies à l’âge adulte.
  • [21]
    Dix, qui avaient répondu à l’enquête statistique, avaient été sollicitées en raison du score de violences conjugales alors déclarées ; une avait été contactée par relations personnelles ; les huit autres l’ayant été par l’intermédiaire de l’Union des femmes de la Martinique ou d’un CHRS. Les premières étaient toutes françaises et presque toutes martiniquaises, tandis que les secondes étaient toutes des migrantes, souvent originaires des États voisins de la Caraïbe.
  • [22]
    C’est souvent en cherchant à « ne pas faire comme leur mère » que les femmes se retrouvent également mères célibataires ou victimes de violences conjugales (Lefaucheur, 1987 ; Kabile, 2011).
  • [23]
    Elle a également vu un « signe » dans le fait que son numéro de téléphone ait été alors tiré au sort pour l’enquête statistique, les réponses qu’elle a apportées au questionnaire lui permettant de prendre conscience du caractère anormal de ce qu’elle vivait.
Français

Cet article analyse les résultats de l’enquête statistique Genre et violences interpersonnelles à la Martinique. Parmi les personnes interrogées, 30 % des femmes et 26 % des hommes ont déclaré avoir éprouvé au moins deux des dix difficultés de la jeunesse répertoriées dans le questionnaire, tandis que 8,5 % des femmes et 2,2 % des hommes ont mentionné au moins une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans. Un tel cumul figure parmi les facteurs le plus souvent associés aux déclarations de violences subies à l’âge adulte, pour les hommes comme pour les femmes. En neutralisant l’effet d’autres facteurs liés aux violences subies, les difficultés de l’enfance sont ainsi associées à un surcroît de probabilité de l’ordre d’un doublement, voire, pour certaines atteintes, d’une multiplication par trois ou quatre d’être exposé aux violences à l’âge adulte. La majorité des répondant(e)s qui ont fait état d’une jeunesse difficile n’ont pourtant déclaré aucune violence à l’âge adulte (ou ont déclaré des faits bénins ou rares) : non seulement la reproduction des situations de violence n’est pas fatale, mais les entretiens biographiques menés au cours de l’enquête montrent qu’il est possible d’en sortir.

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  • Widmer I., Pourette D. (2009), Les Violences envers les femmes à l’île de La Réunion. Poids des chiffres et paroles de victimes, publications de l’université de Provence.
Elizabeth Brown [*]
Démographe, directrice de l’Institut de démographie de l’université Paris1 (IDUP) et de son centre de recherches (CRIDUP), elle a participé à l’enquête ENVEFF (2000) et à l’enquête quantitative sur les violences envers les femmes en Polynésie.
  • [*]
    Elizabeth Brown, directrice de l’Institut de démographie de l’université Paris 1 (IDUP) et de son centre de recherches (CRIDUP).
Nadine Lefaucheur [**]
Sociologue, elle est actuellement chercheure associée au Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CNRS/université des Antilles et de la Guyane), où elle a coordonné les recherches sur le genre et les violences interpersonnelles à la Martinique.
  • [**]
    Nadine Lefaucheur, chercheure associée au Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe ([CRPLC] CNRS/université des Antilles et de la Guyane).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 31/07/2013
https://doi.org/10.3917/rfas.125.0054
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