Introduction
1Les systèmes de santé évoluent, comme tous les systèmes soumis à un environnement changeant : mutation et chronicisation des pathologies (sida, cancers, maladies de la personne âgée), patients vieillissants et plus actifs dans la décision médicale, nouvelles technologies de l’information et de la communication et, depuis les années quatre-vingt, intensification des régulations publiques dans un contexte où la viabilité financière du système de protection sociale est vue comme plus difficile à garantir. Au sein des professions médicales, les médecins libéraux de ville se sentent certainement parmi les plus directement sollicités par le changement, soit parce qu’ils ne sont pas protégés par une structure comme leurs collègues hospitaliers, soit du fait même de leur position à l’entrée du système (avec les services d’urgence) sanctionnée par une série d’évolutions législatives (entre autres les lois portant réforme de l’assurance maladie et du Code de la santé publique d’août 2004 ; la loi Hôpital, patients, santé et territoires de juin 2009). Ils sont donc plus directement exposés aux mutations de l’environnement externe : mutations politiques, économiques et sociales. Ainsi, il convient de poser quelques réflexions sur la médecine de ville, sa situation actuelle et sa capacité d’adaptation dans les années à venir, notamment face à l’évolution de l’encadrement de l’exercice professionnel (recommandations de bonnes pratiques, évaluation des pratiques, etc.).
2Les dispositifs d’observation répétée à grande échelle de la population de médecins généralistes sont relativement rares en France. À l’initiative de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la Santé, de la Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé (FNORS), des unions régionales des médecins libéraux (URML), des observatoires régionaux de la santé (ORS) et des unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) de cinq régions françaises (Basse-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur), la création d’un dispositif d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale a pris, en 2007, la forme d’un panel, permettant le suivi dans le temps de l’activité et des attitudes, comportements, croyances et opinions de médecins généralistes libéraux. Trois objectifs sont visés, à savoir l’observation des pratiques de prise en charge en médecine générale et leurs déterminants, l’observation du cadre d’activité, de l’environnement professionnel et du rythme de travail des médecins, ainsi que la réponse aux attentes spécifiques d’acteurs régionaux.
3Un apport essentiel du suivi d’une population par échantillon est de compléter les connaissances objectives – souvent quantitatives – disponibles dans les registres officiels, en l’occurrence les données d’activité rendues disponibles pour tous les médecins à travers le relevé individuel d’activité et de prescriptions (RIAP) du Système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (SNIIRAM). L’enrichissement peut consister en l’ajout d’autres données quantitatives ou objectives – la carrière, la résidence, le revenu du ménage dont le médecin fait partie –, qui peut jouer sur ses choix d’activité, ou de données subjectives, relevant des « représentations » et des attitudes, cela pour affiner la compréhension de certains comportements, qu’ils soient d’ailleurs économiques ou strictement médicaux.
4La première partie de cet article sera consacrée à un aspect méthodologique du panel : comment et sur quels critères de représentativité a-t-il été construit, quels sont les taux d’attrition brute et nette entre deux vagues d’enquête ? Par la suite, une rapide présentation des médecins panélistes sera proposée, avant de déterminer en quoi les réformes auxquelles ils doivent faire face depuis quelques années modifient leurs conditions d’exercice. Puis seront étudiées la mise en place et l’adhésion à deux nouvelles modalités des pratiques : l’éducation thérapeutique et l’hospitalisation à domicile, avant de nous intéresser à la formation et à l’accès à l’information des généralistes. Enfin, nous reviendrons sur la santé mentale des médecins, et plus précisément sur le sentiment d’épuisement (burn out).
Présentation du panel
5En 2002, un panel de médecins généralistes libéraux avait été construit en Provence-Alpes-Côte d’Azur, à l’initiative conjointe de l’URML et de l’ORS de cette région. Entre 2002 et 2007, ce sont sept vagues d’enquête qui ont été menées auprès d’un échantillon de 600 médecins de la région PACA (Ventelou et al., 2005), dont 560 auront répondu à toutes les vagues d’enquête. L’attrition entre les vagues d’enquête a été gérée par remplacement des médecins sortants par des pairs présentant un certain nombre de caractéristiques communes (sexe, âge, type de la commune d’exercice).
6En 2006, la DREES a sollicité la FNORS afin de développer cet outil en l’élargissant à quatre autres régions françaises de densités médicales contrastées – Basse-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Pays de la Loire. Le but était de permettre de suivre de manière dynamique les évolutions de la médecine générale sur un ensemble diversifié de territoires en France.
Cinq vagues d’enquête
7Cinq vagues d’enquête ont été menées entre mars 2007 et septembre 2009 qui ont permis de documenter divers thèmes de façon transversale ou longitudinale :
- thèmes étudiés de façon transversale : réseau professionnel du médecin et coordination des soins, conditions de travail, état de santé des médecins, éducation thérapeutique, disponibilité face aux crises sanitaires (grippe A), attitudes face aux recommandations de bonne pratique et, parfois, en matière de prescriptions médicamenteuses ;
- thèmes longitudinaux : activité des médecins, organisation de leur travail, conditions d’exercice.
8Des données extraites des RIAP, fournies par l’assurance maladie, ont par ailleurs complété les données d’enquête. Y sont consignés des renseignements objectifs sur l’activité des généralistes, comme le nombre de consultations ou de visites annuelles, le montant total des remboursements occasionnés par leurs prescriptions, ou encore des informations sur leur patientèle (part de patients disposant de la couverture maladie universelle – CMU –, part de patients ayant plus de 60 ans …).
Élaboration et passation des questionnaires
9L’élaboration des questionnaires a été discutée lors de réunions de coordination technique, elles-mêmes sous-tendues par des réunions de travail, bibliographiques et d’échanges entre médecins, experts et chercheurs. Chaque vague d’enquête a été précédée d’un pilote, réalisé auprès d’une vingtaine de médecins généralistes, dans l’optique de valider l’intelligibilité des questions et des réponses proposées, de contrôler le temps de passation des questionnaires et de vérifier la répartition des réponses. Chaque URML indemnisait la participation des médecins à chaque vague d’enquête en proportion de la durée moyenne du temps de l’interview téléphonique.
Construction de l’échantillon
10La base de sondage a été constituée à partir du répertoire ADELI actualisé au 1er janvier 2007, recensant l’ensemble des médecins généralistes libéraux en France. Pour obtenir un échantillon d’environ 2 000 médecins, 4 592 généralistes ont initialement été sollicités par courrier puis par téléphone. Les entretiens étaient réalisés à l’aide du système CATI (computer-assisted telephone interview). L’échantillon initial a été obtenu par échantillonnage aléatoire stratifié sur le sexe, l’âge (moins de 45 ans, 45-52 ans, 53 ans ou plus) et la zone d’exercice (urbain, périurbain, rural). Les taux de sondage variaient de 1/11 en PACA à 1/6 en Bourgogne, en tenant compte des variations interrégionales de densité de médecins généralistes. Le nombre minimal de médecins interrogés dans chaque région a été fixé à 200 (Aulagnier et al., 2007). Mille neuf cent un médecins ont accepté de participer au panel au départ (taux d’acceptation de 56,7 % parmi les médecins éligibles joints – cf. tableau 1). Parmi les médecins ayant refusé de participer à l’enquête, deux motifs ont été fréquemment cités pour justifier ce choix : le manque de temps (38,4 %) et ne pas se sentir concerné(e) (16,8 %). D’autres motifs ont également été mis en avant, comme le refus de principe de participer à des enquêtes téléphoniques, dans des pourcentages toutefois plus faibles. Les échantillons de chaque région étaient représentatifs de la population de médecins généralistes libéraux sur ces trois critères (sexe, âge, zone d’exercice). Les médecins ayant un projet de mobilité ou de départ à la retraite à court terme ainsi que ceux exerçant de manière exclusive un mode d’exercice particulier (MEP) n’ont pas été retenus.
Taux de participation à l’inclusion par région

Taux de participation à l’inclusion par région
Gestion de l’attrition
11Aux médecins désireux de se retirer du panel, un confrère appartenant à la même strate (même sexe, même tranche d’âge et même zone d’exercice) était systématiquement substitué, de manière à préserver la représentativité de l’échantillon au sein de chaque strate par rapport à la population de départ. Les médecins temporairement injoignables et n’ayant pas signifié officiellement leur désir de quitter le panel n’étaient remplacés qu’après deux absences successives.
12L’une des réussites de cette enquête, qui en fait un atout du panel, est la faiblesse du taux d’attrition (perte) entre deux vagues, qu’il s’agisse d’attrition brute (médecins injoignables ou inéligibles, départs à la retraite, déménagements et absence longue durée) ou d’attrition nette (départs liés au refus de poursuivre le panel) (cf. tableau 2). Sur les 1 901 médecins généralistes ayant participé à la première vague d’enquête, 1 587 étaient toujours présents dans la cinquième vague d’enquête, et 1 540 avaient répondu à tous les questionnaires (soit 81 % des médecins engagés dès la première vague d’enquête), l’écart entre ces deux nombres s’expliquant par la présence de médecins injoignables pendant au moins une vague. Cette attrition a globalement été le fait des femmes, des médecins âgés de 45 à 53 ans et exerçant en milieu urbain. Par rapport à la tendance de l’ensemble, le taux d’attrition n’a que très peu varié entre les régions entre les vagues et a été sensiblement plus fort en Bretagne et en Bourgogne, à la moyenne de l’ensemble en Basse-Normandie et moins fort en Pays de la Loire et PACA.
Détails des attritions brutes et nettes par vague

Détails des attritions brutes et nettes par vague
Un état des lieux général
13L’échantillon est majoritairement composé d’hommes (73,8 %), tous médecins confondus (présents depuis la première vague et remplaçants). L’âge moyen est de 51,3 ans, contre 46 ans pour les femmes, résultat cohérent avec la « féminisation » de la profession par les jeunes générations. Parmi les panélistes, 61,3 % travaillent dans des zones urbaines, 16,1 % dans des zones périurbaines et 22,6 % dans des zones rurales. Plus de la moitié de l’échantillon (52,8 %) exerce en cabinet de groupe, cette part étant plus importante chez les médecins de moins de 45 ans (69,8 %) ou ceux travaillant en zone urbaine (55,1 %). Moins d’un généraliste sur dix (7,6 %) exerce en secteur 2, pour un tarif moyen de consultation de 31 euros.
14Le temps de travail global hebdomadaire déclaré par les panélistes est de 56 heures et 25 minutes dont l’essentiel (55 heures et 19 minutes) est consacré à leur activité libérale, se décomposant en 46 heures et 34 minutes passées en présence des patients, 3 heures et 22 minutes en gardes et 5 heures et 23 minutes en tâches administratives.
Une journée de travail type
15Une journée de travail ordinaire dure en moyenne 11 heures et 6 minutes, avec de fortes variations régionales : les médecins bretons ont tendance à travailler 1 heure de plus par jour que leurs homologues provençaux (11 heures et 30 minutes contre 10 heures et 36 minutes). Parallèlement, les hommes travaillent quotidiennement 45 minutes de plus que les femmes. Les médecins généralistes ont un volume horaire d’autant plus important qu’ils sont âgés : ceux de plus de 53 ans ont une journée de travail type de 11 heures et 12 minutes, contre 10 heures et 54 minutes pour ceux de 45 ans ou moins. Les généralistes exerçant en secteur 2 ou dans un autre secteur non conventionné travaillent en moyenne 30 minutes de moins par jour que leurs confrères en secteur 1, ce qui pourrait s’interpréter par une hypothèse de revenu cible selon laquelle les médecins visent un certain revenu et ajustent ensuite leur nombre de visites à ce revenu et au prix moyen par visite qu’ils perçoivent (Ventelou et Saliba, 2007).
16Au cours d’une journée de travail ordinaire, 16,1 % des généralistes déclarent ne faire aucune consultation programmée, mais ce chiffre connaît de fortes variations régionales : l’absence de programmation concerne 35,4 % des médecins provençaux, contre 4 % des médecins des Pays de la Loire. 33 % des participants ont déclaré ne faire aucune consultation sans rendez-vous. Plus de six médecins sur dix effectuent entre une et cinq visites par jour. Les médecins dont le rythme de travail est le plus soutenu ont tendance à davantage recourir aux rendez-vous programmés (cf. graphique 1). Autrement dit, la pratique des consultations programmées pourrait correspondre à une optimisation du temps de travail, permettant une intensification de l’activité médicale.
17Plus des trois quarts des médecins interrogés déclarent travailler le samedi matin, que ce soit de manière régulière (49,3 %) ou ponctuelle (29,4 %). Seuls 20,4 % des généralistes prévoient de faire une pause d’au moins 15 minutes dans le travail en dehors de la pause déjeuner.
Rythme de pratique et consultations programmées

Rythme de pratique et consultations programmées
Face aux réformes et aux nouvelles conditions d’exercice
Les réformes du 13 août 2004
18Lancé par la loi du 13 août 2004, le dossier médical personnel (DMP) a pour objectif d’établir un dossier électronique sécurisé pour chaque bénéficiaire de l’assurance maladie, accessible via internet. Il devait contenir toute information médicale relative à la prise en charge des patients, dans l’optique d’améliorer la qualité des soins et de faciliter les échanges d’informations entre les professionnels de santé.
19En 2007, quatre médecins généralistes interrogés sur dix estimaient que le DMP pourrait modifier leurs pratiques, alors que 51,7 % émettaient un avis contraire, les autres médecins ne s’étant pas prononcés. Les généralistes convaincus de l’apport du DMP dans leurs pratiques sont majoritairement des hommes (46,3 %), exercent en PACA (50,0 %), ne participent pas à la régulation des urgences (44,6 %) ou ont des activités auprès d’associations représentatives de médecins (48,9 %). D’autre part, les médecins ayant des activités dans des établissements pour personnes âgées (47,6 %) ou qui coordonnent des maisons de retraite (54,8 %) pensent que le DMP aura un impact sur leurs pratiques. Ces généralistes étant régulièrement confrontés à des personnes âgées, le DMP leur permettrait de mieux prévenir les risques iatrogéniques liés aux polyprescriptions, fréquentes chez ces patients âgés (Ventelou et Rolland, 2009).
20La loi du 13 août 2004 a également instauré le dispositif du « médecin traitant ». Ce dispositif vise à limiter la multiplication des ordonnances et des actes de soins incitant les patients à consulter le même médecin en première instance, ce dernier étant ensuite chargé d’orienter son patient vers un spécialiste, si nécessaire. Cette réforme est effective depuis le 1er janvier 2006, soit un peu plus d’un an avant que les médecins généralistes libéraux ne soient interrogés une première fois à ce propos. Au printemps 2007, 33,9 % des généralistes jugeaient que la réforme du médecin traitant avait modifié leurs pratiques. L’année suivante, 35,8 % de ces médecins estimaient que ce dispositif avait eu un impact sur leur activité (cf. tableau 3). En revanche, seuls 28,6 % de ces généralistes partageaient cet avis en 2009.
Opinion des médecins sur le dispositif « médecin traitant » de 2007 à 2009

Opinion des médecins sur le dispositif « médecin traitant » de 2007 à 2009
21À l’automne 2007, 75,7 % des médecins généralistes libéraux estimaient disposer de suffisamment d’informations sur le dispositif « médecin traitant » (cf. tableau 4). Cependant, seul un médecin sur trois jugeait qu’il était plus facile de connaître le parcours de soins des patients, et 86,6 % des généralistes disent qu’ils ont vu s’accroître leur charge administrative à la suite de l’instauration de cette réforme. Dans les relations avec certains professionnels de santé, notamment les confrères psychiatres, les médecins ont pu à cet effet déclarer les difficultés rencontrées pour obtenir des informations relatives aux patients qu’ils leur avaient adressés (Bournot et al., 2008). Lorsqu’on les interroge sur les modifications dans leurs relations avec les patients, 71,0 % des médecins reconnaissent que certaines consultations ont uniquement pour but la délivrance d’une ordonnance d’accès au spécialiste, permettant aux patients d’être mieux remboursés ; 44,3 % des généralistes reçoivent des patients qui étaient pris exclusivement en charge par des spécialistes auparavant et 40,2 % revoient des patients qui ne les avaient pas consultés depuis longtemps.
Dispositif « médecin traitant » : évolution des pratiques et des relations avec les patients

Dispositif « médecin traitant » : évolution des pratiques et des relations avec les patients
Modes de rémunération
22Plus de six médecins sur dix se déclarent satisfaits du mode de rémunération à l’acte de leur activité libérale, mais ce pourcentage est un peu plus faible chez les plus jeunes (54,0 %). Les médecins effectuant au moins 120 actes par semaine (67 % d’adhésion au paiement à l’acte), étant globalement satisfaits de leur activité professionnelle (65,5 % d’adhésion), exerçant seuls ou en zone rurale (65,1 % d’adhésion), sont ceux qui apprécient le plus ce mode de rémunération, de même que les médecins de secteur 2 (ces derniers fixent eux-mêmes le tarif de leurs consultations). Cependant, 75,6 % des médecins considéraient que les actes sont insuffisamment rémunérés en l’état actuel et que la nomenclature est inadaptée.
23Si de nouveaux modes de rémunération venaient à se développer, 63,1 % des médecins seraient favorables à leur apparition. Notamment, plus de la moitié des généralistes seraient disposés à augmenter la proportion de forfaits dans leur rémunération. En creusant la question du côté des « conditions » de leur adhésion, les médecins adhéreraient aux forfaits si ceux-ci portaient sur la prise en compte des actions de prévention, d’éducation à la santé et/ou de dépistage (64,6 %), ou s’ils étaient modulés en fonction de la complexité des cas à prendre en charge (60,1 %). S’ils avaient le choix, la plupart des médecins préféreraient que le forfait soit basé sur la prise en charge globale du patient (34,9 %) plutôt que sur les pathologies à proprement parler (29,6 %).
24Parallèlement à ce mode de rémunération, 46,5 % des généralistes seraient enclins à voir une partie de leur activité devenir salariée (de 55,6 % en moyenne, cf. tableau 5) en contrepartie d’un temps de travail réduit en moyenne de 13 heures par semaine (70,9 %), d’un assouplissement de leur agenda (69,5 %) ou d’un nombre plus restreint de patients (54,5 %). De manière générale, les généralistes seraient favorables à ce nouveau type de rémunération s’il était mis en place par l’assurance maladie (73,5 %), l’État (64,0 %) ou des collectivités locales (55,5 %). S’ils devaient exercer dans un centre de santé, les médecins estimeraient leur salaire net mensuel à 5 000 euros en moyenne, ce revenu ne variant que peu entre les régions et représentant peu ou prou ce que l’on sait des revenus libéraux d’exercice des médecins généralistes (Fréchou et Guillaumat-Tailliet, 2009).
Salariat de l’activité libérale : modalités et compensations

Salariat de l’activité libérale : modalités et compensations
Des modalités de pratiques spécifiques : l’hospitalisation à domicile, les réseaux et l’éducation thérapeutique
L’hospitalisation à domicile
25L’hospitalisation à domicile (HAD) est une solution alternative à l’hospitalisation qui permet de prodiguer des soins médicaux ou paramédicaux au domicile des patients ; le médecin hospitalier, le médecin traitant et tous les professionnels paramédicaux et sociaux y sont associés. L’HAD propose aux malades une offre de soins de qualité, et ce quel que soit leur âge, dès que leur état de santé nécessite des soins complexes.
26Deux généralistes sur trois disent que certains de leurs patients ont déjà bénéficié de l’HAD, principalement lorsque les médecins exercent en zone urbaine (70,9 %). Entre juin 2008 et septembre 2009, 36,1 % des omnipraticiens déclarent avoir adressé au moins l’un de leurs patients aux services d’HAD. Les principaux motifs évoqués pour justifier ce choix étaient le confort du patient (94,1 %), sa sécurité – notamment la réduction des risques d’infection nosocomiale sévère – (82,1 %) ou encore la possibilité d’un suivi continu du patient (80,3 %). L’hospitalisation à domicile a répondu aux attentes de plus de neuf médecins sur dix pour le dernier patient adressé à cette structure. Lorsque ça n’a pas été le cas, c’est en raison d’une circulation des informations entre service de l’HAD et médecin traitant, jugée insuffisante par ce dernier (Paraponaris et al., 2011).
27Si plus de la moitié des généralistes n’a pas adressé l’un de ses patients aux services d’HAD au cours des douze derniers mois, c’est parce qu’il n’existe pas de structure de ce type dans leur zone d’exercice. Pour les médecins ayant eu recours à l’HAD dans les douze derniers mois, le choix de l’hôpital est principalement justifié par un côté plus sécurisant, alors que c’est l’accumulation des démarches administratives qui a freiné les médecins n’ayant pas eu recours à l’HAD dans l’année écoulée (cf. graphique 2). D’autres motifs sont cités par tous les médecins, notamment le fait de ne pas connaître assez le fonctionnement de l’HAD ou encore la peur de perdre la responsabilité de médecin traitant des patients pris en charge par ces structures. Par ailleurs, près de la moitié des médecins n’a pas eu recours à l’HAD pour le dernier patient hospitalisé en raison de l’isolement socio-familial de ce dernier. L’isolement géographique du patient et le manque d’attractivité financière de l’HAD ont influencé le choix de respectivement trois et deux médecins sur dix.
Implication des médecins généralistes au sein de réseaux
28Les réseaux de santé sont des structures de petite taille, constituées de différents partenaires, alliant des médecins, exerçant le plus souvent en pratique de ville, à des organisations à vocation sanitaire ou sociale, tout en incluant représentants des usagers, centres de santé ou institutions sociales. Ces réseaux ont pour principal objectif de proposer aux personnes un accompagnement global et cohérent pour garantir l’amélioration de leur santé.
29La moitié des médecins estiment que les réseaux permettent d’améliorer leurs connaissances des problèmes de santé des patients et que ces structures renforcent la collaboration avec le secteur médico-social (Bournot et al., 2008).
30Seuls trois médecins sur dix sont adhérents de réseaux qui se trouvent dans leur zone d’exercice. Il s’agit notamment de médecins exerçant en secteur 1 (37,5 %) et effectuant au moins 120 actes par semaine (39,9 %). Ces généralistes expliquent leur adhésion par le thème du réseau (diabètes, santé-travail, etc.) et le fait qu’il s’agit d’un problème de santé de première importance (86,3 %), mais aussi parce qu’il est nécessaire d’organiser la coordination entre les différents intervenants (84,5 %), parce que les réseaux permettent à leurs patients de bénéficier d’une prestation remboursée (78,0 %), ou encore parce que ces structures les amènent à travailler de manière moins isolée (74,0 %). En revanche, des sollicitations trop nombreuses provenant de différents réseaux freinent l’adhésion des médecins à ces organismes : c’est en effet la raison majoritairement citée (53,6 %) pour justifier l’absence d’implication au sein de l’une des structures existant à proximité du lieu d’exercice des généralistes. Dans une moindre mesure, devoir renseigner un dossier médical trop lourd (45,3 %) ou une charte d’adhésion trop complexe (40,0 %) sont des facteurs qui découragent les médecins à s’investir dans un réseau.
L’éducation thérapeutique
31Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’éducation thérapeutique (ETP) vise à aider le patient et ses proches à comprendre sa maladie et le traitement, à coopérer avec les soignants, à vivre le plus sainement possible et à maintenir ou améliorer la qualité de vie. En France, l’ETP s’est développée dans le courant des années quatre-vingt, d’abord à l’hôpital, puis en ville. La loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 a instauré un cadre légal formel pour la mise en œuvre de l’éducation thérapeutique. L’article 84 établit ainsi que « l’éducation thérapeutique du patient s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Elle n’est pas opposable au malade et ne peut conditionner le taux de remboursement de ses actes et des médicaments afférents à sa maladie ». Les médecins généralistes du panel sont favorables, dans leur écrasante majorité – plus de neuf médecins généralistes du panel sur dix, soit 1 660 MG au total –, à la mise en place d’un programme d’ETP organisé par des professionnels formés pour tout ou partie de leurs patients atteints de maladie chronique (Paraponaris et al., 2011). Parmi eux, quelle que soit la région concernée, 80 % considèrent que tous leurs patients atteints de maladies chroniques (comme le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires) devraient en bénéficier, tandis que 20 % sont favorables à un ciblage sur les patients ayant besoin de changer leur comportement lié à la santé (94 %) ou ceux ayant des problèmes d’observance (90 %).
32En matière de connaissance de structures habilitées, deux panélistes sur trois signalent l’existence d’une structure proposant des actions d’ETP dans leur zone d’exercice, avec cependant des disparités régionales significatives (52 % en PACA, 69 % en Bretagne, 69 % en Pays de la Loire, 72 % en Bourgogne, 78 % en Basse-Normandie). Ces écarts régionaux tiennent certainement à des différences de maillage du territoire, mais également à leur visibilité par les professionnels de santé.
33Enfin, trois médecins sur quatre seraient prêts à réaliser eux-mêmes, dans leur cabinet, des actions d’ETP avec une formation et une rémunération adaptées. Les généralistes les plus jeunes sont plus fréquemment disposés à procéder à une ETP, peut-être parce que leur formation initiale leur a permis d’acquérir cette compétence nouvelle, alors que leurs confrères plus âgés n’ont pas bénéficié de formation de ce type pendant leur cursus universitaire.
34Pour 92,8 % des médecins du panel, les professionnels les plus à même de réaliser des actions d’ETP sont les médecins généralistes formés. Mais d’autres spécialistes ou instances sont, selon les médecins interrogés, également identifiés comme compétents en ETP, parmi lesquels : les spécialistes formés (78,0 %), les professionnels non médicaux formés (77,9 %), ou encore les réseaux de santé ou les associations de professionnels de santé (73,8 %). En revanche, des dispositifs proposés par l’assurance maladie (37,0 %) ou par d’autres organismes – comme les mutuelles (23,7 %) – ne font pas l’unanimité auprès des généralistes interrogés. Participer à des formations dans le but de mettre en pratique des actions d’ETP auprès des patients intéresserait 70 % des généralistes, parmi lesquels 79,3 % de moins de 45 ans.
Formation et accès à l’information
Formation et évaluation des pratiques
35Quels que soient leur mode d’exercice ou leur spécialité, les médecins ont le devoir de se former et d’actualiser en permanence leurs connaissances afin de garantir aux patients la qualité des soins qui leur sont prodigués. La loi Hôpital, patients et santé et territoires réaffirme le caractère obligatoire de la formation médicale continue (FMC) et étend le dispositif aux autres professions de santé. Ce faisant, la loi clarifie le dispositif en fusionnant les dispositifs complémentaires de la FMC et de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), dont la cohérence d’ensemble souffrait de l’enchevêtrement, dans le développement professionnel continu (DPC). L’article 19 de la loi modifie comme suit l’article L. 4133-1 du Code de la santé publique : « Le développement médical continu a pour objectifs l’évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Elle constitue une obligation pour les médecins. »
36Les généralistes sont de ce fait amenés, d’une part, à consacrer quatre jours par an pendant cinq ans à la FMC et, d’autre part, à intégrer dans leur pratique au moins une démarche annuelle d’EPP ou à être engagé dans une procédure d’accréditation.
37En 2007, près de neuf médecins du panel sur dix déclaraient assister à des FMC, tandis qu’un sur trois participait à l’EPP (Guerville et al., 2009). L’écart d’adhésion entre ces deux activités peut éventuellement s’expliquer par un effet de calendrier : l’obligation légale de FMC a en effet été mise en place huit ans avant celle d’EPP. D’après leurs déclarations, l’évaluation des pratiques professionnelles donne l’occasion à 85,6 % des généralistes de prendre du recul sur leur pratique, voire de l’améliorer. Seuls 23,6 % reconnaissent prendre part à l’EPP uniquement en raison de son caractère obligatoire. Le principal motif évoqué pour justifier l’absence de participation à cette activité est que les instances chargées de son organisation n’étaient pas pleinement opérationnelles au moment de l’enquête.
38Un an plus tard, l’adhésion des médecins généralistes à la FMC a de nouveau été mesurée. Ainsi, 5,6 % des médecins n’ayant pas suivi de formation en 2007 l’ont fait en 2008, alors que 76,5 % des généralistes ont participé à des FMC à la fois en 2007 et en 2008. Une régression logistique multiple de la participation des médecins généralistes aux FMC révèle que ces derniers sont principalement des femmes, exercent en secteur conventionné, en zone urbaine, en cabinet de groupe, et ont des consultations plutôt longues (cf. tableau 6). Par ailleurs, la plupart des médecins qui ont suivi des FMC pendant deux années consécutives ont déjà pris part à une EPP, ce qui confirme l’étroite complémentarité entre ces deux activités (Bras et Duhamel, 2008). Quatre médecins sur dix ont répondu à l’obligation légale de FMC, en y consacrant au moins six jours au cours des douze derniers mois. Parmi ceux-ci, 96,8 % déclarent tirer un bénéfice de ces formations dans leur pratique.

39Probablement en raison du caractère récent de la mise en application de l’EPP au moment où l’enquête a été réalisée en 2008, près de six médecins sur dix estimaient être mal informés sur les conditions requises pour valider ce dispositif. Moins de la moitié des généralistes pensaient alors qu’il leur serait aisé de satisfaire à cette obligation au cours des cinq ans à venir, à savoir obtenir une attestation quinquennale délivrée par le conseil départemental de l’Ordre des médecins selon l’avis d’un « regard extérieur » (médecin expert ou organisme agréé) dont le but est de suivre les actions d’amélioration des pratiques des médecins. Un médecin sur trois était réfractaire à l’EPP : les généralistes concernés n’avaient jamais réalisé de démarche ayant donné lieu à un certificat ni ne comptaient s’engager dans une évaluation des pratiques en 2008.
La santé des médecins
40Les médecins généralistes libéraux sont, après les individus eux-mêmes, les premiers défenseurs de la santé des populations. Mais comment se soucient-ils de leur propre santé ? Nous concluons cet article par quelques éléments sur la santé des médecins généralistes, dont les indicateurs obtenus à travers la quatrième vague d’enquête du panel laissent à penser que la santé perçue et les comportements de santé déclarés des médecins ne sont guère meilleurs pour la santé, voire légèrement moins bons, que ceux de la population générale comparable des cadres et professions supérieures (Desprès et al., 2010).
Santé perçue
41À la question « Comment est votre état de santé en général ? » issue du module minimum européen sur la santé (MMES), 79 % des participants ont répondu « Bon » ou « Très bon », 17 % « Assez bon » et 4 % « Mauvais ou très mauvais » (Desprès et al., 2010). Le genre, la région et la zone géographique d’exercice n’étaient pas associés à cette perception. Mais celle-ci se dégradait avec l’âge. La même question a été utilisée dans le cadre de l’enquête Handicap-Santé en ménages (HSM) en 2008.
42La comparaison des médecins avec la population active et les cadres et professions intellectuelles supérieures dans les mêmes catégories d’âges indique un état de santé perçu chez les médecins moins bon par rapport aux cadres et meilleur par rapport à la population active, et ce quels que soient l’âge et le sexe (cf. tableau 7).
Santé perçue des médecins généralistes du panel, de la population active et des cadres et professions intellectuelles supérieures, en 2008 (%)

Santé perçue des médecins généralistes du panel, de la population active et des cadres et professions intellectuelles supérieures, en 2008 (%)
43Une perception dégradée de l’état de santé (« Mauvais ou très mauvais ») était significativement associée à la déclaration par les médecins d’un cumul de divers symptômes sur les douze derniers mois (fatigue, troubles du sommeil, gastralgies, colites, palpitations …). Un participant sur trois a déclaré une maladie ou un problème de santé chronique ou à caractère durable, cette proportion augmentant nettement avec l’âge. Par comparaison à l’ensemble de la population active et aux cadres et professions intellectuelles supérieures, les médecins déclaraient moins fréquemment ces maladies, quels que soient l’âge et le sexe (cf. tableau 8). Dans ces comparaisons, les différences peuvent être liées au fait que les médecins appréhendent l’état de santé, les maladies et leur durée de façon différente de la population générale. Un peu moins d’un médecin sur dix a déclaré être pris en charge au titre d’une affection longue durée, avec une proportion plus importante chez les hommes que chez les femmes (respectivement 9 % et 6 %).
Maladie ou problème de santé chronique ou durable chez les médecins généralistes du panel, la population active et les cadres et professions intellectuelles supérieures (%)

Maladie ou problème de santé chronique ou durable chez les médecins généralistes du panel, la population active et les cadres et professions intellectuelles supérieures (%)
Comportements de santé des médecins
44À partir du poids et de la taille déclarés par les médecins, il apparaît que 27 % d’entre eux étaient en surpoids (indice de masse corporelle supérieur ou égal à 25 et inférieur à 30) et 7 % obèses (indice de masse corporelle supérieur ou égal à 30). La surcharge pondérale (surpoids et obésité) était deux fois plus fréquente chez les médecins hommes que chez les médecins femmes (39 % et 18 % respectivement). Quels que soient le sexe et l’âge, elle était moins fréquente chez les médecins que chez les cadres et professions intellectuelles supérieures en 2008. L’absence de représentation dans le panel de régions telles que le Nord - Pas-de-Calais et l’Île-de-France, dans lesquelles les prévalences du surpoids et de l’obésité en population générale sont élevées, pourrait en partie expliquer cette différence en faveur des médecins du panel. 83 % des femmes médecins du panel ont déclaré avoir réalisé une mammographie de dépistage au cours des deux années précédant l’enquête, sans différence selon la région d’installation. Cette proportion est équivalente à celle observée en 2008 chez les femmes cadres ou exerçant une profession intellectuelle supérieure. De même, 79 % des femmes médecins ont déclaré avoir réalisé un frottis de dépistage du cancer du col de l’utérus au cours des trois dernières années, soit un pourcentage un peu supérieur à celui observé en population active. En revanche, seul un peu plus d’un tiers des participants âgés de 50 ans ou plus ont déclaré avoir réalisé une recherche de sang dans les selles, soit une proportion supérieure à celle constatée en population générale en 2008. Ce dépistage a été généralisé en France en 2007 avec un objectif de participation de 50 %.
45Au moment de l’enquête, 18 % des médecins ont déclaré fumer occasionnellement (4 %) ou quotidiennement (14 %), 48 % n’avoir jamais fumé et 34 % être d’anciens fumeurs. Les anciens fumeurs étaient plus nombreux chez les hommes que chez les femmes de même que les fumeurs réguliers. La proportion de ces derniers était moindre chez les médecins qu’en population active et que chez les cadres et professions intellectuelles supérieures, quels que soient l’âge et le sexe. La fréquence de la consommation d’alcool à risque ponctuel et à risque chronique sans dépendance (évaluée à partir du test AUDIT et du questionnaire DETA) variait selon les régions, respectivement entre 21 % (PACA) et 31 % (Bretagne) et entre 6 % (Bretagne, PACA, Pays de la Loire) et 11 % (Basse-Normandie). Aucun participant au panel n’était concerné par une consommation à risque avec dépendance.
46Au cours de l’année écoulée, 20 % des médecins ont déclaré avoir consommé des anxiolytiques ou des hypnotiques, proportion plus élevée chez les femmes que chez les hommes (24 % et 19 % respectivement) et chez les médecins de 45-54 ans. Par ailleurs, sur la même période, 5 % des médecins ont déclaré avoir pris des antidépresseurs (8 % chez les femmes et 4 % chez les hommes). Dans 6 % des cas, ce traitement était autoprescrit. Par rapport à la population générale de mêmes âge et sexe, la consommation de médicaments de psychotropes des médecins était un peu supérieure chez les hommes et similaire chez les femmes. Elle était aussi associée à la présence d’une détresse psychologique (évaluée par le MHI-5, issu du questionnaire de qualité de vie SF-36, qui permet d’évaluer la présence de symptômes anxio-dépressifs sur les quatre dernières semaines précédant l’interview). De fait, la prévalence de la détresse psychologique variait entre 11 % (en Bretagne) et 17 % en Bourgogne et, comme cela est habituellement constaté en population, était supérieure chez les femmes (19 % contre 10 % chez les hommes). Des idées et des projets de suicide ont été déclarés par 2 % des médecins dans toutes les régions sauf en Basse-Normandie (4 %). Le fait d’exercer seul était associé à la déclaration d’idées et de projets de suicide.
Conclusion
47Le premier fait frappant de ce panel plurirégional est la relativement faible attrition liée aux refus de poursuivre la participation au-delà de la première vague d’enquête (taux d’attrition net maximal de 4,25 %). Cela témoigne de l’intérêt et de l’engagement des participants dans cette démarche et, en quelque sorte, d’un besoin des médecins d’un regard réflexif sur leur activité. En ce sens, le retour d’information régional par différents supports après chaque vague s’est avéré essentiel dans l’animation du panel.
48Au-delà des données descriptives qu’un tel projet permet de recueillir pour décrire l’activité des médecins (volumes horaires, programmation des consultations …) et comprendre ainsi les contraintes dans lesquelles ils exercent leur métier, ce panel fait ressortir plusieurs résultats marquants. Relativement au dispositif « médecin traitant » promulgué par la loi du 13 août 2004, les résultats recueillis indiquent un avis mitigé des médecins : la majorité a souligné une augmentation de la charge administrative liée à ce dispositif ; interrogés à trois reprises entre 2007 et 2009, les médecins déclarant un changement de leurs pratiques lié au dispositif sont restés minoritaires (de 34 % en 2007 à 29 % en 2009), même si ces pourcentages ne sont en fait pas négligeables. Petite révolution dans l’évolution des mentalités, près de deux tiers des médecins se sont déclarés favorables à une évolution des modes de rémunération – notamment, pour la moitié, vers un salariat au moins partiel. Dans le même temps, une proportion équivalente de médecins était satisfaite du paiement à l’acte, chose qui n’est pas contradictoire puisque, de fait, de nombreux pays (et de nombreux médecins en France) mixent déjà les différents systèmes de rémunération. Cette évolution semble liée, en partie, au besoin de voir une partie de ses revenus garantie tout en ayant la possibilité de réduire son temps de travail. Les volumes importants de travail de la plupart des médecins sont un des principaux facteurs de risque (mais pas unique) d’épuisement professionnel.
49Bien qu’en progression, certaines pratiques restent encore le fait d’une minorité de médecins : le recours à l’hospitalisation à domicile, l’adhésion à des réseaux de santé ou encore le fait, en matière de formation, de prendre part à l’évaluation des pratiques professionnelles (ici, la montée en charge progressive de son organisation est un élément à prendre en compte). Le développement, plus récent encore, de l’éducation thérapeutique rencontre un accueil très largement favorable de la part des médecins, mais des écarts régionaux notables semblent exister dans la connaissance des dispositifs à même de réaliser des actions d’ETP (probablement en raison d’inégalités territoriales d’offre et aussi de visibilité de cette offre).
50Enfin, dans le domaine de la santé, les données recueillies dans le cadre du panel indiquent des comportements de santé des médecins plutôt plus favorables par rapport à la population active de mêmes âges et aux professions intellectuelles supérieures (en matière de poids, de consommation de tabac et d’alcool et de dépistage de divers cancers [sein, colorectum]), ce chez les hommes comme chez les femmes. Les messages de prévention semblent avoir été intégrés par les médecins pour eux-mêmes, même si des progrès restent à faire : le taux de participation au dépistage du cancer colorectal reste encore bas alors que les médecins ont un rôle important à jouer dans la diffusion de cette pratique auprès de leurs patients. Cependant, l’écart favorable en matière de comportements de santé semble s’estomper en matière de santé mentale avec une fréquence des symptômes de détresse psychologique comparable à la population active (chez les jeunes médecins) et une consommation déclarée de médicaments psychotropes équivalente voire supérieure. Ce constat, déjà noté dans le panel régional conduit en région PACA entre 2002 et 2005, est préoccupant : il renvoie, d’une part, à la problématique de l’épuisement professionnel et, d’autre part, à celle des prescriptions de psychotropes de façon plus générale. Il semble en effet exister une corrélation positive entre l’autoconsommation de médicaments psychotropes par les médecins et la prescription de ces médicaments à leurs patients (Verger et al., 2004).
51Dans l’ensemble, le tableau général qui ressort de cette expérience de panel en médecine générale donne l’impression d’une profession fortement soumise au changement (féminisation, différences intergénérationnelles dans les rythmes et les modalités du travail), ouverte au changement (forte adhésion aux FMC et aux nouvelles modalités de rémunération), voire fortement initiatrice de changements, lorsque ceux-ci apparaissent en provenance de la profession médicale elle-même (ETP, HAD). Ces changements, lorsqu’ils sont, ou paraissent, imposés par des logiques non professionnelles, et notamment législatives (la réaction au dispositif du médecin traitant en est une illustration), sont cependant moins bien reçus par les médecins.
Remerciements
Ce travail a bénéficié du soutien financier de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), du ministère de la santé et des solidarités dans le cadre de la convention d’objectifs et de moyens 2006-2008 avec la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (FNORS), de la Direction générale de la santé, de l’institut de recherche en santé publique (IRESP) dans le cadre de l’appel à projets 2008 IReS-Passurance maladie-INSERM-HAS-DREES-RSI-INPES « Recherches sur les services de santé », du Groupement régional de santé publique Provence-Alpes-Côte d’Azur (GRSP PACA), de la haute autorité de santé (HAS), de l’union régionale des caisses d’assurance maladie dans le cadre du Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et du Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (FIQCS)/union régionale des médecins libéraux Provence-Alpes-Côte d’Azur (URML PACA).Les auteurs remercient les médecins qui ont participé au panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale de ville ainsi que les membres permanents du comité de pilotage : Pascale Desprès (ORS Basse-Normandie), Catherine Aubry, Carole Colin (ORS Bourgogne), Bernadette Lémery (ORS Bourgogne), François Tuffreau (ORS Pays de la Loire), Thomas Hérault (URML Pays de la Loire), Sandrine Cabut, Yolande Obadia, Sophie Rolland (ORS PACA), Marc-André Guerville (URML PACA), Muriel Barlet, François Guillaumat-Tailliet, Lucile Olier (DREES).