CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1La prise en compte du genre dans les premières mesures de protection sociale a révélé l’existence d’un débat sur les effets de la différenciation des sexes dans la construction du pouvoir d’État. Après avoir qualifié l’essentialisation des femmes par les politiques familiales comme un effet de la domination masculine (Heinen, 2004), on s’interroge aujourd’hui sur les formes prises par les constructions sociales, ethniques, religieuses des différences sexuelles dans l’élaboration et la mise en place des États-providence en Occident. En amont de la question contemporaine concernant la division sexuelle dans la famille, la maternité et le maternage et tout ce qui relève du soin aux autres (care) ont été dès le début du xxe siècle des questions controversées parmi les féministes. Différentes perspectives historiques permettent désormais d’identifier les modalités à partir desquelles se sont construites les grandes politiques publiques concernant la protection des populations vulnérables, à partir des variables de genre. L’étude des politiques publiques au Canada et en France concernant les dispositifs en faveur des mères, initiées par des philanthropies/associations de femmes dans la première moitié du xxe siècle, est à cet égard fort instructive.

2Trois notions clés seront ici mobilisées pour repenser le rapport des femmes aux politiques publiques et à l’État. D’abord, la notion de genre, gender, catégorie développée en histoire par Joan Scott (1986) et reprise en Europe et au Canada par les historiennes des femmes et du genre dans les années 1990, permet d’observer comment la politique construit le genre et inversement, comment fonctionne le principe hiérarchique de partition des hommes des femmes, comment se construit le savoir culturel sur la différence des sexes et quels sont ses effets de pouvoir (Thébaud, 2007), en particulier dans la construction des États-providence.

3La notion de l’agency des femmes illustre des modalités de leur intervention et les façons dont nous pourrions en rendre compte aujourd’hui dans un contexte de transformation profonde des États. Cette notion permet de penser de façon différenciée des phénomènes qui ont conduit les femmes à obtenir des gains majeurs en termes de droits économiques et sociaux alors même qu’elles sont exclues du droit de vote et de la sphère politique. Il s’agit ainsi de comprendre comment certaines d’entre elles élaborent des stratégies qui leur ont permis d’obtenir une reconnaissance de leurs revendications en s’appuyant sur des différences de sexe, de classe, de religion, etc. À l’instar des autres mouvements sociaux, l’étude des associations de femmes abordée dans ce texte permettra d’illustrer leur capacité d’agir auprès des pouvoirs publics sur la question de la protection des mères.

4Enfin, autour de la notion complexe de care, on distinguera deux axes principaux qui sont étroitement entremêlés, ce qui a engendré quelque confusion. Le premier axe concerne le fait de porter soin, secours, assistance aux personnes vulnérables. Ce souci de l’autre au fondement de l’action philanthropique est souvent perçu comme l’apanage de la bourgeoisie conquérante et comme un reliquat de l’éthique morale chrétienne religieuse. Or, décalée dans le temps et dans l’espace, l’éthique du care, valeur partagée par de nombreux acteurs sociaux, anime ces femmes philanthropes et devient la base de l’intervention de l’État dans les affaires privées des familles. Le second axe est attentif à l’importance du travail de care fourni surtout par des femmes, au sein de la sphère privée mais pas exclusivement, et de façon non rémunérée, mais pas toujours. Le care englobe ainsi « les activités et les relations impliquées dans le fait de répondre aux besoins physiques et émotionnels des enfants et des adultes dépendants, ainsi que les cadres normatifs, économiques et sociaux à l’intérieur desquels ces activités et ces relations sont définies et réalisées » (Daly et Lewis, 2000, 285).

5Mes études sur l’action du Conseil national des femmes françaises (CNFF, créé en 1901) en France et de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB, créée en 1909) au Québec me serviront d’appui pour identifier des éléments de ce débat (Cohen, 2006 a et b ; Cohen, 2010). Cette analyse permettra de contextualiser le rôle du care dans l’adoption des politiques en faveur de la protection des mères et d’identifier les grands moments d’une histoire genrée des États-providence en France et au Canada-Québec durant la première moitié du xxe siècle. La première partie porte sur un aspect peu connu et illustre le rôle des minorités religieuses au sein du CNFF et aux côtés de l’État républicain en faveur des politiques maternalistes d’aide aux mères, en France, au tournant du siècle ; la seconde permet de mieux cerner le blocage auquel est confrontée la FNSJB au Québec et le jeu politique que permet le fédéralisme canadien dans les années 1920 et 1930 ; la troisième vise à tirer un certain nombre de conclusions généralisables à partir de ces études de cas, concernant le rapport des femmes à l’État et leur impact sur les formes prises par ces États-providence.

Philanthropie et action sociale : les « maternalistes » au secours de la IIIe République

6Alors qu’elles sont exclues du droit de vote jusqu’en 1944, les femmes désireuses de contribuer aux œuvres sociales trouvent dans l’action philanthropique un espace privilégié d’intervention dans la sphère publique. Prolongement moderne de l’action charitable et préfigurant l’action humanitaire d’aujourd’hui, cette action philanthropique est marquée par ses origines confessionnelles – catholiques, protestantes et juives essentiellement. En France, elle connaît à la fin du xixe siècle une vigueur sans précédent sous l’impulsion des premières femmes détentrices d’un diplôme d’études supérieures. Avec l’adoption de la loi du 1er juillet 1901, qui place les congrégations religieuses sous la juridiction de l’État, et celle du 5 décembre 1905, qui consacre la séparation des Églises et de l’État, les organisations à but non lucratif constituent un lieu de rassemblement privilégié pour ces femmes. Les associations dédiées à la philanthropie sociale constituent en ce sens un espace public important, investi par des femmes qui veulent en faire un domaine d’intervention exclusif. Le choix de se réunir entre femmes, issues souvent du même groupe social et, parfois, de familles apparentées ou voisines, afin d’identifier un problème social et d’y trouver remède témoigne de la vitalité de leur engagement public.

7C’est dans ce contexte que, avec leurs consœurs protestantes, des philanthropes juives fondent en 1901 le Conseil national des femmes françaises (CNFF), une des premières grandes fédérations rassemblant des féministes en France (Smith, 2003 ; Rochefort, 2000). Le CNFF va incarner un féminisme libéral, héritier des principes de 1789, attaché à la démocratie et né de l’action philanthropique de ses membres. Elles construisent un féminisme républicain qui revendique l’égalité entre les sexes, l’amélioration des droits civils et le suffrage pour les femmes. Affilié au Conseil international des femmes (CIF) fondé en 1888 à Washington, le CNFF veut initier de grandes réformes sociales pour les femmes sans nécessairement recourir à des coups d’éclat. Proches des élites politiques et de la francmaçonnerie, issues de la bourgeoisie libérale, ses militantes agissent aussi en fonction de leur habitus de classe, organisant des conférences, utilisant leur sociabilité particulière et justifiant leur intervention par leur compétence ou leur expérience dans le domaine philanthropique. Elles contribuent ainsi à la naissance d’un féminisme non confessionnel et laïque et participent à ce que Durkheim nomme une « religion civile » : leur action au sein du CNFF ignore leur identité juive et participe au développement d’une morale laïque féministe universelle et républicaine (Birnbaum, 1995).

8Leur intervention permet de percevoir les contours d’une citoyenneté sociale centrée sur l’action philanthropique des femmes dont le ressort religieux et communautaire initial contribue à une des grandes réformes adoptées par la IIIe République. De nombreuses femmes vont ainsi faire leurs classes au CNFF ou dans ses organismes affiliés, en dehors des partis politiques qui leur sont fermés. Elles vont participer de plain-pied au grand débat sur la natalité à partir d’une perspective féministe qui préconise une certaine vision de la protection des mères par des politiques familiales. Les questions qui relèvent de la protection des mères retiennent rapidement l’attention de ces philanthropes (Battagliola, 2006). Formant un ensemble disparate, ces revendications traduisent leur volonté de les soustraire au contrôle de l’Église catholique qui exerçait un véritable monopole sur les familles. Cette ardeur laïque traduit aussi la volonté des élites protestantes et juives de participer pleinement à la construction de la République, rompant ainsi avec la tendance traditionnelle des groupes minoritaires à se retrouver dans des organisations communautaires et entre soi (Cabanel, 2004).

9Une des premières préoccupations de la IIIe République fut de trouver les moyens d’arrêter ce qui apparaissait déjà avant la Première Guerre mondiale comme la baisse inéluctable de la natalité. Avec un taux de fécondité en chute libre dans une période de fort nationalisme, la question de la dépopulation est perçue comme cruciale et, par conséquent, la protection des femmes et de leurs enfants devient l’objet de grands débats politiques, opposant les fractions libérales de la bourgeoisie aux notables catholiques. Très liées à des politiques natalistes, qui auraient fait consensus dans la France de l’après-guerre de 1870, les politiques familiales françaises ont longtemps été appréhendées comme le reflet de cette préoccupation de l’État, qui conçoit les femmes comme des reproductrices, et dont l’aliénation à la famille est assurée par un droit de la famille patriarcal (Revillard, 2007).

10Toutefois, les théories récentes de l’action publique invitent à étudier la place des mouvements sociaux dans l’adoption des politiques familiales par la IIIe République. Le monopole de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et du familialisme dans l’étude des politiques familiales en France a longtemps empêché de dégager l’influence qu’aurait pu avoir l’action d’autres organismes, comme le CNFF. Les perspectives maternalistes avancées par ces féministes ont rarement été prises en compte dans l’affrontement entre familialisme d’État et familialisme d’Église (Lenoir, 2003). Ces deux formes de familialisme, d’État et d’Église, n’ont pas seulement caractérisé la morale familiale et ses représentations symboliques, mais sont aussi présentes dans toutes ses ramifications sociales, du marché du travail (la sphère de production) aux questions de la croissance de la population (la sphère de reproduction).

11Coincées qu’elles sont dans l’intense conflit qui oppose la République à l’Église pour le contrôle des familles, les militantes du CNFF vont en effet avoir du mal à se faire entendre. Pourtant, leur rôle va être crucial dans ce débat, car elles vont peser de tout leur poids pour faire entrer la République laïque dans les familles, en se ralliant dans les années 1930 à un familialisme d’État. Ainsi la section d’assistance du CNFF, fondée en 1902 par Eugénie Weill, va-t-elle s’employer à améliorer les conditions de vie des familles et des enfants en multipliant ses interventions auprès des pouvoirs publics : diminution des heures travaillées et implantation de services médicaux pour les mères au travail ; ouverture de garderies et de chambres d’allaitement en milieu de travail et, à partir de 1927, demandes d’indemnités pour les femmes qui allaitent leur enfant. Elle réussit à faire nommer sa présidente d’honneur, Mme Pérouse, au Conseil supérieur de l’Assistance publique en 1907. Une autre de ses membres, Marguerite de Witt-Schlumberger, sera la seule femme à siéger au Conseil supérieur de la natalité, créé en 1920 pour appliquer les lois Strauss sur la petite enfance. Le CNFF intervient en amont pour éduquer les mères défavorisées à l’hygiène et faire reconnaître la maternité comme une fonction sociale reconnue et subventionnée par l’État. Sa section d’hygiène engage des démarches pour que soient instituées des maisons maternelles dans chaque département, avec un financement à 60 % par l’État. Plutôt que de favoriser le retour au foyer des mères qui travaillent (leitmotiv des associations familialistes catholiques), le CNFF revendique leur protection par l’État (maternalisme d’État). Il utilise ses réseaux dans les milieux politiques pour se faire représenter dans les organismes chargés d’élaborer les lois de protection des mères et des enfants. Malgré tous ces efforts, il peine à se faire entendre et doit battre en retraite devant la mobilisation des mouvements natalistes qui, de leur côté, devront se rallier au principe d’une protection étatique des mères. Soutenue par les réseaux républicains laïques, ce sera là la contribution la plus marquante du CNFF à ce débat. Le familialisme d’État est le produit de ce compromis.

12Ce type de familialisme d’État est né de la bataille des maternalistes (dont le CNFF) contre les partisans familialistes de l’Église catholique, toute-puissante et « ralliée », après l’encyclique Au milieu des sollicitudes de 1892, à la vie politique républicaine française. Il est devenu une politique volontaire de l’État, au cœur de la construction de la nation sous la IIIe République. Les tensions entre féminisme et familialisme dans l’adoption des premières politiques familiales françaises (Commaille et Martin, 1998) en font une politique fortement genrée (Morgan, 2002). Ces dernières traduisent bien les nombreux compromis qui ont été passés entre les féministes (de toutes allégeances, y compris maternalistes) avec les tenants de la famille patriarcale, soulignant ainsi les aspects maternalistes et paternalistes des politiques familiales (Accampo et al., 1995).

13Certaines réformes apparaissent, dans ce contexte, plus libérales que d’autres pour les femmes. Ainsi, les propositions du CNFF dévoilent les façons dont les perspectives catholiques dominantes sur la famille ont été déconstruites par l’action conjuguée des forces féministes, maternalistes et laïques. Les croisements des dimensions religieuses et des dimensions de genre témoignent du rôle des Églises (catholique et protestante surtout), et pas seulement de l’Église catholique, dans la construction des politiques familiales de la IIIe République.

14En outre, le « maternalisme d’État », principalement défendu par les philanthropies formées par les minorités religieuses, des groupes laïques et des féministes du CNFF, proposait au tournant du xxe siècle une intervention de l’État pour protéger les mères et les enfants. Protestants, juifs, francs-maçons et laïques de toutes dénominations ciblent leurs interventions sur les questions des allocations familiales, du travail et de l’assurance sociale. Ces républicains engagés, femmes et hommes, cherchent à faire changer les lois sur la famille et à améliorer la morale familiale considérée comme corrompue par l’industrialisation. Comme maternalistes, ils estiment que les nouveaux droits des femmes se justifient par leur rôle de mères. Dans le sillage de l’affaire Dreyfus et de ses tensions nationalistes, les philanthropies protestantes et juives, jusqu’alors séparées dans leurs pratiques de l’aide sociale et de la charité, ont ainsi perçu l’opportunité unique qui leur était offerte de contrer la toute-puissance de l’Église catholique, en s’associant pour réclamer de l’État de nouvelles prérogatives concernant la famille. L’action du CNFF dans ce domaine est révélatrice de cette stratégie.

15Le familialisme de l’Église catholique, qui faisait la promotion d’un foyer situé au cœur des activités féminines, contre le travail des femmes et opposé à toute intervention de l’État dans les affaires familiales, est redéfini à la suite de la séparation de l’Église et de l’État en 1905. La vision de la famille comme unité sociale complète, comme corps social qui préexistait au développement des classes sociales et qui était emblématique du corporatisme prôné par l’Église, s’avère complètement caduque. Le conflit avec les catholiques sociaux, qui ont de leur côté questionné le rôle des femmes au sein de la famille, avait déjà ouvert une brèche dans cet édifice. Face à l’anticléricalisme républicain, l’Église catholique doit donc accepter de ne plus considérer la famille comme son domaine exclusif d’intervention et tente de garder de façon exclusive toutes les questions du mariage (patrimoine religieux) et de filiation (éducation et soins).

16La plupart des réformes de la famille entrevues alors sont dues à l’alliance passée entre ces regroupements, souvent hétéroclites, de républicains radicaux (franc-maçonnerie) et de regroupements de militantes protestantes, juives et laïques dont les efforts ont contribué à promouvoir un maternalisme d’État et une morale laïque dans les décennies 1910 et 1920. Heurtant de front le familialisme d’Église, elles aboutiront, au terme de compromis nombreux, à un familialisme d’État qui marque les premières lois sur les allocations familiales adoptées en 1932 en France. Ces dernières deviennent nationales et obligatoires et combinent les avantages accordés principalement aux mères aux avantages divers accordés aux familles (Messu, 1992). Elles seront complétées par l’adoption d’allocations familiales universelles, en 1939, et la création de l’allocation de la mère au foyer, signe du retour à un familialisme sans équivoque. Si l’action des maternalistes est étroitement imbriquée à celle des républicains laïques dans le cas français, elle apparaît encore plus déterminante dans le cas de l’adoption des lois sur les pensions aux mères au Canada dans les années 1920 et au Québec en 1936. L’étude détaillée de ces deux cas de figure permettra aussi d’éclairer le cas français.

Le triomphe du maternalisme d’État au Canada et au Québec

17À son congrès de fondation en 1909, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste adopte une mesure en faveur d’une pension aux mères. Perçue comme un moyen de garder les mères dans leurs familles, cette proposition exprime sa conception qui vise à leur donner, tout autant que les ouvriers, droit à une protection du gouvernement : « Si le gouvernement s’est préoccupé à juste titre de garantir à l’ouvrier un peu de sécurité […] et s’il a institué les caisses de vieillesse, ne peut-on pas aussi demander à ce même gouvernement […] d’établir une assurance obligatoire en faveur de la femme mariée ? » (Archives nationales du Québec à Montréal [ANQ-M], FNSJB, Mémoire, février 1911.)

18Entrevue d’abord comme une assurance, la protection des mères par le gouvernement se ferait au nom du travail de maternité qui, comme l’assurance vieillesse, permettrait de dédommager les mères de famille mariées de leur rôle social de mères. L’hostilité à cette proposition vient autant du haut clergé catholique que du directeur de l’assistance municipale de Montréal et de la directrice du Canadian Welfare Council, organisme de défense des familles canadiennes. Charlotte Whitton critique l’adoption de lois provinciales et plus particulièrement la forme d’assistance de type pension qui dériverait, selon elle, d’une philosophie de secours directs pouvant encourager l’irresponsabilité et la dépendance des bénéficiaires. Enfin, les organisations syndicales, comme la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), rejoignent l’épiscopat dans son opposition aux pensions aux mères, du moins jusqu’aux années 1930. Au contraire, les syndicats de l’Ouest canadien apportent leur soutien au Mouvement canadien des pensions aux mères (Mothers’ Pension Movement), qu’ils voient comme une occasion d’améliorer les conditions de vie de la famille ouvrière.

19Dans ce contexte d’hostilité généralisée, la Fédération se retrouve relativement isolée dans le milieu franco-catholique et ne peut même pas revendiquer le soutien de l’influente Charity Organization Society, parce que venant du monde associatif féministe anglo-protestant. Elle invoque le Conseil catholique des femmes américaines qui s’est engagé en faveur d’une telle mesure et le succès rencontré par les pensions aux mères aux États-Unis et dans les autres provinces canadiennes, mais sans grand succès.

20En comparaison, aux États-Unis, le mouvement des pensions aux mères se traduit par l’adoption, à partir de 1911, de nombreux programmes d’assistance aux mères nécessiteuses dans les États de l’Ouest. Résultat de l’action des réformatrices (League of Women Voters) et des hygiénistes maternalistes (General Federation of Women’s Clubs), dont Julia Lathrop, la fameuse loi d’assistance universelle aux mères et aux enfants, le Sheppard-Towner Maternity and Infancy Protection Act en 1921, est le premier programme d’assistance entièrement financé par le gouvernement fédéral américain. Le Québec se dote au même moment d’une loi de l’assistance publique, qui ignore la question des mères. Il faudra attendre la crise économique de 1929 et son cortège de misère et de chômage pour que soit à nouveau évoquée la question d’une aide aux mères pauvres qui, entre-temps, est reprise par des réformateurs modérés.

21La grande dépression économique, le puissant mouvement nataliste et les idées de réforme sociale des élites éclairées franco-catholiques, comme celles de l’École sociale populaire, vont redonner vie à ce projet. Au sein de cette École, animée par un jésuite, des visions nouvelles de la famille et de l’assistance, avancées par les sciences sociales, font leur chemin. Nouveaux professionnels du travail social, anglo-protestants et réformateurs sociaux s’entendent ainsi pour rouvrir le dossier des pensions aux mères, appuyant objectivement les revendications que la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste adresse désormais au gouvernement du Québec.

22Le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau y répond avec la création de la Commission des assurances sociales de Québec, qui commence ses travaux en 1931. Édouard Montpetit, alors secrétaire général de l’université de Montréal et membre influent de l’École sociale populaire, est nommé à la tête de la commission, qui comprend six autres commissaires, provenant en partie de l’École sociale populaire et représentant les milieux patronal, syndical, clérical et médical. Montpetit fera appel à l’expertise des femmes dans ce domaine, nombreuses au Montreal Council of Social Agencies, même si aucune d’entre elles ne siège comme commissaire.

23Le premier constat est catégorique : à l’exception du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, tous les autres gouvernements nord-américains se sont prononcés en faveur des pensions. Ces lois ont souvent été obtenues par des groupes de femmes alliés aux organisations ouvrières, alliance qui manque cruellement au Québec.

24La FNSJB rappelle son engagement précoce en faveur de cette mesure mais se réfère cette fois à ce qui se fait, selon elle, en France. La référence à la France n’est pas fortuite : elle permet à la Fédération de fonder désormais son projet sur le modèle débattu en France des allocations familiales, qui préserverait mieux l’unité familiale et le bien-être de l’enfant : « […] en maintenant le foyer intact, on place les enfants dans des conditions normales de développement, de santé et de moralité » (ANQ-M, Requête de la FNSJB, le 26 janvier 1931, p. 2). Distinguant les pauvres méritants des autres, la Fédération insiste sur l’importance de l’institution du mariage : seules les épouses légitimes seront dignes de l’octroi, tandis que les filles-mères, assimilées à des prostituées, ne pourront y avoir recours.

25Face aux orientations divergentes des organisations anglo-protestantes au Canada et catholiques en France, la Fédération change de stratégie. Sans renier son credo maternaliste (qu’elle partage avec la plupart des associations de femmes impliquées dans ce débat), elle se rapproche imperceptiblement de la vision familialiste du modèle français qu’elle invoque. Sous la pression de l’Église catholique, elle tente la synthèse entre le maintien de l’unité familiale (familialisme) et la protection des mères (maternalisme). Toutefois, la Fédération, en optant pour un programme gouvernemental d’aide aux mères nécessiteuses, opère une rupture majeure avec la vision de la famille défendue par l’Église. Elle est consciente de bousculer le principe de la non-intervention sociale de l’État qui sous-tend le système d’assistance institutionnelle établi par l’Église catholique. En ce sens, la Fédération va plus loin que les réformateurs sociaux de l’École sociale populaire dont certains membres veulent plutôt établir une forme de corporatisme social à partir de la toute-puissance de la famille patriarcale, tandis que d’autres prônent plutôt un libéralisme individualiste, mais pas de politique familiale impliquant l’intervention protectrice de l’État.

26Si la commission reconnaît d’emblée la difficulté de concilier l’établissement d’une telle loi avec le système d’assistance en place, la majorité de ses membres se positionne clairement en faveur des allocations aux mères, au nom de la sauvegarde de l’intégrité familiale. Cette proposition se heurte à la charité privée ainsi qu’au modèle libéral de la non-intervention étatique. Dans ce contexte, la position défendue par la FNSJB reste unique. Loin d’intégrer la vision cléricale d’une structure d’assistance entièrement privée, ou même celle plus nuancée de certains catholiques sociaux de l’École sociale populaire, la FNSJB est pragmatique : elle se propose d’être, avec d’autres associations volontaires d’aide aux plus démunis, un intermédiaire privilégié de l’État dans le secteur social et se propose de devenir, avec les autres associations féminines, les intermédiaires du gouvernement auprès des familles secourues (ANQ-M, Requête de la FNSJB, le 26 janvier 1931, c).

27La commission Montpetit ne veut pas trancher et conclut à la complémentarité de toutes ces pratiques (État-Églises-charités privées) : « L’institution, le placement familial et l’assistance à domicile sont nécessaires » (Montpetit, 1932, p. 33). Elle recommande l’adoption d’une loi provinciale en leur faveur. En proposant un mode d’intervention laïque pour sauvegarder la famille canadienne-française et la revalorisation sociale du rôle complexe de la mère de famille, la FNSJB a joué un rôle non négligeable dans la transformation des positions des élites canadiennes-françaises à l’égard de l’intervention de l’État dans les questions familiales. Elle fonde sa volonté d’être au cœur de la dynamique de réforme sociale et de laïcisation, position avancée au même moment par d’autres associations féministes maternalistes, tant en Europe qu’en Amérique du Nord et au Canada. En se référant aux lois adoptées aux États-Unis, en France et dans plusieurs provinces canadiennes, elle veut aussi faire valoir une individualisation des femmes et des enfants au sein de la famille.

28Toutefois, la loi sur les pensions, qui sera adoptée dans la foulée de ce mouvement, n’aura que peu de ressemblance avec les propositions qui ont été avancées tant par la FNSJB que par la commission Montpetit. Non seulement les partis politiques au pouvoir ont changé, mais le contexte aussi. L’examen de la loi permet de voir que l’on est passé des revendications maternalistes de la FNSJB à un familialisme d’État affirmé sans ambages par le gouvernement conservateur de Maurice Duplessis, qui arrive au gouvernement en 1936.

29Duplessis reprend le point sur l’aide aux « mères nécessiteuses » (destituted mothers) du programme de son parti pour affirmer la vision traditionnelle et catholique de l’unité familiale comme pilier de la société, et de la mère comme centre de cet édifice. Pour lui et son parti, les mères doivent être encouragées, aidées financièrement et leur travail reconnu légalement, tant qu’elles sont au sein de leurs familles. Le programme québécois d’assistance aux mères dans le besoin (Bill 21) est donc voté à la fin de 1937 et est appliqué à partir du 15 décembre 1938. L’administration du programme sera confiée à l’Office de l’assistance aux mères nécessiteuses qui relève du ministère du Travail jusqu’en 1947, puis du ministère du Bien-être social et de la Jeunesse. Comme c’est le cas dans les autres provinces canadiennes, l’organisme chargé d’administrer la loi de l’assistance aux mères nécessiteuses se présente sous la forme d’un Office (ou Bureau) qui détermine les critères d’attribution et administre les allocations (Montpetit, 1932, p. 40).

30Les conditions d’admissibilité au programme québécois, suggérées dans le rapport de la commission Montpetit de 1932, s’apparentent à celles des autres provinces canadiennes. Selon la loi de l’assistance aux mères nécessiteuses, auront droit à une allocation toutes les mères ayant deux enfants de moins de 16 ans, qui sont veuves ou épouses d’un mari interné ; les sujets britanniques (citoyennes depuis au moins quinze ans) ; celles qui auront résidé dans la province durant sept années précédant la demande d’allocation ; les femmes qui offrent, à la satisfaction de l’Office, des garanties raisonnables d’habileté à donner à leurs enfants les soins d’une bonne mère ; et, finalement, celles qui ne possèdent pas les moyens nécessaires à l’entretien de leurs enfants âgés de moins de 16 ans. On le voit, les restrictions sont nombreuses et, pour la modique somme allouée, il faut présenter une série de preuves de citoyenneté, de bonne conduite et de pauvreté extrême. Donc, il ne suffit pas d’être une mère seule avec enfants pour mériter l’allocation. Il faut aussi être d’une moralité irréprochable.

31Au total, seules les mères pauvres et de grande moralité peuvent prétendre à une aide étatique qui leur est versée parcimonieusement (sur un modèle charitable) pour protéger leurs enfants et leur famille. On est loin des allocations versées aux veuves, aux mères démunies et aux épouses de soldats en vertu de droits acquis à l’issue de la Première Guerre mondiale, ce que T. Skocpol (1992) et M. Ladd-Taylor (1994) considèrent comme les premiers pas de l’État-providence aux États-Unis.

32Au Canada aussi, l’implication du Canadian Patriotic Fund lors de la Grande Guerre contribuera à transformer les mentalités, en établissant le droit pour bon nombre de familles canadiennes à recevoir, en toute légitimité, le soutien d’un organisme public. On assiste alors à une « nationalisation » de la famille. À la différence des États-Unis ou de la France, au Canada, l’adoption des politiques familiales répond au souci de soutenir à tout prix l’institution familiale comme lieu de construction de l’unité nationale (Christie, 2000). Tout sera mis en œuvre pour promouvoir la famille comme un des fondements de l’identité canadienne (britannique), et la question de la citoyenneté des bénéficiaires un critère d’attribution essentiel. L’autre question sera de savoir si les droits à l’assistance aux mères devaient être établis en fonction du service maternel ou sur le fait de travailler pour un salaire pour ces citoyennes canadiennes.

33En Ontario, la loi sur la pension aux mères nécessiteuses peut se définir sommairement comme une provision octroyant un salaire mensuel aux mères dans le besoin (Evans, 1996). Ce programme s’applique de façon limitée à des veuves, ou des femmes de maris totalement handicapés, qui sont aussi des sujets britanniques, et qui doivent être jugées aptes selon un certain nombre de critères. Ainsi, d’un côté, ces provinces considèrent les pensions aux mères (canadiennes) comme un droit et, de l’autre, elles réaffirment une conception patriarcale de la famille, où l’homme reste le pourvoyeur familial (breadwinner), tandis que les bénéficiaires sont considérées comme une « armée de réserve », main-d’œuvre utilisée accessoirement dans les secteurs sous-payés du travail saisonnier et des services. L’insistance sur le non-travail des mères qui perçoivent ces pensions et les critères qui définissent les ayants droit comme des « sujets britanniques » traduisent de profondes ambivalences à l’égard des mères et des familles. Alors que les revendications féministes se concentraient sur l’obtention du droit pour toutes les mères célibataires aux pensions, comme ce fut le cas en Colombie-Britannique (Little, 1998), on voit apparaître simultanément dans plusieurs juridictions provinciales le critère de la citoyenneté, qui exclut les mères non citoyennes canadiennes, venant souvent de minorités racialisées. Les pensions aux mères furent comprises dans ces provinces comme une cotisation de paiement de l’État en échange des services de maternage effectués par les mères (célibataires) anglo-celtiques, excluant du même coup, et de façon parfois véhémente, les autres mères (d’origine asiatique le plus souvent).

34C’est dire si ce programme des pensions, tout en libérant certaines femmes de la tutelle familiale, vise à maintenir intacte l’organisation patriarcale de la famille canadienne. Toutefois, une large brèche est alors ouverte dès les années 1920 dans le monopole qu’avaient les Églises sur les questions familiales, avec la sécularisation des familles et leur nationalisation. Parallèlement, l’individualisation des femmes canadiennes, comme avec la reconnaissance des mères célibataires, est en marche.

35L’autre effet collatéral de la mise en place des premières politiques familiales canadiennes est le renforcement du pouvoir fédéral canadien. Déjà en 1937, la commission Rowell-Sirois plaide pour la mise sur pied d’un programme d’assurance chômage et le paiement par le gouvernement fédéral de la totalité des coûts des pensions de vieillesse pour rendre plus attrayant le pouvoir fédéral d’intervention dans ces champs de compétence traditionnellement réservés aux provinces. À la conférence intergouvernementale tenue en 1941 à Ottawa, le rapport Rowell-Sirois est encore beaucoup critiqué par l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta qui s’opposent aux conclusions du rapport, jugées trop centralisatrices. L’administration libérale d’Adélard Godbout, au Québec, se montre prête à des compromis et certaines conclusions du rapport Rowell-Sirois furent graduellement appliquées par le gouvernement fédéral de William L. Mackenzie King, malgré l’absence de consensus. C’est dans cette optique que fut créé le ministère fédéral de la Santé et du Bien-être, adoptée la loi nationale sur l’habitation et mis sur pied le programme national des allocations familiales. Avec la Seconde Guerre mondiale, l’établissement d’un État-providence canadien change en profondeur les rapports entre les provinces et le gouvernement fédéral, affectant ainsi la nature même du fédéralisme canadien.

36En 1944, le Premier ministre, William L. Mackenzie King, annonce « un minimum de bien-être » pour tous les enfants de moins de 16 ans. Des allocations familiales mensuelles de quatre à neuf dollars seront ainsi versées aux mères par le gouvernement fédéral. Initialement prévu pour des familles nombreuses, le montant des allocations devait diminuer à partir du cinquième enfant, mais est rétabli en 1949. Après les dures années de guerre, le plan keynésien global de pérennisation de la relance économique permet l’extension à tous les Canadiens du filet d’aide sociale et d’obligations instituées par les deux paliers de gouvernement, amorçant un changement majeur dans la vie des familles au xxe siècle.

37La politique des allocations familiales visait certes à stimuler la consommation par la redistribution d’importantes sommes aux familles. Soucieux d’égalité sociale, ce programme devait compenser le faible niveau des salaires ouvriers et des revenus agricoles insuffisants, et procurer aux familles nombreuses des revenus supplémentaires. Ainsi, ce programme répondra à deux objectifs distincts : le renforcement de l’identité canadienne dans les provinces canadiennes et la reconnaissance de la contribution nataliste du Québec au développement du Canada. Si, au Canada, on cherche à fonder une identité nationale sur la famille, au Québec, c’est la construction d’un État libéral moderne qu’annonce la mise en place, après la Seconde Guerre mondiale, d’un véritable programme universel d’allocations familiales.

38Dans ce contexte, avec une natalité plus élevée que la moyenne canadienne, la population francophone du Québec bénéficie en effet davantage que les autres provinces canadiennes de cette mesure. Mais ce programme heurte de front plusieurs dogmes défendus par des milieux traditionalistes québécois, qui contestent son aspect intrusif, limitant l’autonomie des provinces, et émancipateur pour les femmes (les chèques d’allocation sont versés à la mère plutôt qu’au père). Avec le retour au pouvoir du gouvernement conservateur de Maurice Duplessis en 1944, ces critiques du programme fédéral des allocations familiales se feront encore plus virulentes. Dès 1943, de nombreuses associations réformistes catholiques mènent, avec l’aide de la FNSJB, une campagne en faveur des allocations familiales provinciales (Marshall, 1998). Jusqu’à la loi sur les allocations familiales fédérales, « les groupes de femmes du Canada avaient concentré leurs demandes en matière de politique familiale sur les allocations aux mères nécessiteuses pour les familles privées du revenu d’un mari. […] Dans son projet de système de sécurité sociale complet pour l’après-guerre, Leonard Marsh avait insisté sur le fait que le paiement aux mères, proposé par la plupart des défenseurs des allocations familiales, constituait la reconnaissance des mères ainsi que de leurs droits » (Marshall, 1998, p. 52-53). Le mouvement en faveur des pensions universelles aux mères est bien établi, et Duplessis ne pourra faire que quelques ajustements pour harmoniser le programme québécois des pensions aux mères nécessiteuses avec celui du gouvernement fédéral.

39Ainsi, ni la loi canadienne des allocations familiales ni celles adoptées au Québec n’ont été natalistes, contrairement à ce qu’avaient désiré des nationalistes canadiens-français. Elles ont plutôt permis la reconnaissance du rôle des mères dans la construction de la nation, certes à partir de leur rôle dans la famille, mais comme des interlocutrices directes de l’État. Comment alors décrypter les rapports de genre qui ont conduit à l’adoption de ces différentes formes d’États-providence, conservateur en France et au Québec et plus libéral au Canada ?

Le genre de l’État-providence : analyse comparée

40Le rôle joué par les philanthropies dans la mise en place de politiques de protection des mères au Canada dans les années 1920 et du programme d’assistance aux mères nécessiteuses au Québec dans les années 1930 permet de caractériser la nature des changements qu’elles ont imprimés. Ces demandes d’intervention adressées aux gouvernements, fédéral et provincial, allaient pourtant à l’encontre des idéologies libérales et des pratiques de laisser-faire alors en vigueur dans les milieux de la bourgeoisie canadienne et québécoise dont ces femmes étaient issues. Elles allaient également à l’encontre des orientations confessionnelles de ces philanthropies, nettement hostiles à l’intervention de l’État dans les affaires sociales pour les franco-catholiques, un peu moins pour les anglo-protestantes de certaines dénominations. Mais toutes y ont vu la possibilité d’avoir un allié potentiel. Cette double rupture qu’elles font avec leur milieu d’origine et parfois avec l’Église catholique va de pair avec leur engagement féministe. Mues par une vision d’entraide, elles se regroupent pour demander une intervention de l’État et de ses différentes administrations. À son tour, leur intervention conjointe justifie la croissance de l’aire d’intervention de l’État, québécois et canadien, alors très faible, confirmant ainsi ce que d’autres études des philanthropies américaines démontrent, à savoir un phénomène de croissance parallèle de l’État et des philanthropies (McCarthy, 2001).

41On le voit, une périodisation plus fine se dessine. Durant une première période, que nous avons qualifiée de maternaliste, tout au début du xxe siècle, le potentiel émancipateur pour les femmes des lois des pensions aux mères apparaît clairement dans les provinces canadiennes qui les ont adoptées (et qui ont dans le même temps accordé le droit de vote aux femmes entre 1918 et 1920). L’action de ces associations de femmes, comme le CNFF et la FNSJB, vise la transformation de la maternité et du maternage comme ressort de l’action publique d’État. Elle aboutit à la prise en charge par l’État des mères de famille vulnérables ou exclues, ouvrant ainsi à une redéfinition du rôle des mères dans la société. Même si l’intention affichée était de maintenir l’ordre familial patriarcal, l’État ne peut subvenir à tous les besoins d’une famille pauvre, et les maigres subsides qui furent versés aux mères ne les ont pas conduites à sortir du marché de l’emploi salarié. Tout au plus l’État va-t-il soutenir, voire accentuer, les inégalités de sexe par son intervention ou sa non-intervention avec des mesures discriminantes pour les femmes. Toutefois, la reconnaissance par l’État du travail de care fourni par les mères permet le changement majeur qui survient dans un deuxième temps, durant (au Québec) et après (en France) la Seconde Guerre mondiale. Car, désormais, la prise en charge par l’État de tâches d’entretien et de care, qui ne sont plus réputées uniquement privées et féminines mais publiques, a notamment contribué à élargir le périmètre d’intervention de l’État ainsi que le type de citoyenneté accordé aux mères, qui devenait de ce fait plus inclusif. L’octroi du droit de vote aux femmes (en 1940 au Québec et en 1944 en France) accompagne alors aussi ce processus de reconnaissance du travail de care des femmes, pour services rendus à la patrie et à la nation.

42Dans les deux cas, en France et au Québec, la force du mouvement maternaliste est de faire intervenir l’État dans la famille, bien que les politiques familiales qui sont adoptées ne correspondent pas à la vision maternaliste, mais bien à celle du familialisme (vision patriarcale de la famille véhiculée surtout par les Églises et les mouvements natalistes), dominante dans ces deux pays. Ces politiques familiales témoignent néanmoins d’un compromis majeur entre les groupes de femmes, l’Église et l’État : sous la pression de ces groupes, l’État intervient désormais dans un domaine qui était du ressort privé, c’est-à-dire des Églises, et principalement de l’Église catholique. Les politiques françaises d’allocations familiales et les pensions aux mères nécessiteuses québécoises adoptées dans les années trente (plus tardivement que celles adoptées aux États-Unis et dans le reste du Canada dans les années vingt qui, elles, relevaient clairement d’un maternalisme d’État) reflètent un compromis ou familialisme d’État (qui n’est ni le familialisme d’Église, ennemi de l’intervention de l’État, ni le maternalisme). En France, leurs revendications se recoupent avec celles avancées par les mouvements familialistes et natalistes, tandis qu’aux États-Unis et au Canada ce sont les grands syndicats ouvriers et regroupements professionnels qui les relayent (mettant en œuvre une stratégie d’alliances nationales dont les syndicats, plutôt implantés régionalement, profiteront aussi). Au Québec, on trouve une configuration plutôt européenne, car les syndicats ouvriers, étant largement sous le contrôle de l’Église, s’opposaient farouchement à l’adoption de telles politiques.

43Ces politiques familiales, qui sont au fondement des premières politiques sociales universelles et qui sont ensuite adoptées par les États-providence, fournissent un indicateur précis du type d’intervention dont ont été capables les mouvements de femmes qui les animent (Cohen, 2006b). Pour rendre compte adéquatement de l’impact qu’ont eu ces mouvements sur la constitution des États-providence, il faudrait opérer un décloisonnement de la théorie des mouvements sociaux pour développer une perspective d’analyse allant au-delà de la seule perspective de la mobilisation féministe en termes de droits égaux, pour y inclure les revendications maternalistes. Mais cet agenda se heurte à de nombreuses difficultés, en particulier pour caractériser les rapports qui existent entre la nature de l’action féministe (égalitaire, maternaliste, autres…) et ses effets sur la typologie des États-providence (libéral, conservateur, social-démocrate…). Car, s’il est relativement aisé de quantifier le travail salarié, source des grandes réformes des assurances, mutualités et sécurités sociales, il est plus difficile d’évaluer le travail de care, assumé principalement par la contribution des mères en particulier et des femmes plus généralement.

44Au Canada, l’incorporation du genre dans les politiques de protection sociale refléterait les intérêts de la bourgeoisie canadienne, anglo-protestante surtout (Little, 1998), et traduirait les intérêts de nature morale ou religieuse de cette élite à travers le Canada (Christie, 2000). Bien que l’idéal maternaliste ait été reconnu par ces historiennes comme ayant constitué une base essentielle des revendications féministes en faveur des pensions aux mères, il est aussi porté par une bourgeoisie conquérante, dont la protection de la famille et des mères, même seules, constitue le fondement de la construction de la nation canadienne.

45Les qualités perçues comme spécifiquement féminines par la plupart des associations, comme la prédisposition au maternage, le dévouement, le care, vont ainsi se retrouver dans la nature des politiques publiques et des États-providence qui les reprennent et les étendent (en les universalisant). Établi sur le rôle maternel des femmes au sein de leur famille et auprès de leurs enfants, ce rôle revendiqué et assumé par la plupart des associations de femmes leur permet de sortir de la sphère privée de la famille pour faire reconnaître leurs demandes de réforme par les partis et les hommes politiques. La reprise par l’État de certaines de ces revendications et leur transformation en politiques publiques vont avoir des conséquences importantes sur la nature des États-providence qui en seront issus.

46Dans de telles conditions, il est inévitable que les discours se croisent : les maternalistes ont des difficultés à conserver le contrôle sur l’utilisation de leurs discours, repris parfois par les politiciens de façon assez paternaliste. Par exemple, les mesures visant à protéger les femmes au travail ont pu conduire à diminuer leur rémunération. Et, à la suite de S. Koven et S. Michel (1993), on note une relation inverse entre ampleur du développement de ces mouvements et force de l’État : les États forts, définis comme ceux qui ont des bureaucraties développées et une longue tradition d’intervention gouvernementale, ont laissé aux femmes moins d’espace politique pour développer leur vision des politiques sociales que ne l’ont fait les États faibles plus libéraux (ou systèmes de confédérations comme aux États-Unis et au Canada). Le soutien des grandes associations nationales de femmes à la mise en place de politiques sociales par le gouvernement fédéral américain dans les années 1920 et 1930 confirme cette hypothèse (Skocpol, 1992). Les nouvelles compétences que confère la gestion des allocations familiales par le gouvernement fédéral conduisent également au renforcement du fédéralisme canadien à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

47Par ailleurs, selon le degré de déconfessionnalisation de l’action philanthropique, où qu’elle soit basée sur la solidarité, le partage et l’entraide ou sur la domination ou la coercition, varient les formes de protection sociale. À ce titre, la sécularisation de leur action coïncide avec l’extension de l’aire d’intervention de l’État à des domaines qui lui étaient interdits (la famille en particulier) donnant naissance à des formes particulières d’État-providence. Au Canada, il est tout à la fois libéral (à l’égard des mères comme individus) et conservateur (vision familialiste) ; alors qu’en France l’action disjointe des mouvements ouvriers et féministes et la toute-puissance de l’Église aboutissent à un système de protection familiale (conservateur). Dans ces processus de sécularisation, la fonction de care, autrefois gratuite et bénévole, souvent personnelle et directement adressée aux proches, s’est professionnalisée et s’est éloignée des personnes à qui elle était adressée, pour devenir un service (social) fourni par l’État ou ses agences.

48La nature de ces services, les mécanismes mis en place pour les distribuer ont suscité aussi une véritable controverse sur la signification et l’utilisation du care dans les politiques publiques. Cette éthique du soin et de la sollicitude aux personnes vulnérables est critiquée car elle consolide le mode patriarcal de domination des plus forts sur les plus vulnérables au nom de leur protection. Pour d’autres, le care permet de réenchanter le monde grâce à une éthique de l’attention et de la bienveillance à leur égard (Tronto, 2009). Cette éthique du care est aussi présentée comme une politique du don et du partage, présente dans d’anciennes utopies millénaristes et qui se retrouve aujourd’hui au cœur des critiques du rationalisme en économie. On le voit, le champ sémantique du care est complexe et implique différentes postures idéologiques et logiques sociales.

49Ainsi, l’intégration du genre dans la formulation des premières politiques sociales permet de cerner le paradoxe de la relation des femmes à l’État. Elle permet de comprendre l’existence d’une relation admettant l’autonomie des femmes comme initiatrices des programmes d’aide (politique), comme employées de l’État (expertise professionnelle issue du care) et comme bénéficiaires de ses services, en même temps qu’une autre relation, renvoyant à une subordination politique et économique compte tenu de l’étroitesse ou de l’absence des droits sociaux des femmes au cours de la première moitié du xxe siècle. Ainsi, les femmes, qui occupent un triple rôle dans ce système, comme bénéficiaires, employées et initiatrices de l’État-providence, contribuent à façonner celui-ci. Les relations entre les hommes et les femmes sont à leur tour façonnées par ces politiques sociales (nouveau rôle de l’État comme soutien de famille). Ce sont les transactions autour du travail de care au sein de la famille qui ont conduit G. Esping-Andersen à intégrer la famille dans le triptyque famille/État/marché désormais reconnu comme fondement de l’État-providence contemporain (Esping-Andersen et Palier, 2008). Et c’est la transformation du travail de care en professions féminines, la plupart du temps subalternes, qui a aussi produit la défamilialisation comme un de ses effets, et que A. Orloff (2006) appelle très justement « l’adieu au maternalisme », dont la révolution féministe des années 1970-1980 marquera l’avènement.

Conclusion

50Ainsi, on peut voir que l’histoire des philanthropies permet de montrer les processus non pas seulement de résistance/résilience mais d’une action publique de la part des femmes alors qu’elles étaient exclues du droit de vote. Leur réaction à l’exclusion par l’inclusion se traduit par l’impact non négligeable de l’action de ces groupes sur les politiques publiques. Elle définit aussi un type d’État-providence protecteur et assistanciel (à l’image du père de famille ou de la mère de famille selon les pays et les types d’intervention de ces groupes).

51Cette analyse qui confirme l’impact majeur de la stratégie maternaliste dans l’obtention de politiques publiques en faveur des femmes dans les années 1930 ne peut toutefois s’arrêter là. Car la logique du care est à nouveau reprise dans l’organisation des politiques familiales par les États-providence européens et canadiens dans les années 1950 et 1960 : elle servira à tenter de maintenir les femmes dans l’univers de la famille et à contenir le travail des femmes dans l’univers du travail féminin (apparenté au maternage le plus souvent). Toutefois, on le sait, malgré toutes ces nombreuses tentatives et la force de cette idéologie familialiste/patriarcale, le travail des femmes échappe largement à toutes ces assignations et se déploie rapidement pour couvrir une variété toujours plus grande de professions et de métiers. Plus encore, avec les mouvements féministes des années 1970, la logique égalitaire l’emporte bientôt sur la logique de la différence.

52Le verrou semble désormais être dans la capacité de « dé-genrer » le care, autrement dit de sortir le care de l’assignation au genre féminin. La mixité sexuelle que promet l’égalité entre hommes et femmes s’est peu à peu substituée à la ségrégation des métiers et professions durant le xxe siècle en France et au Canada, mais elle s’accompagne encore et très largement de ghettos d’emplois féminins ou masculins et de différences salariales, le plus souvent au bénéfice des hommes. Et c’est désormais autour des fonctions dites privées de care que la mixité tarde à s’imposer : tâches ménagères, entretien domestique, etc. En ce sens, les propositions qui touchent à la socialisation de ces fonctions, comme à celles qui touchent à la conciliation du travail et de la famille, sont encore au centre des enjeux sociaux.

53Ainsi, une analyse attentive aux différentes stratégies féministes durant le xxe siècle permet-elle de montrer que le care est une construction de la féminité et de la masculinité qui a permis aux féministes qui s’en sont saisies d’investir la sphère publique et de revendiquer la reconnaissance de leur contribution. Aujourd’hui, il s’agit à l’inverse de sortir de l’assignation du care au féminin pour en faire un espace mixte, ouvert aux hommes et à toutes les formes de la sollicitude transgenre.

Français

Résumé

Les politiques publiques d’assistance aux mères, adoptées au Canada et en France dans la première moitié du xxe siècle, sont analysées ici à partir de l’étude d’associations de femmes, en particulier le Conseil national des femmes françaises (CNFF) et la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB) qui ont porté cette revendication. L’action des minorités religieuses, protestantes et juives, au sein du CNFF, et aux côtés de l’État républicain amorce la sécularisation des politiques d’aide aux mères en France durant la IIIe République. Suivant l’exemple des autres provinces canadiennes, qui se sont dotées de lois sur les pensions aux mères, l’action de la FNSJB en faveur d’une loi protégeant les mères et leurs enfants permet à l’État d’intervenir dans la sphère familiale qui relevait exclusivement du contrôle de l’Église catholique au Québec. L’analyse comparée permet de mieux identifier l’intégration du genre dans la formulation des premières politiques sociales et de cerner le paradoxe de la relation des femmes à l’État. Des stratégies maternalistes des années 1930 aux refus contemporains de l’assignation du care au genre féminin, cet article vise à susciter la réflexion sur l’ouverture d’un espace mixte, dans lequel tant les femmes que les hommes peuvent exercer les différentes fonctions de maternage et de care.

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Yolande Cohen [*]
  • [*]
    Yolande Cohen, professeure d’histoire contemporaine à l’université du Québec à Montréal (Canada), spécialiste de l’histoire des femmes et du genre. Ses recherches portent sur l’histoire des mouvements sociaux et identitaires en France et au Canada au xxe siècle et sur les migrations maghrébines en France et au Québec depuis 1945. Elle a publié Femmes philanthropes : catholiques, protestantes et juives dans les organisations caritatives au Québec.
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/01/2013
https://doi.org/10.3917/rfas.122.0032
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