Introduction
1La réforme de 2003 a impulsé un mouvement d’incitation à la prolongation d’activité dans une logique d’ouverture des choix possibles des assurés en matière de départ à la retraite et d’accroissement des taux d’activité des seniors. Parallèlement à l’augmentation de la durée d’assurance nécessaire pour le taux plein, un ensemble de mesures a été instauré ou amendé afin d’améliorer les situations lors de prolongation de l’activité professionnelle. Des incitations financières ont été mises en place, et progressivement renforcées, avec le dispositif de la surcote, et le dispositif du cumul emploi-retraite a été assoupli. Le dispositif de la surcote incite l’assuré à prolonger son activité avant de passer à la retraite, même s’il dispose des conditions nécessaires pour percevoir une pension à taux plein, alors que la logique de cumul emploi-retraite est de permettre aux retraités de reprendre une activité professionnelle après leur passage à la retraite.
2Sur l’année 2008, 207 000 retraités du régime général ont eu un salaire durant l’année. Cette population représente 1,8 % de l’ensemble des retraités de droit propre de la CNAV et 4,3 % des retraités de moins de 70 ans. Bien que limité, le nombre de retraités ayant eu une activité salariée a augmenté entre 2006 et 2008 de 50 %. Ces premiers résultats indiquent un recours accru au dispositif du cumul emploi-retraite au cours des dernières années, évolution allant dans le sens des objectifs des pouvoirs publics qui est l’augmentation du taux d’activité des seniors.
3Cependant, une augmentation significative de la population concernée par le cumul emploi-retraite impliquerait que les seniors puissent accéder à l’emploi après leur passage à la retraite. Au regard des taux d’activité des seniors entre 55 et 60 ans [1], cet objectif semble difficile à atteindre pour l’ensemble, seule une sous-population peut potentiellement bénéficier du dispositif de cumul. Par ailleurs, est-il souhaitable de développer l’emploi des seniors via le cumul emploi-retraite qui modifie profondément la logique de transition entre vie active et retraite et peut remettre en cause les fondements même de la retraite ?
4Il n’est pas aisé aujourd’hui d’apporter des éléments prospectifs quant à l’évolution à venir du recours au dispositif de cumul, d’autant plus que le cadre législatif est mouvant avec l’introduction récente du recul de l’âge légal de la retraite. En revanche, au regard des évolutions constatées pour les retraités du secteur privé, il est possible d’éclairer les conditions actuelles de cumul emploiretraite et les profils des personnes y recourant dans le cadre d’activité salariée (cf. encadré 1, pour les précisions du champ de l’étude). Ainsi, après avoir décrit l’évolution du dispositif de cumul emploi-retraite au cours des dernières années, des premiers éléments descriptifs sur les retraités du régime général ayant une activité salariée sont présentés dans l’article. Ces informations sont complétées par une partie abordant les questions que soulèvent le cumul emploi-retraite et sa libéralisation intervenue en 2009, tant d’un point de vue de l’accès au dispositif que de la place de ce dispositif dans le système de retraite.
Encadré 1. Le cumul emploi-retraite dans le système de retraite français et la difficulté de son évaluation
Diversité des situations de cumul emploi-retraite population potentiellement concernée dans les principaux régimes(*),(**),(***),(****),(*****)

Diversité des situations de cumul emploi-retraite population potentiellement concernée dans les principaux régimes(*),(**),(***),(****),(*****)
(*) Fonction publique d’État et CNRACL.(**) Sources CNAV.
(***) Bac et Gaudemer (2010).
(****) Andrieux et al. (2011).
(*****) Estimations CNAV. D’après l’annexe au projet de loi de finances pour 2011, en 2008, l’effectif de cotisants de la fonction publique d’État et de la CNRACL est de 4,3 millions. En appliquant la part des 55 ans et plus constatée au sein des cotisants de la CNAV, à savoir 14,7 %, le nombre de cotisants de 55 ans et plus de la fonction publique a été estimé. Le même calcul a été effectué pour la MSA (en 2008, 1,3 million de cotisants).
Un encadrement du cumul emploi-retraite en évolution
5En 1982, l’abaissement à 60 ans de l’âge légal du départ en retraite s’est accompagné d’une réglementation en matière de cumul emploi-retraite pour les reprises d’activité en tant que salariés du privé (Coeffic, 1999). Celle-ci visait à harmoniser les pratiques entre secteur privé et fonction publique, le dispositif étant en effet déjà en vigueur pour les fonctionnaires. À partir de 1982, les assurés du régime général ou d’un autre régime qui liquidaient leur retraite devaient mettre un terme à tout contrat de travail et toute activité professionnelle avant de liquider. Ils pouvaient ensuite reprendre une nouvelle activité professionnelle sans aucune autre condition. L’obligation d’interruption d’activité requise constituait une contrainte qui visait à encadrer a minima les pratiques de cumul.
6Jusqu’en 2003, la réglementation est restée relativement stable. La loi portant réforme des retraites de 2003 a introduit de nouvelles évolutions dans l’objectif de favoriser l’emploi des seniors, suivi par de nouvelles mesures en 2006 et 2009. Ces évolutions ont participé à la volonté d’harmoniser les pratiques en matière de cumul emploi-retraite entre les régimes, mais aussi à la volonté de développer le recours à ce dispositif, toujours de façon plus ou moins encadrée. Cet encadrement est passé dans certains cas de figure par l’introduction d’une règle de cumul entre pension et revenu d’activité, puis par l’obligation de liquider l’ensemble de ses retraites avant de reprendre une activité. Il y a ainsi une volonté de lever les contraintes, mais aussi d’encadrer les situations, qui se traduit, depuis 2009, par la suppression des règles de cumul de ressources et, parallèlement, par l’impossibilité pour les retraités reprenant une activité d’acquérir des droits à la retraite supplémentaire.
7Sur la période 2004 à 2009, il y a eu tout d’abord la loi de 2003 qui visait à harmoniser les réglementations entre les régimes de base et les régimes complémentaires, mais aussi à assouplir le dispositif [2]. Ainsi, dans les cas où la reprise d’activité donnait lieu à affiliation dans un régime différent de celui dont le retraité percevait une pension, aucune condition quant à l’obligation de cessation d’activité et quant au cumul de ressources n’était requise. En revanche, lorsque l’activité donnait lieu à cotisation dans le même régime que celui de perception de la retraite, l’encadrement du cumul a été accentué : l’obligation de cessation prévalait toujours, avec en plus l’introduction d’un délai de latence de six mois pour la reprise d’une activité chez le même employeur et la mise en place d’une condition de cumul de ressources. Celle-là consistait à limiter le revenu cumulé aux pensions de base et complémentaire au niveau du dernier salaire perçu avant le passage à la retraite [3]. À partir du 1er janvier 2007, la limite de cumul a été revue à la hausse, en passant d’un salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) à 1,6 SMIC (ou la moyenne mensuelle des trois derniers salaires si celle-là est plus élevée). Tant la règle de cumul que le délai de latence visaient, par ailleurs, à encadrer la reprise d’activité et à ne pas inciter les assurés à liquider leur pension prématurément.
8À partir de 2009, les normes ont de nouveau été modifiées, avec la suppression de toute règle de cumul de ressources. En revanche, la règle de rupture de contrat de travail demeure pour un salarié liquidant sa retraite et souhaitant reprendre une activité en tant que salarié [6], mais le délai de latence exigé pour la reprise d’activité chez le même employeur a été supprimé. En conséquence, l’obligation de cessation d’activité est quelque peu formelle, puisqu’il suffit au retraité de mettre un terme à son contrat de travail au moment de liquider et de contracter ce même emploi le jour suivant son passage à la retraite. Dans le cas d’une activité dans un autre régime que ceux des salariés, la liquidation de la pension n’est pas soumise à l’interruption de l’activité.
9Deux nouvelles conditions ont cependant été introduites qui limitent la population potentiellement concernée par le cumul total (sans règle de cumul) : pour bénéficier des conditions de cumul total, d’une part, les assurés doivent avoir liquidé la totalité de leurs pensions de base et complémentaires et, d’autre part, ils doivent avoir une durée d’assurance supérieure ou égale à la durée nécessaire pour le taux plein. Si ces conditions ne sont pas remplies, les assurés peuvent tout de même cumuler emploi et retraite, dans les conditions qui prévalaient avant 2009 (règle de cumul de ressources et délai de latence). Le tableau 1 reprend les différentes étapes de la législation survenues depuis 2004 dans le cas d’un retraité du régime général reprenant une activité salariée.
10Ces dernières évolutions législatives homogénéisent les règles de cumul pour toutes les situations. Elles visent aussi, d’après les textes officiels, à améliorer l’emploi des seniors en allégeant au mieux les contraintes réglementaires pouvant contrarier les choix personnels et à permettre aux retraités, s’ils le souhaitent, de reprendre une activité en vue de compléter leurs ressources.
Conditions de cumul emploi et retraite pour un retraité du régime général reprenant une activité salariée durant sa retraite

Conditions de cumul emploi et retraite pour un retraité du régime général reprenant une activité salariée durant sa retraite
LECTURE • Avant 2004, tout retraité du régime général qui souhaitait exercer une activité de salarié durant la retraite devait rompre son contrat de travail avant. Entre 2004 et 2008, des règles de cumul de ressources supplémentaires ont été introduites ; depuis 2009, les règles de cumul ont été supprimées mais de nouvelles conditions sur la retraite sont appliquées.Premiers résultats sur le recours au cumul emploi-retraite
11En plus des données annuelles en coupe instantanée sur l’ensemble des retraités disposant d’un salaire (les « retraités salariés »), la CNAV dispose d’une base statistique longitudinale permettant de comptabiliser et de suivre les trajectoires des assurés ayant pris leur retraite au régime général depuis 2004 et ayant perçu un salaire après leur passage en retraite (cf. encadré 2). Au cours de la période disponible dans la base longitudinale, 2005 à 2008, le recours au cumul emploi-retraite a progressé et concerne une catégorie de retraités bien définie. L’emploi qui est repris semble pour sa part conditionné à la législation.
Encadré 2. Description de la base et estimation du taux de recours au « Cumul emploi-retraite » de la CNAV
Les reports au compte tels qu’ils sont renseignés dans les bases de gestion de la CNAV ne permettent pas de distinguer si le montant perçu par le retraité correspond à un salaire d’activité ou à une prime ponctuelle liée à son emploi occupé avant le passage à la retraite. Or, les personnes qui liquident leur retraite peuvent percevoir des primes quelque temps après leur départ, voire l’année suivant la liquidation. Les prestataires dont c’est le cas sont donc retenus dans notre base au même titre que les personnes qui auraient un report au compte au titre d’un salaire. Ils viennent gonfler les effectifs de réels cumulants.
Aussi, afin de limiter cette confusion, les retraités ayant un salaire uniquement l’année suivant la liquidation et qui est inférieur à un salaire annuel validant un trimestre (soit 1 438 euros pour l’année 2008) ont été exclus de la population des retraités cumulants. Suivant cette logique, c’est en moyenne près de 25 % des liquidants d’une année qui ont un report indiqué uniquement l’année suivant la liquidation qui sont exclus, soit entre 15 % et 18 % de l’ensemble des nouveaux prestataires cumulants.
À noter que, pour les liquidants 2007, ce filtre ne peut être appliqué dans la mesure où l’on ne dispose que d’une année après la liquidation (2008). Si l’on applique le filtre niveau de salaire, on va exclure des retraités qui, finalement, auront encore un salaire en 2009. Aussi, afin d’estimer la part de ceux d’entre eux qui recourent réellement au cumul emploi-retraite, on applique le taux d’exclusion constaté sur les flux précédents (25 %).
Entre 2005 et 2008, 4 % de retraités salariés
12Pour les nouveaux retraités de 2004, ceux pour lesquels la profondeur historique disponible est la plus importante [7], le taux de recours au cumul emploi-retraite, sur la période 2005-2008, est de 4 % (cf. tableau 2). Pour les flux suivants, malgré une moindre profondeur d’historique, le taux de recours progresse légèrement ; il est par exemple de 5,4 % pour le flux 2006. Il apparaît que le recours immédiat, défini comme la part des personnes qui cumulent un emploi à leur retraite l’année suivant la liquidation de leur retraite, augmente. Il est en effet passé de 4 % pour les liquidants 2004 à 5,4 % pour les liquidants 2007.
Part des retraités salariés au sein de chaque flux de nouveaux pensionnés selon l’année de cumul(*)

Part des retraités salariés au sein de chaque flux de nouveaux pensionnés selon l’année de cumul(*)
(*) Le taux de recours immédiat des liquidants de 2007 a été estimé (cf. encadré 2).LECTURE • Parmi l’ensemble des nouveaux prestataires de 2004, 4,1 % ont cumulé un emploi à leur retraite en 2007.
13Par ailleurs, l’analyse de la chronique du cumul emploi-retraite permet de distinguer deux modes de recours en termes de durée. Un tiers des nouveaux retraités de 2004 cumulant retraite et emploi salarié le font pour une durée limitée à une année et un autre tiers y ont recours sur la totalité de la période. Les premiers concernent davantage les hommes (33 % des hommes, contre 28 % des femmes), alors que le cumul sur la totalité de la période concerne davantage les femmes.
Des « retraités salariés » le plus souvent en emploi avant la retraite
14Les raisons qui conditionnent le recours au cumul emploi-retraite sont encore floues. La libéralisation du dispositif du cumul emploi-retraite a pour objectif officiel de favoriser l’emploi des seniors. L’incitation à reprendre une activité s’appuie sur la possibilité, pour les prestataires, d’accroître leurs ressources. La situation économique des retraités peut donc intervenir dans leur décision de recourir au dispositif (Rapoport, 2006). Il est possible d’approcher la situation économique des pensionnés par l’analyse de leur carrière. Les nouveaux retraités de 2004 à 2006 qui ont cumulé un salaire à leur retraite ont bénéficié de carrières professionnelles plutôt favorables. Ils étaient en effet davantage en emploi l’année de la liquidation de leur pension que les autres retraités [8], en moyenne, 78 % de l’ensemble des cumulants contre 44 % de l’ensemble des nouveaux retraités (voir en annexe un tableau de statistiques descriptives comparant les caractéristiques des retraités salariés à l’ensemble des retraités). De même, un peu plus de huit d’entre eux sur dix ont liquidé leur retraite au titre de la durée [9], alors que c’est le cas de seulement deux tiers de l’ensemble des nouveaux prestataires de 2004 à 2006. Ils bénéficiaient aussi d’un nombre de trimestres cotisés plus conséquent que celui de l’ensemble des nouveaux prestataires (147 trimestres contre 129 trimestres).
15Mais d’autres éléments que la situation économique peuvent influencer la décision des retraités de reprendre une activité : la situation au regard du statut d’occupation du logement, par exemple, ou encore la situation familiale.
16S’agissant de la situation au regard du logement, les retraités propriétaires de leur logement auront sans doute moins besoin de reprendre une activité pour compenser en partie la perte de revenu liée au passage en retraite que les accédants à la propriété ou les locataires. Or, en raison de la nature des données nécessaires à l’analyse de cet aspect, rares sont les travaux qui l’abordent. Les fichiers administratifs de la CNAV sur lesquels ce présent travail s’appuie ne permettent pas d’éclairer ce point.
17En revanche, la dimension familiale peut en partie être prise en compte dans la mesure où les assurés indiquent à leur caisse de retraite leur situation conjugale lors de leur demande de retraite. De nombreux travaux empiriques ont montré l’incidence de la situation familiale dans la décision de cesser l’activité professionnelle pour liquider la retraite (Blanchet et Debrand, 2007). Le fait d’être marié ou en couple avec une personne déjà retraitée inciterait à liquider plus précocement pour profiter conjointement de la retraite. Suivant cette logique, il n’est pas à exclure que la situation familiale puisse influer sur la décision de reprendre une activité à sa retraite. Cette incidence pourrait être de deux ordres : si l’un des conjoints est déjà en retraite, on peut penser qu’à l’issue du passage à la retraite du second conjoint, le couple ne reprendra pas d’activité. Mais, a contrario, pendant la période où un seul conjoint est en retraite, il pourrait être incité à reprendre une activité en attendant le passage à la retraite de son conjoint. Il peut y avoir ainsi une conjonction de décision au sein du couple en matière de reprise d’activité à la retraite. Pour les personnes isolées, la décision ne dépend pas de la situation au regard de l’emploi d’une autre personne. Elle est donc uniquement fonction des contraintes économiques et de la préférence pour le loisir. Au regard des données à notre disposition, il n’est pas possible d’apprécier la conjonction des décisions au sein des couples puisque les liens conjugaux entre les assurés ne sont pas connus, mais la situation conjugale au moment de la liquidation, au niveau individuel, est quant à elle disponible. Sur cette base, il apparaît que les nouveaux prestataires qui recourent au cumul emploi-retraite ont davantage des statuts matrimoniaux renvoyant à des vies isolées. Alors que la part des personnes divorcées parmi l’ensemble des nouveaux prestataires est de 9 %, elle est de 14 % parmi l’ensemble des cumulants. Les personnes mariées ont ainsi moins recours au cumul que les autres (66 % parmi les cumulants, contre 72 % pour l’ensemble des retraités). Il n’est donc pas à écarter la possibilité d’une incidence de la situation maritale sur la décision de reprendre une activité professionnelle, en lien avec des contraintes économiques ou une moindre préférence pour le temps libre.
18Une analyse toutes choses égales par ailleurs permet de distinguer les effets propres de chacun des facteurs sur l’usage du dispositif. Une régression logistique incluant des éléments de carrières ainsi que la situation maritale a été réalisée (tableaux 3 et 4). Dans la mesure où la majorité des retraités salariés a liquidé au titre de la durée, l’analyse compare les prestataires recourant au dispositif du cumul emploi-retraite à l’ensemble des prestataires ayant liquidé au titre de la durée, c’est-à-dire à une population similaire.
Modèle logit explicatif du recours au cumul emploi-retraite des hommes

Modèle logit explicatif du recours au cumul emploi-retraite des hommes
CHAMP • Nouveaux prestataires de 2004 à 2006 ayant cumulé un emploi à leur retraite entre 2005 et 2008 et ayant perçu un salaire annuel supérieur à un SMIC mensuel et nouveaux prestataires de 2004 à 2006 ayant liquidé par la durée.LECTURE • Toutes choses égales par ailleurs, les hommes qui étaient en emploi l’année précédant la liquidation ont davantage recours au dispositif du cumul car le coefficient estimé est positif (1,0605) et la différence des probabilités d’y avoir recours par rapport à la situation de référence (effet marginal) est de 0,74 point.
Modèle logit explicatif du recours au cumul emploi-retraite des femmes

Modèle logit explicatif du recours au cumul emploi-retraite des femmes
CHAMP • Nouveaux prestataires de 2004 à 2006 ayant cumulé un emploi à leur retraite entre 2005 et 2008 et ayant perçu un salaire annuel supérieur à un SMIC mensuel et nouveaux prestataires de 2004 à 2006 ayant liquidé par la durée.LECTURE • Toutes choses égales par ailleurs, les femmes qui étaient en emploi l’année précédant la liquidation ont davantage recours au dispositif du cumul car le coefficient estimé est positif (1,3563) et la différence des probabilités d’y avoir recours par rapport à la situation de référence (effet marginal) est de 0,79 point.
19Parmi les caractéristiques saillantes, pour les hommes comme pour les femmes, les statuts maritaux renvoyant à une vie isolée influencent positivement la décision de se salarier durant la retraite. Pour les femmes, ce constat est particulièrement prégnant pour les divorcées ou les séparées. La probabilité qu’elles continuent ou reprennent une activité salariée durant la retraite est supérieure de respectivement 0,65 point et 0,68 point relativement au cas de référence (respectivement 0,55 point et 0,60 point pour les hommes).
20La fin de carrière a également une forte influence sur la probabilité de cumuler un salaire à une pension. Le fait d’avoir occupé un emploi l’année précédant le départ en retraite favorise la reprise d’une activité salariée durant la retraite. La probabilité pour ces prestataires de recourir au cumul est en effet supérieure de 0,75 point à la situation de référence [10], pour les hommes comme pour les femmes. De manière générale, une fin de carrière professionnelle favorisée en termes d’emploi, c’est-à-dire moins marquée par le chômage et avec des salaires élevés relativement au plafond de la sécurité sociale, tend à augmenter la probabilité de reprendre une activité salariée. Le bénéfice de la retraite anticipée, qui s’assimile à une carrière complète combinée à un départ en retraite précoce, influence également positivement la probabilité de reprendre un emploi durant la retraite. Cet effet se manifeste pour les hommes mais pas pour les femmes. Cependant, conjointement aux effets positifs de la retraite anticipée et du fait d’être en emploi en fin de carrière, le nombre de trimestres cotisés durant la vie active a quant à lui un effet négatif sur la probabilité de reprendre une activité salariée à la retraite. De même, il apparaît que le recours au cumul est davantage le cas de personnes dont les carrières ont été marquées par des périodes de chômage.
21La reprise d’activité durant la retraite semble ainsi s’associer à deux types de trajectoires professionnelles : d’une part, les assurés ayant eu des parcours continus en termes d’emploi, conduisant à des niveaux de retraites dans le haut de la distribution, et pour lesquels le recours au cumul permettrait de prolonger une longue carrière interrompue parfois avant 60 ans (retraite anticipée). D’autre part, l’autre profil correspond plutôt à des carrières longues également mais avec plus d’aléas (chômage et maladie) que pour la première catégorie se répercutant sur le niveau des pensions. La reprise d’activité à la retraite correspondrait plus alors à un complément de carrière et éventuellement de ressources nécessaires. Les hommes se retrouveraient plus fréquemment dans le premier profil et les femmes plutôt dans le second. Ces premiers résultats seront consolidés dans le cadre de travaux complémentaires plus fins menés sur les déroulements de carrière.
Un emploi le plus souvent à temps partiel durant la retraite
22L’emploi repris dans le cadre du cumul emploi-retraite diverge en termes de durée d’activité et de niveau de ressource de celui exercé avant la liquidation de la retraite. La comparaison a été faite uniquement sur les retraités ayant une activité salariée l’année précédant leur passage en retraite pour ne pas comparer des activités éloignées dans le temps. Cela concerne les deux tiers de la population des cumulants retenus dans le cadre de cette étude (75 % pour des hommes et 51,5 % des femmes).
23Moins d’un tiers des reprises d’activité est exercé dans l’établissement où a eu lieu la dernière activité professionnelle avant le passage à la retraite. Quel que soit le genre, le temps complet est moins fréquent pour les emplois repris pendant la retraite que pour les emplois occupés avant (respectivement 37 % et 69 %). La reprise d’activité s’effectue principalement à temps partiel : plus des trois quarts des salariés qui avaient un emploi à temps complet avant de prendre leur retraite ont repris une activité à temps partiel.
24Ce recours à l’emploi à temps partiel explique le faible niveau de rémunération. Les retraités qui ont eu un salaire l’année précédant la liquidation (73 % des retraités salariés) ont perçu en moyenne 19 495 euros durant cette année et, sur l’ensemble de la période de cumul, seulement 4 780 euros en moyenne annuelle [11]. Les conditions de cumul de ressources sont, sans doute, une des principales raisons de ce recours accru au travail à temps partiel [12] et de la faiblesse des rémunérations perçues pendant la période de cumul.
Salaire annuel moyen la première année de cumul emploi-retraite l’année précédant la liquidation et rapport entre les deux

Salaire annuel moyen la première année de cumul emploi-retraite l’année précédant la liquidation et rapport entre les deux
CHAMP • 76 % des prestataires qui ont recours au cumul emploi-retraite et qui ont un revenu d’activité indiqué au compte l’année précédant la liquidation.25Ces premiers éléments d’analyse fournissent des informations intéressantes sur les caractéristiques des cumulants et sur les conditions d’emploi lors de la reprise d’activité. Ces premiers éclairages pourront être complétés par la suite, avec en particulier une analyse plus fine des conditions d’emploi des retraités salariés selon leurs trajectoires professionnelles avant le passage à la retraite. Il sera intéressant de distinguer, en particulier, les emplois repris et la durée de situations de cumul selon les profils des assurés. Pour cela, l’enrichissement avec des années supplémentaires de la base statistique constituée par la CNAV sur les retraités salariés permettra de disposer d’une information plus riche pour étudier ces questions. Les effets des changements législatifs intervenus en 2009 pourront également être pris en considération. Il s’agira d’apprécier si la libération du dispositif en vigueur depuis le 1er janvier 2009 a les incidences souhaitées par le législateur, à savoir l’accroissement des situations de cumul emploi-retraite.
26Mais, au-delà de l’évaluation des effets de cette libéralisation, des questions se posent déjà quant au sens donné au cumul emploi-retraite et à la volonté de développer des situations où les retraités reprennent une activité rémunérée. La question de l’articulation avec le recul de l’âge légal de la retraite mis en œuvre à partir de juillet 2011 se pose également.
Questionnements autour de la « libéralisation » du cumul
27Depuis le 1er janvier 2009, le cumul entre retraite et revenus d’activité est libéralisé. Comme l’indique l’article de la loi sur le financement de la sécurité sociale, « toutes les restrictions en vigueur (plafond de cumul de ressources, délai de latence de six mois avant de retourner chez son dernier employeur) sont supprimées à compter du 1er janvier 2009 dès lors que le retraité a liquidé toutes ses pensions de retraite auprès des régimes obligatoires d’assurance vieillesse et qu’il a soit justifié d’une durée d’assurance au moins égale à la durée exigée pour une liquidation de pension au taux plein à partir de 60 ans, soit atteint l’âge de 65 ans. La condition de rupture de tout lien professionnel avec l’employeur est maintenue pour l’ensemble des personnes concernées. »
28L’évolution et la libéralisation récente du cumul emploi-retraite s’inscrivent dans la volonté affichée depuis la réforme des retraites d’août 2003 de permettre aux travailleurs âgés d’arbitrer librement entre un départ en retraite et la poursuite d’une activité professionnelle. D. Jacquat (2008) résume cette logique ainsi : il faut « permettre aux travailleurs âgés d’arbitrer librement entre un départ en retraite et la poursuite d’une activité professionnelle sans que des considérations réglementaires interfèrent dans leur choix personnel ». D’autres mesures vont dans ce sens, comme l’instauration de la surcote, la baisse de la décote ou encore la possibilité de racheter des trimestres.
29La libéralisation du cumul emploi-retraite pose différentes questions, en particulier sur les objectifs qu’elle recouvre : s’il s’agit de permettre aux travailleurs âgés d’arbitrer librement entre un départ en retraite et la poursuite d’une activité professionnelle, la libéralisation du cumul, avec les nouvelles conditions posées en matière de retraite, ne donnera pas la possibilité à tous les retraités de cumuler « librement » un emploi à la retraite. Les conditions sur le bénéfice du taux plein et sur l’obligation de liquider toutes les pensions demeurent contraignantes et éliminent une partie de la population des retraités. De plus, comme nous l’avons vu, selon la situation d’emploi de l’assuré, la probabilité d’une reprise d’activité diffère, indépendamment des conditions de cumul.
30La prise d’emploi par des personnes à la retraite peut également soulever des interrogations en termes d’accès à l’emploi des personnes en âge de travailler, même si elle permet aux entreprises d’accroître la flexibilité dans la gestion de la main-d’œuvre. Par ailleurs, elle interroge le sens de la retraite en tant que revenu de remplacement, qui peut amener à reconsidérer les fondements mêmes de la retraite. Et, d’un point de vue individuel, les possibilités accrues de cumul emploi-retraite peuvent permettre à certains assurés une optimisation de leur situation, mais engendrer un coût supplémentaire pour le régime du fait du paiement anticipé de la pension.
Libération du cumul emploi-retraite : un accroissement des inégalités ?
31Une diffusion plus importante de la reprise d’emploi durant la retraite pourrait engendrer un accroissement d’inégalité entre retraités mais aussi entre retraités et actifs.
32L’évolution législative introduite en 2009 dénommée comme une « libéralisation » du dispositif est ambiguë. Certaines conditions ont effectivement été levées (condition de cumul de ressources), mais d’autres ont été introduites. Ainsi, le conditionnement du recours au cumul emploi-retraite à l’obtention de la durée d’assurance permettant de bénéficier du taux plein [13] peut engendrer des inégalités entre les retraités en termes de possibilité de reprise d’activité : aujourd’hui, à peine deux tiers des assurés liquident leur pension en ayant la durée d’assurance nécessaire au taux plein. De plus, les retraités qui n’ont pas la durée d’assurance nécessaire pour avoir le taux sont ceux qui ont, en moyenne, des pensions plus faibles et donc des ressources plus limitées. Ainsi, l’argument mis en avant selon lequel la libéralisation du cumul permettra aux retraités de compléter leurs ressources ne concernera pas ceux qui ont les pensions les plus faibles, en particulier les femmes ou bien les assurés ayant eu des carrières courtes.
33Par ailleurs, les assurés n’ont pas tous les mêmes chances de cumuler une pension et un revenu d’activité. La situation de l’assuré avant son passage à la retraite détermine en partie sa possibilité de reprendre une activité pendant sa retraite. Comme décrit dans le présent travail, le cumul emploi-retraite concerne plutôt des retraités en emploi en fin de carrière. Dans ces conditions, la population potentiellement concernée par la mesure représenterait 38 % [14] de l’ensemble des nouveaux prestataires. De plus, on peut s’attendre à ce que les retraités ayant eu des carrières marquées par une certaine pénibilité soient moins enclins à recourir au cumul. Blanchet et Debrand (2007) ont, à ce propos, mis en évidence l’incidence de la pénibilité physique ou du stress au travail sur le souhait de partir en retraite le plus tôt possible.
34Aussi, un recours accru au cumul emploi-retraite pourrait contribuer finalement à l’accroissement des disparités entre retraités en termes de possibilités de diversification des revenus durant la retraite et, en conséquence, à une accentuation des disparités de ressources entre retraités. Cela suppose toutefois que l’augmentation du recours au dispositif se diffuse aux catégories actuellement davantage concernées, à savoir ceux en situation favorable sur le marché de l’emploi. Ce qui devrait en toute logique être le cas, l’éloignement du marché de l’emploi des autres ne prédisposant pas à la reprise d’une activité.
35La reprise d’une activité par des personnes en retraite peut également engendrer un autre type d’inégalité, celle concernant l’accès à l’emploi. La situation des retraités face à l’emploi est différente de la situation de la population active. Dans la mesure où une partie de leurs ressources est assurée par la perception de la retraite, les retraités actifs pourront être une main-d’œuvre mobilisable de façon plus flexible tant en termes de durée d’activité (mission de courte durée, temps partiel) que de niveau de rémunération [15]. Ainsi, les retraités pourraient entrer en concurrence avec une main-d’œuvre en âge de travailler. Ce risque de « concurrence » a été soulevé par différents partenaires sociaux. Dans un contexte de départs en retraite importants et en raison de la richesse de leur expérience professionnelle, les retraités peuvent en effet apparaître comme une main-d’œuvre intéressante pour les entreprises, particulièrement dans certains secteurs spécialisés ou bien dans des secteurs où la pénurie de main-d’œuvre pourrait apparaître. Si une nouvelle demande de la part des employeurs émerge, la libéralisation des règles de cumul emploi-retraite incitera certains retraités à rester en emploi, au détriment de certaines populations en âge de travailler.
Interprétation de la retraite face au dispositif de cumul emploi et retraite
36La retraite a été mise en place afin de pallier un état de fait immuable, celui des conséquences du vieillissement sur la capacité des travailleurs âgés à rester en emploi et donc à subvenir à leurs besoins sur la base de revenu d’activité. Elle vise également à reconnaître le droit à un temps de repos indemnisé après le temps de l’activité professionnelle durant lequel l’assuré a cotisé dans l’optique de disposer à la fin de sa vie d’un revenu de remplacement lui garantissant un niveau de vie convenable, comme cela est rappelé dans la loi portant réforme des retraites de 2003. Il y a ainsi un temps dévolu à l’activité et un autre temps au repos. La reprise d’activité durant la retraite entraîne un brouillage de cette partition du cycle de vie entre vie active et retraite. Avec le cumul emploi-retraite, le salarié peut demeurer actif tout en devenant retraité dans le même temps. Cette situation interroge la fonction de la retraite en tant que revenu de remplacement.
37Même si l’introduction d’un nouveau statut mixte d’actif-retraité ouvre des possibilités à certaines populations, mais pas à tous comme nous l’avons vu, elle introduit un risque pour tous quant à l’objectif de la retraite par répartition [16] d’assurer un niveau de vie convenable aux retraités. En effet, la pension doit être revalorisée pour permettre aux retraités de maintenir leur niveau de vie. La revalorisation des pensions, en raison du coût qu’elle induit, dans un contexte de déficit des régimes de retraite, est régulièrement source de discussion, même si elle est encadrée légalement. Aussi, l’incitation à la recherche individuelle d’autres sources de revenus par le biais de la libéralisation du cumul emploi-retraite apparaît comme une alternative. Dans certains débats parlementaires, l’idée a été avancée que le dispositif pourrait être « une manière d’éviter la revalorisation des pensions » (Assemblée nationale, 2008), supposant que les « retraités salariés », ayant des ressources complémentaires à leur retraite, seraient moins attachés à ce que celle-ci soit augmentée. Le cumul emploi-retraite peut apparaître comme « un encouragement à une baisse tendancielle du montant des retraites versées », avec une substitution entre augmentation ou revalorisation des pensions et incitation à la recherche individuelle d’autres sources de revenus.
Cumul emploi-retraite, optimisation de situation individuelle et risque financier pour les régimes de retraite
38Les règles de cumul de ressources qui existaient dans certaines situations limitaient l’intérêt financier de la reprise d’activité. Avec la levée de ces restrictions, il est possible que certains effets d’aubaine apparaissent, c’est-à-dire que certains assurés, sans modifier leur comportement, bénéficieront d’une situation plus avantageuse, en l’occurrence d’un supplément de ressources, du fait de la modification de la législation.
39Avant la suppression de la condition de cumul entre retraite et revenu d’activité, la reprise d’activité en tant que salarié durant la retraite était possible pour des activités rapportant des ressources limitées, comme nous l’avons constaté précédemment. L’assuré devait nécessairement réduire son activité lors du passage à la retraite puisqu’il était contraint de percevoir un revenu cumulé à sa retraite inférieur à son dernier salaire. Avec la levée de la condition de cumul introduite en 2009, la situation change. Le retraité qui reprend une activité donnant lieu à affiliation au régime dont est issue la pension peut percevoir un revenu équivalant à celui reçu avant son passage à la retraite. Cette nouvelle possibilité pour les salariés [17] peut inciter certains à optimiser leur situation en anticipant la liquidation de leurs retraites. Un salarié qui envisage de prendre sa retraite à 62 ans et qui a déjà la durée d’assurance nécessaire pour avoir le taux plein à 60 ans a un réel intérêt financier à rompre son contrat de travail avec son employeur, liquider ses pensions à taux plein à 60 ans et reprendre la même activité chez le même employeur dans le cadre d’un nouveau contrat de travail pour les deux années à venir. Son salaire est inchangé, sa situation professionnelle peut être tout à fait équivalente, mais il perçoit en plus la totalité de sa retraite. Certes, il ne percevra pas de surcote sur ces pensions de base, ce qui aurait été le cas s’il n’avait pas liquidé ses pensions, ni de points supplémentaires pour sa retraite complémentaire, mais il reçoit pendant deux années supplémentaires ses pensions [18]. Il y a ainsi un réel effet d’aubaine pour l’individu, dès lors qu’il mobilise le dispositif de cumul emploi-retraite, alors même qu’il avait prévu de prolonger son activité. Dans ce cas, il n’y a aucun effet sur l’emploi des seniors, puisque l’individu serait tout de même resté en emploi en l’absence du dispositif, ni sur les ressources du régime de retraite, puisqu’il aurait continué de cotiser.
40Le développement de cette optimisation de situation individuelle a été constaté parmi les cotisants du régime social des indépendants (RSI). Ces derniers peuvent, depuis 2004, s’ils ont été salariés préalablement à leur activité d’indépendant, demander leur retraite de salarié dès l’âge légal de la retraite sans aucune modification de leur situation d’activité [19]. Le taux de cotisants du RSI percevant une retraite du régime général a fortement progressé depuis 2004, traduisant une optimisation de leur situation (cf. encadré 3).
Encadré 3. Un effet d’aubaine constaté pour les cotisants RSI prestataires du régime général
Cette base de données a permis de rendre compte de l’incidence de l’évolution de la législation, avec notamment des conditions de cumul emploi-retraite moins contraignantes depuis 2004, pour les prestataires du RG reprenant une activité en tant qu’indépendant. 81 % des personnes cotisantes au RSI et pensionnées du RG ont liquidé leur pension depuis 2004 (cf. graphique ci-dessous). Il convient toutefois d’interpréter ces résultats avec prudence, puisque les données ne fournissent pas d’informations concernant le recours au cumul emploi-retraite des cotisants du RSI avant 2008. Il est en effet possible que des liquidants de 2003 aient cumulé un emploi à leur retraite les premières années de leur retraite, mais que ce ne soit plus le cas en 2008. Ainsi, les taux de cumulants pour les retraités ayant des années de liquidation plus anciennes peuvent être sous-estimés. Néanmoins, la tendance de la courbe du graphique révèle bien un point d’inflexion à partir de 2004.
Les évolutions législatives favorables en matière de cumul emploi-retraite pour les indépendants prestataires du RG semblent bien avoir contribué au développement du cumul emploi-retraite [20]. Celui-ci a par ailleurs été accentué par la mise en place, au 1er janvier 2004, de la retraite anticipée. Ainsi, parmi les cotisants RSI cumulant une pension RG liquidée à partir de 2004, environ 15 % à 20 % ont liquidé leur pension de droit propre au RG entre 56 et 59 ans.
Ces quelques données traduisent bien l’effet d’aubaine dont ont pu bénéficier les cotisants du RSI également assurés du RG en matière de législation retraite.
Répartition des cumulants en 2008 selon l’année de liquidation de la pension du régime général

Répartition des cumulants en 2008 selon l’année de liquidation de la pension du régime général
41Dans le cas du régime général, il est difficile pour le moment d’évaluer le réel effet de la libéralisation du dispositif de cumul emploi-retraite sur l’activité des retraités, les données disponibles ne le permettant pas encore. Avec un recul de deux ou trois ans, il sera envisageable de mobiliser des techniques économétriques permettant d’évaluer la réelle incidence de la modification du dispositif survenue en 2009. Mais, au regard des résultats disponibles sur le RSI, il n’est pas abusif d’envisager qu’une partie des retraités reprenant une activité salariée optimiseront leur situation en bénéficiant d’un réel effet d’aubaine. Cela se traduira pour les régimes de retraite par un surcoût puisqu’ils auront en effet à verser des pensions qui n’auraient pas été liquidées en l’absence de modification de la législation. Les cotisations versées sur les salaires après liquidation ne suffiront pas à compenser ce surcoût.
Conclusion
42Pour les nouveaux retraités des années 2005 à 2008, le recours au cumul emploiretraite demeure limité tant en termes de population concernée (de l’ordre de 5 % des nouveaux retraités) qu’en termes de ressources induites par la reprise d’emploi. La libéralisation des règles de cumul survenue en 2009 pourrait modifier le constat, mais avec peut-être l’émergence de situations d’aubaine et un certain risque financier pour les régimes de retraite.
43Jusqu’à présent, ce dispositif permettant la reprise d’activité des retraités participait à un ensemble de mesures visant à préparer la société française à l’acceptation d’une liquidation de la retraite plus tardive et à une recherche éventuelle de ressources complémentaires à la retraite. Ce dispositif constitue ainsi un pas de plus vers le processus d’évolution des mentalités en faveur d’un maintien en emploi des seniors, mais aussi peut-être en faveur d’une nouvelle complémentarité entre revenus de remplacement et ressources personnelles issues d’une activité au-delà du passage à la retraite.
44Cependant, le contexte va évoluer avec l’inscription dans la réforme de novembre 2010 du recul de l’âge légal de départ en retraite. À l’horizon 2017, l’âge légal de la retraite sera fixé à 62 ans. Cette évolution traduit une modification de logique, passant de l’ouverture des possibilités de choix introduite par la réforme de 2003 à une obligation légale appliquée à tous. Cette évolution pourrait limiter à terme les populations potentiellement incitées à reprendre une activité durant leur retraite.
Caractéristiques des carrières des nouveaux prestataires de 2004 à 2006 selon qu’ils ont recours au cumul ou non


Notes
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[*]
Isabelle Bridenne, responsable du pôle Évaluation de la Direction statistiques, prospective et recherche de la CNAV au moment de la rédaction de l’article.
Corinne Mette, chargée d’études économiques et statistiques au pôle Évaluation de la Direction statistiques, prospective et recherche de la CNAV au moment de la rédaction de l’article. -
[1]
En 2009, le taux d’activité des 55-59 ans est de 58,4 % (Minni et al., 2010). Ce taux encore faible est tout de même en progression depuis près de dix ans.
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[2]
Dans le projet de la loi portant réforme des retraites d’août 2003, il est indiqué que l’objectif poursuivi en matière de cumul est de simplifier et d’harmoniser les règles de limitation du cumul entre un emploi et une retraite. Désormais, les règles applicables aux régimes de base des salariés seront cohérentes avec celles appliquées par les régimes de retraite complémentaire obligatoires tels que l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres (AGIRC) et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO).
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[3]
Plus exactement, la moyenne mensuelle des trois derniers salaires ou bien le SMIC si celui-ci est plus élevé.
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[4]
Un travail conjoint entre le RSI (Régime social des indépendants) et la CNAV a été mené en 2010 afin de repérer les situations de cotisants du RSI qui ont demandé leur retraite. Voir à ce sujet l’encadré 2 du présent article et Bac et Gaudemer (2010).
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[5]
Pour avoir un ordre de grandeur, il y a en 2009 près de 3 millions de retraités de la fonction publique d’État et territoriale, dont une partie pourrait avoir une activité et cotiser dans un autre régime (cf. tableau).
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[6]
Salarié affilié au régime général, à la MSA ou à certains régimes spéciaux.
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[7]
En raison de la durée limitée d’observation, la profondeur d’historique maximale disponible est de quatre années et seulement pour ceux qui ont liquidé leur pension de retraite en 2004 (trois ans pour ceux ayant liquidé en 2005, deux années pour les liquidations de 2006 et seulement une année pour celles de 2007). Le flux 2004 paraît ainsi le plus pertinent pour analyser le temps passé dans le dispositif.
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[8]
Ou l’année précédant la liquidation pour ceux qui ont liquidé leur retraite au cours du premier trimestre.
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[9]
Il y a quatre motifs de liquidation : par la durée, lorsque le nombre de trimestres nécessaires à l’obtention du taux plein est atteint ; par l’âge, lorsque que le taux plein est acquis à 65 ans ; par la catégorie, lorsque le taux plein est attribué pour invalidité ou inaptitude ; et à taux réduit, lorsque le retraité a liquidé avant d’obtenir le taux plein.
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[10]
La population de référence, pour les hommes comme pour les femmes, est un prestataire marié ayant, pour la première fois, validé quatre reports, une même année entre 16 et 17 ans, au titre d’une activité, monopensionné du régime général, n’ayant pas bénéficié de la retraite anticipée et n’étant pas en emploi l’année précédant la liquidation de sa retraite.
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[11]
Dans les deux cas, il s’agit d’un montant de salaire annuel, qui peut donc avoir été perçu au titre d’un seul mois de travail ou au titre d’une activité régulière sur toute l’année.
-
[12]
Entre 2004 et 2008, les prestataires qui souhaitaient cumuler un emploi à leur retraite (revenus + pensions) ne devaient pas dépasser un niveau de ressources mensuelles équivalant au maximum à la moyenne mensuelle de leurs trois derniers salaires ou bien au SMIC mensuel en vigueur. En 2007 et 2008, le niveau de ressources (revenus + pensions) mensuelles devait être inférieur au maximum soit à la moyenne mensuelle des trois derniers salaires, soit à 1,6 SMIC mensuel.
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[13]
Celle-ci est de 162 trimestres pour la génération 1950 et passera à 164 trimestres pour la génération 1952.
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[14]
Part des prestataires qui étaient en emploi l’année précédant la liquidation et qui liquident leur retraite au titre de la durée.
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[15]
Les retraités actifs auront la possibilité de disposer de ressources supplémentaires en cumulant leur retraite et un salaire, ce qui peut leur permettre d’accepter, relativement aux autres salariés, certains aménagements de leur temps de travail et de leur rémunération.
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[16]
La retraite obligatoire, indépendamment des compléments de retraite ou produits d’épargne retraite constitués à titre individuel.
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[17]
Cette possibilité était déjà ouverte aux cotisants d’autres régimes qui avaient liquidé une pension de salarié (cf. encadré 2).
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[18]
Avec l’hypothèse d’une retraite moyenne de vingt-cinq ans, le bénéfice de la retraite sur vingt-sept ans plutôt que sur vingt-cinq ans, même si cette pension bénéficie d’une surcote et de points supplémentaires, est plus favorable pour l’assuré en termes de montant global acquis durant la vie passée à la retraite, et ce d’autant plus si l’on prend en considération la préférence des individus pour le présent.
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[19]
Avant 2004, il y avait une condition préalable d’interruption d’activité.
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[20]
Même s’il peut y avoir certaines sous-estimations des situations de cumul avant 2008, le changement de tendance à partir de 2004 est suffisamment significatif.