CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1La Communauté économique européenne puis l’Union européenne ont impulsé, depuis une trentaine d’années, des politiques d’égalité et de non-discrimination sexuelle dans le travail. Plus récemment, dans notre pays, la prise en considération des inégalités entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des politiques et dispositifs publics à travers le gender mainstreaming résulte de ces initiatives. En France, sous l’égide d’une directive européenne, l’article L. 1132-1 du Code du travail rend la discrimination à l’embauche illégale, « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, de formation [...] en raison de son sexe ». Si les femmes peuvent au regard de la loi accéder à tout type de profession, même celles étant occupées majoritairement par des hommes, aux compétences et qualifications considérées comme socialement masculines, les hommes peuvent de manière égale exercer des métiers et formations s’adressant habituellement aux femmes. Ainsi, notre attention s’est légitimement portée vers une profession exercée majoritairement par des femmes, celle de sage-femme, et plus précisément vers les hommes la pratiquant.

2Le métier de sage-femme endosse un rôle de protection sociale, à travers des actions de prévention et de soins auprès des femmes enceintes. Il incombe aux professionnelles de ce métier de non seulement sauvegarder la santé des femmes au cours de la grossesse, ou encore pendant l’accouchement, mais aussi après la naissance. Cette protection ante et postnatale désigne plus précisément les soins apportés à la femme, au fœtus et à l’enfant à travers un suivi médical adapté, grâce aux compétences et aux savoirs médicaux que la sage-femme a acquis au cours de sa formation.

3La profession de sage-femme est traditionnellement et historiquement considérée comme « féminine », et la présence des hommes en son sein vient questionner les acteurs sur la capacité des individus de sexe masculin à l’exercer sur le même mode. La terminologie de la profession de sage-femme contient en elle-même l’intérêt d’une réflexion sur les hommes dans le métier, puisqu’elle les stigmatise de fait. Nous pouvons alors nous interroger sur les caractéristiques de l’entrée des hommes dans la profession et leur capacité à inverser les normes de genre. La curiosité du sociologue trouve dès lors toute sa justification, d’autant plus que les travaux sur l’intégration des hommes dans les milieux professionnels « féminins » sont assez peu nombreux (Guichard-Claudic, Kergoat et Vilbrod, 2008 ; Murcier, 2005, 2007). Notons par ailleurs que si « des mesures d’encouragement à la mixité des emplois ont été mises en place, visant à encourager les jeunes filles à choisir des filières traditionnellement masculines, inversement, aucune mesure n’a été adoptée concernant le personnel de la petite enfance […] » (Fagnani, 2001 p. 116-117) et les métiers du soin, qui ont principalement comme patientèle les femmes et les enfants.

4En 1982, sous l’impulsion d’une directive européenne de non-discrimination sexuelle, la loi susvisée n° 82-413 du 19 mai 1982 modifie le second alinéa de l’article 6 de la loi n° 191 du 24 avril 1944 et la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 ainsi que certaines dispositions du Code de la santé publique relatives à la profession de sage-femme. Le contexte législatif amène en effet à une rupture immédiate au niveau des conditions d’accès à l’entrée en formation de sage-femme, qui est désormais ouverte aux hommes. Même si aujourd’hui les hommes peuvent exercer le métier, il fait tout de même partie des professions les plus féminisées [1] (98,1 % des professionnels sont des femmes [2] : sources DRESS, 2011), avec seulement 347 hommes pour 17 723 femmes.

5L’analyse de cette profession ne peut donc être réalisée sans faire l’écueil du prisme du paradigme du genre. Ce concept conçu comme « catégorie utile d’analyse historique » (Scott, 1988) permet de définir ce que nous nommons le genre. Il permet en outre, comme le souligne E. Dorlin, « d’historiciser les identités, les rôles et les attributs symboliques du féminin et du masculin, les définissant, non seulement comme le produit d’une socialisation différenciée des individus, propre à chaque société et variable dans le temps, mais aussi comme l’effet d’une relation asymétrique, d’un rapport de pouvoir » (2005 p. 118). Le genre fonctionne donc comme un principe organisateur de la vie sociale en accordant aux hommes et aux femmes des places bien distinctes.

6La problématique classique du genre et de l’ensemble des inégalités d’accès au travail est renversée ici en faveur d’une surreprésentation des femmes dans la profession. La faible proportion d’hommes sages-femmes ne vient-elle pas, au fond, pointer un caractère ségrégatif de la profession ? Pourquoi sont-ils si peu ? Nous chercherons donc à expliquer, d’une part, la faiblesse du nombre d’hommes dans la profession et, d’autre part, à comprendre comment le métier a été impacté par l’entrée des hommes et quels sont les changements mesurables.

7Nous mettrons au jour, dans une première partie, la manière dont l’histoire a produit et construit le métier en tant que domaine féminin. Nous montrerons ensuite en quoi les dimensions qui sous-tendent les logiques du métier sont genrées, empreintes d’une pensée naturaliste selon laquelle le rôle de sage-femme et les qualités professionnelles du métier requièrent les attributs symboliques propres au sexe féminin. Enfin, dans la seconde partie, nous expliquerons comment l’entrée des hommes vient interroger l’identité professionnelle des sages-femmes.

Encadré : Méthodologie

Cet article repose sur des données qualitatives (de première main) et quantitatives (de seconde main). Nous avons choisi d’utiliser deux enquêtes réalisées par nous-mêmes. Une première étude publiée en 2007 (Jacques, 2007) a porté sur l’expérience de la grossesse et de l’accouchement. En travaillant sur les trois niveaux de maternités présents en France [3] et sur l’accouchement à domicile, l’objectif était de saisir comment les femmes vivent aujourd’hui une expérience médicalisée et comment les différents professionnels de la naissance s’opposent sur des définitions de l’enfantement assez distinctes. Une enquête qualitative a permis de réaliser une observation de plusieurs mois dans trois services de maternité et d’interviewer soixante-dix femmes et vingt-sept professionnels (dont seize sages-femmes). Nous utiliserons certains extraits d’entretiens dans cet article. Plus secondairement, nous ferons appel à une autre étude en cours. Nous travaillons avec une équipe d’anthropologues (Anton et Kotobi) sur l’accès aux soins en santé génésique et reproductive des femmes précaires et/ou migrantes dans le Médoc (territoire de Gironde, financement IRESP-INSERM). Cette enquête nous permet d’observer régulièrement le travail des sages-femmes de PMI de trois maisons départementales de santé et d’insertion. La phase d’entretiens est en cours et porte plus précisément sur le travail de catégorisation des publics par les professionnels et sur les normes de la bonne parentalité. Nous ferons référence à ce travail, car il nous semble qu’il présente des caractéristiques utiles à la compréhension des compétences sexuées inhérentes au métier. Enfin, dans un deuxième temps, nous avons eu recours aux travaux réalisés par P. Charrier (2004, 2007, 2008, 2010, 2011). Seul cet auteur a travaillé directement sur les hommes sages-femmes en utilisant principalement la méthode des statistiques. Précisons que l’étude réalisée en 2011 avait pour population d’enquête des femmes sages-femmes et qu’une partie des questions portait sur leur façon de concevoir la présence des hommes. Nous n’avons pas nous-mêmes réalisé d’entretiens avec des hommes sages-femmes précisément (comme l’article le montrera) parce qu’ils sont rares (d’autant plus en PMI) et que donc nous n’en avons jamais rencontré sur nos différents lieux d’enquête.

Le métier comme prolongement de l’identité sexuée

Une construction socio-historique des normes « féminines » de travail

8Partir de l’histoire nous permet de montrer de quelles manières la profession a trouvé un ancrage dans des rôles et des tâches très sexués. Pendant longtemps, ce n’étaient que des femmes qui accompagnaient d’autres femmes lors de leur accouchement à domicile. Les matrones, ou accompagnatrices de la naissance, devaient d’abord avoir été mère pour exercer cette tâche. L’univers de la naissance était donc un univers cloisonné au « féminin » où seules des femmes étaient en mesure de veiller sur la parturition. En avril 1755, l’arrêté qui exclut les femmes des fonctions avec des responsabilités équivalentes à celles des hommes stipule même explicitement que le domaine des accouchements est le seul où elles peuvent exercer (Joël, 1988). Les matrones sont considérées comme dépossédées de connaissances objectives, mais munies de singularités féminines, d’intuition et d’altruisme.

9Longtemps cloisonnée au domaine privé, la naissance a, au fur et à mesure, glissé dans le domaine public. C’est dans ce passage, avec la prise en considération croissante de la santé des femmes en couches, que peu à peu sont arrivés les premiers médecins accoucheurs hommes au siècle des Lumières. Jusque-là, la naissance était une affaire de « bonnes femmes », où la matrone détenait à elle seule des savoirs ancestraux transmis par ses pairs et fournis par sa propre expérience. La maternité, l’accouchement étaient des affaires privées (Knibiehler, 2001) qui se déroulaient à l’abri du foyer, en retrait de la res publica, apanage de la sphère masculine.

10La gestion des couches, au même titre que celle des maladies, est devenue plus tard une question sociale importante au même titre qu’une préoccupation démographique : il faut désormais faire barrage à la mortalité infantile et maternelle. La médecine s’empare alors du domaine de la naissance, avec des savoirs officialisés et légitimés qui lui sont propres et qui sont exclusivement réservés aux hommes. L’instrumentation des pratiques et l’accroissement des savoirs scientifiques détenus par les médecins participent à la division sexuée du travail entre les matrones et les médecins, en accordant à chacune des parties des qualités distinctes. En effet, on observe progressivement une dichotomie dans le monde de la naissance, une séparation des tâches entre les médecins, qui sont des hommes, et les sages-femmes, qui sont des femmes. Le médical pour les hommes, pour prévenir et soigner les pathologies de grossesse, et le relationnel à travers l’accompagnement des grossesses eutociques pour les sages-femmes.

11Fin xixe siècle, début xxe, avec la diffusion des normes d’hygiène et de puériculture, puis la démocratisation du système de santé et, enfin, le salariat, de nombreuses modifications au niveau des conditions de travail des accoucheuses surviennent. La profession qui s’est vue envoyée vers l’hôpital se trouve face au pouvoir grandissant des médecins. En travaillant sous leur contrôle, les sages-femmes dépendent hiérarchiquement de leurs décisions et ont une marge de man œuvre très restreinte d’un point de vue médical. Elles conservent néanmoins leur rôle d’accompagnatrice. Ce poids de l’autorité médicale vient modifier les conditions d’exercice du métier et toucher progressivement la formation de ces dernières. Le métier, progressivement, se médicalise. En effet, à partir de 1917, les premiers textes de loi qui structurent la formation de sage-femme apparaissent. Il est attendu que les étudiantes puissent acquérir les bases des soins généraux la première année et aborder l’obstétrique et la puériculture la deuxième année. Sous l’Occupation, la profession sera fortement remaniée avec, notamment, la création d’une année de formation supplémentaire instaurée en 1943, visant à approfondir les connaissances en obstétrique et en pédiatrie. C’est également en 1943 qu’est créé le diplôme d’État (DE), qui donne une véritable validation à la formation. Parallèlement, la loi du 17 mai 1943 rappelle et insiste sur les qualités « féminines » requises pour exercer. Il est officiellement attendu que les sages-femmes doivent disposer d’une « connaissance interne, profonde et personnelle de la féminité » et « sont les mieux placées pour se tenir auprès d’autres femmes, pour les préparer, les rassurer, les conseiller et les aider pendant la grossesse et l’accouchement » (Schweyer, 1996). On ne peut dès lors concevoir la construction du métier que sur un mode exclusivement « féminin » où les savoirs acquis doivent s’agréger à des compétences sexuées, c’est-à-dire à des qualités dites féminines et donc personnelles.

12L’histoire a montré que l’inconscient collectif s’est construit autour de cette idée selon laquelle l’éthique de la sollicitude (Paperman et Laugier, 2011) et de l’empathie renvoyait à une disposition morale « féminine », qui expliquerait la forte présence des femmes au sein de l’ensemble des professions de la protection sociale. Il faudrait donc être « une femme » pour exercer ces métiers.

La féminité comme éthique professionnelle

13Nous venons de le voir, ce métier présente plusieurs particularités qui renvoient directement aux valeurs liées à la « féminité ». Dès lors, nous pouvons nous poser un certain nombre de questions : Pourquoi cette profession appelle-t-elle plutôt des compétences de type « féminin » encore aujourd’hui ? La spécificité de l’accompagnement revendiquée par les sages-femmes renvoie-t-elle exclusivement à des qualités dites de femmes ?

14Précisons que nous partons du postulat selon lequel les métiers « hyperféminisés » ont pour spécificités d’occuper une position subalterne dans la hiérarchie professionnelle et de faire appel à des compétences sexuées et ordinaires, c’est-à-dire proches du domestique, de l’intime (Le Feuvre, 2008). « Le care n’est pas tant une morale genrée qu’une morale sociale, une disposition éthique liée au statut de dominées » (Dorlin, 2011 p. 89). Dans la division du travail médical, la sage-femme s’occupe de l’eutocique, du normal ; le médecin du pathologique. Si les soins prodigués par les professionnels sont de plus en plus complexes et techniques, si le métier a connu lui aussi des changements profonds liés à la médicalisation du suivi des grossesses et de l’accouchement, il n’en reste pas moins que l’activité de sage-femme est toujours présentée comme renvoyant à des compétences comme l’empathie, la bienveillance, la disponibilité à l’autre, qui sont à la fois de l’ordre du profane et du « féminin ». Nous verrons plus loin que, si nous sommes bien dans cette situation de métier dominé dans la hiérarchie médicale, le rôle de care n’est pas vu sur son versant négatif de la domination mais, au contraire, il est investi par les professionnelles pour en faire la spécificité de l’activité et donc, de fait, imposer une définition « féminisante » du métier.

15Si l’on retient la définition du care proposée par P. Molinier, « prendre soin de l’autre, se soucier de lui de façon intellectuelle ou même affective […], c’est produire un certain travail qui participe directement du maintien ou de la préservation de la vie de l’autre […] » (Molinier, in Paperman et Laugier, 2006 p. 301). Dans le cas des sages-femmes, la notion de travail prend un double sens : le care est bien une activité qui demande du temps, mais il est aussi ici revendiqué comme une compétence « professionnalisante » qui est présentée comme le cœur de métier. P. Charrier (2011) montre que les sages-femmes font à 28,1 % de la compétence relationnelle l’axe le plus important du métier (contre 6,5 % qui choisissent la compétence technique comme prioritaire). Plusieurs facteurs jouent dans la déclaration des sages-femmes : l’ancienneté et donc l’expérience, et le lieu et le mode d’exercice. Nous verrons en effet que plus les professionnelles sont âgées et plus elles travaillent en PMI ou en libéral, plus elles privilégient une approche du métier centrée sur le care.

16Les sages-femmes font reposer la définition du métier sur la défense d’une philosophie de la naissance, d’une approche spécifique de la maternité, qui repose sur une rhétorique « féminisée », c’est-à-dire qui renvoie à des qualités culturellement associées à la femme, présentées comme les fondements, les garde-fous du métier. Une jeune sage-femme raconte : « Ce qui nous intéresse nous, c’est pas que la sortie intacte du bébé. Il y a tout ce qu’il y a avant… Il n’y a pas que l’injection à tel moment, ou tel produit, ou telle surveillance à avoir avec elle. Ça, c’est secondaire, il faut que ça soit totalement secondaire pour la femme […]. Le plus important, c’est la relation entre femmes, c’est ce truc qui passe parce je peux comprendre ce qu’elle ressent » (élève sage-femme en quatrième année d’étude, 24 ans). Libérée de la prise en charge de la pathologie, la sage-femme se concentre davantage sur le versant relationnel du suivi, qu’elle revendique comme une véritable spécialité. C’est sous le terme d’accompagnement, totalement approprié par les professionnelles, omniprésent dans le discours, que s’exprime tout le travail de « soutien affectif de femme à femme », « de cheminement vers le rôle de la mère » (propos de plusieurs sages-femmes). Le choix du terme n’est pas anodin, « l’accompagnement est aujourd’hui devenu un maître mot pour désigner le rôle des agents professionnels associés aux pratiques corporelles autour de la naissance et de la mort » (Memmi, 2003 p. 153). Tout se passe comme si les sages-femmes souhaitaient être reconnues en tant que professionnelles femmes, comme les experts sociaux de l’accès à l’humanité, et ce parce que ce rôle leur a toujours incombé, comme il incombait aux matrones. Si la définition du métier repose davantage sur les notions de « respect de la physiologie », « de prise en charge affective », il ne s’agit pas néanmoins d’exclure tous les apports des connaissances biomédicales et technologiques dans la pratique. L’idéologie d’un usage « doux » et « raisonné » des techniques est particulièrement présente. Ce n’est pas tellement leur développement qui est remis en cause – les plus anciennes peuvent témoigner des progrès réalisés notamment dans la détection des anomalies et la prévention des causes de mortalité en couches –, mais la façon dont certains professionnels y recourent. Tout de même profondément touché par la médicalisation et la technicisation des actes, le contenu du métier doit s’adapter et trouver une nouvelle légitimation. « Les sages-femmes vont alors réinterpréter le(s) nouvel(eaux) acte(s) technique(s) dans une perspective relationnelle » (Schweyer, 1996 p. 78). L’objectif est de promouvoir une application personnalisée et « féminisée » de la technique. On retrouve ici la dichotomie classique homme/technique, femme/relationnel. Il y a l’idée présente dans les discours (surtout chez les sages-femmes les plus âgées) que la technicité apporte des valeurs incompatibles avec le monde « féminin » de l’empathie, du soutien, de l’écoute. Katia, une sage-femme de 55 ans qui exerce dans une maternité de niveau 2, explique : « Je rappelle souvent aux jeunes sages-femmes que notre spécificité c’est le contact, c’est la relation de femme à femme, c’est l’écoute par rapport au médecin. » C’est d’ailleurs cette « qualité de la relation féminine » établie avec la patiente qui est souvent à l’origine de l’engagement dans le métier. Plusieurs auteurs ont montré précisément que le travail d’écoute ne peut être réalisé que s’il est « déprofessionnalisé ». « On pourrait penser qu’[il] relève largement de qualités ordinaires auxquelles s’appliquerait une sorte de sens commun » (Fassin, 2004 p. 71). Chacun ou plutôt chacune posséderait « naturellement » cette compétence. Si elle est transformée ici en norme professionnelle et donc renvoie bien à un travail, elle est totalement assimilée à un savoir-être qui ne se questionne pas ou plus, dès lors qu’on entre dans le métier. « La sage-femme, explique Katia, a beaucoup d’intimité avec la femme. Ça nous arrive d’aider physiquement les mères, de caresser la main. Y a un contact, il faut être douce » (55 ans, exerce en maternité de niveau 2). « On a un rapport de corps à corps. Il faut avoir ce côté relationnel avec la patiente, beaucoup lui parler, être proche physiquement » (sage-femme, 39 ans, exerce en CHU). Cette compétence revendiquée par les sages-femmes est en concurrence directe avec un savoir médico-technologique moins empirique.

17On retrouve ici les représentations sociales traditionnellement attachées au sexe « féminin » : les femmes seraient plus aptes à communiquer en ayant recours à l’émotionnel (communication verbale et non verbale par le toucher), à développer une dimension affective dans le rapport à autrui. Les propos font souvent appel à la notion d’intuition, présentée comme une caractéristique féminine « naturelle ». « On se comprend… On est entre femmes. Quand je vois qu’elles veulent me dire quelque chose, je fais un signe pour dire, c’est bon j’ai compris. Parce qu’il n’y a pas de mots, je savais dans mon corps de femme, je savais ce dont elle me parlait » (sage-femme, 45 ans, exerce en maternité de niveau 1). L’implicite est à la base de la relation femme/sage-femme. La connaissance intime de la femme, cette « capacité perceptive incorporée » (Akrich et Pasveer, 1996) dont dispose la sage-femme, intervient directement sur la mise en rapport des corps, sur la maîtrise professionnelle et personnelle de l’expérience de la future mère. Ici, c’est plus le côté privé de la sage-femme qui est activé. C’est son rapport à son propre corps, à ses sensations, à ses sentiments, bref à sa personne et à son histoire (sa propre expérience de la grossesse et de l’accouchement), qui devient compétence professionnelle. On comprend, dès lors, comment les sages-femmes ont transformé des qualités dites féminines en compétences. La défense de l’accompagnement comme cœur de métier (Freidson, 1984) participe largement de cette idée. En choisissant de construire la spécificité de l’activité sur un rôle défini culturellement comme féminin, les professionnelles affirment qu’il ne s’agit pas seulement d’avoir reçu une formation scientifique pour pouvoir exercer.

18Comme l’ont déjà montré de nombreux auteurs (Cresson, 1995 ; Hochschild, 2008), une des caractéristiques du travail de care est son invisibilité. Les sages-femmes incarnent d’autant mieux cette spécificité que l’expérience personnelle de la maternité constitue un des axes fondamentaux du métier. « Quand tu deviens toi-même mère… c’est quelque chose qui ressemble à rien d’autre. Il y a des messages à faire passer qui ne peuvent passer que par le vécu et, en retour, tu comprends mieux ce que veut la femme. Une sage-femme sans enfant, elle peut être très proche, elle peut chercher à deviner mais elle aura toujours que les mots et pas le vécu » (sage-femme, 45 ans, exerce en maternité de niveau 1). « Quand j’ai accouché, j’ai enfin compris, avant je pouvais pas comprendre. À partir de là, tout est clair. Quand elles disent, j’ai mal là ou je ressens ça et ça, je sais ce que c’est » (sage-femme, 55 ans, exerce en maternité de niveau 2). La confusion entre le niveau personnel et le niveau professionnel est totale (Jacques, 2007 ; Murcier, 2005). Les identités maternelle et professionnelle ne peuvent plus se distinguer, une fois vécue l’expérience intime de la naissance. Cette expérience délivre un savoir qui prend un sens particulier, parce qu’il est acquis individuellement, parce qu’il se construit avec l’histoire et la personnalité de chacune, c’est un « savoir être mère » (Bessin, 2005), c’est « la réitération de l’expérience maternelle » (Murcier, 2005). Les futures mères semblent aussi accorder une place centrale à ce savoir personnel, lui reconnaître une valeur indiscutable, totalement lié au métier de sage-femme. « Elles nous demandent toutes si on a des enfants. C’est vrai que ça nous donne plus de crédibilité. Ça les rassure, on partage le même truc » (sage-femme, 39 ans, exerce en CHU). Une jeune sage-femme non mère explique qu’il lui arrive de « mentir aux patientes pour être tranquille, parce qu’au bout de dix fois t’en as marre d’entendre : “de toute façon vous pouvez pas comprendre” » (sage-femme, 27 ans, exerce en maternité de niveau 2). Une autre ajoute même qu’elle « se sent gênée de dire : écoutez, il faut faire ceci, cela, de donner des conseils alors qu’[elle] même n’[a] jamais vécu ça » (sage-femme, 28 ans, exerce en maternité de niveau 2). Tout se passe comme si on attendait des sages-femmes qu’elles maîtrisent un savoir-faire technique, scientifique, mais pas seulement. L’expérience personnelle de la grossesse et de l’accouchement donne une expertise et donc une légitimité aux professionnelles plus forte, sinon égale aux connaissances acquises en formation. On retrouve ici l’image de la matrone qui ne pouvait pratiquer des accouchements qu’une fois qu’elle-même était devenue mère. L’importance du vécu, de l’histoire personnelle est présentée « comme ce qui fait que ce métier ne sera jamais comme les autres ». Un rapprochement peut être fait avec les travaux de F. Aballéa sur les assistantes maternelles. Il montre que, chez ces professionnelles, l’expérience « des enfants » (enfantement et garde d’enfant) prévaut sur les connaissances savantes et théoriques. Leur légitimité repose essentiellement non pas sur une certification professionnelle mais sur une « réputation » en partie fondée sur la relation de confiance construite entre elles et les parents et la relation à l’enfant. F. Aballéa explique ainsi que les parents qui recourent aux assistantes maternelles attendent en priorité que de l’affection soit donnée à leurs enfants et cette attente demeure plus forte que l’éveil éducatif. Ces travaux sont pertinents pour notre analyse car, chez les sages-femmes, le vécu constitue aussi le socle de la profession et renvoie à la part « gratuite » du métier, donnée en supplément. « Il faut vraiment aimer ce métier pour le faire. Aimer donner aux autres, vouloir faire partager ce que tu as vécu. Ça, c’est un investissement personnel. Tu le donnes ou pas » (sage-femme, 39 ans, exerce en CHU). Ce côté non reconnu institutionnellement, non rémunéré, donne au métier sa spécificité et est attendu par le public.

19Dans l’enquête que nous menons actuellement, qui nous permet d’observer le travail des sages-femmes en PMI, cette compétence relationnelle trouve son expression la plus aboutie. En effet, la place de la technique est faible dans la consultation, aussi le contenu de l’activité repose essentiellement sur la relation à l’autre, et ce d’autant plus que les rencontres ont lieu le plus souvent au domicile. Les caractéristiques de la population, en grande majorité précaire, migrante, amènent la sage-femme à devoir davantage centrer sa pratique sur la prévention, sur le maintien du lien, sur l’entrée dans une famille, plus que sur le care. Ici, c’est bien le savoir-être qui est au centre du métier, plus que le savoir-faire (expert). Ainsi, tout ce qui relève du profane, de l’expérience (de mère) est mis en œuvre comme autant d’éléments qui vont faciliter la construction d’une relation de confiance avec une femme, qu’il faut amener vers l’institution.

20Notons que certaines jeunes sages-femmes (le plus souvent non-mères), plus tournées vers la technique, sont plus critiques par rapport à la place que doit prendre l’expérience personnelle de la maternité dans la définition du métier et à en faire une norme professionnelle. « Avoir déjà accouché est pas forcément positif, confie N. Je vois mes collègues, elles font toujours référence à leurs propres grossesses […]. C’est abuser de dire parce que j’ai eu un enfant et parce que j’ai eu telle situation, j’arrive à mieux comprendre. Il y a trop de situations différentes, on pourra pas se mettre à leur place à chaque fois et c’est pas forcément notre rôle » (élève sage-femme, quatrième année, 22 ans). Ici, la sage-femme place l’identité maternelle dans la sphère du privé et refuse cette image de professionnelle « câline, maternante », dont les médecins usent aussi pour les renvoyer vers le côté affectif. La spécificité « féminine » de la profession est remise en cause parce qu’elle est vécue comme une assignation au rôle social traditionnel de la femme. Être renvoyée vers des qualités de femme et de mère, donc des qualités non professionnelles, non acquises en formation, amène à un sentiment de déqualification. L’idéologie rationnelle et techniciste de l’hôpital pousse naturellement la jeune génération à mettre en avant de plus en plus leur formation scientifique et à abandonner tout ce qui est de l’ordre du moi profane, quitte à perdre la spécificité du métier.

L’entrée des hommes dans le métier ou la perte des compétences sexuées ?

21Au 1er janvier 2011, 98,1 % des sages-femmes sont des femmes. Les hommes ne représentent par conséquent que 1,9 % des professionnels. Ils se répartissent ainsi : 71,46 % exercent en hôpital, 16,71 % dans le secteur privé et 7,49 % en libéral [4] (autres secteurs : 3,74 %). Aucun n’est enseignant et seulement 0,57 % d’entre eux travaillent en PMI. Chez les femmes, l’hôpital est lui aussi le premier secteur d’exercice (58,74 %) puis vient l’activité libérale (16,80 %) et l’activité en établissement privé (16,15 %). Enfin, on constate que 6,41 % des femmes enseignent et 4,03 % des femmes exercent en PMI. En 2011, la grande majorité des hommes sages-femmes a entre 25 ans et 29 ans (54,75 %). Cela correspond donc aux jeunes entrant dans le métier. Par ailleurs, les statistiques montrent que, dès la tranche d’âge des 45-49 ans, le nombre d’hommes sages-femmes chute considérablement, passant de vingt-quatre hommes sages-femmes (6,9 %) à trois hommes (0,86 %) chez les 50-54 ans (DRESS, 2011).

22L’entrée des hommes pose un certain nombre de questionnements en termes d’identité professionnelle. On peut légitimement s’interroger sur les effets de leur arrivée à la fois sur les pratiques et sur les représentations. Ces hommes, qui font ce choix atypique, exercent-ils différemment que les femmes ? Occupent-ils des niches professionnelles ou des espaces non investis par les femmes ? S’orientent-ils vers des activités spécifiques et donc « masculines » ? Par ailleurs, alors que nous avons affaire à un espace social « hyperféminisé », en quoi l’ouverture du métier aux hommes permet-elle de réinterroger la « naturalité » des compétences dites féminines, de poser la question d’une mobilité de genre, ou même peut-elle conduire à une remise en cause de la division sexuelle du travail (Guichard-Claudic, Kergoat et Vilbrod, 2008) ? Nous verrons ici que, plus que venir infléchir les normes sexuées, l’entrée des hommes permet en tout cas de « relever la puissance des stéréotypes » (Le Feuvre et Laufer, 2008).

23La première difficulté inhérente au métier est son appellation. La référence à la femme y est explicite et renforce le caractère sexué de l’activité. D’autres métiers, comme ceux de la petite enfance, posent les mêmes questions (« assistantes maternelles », « écoles maternelles »). J. Fagnani rappelle que, si le législateur « a pris soin de féminiser les noms de métiers, il a omis d’adopter une mesure symétrique concernant les métiers traditionnellement féminins en neutralisant l’appellation » (2006 p. 143). Plusieurs termes ont été proposés pour masculiniser la dénomination : sage-homme, maïeuticien, parturologue. Au quotidien, les hommes sont plutôt nommés : le sage-femme, l’homme sage-femme (Charrier, 2007) et manifestent peu d’intérêt à identifier un terme qui spécifierait leur distinction de sexe. Néanmoins, nous pouvons observer que les quelques hommes sages-femmes qui exercent le font sur un mode particulier qui les éloigne précisément des qualités « féminines » attendues. Par exemple, comme le montre P. Charrier, en choisissant de pratiquer en libéral, les hommes « contournent symboliquement les “compétences dites féminines” » (Charrier, 2004 p. 115). En effet, l’activité en ville leur permet de ne pas ou peu pratiquer l’accouchement, événement éminemment « féminin ». On peut d’ailleurs proposer une autre hypothèse d’explication pour comprendre cette activité libérale. L’hôpital est un lieu où la ségrégation sexuelle est forte. Les services de maternité sont majoritairement féminins (sages-femmes, puéricultrices, auxiliaires de puériculture). Les seuls hommes, les gynécologues- obstétriciens [5] et les futurs pères, ne font pas le poids. La culture « féminine » de la maternité plane de manière directe sur le professionnel qui peut alors, plus facilement, se trouver renvoyé à l’incongruité de sa présence. L’absence des hommes de notre échantillon ne permet pas de savoir comment ils font l’expérience de cette omniprésence du « féminin ». Les corps féminins et la pudeur de certaines femmes peuvent rendre difficile l’approche des professionnels hommes, et cela d’autant plus que l’histoire a favorisé l’existence d’« un monde féminin de la naissance ». Nous verrons plus loin que, si les femmes sages-femmes déclarent que le principal problème pour les hommes c’est la relation, on peut penser ici que le rapport au corps (d’un autre sexe) – alors même que l’événement de la mise au monde est l’incarnation de la spécificité de l’anatomie féminine et de la nudité – joue un rôle très important dans le choix du lieu et de la façon d’exercer par les hommes. On peut rapprocher cela aux travaux de N. Murcier qui montrent comment les hommes qui travaillent auprès des jeunes enfants, confrontés « à la panique morale autour de la pédophilie » (ici c’est le contact avec le corps de l’enfant qui pose problème), doivent « mettre en place des stratégies de protection […] pour mettre à distance les soupçons liés à l’exécution de certaines tâches, notamment celles de care pour la prise en charge de tout-petits venant renforcer l’idéologie de la complémentarité » (2007 p. 55). Comme les hommes sages-femmes, les professionnels hommes de la petite enfance doivent mettre en place un rééquilibrage des pratiques basé sur la répartition sexuée traditionnelle des tâches et des activités.

24Pour les sages-femmes, les statistiques montrent par ailleurs que les hommes sont quasiment absents en PMI (deux en 2011, DRESS, 2011). Nous avons montré précédemment que les compétences professionnelles requises pour exercer dans ce type d’institution et compte tenu des tâches et des qualités attendues semblent incompatibles avec une pratique « masculine ». L’absence totale d’activités faisant appel à la technique les éloigne de fait. Un autre élément peut aussi expliquer cette faible présence des hommes. Le choix de la PMI intervient le plus souvent plutôt vers le milieu ou la fin de carrière (61 % des sages-femmes de PMI ont entre 45 et 59 ans, DRESS 2011), aussi l’effectif d’hommes sages-femmes en âge de faire le choix de cette orientation professionnelle est restreint.

25Une autre façon de contourner les compétences dites féminines est d’investir une fonction de défense du groupe professionnel [6] (Charrier, 2004). Néanmoins, il semble que, si les hommes prennent ce rôle, ce soit sous l’influence directe des femmes sages-femmes qui voient dans la masculinisation une stratégie pour pouvoir atteindre et affirmer l’autonomie du corps professionnel (notamment par rapport aux médecins) et pour pouvoir se faire entendre des pouvoirs publics. « C’est pas nous qui décidons, nous, on n’est pas représentatives, on n’est que des femmes. En plus, ça rigole au ministère quand on y va parce ce qu’on est des femmes » (sage-femme, 39 ans, exerce en CHU). Comme on a pu l’observer pour d’autres métiers, « la présence masculine semble offrir un gage de “revalorisation”, voire de “professionnalisation” » (Le Feuvre et Laufer, 2008 p. 208). Ces résultats sont, somme toute, assez classiques. M. Bessin a déjà bien montré comment les hommes travailleurs sociaux « s’extraient davantage du terrain, à travers le syndicalisme ou l’engagement associatif notamment » (2009 p. 71) et intègrent des espaces où on peut exercer différemment que sur un mode « féminin ».

26Il faut tout de même nuancer quelque peu ces éléments d’analyse. Si les femmes ont elles-mêmes favorisé une répartition des rôles selon le sexe – aux hommes revient la tâche de défendre le métier –, il n’en reste pas moins qu’elles n’ont rien cédé en termes de valeurs « féminines ». Alors que certains chercheurs ont pu montrer que l’arrivée d’un autre sexe dans une profession historiquement exercée plutôt par des femmes ou des hommes (Lapeyre N. et Le Feuvre N., 2007) pouvait introduire une nouvelle conception de l’activité, on voit bien que cela ne fonctionne pas dans le cas des sages-femmes, tant l’idéologie qui sous-tend le métier semble irrémédiablement du côté du « féminin ». Tout d’abord, peut-être parce que le nombre de sages-femmes hommes reste très faible et ce malgré l’obligation de passer par la PACES (première année de médecine) qui, comme l’a noté P. Charrier (2008), a eu un petit effet de levier dans les premières années de sa mise en place. Ce n’est pas sans conséquence car les hommes entrés récemment dans le métier témoignent d’un choix par défaut (un tiers, d’après l’auteur), sans vocation [7], le plus souvent « grâce » à une méconnaissance de la profession – notamment de sa forte féminisation – et au statut de profession médicale (à compétences limitées) qui rapproche de l’orientation professionnelle d’origine. D’une façon générale, le problème du faible nombre pose la question de leur capacité à infléchir la définition sexuée du métier. Comme l’ont noté Y. Guichard-Claudic, D. Kergoat et A. Vilbrod, « il importe tant pour les hommes que pour les femmes que l’entrée dans les emplois non traditionnels ne se fasse pas au compte-gouttes, afin de faciliter la mise en place d’un processus de dénaturalisation des compétences, et pour donner aux entrant(e)s la possibilité de constituer des collectifs » (2008 p. 25). L’entrée des hommes est à ce point discrète qu’un tiers des sages-femmes ont des difficultés à la dater précisément, et ce d’autant qu’elles sont plus âgées, et seules 12,1 % estiment le bon nombre d’hommes présents dans la profession. Si 86,1 % des professionnelles trouvent la présence des hommes « très légitimes ou assez légitimes », une sage-femme sur huit y est hostile (Charrier, 2011). Là encore, il semble qu’un effet génération se dégage. Les jeunes sages-femmes, qui ont été formées avec des collègues hommes, semblent beaucoup plus prêtes à leur faire une place dans le métier et pensent même que leur nombre va augmenter (Charrier, 2011).

27Cependant, encore aujourd’hui, les femmes sages-femmes sont « gênées » par les entrées masculines. « Les hommes sages-femmes, je trouve ça bizarre. Ça me gêne. Je pense pas qu’un homme puisse avoir ce contact…, être proche comme on peut l’être, non c’est pas un métier d’homme » (sage-femme, 55 ans, exerce en PMI). L’empathie, l’expérience, sont d’emblée mises en avant pour questionner la présence des hommes. D’ailleurs, dans la dernière enquête de P. Charrier (2011), les sages-femmes déclarent que le principal problème que pourraient rencontrer leurs collègues hommes c’est la relation. Pour Bénédicte, « le relationnel, c’est pas un truc d’homme. On a une sage-femme homme ici et il se place beaucoup plus du côté de la technique, parce que c’est des rapports d’homme à femme sur des contextes sexuels. Mettre au sein, presser un bout de sein, un homme il ne va pas le faire comme une femme. Non, c’est un truc de femme tout ça et ça doit le rester » (sage-femme, 39 ans, exerce en CHU). Ainsi, l’entrée des hommes dans la profession produit un sentiment de crainte, car elle pourrait introduire des qualités et des compétences trop éloignées de la culture professionnelle, qui amèneraient le métier à trop se techniciser et à perdre ses spécificités sexuées. « Les hommes, par leur seule présence, viennent ébranler la construction de cet univers monosexué » (Murcier, 2005). Il s’agit bien ici d’une réaction corporatiste car les caractéristiques sexuées du médecin gynécologue-obstétricien ne jouent pas de la même façon. Ainsi, Yvonne raconte : « Qu’un obstétricien soit homme ou femme, ça n’a pas d’importance parce qu’il est moins impliqué dans la relation, il est plus sur le médical » (sage-femme, 55 ans, exerce en maternité de niveau 1). « Le médecin est neutre », vient confirmer le docteur M., « je le vois pour mes collègues, hommes ou femmes c’est pareil. Par contre, pour les sages-femmes, là on voit que ce sont des femmes. Elles sont très proches des patientes, elles les cajolent, les soutiennent. Ça n’a rien à voir avec une femme médecin » (docteur M., 55 ans, exerce en maternité de niveau 2). P. Charrier (2007) relève le même phénomène concernant les hommes sages-femmes qui déclarent intervenir auprès des parturientes comme des professionnels, donc comme « asexués » [8]. Alors même que la définition du métier repose sur des compétences dites féminines, les hommes n’ont pas d’autre choix que de s’en distancier.

28Il faut bien voir que, pour les sages-femmes, le principe de neutralité affective sur lequel repose la définition des professions de soins (Parsons, 1938) est ici gommé au nom de la spécificité professionnelle. Être sage-femme, c’est avant tout « être femme » et savoir utiliser professionnellement les qualités socialement reconnues au sexe féminin. Pour atteindre « le niveau sage-femme », l’homme doit donc disposer de « qualités exceptionnelles : pour se mettre à la place d’une femme, il faut posséder, semble-t-il, des qualités supérieures à elle » (Bosse-Platière, 1989 p. 134), il doit se distinguer de « l’homme de la rue », d’une certaine façon, il doit « travailler sa part de féminité ». Bénédicte explique (sage-femme, 39 ans, exerce en CHU) : « Il y a des obstétriciens qui ont un côté très bonne sage-femme, justement parce qu’ils ont ce côté relationnel, ils comprennent vite la femme. Le compliment, pour lui, c’est que ça pouvait être une très bonne sage-femme.

29– Enquêtrice : C’est un compliment pour lui ?

30– Bénédicte : Oui, c’est un très bon compliment. Mais j’ai assisté l’autre jour à une scène que d’obstétricien à obstétricien, quand ils s’envoient ça à la figure, c’est mal perçu. C’est plutôt une insulte. »

31Les rapports sociaux de sexe homme médecin/femme sage-femme ne sont pas évoqués directement par les interviewées, même s’ils restent sous-jacents. Le médecin homme, rappelé à l’ordre par ses collègues pour avoir exprimé trop d’émotions, témoigne d’une forte division sexuelle du travail : aux femmes, la sphère des affects, aux hommes, les activités d’ordre technique, scientifique. Mais, ici, les rapports sociaux de sexe ne sont pas abordés dans le versant négatif de la domination. Comme le note L. Visier (1994 p. 256), pour les infirmières comme pour les sages-femmes, « la dimension d’expérience de femme est centrale et tend à promouvoir, ainsi qu’elles le disent, “de l’humanité dans le monde de la science” ». Ce qui est revendiqué, c’est justement cette approche particulière du rapport aux autres et de l’expérience de la naissance, fondée sur la féminité.

32Pour terminer, il nous semble pertinent de pouvoir confronter ces différents éléments au modèle d’analyse des parcours atypiques d’insertion professionnelle proposé par N. Le Feuvre (2008). Elle a identifié quatre postures théoriques qui permettent d’appréhender la « féminisation » des professions traditionnellement « masculines » et qui peuvent nous être utiles pour comprendre, d’une part, en quoi on observe les mêmes mécanismes de changement ou de résistance lorsqu’il s’agit de la « masculinisation » d’une profession « féminine » et, d’autre part, de s’interroger sur la singularité du métier de sage-femme. La première posture, bourdieusienne, montre que l’arrivée de nouveaux professionnels de sexe différent n’a finalement que peu d’influence sur la désexualisation des normes de travail et qu’elle se traduit par une reproduction classique des rôles hommes/femmes. Cette analyse peut paraître pertinente pour les hommes sages-femmes, car on s’aperçoit que leur entrée dans le groupe professionnel a eu pour effet non pas une inversion de la hiérarchisation des sexes mais plutôt sa confirmation. Comme le dit N.-C. Mathieu, « la transgression d’une norme n’est pas obligatoirement la subversion d’un système de pensée » (1991 p. 230). Cependant, elle présente une limite dans notre cas, car les hommes sages-femmes ne subissent pas, comme les femmes entrées dans des professions « masculines », des inégalités dans l’insertion sur le marché du travail ou en termes de carrière. La deuxième perspective théorique met plutôt l’accent sur la capacité de l’individu qui entre dans un métier à y introduire des qualités de son sexe. Ce postulat fonctionne mal avec les hommes sages-femmes tant ils ont des difficultés, on l’a vu, à imposer des compétences dites « d’hommes » qui mettraient le métier en danger. Le mouvement de « masculinisation » et d’inversion du genre annoncé par P. Charrier (2008) n’a pas eu lieu. Par ailleurs (c’est la troisième posture), on ne note pas non plus une « féminisation » de la part des hommes. « Bien au contraire, ces derniers continuent de se voir reconnaître l’exclusivité d’un certain nombre de capacités ou de compétences habituellement connotées au masculin » (Le Feuvre et Laufer, 2008 p. 210). S’ils reçoivent une socialisation professionnelle quasi-exclusivement de la part de pairs femmes, on a vu que la pratique des hommes était différente de celle des femmes et que cette distinction reposait sur des stratégies de contournement des tâches considérées socialement comme féminines. Enfin, le quatrième modèle, qui propose un dépassement du genre, ne peut fonctionner ici, peut-être en raison même du faible nombre d’hommes qui entrent dans la profession. On peut donc dire que l’entrée des hommes n’a pas eu un effet majeur sur les pratiques et les représentations ou encore n’a pas permis un rééquilibrage des valeurs sexuées.

Conclusion

33Interroger le métier de sage-femme du point de vue du genre est particulièrement pertinent car cela permet de montrer sa singularité. Nous aurions pu faire l’hypothèse que son ouverture aux hommes, en 1982, permettrait de dénaturaliser les savoir-faire sexués, ou encore que les sages-femmes seraient en grande majorité ouvertes à cette entrée comme c’est plutôt le cas quand des métiers « féminins » se masculinisent. Or nous avons montré que la situation est plus complexe.

34Alors même que plusieurs auteurs insistent aujourd’hui sur l’idée que les identités sexuées sont moins fortes (Dubet, 1994 ; Dubar, 2000, cité par Le Feuvre, 2008), que l’individu dans son travail de subjectivation doit faire face à des logiques moins marquées du point de vue de la hiérarchisation homme/femme, nous avons ici affaire à une activité professionnelle qui n’arrive pas ou peu à se dégager d’une histoire et d’un modèle de compétences encore entièrement définis par le « féminin ». Peut-être faut-il y voir, comme G. Neyrand (2007 p. 27), une résistance « solide » de la sphère du travail « à l’égalisation sociale des genres », et ce particulièrement quand on se rapproche des soins à l’autre. Ainsi, il nous semble que le métier de sage-femme est encore aujourd’hui loin de pouvoir proposer un nouveau référentiel de normes qui permettrait d’instaurer durablement une interchangeabilité des hommes et des femmes. Notons, enfin, que nous manquons de recul pour mesurer si les sages-femmes hommes vont rester durablement dans l’atypicité. Nous savons que cent vingt-trois hommes n’exercent pas mais nous n’en connaissons pas les causes (sources : Ordre des sages-femmes, 2011) et qu’une sage-femme sur six doute d’un « investissement durable » de leur part (Charrier, 2011 p. 117).

35Nous prenons le parti d’envisager que le changement viendra non pas de l’entrée des hommes mais plutôt des jeunes sages-femmes. Elles revendiquent aujourd’hui une formation scientifique, technique – valorisée à l’hôpital –, un désir fort de professionnalisation qui ne peuvent passer que par un détachement des normes de genre. La présence d’hommes sages-femmes viendra appuyer cette démarche réflexive sur la désexualisation du métier.

Notes

  • [*]
    Béatrice Jacques, maîtresse de conférences en sociologie, université Bordeaux-Segalen et Centre Émile-Durkheim, UMR 5116. Ses recherches portent sur la santé génésique et reproductive, l’accès aux soins, le cancer et les professionnels de santé.
  • [**]
    Sonia Purgues, chargée d’études sociologiques au Centre Émile-Durkheim, UMR 5116. Ses recherches portent sur les thèmes de l’accès aux soins et de la naissance.
  • [1]
    Comme une grande partie des métiers de la protection sociale.
  • [2]
    En France métropolitaine.
  • [3]
    Trois niveaux de maternités sont définis selon les soins en néonatalogie qu’elles sont en mesure de dispenser. Type 1 : maternité au sein de laquelle sont pratiqués les soins néonataux de l’enfant ne présentant pas de problème particulier ; type 2 : maternité associée à une unité de néonatalogie permettant d’assurer 24 heures sur 24 la surveillance et les soins spécialisés des nouveau-nés à risque ou ceux dont l’état s’est déstabilisé après la naissance, qu’ils soient ou non nés dans l’établissement ; type 3 (CHU) : maternité disposant d’une unité de néonatalogie mais aussi d’une unité de réanimation néonatale permettant la surveillance et les soins spécialisés d’enfants, nés ou non dans l’unité d’obstétrique de l’établissement, qui présentent des détresses graves ou des risques vitaux nécessitant des soins de réanimation.
  • [4]
    Il est à noter que les données du secteur libéral ne prennent pas en compte les professionnels qui travaillent dans les établissements de santé (DRESS, 2011).
  • [5]
    Encore en majorité des hommes : taux de masculinisation 60,3 % en 2012. INSEE, « Médecins suivant le statut et la spécialité en 2012 », Tableaux de l’économie française, 2012.
  • [6]
    Notons que nous pouvons faire l’hypothèse d’une plus grande disponibilité des hommes sages-femmes qui, comme les autres hommes, ont moins de difficultés que les femmes à articuler temps de travail et temps domestique.
  • [7]
    Il serait intéressant de regarder aussi du côté des femmes entrées dans les écoles de sages-femmes via la première année de médecine si la notion de vocation et donc de choix préalable du métier est aussi présente qu’avant. Notons que F.-X. Schweyer (1996) avait déjà bien montré que 62 % des sages-femmes détenaient un bac scientifique et que 31 % avaient suivi une première année de médecine avant d’intégrer l’école. Constatant que seulement 24,8 % d’entre elles avaient choisi le métier de sage-femme avant le bac, l’auteur conclut à une orientation vers la profession de sage-femme après un échec en médecine. On pourrait d’ailleurs penser que la prise de distance avec les normes sexuées de la profession viendra davantage des jeunes sages-femmes qui n’ont pas eu pour première orientation le métier de sage-femme. Elles arrivent avec des objectifs professionnels plus rationnels et veulent davantage se détacher d’une définition du métier trop féminisé.
  • [8]
    Nous ne disposons pas par ailleurs d’études qui montreraient que les parturientes font une distinction forte entre les professionnels hommes et femmes dans le travail d’empathie inhérent au métier. Nous savons seulement que certaines cultures n’admettent pas la présence des hommes dans le suivi de la grossesse et lors de l’accouchement. Mais cela ne nous donne aucun élément sur la façon dont les femmes enceintes peuvent se comporter et recourir différemment à un professionnel femme ou homme.
Français

Résumé

Cet article propose de questionner les normes de genre dans la sphère professionnelle de la protection sociale. Les auteurs ont choisi de travailler sur les compétences sexuées auxquelles fait appel le métier de sage-femme et de s’interroger sur l’entrée des hommes, possible depuis 1982, et leur capacité à dénaturaliser les qualités « féminines » qui semblent inhérentes au métier. Elles montrent que le cas des sages-femmes est particulièrement pertinent car il est singulier. Alors que l’hypothèse pouvait être faite que l’ouverture de la profession aux hommes aurait introduit du changement, une certaine inertie du modèle « féminin » qui fonctionne encore comme cœur de métier et le faible nombre d’hommes laissent entrevoir une situation plus complexe. Seules les jeunes sages-femmes, plus centrées sur une définition objective des compétences, semblent pouvoir amorcer une mutation.

Références bibliographiques

  • En ligneAballéa F. (2005), « La professionnalisation inachevée des assistantes maternelles », Recherches et Prévisions, n° 80.
  • Akrich M., Pasveer B. (1996), Comment la naissance vient aux femmes, Paris, MIRE, Synthélabo, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond ».
  • Bessin M. (2005), « Le travail social est-il féminin ? », in Ion J., Le travail social en débat(s), Paris, La Découverte.
  • En ligneBessin M. (2009), « Focus, la division sexuée du travail social », Informations sociales, CNAF, n° 152, p. 70-73.
  • Bosse-Platière S. (1989), Les maternités professionnelles, Paris, Érès.
  • Carricaburu D. (1992), « La profession de sage-femme, une autonomie en question », in Aïach P., Fassin D. (dir.), Sociologie des professions de santé, Paris, Éd. de l’Espace européen, coll. « Méthodes et faits sociaux ».
  • En ligneCharrier P. (2004), « Comment envisage-t-on d’être sage-femme quand on est un homme ? L’intégration professionnelle des étudiants hommes sages-femmes », Travail, Genre et Sociétés, n° 12, p. 105-121.
  • En ligneCharrier P. (2007), « Des hommes chez les sages-femmes. Vers un effet de segmentation ? », Sociétés contemporaines, n° 67, p. 95-118.
  • Charrier P. (2008), « Des hommes dans une profession “traditionnellement” féminine : choix professionnel et dénomination chez les hommes sages-femmes », in Guichard-Claudic Y., Kergoat D., Vilbrod A. (dir.), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 231-241.
  • Charrier P. (2010), « Socialisations au masculin dans un milieu professionnel féminin : l’exemple des hommes sages-femmes », in Croity-Belz S. et al., Genre et socialisation de l’enfance à l’âge adulte, Paris, Érès, p. 177-189.
  • Charrier P. (2011), Les sages-femmes en France, rapport de recherche, janvier, site http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/58/45/95/PDF/Rapport_les_sagesfemmes_franA_aises en_2009-2010.pdf
  • Cresson G. (1995), Le travail domestique de santé, Paris, L’Harmattan.
  • En ligneDorlin E. (2005), « Sexe, genre et intersexualité : la crise comme régime théorique », Raisons politiques, n° 18, p. 117-137.
  • Dorlin E. (2011), « Dark care : de la servitude à la sollicitude », in Paperman P., Laugier S. (dir.), Le souci des autres, éthique et politique du care, Paris, EHESS, p. 117-127.
  • DREES (2007), Les professions de santé au 1er janvier 2007, Document de travail, série Statistiques, n° 108, mars.
  • DREES (2011), Les professions de santé au 1er janvier 2011, Document de travail, série Statistiques, n° 158, juillet.
  • Dubar C. (2000), La crise des identités : l’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, cité par Le Feuvre N. (2008), « La féminisation. Des anciens “bastions masculins” : enjeux sociaux et approches sociologiques », in Guichard-Claudic Y., Kergoat D., Vilbrod A. (dir.), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 307-323.
  • Dubet F. (1994), Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, cité par Le Feuvre N. (2008), « La féminisation. Des anciens “bastions masculins” : enjeux sociaux et approches sociologiques », in Guichard-Claudic Y., Kergoat D., Vilbrod A. (dir.), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 307-323.
  • En ligneFagnani J. (2001), « La politique d’accueil de la petite enfance en France : ombres et lumières », Travail, Genre et Sociétés, n° 6, p. 105-119.
  • En ligneFagnani J. (2006), « Activité professionnelle des mères et accueil de la petite enfance : enjeux sociaux, arbitrages politiques », in Neyrand G. et al., Familles et petite enfance, Paris, Érès, p. 133-145.
  • En ligneFassin D. (2004), Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte.
  • Freidson E. (1984), La profession médicale, Paris, Payot.
  • Guichard-Claudic Y., Kergoat D., Vilbrod A. (dir) (2008), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
  • Hochschild A. (1983), The Managed Heart, Berkeley, University of California Press, cité par Loriol M., Caroly S., « Le contrôle des émotions au travail. Le cas des infirmières hospitalières et des policiers de la voie publique », in Fernandez F., Lézé S., Marche H. (dir.) (2008), Le langage social des émotions, Paris, Anthropos/Economica, p. 76-104.
  • Jacques B. (2007), Sociologie de l’accouchement, Paris, PUF.
  • Joël C. (1988), Les filles d’Esculape. Les femmes à la conquête du pouvoir médical, Paris, Robert Laffont.
  • Knibiehler Y. (2001) (dir.), Maternité : affaire privée, affaire publique, Paris, Bayard.
  • Lapeyre N. (2006), Les professions face aux enjeux de la féminisation, Toulouse, Octarès.
  • Lapeyre N., Le Feuvre N. (2007), « La féminisation de la profession médicale : une condition suffisante de transformation du “pouvoir médical” ? », in Stoffel S., Femmes et pouvoirs, Bruxelles, Université des femmes, p. 187-208.
  • Le Feuvre N. (2008), « La féminisation. Des anciens “bastions masculins” : enjeux sociaux et approches sociologiques », in Guichard-Claudic Y., Kergoat D., Vilbrod A. (dir.), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 307-323.
  • Le Feuvre N., Laufer J. (2008), « Quand l’avancée en mixité est le fait des hommes. Introduction », in Guichard-Claudic Y., Kergoat D., Vilbrod A. (dir.), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
  • Mathieu N.-C. (1991), L’anatomie politique : catégorisation et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes Éditions.
  • En ligneMemmi D. (2003), Faire vivre et laisser mourir. Le gouvernement contemporain de la naissance et de la mort, Paris, La Découverte.
  • Molinier P. (2006), « Le care à l’épreuve du travail. Vulnérabilités croisées et savoir-faire discrets », in Paperman P., Laugier S. (dir.), Le souci des autres, éthique et politique du care, Paris, EHESS.
  • Murcier N. (2005), « Le loup dans la bergerie. Prime éducation et rapports sociaux de classe », Recherches et Prévisions, n° 80, p. 67-75.
  • En ligneMurcier N. (2007), « La réalité de l’égalité entre les sexes à l’épreuve de la garde des jeunes enfants », Mouvements, n° 49, p. 53-62.
  • En ligneNeyrand G. (2007), « De la sphère privée à l’espace public : un mélange des genres », Empan, Érès, n° 65, p. 27-30.
  • En lignePaperman P., Laugier S. (2011) (dir.), Le souci des autres, éthique et politique du care, Paris, EHESS.
  • Parsons T. (1938), The Professions and Social Structure : Essays in Sociological Theory, New York, Macmillan Publishing.
  • En ligneSchweyer F.-X. (1996), « La profession de sage-femme : autonomie au travail et corporatisme protectionniste », Sciences sociales et santé, 3 (14), p. 67-100.
  • En ligneScott J. (1988), « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les Cahiers du GRIF, 1988.
  • Visier L. (1994), Expériences infirmières et rapports sociaux à l’hôpital, thèse de doctorat, EHESS.
Béatrice Jacques [*]
  • [*]
    Béatrice Jacques, maîtresse de conférences en sociologie, université Bordeaux-Segalen et Centre Émile-Durkheim, UMR 5116. Ses recherches portent sur la santé génésique et reproductive, l’accès aux soins, le cancer et les professionnels de santé.
Sonia Purgues [**]
  • [**]
    Sonia Purgues, chargée d’études sociologiques au Centre Émile-Durkheim, UMR 5116. Ses recherches portent sur les thèmes de l’accès aux soins et de la naissance.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/01/2013
https://doi.org/10.3917/rfas.122.0052
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...