CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Le 15 mars 2012, en campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy annonce qu’il souhaite que « les mères de famille » puissent prendre un congé parental qui ne soit plus bloqué sur les trois premières années de leur jeune enfant mais qu’elles puissent fractionner ce droit jusqu’à ses 18 ans. Alors que le droit au congé parental est ouvert depuis 1984 indifféremment au père et à la mère, ce retour « des mères de famille » dans le débat politique montre que la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle est d’abord pensée comme une affaire de femmes. De manière plus générale, parce qu’elles encouragent des comportements qui peuvent se rapporter à des rôles naturalisables (de père et de mère), les politiques familiales ont été parmi les premières à être étudiées sous l’angle des effets produits sur les rapports sociaux de sexe (Chauvière et al., 2000). Ces travaux ont le plus souvent montré que ces politiques publiques entérinaient et naturalisaient les différences sexuelles (Bourdieu, 1998 ; Heinen, 2004) et restaient, du point de vue des rapports sociaux de sexes, profondément inégalitaires (Lanquetin, 2011). Parmi celles-ci, les politiques de conciliation n’échappent guère à ces critiques (Revillard, 2006).

2Ainsi, alors qu’augmente le nombre de femmes actives et que s’invente sous la Ve République le féminisme d’État (Revillard, 2007), les problématiques liées à l’égalité femmes-hommes s’imposent progressivement sur l’agenda politique. Nous avons alors souhaité comprendre comment ces questions sont prises en compte dans l’espace politique et, en particulier, comment elles sont débattues devant la représentation nationale. Les questions qui ont guidé notre analyse étaient de savoir si les modèles implicites de spécialisation, de divisions sexuelles des tâches, d’égalité étaient explicitement mobilisés dans l’hémicycle, et sous quelle forme. Nous avons ainsi cherché à appréhender les arguments égalitaires, mais aussi les formes de conjugalité proposés par les parlementaires lorsqu’ils évoquent la question de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

3À l’aune des modèles familiaux et féminins discutés à l’Assemblée nationale, trois périodes se distinguent. La première, de 1958 à 1981, ne pose pas la question de l’égalité hommes-femmes : le modèle de M. Gagne-Pain est à son apogée. Durant la deuxième, de 1981 à 1997, la multiplication des modèles permet d’envisager le thème de la conciliation, et l’ouverture aux hommes des mesures initialement proposées aux femmes laisse à espérer une progression – pour le moment non clairement recherchée – de l’égalité entre les sexes. Durant la troisième période, qui nous lie à 1997, l’égalité hommes-femmes devient un objectif explicite, et les lois prennent en compte les rapports sociaux de sexe pour favoriser un modèle alternatif, à deux apporteurs de revenus (Méda et Périvier, 2007).

Encadré : Méthodologie

À l’instar d’auteurs qui ont voulu montrer les modèles sous-jacents aux politiques familiales (Fagnani et Grignon, 1997), cet article se fonde sur l’analyse des débats de l’Assemblée nationale au moment du vote de lois sélectionnées sur l’ensemble de la Ve République.
En effet, l’Assemblée est un lieu de débat public, de mise en scène des positions des députés, où se révèlent des points de vue sur la division sexuelle du travail et sur la place des femmes et des hommes dans la société.
Parmi la multiplicité des champs qui auraient pu être analysés (droit du divorce, de la parentalité, des relations conjugales…), et alors qu’une des principales mutations de cette période est la progression de l’activité féminine, nous avons choisi de traiter des lois qui encadrent le lien entre la naissance d’un enfant et l’activité professionnelle. Ainsi seront ici examinées : la loi du 3 janvier 1972 sur l’allocation pour frais de garde ; celle du 12 juillet 1977 sur la création d’un congé parental de mère ; celle du 4 janvier 1984 sur l’allocation parentale d’éducation (APE) ; celle du 25 juillet 1994 sur l’extension de l’APE au deuxième enfant et celle du 29 avril 2003 sur la création de la prestation d’accueil du jeune enfant. Ces choix ne prétendent pas à l’exhaustivité de l’examen des lois au sein desquelles a été discuté le rôle des femmes dans la société. Toutefois, les lois que nous avons choisies comportent les caractéristiques de couvrir l’ensemble des mandatures et d’être considérées dans la littérature comme les plus structurantes sur le sujet.
Pour chacune de ces lois, le matériau analysé est l’ensemble de la première discussion à l’Assemblée nationale. Elle comprend l’exposé du rapporteur, puis des prises de parole, qui évoquent les principaux arguments fondant les votes qui vont suivre. La lecture extensive des débats sur quelques lois nous a permis de vérifier que l’analyse de la première lecture suffit à atteindre le niveau de saturation sur les principaux arguments. Le traitement, qualitatif, a reposé sur le repérage des arguments, puis leur décryptage systématique.
Un complément d’analyse pourrait dans le futur être apporté par une analyse parallèle des débats au Sénat, dont la composition divergente peut produire des argumentaires alternatifs.

1965-1981, « Les femmes et les enfants d’abord » : une politique qui consacre une division traditionnelle des rôles sociaux

4Deux textes marquants de la politique familiale induisent des débats autour de la division sexuée du travail : l’allocation pour frais de garde en 1972, qui accorde une prestation pour financer l’emploi d’une personne qui garde l’enfant, et le congé parental d’éducation en 1977, qui garantit aux mères de famille un retour dans l’entreprise à l’issue d’une interruption d’activité à la naissance d’un enfant durant deux ans. On assiste à ce moment à un glissement du modèle de « Monsieur Gagne-Pain/Madame Aufoyer » au modèle de bi-activité dans les couples. Cette augmentation de l’activité féminine s’accompagne de mesures favorables à l’émancipation des femmes (constitutionnalisation de l’égalité en 1946, loi Neuwirth en 1967, égalité des salaires en 1971, IVG en 1975…). Le féminisme d’État s’impose dans les structures ministérielles avec un secrétariat d’État à la condition féminine et un chargé de l’emploi féminin construisant les intérêts des femmes autour des problématiques liées à l’égalité au travail (Revillard, 2009). Le nombre de femmes ministre n’a jamais été aussi important (quatre femmes, dont Simone Veil, ministre de plein exercice, sur trente-huit ministres), même si à l’Assemblée les femmes restent sous-représentées (8 pour 490 député(e)s (Achin, 2005b). Les mouvements féministes n’ont jamais été aussi visibles dans l’espace public, notamment autour des actions spectaculaires que le Mouvement de libération des femmes, nouvellement créé, organise (Picq, 1993 ; Riot-Sarcey, 2002). L’égalité femmes-hommes affleure ainsi dans les débats de 1971 et de 1977 et devient un argument pour des députés comme Robert Boulin qui déclare en ouverture du débat sur l’allocation pour frais de garde : « Mesdames, Messieurs, on parle souvent de l’égalité entre l’homme et la femme, et nous en sommes tous de chauds partisans » (JO, 20 novembre 1971, p. 6185). Ces déclarations « féministes » ont cependant des effets limités sur les arguments mis en avant, et sur les mesures adoptées, qui demeurent largement dominées par un référentiel familialiste. Les « implicites » (Chauvière et al., 2000) de la politique familiale, qui entérinent une division sexuelle traditionnelle des tâches, restent très prégnants dans les débats.

Une visée familialiste qui interdit de penser l’égalité femmes-hommes

5À cette époque, la visée nataliste est prioritaire dans la politique familiale. En 1971-1972 comme en 1977, selon les députés, l’État doit agir dans l’intérêt suprême de la nation, menacée par la chute des naissances. Cette préoccupation nataliste s’accompagne parfois de justifications économiques, ce que résume parmi d’autres l’intervention du ministre Robert Boulin lors du débat de 1971 : « Il s’agit d’encourager la cellule française à constituer dans notre société actuelle un élément ferme et fixe auquel il faut s’attacher, de promouvoir une politique plus nataliste dans une période où le taux de natalité est passé de 18,2 en 1964 à 16,8 pour mille en 1970 et en même temps proposer une politique familiale qui tiendra compte du revenu et du niveau social des différents individus » (JO, 20 novembre 1971, p. 6185).

6Cet intérêt supérieur s’accompagne d’une inégalité entre hommes et femmes, car il s’appuie sur une division naturalisée des rôles sexués (Rennes, 2007). Les arguments des députés s’enroulent dès lors sur l’intérêt de l’enfant, construit principalement autour de la qualité du lien maternel. Robert Boulin, ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale, affirme ainsi en 1971 : « Or, à notre époque moderne, il est de l’intérêt de l’enfant – et tous les pédiatres sont d’accord sur ce point – d’être élevé par sa mère durant la plus grande partie de son jeune âge, car interviennent alors dans sa formation, dans son éducation, dans sa croissance des éléments déterminants que favorise la présence de la mère au foyer » (JO, 20 novembre 1971, p. 6185). Il ajoute plus loin : « Lorsque les enfants sont en bas âge, il est tout à fait naturel et humain qu’une mère reste au foyer » (JO, 20 novembre 1971, p. 6186). Ce sont d’ailleurs principalement des députés médecins comme André Saint-Paul qui utilisent ces arguments : « Le vieux “familial” et médecin que je suis croit encore aujourd’hui à la vertu irremplaçable de l’environnement affectif, aux conséquences bénéfiques de la présence constante d’une mère pour le psychisme et le comportement d’un enfant qui découvre la vie » (JO, 20 novembre 1971, p. 6190). Cet argument sera à nouveau mobilisé en 1977 par le ministre Beuillac, qui considère comme évident « que par la nature des choses, et dans la plupart des cas au moins, la mère est plus proche du très jeune enfant que le père » (JO, 16 juin 1977, p. 3857).

7Les députés défendent une vision traditionnelle de la division sexuée des tâches : le travail hors de la maison n’est pas considéré comme émancipateur pour les femmes, la question n’étant pas posée pour les hommes. Quitter le foyer reste pour les femmes, et selon les députés, « une contrainte […] néfaste à l’intérêt de l’enfant », comme le rappelle Jacques Chaban-Delmas (JO, 20 novembre 1971, p. 6195). A contrario, l’argument de la valorisation du travail domestique est soulevé par Jacques Chaban-Delmas : « Le travail de la mère de famille n’est pas une accumulation de tâches matérielles ingrates sans cesse répétées. Ce travail est au contraire difficile puisqu’il contribue à l’éducation des enfants que le système scolaire aussi perfectionné soit-il ne peut seul assurer. Ce n’est pas un travail de second ordre » et, du même coup, il enterre explicitement des arguments de l’émancipation féminine au nom de l’intérêt des enfants : « Les querelles entre les tenants des conceptions traditionnelles et les partisans de l’émancipation de la femme sont dépassées. Seule compte la qualité de l’éducation des enfants qui doit leur assurer un développement harmonieux, intellectuel et affectif » (ibid.).

8Le travail « à l’extérieur » reste donc pour les femmes, et dans les représentations parlementaires, une contrainte. C’est ce qu’affirme sans détour Jacques Chaban-Delmas indiquant que « Trop de mères de famille étaient encore contraintes de travailler pour des raisons financières ce qui pouvait être néfaste à l’éducation de l’enfant » (ibid.). C’est ce que défend aussi André Saint-Paul lorsqu’il affirme que si les femmes travaillent c’est « parce qu’elles sont obligées, la mort dans l’âme, de travailler pour procurer au ménage le complément indispensable à sa survie », ajoutant à la suite : « Je n’aurai l’âme en paix que le jour où j’aurai acquis la certitude que si une mère travaille c’est parce qu’elle le veut bien » (JO, 20 novembre 1971, p. 6190). Du même coup, il s’agit de préserver au maximum le travail domestique et de le reconnaître pour les femmes. C’est l’argument du député de l’Ariège, André Saint-Paul : « En ce qui concerne la retraite des mères de famille, tout en regrettant pour les mêmes raisons que le champ d’action de la loi actuelle soit très réduit, nous exprimons notre satisfaction de constater que le rôle social des mères de famille soit enfin officiellement reconnu et que le temps passé à élever des enfants soit assimilé à une activité professionnelle » (ibid.). En 1977, et comme le souligne la rapporteuse de la loi, Hélène Missoffe, loin d’être un progrès, « l’émancipation féminine » (qu’accompagne l’évolution des mœurs d’ailleurs) soulève des problèmes que le législateur se doit de résoudre : « En effet, dans leur façon d’aménager la cellule familiale, les jeunes couples répondent assez bien aux problèmes posés par l’émancipation de la femme, l’évolution du statut des jeunes, la libération des mœurs » (JO, 19 mai 1977, p. 3138). Il n’est d’ailleurs pas possible, comme le proclame Michel Debré : « Au nom du féminisme, [de] nier la maternité » (ibid.). Comme le proclame un slogan féministe de l’époque, dans l’hémicycle, la femme n’apparaît en tant que travailleuse que de façon secondaire. Un an plus tard, le congé parental reste réservé aux mères, avec une extension subsidiaire au père (si la mère ne peut pas le prendre).

Référentiel familialiste : les raisons d’un succès

9Cette vision familialiste trouve certainement de nombreuses explications. En 1971, c’est l’Union nationale des associations familiales (UNAF) (Minonzio et Vallat, 2006) qui, explicitement, influence le texte comme le soulignent les mentions au cours du débat. Robert Boulin rappelle ainsi « que le président de la République […] a prononcé le 5 décembre 1970, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’UNAF » un discours dans lequel il proposait « aux familles […] un contrat de progrès » (JO, 20 novembre 1971, p. 6184). L’UNAF reste le principal interlocuteur au détriment du Comité du travail féminin, créé en 1971, et du ministère de la Condition féminine, créé en 1977 (Revillard, 2005). Le point de vue des associations féministes ne trouve aucun relais dans l’hémicycle, d’une part, parce que le travail féminin n’est pas leur préoccupation première (Chaperon, 2000) ; d’autre part, en raison d’un refus à se mêler de politique institutionnelle (Bereni, 2007). Il faut ajouter que, au sein même de l’Assemblée, la prise en charge de ces questions est souvent le fait de députés hommes, âgés, provinciaux, entrepreneurs ou médecins, plus fréquemment porteurs d’une vision conservatrice de la famille.

10Les débats confirment que, en matière de choix de comportements d’emploi, c’est une représentation « naturalisée » des rôles sociaux traditionnels qui s’impose. « LA » femme reste d’abord et avant tout une mère avant d’être une salariée et il faut attendre la période suivante pour que s’impose à l’Assemblée l’idée qu’hommes et femmes, pères et mères, puissent bénéficier des mêmes prestations.

1981-1997, rendre neutre les dispositifs et se convertir à la conciliation : un double objectif des politiques publiques

11Durant cette période, la situation économique et sociale se dégrade : le taux de chômage augmente et conduit à s’interroger sur la place des femmes sur le marché de l’emploi. Parallèlement, l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir permet certaines avancées en faveur du droit des femmes avec la mise en place d’un ministère chargé de cette question confié à Yvette Roudy (Jenson et Sineau, 1995). Le nombre de députées augmente très légèrement (entre 5,3 et 6 % sur les quatre législatures). Ce contexte permet l’adoption dans les années 1980 de lois visant l’égalité femmes-hommes au travail : loi de 1982 limitant les concours séparés pour les hommes et les femmes dans la fonction publique ; loi de 1982 ouvrant la profession de sage-femme aux hommes, lois de 1983 garantissant l’égalité professionnelle des hommes et des femmes.

12De leur côté, les mouvements féministes, très divisés, s’affrontent davantage sur des questions théoriques ou liées à la sexualité qu’autour des questions de conciliation (Achin et Lévêque, 2006). Délaissée par les mouvements sociaux, la question de rendre neutres des politiques familiales intéresse plutôt les experts, le féminisme d’État et le Parlement. Plusieurs textes sont adoptés sur la période, certains complétant ou aménageant les mesures initiales. L’allocation parentale d’éducation (1984) ouvre à l’un ou à l’autre parent d’au moins trois enfants une allocation finançant le retrait d’activité dans le cadre du congé parental ouvert depuis peu aux pères (par un décret de 1979). En 1986, cette allocation est étendue aux parents inactifs par l’allégement des conditions d’activité préalables. Au même moment est créée l’allocation de garde d’enfants à domicile, qui contribue à solvabiliser l’embauche d’une personne gardant les enfants au domicile des parents. En 1994, l’allocation parentale d’éducation est ouverte aux parents d’un second enfant, et elle compense (totalement ou en partie) désormais également le recours au temps partiel. Parallèlement sont revalorisées les allocations favorisant la garde individuelle des enfants [1] (AFEAMA et AGED) et est proposé un schéma directeur local pour les accueils collectifs, visant à développer le nombre de places en crèche.

13On voit donc un double mouvement, les politiques proposant à la fois des possibilités accrues d’interruption d’activité professionnelle pour un des deux parents à la naissance d’un enfant et des possibilités plus larges de confier un jeune enfant à l’extérieur du foyer. Cette période a pu être vue comme un passage d’une politique familiale à une politique de l’emploi, ouvrant notamment la possibilité aux femmes de sortir, même momentanément, du marché du travail (Fagnani et Grignon, 1997).

14À l’Assemblée nationale, les choses semblent plus complexes. Si l’argument nataliste perdure et semble faire consensus, d’autres arguments, comme le lien entre travail et fécondité, ou comme ce que doit revêtir le concept d’égalité, font l’objet d’âpres controverses.

Soutenir la natalité, un enjeu essentiel

15L’argument nataliste, dont nous avons vu en première partie qu’il détermine le rôle projeté des hommes et des femmes, reste puissant, soutenu par l’utilisation par les parlementaires des rapports de l’Institut national des études démographiques. Marc Le Fur (RPR) souligne en 1994 que « la France a perdu, en 1993, 32 700 naissances » (JO, 3 juin 1994, p. 2592), ce qui « provoquerait la subordination ou l’effacement de notre continent ». Guy Chanfrault, rapporteur PS de la loi de 1984, met en avant la menace sur la protection sociale et le souhait des familles pour justifier des mesures natalistes. Pour Simone Veil, en 1994, il reste évident que « beaucoup de femmes veulent avoir davantage d’enfants » (JO, 3 juin 1994, p. 2614). Le développement de la natalité s’impose pour beaucoup de députés comme une évidence, et ce au-delà même des clivages politiques. Pour le député RPR Jean Bardet, « il apparaît nécessaire […] de mettre en œuvre une politique ambitieuse et dynamique de la famille, […] qui permettrait à chaque couple d’avoir le nombre d’enfants désiré sans que les contraintes matérielles ou le manque de disponibilité suffisent à les décourager » (JO, 3 juin 1994, p. 2605). Tous les partis, sur cette période, souhaitent promouvoir la famille nombreuse « de façon [à ce] que les naissances d’enfants de rang trois et plus soient nettement plus nombreuses », comme le rappelle explicitement en 1986 Michèle Barzach, soutenue par le rapporteur de la loi, Bernard Debré, qui affirme explicitement que « la politique allocataire se veut résolument démographique et fait porter son action plus spécifiquement sur le troisième enfant » (JO, 19 novembre 1986, p. 6467).

16Les mesures mises en place s’inscrivent donc dans le prolongement des textes adoptés sur la période précédente (Lenoir, 2003), et ce même si dans l’hémicycle commence à s’élever des voix pour contester l’évidence du lien entre politique de conciliation et taux de fécondité.

Lien fécondité-emploi ou la conversion au libre choix, voire à la conciliation ?

17En effet, si la promotion de la natalité ne semble pas faire débat entre les parlementaires, les moyens pour y parvenir sont plus discutés. Ainsi, l’idée que la conciliation serait favorable à la natalité, qui a déjà émergé dans les instances du féminisme d’État, ne parvient qu’avec retard dans l’hémicycle. Au début de la période, la quasi-totalité des députés est en accord avec l’idée qu’une période d’interruption favorise la natalité : l’accueil, en particulier d’un troisième enfant, serait plus confortable en l’absence d’activité professionnelle, et le modèle du père qui travaille et de la mère qui reste au foyer est dominant. Suspendre ou interrompre l’activité de la mère devrait alors permettre un surcroît de naissances. La loi qui instaure en 1984 l’allocation parentale d’éducation est-elle ainsi réalisée sous un principe de conciliation successive : il est proposé un modèle où les phases d’emploi et de vie familiale se succèdent (Céroux, 2011). C’est l’idée que défend par exemple Marie-France Lecuir, députée socialiste, en 1984, lorsqu’elle affirme que « la naissance d’un troisième enfant avec arrêt d’activité, ainsi indemnisée, peut donc être véritablement choisie par de nombreux couples. C’est ce que nous souhaitons » (JO, 5 décembre 1984, p. 6648).

18Mais peu à peu se crée une tendance plus favorable à l’activité féminine (Commaille et al., 2002). Ainsi, alors que l’extension de l’APE aux femmes inactives pouvait apparaître comme un simple prolongement de la loi précédente, le Parti socialiste la refuse, au motif que cette extension exclurait définitivement les femmes du marché du travail. Il s’agit de se démarquer de l’idée d’un « salaire maternel » que soutiennent les trente députés d’extrême droite qui siègent alors à l’Assemblée. Alors que la loi de 1986 est présentée par le RPR comme « équilibrée », comprenant un volet pour celles qui souhaitent interrompre leur activité et un volet pour celles qui souhaitent la poursuivre, elle est ainsi combattue à la fois par l’extrême droite, qui déplore une insuffisance dans les moyens mis en œuvre pour soutenir le modèle familial traditionnel, et par la gauche, qui estime que cette mesure sera inefficace. Au fur et à mesure de la période, le débat s’installe sur ce qui favorisera les naissances, inactivité ou activité. Pour certains, comme le député UDF Jean-Paul Fuchs, il faut pour « favoriser la naissance du troisième enfant […] que soit enfin reconnu comme bon et valable le travail du parent qui reste au foyer pour se consacrer à l’exercice de ses responsabilités éducatives […] suite à la période de maternage » (JO, 19 novembre 1986, p. 6502). Pour d’autres, au contraire, comme la députée PS Ghislaine Toutain, c’est en permettant « aux femmes à la fois de poursuivre une activité professionnelle et d’avoir des enfants – et je dirai trois enfants, puisque c’est le troisième qui pose actuellement problème – qu’on aura le plus de chance de redresser à terme la démographie dans ce pays » (ibid.).

19Ce débat trouve une issue consensuelle dans le principe du libre choix qui devient – quelle que soit son effectivité – l’argument défendu à droite comme à gauche. Pour Simone Veil, en 1994, par exemple, il s’agit de faciliter « la pluralité des choix sans les rendre irréversibles » (JO, 3 juin 1984, p. 2614). Pour Martine Frachon, il faut dès 1986 « dire haut et fort que le choix de chacune [des femmes] est respecté, et que nul ne saurait les juger, les condamner ou les féliciter. C’est à cette condition que les familles reprendront confiance en l’avenir et souhaiteront des enfants plus nombreux » (JO, 19 novembre 1986, p. 6471).

20La dernière mandature voit la conversion progressive à la conciliation, établissant un lien positif entre l’activité féminine et le taux de fécondité. Des arguments féministes pointent, et Ségolène Royal défend ainsi le modèle nordique, égalitaire et prolifique : « À y regarder de près, ce dispositif [des pays du Nord] s’est appuyé sur trois valeurs féminines modernes. La première, c’est la défense du droit au travail […], la deuxième […], c’est la reconnaissance des droits de l’enfant […], la troisième, le partage des tâches. » Au final, pour la ministre, « ce serait à la fois bon pour l’emploi, bon pour la démographie, bon pour les droits des femmes, et peut-être même, au bout du compte, même si là la loi n’a rien à faire, bon pour le bonheur familial » (JO, 3 juin 1994, p. 2583).

Déplacer le débat sur l’égalité du terrain du genre à celui des revenus

21Malgré cette prise de position ministérielle, l’égalité femmes-hommes n’est pas au centre des débats. Certes, les termes des lois sont désormais neutralisés, utilisant le mot parents et non plus mère, mais le « réalisme » continue à faire des femmes et des mères les principales bénéficiaires des dispositifs. C’est cette tension qu’illustrent les propos de Jean Natiez en 1984 : « Vive l’égalité des sexes ! Mais la réalité est tout autre. Les salaires plus bas versés aux femmes, les relations de type patriarcal fréquentes dans la famille et la conception dominante d’une éducation maternelle du jeune enfant font que cette allocation sera rarement versée à un homme » (JO, 5 décembre 1984, p. 6631). Les pères, qui sont extrêmement peu cités, ne seraient en effet pas encore prêts à ce partage. C’est à ce titre que Simone Veil repousse l’idée qu’une partie du congé parental soit obligatoirement prise par les pères : « Cela aurait suscité pas mal d’étonnement. D’ailleurs, il aurait été douteux que tous les pères consacrent ce laps de temps à l’éducation de leur enfant. » Elle propose alors « laisser faire le temps » (JO, 3 juin 1984, p. 2614).

22La période s’ouvre pourtant par un souhait, de la part du gouvernement socialiste alors en place, de favoriser l’égalité par une politique volontariste. Ainsi le gouvernement, porteur de la loi de 1984 créant l’allocation parentale d’éducation, insiste sur la possibilité pour les deux parents de s’interrompre, espérant qu’elle incite la population à un partage plus égalitaire des tâches parentales. C’est notamment l’idée que défend Marie-France Lecuir, députée socialiste, en 1984 : « Le congé et l’allocation d’éducation parentale peuvent être obtenus soit par la mère, soit par le père, soit par les deux, chacun à mi-temps, soit par les deux, successivement un an chacun. Pour une fois, le législateur est en avance sur la pratique et sur les mentalités. Nous nous honorons de contribuer à cette avance, persuadés qu’un meilleur partage des tâches ménagères et des responsabilités éducatives entre père et mère est plus épanouissant pour le couple et pour l’enfant » (JO, 5 décembre 1984, p. 6648).

23Mais ce souhait disparaît dans les mandatures suivantes. Ce modèle égalitaire reste fragile et il ne s’agit en aucun cas de contredire « la réalité » de la division sexuelle des rôles maternels. C’est ce qu’exprime le député RPR M. Jean-Louis Goasduff lorsqu’il s’exclame : « N’inversons pas les rôles ! » (JO, 5 décembre 1984, p. 6641.) C’est aussi cette représentation des femmes « comme mères » que défend René André en 1984 : « Nous vivons dans une société où, jusqu’à présent […], ce sont les femmes qui élèvent les enfants. Personnellement, si les hommes veulent les élever, je n’y vois aucun inconvénient » (JO, 5 décembre 1984, p. 6641). Cette vision naturalisée des rôles sociaux transparaît dans le vocabulaire usité par les interlocuteurs en présence et renvoie à des clivages politiques. Au FN, en 1986, Christian Baeckeroot évoque la « préférence pour la maternité, car la mère est irremplaçable » (JO, 19 novembre 1986, p. 6485), tandis qu’au RPR, en la personne de Bernard Debré, on préférera parler de la situation des femmes : « La venue du troisième enfant oblige beaucoup de femmes à choisir entre leur travail et leur foyer » (JO, 19 novembre 1986, p. 6482). Pour de nombreux députés, les situations des pères et des mères, des hommes et des femmes ne sont sans aucun doute pas équivalentes. C’est ce que traduit l’absence de parallélisme dans les termes qu’emploie le député UDF Jacques Blanc en 1994 qui propose de laisser « à la mère de famille ou au conjoint le choix de travailler ou non, de travailler à temps partiel ou à temps complet » (JO, 3 juin 1994, p. 2578).

24Toutefois, y compris sous la justification des souhaits des femmes, la diversité règne. Si tous les partis défendent la liberté féminine, cette liberté est très souvent celle des femmes à s’occuper de leur enfant. Comme à la période précédente, le travail est donc décrit comme une aliénation que les politiques publiques sont censées rendre plus acceptable. Le travail salarié n’est toujours pas émancipateur et la « libération » passe, y compris pour les élu(e)s socialistes, par le foyer. C’est ce que défend par exemple Marie-France Lecuir, députée socialiste, en 1994 : « La libération, pour bien des ouvrières, a été de pouvoir rester au foyer » (JO, 5 décembre 1984, p. 6648). Argument qui est aussi développé dès 1984 à droite de l’hémicycle par René André : « Certains travaux sont parfaitement valorisants mais de nombreuses femmes, si elles avaient le choix, préféreraient rester chez elles et élever leurs enfants pour leur apporter tout ce qu’elles souhaitent : mais elles ne le peuvent pas parce qu’elles sont obligées de travailler » (JO, 5 décembre 1984, p. 6648), ou Jean Bardet lors de la discussion étendant l’APE en 1994 : « Le désir des mères est d’élever elles-mêmes leurs enfants, les solutions d’accueil individuel ou collectif n’étant souvent qu’un pis-aller » (JO, 3 juin 1994, p. 2605).

25Le retour au foyer ne peut donc être vécu que positivement, ce que défend, en 1986, la députée FN Yann Piat : « Comment avez-vous pu, Madame le ministre chargé de la famille, apposer votre signature en bas d’un projet de loi qui pénalise et culpabilise même les mères de famille françaises qui ont choisi de donner à la France les enfants dont elle a tant besoin, plutôt que d’exercer, même momentanément, une profession ? » (JO, 19 novembre 1986, p. 6485.)

26Si la liberté des femmes se décline principalement autour de la liberté de la mère de famille, la liberté de la salariée ou de la travailleuse commence cependant à émerger. Tous les partis se convertissent à l’idée que la vie professionnelle puisse être un droit des femmes. C’est ce que résume l’intervention de Martine Frachon, députée socialiste, en 1984 : « Aujourd’hui, nombre de femmes ne se satisfont plus uniquement du rôle de mère de famille. Elles aspirent au travail parce qu’il procure l’indépendance financière, l’ouverture sur le monde extérieur, la valorisation des qualités personnelles. […] le droit au travail est un droit inaliénable, sans distinction de sexe » (JO, 5 décembre 1984, p. 6630). Un débat savoureux entre Christiane Papon, députée RPR, et Réné Drouin, député socialiste, oppose en 1986, sans possibilité de réconciliation des points de vue, ces deux visions.

27Christiane Papon : « Désormais, et c’est une réalité incontournable, la majorité des jeunes couples souhaite que l’un des parents – la femme en général – puisse interrompre temporairement son activité professionnelle pour assurer l’éducation des jeunes enfants…

28René Drouin  : Ce n’est pas vrai ! C’est vous qui le dites.

29Christiane Papon : C’est vrai monsieur ! Toutes les statistiques l’indiquent !

30Ghislaine Toutain : C’était vrai il y a cinquante ans : cela n’est plus vrai maintenant !

31René Drouin : Vous datez ! C’est de l’archaïsme ! » (JO, 19 novembre 1986, p. 6492.)

32Si la question de l’égalité avec les hommes reste peu débattue, c’est celle de l’égalité entre les femmes qui est posée. Il ne s’agit d’aller à l’encontre des rôles conjugaux, mais de se concentrer sur les inégalités sociales. Sont ainsi mises en avant les différences de traitement entre les femmes qui font le choix de ne pas travailler et celles qui font le choix d’interrompre momentanément leur activité, mais aussi entre les couples mariés et non mariés (généralement pour déplorer qu’on défavorise les couples mariés). C’est ce qu’affirme de manière assez radicale Hélène Missoffe, députée RPR, en 1984 : « L’allocation parentale est discriminatoire. En effet, c’est la première prestation qui est servie en fonction d’un contrat de travail » (JO, 5 décembre 1984, p. 6628). C’est cet argument central qui sera utilisé pour justifier l’assouplissement des conditions d’éligibilité à l’APE proposé en 1986.

33Sur ces mêmes lois qui comprennent deux volets – un à destination des parents qui gardent eux-mêmes leur enfant et un à destination de ceux qui les confient à d’autres intervenants – sera aussi utilisé l’argument de la dualisation des femmes, entre celles qui ont un bas salaire et qui choisiront l’interruption et les plus aisées qui recourront à une garde à domicile. Martine Frachon, députée PS, discute ainsi du bien-fondé de la loi de 1986 : « Les mesures que vous proposez sont injustes […]. Vous avantagez les familles qui ont des revenus assez élevés, alors que vous savez bien que la valeur ajoutée du travail extérieur de la femme ouvrière ou employée reste faible. Les mères au foyer devraient-elles être prioritairement des femmes d’ouvrier ? » (JO, 19 novembre 1986, p. 6470.)

34Si liberté et égalité sont discutées comme finalités, l’argument principal de l’efficacité de ces politiques reste celui de la natalité. Il s’agira alors de mesurer l’influence de l’activité féminine sur le taux de fécondité. Peu à peu, au-delà des positions partisanes, les arguments pro-travail féminin prennent de l’ampleur jusqu’à être majoritaires. L’Assemblée passe, quoique avec retard sur les mouvements féministes, d’un modèle de non-conciliation à un modèle de conciliation successive, fréquent encore aujourd’hui dans de nombreux pays, puis à un modèle de liberté de choix (qui comprend la liberté de ne pas travailler).

35Le mouvement progressif d’un accroissement des possibilités de retrait ponctuel du marché du travail est donc fondé sur un faux consensus, car elles peuvent être interprétées comme un mode de conciliation (successif) ou un appel à la société traditionnelle (femme inactive). La période qui s’ouvre en 1999 tentera de résoudre ce dilemme dans un contexte où l’égalité femmes-hommes s’inscrit dans de nombreux domaines sur l’agenda des politiques et des parlementaires.

1999-2007, des politiques pour les hommes et les femmes qui limitent la spécialisation des rôles

36La période qui s’ouvre à la fin des années 1990 s’inscrit dans un contexte économique, social et politique transformé. Sur un plan politique, la fin des années 1990 marque une politisation des questions sexuelles (Fabre et Fassin, 2003), dans un contexte où se discute la loi sur la parité en politique adoptée en juin 2000, sur laquelle s’affrontent des féministes de différentes tendances (Lépinard, 2007 ; Achin, 2005a). En 1999 est aussi adoptée la loi instituant le PACS, marquant un premier accroc au modèle de la famille hétérosexuelle, limité par l’impossibilité de la filiation. Ces discussions ouvrent une brèche sur d’autres questions liées au corps, à la sexualité et à l’intimité, tels le harcèlement, les violences faites aux femmes, le voile, la prostitution ou le viol, autant de questions inscrites sur l’agenda politique. En parallèle, le féminisme d’État – avec la création de l’Observatoire de la parité en 1995 [2] – se renforce, tout comme la place des femmes au Parlement après 2002. Sont créées des délégations parlementaires prenant en charge la question de l’égalité entre hommes et femmes [3]. Cette prise en compte des conséquences des dispositifs légaux sur la répartition sexuée des rôles va peser sur les débats parlementaires auxquels participent à la fin de la période près de 20 % de députées.

37Sur un plan social, le taux de divortialité augmente, faisant passer le nombre de familles monoparentales à 20,6 % des familles en 2008. Concernant le travail, le taux de chômage décroît durant cette période et le taux d’activité féminin continue à progresser. Les lois Aubry instaurent les 35 heures, en professant l’idée, d’une part, d’un partage du travail qui permettrait une meilleure redistribution d’emplois devenus trop rares et, d’autre part, d’un meilleur équilibre de vie, notamment entre la vie professionnelle et la vie familiale, pour les salariés (Bruhnes et al., 2001). Sur la politique familiale enfin, le déficit chronique de la sécurité sociale ainsi qu’un accroissement des besoins d’évaluation des politiques conduisent à des réformes structurelles d’importance, telles les ordonnances Juppé de 1996 sur les lois de financement de la sécurité sociale qui accueilleront désormais les réformes de politiques familiales. Cette nouvelle configuration emporte de nombreuses conséquences. Tout d’abord, sur les orateurs : un sujet plus vaste, et plus financier, attire manifestement une plus grande part d’orateurs masculins. Ensuite, le fait que tous les sujets de protection sociale soient désormais évoqués ensemble limite l’importance des débats sur la famille et les modèle familiaux stricto sensu : ainsi, ce seront les équilibres financiers qui seront discutés plus au fond que les modèles conjugaux. Ce que résume la formule lapidaire de Claude Évin en 2003 : « Mais la plus grande interrogation concernant ce plan est de savoir s’il est réellement financé » (JO, 29 octobre 2003, p. 9568).

38Deux lois majeures réintroduisent des questionnements sur les modèles familiaux : le congé de paternité en 2001 permet aux pères de suspendre durant onze jours leur contrat de travail, sur un mode strictement parallèle au congé maternité ; la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) en 2003, constituée d’un socle délivré à la quasi-totalité des parents [4] et d’un complément permettant de financer soit un retrait total ou partiel d’activité, soit un mode d’accueil individuel.

39À ce moment, pour la première fois depuis le début de la Ve République, les préoccupations natalistes ne paraissent plus fondamentales. Pour les démographes, la France est désormais « bien placée » dans les comparaisons internationales, ce qui est interprété par certains députés comme le résultat des politiques publiques menées jusqu’alors. C’est ce que rappelle en préalable la rapporteure de la loi, Marie-Françoise Clergeau, en 2001 : « Cette politique familiale s’inscrit dans un contexte de reprise de la natalité, auquel les mesures prises depuis 1997 ne sont pas étrangères […]. Nous trouvons en tout cas dans ces chiffres un début de récompense à notre volonté de faire en sorte que des éléments matériels ne constituent plus un obstacle à l’arrivée d’un bébé par ailleurs tellement désiré. » Vision que partage Ségoléne Royal, ministre déléguée à la Famille, à l’Enfance et aux Personnes handicapées : « Ce débat survient en un moment heureux, puisque la France est le premier pays d’Europe pour les naissances et fournit à elle seule les deux tiers du croît naturel en Europe, avec un taux de fécondité parmi les plus élevés. Cela résulte aussi, pour partie, de la politique familiale » (JO, 26 septembre 2001, p. 6693). Les débats concernant le rapport au travail et l’égalité entre les sexes peuvent alors emprunter d’autres arguments que le nombre d’enfants.

La conversion à l’économie : l’acceptation et la valorisation du travail féminin

40La place des femmes sur le marché du travail n’est plus contestée. Au-delà du concept de libre choix, le travail des femmes, y compris des mères de jeunes enfants, est perçu comme « positif », comme le signale le député de droite Bernard Perrut : « Actuellement, en effet, 80 % des mères de famille exercent une activité professionnelle tout en ayant des enfants. Leur mérite consiste à œuvrer pour le renouvellement des générations et de participer, par leur travail, au financement de la réforme des retraites. Le gouvernement et notre majorité sont donc bien en phase quant à la place des femmes dans notre société » (JO, 29 octobre 2003, p. 9604).

41Le concept de conciliation et celui de la liberté de choix sont désormais acquis et les besoins identifiés sont des besoins en modes d’accueil extérieur que réclament les parents mobilisés dans le débat. Christian Jacob, ministre délégué à la Famille, présente ainsi la PAJE en 2003 : « L’instauration de cette prestation répond à la volonté du gouvernement d’améliorer très sensiblement l’aide apportée aux parents de jeunes enfants pour concilier leur vie familiale et professionnelle » (JO, 29 octobre 2003, p. 9540).

42Dans un contexte de chômage décroissant, c’est l’argument économique qui prime pour expliquer la conversion à l’activité féminine : la productivité des entreprises peut être favorisée par l’accès de femmes désormais autant diplômées que les hommes. Le débat se déplace alors du côté de la compétitivité des entreprises et non plus du côté de l’égalité, comme le rappelle Bernard Accoyer en 2001 : « Par ailleurs, on peut s’inquiéter de la désorganisation des entreprises qui risque de résulter de la combinaison de la RTT et de la création des congés de paternité, surtout dans la situation économique actuelle. » Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la Famille, évoque également cet argument économique : « Il [le congé de paternité] devra être pris en une fois dans les quatre mois suivant la naissance, afin de ne pas trop gêner le fonctionnement de l’entreprise » (JO, 26 octobre 2001, p. 6692).

43Dans cette optique, et afin de limiter les retraits du marché du travail des femmes, la loi de 2003 favorise le temps partiel plutôt que le retrait total du marché du travail. Le temps partiel n’est plus conçu comme un moyen de diminuer le temps de travail des femmes pour en accorder davantage à leur enfant mais comme un moyen de conserver une activité professionnelle, et donc en quelque sorte d’augmenter le temps de travail des femmes. C’est l’idée que défend Christian Jacob, ministre délégué à la Famille, en 2003, présentant ainsi le projet de la PAJE : « Le gouvernement a souhaité mettre en œuvre des modalités […] les plus favorables possible au maintien d’une activité à temps partiel pendant la durée du congé parental. » Plus tard, il insiste : « Ainsi, 25 % des femmes qui prennent actuellement un congé parental rémunéré sont au chômage. Quelques années après ce congé parental, 50 % d’entre elles sont sans emploi. Il convient donc de veiller à maintenir un lien avec l’activité professionnelle, sinon le congé parental peut se transformer en trappe à chômage. […] C’est la raison pour laquelle nous avons, d’une part, augmenté de 15 % la rémunération des cessations d’activité à temps partiel et, d’autre part, mis en place un congé parental rémunéré dès le premier enfant » (JO, 29 octobre 2003, p. 9550).

44À l’encontre de ce discours, comme nous le verrons ultérieurement, est déployé un argumentaire sur les inégalités ainsi créées entre les salariés.

L’égalité des sexes au centre des débats

45Après la période de neutralisation des termes de la loi, on assiste sur la dernière période à une re-sexualisation de ces termes, c’est-à-dire à un argumentaire fondé sur l’égalité des sexes : ne pas être égalitariste n’est plus audible, ce que mesurera Christian Jacob qui, en 2003, se fera traiter de « macho » par la députée socialiste Paulette Ginchard-Kunstler : « Quel macho, ce ministre ! » ou par Marie-Françoise Clergeau : « Je considère qu’il a tenu des propos machistes » (JO, 30 octobre 2003, p. 9660).

46Le vocabulaire utilisé montre bien ce retournement de tendance : le terme de « mères de famille » a quasiment disparu et est remplacé par celui de « femmes ». « Les pères et mères » ou « les parents » sont utilisés pour décrire la vie quotidienne. Et la possibilité de conciliation est désormais accordée dans les discours parlementaires « aux femmes et aux hommes » afin de « permettre à chaque couple de développer librement son projet parental », comme le rappelle Claude Gaillard (JO, 29 octobre 2003, p. 9558).

47Les lois deviennent plus incitatives au maintien des femmes sur le marché du travail, y compris à temps partiel ; la promotion d’un nouveau rôle paternel, plus impliqué, affleure lors de l’adoption du congé de paternité en 2001 et la coparentalité est reconnue par la loi de 2002. Le modèle du « papa poule » qui envahit les unes des magazines fait son entrée dans l’hémicycle ou les députés hommes et femmes se félicitent de son arrivée, comme le rappelle Marie-Françoise Clergeau : « L’accueil enthousiaste réservé à cette mesure montre que cette reconnaissance concrète du rôle du père est en harmonie avec l’évolution des mentalités » (JO, 24 octobre 2001, p. 6461). C’est le cas, à gauche, de la députée médecin Hélène Mignon, qui rappelle : « En France, les pères ne s’occuperaient de leurs enfants que trente-sept minutes par jour, alors qu’en Suède ils leur consacrent une heure. Heureusement, la réduction du temps de travail semble modifier nos habitudes. Les jeunes pères ont tendance à consacrer plus de temps à leur enfant. Le congé de paternité s’inscrit dans cette évolution. Il va conforter la place du père dans le couple » (JO, 25 octobre 2001, p. 6527), ou encore pour Claude Billard, communiste : « La responsabilité parentale partagée, c’est un grand enjeu pour la société de demain » (JO, 26 octobre 2001, p. 6693).

48L’objectif d’égalité entre les sexes étant désormais incontestable, les débats se déplacent sur le terrain des inégalités sociales ; l’UMP Patrick Delnatte souligne ainsi : « Cette mesure généreuse sera malheureusement source d’inégalités. Alors que les fonctionnaires verront leur traitement intégralement maintenu, les salariés ne percevront que 80,2 % du leur, dans la limite du plafond de la sécurité sociale : ce sera à l’entreprise de contribuer, si elle le veut et si elle le peut, à la politique familiale. Quant aux non-salariés, leur indemnité journalière sera fixée forfaitairement à 1/60 du plafond » (JO, 25 octobre 2001, p. 6527).

49De la même manière, si l’inclusion professionnelle des femmes est désormais actée, les critiques portent sur les inégalités créées entre les femmes qui choisiront de travailler à temps complet en payant un mode de garde, celles qui choisiront le temps partiel et risqueront d’accroître leur précarité sur le marché du travail, et celles, enfin, pour qui le congé parental est financièrement incitatif et qui se retireront du marché de l’emploi. C’est ce qu’explicite Marie-Françoise Clergeau au moment du débat sur la PAJE : « Et si les femmes qualifiées peuvent plus facilement concilier vie familiale et vie professionnelle, les femmes peu qualifiées n’ont, là encore, pas réellement le choix. De fait, le retour au foyer est souvent pour ces dernières la seule possibilité » (JO, 31 octobre 2003, p. 9848). Ce sont aussi des arguments qu’avance la députée communiste Muguette Jacquaint à l’encontre du temps partiel : « Je voudrais revenir sur l’idée du libre choix. […] reconnaissez qu’encourager le travail à temps partiel, cela revient – hélas ! – à encourager la précarité. Ne prétendez pas que vous faites un cadeau aux femmes ! […] Vous prétendez que les femmes auront, grâce à ce dispositif, un pied dans l’entreprise et qu’il leur sera plus facile de reprendre ensuite une activité à temps plein. Mais beaucoup de femmes que nous interrogeons nous expliquent, au contraire, que le fait d’avoir un travail à temps partiel rend plus difficile la possibilité de bénéficier d’une formation continue et d’un déroulement de carrière comparable à celui d’une salariée à temps plein » (JO, 31 octobre 2003, p. 9848).

50Ce débat sur les inégalités s’insère dans deux visions de la politique familiale : une politique visant à favoriser les familles (notamment nombreuses) et une politique visant à limiter les inégalités.

Conclusion

51L’analyse des débats parlementaires sur toute la période de la Ve République, celle des lois concernant l’équilibre travail-vie de famille des jeunes parents, apportent quelques éléments complémentaires sur le rapport entre la politique familiale et l’égalité femmes-hommes. Ces lois semblent, lorsqu’elles sont a posteriori analysées, cohérentes : on y voit la croissance, sur la période, des possibilités pour les jeunes parents de suspendre ou de réduire leur activité professionnelle. Les débats donnent une image plus contrastée de cette cohérence et l’on note qu’ils reposent au contraire sur des valeurs divergentes, qui trouvent ponctuellement des voies consensuelles. Ainsi, les concepts sur lesquels les députés semblent s’entendre : liberté, temps partiel, natalité, économie, recouvrent souvent des valeurs fondamentalement différentes entre les divers camps politiques, et parfois en leur sein. La liberté pour les femmes peut ainsi être perçue comme conserver un emploi ou s’occuper de son enfant ; le temps partiel peut être vu comme un moyen de conciliation – et donc de conserver un emploi – ou de domination – en favorisant la précarité et le plafond de verre ; la natalité être le reflet d’une grandeur recherchée de la France ou l’adaptation à des souhaits individuels ; le bien de l’économie peut exiger de limiter l’accès des femmes à l’emploi, créateur de chômage, ou au contraire de le favoriser, car il est vecteur de croissance (Méda et Périvier, 2007). Ainsi des objectifs différents peuvent-ils être formulés dans les débats parlementaires par un vocabulaire identique.

52Secondairement, l’analyse montre un décalage temporel entre les débats associatifs, sociaux et administratifs (via le féminisme d’État, les travaux des corps de contrôle) et parlementaires. La question de l’internationalisation du care ou de l’exploitation de certaines femmes par d’autres (Ibos, 2012), aujourd’hui discutée dans le champ scientifique, n’est pas, sur la période, débattue en tant que tel dans l’espace politique.

53Ainsi, et alors que les combats féministes existent depuis les débuts de la période étudiée, le concept d’égalité entre les hommes et les femmes n’est pris en compte explicitement en tant qu’objectif de la politique que depuis 2000. Avant 1981, la question n’est pas posée en ces termes, tant le modèle de spécialisation sexuée est prégnant. Au cours des années 1980 et 1990, l’idée que le fait de gommer la dimension sexuée des politiques créera de l’égalité domine. Depuis 2000, une prise en compte du sexe dans les débats, autour du concept d’égalité, a permis des mesures affichant ouvertement cet objectif. Il ne faut toutefois pas être dupe des arguments échangés dans l’hémicycle ; comme le souligne Marie-Thérèse Lanquetin (2011), cet objectif nouveau se greffe sur le socle inégalitaire de la politique familiale.

Notes

  • [*]
    Delphine Chauffaut, responsable du Département d’animation de la recherche à la Caisse nationale d’allocations familiales au moment de la rédaction de l’article.
  • [**]
    Sandrine Lévêque, maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris 1 et chercheure au Centre de recherches politiques de la Sorbonne.
  • [1]
    Notons que ces revalorisations s’inscrivent également dans une politique d’emploi pour favoriser ces métiers ou leur régularisation.
  • [2]
    L’Observatoire de la parité est créé par le décret n° 95-1114 du 18 octobre 1995. Ce décret sera modifié par le décret n° 98-922 du 14 octobre 1998.
  • [3]
    La loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 a créé au Sénat et à l’Assemblée nationale des délégations parlementaires aux droits des femmes, à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ces délégations seront notamment à l’origine de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
  • [4]
    Le socle est sous condition de ressources élevée, couvrant aux alentours de 80 % de la population.
Français

Résumé

Reposant sur l’analyse des débats parlementaires des lois portant sur le rapport travail-famille depuis les débuts de la Ve République, l’article étudie les représentations des rôles sexués à l’Assemblée nationale. Trois périodes sont délimitées. Lors de la première, qui s’étend jusqu’en 1981, la principale visée de la politique familiale est familialiste et nataliste ; ce point de vue légitime la division sexuelle des tâches et interdit de penser l’égalité : le modèle de M. Gagne-Pain est à son apogée. C’est lors de la deuxième période, de 1981 à 1997, qu’émerge progressivement le concept de conciliation, toujours sous un objectif central de soutien à la natalité, désormais lié à l’activité féminine par un retournement de paradigme. Les politiques sont formellement neutralisées, mais restent dans les faits destinées majoritairement à l’un ou l’autre sexe. Ce constat entraîne, lors de la troisième période (1997-2007), une prise en compte des rapports sociaux de sexe par la loi, qui poursuit désormais des objectifs explicites d’égalité femmes-hommes.

Références bibliographiques

  • En ligneAchin C. (2005a), « “Représentation miroir” vs parité : les débats parlementaires relatifs à la parité revus à la lumière des théories politiques de la représentation », Droit et Société, n° 47.
  • Achin C. (2005b), « Le mystère de la chambre basse. » Comparaison des processus d’entrée des femmes au Parlement, France-Allemagne, 1945-2000, Paris, Dalloz.
  • En ligneAchin C., Lévêque S. (2006), Femmes en politique, Paris, La Découverte.
  • Bereni L. (2007), De la cause à la loi. Les mobilisations pour la parité politique en France (1992-2000), thèse de doctorat en science politique, université Paris 1, 539 p.
  • Bourdieu P. (1998), La domination masculine, Paris, Le Seuil.
  • Brunhes B., Clerc D., Méda D., Perret B. (2001), 35 heures : le temps du bilan, Paris, Desclée de Brouwer.
  • En ligneCéroux B. (2011), « Politiques de conciliation et prestations familiales », Politiques sociales et familiales, n° 103, mars.
  • Chaperon S. (2000), Les années Beauvoir. 1945-1970, Paris, Fayard.
  • Chauvière M., Sassier M., Bouquet B., Allard R., Ribes B. (2000), Les implicites de la politique familiale. Approches historiques, juridiques et politiques, Paris, Dunod.
  • En ligneCommaille J. (2001), « Les injonctions contradictoires des politiques publiques à l’égard des femmes », in Laufer J., Marry C., Maruani M., Masculin-féminin : questions pour les sciences de l’homme, Paris, PUF.
  • Commaille J., Strobel P., Villac M. (2002), La politique de la famille, Paris, La Découverte, coll. « Repères ».
  • Fabre C., Fassin E. (2003), Liberté, égalité, sexualité, actualité politique des questions sexuelles, Paris, Belfond.
  • Fagnani J., Grignon M. (1997), « La politique familiale en France depuis les années 80 : des préoccupations natalistes aux politiques de l’emploi », in Ronsin F., Le Bras H., Zucker-Rouvillois E., Démographie et politique, Dijon, Éditions universitaire de Dijon.
  • Heinen J. (2004), « Genre et politique familiale », in Bard C., Baudelot C., Mossuz-Lavau J., Quand les femmes s’en mêlent. Genre et pouvoir, Paris, La Martinière.
  • Ibos C. (2012), Qui gardera nos enfants ?, Paris, Flammarion.
  • Jenson J., Sineau M. (1995), Mitterrand et les Françaises. Un rendez-vous manqué, Paris, Presses de Sciences Po.
  • En ligneLanquetin M.-T. (2011), « La philosophie des dispositifs de politique familiale et leur incidence sur les retraites », Retraite et Société, 61.
  • Lenoir R. (2003), Généalogie de la morale familiale, Paris, Le Seuil, coll. « Liber ».
  • Lépinard E. (2007), L’égalité introuvable. La parité, les féministes et la République, Paris, Presses de Sciences Po.
  • Méda D., Périvier H. (2007), Le deuxième âge de l’émancipation, Paris, Le Seuil, coll. « La République des idées ».
  • En ligneMinonzio J., Vallat J.-P (2006), « L’Union nationale des associations familiales et les politiques familiales. Crises et transformations de la représentation des intérêts familiaux en France », Revue française de science politique, 2.
  • Picq F. (1993), Libération des femmes. Les années-mouvement, Paris, Le Seuil.
  • Rennes J. (2007), Le mérite et la nature. Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige, 1880-1940, Paris, Fayard.
  • Revillard A. (2005), « Le genre des politiques sociales : revue de la littérature », Melissa : http://www.melissa.ens-cachan.fr/IMG/pdf/le_genre_des_politiques_sociales.pdf
  • En ligneRevillard A. (2006), « La conciliation travail-famille : un enjeu complexe pour le féminisme d’État », Recherches et Prévisions, 85 : 17-27.
  • En ligneRevillard A. (2007), « Défendre la cause des femmes au ministère du Travail : le Comité du travail féminin », Travail et Emploi, n° 110, p. 91-102.
  • En ligneRevillard A. (2009), « L’expertise critique, force d’une institution faible ? Le Comité du travail féminin et la genèse d’une politique d’égalité professionnelle en France (1965-1983) », Revue française de science politique, 59 (2) : 279-300.
  • Riot-Sarcey M. (2002), Histoire du féminisme, Paris, La Découverte.
Delphine Chauffaut [*]
  • [*]
    Delphine Chauffaut, responsable du Département d’animation de la recherche à la Caisse nationale d’allocations familiales au moment de la rédaction de l’article.
Sandrine Lévêque [**]
  • [**]
    Sandrine Lévêque, maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris 1 et chercheure au Centre de recherches politiques de la Sorbonne.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/01/2013
https://doi.org/10.3917/rfas.122.0012
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...