CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction [1]

1La comparaison internationale des régimes de protection sociale dans une perspective intégrant le genre [2] fait apparaître une grande diversité des modes d’accès aux droits sociaux. Selon Diane Sainsbury (1996), quatre modes d’accès des femmes aux droits sociaux peuvent être distingués : l’entretien de la famille qui accorde à l’épouse au foyer des droits dérivés[3] de ceux du mari pourvoyeur de revenus ; la prise en charge au sein de la famille de l’éducation des enfants ou du soin aux personnes dépendantes (ce que les Anglo-Saxons nomment les activités de care) qui fonde les droits sociaux sur un statut de dispensateur (ou plus souvent de dispensatrice) de soin aux enfants ou aux proches dépendants ; l’emploi qui octroie des droits aux travailleurs en lien avec leur participation au marché du travail ; la citoyenneté qui accorde des droits (universels ou ciblés sur les plus pauvres) aux citoyens sur la base d’un critère de nationalité ou de résidence. Les modes d’acquisition des droits sociaux apparaissent ainsi plus divers pour les femmes que pour les hommes dont les droits sont principalement liés à l’emploi. Or la définition de ces droits est liée à des formes plus ou moins valorisées de reconnaissance sociale : les droits liés à l’emploi sont les mieux valorisés (ce sont ceux des travailleurs méritants), les autres ayant une légitimité sociale plus ambivalente, notamment les revenus d’assistance souvent accusés de décourager le travail, mais aussi les droits dérivés ou liés au care adossés à un modèle inégalitaire de dépendance de la femme au foyer.

2La variété des régimes nationaux de protection sociale n’est pas neutre du point de vue du genre : le régime « individuel » des pays du nord de l’Europe, qui favorise l’emploi de tous et celui des femmes en particulier, s’oppose au régime « patriarcal » bismarckien des pays continentaux, plus soucieux des solidarités familiales traditionnelles que de l’emploi des femmes. La France a développé son système de protection sociale en référence à ce schéma patriarcal qui, à côté des droits sociaux liés à l’emploi de l’homme « apporteur de revenus », prévoit des droits familialisés ou dérivés pour l’épouse au foyer et les enfants dépendants. Si les femmes ont fait leur entrée sur le marché du travail, ce schéma n’a pas été fondamentalement remis en cause. Les minima sociaux que sont l’allocation de parent isolé (API, mise en place en 1976) et le revenu minimum d’insertion (RMI, en 1989) sont des droits liés au care (API) et à la citoyenneté (RMI) qui complètent le système bismarckien d’accès aux droits sociaux par l’emploi et la cotisation sans rompre avec le schéma patriarcal : ils sont conçus comme des minima familiaux garantis, qui continuent à encourager les solidarités familiales traditionnelles.

3À partir de la fin des années 1990, en lien avec les préconisations de l’OCDE et la mise en place de la stratégie européenne pour l’emploi, on observe dans plusieurs pays européens une inflexion des politiques de l’emploi et des politiques sociales en direction des personnes sans emploi, qui concerne aussi bien les allocataires de minima sociaux que les chômeurs (Zajdela, 2009). Les minima sociaux, dispositifs de soutien (faiblement conditionnels) aux revenus, sont désormais considérés comme coûteux et peu efficaces dans la lutte contre la pauvreté car ils contribueraient à « piéger » les allocataires dans l’inactivité. D’un point de vue normatif, il est alors jugé préférable de soutenir le retour à l’emploi de ces allocataires en les intégrant, au même titre que les chômeurs, dans des programmes d’« activation [4] », de manière à favoriser une sortie durable de la pauvreté. De nouveaux concepts, qui rendent compte de cette inflexion des politiques sociales, gagnent en popularité : celui d’« État social actif » désignant un État social soucieux de promouvoir l’emploi (plutôt que de soutenir le revenu des plus pauvres) afin de lutter plus efficacement contre la pauvreté tout en développant une protection sociale économiquement soutenable (financée par le travail de tous et toutes) ; et celui d’« investissement social dans les enfants » qui promeut un soutien à l’emploi des parents (Eydoux, 2010) ainsi que le développement des modes d’accueil et d’éducation des enfants au nom du bien-être de ces derniers [5].

4En France, cette tendance à l’activation des allocataires de minima sociaux se traduit par une redéfinition graduelle de leurs droits sociaux qui transforme les fondements mêmes des prestations. Plusieurs réformes ont cherché à agir sur l’offre de travail des allocataires en améliorant leurs gains au retour à l’emploi et en renforçant l’accompagnement auquel ils sont éligibles. La généralisation du revenu de solidarité active (RSA), qui se substitue en 2009 au RMI et à l’API, se présente comme l’aboutissement de cette tendance. Le renforcement de la conditionnalité des prestations, le développement d’incitations monétaires et d’un accompagnement renforcé font appel à la rationalité et à la responsabilité individuelles des allocataires et amoindrissent les principes originels de solidarité nationale et de garantie de revenus aux familles. La tendance s’étend désormais à des catégories auparavant dispensées de l’obligation de travailler, comme les mères de famille monoparentale éligibles à des allocations dédiées (de « parent isolé ») leur accordant des droits sociaux faiblement conditionnels. Elle est ainsi révélatrice de la manière dont les politiques sociales renouvellent leur conception de la citoyenneté sociale des femmes, passant d’une citoyenneté « spécialisée » (dans le soin et l’éducation des enfants) à une citoyenneté « active » (Eydoux et Letablier, 2009). Si les potentiels effets désincitatifs des minima sociaux sur l’offre de travail des femmes sont depuis longtemps pointés et débattus, la progressive activation des allocataires n’a été que peu abordée dans une perspective de genre [6]. L’objet de cet article est d’analyser, à partir d’une incursion dans l’abondante littérature sur le sujet et dans une perspective qui intègre la dimension du genre, l’évolution de l’API et du RMI, de leur mise en place à leur remplacement par le RSA : il interrogera plus précisément la manière dont ces minima sociaux se sont inscrits dans le système patriarcal français de protection sociale et sont à présent mis en tension par la logique d’activation qui les traverse.

5L’article caractérisera tout d’abord, en repartant de la littérature féministe comparative sur les systèmes de protection sociale, le schéma patriarcal français de définition des droits sociaux. Il se penchera dans un deuxième temps sur la genèse de l’API et du RMI, en mobilisant des travaux portant sur les débats auxquels leur création a donné lieu, pour montrer de quelle manière ils s’inscrivent dans le schéma patriarcal. Ensuite, en s’appuyant sur les travaux de chercheurs qui ont jalonné la transformation de ces dispositifs, il analysera le processus d’activation à l’œuvre et en soulignera les ambivalences s’agissant des femmes. Enfin, sur la base des évaluations disponibles, il examinera les effets du RSA sur les revenus et le retour à l’emploi, en cherchant à en tirer les leçons dans une perspective de genre.

En France : un modèle « patriarcal » d’accès aux droits sociaux

6Les recherches comparatives opposent fréquemment deux régimes de construction des droits sociaux dans une perspective de genre : le régime social-démocrate des pays du nord de l’Europe (Danemark, Suède) et le régime bismarckien conservateur des pays continentaux comme la France ou l’Allemagne. Là où le premier se fonde sur des droits sociaux universels et individualisés visant la réduction des inégalités entre citoyens, femmes et hommes en particulier, le second défend des droits plus souvent reliés à l’emploi ou à la famille qui privilégient la réduction des inégalités entre les ménages et la préservation des solidarités familiales traditionnelles reposant sur une division sexuée du travail entre l’homme apporteur de revenus et la femme pourvoyeuse de soins.

Régimes de droits sociaux : patriarcal versus individualisé

7Le régime social-démocrate peut être qualifié de régime « individualisé » (individual model) ou « à deux apporteurs de revenus » (dual-breadwinner model) car il est réputé encourager tous les adultes, femmes et hommes, à travailler (Lewis, 1992 ; Sainsbury, 1996). Au Danemark, par exemple, les droits sociaux sont attachés à l’individu plutôt qu’au ménage et l’emploi ne joue un rôle que pour la définition de droits complémentaires (retraite complémentaire, etc.), tandis que les droits dérivés découlant des relations de dépendance familiale ont été remplacés par des droits propres. De la même manière, l’impôt est individualisé (il n’y a pas de quotient conjugal) et son montant ne dépend pas des ressources et de la composition du ménage mais des revenus de l’individu. Enfin, la politique de soutien au retour à l’emploi menée depuis les années 1990 rappelle certes aux individus leur responsabilité individuelle en la matière, mais confère à l’État celle de les aider à l’exercer (Kerschen, 2008). La responsabilité de l’État va au-delà de la seule activation et passe aussi par l’offre de congés parentaux et de services étendus d’accueil et d’éducation des enfants (conformément à l’affirmation d’un droit des jeunes enfants à un mode d’accueil). Le modèle social-démocrate est ainsi réputé affranchir les individus non seulement du marché du travail (démarchandisation[7]), en leur permettant de subvenir à leurs besoins par une protection sociale étendue lorsqu’ils n’ont pas d’emploi, mais aussi les émanciper de la famille [8] (défamilialisation), en leur garantissant un niveau de vie acceptable indépendamment des solidarités familiales (Sainsbury, 1996) et en offrant des services d’accueil et de soins permettant la socialisation de tâches domestiques traditionnellement dévolues aux femmes (Esping-Andersen, 1999).

8Le régime continental peut quant à lui être qualifié de « patriarcal » (male-breadwinner model), car il fonde les droits sociaux sur l’emploi et la famille, selon une logique bismarckienne construite sur un schéma inégalitaire de dépendance économique des femmes. En plus des droits individuels liés à l’emploi, acquis et financés par la cotisation, ce régime accorde à celles ou ceux qui ne participent pas au marché du travail des droits liés à la famille : droits dérivés des enfants ou de l’épouse au foyer, droits liés à la prise en charge des enfants ou des personnes dépendantes, ou encore (plus récemment) minima sociaux sous condition de ressources, calculés en fonction du revenu et de la composition du ménage. Le régime patriarcal valorise ainsi à la fois le travail professionnel (c’est le principal fondement des droits sociaux !) et les solidarités familiales, l’investissement des parents (des mères) dans la sphère domestique. La marchandisation du travail (la nécessité de se porter sur le marché du travail) demeure sexuée et compatible avec la division traditionnelle des rôles. Les droits dérivés confèrent aux femmes (aux mères) des droits liés à l’activité du conjoint, tandis que les droits liés au care ou les minima sociaux leur accordent des allocations qui leur permettent de se consacrer à leurs jeunes enfants. Dans les pays continentaux (France, Allemagne), la marchandisation du travail masculin va de pair avec la familialisation du care pris en charge par les femmes. De fait, le taux d’emploi des femmes, des mères en particulier, s’il a augmenté depuis les années 1960, demeure plus faible dans ces pays [9] que dans les pays du nord de l’Europe (Danemark, Suède).

Schéma patriarcal : réduction des inégalités entre ménages et solidarités familiales

9Dans le régime patriarcal français de droits sociaux, à côté des droits individuels liés à l’emploi, plusieurs principes manifestent le souci de préserver, voire d’encourager, les solidarités familiales et la prise en charge familiale des activités de care, au détriment dans certains cas de l’égalité entre femmes et hommes (Lanquetin, Letablier et Périvier, 2004). Plutôt que le principe d’égalité entre les sexes, c’est celui de l’« équité entre les ménages » (Sterdyniak, 2004) qui prévaut dans la définition des droits (et des prélèvements) sociaux. Ce principe d’équité fonde le choix du ménage plutôt que de l’individu comme unité de référence dans le calcul des droits sociaux comme dans celui de l’impôt. Il pose les « décisions » intrafamiliales comme premières [10], situées hors du champ des politiques publiques dont le rôle se résume à la compensation des inégalités qui en découlent entre les ménages.

10Le système du quotient conjugal et familial, qui sert de base au calcul de l’impôt, tend ainsi à compenser les conséquences de la réduction ou du retrait d’activité pour les ménages dans lesquels un parent (généralement la mère) se consacre à ses enfants (Sterdyniak, 2004, 2012). S’il n’a pas empêché les femmes d’entrer massivement sur le marché du travail, ce système tend à pénaliser l’activité de nombreuses femmes (Landais, Piketty et Saez, 2011) en France [11]. Le taux marginal d’imposition sur le « second salaire » d’un ménage (le plus faible, fréquemment celui des femmes), calculé à partir de l’ensemble des ressources de ce dernier, est en effet souvent plus élevé qu’il ne le serait dans un système individualisé. De nombreuses prestations sont, en France, calculées sur une base familiale ou en référence à une situation familiale génératrice de droits sociaux, cela afin d’encourager les solidarités familiales et de compenser, du moins en partie, les effets négatifs qu’elles peuvent exercer sur les revenus du ménage. Cette logique n’exclut pas des dispositifs qui, bien que se référant à un schéma de dépendance des femmes au foyer, contribuent à réduire les inégalités entre femmes et hommes. C’est en particulier le cas des pensions de réversion et des avantages familiaux [12] qui atténuent significativement les écarts des niveaux de pensions entre femmes et hommes à l’âge de la retraite (Bonnet et al., 2007).

11Cette logique, qui pose les choix familiaux comme premiers, est foncièrement ambivalente au regard des rapports sociaux entre les sexes et de l’égalité, car elle renvoie souvent (explicitement ou non) à des rôles sexués ou à des situations inégalitaires. En s’en remettant aux arbitrages familiaux, fortement marqués par les institutions et les normes sociales, elle contribue à figer les inégalités. Par exemple, la politique familiale promeut en France depuis longtemps une logique dite de « libre choix » d’interruption d’activité afin de permettre à des parents actifs (sous condition d’activité) de se retirer temporairement du marché du travail pour élever leurs jeunes enfants de moins de 3 ans. Les allocations de retrait d’activité y côtoient donc une politique relativement active de soutien au développement des modes d’accueil pour les enfants (Commaille, Strobel et Villac, 2002). Cependant, du fait des caractéristiques de leurs emplois (bas salaires, horaires atypiques) et de l’insuffisance de modes d’accueil adaptés ou abordables pour leurs enfants, les mères non qualifiées ou précaires sont surreprésentées dans ces retraits d’activité (Marc, 2004) signalant un « libre choix » et des solidarités familiales contraints.

12Au sein de ce système français de protection sociale, les minima sociaux font partie des prestations sociales calculées sur une base familiale. De ce point de vue, ils ne dérogent pas au schéma patriarcal.

API et RMI : soutien au revenu dans une logique de minima familiaux garantis

13Face à un constat de développement de la pauvreté et en réponse à des changements appréhendés comme constitutifs de nouveaux risques sociaux, les minima sociaux se sont développés au sein même du schéma patriarcal, sans en remettre en cause les principes. Ce sont des minima familiaux garantis qui se mettent en place. Si leurs logiques diffèrent (maternaliste [13] dans le cas de l’API, d’insertion dans le cas du RMI), il s’agit bien de prestations familialisées, liées à la composition et aux ressources du ménage, à même de faciliter les solidarités familiales traditionnelles.

L’API, un minimum familial maternaliste

14Au milieu des années 1970, on assiste à une prise de conscience du développement de formes de pauvreté qui ne sont pas interprétées comme liées à la précarité sur le marché du travail [14]. L’idée de garantir un revenu familial minimal pour les ménages avec enfants à charge émerge alors, sans toutefois parvenir à faire consensus [15]. Un dispositif plus limité est retenu, en direction des familles monoparentales, jugées précaires, qui avaient fait l’objet d’un rapport du Commissariat général du Plan (1975) et avaient acquis une visibilité dans les débats politiques, notamment parlementaires (Martin-Papineau, 2003). Il est initialement ciblé sur les veufs et veuves avec enfants, par crainte qu’une prestation destinée aux parents qui élèvent seuls leurs enfants ait une « influence sur les mœurs » en encourageant la non-reconnaissance des enfants par les pères ou le non-versement des pensions alimentaires (Fragonard, in Helfter, 2010). Finalement étendu à tous les parents élevant seuls des enfants dans la pauvreté, le dispositif, appelé « allocation de parent isolé » (API), voit le jour en 1976. Il retient un principe de subsidiarité par rapport aux créances alimentaires, si bien qu’il ne rompt pas avec le modèle du male-breadwinner mais cherche à en combler les lacunes pour les mères seules qui ne peuvent compter sur le salaire d’un conjoint pour compléter leur revenu. De fait, l’API [16] est conçue sur le modèle de l’allocation de salaire unique (ASU) [17] versée dans les couples aux parents d’enfants de moins de 3 ans (âge de l’entrée en maternelle) lorsque l’un(e) d’entre eux restait au foyer pour s’en occuper. L’API est une prestation différentielle : le montant perçu est égal à la différence entre le revenu garanti (à l’époque 900 francs + 300 francs par enfant) et les revenus du ménage (revenus d’activité et prestations familiales).

15La préoccupation des concepteur(trices)s de l’API n’était donc pas celle d’une éventuelle désincitation au travail, bien au contraire. Comme le souligne Fragonard (in Helfter, 2010), « on admet [à l’époque] le fait que la mère puisse ne pas être immédiatement poussée au travail », dans une logique de « salaire maternel » et dans un contexte où retrouver un emploi après une interruption d’activité n’apparaissait guère problématique. En revanche, le risque perçu par les concepteurs était familial, celui de la défection du père qui, profitant de l’existence de l’allocation, ne jouerait pas son rôle d’apporteur de revenus (en ne versant pas la pension alimentaire par exemple). Le caractère subsidiaire de l’API visait bien à prévenir un tel risque. Il a d’ailleurs constitué l’une des difficultés de gestion de la prestation pour les caisses d’allocations familiales (CAF) en charge du versement de l’API et de son articulation avec les créances alimentaires, tout comme le contrôle des allocataires qui ne peuvent bénéficier de la prestation en cas de remise en couple. L’accent mis sur ces risques familiaux (défection du père, non-déclaration de la remise en couple, etc.) a d’ailleurs fait de l’API une prestation relativement stigmatisante pour les mères isolées. Elle leur conférait un statut social de mère (Eydoux et Letablier, 2009), mais avec un soutien plus négativement connoté que celui de l’allocation de salaire unique qui complétait les revenus du travail des pères (réputés méritants) de jeunes enfants dont l’épouse était au foyer.

Le RMI, entre droit social universel et minimum familial garanti

16Dans les années 1980, période de montée du chômage et de durcissement du régime d’indemnisation du chômage, la précarité professionnelle et la pauvreté liée à l’insuffisance des revenus tirés de l’emploi (ou des protections qui lui sont attachées) passent sur le devant de la scène. La création en 1989 du RMI (revenu minimum d’insertion) prend place dans ce contexte de dégradation de l’emploi et des protections qui lui sont attachées ; la préoccupation de soutenir le revenu de celles et ceux qui en subissent les conséquences est au cœur des débats parlementaires qui ont présidé à la mise en place de cette prestation (Eydoux et Tuchszirer, 2011).

17La nouvelle allocation qu’est le RMI prend la forme d’un revenu minimum, différentiel et sous condition de ressources, calculé sur une base familiale. D’une certaine manière, sa mise en place réalise le projet d’un revenu familial garanti que les concepteurs de l’API avaient en tête dès le milieu des années 1970. Le choix est d’ailleurs fait, comme pour l’API, de confier la gestion et le versement de la prestation aux CAF. Il s’agit d’adapter le système bismarckien de protection sociale en donnant des droits à un soutien au revenu aux ménages exclus des garanties liées à l’emploi. Si le RMI n’est pas réservé aux familles, son montant est dépendant de la composition et des ressources du ménage auquel il s’adresse. Il ne rompt donc pas avec le modèle du male-breadwinner : ce soutien au revenu demeure un droit lié au ménage ou à la famille (« familialisé ») dont ne peuvent bénéficier celles et ceux qui n’appartiennent pas à un ménage pauvre, les solidarités intraménages, ou familiales continuant à s’imposer dans ce cas.

18Le RMI n’a pas pour objet de soustraire les allocataires en âge de travailler à leurs obligations d’emploi. Mais les contreparties exigées d’eux en termes d’insertion sont relativement faibles : « L’ardente obligation de l’insertion [18] » incombe à la société tout entière et relève de la responsabilité publique plutôt que de leur responsabilité individuelle. Toutefois, la conditionnalité du RMI et l’obligation d’insertion des allocataires sont problématiques s’agissant d’un minimum social destiné aux ménages plutôt qu’aux individus. Si dans le ménage la prestation est versée à un seul membre, plusieurs (les adultes sans emploi en âge de travailler) peuvent être concernés par l’insertion. Dans le cas d’un couple, s’agit-il de favoriser l’insertion des deux adultes du couple lorsque aucun d’eux n’a d’emploi, ou bien au contraire de considérer que le problème de l’insertion ne se pose pas dès lors que l’un des deux adultes travaille ? S’agit-il de soutenir l’emploi des femmes et le modèle des couples biactifs ou au contraire de faciliter les retraits d’activité d’un parent (modèle de la mère au foyer) ? Ces questions sont à l’époque peu débattues, suggérant que l’obligation d’insertion est relativement lâche et que les « choix » d’activité relèvent des ménages plutôt que des politiques d’insertion.

19Les parents qui élèvent seuls leurs enfants (essentiellement des mères) apparaissent faire l’objet d’un traitement moins ambivalent. Une disposition de la loi sur le RMI concernant les allocataires de l’API (les « mères isolées ») suggère que « l’ardente obligation de l’insertion » les concerne également : l’amendement Roudy étend en effet le bénéfice des dispositifs d’insertion sociale et professionnelle des allocataires du RMI aux allocataires de l’API (les « parents isolés », généralement des mères). Mais, comme le note Fragonard (in Helfter, 2010, p. 139), « la mise en œuvre de cette option a été lacunaire et très imparfaite ». Ajoutons que, tant que cette obligation d’insérer les allocataires relevait principalement de la responsabilité publique, la question renvoyait surtout à l’action des acteurs en charge de la mise en œuvre de cette politique au niveau des territoires.

20Toutefois, au fil des réformes du RMI, le devoir d’insertion s’est porté peu à peu sur les individus, les soumettant ainsi que les ménages dont ils sont membres à des mesures d’activation et à des sanctions qui, en modifiant la nature de l’allocation, soulèvent des problèmes épineux. Les évolutions de l’API et du RMI depuis la fin des années 1990 sont révélatrices d’une tension du système français de protection sociale, tiraillé entre la référence à un schéma patriarcal, qui continue à prévaloir dans la définition d’une partie des droits sociaux, et la référence à un modèle individuel reliant les droits et devoirs individuels à l’emploi. Des incitations individuelles au travail ont en effet été incorporées dans des droits sociaux familialisés, un « mélange des genres » – pour reprendre la formule employée par Hélène Périvier (2009) – qui s’avère problématique dans une perspective de genre.

Droits sociaux familialisés et incitations au travail, un « mélange des genres » problématique

21À la fin des années 1990, on assiste à une remise en cause des politiques de soutien au revenu. Celles-ci se voient reprocher de désinciter au travail, de « piéger » certains allocataires dans l’inactivité et dans une pauvreté persistante sans empêcher qu’une frange de travailleurs reste exposée à la pauvreté. La désincitation au travail est alors pointée comme un « nouveau risque », imputable à une protection sociale insuffisamment tournée vers l’insertion professionnelle. Or ce risque est sexué, le schéma patriarcal de la protection sociale à la française exposant particulièrement les femmes, surtout les mères de jeunes enfants (et parmi elles les « mères isolées »), aux dispositifs d’incitation au retrait d’activité. La tendance consistant à repenser la protection sociale de manière à renforcer les incitations individuelles au retour à l’emploi, tendance dont le revenu de solidarité active (RSA) se présente comme l’aboutissement, prend ainsi à rebours cet aspect du schéma patriarcal à partir duquel sont définis les minima sociaux.

Le risque (sexué) de désincitation au travail

22Lors de la création du RMI, la question de la responsabilité de l’insertion et de la conditionnalité de l’allocation faisait débat : certains craignaient que l’attribution d’une allocation sans contrepartie ne constitue une prime à l’inertie des allocataires [19] (Eydoux et Tuchszirer, 2011). L’allocation, insuffisante à traiter le problème de la pauvreté et devenue un dispositif de relégation pour une partie de ses allocataires, a été peu à peu regardée comme un « piège » à pauvreté ou à inactivité plutôt que comme un filet de sécurité. L’idée d’un effet désincitatif au travail des prestations sociales, présente dans les débats portant sur l’indemnisation du chômage, s’est invitée dans ceux portant sur les minima sociaux : le RMI et l’API constitueraient des dispositifs décourageant le travail et piégeant leurs allocataires dans l’assistance sans les sortir de la pauvreté.

23À partir de la fin des années 1990, de nombreux travaux s’efforcent d’estimer ces phénomènes de « pièges » (ou de « trappes ») qui retiendraient les allocataires de minima sociaux dans des situations de non-emploi et dans la pauvreté (Zajdela, 2009). Certains travaux soulignent l’importance de ces « pièges » en suggérant qu’ils ne seraient pas neutres du point de vue du genre et concerneraient diversement les femmes selon leur situation familiale : les jeunes femmes peu qualifiées, les mères de jeunes enfants, notamment les mères isolées allocataires de l’API ou du RMI, seraient en première ligne. Avant la réforme de l’intéressement du RMI et de l’API, les effets désincitatifs sont surtout pointés dans le cas des familles monoparentales [20]. Après l’extension de l’intéressement et la mise en place de la prime pour l’emploi (PPE), certains effets désincitatifs seraient gommés [21], mais seulement sous l’hypothèse (peu réaliste) de l’absence de frais de garde des enfants liés au retour à l’emploi. En dépit des réformes, les jeunes femmes peu diplômées demeureraient ainsi pénalisées par les effets désincitatifs du dispositif [22]. D’autres travaux montrent cependant que l’existence de ces pénalités à l’emploi n’implique pas qu’elles aient une influence sur les comportements d’activité des allocataires, et notamment des femmes. Une enquête sur le devenir des allocataires du RMI (Guillemot et al., 2002) suggère que ces derniers étaient surtout, dans la deuxième moitié des années 1990, confrontés à une insuffisance de demande de travail et que l’absence de gain significatif à l’emploi ne les empêchait pas de se porter sur le marché du travail et d’en retirer un « mieux-être », même s’ils étaient exposés à des trajectoires de relégation dans des emplois de faible qualité. S’agissant plus particulièrement des mères isolées, la réaction de leur offre de travail à la réforme de l’API (assimilée à une expérience naturelle) serait demeurée de faible ampleur au regard de l’effet potentiellement désincitatif du dispositif : le recul de leur taux d’emploi s’expliquerait surtout par la montée du chômage de masse (de Curraize et Périvier, 2009).

24Les travaux qui relativisent l’effet désincitatif des minima sociaux sur l’offre de travail des allocataires n’ont cependant pas ralenti la frénésie des réformes visant à réduire cet effet. À partir de la fin des années 1990 en France, une succession de rapports officiels préconise la fusion du RMI et de l’API et/ou la suppression des « pièges à inactivité » associés à ces allocations (Dang et Trancart, 2011). De multiples réformes, participant d’un vaste processus de toilettage de la protection sociale et des minima sociaux, cherchent à réduire les pénalités à l’emploi en « rendant le travail rémunérateur ». Citons notamment l’amplification en 1998 du mécanisme d’intéressement du RMI (et de l’allocation spécifique de solidarité, ASS), l’extension de l’intéressement aux allocataires de l’API, la création en 2001 de la PPE, impôt négatif visant à récompenser les ménages modestes dans lesquels au moins une personne travaille, la création en 2003 du contrat d’insertion-revenu minimum d’activité (CI-RMA) devant être proposé aux allocataires lors de la décentralisation du RMI, la réforme en 2006 des dispositifs d’intéressement, prévoyant des « places disponibles garanties » pour l’accueil collectif des enfants des allocataires de minima sociaux qui reprennent un emploi. L’expérimentation dès 2007, puis la généralisation en 2009, du RSA réputé renforcer et pérenniser l’intéressement à la reprise d’un emploi et systématiser l’accompagnement social ou professionnel de tous les allocataires s’inscrit dans la continuité de ce toilettage des minima sociaux.

25Ces réformes, qui misent sur les incitations monétaires pour réduire les phénomènes de « pièges » dans l’assistance et agir sur l’offre de travail, font porter la responsabilité de l’insertion aux allocataires. Mais la logique des incitations, une logique de calcul rationnel individuel – celle qui prévalait dans les débats des années 1990 sur l’assurance chômage –, se trouve ici incorporée à des minima sociaux qui ne s’adressent pas aux individus mais aux ménages.

RSA : la rationalité économique appliquée à une prestation familialisée

26Le RSA se présente comme l’aboutissement d’un long processus de rationalisation des deux minima sociaux familialisés qu’étaient l’API et le RMI, de manière à ce qu’il soit « rentable » de travailler plutôt que d’être inactif(ve). La nouvelle allocation est (comme le RMI et l’API) différentielle et calculée en fonction des ressources et de la composition du ménage. Elle obéit à une formule réputée techniquement garantir une incitation permanente au travail (l’intéressement au travail de l’API ou du RMI était temporaire) : RSA = RSA socle (montant forfaitaire lié à la composition du ménage) + RSA activité (tel que 62 % des revenus du travail restent acquis au ménage).

27La nouveauté du dispositif est qu’il s’adresse aussi aux travailleurs pauvres non éligibles au RSA socle et qu’il est assorti d’un accompagnement social ou professionnel systématique des allocataires du RSA socle. Sa mise en place a suscité des controverses quant à ses effets sexués. Pour certains, la rationalité du dispositif permettrait de « dépénaliser l’emploi des femmes » (L’Horty, 2009), plus concernées que les hommes par les phénomènes de « trappes à inactivité » et par la dégradation de la qualité de l’emploi (temps partiel, bas salaires). Pour d’autres, cette cible ne pourrait être atteinte (Concialdi, 2009) car, si les femmes sont surreprésentées dans la pauvreté, elles comptent pour une minorité des travailleurs pauvres [23] ; de plus, le RSA n’intègre pas plus que le RMI ou l’API les frais de garde des enfants auxquels doivent faire face les parents (les mères) reprenant un emploi et demeure à un niveau insuffisant pour sortir un nombre important de ménages de la pauvreté [24] ; enfin, il présente un risque de renforcement du contrôle social et de l’injonction au travail pour des personnes susceptibles d’être confrontées à d’importants obstacles au retour à l’emploi (garde des enfants, problèmes de santé, de transports, etc.).

28Du point de vue de la stricte rationalité économique, l’une des principales limites du dispositif réside dans sa formule, qui renvoie au calcul individuel (faire en sorte qu’il soit rentable de travailler) alors qu’elle s’applique au ménage. Compte tenu des inégalités entre femmes et hommes au sein des ménages et sur le marché du travail, la formule n’est pas neutre du point de vue du genre. En effet, pour des familles de même composition et de même revenu, le calcul de la prestation est « indifférent au fait que les revenus du travail proviennent du seul emploi de l’homme, pendant que la femme s’occupe des enfants, ou bien au fait que les deux membres du couple travaillent » (Périvier, 2009). Or la bi-activité représente un coût (notamment celui du recours à un mode d’accueil payant pour les enfants) supplémentaire par rapport à la mono-activité, un coût que le calcul du RSA n’intègre pas. Cette omission des coûts de la bi-activité constitue bien une faille dans le dispositif incitatif du fait de la répartition inégale et sexuée entre travail rémunéré et non rémunéré dans les ménages. La rationalité du calcul économique individuel est appliquée aux ménages comme s’il s’agissait d’une « boîte noire », sans se préoccuper des arbitrages intrafamiliaux et des solidarités, éventuellement contraintes, qui peuvent en découler. Le RSA ne rompt donc aucunement avec l’esprit patriarcal du régime bismarckien des droits sociaux. Comme le montre l’analyse des gains au retour à l’emploi, il valorise les solidarités familiales et pénalise l’emploi des femmes, en soutenant leur inactivité ou leur passage à temps partiel (Périvier, 2009).

29L’analyse des gains au retour à l’emploi est problématique. Elle se focalise essentiellement sur le long terme (Anne et L’Horty, 2008) alors que le court terme représente à la fois la période de transition entre le non-emploi et l’emploi et l’horizon de nombreux emplois retrouvés par les allocataires. Or, à court terme (la première année), reprendre un emploi, surtout à temps complet, est moins souvent rentable avec le RSA qu’avec le dispositif d’intéressement du RMI (Concialdi, 2009). Des calculs effectués selon la méthode des cas types font apparaître que les gains et pertes liés au RSA à court et à long termes sont très sensibles au type de ménage et à la durée de l’emploi (Danzin, Simonnet et Trancart, 2011). À court terme, les célibataires, les familles monoparentales et les couples monoactifs sont toujours perdants avec le RSA, et le sont d’autant plus que l’emploi concerné est à temps complet (dans ce cas, les pertes sont fréquemment supérieures à 200 euros par mois la première année) ; les grand(e)s perdant(e)s étant les parents (les mères) isolé(e)s. À long terme, presque tous les ménages sont gagnants, mais l’avantage est beaucoup plus net pour les couples monoactifs que pour les mères isolées pour lesquelles il est important uniquement dans le cas d’un emploi à temps partiel. Sachant que bon nombre des emplois retrouvés par les allocataires sont de courte durée, ces résultats posent le problème des inégalités générées par le dispositif.

Quelle égalité face aux droits sociaux ?

30La définition des droits sociaux entretient des rapports complexes à l’égalité, en particulier parce qu’il existe plusieurs manières de concevoir l’égalité et parce qu’il est possible de lui donner plusieurs contenus. D’un point de vue procédural, les juristes distinguent entre l’égalité formelle, qui renvoie à la neutralité du droit, et l’égalité réelle, qui vise à corriger les inégalités (Borgetto, 1999). Du point de vue des principes de justice qui fondent les droits sociaux, il n’est pas neutre que ces droits tendent vers l’égalité entre les ménages au nom des solidarités familiales ou vers l’égalité entre femmes et hommes.

31Le RSA est, on l’a vu, ambivalent du point de vue des principes de justice qu’il porte. Il est issu de deux minima sociaux ayant en commun d’être des garanties de revenu familiales, visant donc à assurer une forme de redistribution des revenus entre les ménages (égalité réelle) et à permettre, sinon à encourager, les solidarités familiales. C’est aussi un dispositif incitatif à l’emploi, réputé encourager les allocataires à travailler en faisant comme s’il s’agissait d’individus là où le sujet des incitations est le ménage. Du point de vue du genre, le dispositif se présente comme neutre, car il ne s’adresse pas différemment aux hommes et aux femmes, mais cette neutralité relève de l’égalité formelle car il est destiné aux ménages mais ne tient pas compte des inégalités en leur sein, au risque de les reproduire ou de les renforcer.

32Le développement de l’activation des allocataires et du soutien au revenu des travailleurs pauvres au sein d’un dispositif familialisé pose une série de difficultés s’agissant de l’égalité entre les travailleurs et de l’égalité face aux dispositifs d’insertion, notamment entre femmes et hommes. Le RSA activité est réservé aux travailleurs pauvres : il est susceptible de compléter les bas revenus des travailleurs (mais pas ceux des chômeurs indemnisés) à la condition qu’ils appartiennent à un ménage pauvre. Il introduit ainsi dans la sphère de l’emploi une différenciation des revenus du travail qui n’a rien à voir avec l’emploi mais dépend de la situation familiale des travailleurs. Cet aspect n’est pas neutre du point de vue du genre. Si les femmes représentent la majorité des travailleurs à temps partiel et à bas salaire, elles ne sont qu’une minorité des travailleurs pauvres en raison du mode de calcul, familialisé et non pas individuel, de la pauvreté (Ponthieux et Raynaud, 2008). Elles constituent donc vraisemblablement une minorité des travailleurs à bas salaires éligibles au RSA. De la même manière, l’activation des allocataires du RSA socle (qui entrent dans le cadre des droits et devoirs) et les sanctions prévues en cas de manquement au devoir d’insertion sont problématiques dans le cadre d’un dispositif familialisé : « Les droits sont familiaux mais les devoirs sont individuels » (Périvier, 2009). Ainsi, le droit à un accompagnement dépend de la composition et des ressources du ménage, si bien que dans un couple sans emploi, lorsqu’un adulte (souvent l’homme) retrouve un emploi qui fait sortir le ménage du RSA socle, l’autre (la femme) cesse d’être éligible à un accompagnement, même si sa situation au regard de l’emploi n’a pas changé. Les obligations de retour à l’emploi dépendent également de l’éligibilité du ménage au RSA socle ; elles sont individuelles mais font porter les sanctions sur le ménage entier : en cas de refus [25] d’éventuelles offres « raisonnables » d’emploi, la sanction est collective et graduée selon la composition du ménage (la suspension ne peut concerner plus de 50 % du montant du RSA lorsque le ménage comprend plus d’une personne). Notons toutefois que des aménagements de ces devoirs existent : d’une part, la loi précise que la situation et les contraintes familiales des allocataires doivent être prises en compte ; d’autre part, les « parents isolés » qui élèvent seuls un enfant de moins de 3 ans demeurent hors du cadre des droits et devoirs. Hormis le cas de ces parents isolés, l’étendue des devoirs dépend donc de l’appréciation des travailleurs sociaux ou des conseillers de Pôle emploi quant aux contraintes des allocataires, une appréciation qui peut être influencée par des stéréotypes de sexes mais aussi par la situation du marché du travail ou par la disponibilité de modes d’accueil pour les enfants. Tout comme la prestation et le dispositif d’intéressement, les droits à l’accompagnement, les devoirs d’insertion et les sanctions qui les accompagnent dépendent donc de la composition et des ressources du ménage, conformément à un schéma patriarcal. Du fait de la conception du dispositif, un dispositif familialisé qui mise sur les incitations individuelles, l’activation des allocataires, achoppe, notamment, sur les inégalités entre femmes et hommes.

Conclusion : quels enseignements tirer du (terne) bilan du RSA dans une perspective de genre ?

33Il n’est pas aisé de dresser un bilan « genré » d’un dispositif familialisé tel que le RSA, dont les effets sexués sont ténus et peu étudiés. Le RSA n’a pas rompu avec la logique patriarcale qui prévalait dans les dispositifs du RMI et de l’API, mais s’est concentré sur les incitations individuelles au retour à l’emploi (intéressement, accompagnement) au sein d’un dispositif familialisé. Dans l’ensemble, à l’heure des premiers bilans, force est de constater la minceur des résultats obtenus au regard des objectifs mis en avant par les promoteurs du dispositif : le retour à l’emploi et la lutte contre la pauvreté. Dans une perspective de genre, l’activation des allocataires d’une prestation familialisée demeure ambivalente et se heurte aux inégalités sexuées dans les ménages et sur le marché du travail.

34Les travaux du Comité national d’évaluation du RSA (2011) montrent que l’effet du RSA en termes de retour à l’emploi est très faible (voire « marginal ») dans l’ensemble [26]. Ils suggèrent toutefois un impact différencié selon la composition et les revenus des ménages. Les parents isolés (des mères dans leur grande majorité) seraient ceux dont le taux de retour à l’emploi aurait le plus augmenté à la suite de la réforme (+ 6 % selon Danzin, Simonnet et Trancart, 2011). Si ce résultat apparaît cohérent avec le gain au retour à l’emploi à long terme, l’existence à court terme d’un gain nettement inférieur à ce qu’il était avec l’intéressement au RMI ne permet pas de l’imputer à une diminution des phénomènes de désincitation au travail. S’agissant des femmes en couple, le caractère familialisé du dispositif rend l’évaluation plus complexe que pour les femmes ou les mères seules. Une simulation récente sur la base d’un échantillon de l’enquête Revenus fiscaux de 2003 suggère un faible impact global sur l’offre de travail des femmes seules et des femmes mariées (Allègre, 2011) : l’offre de travail à temps complet serait réduite (– 21 000 individus à temps complet) au profit du retrait d’activité (+ 12 000) et du temps partiel (+ 9 000). L’impact du RSA sur la pauvreté est également relativement mince. Les travaux du Comité national d’évaluation du RSA (2011) se sont focalisés sur les effets de la composante RSA activité sans s’intéresser aux effets sexués en matière de pauvreté. D’après une micro-simulation basée sur l’enquête Revenus fiscaux (Comité national d’évaluation du RSA, 2011), le dispositif aurait permis de faire diminuer en 2010 de 0,2 point le taux de pauvreté et de 2 % le nombre de pauvres (–150 000) ; si le non-recours avait été moindre, c’est 400 000 personnes qui auraient dû franchir le seuil de pauvreté.

35La raison de ce terne bilan en matière de taux de retour à l’emploi et de lutte contre la pauvreté tient à la logique d’ensemble de la réforme créant le RSA. La crise a bien sûr pris à rebours le dispositif, mais elle n’explique pas tout. En matière de lutte contre la pauvreté, la réforme s’est concentrée sur l’intéressement au retour à l’emploi (le RSA activité) plutôt que sur le soutien au revenu et le RSA socle, mais cet intéressement est à court terme plus faible que par le passé. Le RSA activité, réputé améliorer l’ordinaire des allocataires qui travaillent, n’a pas tenu ses promesses : la première année, les gains au retour à l’emploi sont dans la plupart des cas inférieurs à ce qu’ils étaient avec l’intéressement du RMI, en particulier pour les mères isolées – et sans tenir compte des frais de garde des enfants. Une revalorisation significative du RSA socle aurait permis de ralentir la dégradation de la situation des ménages allocataires les plus pauvres liée à la dévalorisation des minima sociaux (dont le RMI et surtout l’API) par rapport au SMIC entre 1990 et 2008 (ONPES, 2010). Elle ne se serait pas heurtée à un problème de non-recours d’une telle ampleur que celui rencontré par le RSA activité, un droit quérable sans caractère d’automaticité et peu demandé par les travailleurs pauvres [27]. L’allocation n’ayant guère été revalorisée, elle n’a pas mis fin à la dégradation de la situation des plus pauvres, notamment des familles monoparentales dont le taux de pauvreté a augmenté de plus de 5 points de 2004 à 2009, passant de 25,6 % à 30,9 % [28], tandis que le taux global de pauvreté diminuait. En matière de retour à l’emploi, miser sur un dispositif d’incitations monétaires en ciblant l’offre de travail (c’est-à-dire les allocataires) sans agir sur la demande de travail des employeurs, seule à même de générer des emplois, était un pari risqué. Cela revenait par ailleurs à faire l’hypothèse que les allocataires refuseraient de travailler au motif d’un gain insuffisant. Or, si les effets désincitatifs potentiels existent, notamment pour les femmes non qualifiées et les mères de jeunes enfants, nous avons vu que leur impact sur l’offre de travail est faible. C’est surtout l’insuffisance de la demande de travail, l’absence d’emploi compatible avec les possibilités des allocataires – ou l’absence d’emploi tout court – qui sont en cause.

36La nature des emplois retrouvés par les allocataires du RSA, femmes et hommes, reflète les inégalités sexuées sur le marché du travail. Le rapport du Comité national d’évaluation du RSA (2011) montre que ces emplois sont souvent de faible qualité, majoritairement à temps partiel (53 % contre 17 % pour l’ensemble des actifs), et très souvent de courte durée (43 % contre 12 %). Du fait de la segmentation sexuée des emplois, les femmes sont plus que les hommes exposées aux formes d’emploi les plus dégradées (Gadrey, 2009). Dans le cas des parents isolés, une étude menée dans la phase d’expérimentation du RSA (Avenel, 2009) avait montré que les emplois retrouvés par ces parents (des mères seules) étaient le plus souvent de mauvaise qualité. Ce sont fréquemment des emplois à temps partiel dans les collectivités locales (agent de service ou d’entretien), dans les services aux particuliers (employé[e] de maison, agent de service ou femme de chambre dans l’hôtellerie-restauration) ou encore dans le commerce (caissier[ère])… avec des horaires qui ne facilitent pas toujours l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Cela renvoie aux inégalités sexuées qui persistent au sein des ménages et aux contraintes non monétaires qui pèsent sur l’accès à l’emploi des allocataires. Du fait de la différenciation sexuée des rôles sociaux, l’éducation des enfants pèse particulièrement sur l’accès à l’emploi des femmes en couple ou qui élèvent seules leurs enfants. Ces contraintes sont en partie levées pour celles et ceux qui peuvent obtenir un emploi dont la rémunération et les horaires sont compatibles avec leurs responsabilités familiales. Mais, pour les moins qualifié(e)s, elles s’avèrent des obstacles difficiles à franchir. Les parents isolés cumulent les difficultés pour accéder à un mode d’accueil abordable pour les enfants et obtenir un emploi dont les horaires ou les temps de trajet s’accordent aux horaires des structures éducatives (Eydoux et Letablier, 2009).

37Or la réforme créant le RSA n’a pas pris en considération la qualité des emplois retrouvés et n’a pas réellement cherché à lever les contraintes non monétaires (liées aux responsabilités familiales notamment) pesant sur l’accès à l’emploi des allocataires, bien au contraire. La référence au calcul économique rationnel faisant du comportement de ces derniers la cible d’une pression accrue (incitations, sanctions et, plus récemment, contrat de sept heures) a permis de se contenter d’un toilettage de la prestation sans prendre la peine de mettre en place une politique qui soutienne réellement le revenu et l’emploi des allocataires, femmes et hommes : individualisation de la prestation et revalorisation du soutien au revenu des allocataires, politique active de création d’emplois de qualité et d’offre de modes d’accueil de la petite enfance abordables. L’enjeu est bien aujourd’hui de rompre avec la logique patriarcale au cœur des minima sociaux sans entrer dans (ou en sortant de) celle, néolibérale, de la marchandisation et de la flexibilisation du travail qui, pour reprendre les termes de Nancy Fraser (2010), sacrifie « le rêve d’émancipation des femmes […] sur l’autel du capitalisme ».

Notes

  • [*]
    Anne Eydoux, maîtresse de conférences d’économie à l’université Rennes 2, en détachement au Centre d’études de l’emploi. Ses principales recherches et publications portent sur les politiques de l’emploi, les politiques familiales et sociales et le genre.
  • [1]
    Cet article a bénéficié des remarques des deux rapporteurs anonymes ainsi que de la relecture et des conseils de Bernard Gomel, Marie-Thérèse Letablier, Danièle Trancart et Véronique Simonnet. Qu’ils en soient tous ici remerciés. L’auteure reste bien entendu seule responsable du contenu de l’article.
  • [2]
    Le genre est ici considéré comme un « construit social » qui ne se résume pas à des différences naturelles mais inclut toute une gamme d’inégalités sociales (de revenus, face à l’emploi, dans la famille, etc.).
  • [3]
    Parmi ces droits, on trouve par exemple l’affiliation des ayants droit (conjoint ou enfants) à la sécurité sociale ou les pensions de réversion.
  • [4]
    L’activation renvoie aux politiques visant à favoriser le retour à l’emploi des personnes sans emploi (chômeurs, allocataires de minima sociaux), en renforçant les incitations au retour à l’emploi de façon à rendre le travail rémunérateur, en développant les mesures d’accompagnement vers l’emploi ou les mesures actives de l’emploi (contrats aidés, par exemple).
  • [5]
    La stratégie européenne pour l’emploi fait (au Sommet de Barcelone en 2002) du développement des modes d’accueil des enfants comme un levier pour la hausse des taux d’emploi des femmes.
  • [6]
    La revue Travail, Genre et Sociétés a cependant présenté une controverse sur ce thème (voir Périvier et Silvera, 2009).
  • [7]
    La démarchandisation est foncièrement ambivalente, comme le note Bernard Friot (2008), car l’affranchissement du marché du travail suppose précisément que chacun participe activement à l’emploi et se porte sur le marché du travail (marchandisation).
  • [8]
    La défamilialisation, si elle repose sur le développement d’une socialisation de l’accueil des enfants, n’élimine ni la famille ni les solidarités intrafamiliales, car celles-ci peuvent s’exercer au travers de congés parentaux relativement longs et plus fréquemment qu’ailleurs partagés entre les parents, tandis que l’offre de services d’accueil des enfants vise surtout à éviter les solidarités familiales contraintes tout en soutenant les projets parentaux.
  • [9]
    Si les taux d’emploi des femmes sont à peu près les mêmes en France et en Allemagne, celui des mères de jeunes enfants en Allemagne est particulièrement faible et marqué par le temps partiel, du fait de l’insuffisance des services d’accueil des jeunes enfants même après les réformes récentes (Fagnani et Math, 2010).
  • [10]
    Cette optique est aussi celle de toute la théorie néoclassique de la famille, inaugurée par les travaux de Gary Becker (1981,1991). Elle est critiquée par Amartya Sen (1990,1999), qui souligne la dimension contrainte et socialement normée des « choix » familiaux.
  • [11]
    Notons que l’introduction en 1971 par le gouvernement social-démocrate suédois d’un système d’imposition séparé des couples a pu avoir un effet positif sur le taux d’emploi des femmes, déjà élevé dans ce pays à l’époque (Nyberg, 2012).
  • [12]
    Les pensions de réversion visent à permettre aux veuves de conserver un certain niveau de vie après le décès de leur conjoint en continuant à bénéficier d’une partie des droits que celui-ci a acquis par sa participation à l’emploi. Les avantages familiaux accordent des droits sociaux liés à la famille et à l’éducation des enfants (bonification de pension pour enfants, majoration de durée d’assurance, prise en compte des périodes de réduction ou d’interruption d’activité, etc.).
  • [13]
    Les politiques « maternalistes », pour reprendre les termes d’Ann Orloff (2006), recouvrent les dispositifs qui encourageaient (ou encouragent encore) les femmes « à assumer leur rôle de mère à plein temps (dans le cadre de ménages où l’homme jouait le rôle principal de soutien de famille ou en tant que mères isolées) ».
  • [14]
    René Lenoir, concepteur (avec Bertrand Fragonard) de l’API, évoquait en 1974, dans son ouvrage Les exclus. Un Français sur dix, la diffusion d’une pauvreté liée à l’« inadaptation sociale » plus qu’à la situation de l’emploi.
  • [15]
    Une autre option aurait été de développer des équipements et services sociaux accessibles à tous. De ce point de vue, le ciblage sur les familles monoparentales représente un tournant « néolibéral » qui marque un recul progressif, à partir des années 1970, du principe d’universalité des aides aux familles (Eydoux et al., 2007).
  • [16]
    C’est le cas pour l’API dite « longue », qui court jusqu’aux trois ans de l’enfant, tandis que l’API « courte » (un an) concerne les parents d’enfants âgés de trois ans et plus après une rupture du couple ou le décès du conjoint.
  • [17]
    Cette allocation a remplacé en 1941, sous le régime de Vichy, l’allocation de mère au foyer qui complétait, depuis 1939, les revenus des ménages avec enfants lorsque l’épouse était au foyer. Elle a disparu en 1978 lors de la création du complément familial.
  • [18]
    Ces mots sont prononcés en 1988 par Claude Évin, ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale (Eydoux et Tuchszirer, 2011).
  • [19]
    L’idée n’est alors pas tout à fait nouvelle puisque des expérimentations menées dans des municipalités pendant les années 1980 liaient le versement d’un complément local de ressources à la participation de l’allocataire à des travaux d’intérêt général.
  • [20]
    L’analyse par la méthode des cas types (par exemple, Pisani-Ferry, 2000) et celle par la méthode consistant à considérer la mise en place du RMI comme une expérience naturelle (Piketty, 1998) donnent des résultats convergents.
  • [21]
    Ce résultat est obtenu aussi bien à partir de la méthode des cas types (Hagneré et Trannoy, 2001) qu’à partir d’une méthode consistant à simuler les gains potentiels du retour à l’emploi en fonction de la structure des salaires des allocataires du RMI ayant repris un emploi (Gurgan et Margolis, 2001).
  • [22]
    C’est ce qui ressort d’une exploitation à partir des enquêtes Emploi sur la période 1994-2002 (L’Horty et Ouvrard 2006).
  • [23]
    Cet apparent paradoxe s’explique, d’une part, comme le note Pierre Concialdi (2009) dans son article, par le fait qu’une part importante du travail privé au sein des ménages est effectuée par les femmes et ne bénéficie pas de reconnaissance sociale et, d’autre part, parce que les taux de pauvreté sont calculés sur la base des ressources et de la composition des ménages, invisibilisant de ce fait les bas revenus individuels des femmes en couple lorsque le conjoint a un revenu d’activité suffisant. Il découle donc des inégalités persistantes entre femmes et hommes au sein des ménages, tant du point de vue du partage des tâches domestiques que des revenus tirés de l’emploi.
  • [24]
    Le rapport final du Comité national d’évaluation du RSA (2011) conclut d’ailleurs à un très faible impact du RSA sur le taux de pauvreté des allocataires (nous y revenons en conclusion).
  • [25]
    Un refus répété : la sanction est effective au-delà de deux refus.
  • [26]
    Le rapport indique : « De façon générale, les résultats des travaux menés ne montrent pas d’effet important et généralisé du RSA sur les taux de retour à l’emploi des bénéficiaires sur la période 2009-2010, même si certains résultats ponctuels laissent penser que le passage du RMI au RSA a pu avoir un impact marginal sur certains groupes de bénéficiaires » (p. 100).
  • [27]
    D’après le rapport final du Comité national d’évaluation du RSA (2011), le taux de non-recours au RSA activité seul (pour ceux qui n’ont pas droit au socle) serait de 68 % contre 35 % pour le RSA socle (ce dernier taux étant comparable à ce qu’il était pour le RMI).
  • [28]
    Ces chiffres sont issus des données INSEE, Revenus fiscaux.
Français

Résumé

Cet article interroge la prise en compte du genre dans les minima sociaux qu’étaient l’API et le RMI ainsi que dans les dispositifs d’activation des allocataires qui se sont mis en place à partir de la fin des années 1990 jusqu’à la généralisation en 2009 du RSA. Repartant de la diversité des régimes de protection sociale et des modes d’accès des femmes aux droits sociaux, il analyse la manière dont se sont mis en place l’API et le RMI dans un système valorisant les solidarités familiales traditionnelles. Le mouvement d’activation des allocataires de minima sociaux, qui mise sur les incitations individuelles au retour à l’emploi à partir de dispositifs familialisés, apparaît ambivalent au regard des droits sociaux des femmes et insuffisant à lever les freins non monétaires à leur retour à l’emploi.

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Anne Eydoux [*]
  • [*]
    Anne Eydoux, maîtresse de conférences d’économie à l’université Rennes 2, en détachement au Centre d’études de l’emploi. Ses principales recherches et publications portent sur les politiques de l’emploi, les politiques familiales et sociales et le genre.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/01/2013
https://doi.org/10.3917/rfas.122.0072
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