CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 L’action publique de la santé connaît aujourd’hui de constants processus de redéfinition des cadres pratiques et cognitifs dans lesquels est pensée l’intervention légitime, à la faveur de dynamiques endogènes comme internationales. La conception globale de la santé promue par l’Organisation mondiale de la santé ou les problématiques montantes de sécurité sanitaire tendent à réhabiliter la santé publique comme mode de pensée et d’action. Parallèlement, les crises de santé publique nationales (sang contaminé) ou d’ampleur européenne et internationale (ESB, sida), ainsi que la persistance des inégalités de santé sont venues ébranler le modèle curatif biomédical au fondement du système de santé français.

2 Aussi le soin médical est-il repensé comme partie d’un processus de prise en charge transversale et pluridisciplinaire. Il s’agit de favoriser des démarches de soin cohérentes, de revaloriser la prévention, moins coûteuse et garante d’une meilleure efficacité globale du système de santé, et de réduire les freins à l’accès à la santé.

3 Les évolutions pratiques, juridiques mais aussi cognitives qui touchent le système de santé français sont autant de facteurs de redéfinition de l’environnement social et professionnel des médecins qui ne peuvent maintenir tout à fait des façons de faire traditionnelles. Il est donc important aujourd’hui de s’interroger sur le devenir de leur identité professionnelle. Comment les médecins envisagent-ils leur mission et se positionnent-ils vis-à-vis des autorités publiques compte tenu de l’évolution de leurs conditions d’exercice ? Dans quelle mesure assiste-t-on à une redéfinition de leur métier ?

4 Nous souhaitons apporter des éléments de réponse à partir d’une enquête de type ethnographique menée auprès de différentes catégories de médecins : hospitaliers et libéraux, agents de l’administration déconcentrée, représentants syndicaux ou responsables de réseau, simples praticiens non impliqués dans ces activités collectives. Les données sont tirées d’entretiens et de l’observation de séquences d’échanges professionnels, au cours de réunions et groupes de travail, soit regroupant uniquement des professionnels de santé, soit les confrontant à d’autres catégories d’acteurs, notamment institutionnels.

[Encadré] Présentation de l’enquête

L’enquête effectuée dans le cadre d’un travail de thèse de science politique a été menée dans la région aquitaine. La région ne se distingue pas par une spécificité épidémiologique, ni par une configuration d’acteurs exceptionnelle, et peut ainsi représenter un terrain test, révélateur de ce qui peut se passer. il ne s’agit pas de produire une monographie d’un cas conçu a priori comme hors du commun, mais de mener une analyse dont certains aspects sont généralisables au cas français, si ce n’est plus largement encore.
Une série de quatre-vingts entretiens semi-directifs a été administrée, entre début 2007 et fin 2008. Le discours livré par les médecins est au cœur de l’analyse : il s’est agi de rendre compte de l’expérience des acteurs, du contenu de leur vécu, pour produire une « théorie ancrée » (Glaser et Strauss, 1967).
Les premiers entretiens ont touché des médecins visibles dans les organigrammes institutionnels (hôpitaux, administrations) ou appartenant à des réseaux, à des instances ordinales. mais la liste des interviewés n’a pas été strictement établie au départ : les entretiens étaient l’occasion de multiples renvois à des confrères présentés comme intéressants, importants, ou tout simplement sympathiques. aussi l’enquête de type « boule de neige » a-t-elle été élargie, au gré des fils locaux tissés par les interviewés, afin de « suivre les acteurs » (Latour, 2007).
Nous avons privilégié un traitement thématique des données, centré sur les façons de dire le réel, pour ne pas ranger les mots des acteurs dans des cases préalablement construites. quand un thème, un ordre de justification, était exprimé, un retour systématique à l’ensemble du corpus était opéré, pour établir s’il s’agissait d’une représentation partagée ou au moins répandue, étayée par d’autres données empiriques.
Le travail de recherche a consisté en un permanent va-et-vient entre recueil et analyse des données, le matériau de terrain devant servir à l’élaboration théorique. L’objectif était de faire émerger des théorisations des données de terrain tout au long de la démarche de recherche, les entretiens successifs servant d’outils de validation de résultats provisoires. aussi le thème présenté ici n’a pas fait l’objet d’une construction ex ante testée ensuite sur le terrain. C’est du contenu hétérogène des discours qu’ont émergé la figure du promoteur et l’idée du sacerdoce.
La collecte des données a pris fin seulement quand a été atteint un point de saturation, c’est-à-dire quand chaque entretien supplémentaire n’apportait plus de nouvelles idées ou représentations (Glaser et Strauss, 1967).

5 L’enquête met en lumière comment des médecins, indépendamment de leur mode d’exercice, travaillent à la redéfinition des pratiques et des missions professionnelles, dans une logique d’adaptation pragmatique à l’évolution des contraintes de leur environnement. Ceux que nous appellerons les « promoteurs », bien que minoritaires, travaillent ainsi à la rénovation des pratiques professionnelles en insufflant et en soutenant de nouvelles dynamiques d’organisation du travail et une redéfinition du métier. Précisons qu’il ne s’agit pas d’un terme indigène mais d’une dénomination de l’observateur visant à englober divers termes employés par les acteurs lors des entretiens : « leaders », « porteurs de projets », etc.

6 Il s’agit en premier lieu d’identifier ces « promoteurs » et leurs répertoires de mobilisation. L’implication particulière, le don de soi dont font preuve ces médecins et qui est salué par leurs confrères donnent alors un sens nouveau au « sacerdoce » : traditionnellement employé pour qualifier les généralistes libéraux, notamment en rural, ou certains patrons hospitaliers, le terme tend aujourd’hui à caractériser ces individualités qui travaillent à changer le contenu et les contours du métier.

Les médecins « promoteurs », vecteurs d’ajustement des pratiques

7 Des médecins localement influents s’impliquent de manière intense dans la réorganisation des pratiques locales, avec un argumentaire double : d’une part, ils mettent en exergue leur volonté d’améliorer la prise en charge de leurs patients, d’autre part, l’accent est mis sur les conditions de prise en charge, donc les conditions de travail et de vie des praticiens.

Identification sociale du médecin « promoteur »

8 Issus aussi bien de la médecine libérale que de l’hôpital, les promoteurs peuvent être des fondateurs ou des coordinateurs de réseaux de santé, les instigateurs de structures pluridisciplinaires, des créateurs d’associations cherchant à mutualiser les savoirs et à coordonner les pratiques. À ce titre, l’appartenance institutionnelle n’apparaît pas comme un facteur déterminant d’identification des promoteurs. Néanmoins, tous ont derrière eux plusieurs décennies d’exercice, ce qui leur a permis de forger un réseau professionnel et affinitaire dense et une image charismatique auprès de leurs confrères et des institutions.

9 Plus précisément, les promoteurs sont avant tout des individus identifiés par leurs partenaires locaux comme de fortes personnalités qui représentent de véritables moteurs pour l’action locale.

10 Le mouvement, l’innovation, sont déterminés par l’engagement d’une personnalité charismatique au sens weberien dont l’autorité est fondée sur le dévouement hors du commun et justifiée par la dimension héroïque de son action.

11 Les acteurs identifient clairement les personnes clés sans qui les projets, les partenariats, n’auraient pas vu le jour, malgré les incitations institutionnelles et la disponibilité d’outils créés de manière réglementaire. La volonté de ces individus est affichée comme la source – et ressource – principale de mobilisation. Un médecin considère que rien n’est possible sans « quelqu’un qui ait un certain charisme », sans « la force de la persuasion d’untel ou d’untel ». Selon un confrère, « on réussit à monter des actions remarquables avec à la base plus un charisme personnel que des directives ministérielles » ; « c’est toujours le fait de fortes personnalités ».

12 L’échange entre le promoteur d’un réseau de néphrologie et un attaché de recherche clinique est, de ce point de vue, tout à fait éloquent. Le premier explique comment il a dû se déplacer dans les établissements associés pour expliquer la démarche, mobiliser les équipes, en définitive pour que sa personne serve de caution au projet. L’attaché de recherche chargé du travail de recueil des données considère sa mission comme tout bonnement impossible sans l’intercession de ce praticien :

  • « Il faut que je vienne, et comme ils me connaissent depuis longtemps … enfin ce n’est pas parce que c’est moi mais …
  • Si, c’est grâce à vous qu’on y arrive plus facilement. […] Vous nous avez amené au moins une fois dans chaque centre. »
Les promoteurs apparaissent donc comme des leaders, au sens littéral de celui qui mène le groupe. Ils sont d’ailleurs qualifiés comme tels par leurs partenaires locaux : « Les impulsions sont toujours portées par des leaders. Si vous n’avez pas de leader reconnu, vous n’avez pas de dynamique, les portes ne s’ouvrent pas » ; « il faut des superchampions pour la course de haies. Donc n’arrivent au bout du compte que des gens qui ont tous de grosses personnalités, qui sont vraiment des leaders, pour pouvoir engager un groupe ».

13 Les promoteurs reconnaissent que leur engagement personnel est déterminant. Ils partagent la vision commune de la nécessité d’une dynamique personnelle pour qu’une mobilisation locale voie le jour et se maintienne. Ils reviennent la plupart du temps sur leur expérience d’évolutions très lentes, de cadrages réglementaires complexes, de dynamiques institutionnelles non coopératives, bref sur autant de contraintes qui les ont conduits à s’investir personnellement.

14 Autre caractéristique, les promoteurs sont aussi des « passeurs » (Rocher, 1996), des médecins possédant une position d’interface entre différents mondes sociaux qui les amène à s’assigner une mission de mise en cohérence et en dialogue.

15 Les promoteurs sont des individus capables d’évoluer assez facilement au cœur des dynamiques bureaucratiques et des routines institutionnelles et professionnelles médicales. Ils détiennent une force symbolique largement liée à leur fonction reconnue, à leur carrière ; mais ils maîtrisent également les rouages des organisations bureaucratiques que sont les administrations de tutelle ou les établissements de santé et savent par quelles voies accéder à leurs canaux décisionnels.

16 Ainsi devient-on promoteur parce qu’on peut exploiter un positionnement frontière entre plusieurs mondes sociaux conférant une force mobilisatrice particulière. Le promoteur a une mission de mise en cohérence et de médiation entre des professions ou des institutions clivées. Il instaure des échanges sociaux situés, interpersonnels, en se positionnant comme point de passage légitime et accessible pour l’ensemble des parties, permettant l’émergence de partenariats. Les promoteurs sont des personnes que l’on peut qualifier de « frontières » ou « sécantes », qui se positionnent comme interfaces entre des univers institutionnels ou catégoriels différents et travaillent à leur intégration située [1].

17 Ce type de positionnement a largement été mis en valeur dans la littérature en sciences sociales, à travers diverses notions dont nous ne reprendrons pas ici les nuances définitionnelles : le « porte-parole » (Callon, 1986), le « marginalsécant » (Crozier et Friedberg, 1977) et l’« intermédiaire » (Eymard-Duvernay, 1994), auxquelles s’ajoutent les « appuis conventionnels » de Dodier (1993) ou le « courtier » de Nay (1997), dont l’activité de médiation dépend non pas de ce qu’il est au regard des organigrammes, mais de ce qu’il fait, indépendamment de sa position institutionnelle [2].

18 Le promoteur peut donc appartenir à différentes catégories professionnelles, mais il apparaît d’abord fortement inséré dans le maillage institutionnel local. Il a appris à connaître le fonctionnement des organisations ; il bénéficie aussi d’un large réseau personnel et professionnel qui lui donne accès à l’information de manière plus ou moins informelle. Le plus souvent, il a d’ailleurs plusieurs casquettes, dans le sens où il est détenteur de plusieurs rôles institutionnels qui le font appartenir à plusieurs cercles de sociabilité complémentaires.

19 Le promoteur pourra être un médecin inspecteur de santé publique, à la fois professionnel de santé et agent de service déconcentré, un médecin élu local, ou encore un médecin représentant de sa profession, au sein d’un syndicat ou de l’Union régionale des médecins libéraux. Plusieurs médecins élus locaux considèrent que leurs attributions leur donnent toute légitimité pour interpeller les professionnels de leur territoire mais également pour diffuser des idées, des valeurs, sensibiliser leurs homologues des collectivités à certains problèmes d’ordre sanitaire. Un praticien hospitalier élu régional explique par exemple comment sa double appartenance sociale lui a permis de s’exprimer légitimement sur des questions de santé et de faire évoluer l’approche des autres élus vers une conception plus rationnelle et réaliste de l’intervention des collectivités, au-delà de la seule défense des structures locales dans l’intérêt de leur circonscription : « Je n’en tire absolument aucun orgueil mais c’est parce que j’étais médecin que, quand je voyais mes collègues élus, n’ayant pas vraiment intégré la problématique, lancer des motions pour défendre les actions de proximité, je leur disais “attendez” … C’est certainement parce que j’étais médecin que j’étais accepté dans ce que je disais. […] Donc j’étais médecin et, bien que dans l’opposition, la partie professionnelle, médicale, l’emportait. »

20 L’activité des promoteurs recèle ici une double dimension : elle consiste à construire des projets coopératifs entre des acteurs dont les intérêts ne sont pas systématiquement convergents mais plus fondamentalement « du “sens commun” entre des milieux institutionnels qui ne recourent pas aux mêmes savoirs et aux mêmes représentations » (Nay et Smith, 2002 : 13). Les promoteurs cherchent à la fois à créer des coopérations situées et à construire un fond d’horizon commun, afin que les partenariats aient une chance de persister par-delà les mobilisations ponctuelles qu’eux-mêmes arrivent à impulser.

21 Les promoteurs se posent donc aussi et surtout comme les tenants de plusieurs ordres de normativité qu’ils parviennent à combiner et à faire entrer en cohérence pour que des ententes soient possibles entre des individus aux dispositions cognitives a priori non congruentes. Le promoteur ne se contente pas de faire se rencontrer des intérêts dans un projet, mais s’assigne pour mission de faire vivre une certaine internormativité. Par internormativité, nous entendons la rencontre entre plusieurs ordres normatifs (Arnaud, 1993) appartenant à des groupes, des communautés, des professions.

22 Les promoteurs sont autant de lieux de rencontre entre ordres normatifs, notamment entre mondes médical et administratif. Ils permettent une relative traduction des normes administratives dans la culture médicale et inversement.

23 Les médecins inspecteurs de santé publique illustrent bien ce positionnement d’interface, de passeur, rendu possible par la possession d’une double casquette professionnelle et symbolique qui permet la rencontre des normes propres à l’exercice médical et de la normativité administrative d’État. L’un d’eux explique combien son implication dans un projet est « indispensable » : si l’administration s’adressait aux professionnels libéraux sans passer par un membre de la profession, « ça serait un chou blanc total parce que ce n’est pas le même monde, ils ont quand même une grosse horreur de la chose administrative les libéraux. En plus […] ils ont aussi leur stress, leur activité à gérer. Il ne faut pas leur donner des tableaux Excel à remplir en permanence, ils ne supportent pas. Il faut faire attention. […] il faut une médiation je crois. […] je crois que c’est important qu’il y ait des médecins aux interfaces comme ça. Je crois que ce rôle d’interface est important, pour la légitimité, et puis pour ajuster les décisions ».

24 Mais d’autres médecins apparaissent comme des passeurs particulièrement actifs, notamment des hospitaliers concepteurs et responsables de réseaux de santé qui sont amenés à construire des ponts entre les cadres normatifs des administrations qui financent et contrôlent et ceux des professionnels à mobiliser. Un hospitalier coordinateur, siégeant par ailleurs dans diverses instances et commissions régionales dédiées à la santé publique, affirme, à propos des rapports entre ces dernières et l’hôpital, « je suis à l’interface et je passe mon temps à essayer de faire communiquer ces deux mondes ».

Les répertoires de mobilisation des promoteurs : prise en charge globale et projection territoriale

25 L’observation de terrain permet de distinguer deux dynamiques suivies par les promoteurs dans leurs démarches : l’évolution des prises en charge vers plus de globalité, de transversalité, et l’approche territoriale qui tend à élargir la focale, en prenant en compte l’environnement démographique, géographique et politique de l’exercice.

26 L’action des promoteurs en faveur d’une rénovation des pratiques s’adosse d’abord à leur intégration de l’idée qu’une prise en charge des patients plus globale, pluridisciplinaire, est nécessaire. L’argument est évidemment de recentrer les pratiques sur les besoins multiformes des patients, mais il s’agit aussi d’améliorer les conditions mêmes d’exercice de chacun, en favorisant le partage d’expérience, en fluidifiant les réseaux d’adressage et d’orientation des patients. L’objectif final est d’alléger la charge quotidienne du médecin en démultipliant ses outils de réponse aux problèmes concrets des patients. Les promoteurs montent donc des projets visant à inclure chaque praticien dans une sorte de filière de soins, allant du généraliste aux divers spécialistes, mais également du médecin aux paramédicaux, à l’éducateur thérapeutique, voire aux travailleurs sociaux ou aux auxiliaires de vie.

27 Des promoteurs sont logiquement repérables dans les réseaux de santé nés de la volonté de coordination des prestations : ils font partie du noyau dur de leurs fondateurs, en sont les coordinateurs médicaux ou des membres particulièrement actifs.

28 On retrouve notamment des praticiens hospitaliers impliqués du fait de la spécificité des pathologies qu’ils traitent, sida, addictions et maladies chroniques notamment : ils soulignent l’importance du « travail en multipartenariats », parce que « tout seul on est tous très mauvais ». Mais les promoteurs peuvent également être des libéraux qui souhaitent dépasser la rupture avec l’hôpital et répondre à des difficultés qu’ils rencontrent quotidiennement dans leur exercice, notamment parce que leurs interlocuteurs sont multiples et qu’ils manquent de temps.

29 Notons que, si ces démarches répondent directement aux préconisations de l’État en termes de coordination [3], le but invoqué n’est pas tout à fait identique : l’administration centrale met en exergue l’objectif d’améliorer les prises en charge, tandis que les promoteurs travaillent avant tout à améliorer les conditions de prise en charge et conçoivent les réseaux comme des outils pour faciliter l’entraide ou le relais entre professionnels, le partage d’expérience. L’apport premier des réseaux mis en avant n’est pas technique mais relationnel.

30 Cet angle d’attaque différent apparaît bien dans l’échange entre un représentant de l’agence régionale d’hospitalisation (ARH) et un promoteur lors d’une séance de travail commune [4]. Le premier rappelle que le but des réseaux est « la prise en charge multiforme », « l’approche globale de la situation » du patient, mais le praticien libéral estime lui que cette définition « ne donne pas tout à fait le sens du réseau ». Il insiste sur l’aspect relationnel qui sous-tend la démarche, qui doit surtout créer « un être ensemble » pour les professionnels. De façon caractéristique, pour beaucoup de réseaux financés par l’ARH et l’assurance maladie, les premières années d’existence sont avant tout dédiées à une activité relationnelle de mise en cohérence et d’interconnaissance, même si cela ne correspond pas à leurs buts affichés. Les dimensions privilégiées concernent le mieux travailler, donc le mieux-être des médecins, pour in fine lutter contre l’épuisement de certains et le phénomène du burn out.

31 L’observation d’un atelier de réflexion entre professionnels aquitains est éclairante sur leurs attentes à l’égard des réseaux [5]. La discussion s’ouvre par une mise en débat de l’appellation même de l’atelier, « Les professionnels de santé au service du réseau ». Pour les participants, il s’agit d’une vision réductrice, à laquelle ils préfèrent l’idée de « réseau au service des professionnels ». La suite de l’échange confirme cet objectif central de coordination qui équivaut à de l’entraide : il s’agit avant tout de « s’apprivoiser les uns les autres », ou d’être « autour ».

32 Cependant, les promoteurs peuvent à cet égard emprunter d’autres formules que les réseaux. Mentionnons par exemple le projet de Maison de l’éducation thérapeutique pour les patients chroniques porté par des praticiens aquitains. Elle est conçue comme « un lieu d’accueil » pour les médecins comme pour les patients, « un lieu unique » facilitant les démarches. Les promoteurs du projet travaillent ainsi à publiciser l’éducation thérapeutique, non seulement sous l’angle de la valeur ajoutée pour la prise en charge des patients, mais en valorisant le versant du soutien aux soignants. Les messages délivrés aux professionnels lors d’une manifestation qu’ils organisent l’illustrent [6] : les outils présentés seraient créés « pour les médecins », pour « amener des solutions aux médecins », ces derniers étant « maternés » par la structure d’éducation thérapeutique.

33 Des praticiens inscrivent aussi leur réflexion dans un cadre territorial, parce que les difficultés qu’ils rencontrent sont intimement liées aux caractéristiques géographiques de leur espace d’exercice. Il s’agit souvent de médecins de zones rurales connaissant des problèmes spécifiques, les démarches d’amélioration des conditions d’exercice étant corrélées à une réflexion sur l’attractivité des territoires.

34 Les espaces ruraux sont aujourd’hui confrontés à une sorte de cercle vicieux qui mène à une raréfaction des professionnels de santé : comme l’exercice est plus contraignant, les remplaçants sont difficiles à trouver, les nouvelles installations sont rares, ce qui accentue la faiblesse des effectifs et la pénibilité. Des praticiens tentent de briser cette spirale de désaffection, considérant qu’une amélioration de leurs conditions de travail ne peut passer que par la rénovation du cadre collectif d’exercice qui seule permettrait d’attirer de nouveaux confrères.

35 Pour un promoteur, la problématique de la démographie médicale en milieu rural oblige à réfléchir localement pour « trouver un mode d’organisation du travail qui permet une qualité de travail ». Il souligne que cette réflexion ne peut se limiter aux seuls médecins, car ces derniers prescrivent largement des soins infirmiers et de kinésithérapie pour lesquels les professionnels « fonctionnent en flux tendus ». Autre facteur de pénibilité du travail pour les médecins, ce « temps de coordination des soins […] qui autrefois était tacite » équivaut aujourd’hui à une véritable négociation entre le médecin traitant et d’autres professionnels surchargés. Ce praticien met au premier plan sa volonté de travailler dans de meilleures conditions, donc de créer un réseau de services pour « faciliter, gagner du temps ». Il parle aussi d’« assouplir la vie » en optimisant le temps de travail et l’utilisation des forces présentes sur le territoire. Le fondement de sa démarche est explicite : « Oublions un peu les patients et parlons de nous, professionnels. »

36 Dans ce contexte, un noyau dur de praticiens réunis en association impulse dès 1997 une réflexion sur la pratique lors de réunions interprofessionnelles conçues comme des « temps de territoire ». La réorganisation des gardes est suivie par un projet de maison médicale pluridisciplinaire et multisite. Cette structure permet une coordination professionnelle et favorise l’exercice à temps partiel au sein d’un cabinet « satellite » situé dans une zone particulièrement mal dotée du territoire. L’activité médicale est donc pensée d’emblée dans son environnement géographique, le territoire étant une contrainte fondamentale à prendre en compte dans l’exercice et l’élément fédérateur des participants au projet.

Positionnement professionnel des promoteurs

37 Notons que les promoteurs ne correspondent pas systématiquement aux médecins syndiqués. Si ces derniers travaillent bien évidemment à l’amélioration des conditions d’exercice des praticiens et à leur organisation collective, il s’agit avant tout de défendre des intérêts catégoriels au cours de la négociation avec les pouvoirs publics, notamment l’assurance maladie. Les promoteurs soulignent donc souvent le rôle proprement politique des syndicats, agissant essentiellement selon la logique d’une lutte de pouvoir. Eux empruntent des voies différentes pour tenter d’agir sur les conditions de la pratique médicale. Ils ne se considèrent en aucun cas comme des « représentants » de la profession auprès d’instances. Ils adoptent une démarche de résolution de problèmes situés, plus ou moins collectifs mais partant toujours d’un constat local, qui ne prête pas a priori à une généralisation ou à une reproductibilité. La démarche réformatrice est fondée sur la construction de projets et non directement sur la négociation politique, même si celle-ci peut ensuite être mobilisée pour les nécessités des projets en question.

38 Il peut arriver que les promoteurs se servent des syndicats, ou recherchent leur appui, notamment pour publiciser leur démarche ou comme soutien logistique. Mais dans certains cas ils récusent justement la logique de représentants de la profession qui les obligerait à endosser eux-mêmes ce rôle de promoteurs : les représentants syndicaux sont accusés de ne s’attacher qu’à des problématiques financières, voire à des objectifs politiques. Les promoteurs cherchent alors à s’en démarquer en créant leurs propres réseaux de médiatisation, en faisant de l’aspect non exclusivement corporatiste et conservateur de leur démarche un argument de légitimation supplémentaire.

39 Les promoteurs s’opposent, au regard de l’étude de terrain, à la figure du « pur soigneur », qui lui, se refuse, à envisager le réaménagement des pratiques. Les purs soigneurs peuvent être des médecins libéraux qui ne souhaitent pas s’impliquer dans des réseaux ou des pratiques de groupes au-delà du simple partage des murs d’un cabinet, ou des hospitaliers qui voient les actions de santé publique comme n’étant pas de leur ressort, voire qui mettent en doute leur légitimité même. Entrent dans cette catégorie les praticiens qui refusent les sollicitations pour participer à des groupes de réflexion ou de travail, de la part des services déconcentrés, des collectivités ou de leurs confrères, pour se consacrer exclusivement à leur pratique de soin. Le pur soigneur existe donc aussi bien parmi les libéraux que les hospitaliers : certains « veulent bouger, ont des idées », les autres souhaitant qu’« on les laisse dans leur coin » ; « ça dépend du caractère de chacun, pas du mode d’exercice ».

40 Si le promoteur s’implique dans la dimension organisationnelle de la profession, cherche à mettre en place des changements à son niveau et à créer un mouvement au sein de l’agir collectif, en plus de son activité centrale de soin, le pur soigneur revendique justement sa seule vocation curative, considérant qu’il n’est pas de son ressort de prendre en main la régulation du système dans lequel il évolue. Ainsi, note un généraliste, « 20 % des médecins réfléchissent. Ça ne veut pas dire qu’ils soient meilleurs que les autres, ça n’a rien à voir. Ils réfléchissent et disent “on ne peut pas continuer comme ça, la médecine faite comme ça elle n’est plus possible”. Et 80 % disent “nous on est dans notre coin, on n’a pas le temps de réfléchir, on fait notre boulot, du moment qu’on gagne notre vie, ça suffit”. »

41 La posture de pur soigneur peut d’ailleurs se rencontrer chez des praticiens qui critiquent fermement le « système », soulignant sa complexité et la difficulté de leur travail quotidien, comme chez leurs homologues qui se satisfont globalement de leur environnement. Aussi ne peut-elle être assimilée à une simple posture de défiance vis-à-vis du système, ni à une attitude de passivité et de renoncement, voire de passager clandestin. Il s’agit avant tout d’une croyance dans la noblesse dans la mission du soigneur qui ne peut, ni moralement ni matériellement, s’écarter de son cœur de métier. Explicitement, pour un généraliste, « chacun son boulot. […] ce n’est pas mon boulot de réorganiser le système mais de soigner les gens le mieux possible. Déjà que je ne connaîtrai jamais tous les protocoles ni tous les médicaments ! ». Il estime légitime de ne pas « chercher à mélanger les genres » en s’occupant de réorganisation.

42 Le refus de l’implication dans une action collective ne revient pas systématiquement à un refus de principe, certains admettant l’intérêt des démarches des promoteurs, mais soulignant leur propre manque de temps, de personnel dans leurs structures ou, pour les libéraux, leur obligation de faire fonctionner leur source de revenu. Un médecin généraliste souligne par exemple pourquoi la majorité ne souhaite pas s’investir pour repenser l’organisation globale de la pratique : « Ils n’ont pas le temps : avec leur travail de présence et de défense de leur cabinet, de leur outil de travail économique, ils ne peuvent pas se permettre de dire “je vais me retirer, une fois par semaine, pour me réunir …”. »

43 Certains praticiens considèrent comme tout bonnement impossible de travailler à une rénovation des façons de faire tout en continuant de pratiquer la médecine, ce qui explique leur refus de s’éloigner du soin individuel pour lequel ils ont été formés : un spécialiste de ville souligne que « pour pouvoir discuter de ces grands trucs, il faut y passer tellement de temps qu’on ne travaille plus, on ne pratique plus. Donc on est hors du monde du … on n’est plus le nez dedans, donc on ne peut plus exactement savoir ce qui se passe à la base ». Un chef de service hospitalier va plus loin en dénonçant ce qu’il considère comme un abandon par certains médecins de leur mission de soin : de plus en plus de praticiens s’investiraient « dans des structures piégeuses et technocratiques », donc « ne pratiquent pas », accentuant le problème de la démographie médicale. Pour ce « patron » incarnant le modèle traditionnel de l’élite hospitalo-universitaire fondée par la réforme de 1958, le médecin doit avant tout soigner ses patients, simplement remplir sa mission et laisser au politique ou à l’administration le soin de traiter du volet organisationnel [7]. Ce dernier exemple montre une posture de réfractaire vis-à-vis des mobilisations des promoteurs, rare dans nos entretiens (la plupart des praticiens interrogés adoptent plutôt un discours de sympathisant, parfois admiratifs des démarches de certains confrères et affirmant leur incapacité de les imiter). Bien évidemment, les praticiens que nous avons interrogés ne sont pas représentatifs de la profession dans son ensemble en raison du mode de sélection en boule de neige ; le propos n’est pas ici d’affirmer que les promoteurs sont soutenus par la profession, plutôt de souligner le caractère inattendu de ce « patron » dans l’échantillon retenu.

44 Les promoteurs apparaissent alors largement minoritaires, les purs soigneurs regroupant la plupart des médecins aquitains. Aussi doivent-ils lutter pour publiciser leurs projets, pour y adjoindre leurs confrères et convaincre les autorités publiques. Le modèle du praticien libéral isolé ou de l’hospitalier enfermé dans sa structure ne disparaît pas. Loin d’un mouvement global d’évolution des pratiques, seule une frange marginale des médecins prend à bras-le-corps les difficultés structurelles de l’exercice, en s’appuyant sur des réseaux de connaissance professionnels et des effets de réputation. Cet aspect alourdit d’ailleurs d’autant cette mission, puisque la démarche de promoteurs ne va pas de soi pour la majorité des acteurs qu’ils doivent convaincre.

45 Malgré cette marginalité, il faut cependant noter que l’action des promoteurs et les répertoires privilégiés apparaissent ancrés dans les normes d’action véhiculées par les pouvoirs publics et les instances représentatives de la profession.

46 Depuis les années quatre-vingt-dix, les financeurs mettent en place des mesures incitatives en faveur du regroupement : Fonds national de prévention d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS) de l’assurance maladie, Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) fondu au moment de l’enquête dans le Fonds d’intervention pour la coordination et la qualité des soins. Les promoteurs se saisissent d’ailleurs pleinement de ces outils [8].

47 Parallèlement, le gouvernement promeut une dynamique de réorganisation des soins en privilégiant l’optique territoriale. Réuni dès 2002, un Comité interministériel à l’aménagement du territoire a par exemple lancé un appel à projets pour des démarches partenariales avec comme objectif d’inscrire la santé dans le développement local. Parallèlement, la permanence des soins est définie par décret comme une mission d’intérêt général [9]. Il faut aussi mentionner les débats autour de la loi Hôpital, patient, santé et territoires qui privilégient l’approche par les réseaux ou les maisons pluridisciplinaires et précisent les missions du médecin de premier recours, notamment la coordination des soins et la participation à la permanence des soins.

48 L’angle de réflexion sur l’organisation des soins est le même au niveau régional : on observe que le conseil régional d’Aquitaine s’est saisi des questions de santé au travers d’une action significativement intitulée Santé et territoire, en faveur de la démographie médicale en milieu rural et d’un soutien à la réorganisation des professionnels de santé au sein des territoires infrarégionaux. Les intérêts catégoriels des médecins rencontrent donc la volonté des élus locaux de maintenir l’attractivité de leurs circonscriptions en maintenant une offre de service, donc leurs préoccupations en termes de permanence des soins.

49 Parallèlement, les instances représentant la profession médicale axent leur réflexion et leurs actions sur des problématiques semblables : permanence des soins, accès aux soins, coopération multidisciplinaire.

50 L’activité de l’Union régionale des médecins libéraux d’Aquitaine (URMLA) montre que la réorganisation professionnelle et la permanence des soins sont conçues comme des enjeux majeurs : en témoigne par exemple la création en 2000 d’une commission Conditions d’exercice, ainsi que d’une commission Coordination des soins [10], travaillant sur les thématiques du burn out, du stress des soignants, de concert avec l’amélioration de la qualité des soins et leur meilleure coordination. La programmation événementielle de l’Union suit ces mêmes préoccupations : aux Journées des réseaux de santé (dont la quatrième édition se déroule au moment de l’enquête), regroupant médecins, représentants des patients et de l’assurance maladie, s’ajoute la Journée de la permanence des soins, ces deux problématiques étant présentées aux praticiens comme « au cœur de l’actualité et de votre activité [11] ».

51 Ainsi les discours des instances professionnelles et des autorités publiques sont congruents s’agissant des enjeux sociaux et professionnels auxquels la médecine doit faire face au début des années 2000. Les médecins promoteurs, sans forcément s’y appuyer explicitement, reprennent donc, dans leur hiérarchisation des problèmes et dans les outils qu’ils mettent en place pour y répondre, les référentiels promus institutionnellement. Il ne s’agit pas d’une action ex nihilo mais d’une intégration, par ces médecins, des impératifs techniques, territoriaux et démocratiques contemporains touchant à l’organisation de leur activité.

52 En définitive, les promoteurs conservent leurs valeurs et activités premières, tout comme leurs intérêts propres, mais y ajoutent de nouveaux objectifs, de nouvelles conceptions de l’exercice. S’ils n’abandonnent pas leur vocation curative centrale, ils élargissent le champ et le sens de leur action légitime. En ce sens, les médecins promoteurs opèrent un « alignement de cadre » (Snow et al., 1986), c’est-à-dire qu’ils font en sorte que leurs intérêts, valeurs et croyances, donc leur définition des situations et l’organisation de leur expérience, soient congruents avec les impératifs de leur environnement. Ils participent d’un processus de mise en conformité entre le cadre interprétatif de leur métier et ce qui est conçu aujourd’hui comme légitime en matière de santé, donc entre ce qu’ils font et ce qu’il convient de faire.

53 Ces médecins procèdent à une extension de leurs formes de mobilisations légitimes et par là même à un enrichissement du cadre d’interprétation de l’activité médicale, en y intégrant une dimension collective et en développant de nouveaux objectifs. Ces processus d’alignement des cadres professionnels leur permettent d’entrer en cohérence avec les problématiques politiques d’accès et de qualité des soins, tout en favorisant leur positionnement symbolique central au sein de l’action collective et in fine le maintien de leur leadership catégoriel.

54 Cependant, l’analyse de terrain révèle un aspect capital des mobilisations qu’il faut souligner pour ne pas préjuger du potentiel réformateur des promoteurs : malgré la concordance entre leurs répertoires d’action et les normes d’action promues par les pouvoirs publics, l’action des promoteurs n’est pas gouvernée par une volonté explicite de réforme de l’action publique dans sa globalité. Ils ne cherchent pas à défendre un nouveau modèle d’action, mais agissent au cœur du système historiquement construit pour en modifier certains aspects. Ils insistent d’ailleurs sur la nécessité pour eux de continuer d’exercer leur activité purement médicale. Dans leur discours, leur légitimité même de promoteur auprès de leurs confrères comme des financeurs ne peut passer que par un contact permanent avec le terrain. Ils ne conçoivent pas de se substituer aux décideurs travaillant à plein-temps à l’organisation du système de santé et soulignent que c’est justement par leur contact avec les patients et les autres professionnels qu’ils sont en capacité de faire évoluer leur activité.

55 Aussi ces engagements ne forment-ils pas un tout structuré. Les promoteurs ne constituent pas un réseau institutionnalisé d’action publique, ni une catégorie homogène ou qui se percevrait comme unifiée. L’analyse de terrain ne permet pas de considérer ces acteurs comme membres d’un collectif, d’une « coalition » au sens des advocacy coalitions, réunies pour défendre la réalisation d’un système de croyances partagées (Sabatier et Jenkins-Smith, 1993). Certes, les promoteurs partagent une certaine vision du monde et des outils à mobiliser pour la réalisation de buts. Mais ils ne forment pas pour autant une advocacy coalition car ils ne s’organisent pas stratégiquement en un groupe formé pour influer sur le processus décisionnel public. Leur objectif premier est d’amender leurs propres pratiques, à leur échelle ou celle de leurs confrères proches, non pas de changer le système global. Ils réfléchissent à l’échelle professionnelle, voire affinitaire, sans forcément avoir conscience de produire une évolution dépassant leur propre cas. Les promoteurs ne forment donc pas une coalition stratégique d’acteurs travaillant ensemble pour produire du changement.

Vers une nouvelle approche du « sacerdoce »

56 Certains acteurs s’assignent donc un rôle de créateur puis d’accompagnateur des mobilisations locales, leur investissement personnel en devenant un facteur explicatif central. Cela amène à repenser l’idée de « sacerdoce » appliquée au médecin. Si le modèle ancien du praticien corvéable à merci tend à disparaître à mesure que les aspirations professionnelles des médecins évoluent, une forme nouvelle de sacerdoce apparaît, celui du médecin promoteur, travaillant à la rénovation des formes et du contenu du métier.

57 D’ailleurs, contrairement à celui de promoteur, le terme « sacerdoce » est lui plusieurs fois utilisé par les acteurs, en référence à un phénomène souvent observé pour qualifier leur profession mais également parce qu’ils sont soucieux de souligner la dimension exceptionnelle de l’investissement de certains.

58 Nous ne nous attacherons pas ici aux diverses causes qui peuvent pousser l’acteur à s’engager, envie de diriger, croyance dans la nécessité de travailler autrement ou besoin de reconnaissance. Sans préjuger de la prégnance de l’une de ces « bonnes raisons », il est nécessaire de souligner le sacerdoce comme modalité de l’engagement dans – et moteur de – l’action collective et de chercher à en comprendre les ressorts.

59 En effet, la mise en lumière de ces mobilisations fondées sur le sacerdoce de personnalités isolées est particulièrement importante dans une analyse de l’action publique de la santé, car elles paraissent à contre-courant des discours nationaux de rationalisation ou d’évaluation selon des critères objectivables. L’action de terrain s’avère ici paradoxalement ne pas répondre aux règles officielles de modernisation de l’action publique.

60 Les analyses contemporaines de la profession médicale comme les écrits professionnels mettent en lumière le changement dans la manière dont les médecins envisagent leur activité : la charge professionnelle et symbolique du médecin jusqu’à une période récente était qualifiée de sacerdoce dans la mesure où le praticien se devait d’être – et se concevait comme – dévoué à ses patients et corvéable à merci. Cependant, le refus des nouvelles générations de reproduire l’expérience de leurs aînés a amené un désir d’évolution des rythmes de travail qui se traduit notamment par des horaires de présence plus strictement respectés et, pour les cabinets de ville, le renvoi des appels sur les centres 15. On assiste en ce sens à une relative disparition du modèle sacerdotal d’exercice médical.

61 L’observation locale révèle ici un apparent paradoxe : le type sacerdotal d’engagement continue d’exister, sous d’autres formes. Le monde de la santé étant parcouru d’intérêts divergents et perçu comme particulièrement complexe par les acteurs mêmes qui y participent, le sacerdoce, comme don de soi, engagement hors du commun pour une cause collective, reste nécessaire. La mobilisation au-delà des routines administratives ou professionnelles n’est possible que par l’intercession de « bonnes volontés » qui font don de leur temps, de leurs connaissances techniques et institutionnelles, de leurs réseaux, en somme de leur personne. Elle devient tributaire d’une personnalité charismatique et convaincue par laquelle tout se joue. Aussi une nouvelle forme de sacerdoce apparaît-elle, dont la logique diffère de l’ancienne.

62 Car un modèle sacerdotal ne laisse pas simplement place à un autre. Le sacerdoce dont il est ici question ne peut être considéré comme un « modèle » comme l’était le mode d’exercice caractéristique des praticiens de campagne ou des patrons hospitaliers. Cette forme d’engagement n’est pas généralisée, elle représente l’expérience isolée de certains acteurs. Le sacerdoce peut être compris comme un modèle au sens où il force l’admiration, mais pas dans le sens où il est reproductible et reproduit dans de multiples situations.

63 Notons d’abord que, contrairement à celui de l’ecclésiastique qui prononce des vœux, le sacerdoce tel que nous l’envisageons ici ne résulte pas d’un choix délibéré, ponctuellement déterminé à un moment donné de la trajectoire professionnelle et personnelle. Il s’agit plutôt d’une situation de fait, non d’une volonté ou d’un projet identifié comme tel par l’acteur au moment de son engagement, mais d’une observation ex post. Cette observation pourra néanmoins être formulée par certains partenaires, voire par l’acteur concerné lui-même, mais lorsqu’il est appelé à réfléchir à sa propre action, devant une question de l’enquêteur.

64 Le sacerdoce dont nous traitons ne revient pas à une volonté délibérée de gravir un échelon supplémentaire dans la hiérarchie entre Dieu et les hommes, l’individu qui s’engage ne cherche pas à se positionner à part ou au-dessus de ceux qui forment la multitude. Le sacerdoce ne correspond pas à une stratégie visant à établir un leadership : si cela peut in fine être le cas, si les partenaires locaux s’en remettent à lui et le citent en exemple, la volonté de commandement ou de prestige ne résume pas toute l’épaisseur du sacerdoce identifié ici. Il peut en effet s’agir d’un engagement de type moral, altruiste, l’individu se sentant investi d’une tâche visant le bien commun.

65 Les promoteurs se chargent de l’impulsion des projets, de leur mise en forme première au-delà de la bonne idée. Mais ils portent aussi à bras-le-corps leur concrétisation, sont présents à toutes les étapes de leur développement. La force reconnue au promoteur est une présence au moment de la réflexion mais qui se prolonge dans la mise en œuvre, imprimant finalement sa marque personnelle au format du projet.

66 Pour le responsable d’un réseau consacré au recueil et à la mutualisation de données en néphrologie, si certaines équipes se mobilisent pour répondre aux sollicitations de son réseau, « c’est parce qu’il y a eu une individualité qui a fait qu’ils se sont bougés ». Par exemple, dans une clinique girondine, « c’est un médecin qui fait tout. Il fait tout, tout seul. À un moment il a essayé d’inclure ses collègues, mais du coup il a pris du retard. Donc ce n’est pas la structure qui s’est engagée, c’est une personne ». Or si ce praticien est particulièrement investi dans le projet du réseau, c’est bel et bien parce qu’il en est l’un des instigateurs, « parce qu’il est dans la commission du réseau aussi, parce qu’il a été très volontaire. […] Il était finalement un des moteurs dans cette affaire ».

67 De manière générale, la plupart des acteurs locaux, sans même citer de mobilisations précises, pointent que s’investir dans l’action collective demande une énergie mais surtout une persévérance hors du commun, ce qui explique que seuls ceux dont la motivation est profonde et l’engagement convaincu peuvent concrétiser des projets.

68 Un promoteur admet combien « pour faire bouger les choses, ça prend du temps. Il faut se battre », décrivant les multiples déplacements effectués pour « interpeller » les institutions et convaincre les financeurs. Si « avec un peu de patience et d’entêtement, ça marche », il reconnaît la lourdeur de l’investissement, puisqu’« il a fallu faire preuve de persuasion » sur un temps long pour un praticien libéral, à la fois auprès des administrations et des confrères de son territoire. Or lui seul, à l’origine du lancement du projet, pouvait assurer cette mise en discussion, la poursuite de la mobilisation, puisque, de fait, il était le référent légitime des différentes catégories d’acteurs et celui qui maîtrisait le mieux les rouages du projet.

69 Les promoteurs tendent donc à s’engager justement parce qu’ils ont conscience que seules des personnes qui, comme eux, parviennent à composer avec plusieurs ordres normatifs sont en capacité de ménager des espaces de coopération. Leurs démarches sont bien accueillies par les administratifs qui saluent leur pugnacité et reconnaissent leur aide fondamentale lorsqu’il s’agit d’infiltrer le monde des soignants parfois réfractaires aux projets institutionnels. À l’inverse, ces acteurs sont crédibles aux yeux de leurs confrères, dont ils partagent la culture professionnelle.

70 Si certains individus font le choix de s’investir, indépendamment de leur statut institutionnel, dans la construction de ponts entre des partenaires hétérogènes et dans la mise en œuvre de projets locaux, c’est donc bel et bien parce qu’ils considèrent que leur message peut avoir des « prétentions à la validité » bien supérieures à celui d’autres acteurs (Habermas, 1987 : 315), la validité d’un message ne reposant pas tant sur la vérité de son contenu, qui ne peut être totalement vérifiée, que sur la crédibilité accordée à son locuteur.

71 C’est, en somme, un processus auto-entretenu qui est à l’œuvre : des acteurs s’engagent de manière « extra-ordinaire », par conviction et sentiment du devoir ; de ce fait, ils acquièrent certaines compétences et ressources tant matérielles que symboliques, qui les font apparaître comme les plus légitimes pour structurer et mener les mobilisations locales.

72 Quelle que soit leur appartenance professionnelle, les promoteurs ont tous construit une forte légitimité localement, à la force du poignet pourrait-on dire. Ils ont fait preuve, en général sur une période de plusieurs années, d’un engagement particulièrement intense pour mener à bien des expériences inédites et générer chez les autres acteurs des dynamiques d’apprentissage collectif et de rénovation des pratiques. Le sacerdoce ne revient donc pas seulement à une forme particulière de dévouement, mais bien à la reconnaissance de cet engagement par les partenaires locaux, qui s’en remettent à un individu, fort de ses compétences ou simplement de son aura, pour piloter les projets ou débloquer des situations conflictuelles. Ainsi, « on ne suit le projet que parce qu’il y a un type qui est particulièrement crédible ».

73 Pareil appui des mobilisations collectives sur l’engagement d’un seul finit par entraîner une identification des projets qui va jusqu’à la personnification. La personne clé devient un personnage incarnant la démarche partenariale. Il arrive souvent qu’un projet soit clairement identifié à la personnalité locale qui en est à l’origine et le porte, par exemple le praticien hospitalier référent d’une thématique particulière. La mention d’une pathologie, d’une approche de soin appelle alors immédiatement, dans le discours des acteurs, celle du nom de l’individu « très impliqué », qui « prend beaucoup sur son temps pour être une force de proposition » et qui incarne, par son investissement, les avancées accomplies en la matière. L’attaché de recherche clinique travaillant pour le réseau de néphrologie considère catégoriquement que les évolutions observées sont « le fait de Monsieur M. ! », fondateur du réseau. Il finit par affirmer, en présence de ce dernier : « Ce réseau, c’est vous. »

74 Les acteurs aquitains paraissent donc concevoir l’action comme fondée sur ces personnes à l’engagement « extra-ordinaire », qui portent à bras-le-corps les projets et parviennent à convaincre d’autres acteurs de les suivre.

Conclusions : mesure du changement et renouvellement de la centralité des médecins

75 Au regard des situations de terrain, la question du changement dans l’action publique de la santé doit être posée autrement que selon une approche volontariste soulignant l’émergence d’un nouveau paradigme et par son contraire, une vision fataliste centrée sur l’inertie et les résistances au changement qui caractériseraient le système de santé. L’observation amène au constat intermédiaire d’un changement incrémental des pratiques par l’intervention de quelques médecins.

76 Ainsi, les évolutions observables ne bouleversent pas l’ordonnancement traditionnel, ni la hiérarchie de pouvoirs (Fassin, 2000 ; Borraz et Loncle-Moriceau, 2000).

77 Des médecins réenvisagent leurs modes de faire et leur rôle même dans l’espace social : chez ces acteurs centraux du soin, la pratique médicale se conçoit comme ancrée dans une filière de soin ou un espace territorial. Il ne s’agit pour le moment que d’engagements situés qui ne permettent pas de conclure à un changement généralisé des pratiques des soignants. Cependant, au cours d’un processus diffus de sensibilisation et d’apprentissage collectif, les démarches des promoteurs paraissent influer sur d’autres praticiens.

78 Ainsi, les promoteurs tendent à renouveler la position d’autorité légitime des médecins en affichant leur capacité à prendre en compte les évolutions de leur environnement. En même temps, leur position d’acteurs incarnant l’élite historique en matière d’intervention en santé les rend justement légitimes pour prendre eux-mêmes en charge la relative réorientation de l’action. Les médecins gardent in fine la main dans et sur l’action collective en travaillant à l’adaptation incrémentale de leurs référentiels d’action. Certes, l’observation de terrain ne permet pas d’interpréter l’action des promoteurs comme systématiquement stratégique à cet égard, car ils ne donnent pas à voir un but ultime de perpétuation de leur leadership à travers leur mobilisation. Mais, de fait, leur action produit des effets de renforcement de leur centralité, donc de perpétuation du modèle d’intervention en santé historiquement consacré à et centré sur la médecine.

Notes

  • [*]
    Docteur en sciences politiques, assistante temporaire d’enseignement et de recherche à l’IEP de Bordeaux, rattachée au laboratoire SPIRIT (URN 5116, CNRS).
  • [1]
    Lorsque nous parlons de « sécant », nous nous rapprochons bien sûr de la figure du « marginal-sécant » proposée par Jamous dans sa Sociologie de la décision et dont Crozier et Friedberg donnent une définition éclairante dans L’acteur et le système. Le « marginal-sécant » serait « un acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d’action en relation les uns avec les autres et qui peut, de ce fait, jouer le rôle indispensable d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’action différentes, voire contradictoires » (p. 86). Dans notre cas cependant, si le caractère sécant est fondamental, la marginalité de ces acteurs ne se vérifie pas.
  • [2]
    Nay emploie la notion de courtier au sens de J. Boissevain (Friends of Friends: Networks, Manipulators and Coalitions, Oxford, Basil Blackwell, 1974), qui définit le courtier social comme l’acteur qui met les gens en relation et crée entre eux de la communication.
  • [3]
    Notamment DHOS/03/DSS/CNAMTS, circulaire n° 2002-610 du 19 décembre 2002 relative aux réseaux de santé.
  • [4]
    Quatrièmes Journées des réseaux de santé en Aquitaine, 18 janvier 2008, atelier 2, « Les professionnels de santé au service du réseau ».
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Premières Journées pratiques d’éducation thérapeutique en médecine de ville, Arcachon, 13 et 14 octobre 2007.
  • [7]
    Pour une analyse de cette élite hospitalière, nous renvoyons à l’analyse de la réforme hospitalière de 1958 proposée par H. Jamous (1969), Sociologie de la décision.
  • [8]
    Outil qui, au moment de l’enquête, vient de se transformer en Fonds d’intervention pour la coordination et la qualité des soins (FICQS), qui tend à simplifier les formules d’organisation et à unifier les canaux de financement.
  • [9]
    Décret n° 2003-880 du 15 septembre 2003 relatif aux modalités d’organisation de la permanence des soins et aux conditions de participation des médecins à cette permanence.
  • [10]
    Elle regroupe la commission Réseaux et la commission FAQSV.
  • [11]
    Programme de la première Journée de la permanence des soins, 11 octobre 2008, édité par l’URMLA.
Français

Résumé

Les évolutions pratiques, juridiques, mais aussi cognitives qui touchent le système de santé français sont autant de facteurs de changement de l’environnement social et professionnel des médecins comme de leur rôle dans la collectivité. Les médecins ne peuvent maintenir tout à fait des façons de faire traditionnelles : certains ajustent leurs pratiques pour les mettre en conformité avec des impératifs techniques, mais aussi territoriaux ou démocratiques contemporains. Ces médecins « promoteurs », bien que minoritaires, insufflent et soutiennent de nouvelles dynamiques d’organisation du travail et une redéfinition du métier de soignant. Leur implication amène à repenser l’idée de sacerdoce s’agissant de la profession médicale. Si le modèle ancien du praticien corvéable à merci tend à disparaître à mesure que les aspirations professionnelles des médecins changent, une forme nouvelle de sacerdoce apparaît. Tout se passe comme si au sacerdoce au soignant venait se substituer, ou au moins se greffer, un sacerdoce du « médecin promoteur », travaillant à la rénovation des formes et du contenu du métier.

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Lise Monneraud [*]
Docteur en sciences politiques, assistante temporaire d’enseignement et de recherche à l’Institut d’études politiques de Bordeaux et rattachée au laboratoire SPIRIT (URN 5116, CNRS). Ses recherches portent essentiellement sur les dynamiques de recomposition de l’objet santé et sur les processus de construction de l’action publique en la matière. Elle travaille également sur les dispositifs participatifs, les politiques locales et les réformes de l’administration publique
  • [*]
    Docteur en sciences politiques, assistante temporaire d’enseignement et de recherche à l’IEP de Bordeaux, rattachée au laboratoire SPIRIT (URN 5116, CNRS).
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/12/2011
https://doi.org/10.3917/rfas.112.0276
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