CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1En France, l’action sociale intercommunale est possible depuis plus d’un demi-siècle. Dès 1953, le décret-loi qui organise la fusion des bureaux d’assistance et des bureaux de bienfaisance pour en faire des bureaux d’aide sociale [1] autorise la création de bureaux intercommunaux qui deviendront, en 1986, des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS). Pour autant et alors que les coopérations entre les communes se sont considérablement renforcées, au point qu’actuellement la quasi-totalité du territoire est maillée d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l’action sociale dépend toujours et très majoritairement des communes (Kerrouche, 2005). Autrement dit, l’action sociale est une compétence qui reste marginalement transférée aux EPCI (Hommage, 2007). Le nombre de CIAS permet de mesurer au mieux cette tendance, puisque l’existence d’une structure de ce type marque localement une volonté politique forte d’intégrer l’action sociale à l’échelon communautaire. Alors qu’au 1er janvier 2011 il existe en France 2 599 EPCI, on ne dénombre que 347 CIAS, soit un peu plus de 10 % des EPCI existants. Plusieurs constats invitent cependant à relativiser ces données brutes.

2Dans son acceptation la plus large, l’action sociale renvoie aux missions exercées auprès des personnes âgées, des enfants et des adolescents, des personnes handicapées et enfin des personnes en difficultés sociales (Portier, 2009). Or ces différents champs d’intervention ne mobilisent pas de manière identique l’ensemble des communes françaises. En 2002, un peu moins de 20 % des communes comprises entre 100 et 5 000 habitants ne menaient aucune politique sociale alors que les villes intervenaient sur toutes les dimensions de ce secteur (Dutheil, 2003, 2004). Lorsque les municipalités agissent dans ce domaine, elles orientent prioritairement leur politique, quelle que soit la taille de la commune, sur des projets en direction des personnes âgées [2]. Les deux actions le plus souvent proposées sont le portage de repas et les services d’aide ménagère avec en plus, pour les plus grandes collectivités, la gestion de structures collectives (maison de retraites, logement-foyer…). Viennent ensuite les actions en faveur des enfants qui concernent principalement la gestion de structures d’accueil collectif (crèches, haltes-garderies, centres de loisir…) [3]. Enfin, s’agissant des actions destinées aux personnes en difficulté, les orientations dominantes en la matière relèvent des politiques d’apurement des impayés, d’attributions de prêts ou bien encore d’aides au logement (attribution de logements sociaux, logements d’urgence…) [4]. La taille de la commune détermine donc en grande partie l’investissement des municipalités en matière d’action sociale mais aussi ses formes d’organisation. Une très grande majorité de communes françaises ne dispose pas d’un centre communal d’action sociale (CCAS) alors que, conformément aux dispositions en vigueur, ce type de structure est obligatoire dans toutes les communes [5]. À la fin des années 2000, un peu plus de 7 000 CCAS étaient réellement constitués, c’est-à-dire dotés d’un conseil d’administration [6]. Dans la plupart des très petites communes, l’impossibilité de constituer un tel conseil amène les élus à opter pour une version minimale, c’est-à-dire la simple inscription d’une ligne CCAS au budget communal. L’activité est certes officiellement identifiée mais sans être réellement structurée. En général, le repas des aînés en fin d’année devient le symbole d’une action sociale réduite au minimum. Sur cette base budgétaire, environ 23 000 communes [7] peuvent déclarer disposer d’un CCAS. Les quelques milliers de communes restantes n’ont ni CCAS constitué ni ligne budgétaire particulière. Si ces données conduisent à relativiser l’engagement des communes dans l’action sociale, des centaines de CCAS font à l’inverse office, dans les faits, de quasi-centres intercommunaux. Dans de nombreux territoires à dominante rurale, la commune centre est bien souvent la seule à disposer d’un CCAS opérationnel. Les autres communes n’ont ni les moyens pour accompagner les populations, par exemple pour l’instruction des dossiers, ni les ressources pour proposer des services (aide à domicile, accueil petite enfance…). Dans cette configuration, les habitants s’adressent au CCAS du bourg centre pour solliciter son concours ou un service particulier. C’est aussi la raison pour laquelle les communes centres où les services du CCAS bénéficient déjà aux habitants des communes voisines sont les plus sensibles à la question de l’intercommunalisation du social, entrevue comme un juste partage des charges de centralité [8].

3Finalement, et à la différence de ce que peut laisser supposer une lecture succincte des statistiques, nombreuses sont les communes qui sont très faiblement engagées dans l’action sociale et d’autres qui mènent des actions relevant d’une dimension intercommunale même si celles-ci ne sont pas institutionnalisées sous la forme d’un CIAS. Enfin, les données chiffrées les plus récentes montrent que l’institutionnalisation de l’action sociale à une échelle intercommunale tend à se développer depuis quelques années [9]. Alors qu’en 1996 il existait soixante-deux CIAS en France dont trente pour le seul département de la Dordogne [10], depuis le milieu des années 2000, la création de ce type d’établissement connaît une forte accélération au point qu’en moins d’une décennie leur effectif a presque quadruplé pour atteindre le nombre de 242 en 2005, et presque 350 aujourd’hui. Partant de ces constats, cet article vise à analyser ces situations et cette évolution. Il convient tout d’abord de rendre compte des logiques qui participent au maintien de l’action sociale au sein des communes. Les orientations politiques des réformes prises en faveur de l’intercommunalité dans les années quatre-vingt-dix, peu soucieuses des questions sociales, les formes d’administration locale de ce secteur avec une présence affirmée des associations et enfin les spécificités de ce domaine apparaissent comme autant de facteurs favorisant une gestion municipale de l’action sociale. En revanche, certains territoires présentent des caractéristiques qui les prédisposent à s’engager dans des politiques de mutualisation de l’action sociale, notamment les communautés de petite taille dont les communes membres ne disposent pas des moyens suffisants pour répondre aux demandes de la population, entre autres sur l’aide aux personnes âgées et sur l’accueil de la petite enfance et surtout lorsqu’il n’y a pas de concurrence entre les CCAS existants. Mais ce type de configuration ne saurait expliquer à lui seul l’engagement plus marqué observé depuis quelques années des intercommunalités dans l’action sociale. Essentiellement pour des raisons de rationalisation budgétaire, les conseils généraux invitent les maires à communautariser ce domaine de l’action publique. Enfin, les évolutions législatives en matière d’action sociale intercommunale à la suite du vote de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 [11] contribuent également à accélérer l’engagement communautaire amorcé depuis le début de la décennie.

Méthodologie

Cette recherche s’inscrit dans un projet collectif intitulé « Négocier la solidarité territoriale dans les intercommunalités » (SOLITER) financé par le programme « Administrer, Gouverner » de l’ANR, également soutenu par la Maison des sciences de l’homme de Bretagne (MSHB). Il est codirigé par Matthieu Leprince et Hélène Reigner.
L’enquête, outre les données statistiques recueillies, s’appuie sur une série d’entretiens réalisés dans plusieurs communes et intercommunalités de l’ouest de la France.
Plus précisément ont été interviewés :
  • 5 adjointes aux affaires sociales de communes comprises entre 7 000 et 20 000 habitants situées à proximité de Nantes ;
  • 6 directeurs ou directrices de CCAS de communes allant de 6 000 à 280 000 habitants représentant des espaces ruraux, périurbains et urbains ;
  • 3 directeurs ou directrices de CIAS. (1 en Loire-Atlantique, 1 en Ille-et-Vilaine, 1 dans les Côtes-d’Armor) ;
  • et 1 présidente d’un CIAS localisé en Ille-et-Vilaine.
À ces entretiens passés auprès d’acteurs locaux s’ajoutent deux entretiens réalisés auprès d’un responsable de l’UNCASS et d’un responsable d’un cabinet de consultant spécialisé dans l’analyse des besoins sociaux.

L’action sociale, une prérogative municipale

Les politiques intercommunales et la question de l’action sociale

4À la suite des réformes ATR (administration territoriale de la République) (1992) et Chevènement (1999), la France a connu un développement sans précédent dans son histoire institutionnelle des établissements publics de coopération intercommunale [12]. Dans une période où l’une des principales préoccupations politiques porte sur le financement des dépenses publiques (Bezès, 2009), l’objectif prioritaire de ces mesures était, pour une large part, d’ordre financier plus que d’intervenir sur des politiques publiques locales sectorielles (Lallement, 1999). L’enjeu de ces réformes ne consistait donc pas à orienter les politiques locales mais à proposer aux élus de nouvelles organisations susceptibles de dégager des marges de manœuvre financière. Plus précisément, il s’agissait de doter les territoires locaux d’institutions leur permettant de renforcer leur attractivité économique afin d’augmenter les ressources liées à la fiscalité sur les entreprises [13] et de redéployer le produit de cet impôt sur l’ensemble des communes regroupées. Cette orientation politique prioritaire s’observe dans les compétences qui organisent la nouvelle intercommunalité française après la réforme du 6 février 1992. Selon les termes de la loi, le développement économique et l’aménagement du territoire sont obligatoirement délégués par les communes aux intercommunalités [14]. Par ailleurs, l’impôt sur les entreprises (taxe professionnelle) fait l’objet d’un nouveau mécanisme de répartition avec l’instauration du principe de la taxe professionnelle unique (TPU). Avec ce dispositif, le produit fiscal de la taxe professionnelle (TP) est versé directement à l’EPCI et non plus aux communes. De plus, ces dernières, regroupées en communautés, doivent faire converger leurs taux pour qu’à terme ils deviennent identiques sur l’ensemble du territoire intercommunal (Guengant, 2004). Tout en cherchant à améliorer les mesures initiées en 1992, la loi de 1999 s’inscrit dans la même perspective. S’il s’agit, avec cette réforme, de réduire la complexité des dispositifs existants en supprimant certains types d’établissements et en structurant l’intercommunalité française autour de trois grandes catégories de groupements (les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines), il convient surtout d’inciter les communautés à se doter du principe de la TPU. Des incitations financières substantielles sous la forme de dotations d’État sont prévues par la loi pour favoriser le passage à la TPU. Dans la mesure où l’objectif prioritaire de ces politiques consistait essentiellement à permettre aux élus de dégager des ressources financières associées au dynamisme économique de leur territoire, il n’est pas surprenant que les préoccupations liées à l’action sociale soient quasi inexistantes et que ces réformes n’invitent pas particulièrement les maires à organiser l’action sociale à une échelle intercommunale. De plus, au cours des années quatre-vingt-dix, le secteur social est également difficile à transférer car le droit existant est relativement flou. Certes, le Code de l’action sociale et des familles prévoit depuis 1986 la possibilité de mettre en place des CIAS, mais il n’organise pas précisément les modalités de création d’un tel établissement. Confrontés à cette situation, les préfets ont développé une jurisprudence en matière d’intercommunalité sociale qui, finalement, apparaît comme une forte contrainte. Sollicités par les communes désireuses de partager le social, ces derniers exigent que la création d’un CIAS soit précédée du vote à l’unanimité de délibérations tant du côté des communes membres de l’EPCI que des CCAS existants sur le territoire. Si les orientations politiques nationales et les applications que peuvent en faire les préfectures sont peu favorables à une communautarisation de l’action sociale, les enjeux politiques et symboliques qui sous-tendent localement l’action sociale participent également à conserver ce champ de compétences au sein des communes.

La structuration de l’administration du social favorise sa municipalisation

5Dans la réalisation de projets intercommunaux, les maires disposent d’une grande liberté d’action pour définir les territoires, leur organisation ou encore les compétences qui sont confiées au groupement (Baraize et Négrier, 2001 ; Desage, 2005 ; Guéranger, 2008). Ce processus de domestication de l’intercommunalité par les maires (Gaxie, 1997 ; Desage, 2009) ne signifie pas que ces derniers puissent se soustraire entièrement aux règlements qui organisent l’intercommunalité, mais leurs marges d’appréciation sont relativement larges. Aussi, si certaines missions publiques, par leur technicité et surtout leur coût, sont relativement bien ajustées à une dimension intercommunale, d’autres, en revanche, sont plus difficilement transférables. Les politiques de gestion des déchets, celles relatives à la voirie, à l’assainissement ou encore aux transports collectifs, largement transférées aux communautés, se négocient et se définissent dans des univers clos composés d’élus et de cellules techniques incluant des fonctionnaires et des experts d’opérateurs privés. D’autres secteurs, comme le sport, la culture et l’action sociale, mobilisent certes ces mêmes catégories d’acteurs, mais ces domaines présentent la particularité d’y associer traditionnellement une partie de la population communale regroupée sous forme d’associations. Ces dernières constituent autant de réseaux collectifs locaux sur lesquels les maires cherchent à s’appuyer pour renforcer leur capital politique (Le Bart, 2003). Dès lors, transférer à l’intercommunalité des compétences qui, dans la pratique, relèvent d’un fort investissement associatif comporte, pour le maire, le risque de s’aliéner ces différents soutiens en les mettant à distance de la sphère de la décision politique, et cela d’autant plus que ces activités dépendent en grande partie des subventions qui leur sont accordées par la mairie. Les activités les plus investies par les habitants restent des domaines électoralement sensibles sur lesquels les maires essaient de maintenir un contrôle direct en les conservant dans le champ des compétences municipales. Mais cette stratégie de conservation ne s’inscrit pas exclusivement dans une perspective clientéliste ou électoraliste, elle participe également au maintien de la raison d’être de l’action municipale. Malgré la liberté dont disposent les maires pour négocier les transferts de compétences, le développement de l’intercommunalité française a progressivement érodé le contrôle des municipalités sur le territoire communal. En conservant au sein de l’espace municipal des prérogatives relevant du sport, de la culture ou de l’action sociale, plus couramment appelés services de proximité, c’est autant de compétences à gérer par la commune qui, tout en maintenant l’intérêt de l’investissement politique de l’équipe municipale, lui accorde également une visibilité d’action. Comme le souligne une adjointe aux affaires sociales d’une commune de 7 000 habitants : « Si on nous enlève les services de proximité, je ne vois pas trop ce que nous aurions à faire et je ne verrais plus vraiment l’intérêt de mon engagement ou alors c’est autre chose mais qui ne me convient pas[15]. » Cette capacité pour les élus à montrer qu’ils disposent d’un pouvoir d’intervention sur ces domaines est d’autant plus stratégique que ces questions occupent une place centrale dans les campagnes municipales. Une recherche menée sur la mobilisation de la thématique intercommunale dans la campagne municipale de 2008 montre précisément que l’intercommunalité est fortement euphémisée et que sont prioritairement mises en avant des préoccupations relevant de la gestion communale (Le Saout, 2009). Le maintien, en campagne électorale, d’une vision communo-centrée du travail politique municipal contribue à faire des activités les plus visibles et les plus investies par les habitants des domaines sensibles sur lesquels les maires cherchent à conserver une relative autonomie en les maintenant sous contrôle municipal.

Des formes de gestion personnalisées peu propices à l’intercommunalisation

6Mais, si les gratifications politiques et la rentabilité électorale associées à l’imputation municipale de certaines activités relevant du secteur social expliquent que les maires sont peu disposés à se dessaisir de ce type de compétences, pour d’autres domaines d’intervention qui entrent également dans le champ de l’action sociale, c’est à l’inverse leur déclassement symbolique qui rend le basculement intercommunal complexe. Dans la hiérarchie de l’activité municipale, les actions menées auprès de personnes en difficultés sociales sont relativement déclassées (Gaxie, 1990 ; de Certaines, 1994). Essentiellement considérées comme une charge, elles sont rarement présentées comme une priorité municipale. Relevant de pratiques accumulées dans le temps et plus ou moins structurées, chaque commune ayant ses dispositifs, ses critères et ses principes d’appréciation, l’aide sociale demeure une action peu visible. Si par cette relative confidentialité les mairies cherchent à préserver les populations des possibles stigmates associés à leur condition, elles cherchent également à se préserver de toutes concentrations de la misère sur leur territoire. Autrement dit, la misère sociale ne se partage pas [16]. Au point que, lorsque cette répartition ne semble pas équilibrée, certaines communes vont jusqu’à demander l’arbitrage du préfet. Comme le précise le directeur d’un CCAS d’une grande ville : « Nous ici, nous avons 800 domiciliations [adresse administrative au CCAS pour les personnes sans domicile], les autres communes alentour aucune. Pourtant, ils ne sont pas tous d’ici. C’est très compliqué à gérer : au niveau de l’accueil, des demandes d’aides. On a sollicité le préfet plusieurs fois pour organiser une table ronde sur les domiciliations. Rien, pas de suite. C’est vrai que c’est un sujet très sensible[17]. » Mais cette discrétion permet également de créer des relations de clientèle dans la mesure où sont en priorité aidées les personnes qui ont un lien privilégié avec la commune, soit parce qu’elles y habitent ou travaillent, soit parce que leur famille y réside. Aussi, entre autres dans les petites communes ou les communes de taille intermédiaire, l’administration de ces missions fait rarement l’objet d’une forte bureaucratisation. En 2002, moins de 5 % des communes de moins de 5 000 habitants avaient mis en place un barème officiel pour l’ouverture des droits aux différentes aides facultatives (Dutheil, 2003). Une illustration de la permanence de ces pratiques informelles peut être donnée par l’extrait d’un entretien mené auprès d’une adjointe aux affaires sociales élue dans une commune de 6 000 habitants située dans un espace rural : « Non, on n’a pas de barème, c’est trop compliqué. Je vais vous donner un exemple. C’est la demande d’un monsieur qui a des problèmes d’alcoolisme. C’est sa maman qui est venue voir le maire car elle était très inquiète pour lui. Il habitait une autre commune. Vu son état, sa mère n’a pas pu faire autrement que de le ramener ici, chez elle, et lui, il a demandé un logement. Alors là, je me suis dit comment faire et comme le maire connaît bien la dame, on a appuyé sa demande mais en passant un petit contrat moral, c’est-à-dire qu’il essaie de s’en sortir. Comment on peut mettre ça dans des cases[18] ? » En fonctionnant sur des bases individuelles plus que bureaucratiques (Paugam, 2005), ce type de relations d’assistance accorde aux maires une relative autonomie de décision qui leur permet, conformément à leurs représentations, de contrôler les mouvements de ces populations en rendant leur présence acceptable auprès des autres habitants et permettant par là d’assurer la cohésion interne de la commune. Pour les maires, intercommunaliser l’accompagnement social revient dès lors à s’engager dans des logiques de bureaucratisation de ces interventions. Ainsi, lorsque les élus décident de doter leur communauté de la compétence optionnelle « action sociale », ils doivent indiquer précisément dans les statuts de l’établissement le contenu des missions. Ce travail et les discussions ou concertations qui l’organisent, outre qu’ils supposent un investissement, ne serait-ce qu’en temps, peuvent également participer au dévoilement de pratiques informelles, voire à la quasi-inexistence de réflexions sur ces questions. Enfin, transférer à la communauté des missions relevant de l’aide aux personnes en difficulté revient aussi à redéfinir les rapports que les élus municipaux, notamment les adjoints aux affaires sociales, entretiennent avec les divers acteurs engagés dans le champ du social (associations locales, bailleurs sociaux, conseil général, CAF, MSA…) en les dépossédant en partie des liens directs et individuels qu’ils peuvent avoir avec ces partenaires. Aussi, moins que d’être le résultat de l’égoïsme des maires (Oblet, 2007), le maintien de l’aide sociale au sein des communes renvoie plus à la préservation des routines institutionnelles communales éprouvées et à des savoirs pratiques accumulés relativement autonomes qui seraient inévitablement redéfinis dans un cadre intercommunal.

7Finalement, les priorités nationales en matière d’intercommunalité et les formes locales de gestion du secteur social concourent à rendre l’intercommunalisation de ce domaine relativement contrainte. Pour autant, certains territoires, pour des raisons d’ordre budgétaire et organisationnel mais aussi sous l’impulsion des conseils généraux, s’engagent dans des pratiques de partage de l’action sociale. Par ailleurs, et sans surévaluer la force du droit dans le changement des pratiques, les mesures prises en faveur de l’intercommunalité sociale, inscrites dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, contribuent à accélérer l’engagement communautaire amorcé depuis le début de la décennie.

Vers une accélération de l’intercommunalisation du social

L’effet des configurations territoriales

8Bien que l’action sociale apparaisse globalement comme un domaine réservé des communes, il n’en reste pas moins que des municipalités ont transféré pour partie cette compétence à un groupement. Ces mouvements s’observent essentiellement dans les espaces ruraux. Autrement dit, l’action sociale intercommunale est avant tout le fait de communautés de communes rurales de taille réduite. Ce constat ne contredit pas fondamentalement les données les plus récentes. En effet, en 2010, fait jusque-là inconnu, sept communautés d’agglomération, c’est-à-dire des espaces urbains de plus de 50 000 habitants, ont fait le choix de créer un CIAS. Ce phénomène peut laisser croire à une montée en puissance future d’une intercommunalité sociale urbaine. Pourtant, ce partage en milieu urbain apparaît délicat à amorcer voire à se développer dès lors que plusieurs communes membres disposent d’un CCAS bien structuré et opérationnel. Le cas des communautés d’agglomération de Blois et de Carcassonne, pionnières en la matière avec la création d’un CIAS en 2008, s’explique par l’asymétrie existant entre la ville centre et les autres communes périphériques qui, de petites tailles, ne disposaient pas d’un CCAS ou alors dans une version minimale. À la différence de ces situations, le partage devient beaucoup moins aisé quand il suppose de procéder à des redistributions de responsabilités et de pouvoirs entre des CCAS existants mais aussi et surtout de traiter l’extrême hétérogénéité des statuts des personnels soumis à des régimes indemnitaires souvent très variables. Autant de sources de tensions et de conflits que de nombreux maires ne souhaitent pas alimenter, sachant par ailleurs que les gains financiers escomptés par ces mutualisations n’ont rien d’évident dans la mesure où, lorsqu’il y a transfert de compétences et donc transferts de personnels vers l’échelon intercommunal, l’alignement des régimes indemnitaires se fait « par le haut », c’est-à-dire sur les conditions existant dans la ville centre souvent plus favorables aux salariés. Dans cette perspective, l’action sociale intercommunale peut présenter un coût de fonctionnement supplémentaire pour les collectivités concernées. Aussi, dans les territoires urbains où se conjuguent concentration démographique et concentration de CCAS, le partage du social sur le territoire intercommunal prend rarement la forme d’un CIAS mais passe plus par l’intermédiaire d’interventions concertées entre les communes membres du groupement sur des thématiques précises. La question est moins de transférer la gestion des « problèmes » sociaux à une échelle territoriale supérieure, avec le risque de perdre l’intérêt politique que représente pour un maire le contrôle des services de proximité, mais davantage d’inscrire dans le cadre intercommunal certaines problématiques précises. Une réflexion a dans ce sens été initiée à la communauté urbaine de Lille sur l’opportunité de développer une politique communautaire sur le logement d’urgence. Si les communautés d’agglomération et les communautés urbaines sont jusqu’ici restées à l’écart des mouvements de communautarisation de la compétence sociale et de création de CIAS, les problématiques d’action sociale ne leur sont pas pour autant étrangères. Elles figurent dans leur champ d’action à travers certaines « portes » d’entrée connexes. Les contrats d’agglomération [19], actes politiques intercommunaux hautement stratégiques, font figurer dans leurs démarches contractuelles, notamment celles relatives à la politique de la ville, des objets relevant des domaines sanitaires et sociaux (cohésion sociale, logement social), à côté du développement économique, de l’aménagement, de l’urbanisme, des transports ou encore de l’environnement (Baron, 2010) [20]. Au final, la configuration la plus favorable à l’institutionnalisation de l’action sociale intercommunale est celle où les réorganisations envisagées correspondent pour l’essentiel à la transformation du CCAS de la commune centre en un nouveau centre intercommunal. Par exemple, la création en 2007 d’un CIAS à Lamballe (Côtes-d’Armor) a été possible parce que seules deux des huit communes concernées (Lamballe et Pommeret) disposaient d’un CCAS.

9Dans les espaces ruraux ou périurbains, associé au faible jeu de concurrence entre CCAS par manque précisément de concurrents, l’engagement dans une action sociale intercommunale est également favorisé par la faiblesse des moyens dont disposent les communes pour agir. Des domaines comme les services offerts aux personnes âgées ou ceux relevant de l’enfance font l’objet d’une très forte demande sociale, mais leur réalisation suppose de mobiliser des moyens financiers importants. À la différence des villes qui peuvent disposer des ressources nécessaires, pour les communes de taille plus modeste, la pratique la plus courante consiste à mettre à disposition par la mairie des équipements et à accorder des aides financières sous forme de subventions à des associations qui en assurent la gestion administrative. Devant les investissements lourds que représentent certaines activités, l’intercommunalité peut être saisie comme une opportunité pour trouver de nouvelles marges de manœuvre, soit sous la forme de fonds de concours, c’està-dire d’une aide accordée par l’EPCI pour la réalisation d’un équipement mais sans pour autant que la compétence soit transférée, soit en déléguant l’activité au groupement. Dans ce dernier cas, l’ensemble des charges du service est imputé à la communauté. Par conséquent, il n’est pas surprenant que le financement de services ou d’établissements pour personnes âgées ainsi que des modes d’accueil collectif des enfants (crèches, haltes-garderies) soit souvent à l’origine de l’engagement de communautés de communes en matière d’action sociale [21]. C’est-à-dire des secteurs où les gains d’échelle permettent d’apporter des services et de développer des projets impossibles à mener dans le cadre communal ou de manière insatisfaisante. Cette pratique est confirmée par la présidente d’un CIAS breton qui indique que : « Ce qui préside à l’intercommunalité, c’est la possibilité d’apporter des services à nos populations qu’on ne peut pas apporter seul chacun dans nos communes. On mutualise les moyens. On mutualise les efforts et on peut comme ça avoir des services, mener des actions qu’on ne peut pas mener tout seul. Illustration, les multi-accueils. Même dans une commune comme la mienne [Mordelles, Ille-et-Vilaine] ou Le Rheu [à population équivalente d’environ 7 000 habitants], je ne suis pas persuadée qu’on se serait donné les moyens de créer un multi-accueil[22]. » Au-delà des impératifs internes aux territoires qui obligent les maires à trouver de nouveaux modes d’organisation et de financement, des exigences externes, notamment celles posées par les conseils généraux, incitent également les communes, et particulièrement celles qui ne peuvent atteindre un certain volume d’activités, à travailler à une échelle intercommunale.

Le rôle des politiques départementales

10L’impulsion donnée par les départements dans ce sens est tout à fait significative dans le cadre des services offerts aux personnes âgées. S’agissant, par exemple, de l’aide à domicile, une politique de restructuration du secteur est à l’œuvre en France depuis les années quatre-vingt-dix. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), alors l’un des principaux financeurs de l’aide ménagère, s’était engagée dans une politique réservant le conventionnement aux associations prestataires qui satisferaient à certains critères de qualité. Pour la CNAV, il s’agissait, d’une part, d’améliorer l’offre de services proposés aux usagers en évitant les carences, notamment la nuit, les week-ends ou encore les jours fériés, et, d’autre part, d’amener les associations à rationaliser leurs pratiques en développant des méthodes d’évaluation de leurs actions. Stratégiquement, la CNAV attendait de cette « démarche qualité » une réduction progressive du nombre d’associations conventionnées, les plus petites et les plus fragiles se révélant incapables de satisfaire aux exigences demandées. Dans la même perspective, les conseils généraux, devenus les principaux financeurs de l’aide à domicile depuis la mise en œuvre de l’allocation personnalisée d’autonomie (2002), conditionnent désormais leur agrément à un seuil minimal d’activité. Ainsi, le département des Côtes-d’Armor a fixé comme objectif le dépassement pour chaque structure conventionnée d’un seuil minimal d’activité de 30 000 heures d’aide ménagère par an. L’établissement, en 2007, du CIAS de Lamballe (Côtes-d’Armor) [23] est directement lié à ces nouvelles contraintes nationales et départementales. Cette création correspond à la reprise de l’activité d’un comité d’entraide [24] dont l’action rayonnait sur les communes nord de l’espace communautaire. Cette partie du territoire apparaissait fragilisée par le décalage croissant entre son mode de fonctionnement hérité et les exigences accrues du secteur de l’aide à domicile, et surtout par son impossibilité d’atteindre le quota d’heures exigé par le conseil général. La reprise de l’activité à une échelle intercommunale a assuré la pérennité du service ainsi que la fourniture d’une activité plus stable pour les usagers. De même, la création, en 2009, du CIAS du pays de Liffré (Ille-et-Vilaine) [25] a été motivée par la volonté de sauvegarder le service d’aide ménagère. Avec un volume compris entre 10 000 et 12 000 heures d’aides ménagères par an, le CCAS de Liffré ne pouvait répondre aux nouvelles normes fixées par le conseil général d’Ille-et-Vilaine qui demande dorénavant plus de 15 000 heures d’intervention pour obtenir son agrément. Si les conseils généraux, eux-mêmes engagés dans des politiques de rationalisation budgétaire, imposent, par leurs normes et leurs dispositifs, de nouvelles pratiques aux communes et finalement réduisent les choix des maires en matière d’organisation de l’action sociale, de nouvelles dispositions législatives prises au milieu des années 2000, et surtout la publicité des débats et des prises de position qu’elles ont suscitées et suscitent toujours, participent conjointement à rendre plus pensable et probable qu’elle n’était jusque-là la communautarisation de l’action sociale.

L’impulsion de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005

11La question de l’intercommunalisation de l’action sociale locale s’est trouvée posée, au début des années 2000, lors des travaux préparatoires et parlementaires du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales [26]. L’essentiel de cette réforme, plus connue sous le nom de l’acte II de la décentralisation, consistait à redéfinir les périmètres d’intervention entre l’État et les collectivités locales, mais surtout à répondre aux attentes des élus locaux sur la clarification du financement de compétences exercées par l’État. Les travaux parlementaires ont été fortement influencés par le souci de limiter les enchevêtrements d’intervention entre les différents niveaux politiques (Le Lidec, 2007, 2008). Ce « référentiel de la clarification » s’impose avec d’autant plus de force qu’il est censé réduire la complexité du travail des élus et les surcoûts financiers qu’engendrent ces croisements. Dans cette perspective, à l’automne 2003, lors de l’examen du projet de réforme par le Sénat, est introduite une disposition sous forme d’amendement accordant aux communes la possibilité de renoncer à créer un centre communal d’action sociale (CCAS). Pour le sénateur Jean-Pierre Schosteck, qui défend cette proposition, la création facultative d’un CCAS doit « permettre à ceux qui le voudraient de mener l’action sociale par d’autres voies que celle, très contraignante, d’un établissement public distinct de la mairie, avec des budgets, des comptes et toutes les complications que vous pouvez imaginer[27] ». Approuvant cette proposition, le ministre délégué aux Libertés locales, Patrick Devedjian, précise que le gouvernement y est favorable car : « Il s’agit de mettre le droit en conformité avec le fait. On compte, en France, 32 000 communes de moins de 1 000 habitants. Elles n’ont généralement pas mis en place de CCAS, mais, de par la loi, on devrait les contraindre à en créer un. Cela n’a pas de sens[28]. »

12Confrontée au risque de voir disparaître les CCAS comme établissement public singulier au sein des municipalités et, partant, les fondements mêmes de son existence, l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), c’est-à-dire l’un des principaux acteurs efficients dans le champ de l’action sociale [29], a engagé, avant même la discussion de cet amendement à la seconde chambre mais surtout après son acceptation, un travail de mobilisation pour que cette disposition soit retirée [30]. Ce lobbying sera efficace, l’amendement voté par le Sénat sera retiré avant le vote définitif de la loi en août 2004. Si l’UNCCAS a réussi à préserver les CCAS et finalement à se préserver, cette lutte a incité cette association à réactiver la réflexion sur les moyens à accorder aux petites communes pour intervenir sur le social. Pour l’UNCCAS, l’intercommunalité s’impose comme l’un des modes d’organisation à privilégier. Cherchant à défendre ce point de vue, l’association engage une stratégie d’intervention sur le terrain législatif. Comme l’indique un responsable de l’UNCCAS, « […] ce qui est intéressant, quand on lit les débats parlementaires, c’est que finalement, à l’Assemblée, nos arguments ont été entendus et repris. Le premier intérêt est qu’on a parlé des CCAS à l’Assemblée. Ce qui n’a pas dû arriver très souvent. Et, surtout, on est passé d’un amendement qui proposait en gros de supprimer les CCAS obligatoires à une vraie prise de conscience des députés sur le mode “que peut-on proposer aux communes en matière d’action sociale ?”[31] ». La reconnaissance par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 de l’action sociale comme une des compétences optionnelles, et non plus seulement facultatives, pouvant être exercée par les communautés de communes et les communautés d’agglomération [32] consacre la lutte menée par l’UNCCAS. Les communautés de communes, principal établissement visé par la mesure, sont désormais tenues de choisir trois et non plus deux compétences optionnelles parmi les cinq proposées. Parallèlement, les conditions pour créer un CIAS sont assouplies. Il n’y a plus besoin des délibérations unanimes de l’ensemble des communes et des CCAS concernés. Le CIAS se retrouve ainsi valorisé comme outil privilégié de mise en œuvre des politiques sociales intercommunales. En outre, la loi de cohésion sociale préserve l’autonomie politique des maires en leur permettant de garder la maîtrise des missions confiées à l’échelle intercommunale. En effet, c’est à eux qu’incombe le pouvoir de définir les actions qui seront transférées à l’intercommunalité et celles qui resteront gérées par les communes. Loin de mettre en cause l’existence des CCAS, ce principe de subsidiarité encourage les élus à structurer leur politique sociale à partir des CIAS et des CCAS. Autrement dit, le pouvoir des maires est conservé dans les choix à opérer pour organiser localement l’action sociale.

Conclusion

13Depuis le vote de la loi de cohésion sociale, l’UNCCAS poursuit son travail de mobilisation en produisant un argumentaire favorable à l’intercommunalisation de l’action sociale. En publiant des ouvrages didactiques [33], des articles dans les revues spécialisées [34] voire dans des productions à caractère plus académique [35], en plaçant cette thématique au centre de son congrès annuel en 2008 ou bien encore en s’associant, en 2010, avec l’Association des communautés de France (ADCF) pour la réalisation d’une étude sur l’action sociale intercommunale (Boulay, 2010) [36], l’UNCASS participe à diffuser l’idée selon laquelle l’intercommunalité permet de mener une politique sociale plus efficace, entre autres dans les espaces ruraux. Relayant ce point de vue, de récents rapports officiels consacrent l’action sociale intercommunale (Cayeux, 2009) [37] en renforçant par là la légitimité du discours de l’UNCASS. À l’inverse, d’autres rapports soulignent le rôle prépondérant du conseil général dans ce domaine au point de s’interroger sur le maintien de cette compétence au niveau communal et a fortiori intercommunal et sur la relative autonomie dont peuvent bénéficier les CCAS par rapport aux orientations départementales en la matière (Lambert, 2007 ; Warsmann, 2008) [38]. Ces luttes d’institutions qui s’observent également entre communes mais aussi entre CCAS, et avec plus d’acuité dans les espaces urbains, sont suffisamment puissantes et neutralisantes pour que le basculement de l’action sociale vers l’échelon intercommunal soit encore très partiel. Pour autant, tout porte à croire que de nouvelles conditions sont réunies pour favoriser l’engagement intercommunal. Les très fortes pressions financières qui s’exercent actuellement sur les collectivités territoriales, les récentes modifications de la fiscalité des intercommunalités avec une sollicitation plus affirmée des habitants dans le financement des EPCI, ce qui permet de légitimer le transfert des services de proximité vers les groupements, mais aussi l’exigence des normes contraignantes qui encadrent l’action sociale sont autant de facteurs qui, inévitablement, vont inviter les maires, notamment ceux qui dirigent des communes qui ne disposent pas des moyens suffisants (financiers, matériels, d’expertises…) pour répondre aux demandes des populations et aux nouveaux dispositifs imposés par les conseils généraux, à s’interroger sur l’intercommunalisation de l’action sociale, même si ces nouvelles formes d’organisation vont à terme les priver, et plus encore leurs adjoints, d’une partie du contrôle qu’ils peuvent encore exercer directement sur le territoire de leur commune. Mais cette relative dépossession peut permettre, par la mutualisation des moyens qu’offrent l’intercommunalité et la professionnalisation des acteurs, d’envisager, notamment pour les petites communes qui ne sont pas réellement dotées d’un CCAS, de passer d’une action sociale relativement routinière, voire inexistante, à une logique de développement social.

Notes

  • [*]
    Thomas Frinault, maître de conférences en science politique à l’université Rennes 2, chercheur au CRAPE, CNRS-UMR 6051.
    Rémy Le Saout, maître de conférence en sociologie à l’université de Nantes, chercheur au CENS, EA 3260.
  • [1]
    Décret-loi du 29 novembre 1953.
  • [2]
    77 % des communes de moins de 5 000 habitants, 81 % des communes comprises entre 5 000 et 10 000 habitants et 97 % des communes de plus de 10 000 habitants (Dutheil, 2002).
  • [3]
    37 % des communes de moins de 5 000 habitants, 82 % des communes comprises entre 5 000 et 10 000 habitants et 86 % des communes de plus de 10 000 habitants (Dutheil, 2002).
  • [4]
    38 % des communes de moins de 5 000 habitants, 74 % des communes comprises entre 5 000 et 10 000 habitants et 74 % des communes de plus de 10 000 habitants. Les actions en faveur des personnes handicapées sont plus marginales. 14 % des communes comprises entre 5 000 et 10 000 habitants et 36 % des communes de plus de 10 000 habitants (Dutheil, 2002).
  • [5]
    La loi du 6 janvier 1986 (loi n° 86-17) a transformé les bureaux d’aide sociale en CCAS. En tant qu’établissement public administratif, il dispose d’un budget propre, d’un conseil d’administration composé à parité d’élus municipaux et de représentants du monde associatif et est présidé de plein droit par le maire.
  • [6]
    Précisément 7 157 en 2008 (Portier, 2009).
  • [7]
    Chiffre avancé en entretien en juillet 2010 par le responsable du pôle juridique de l’UNCCAS. Stéphanie Portier (2009) indique le nombre de 27 075, soit presque 75 % des communes françaises.
  • [8]
    La charge de centralité est l’intégralité du surcoût de fonctionnement généré par un équipement ou un service d’une ville centre lorsque celui-ci présente soit un caractère exceptionnel, ou unique, à l’échelle d’un territoire plus grand, soit un mode de fonctionnement spécifique. Le coût de débordement est le surcoût lié pour tout équipement par son utilisation par un usager extérieur au territoire où sont localisés les payeurs-contribuables.
  • [9]
    Sources : Mairie-conseils, juin 2011.
  • [10]
    Le cas de la Dordogne est tout à fait atypique. Après à la publication du décret-loi de 1953, ce département a en effet vu se développer de nombreuses structures intercommunales d’action sociale à la suite de l’engagement personnel du préfet en poste qui considérait que l’intercommunalité représentait la seule solution d’avenir dans ce département très rural.
  • [11]
    Loi n° 2005-32.
  • [12]
    Loi n° 99-125 du 6 février 1992, loi n° 99-586 du 12 juillet 1999. Il convient toutefois de noter que ces réformes réactivent l’intercommunalité à fiscalité propre. C’est-à-dire les établissements qui peuvent directement lever l’impôt. À côté de cette forme existent toujours les syndicats comme les SIVU ou les SIVOM.
  • [13]
    Prélevé sous la forme d’une taxe professionnelle (TP) devenue, en 2010, la contribution économique territoriale, cet impôt est le plus productif des impôts locaux. Dans les années quatre-vingt-dix, il représentait environ la moitié des ressources fiscales des collectivités locales.
  • [14]
    La législation en matière de compétences intercommunales distingue trois types de compétences : - les compétences obligatoires, celles qui par la loi doivent être obligatoirement transférées à l’EPCI ; - les compétences optionnelles, selon le type d’établissement, les communes doivent choisirent une ou plusieurs compétences dans un bloc (une liste) préalablement défini par la loi ; - enfin, et hors de ce cadre, les élus, sous la forme de compétences facultatives, peuvent transférer tout type d’action menée par les communes.
  • [15]
    Entretien réalisé le 22 mars 2010 avec l’adjointe aux affaires sociales, élue en 2008, premier mandat municipal.
  • [16]
    En juillet 2010, 12 % des EPCI exercent la compétence « actions sociales facultatives » (sources : base de données BANATIC, ministère de l’Intérieur). Il s’agit d’aides accordées aux personnes en difficulté qui peuvent prendre la forme de subventions accordées à des associations caritatives, d’aides financières directes aux personnes (alimentation, apurement d’impayés, aides au transport…). Mais les EPCI peuvent aussi recourir à d’autres formes d’intervention (participation à des chantiers d’insertion, permanences pour l’emploi ou soutien à des missions locales…) qui ne sont pas prises en compte dans la base BANATIC comme relevant de l’action sociale facultative. Pour autant, ces pratiques restent relativement marginales.
  • [17]
    Entretien réalisé le 9 mars 2010 avec le directeur du CCAS.
  • [18]
    Entretien réalisé le 22 février 2010 avec l’adjointe aux affaires sociales, troisième mandat.
  • [19]
    Article 26 de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999.
  • [20]
    Voir également, sur la définition des périmètres de la politique de la ville, Estèbe (2001).
  • [21]
    Une enquête par questionnaires réalisée en avril 2010 auprès de 160 communautés indique que 68 % de ces EPCI interviennent dans le domaine de la petite enfance et 38 % sur l’aide aux personnes âgés (Boulay, 2010).
  • [22]
    Entretien réalisé le 1er avril 2010 avec la présidente du CIAS « à l’ouest de Rennes », adjointe aux affaires sociales de la commune de Mordelles.
  • [23]
    Adossé à la communauté de communes de Lamballe (dix-sept communes, 26 500 habitants), le CIAS emploie quatre-vingt-douze personnes dont soixante-six auxiliaires de vie sociale.
  • [24]
    La présence des comités d’entraide est historiquement forte dans le département des Côtes-d’Armor, là où les communes sont de trop petite taille pour disposer de leur propre CCAS. L’objet du comité d’entraide consiste à gérer un service d’aide à domicile, avec une branche prestataire et une branche mandataire. Dans le cas étudié, le service intervenait sur le territoire de la commune de Lamballe, dépourvue de service mandataire. Le comité était par ailleurs responsable d’un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) dont le personnel relevait de l’hôpital de Lamballe.
  • [25]
    Créé par la communauté de communes du pays de Liffré (cinq communes, 15 000 habitants), le CIAS emploie vingt personnes dont quatorze auxiliaires de vie sociale.
  • [26]
    Loi n° 2004-809 du 13 août 2004.
  • [27]
    Sénat, débats, 15 novembre 2003.
  • [28]
    Sénat, débats, 15 novembre 2003.
  • [29]
    L’UNCCAS est une association d’élus fondée en 1926. Elle a pour vocation de fédérer les CCAS et les CIAS. Forte de presque 4 000 centres adhérents, elle est un interlocuteur privilégié en matière de politique sociale.
  • [30]
    L’UNCCAS lance une pétition de soutien auprès de ses adhérents, également signée par des ministres et des parlementaires, qui s’est terminée par un dépôt de cartons au ministère de l’Intérieur de plusieurs milliers de délibérations votées au sein des CCAS.
  • [31]
    Entretien réalisé le 24 septembre 2010 avec le responsable du pôle juridique et technique de l’UNCCAS.
  • [32]
    L’article 60 de la loi a reconnu « l’action sociale d’intérêt communautaire » comme une des compétences optionnelles qui peuvent être exercées par les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Par ailleurs, la décision de créer un CIAS relève désormais de la compétence de l’EPCI.
  • [33]
    L’intercommunalité sociale, un enjeu pour la cohésion des territoires (2005) UNCCAS, collection « Les indispensables de l’action sociale », février.
  • [34]
    « Le CIAS, un outil au service de la petite enfance » (2010), Intercommunalités, revue de l’ADCF, n° 144, avril. Cet article est signé par le délégué général de l’UNCCAS, Daniel Zielinski.
  • [35]
    Zielinski D. (2006), « Une dynamique intercommunale. Le rôle des CCAS », Informations sociales, n° 130.
  • [36]
    Principale association française d’élus représentant l’intercommunalité, l’ADCF, lors de son congrès annuel en 2010, qui s’est tenu à Dijon du 13 au 15 octobre, a consacré un atelier spécifique à l’intercommunalité et l’action sociale avec comme base de discussions le rapport précité.
  • [37]
    Rapport présidé par Caroline Cayeux, L’expérience beauvaisienne du plan d’harmonie sociale au service du renforcement de l’efficacité de l’action sociale locale, Premier ministre, consultable dans la Bibliothèque des rapports publics de La Documentation française, mai 2009.
  • [38]
    Rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert, Les relations entre l’État et les collectivités locales. Révision générale des politiques publiques, Premier ministre, consultable dans la Bibliothèque des rapports publics de La Documentation française, décembre 2007. Travaux de la mission d’information présidée par Jean-Luc Warsmann, La clarification des compétences des collectivités territoriales, Assemblée nationale, rapport d’information n° 1153, octobre 2008.
Français

Résumé

Les politiques relatives à l’intercommunalité menées en France depuis une vingtaine d’années affichent explicitement le caractère solidaire de l’engagement intercommunal. Dès lors, il est possible de considérer que l’action sociale, dont l’objet consiste à réduire les inégalités et à favoriser la cohésion locale, confère à ce domaine de l’action publique une place prépondérante au sein des intercommunalités et participe à la production d’espaces solidaires que souhaite favoriser la coopération intercommunale. Si effectivement les groupements de communes interviennent dans ce domaine, il n’en reste pas moins que l’action sociale dépend toujours et très majoritairement des communes. Autrement dit, l’action sociale est une compétence qui n’est pas prioritairement transférée aux établissements publics de coopération intercommunale. Partant de ce constat, cet article vise à analyser les logiques qui participent au maintien de l’action sociale au sein des communes pour ensuite traiter des processus qui engagent certains territoires à intercommunaliser leurs politiques sociales.

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Thomas Frinault
Maître de conférences en science politique à l’université Rennes 2, chercheur au CRAPE, CNRS, UMR 6051. Ses recherches portent sur les politiques sociales et les politiques de vieillesse.
Rémy Le Saout [*]
Maître de conférences, directeur de l’UFR de sociologie à l’université de Nantes. Il est également chercheur au CENS, EA 3260, ses domaines de recherche sont l’intercommunalité et la fonction publique territoriale.
  • [*]
    Thomas Frinault, maître de conférences en science politique à l’université Rennes 2, chercheur au CRAPE, CNRS-UMR 6051.
    Rémy Le Saout, maître de conférence en sociologie à l’université de Nantes, chercheur au CENS, EA 3260.
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/02/2012
https://doi.org/10.3917/rfas.114.0114
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