1Pour analyser les liens entre âge et emploi, il est fait référence à l’âge de « départ à la retraite » ou encore de « sortie d’activité ». Ces expressions se référent à des réalités diverses. Patrick Aubert explicite ici les concepts d’« âges légaux », notions juridiques utilisées par les divers régimes de retraites, et d’« âges effectifs », indicateurs statistiques permettant d’observer les départs à la retraite, ces deux notions ne coïncidant pas la plupart du temps.
2Dans les diverses analyses du lien entre âge et emploi, il est fréquemment fait référence aux âges de « départ à la retraite » ou de « sortie d’activité ». Ces expressions peuvent cependant être ambiguës et se référer à des réalités diverses.
3Deux familles de concepts sont utilisées lorsqu’on parle des « âges de la retraite » : les concepts d’âges légaux sont des notions juridiques, qui font référence à la législation des divers régimes de retraite ; les concepts d’âges effectifs (de départ à la retraite, de cessation d’activité, de sortie du marché du travail) désignent, quant à eux, des indicateurs statistiques portant sur les caractéristiques observées des départs à la retraite dans la population, à une date d’observation donnée. La plupart du temps, âges légaux et âges effectifs ne coïncident pas.
Les âges légaux de départ à la retraite en France
4La législation portant sur les divers régimes de retraite fait référence à plusieurs bornes d’âge. L’âge atteint par une personne à une date donnée et sa position par rapport aux bornes légales conditionnent la possibilité de partir à la retraite et les modalités de calcul du montant de la pension. Il n’y a donc pas un seul, mais bien plusieurs « âges légaux » de la retraite.
5L’âge minimal d’ouverture des droits est le premier âge à partir duquel il devient possible de liquider une pension de retraite (c’est-à-dire de percevoir une pension de retraite – on peut bien sûr s’arrêter de travailler avant, mais sans recevoir de pension). Pour les régimes de base, cet âge est fixé à 60 ans dans le cas général pour les personnes nées en 1950 ou avant ; il sera progressivement relevé jusqu’à 62 ans pour les personnes nées après cette date, sous l’effet de la réforme des retraites de 2010 [1]. Dans certains cas, l’âge d’ouverture des droits peut être inférieur à 60 ans, sous certaines conditions liées à la durée de carrière (cas du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, permettant de partir dès 56 ans), au régime d’affiliation (cas de certains régimes spéciaux de salariés) ou bien à des statuts spécifiques au sein de certains régimes spéciaux (statuts liés, le plus souvent, à la pénibilité des métiers exercés). Certains régimes complémentaires ou supplémentaires permettent par ailleurs une ouverture des droits à un âge plus bas que dans les régimes de base (par exemple, 55 ans dans les régimes complémentaires de salariés ARRCO, AGIRC et IRCANTEC) [2].
6La possibilité de liquider une pension de retraite n’implique pas nécessairement que celle-ci sera servie « pleine » : le cas échéant, elle pourra faire l’objet d’une décote (minoration du montant de la pension) ou être servie au prorata de la durée validée si les conditions ne sont pas réunies pour l’obtention du taux plein ou pour la validation d’une carrière complète.
7L’âge d’annulation de la décote est l’âge à partir duquel toute pension peut être liquidée au « taux plein », c’est-à-dire sans application d’une décote (ou minoration), et cela quelles que soient les caractéristiques de la carrière. Cet âge est fixé en règle générale à 65 ans pour les personnes nées en 1950 ou avant et sera progressivement relevé jusqu’à 67 ans à la suite de la réforme de 2010. Une liquidation au taux plein est possible avant l’âge d’annulation de la décote, mais elle est alors conditionnée à la validation d’un nombre minimal de trimestres (dit « durée requise pour le taux plein ») ou à l’obtention d’un statut spécifique (liquidation au titre de l’invalidité ou de l’inaptitude au travail), ce qui fait qu’elle n’est possible que pour une partie seulement des affiliés aux régimes de retraite. Une pension liquidée au taux plein reste par ailleurs servie au prorata de la durée validée, même si la liquidation a lieu après l’âge d’annulation de la décote : « pension au taux plein » ne doit donc pas être confondu avec pension « pleine » [3].
8L’âge de mise à la retraite d’office est l’âge à partir duquel un employeur peut, s’il le désire, se séparer d’un salarié – sans avoir à le licencier – même si ce dernier ne souhaite pas partir à la retraite. Cet âge était fixé à 65 ans jusqu’au 1er janvier 2009, et il est désormais fixé à 70 ans [4]. Dans la fonction publique, la limite d’âge est l’âge auquel le fonctionnaire est mis à la retraite d’office ; fixée à 65 ans, elle sera portée progressivement à 67 ans par la réforme de 2010.
9Le terme d’âge du taux plein est parfois employé, mais son sens est ambigu. Dans certains usages, il est utilisé comme synonyme de l’âge d’annulation de la décote. Dans d’autres, il se réfère, pour un individu donné, au premier âge auquel cet individu a la possibilité de partir au taux plein, c’est-à-dire sans application d’une décote. Entendu dans ce sens, l’âge du taux plein est alors une notion individualisée, puisqu’elle dépend des caractéristiques de la personne (année de naissance, durée de carrière et statut). Dans le cas général, il peut alors prendre toutes les valeurs possibles entre 60 et 65 ans actuellement, et progressivement entre 62 et 67 ans à la suite de la récente réforme.
Les âges effectifs de départ à la retraite et de cessation d’activité
10Étant donné la complexité des transitions entre emploi et retraite, il n’existe pas un indicateur statistique unique pour quantifier l’« âge » de départ à la retraite. Plusieurs indicateurs sont couramment utilisés. Ils se distinguent, d’une part, par l’événement auquel ils font référence, d’autre part, par le champ d’observation sur lequel ils sont calculés.
11Parmi les « événements » marquant la fin de carrière, il est habituel de s’intéresser à la première liquidation [5] d’un droit (âge effectif de départ à la retraite, appelé aussi âge de liquidation), à la cessation définitive de tout emploi (âge effectif de cessation d’emploi) ou bien à la sortie définitive du marché du travail, au sens où les personnes cessent non seulement d’exercer tout emploi, mais également d’en chercher [6] (âge effectif de cessation d’activité).
12La plupart du temps, ces âges ne coïncident pas : certaines personnes peuvent passer par des périodes de chômage ou d’inactivité (préretraite, invalidité, etc.) entre la cessation d’emploi et le départ à la retraite proprement dit (c’est-à-dire la liquidation des droits), tandis que d’autres continuent d’exercer un emploi après leur départ à la retraite (cumul emploi-retraite). En moyenne, le départ à la retraite a lieu environ un an et demi après la cessation définitive d’emploi (cf. tableau) : pour la génération née en 1938, l’âge effectif moyen de cessation d’emploi est ainsi de l’ordre de 59 ans, quand l’âge effectif moyen de première liquidation d’un droit est proche de 60,5 ans.
Âges moyens de la cessation d’emploi et du départ en retraite dans les principaux régimes(*)

Âges moyens de la cessation d’emploi et du départ en retraite dans les principaux régimes(*)
(*) L’âge de cessation de validation de droits correspond à l’âge le plus élevé pour lequel une personne valide des trimestres pour sa retraite, que ce soit au titre de périodes d’emploi ou à un autre titre (périodes dites « assimilées »). Cet âge est supérieur à l’âge de cessation d’activité au sens du Bureau international du travail (BIT) car, outre les validations au titre du chômage, des validations de trimestres sont, en France, également possibles pour certaines périodes de non-emploi qui ne sont pas considérées comme du chômage au sens du BIT (notamment des périodes d’invalidité, de préretraite publique, etc.).CHAMP • Retraités de la génération 1938, vivant au 31 décembre 2005, ayant cotisé au moins un trimestre après 50 ans et ayant soit liquidé une pension de retraite en rente avant l’âge de 65 ans, soit cotisé après 65 ans.
LECTURE • Le régime considéré est le principal régime d’affiliation au cours de la carrière. La date exacte de cessation d’emploi en cours d’année et de fin de validation de droits à la retraite n’étant pas connue, on considère pour toutes les personnes que, en moyenne, cette date se situe en milieu d’année. Par convention, on considère par ailleurs que toutes les personnes encore en emploi à 66 ans cessent définitivement leur emploi et liquident leur droit à retraite à 67 ans.
13Les divers âges effectifs peuvent, comme tous les indicateurs statistiques, être calculés sur des champs d’observation différents. Certains indicateurs portent ainsi sur une ou plusieurs générations données, d’autres sur un flux de personnes partant à la retraite ou cessant de travailler au cours d’une année d’observation donnée, d’autres enfin sont calculés sur des générations fictives (ayant les mêmes caractéristiques [7] à un âge donné que la génération qui atteint cet âge à la date d’observation). Les champs d’observation peuvent également varier selon les régimes pris en compte : champ d’un ou plusieurs régimes en particulier, ou bien champ « tous régimes ».
14Il n’est pas possible ici de détailler tous les champs d’observation utilisés et leurs principales caractéristiques. Leur utilisation coordonnée obéit généralement à des objectifs variés, chaque indicateur étant pertinent dans un cadre d’analyse donné [8].
Comparaisons internationales
15Parmi les notions d’âge légal, certaines sont communes à la plupart des pays (notamment l’âge minimal d’ouverture des droits), alors que d’autres sont spécifiques à la France (notamment la notion d’âge du taux plein, entendue dans son sens individualisé et conditionnée à la comparaison de la durée de carrière de chaque individu à la durée – légale – requise pour percevoir une retraite à taux plein). La comparaison des relèvements des âges de la retraite entre les divers pays est donc délicate et doit être interprétée avec précautions afin de s’assurer que les âges comparés correspondent bien à des notions similaires (COR, 2010 ; Direction de la sécurité sociale, 2010).
16Par ailleurs, les âges légaux du départ à la retraite dans les divers pays de l’OCDE sont généralement – comme en France – non contraignants. Ainsi, l’existence d’un âge minimal d’ouverture des droits ne signifie pas que tous les affiliés doivent partir à la retraite à cet âge. De même, il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir le droit à un départ au taux plein pour partir à la retraite. Les âges auxquels les départs à la retraite sont effectivement observés ne coïncident donc dans aucun pays avec les âges légaux de la retraite. À titre d’exemple, ces divers âges sont représentés pour plusieurs pays dans le graphique ci-dessous – avec leurs valeurs en 2009.
Âges légaux d’ouverture des droits et d’annulation de la décote, et âges effectifs de cessation d’activité dans divers pays de l’OCDE en 2009

Âges légaux d’ouverture des droits et d’annulation de la décote, et âges effectifs de cessation d’activité dans divers pays de l’OCDE en 2009
NOTE • « L’âge de pension complète » désigne, dans ce graphique, l’âge d’annulation de la décote. Il n’est représenté que pour les pays où cette notion existe dans la législation des retraites.Notes
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[1]
Loi no 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
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[2]
La pension fait alors généralement l’objet d’un abattement.
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[3]
À l’inverse, le montant de la pension peut être augmenté par rapport au montant correspondant au taux plein « strict » si l’affilié a continué de travailler à la fois au-delà de l’âge d’ouverture des droits et au-delà de la durée requise pour le taux plein. La majoration de pension appliquée alors est qualifiée de « surcote ».
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[4]
Article 90 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.
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[5]
Certaines personnes ont été affiliées à plusieurs régimes obligatoires de retraite au cours de leur carrière et choisissent de ne pas liquider tous leurs droits en même temps. Par exemple, certains non-salariés liquident leurs droits dans les régimes de salariés dès qu’ils en ont la possibilité, tout en continuant à exercer leur activité non salariée. Il est alors d’usage de considérer l’âge à la première liquidation d’un droit comme l’âge de départ à la retraite, la continuation d’activité après cet âge étant vue comme un cumul entre emploi et retraite.
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[6]
La notion d’« activité » fait ici référence à l’activité au sens du Bureau international du travail (BIT), c’est-à-dire à l’ensemble des situations d’emploi ou de chômage au sens du BIT.
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[7]
C’est-à-dire la même probabilité d’être en emploi, ou bien la même probabilité de sortir de l’emploi au cours de l’année, ou bien la même probabilité de partir à la retraite. Les indicateurs d’âge de sortie d’activité publiés par l’OCDE et par Eurostat sont des exemples d’indicateurs calculés à partir de générations fictives (Aubert, 2009, encadré 1).
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[8]
Par exemple, les indicateurs calculés par génération ont l’avantage de permettre une interprétation plus « structurelle » (c’est-à-dire moins sensible à certains artefacts statistiques, tels que des effets de composition), mais ils présentent l’inconvénient de n’être disponibles que tardivement, puisqu’ils ne peuvent être calculés pour une génération donnée que lorsque la quasi-totalité des individus qui la composent sont partis en retraite (c’est-à-dire ont liquidé leurs droits dans tous les régimes auxquels ils ont été affiliés). Les indicateurs calculés sur des flux de personnes partant à la retraite ont les avantages et inconvénients à peu près opposés : leur interprétation peut être biaisée par l’impact des effets de composition démographique, mais ils présentent généralement l’avantage d’être disponibles beaucoup plus rapidement.