CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Présentation générale

1L’Allemagne compte environ 82 millions d’habitants. Dans le secteur ambulatoire, le nombre de médecins s’élève à 135 000. 90 % de la population est assurée par une assurance maladie obligatoire, qui offre une couverture relativement étendue (voir encadré 1). Comme dans de nombreux pays européens, la population allemande vieillit et les maladies chroniques connaissent une forte augmentation.

Encadré 1 : Brève présentation du système de santé allemand[1]

Le système de santé allemand est un système fédéral dans lequel les Länder (régions) ont une grande autonomie. Il s’agit d’un système de protection sociale de type « bismarckien », dont le mode de financement est essentiellement assuré par des cotisations sociales. L’assurance maladie relève principalement des caisses d’assurance maladie (environ 90 % de la population couverte), mais également de compagnies d’assurances privées (10 % de la population).
Dernières réformes
Face à l’augmentation de ses dépenses de santé, mais également à des difficultés en matière de coordination des soins et de démographie médicale, l’Allemagne a engagé de nombreuses réformes depuis dix ans. Elles portent sur :
  • l’amélioration du fonctionnement général du système en favorisant la mise en concurrence des caisses (instaurée dès 1996) ; la mise en place d’un médecin « référent » assortie d’un copaiement forfaitaire de 10 euros par trimestre pour la première consultation et une incitation au référencement pour consulter les spécialistes ; le développement du contrôle et de l’évaluation des médecins, l’élaboration de programmes de disease management ;
  • une réduction du niveau des prestations, avec le déremboursement des médicaments non prescrits, des lunettes, etc.
La mise en concurrence des caisses instaurée en 1996 a permis aux assurés de choisir librement leur caisse. Il s’agissait ainsi de favoriser une meilleure gestion du risque et de réduire le nombre de caisses. Rapidement, les assurés ont mis à profit leur possibilité de choix, en se tournant notamment vers les caisses d’entreprise, qui ont des cotisations plus faibles. Un mécanisme de compensation du risque entre caisses, visant à éviter la sélection des patients, a été introduit en 1994. Principalement basé sur l’âge, le sexe et le degré d’invalidité, il a été régulièrement critiqué car ne prenant pas en compte la morbidité des assurés et faussant ainsi la concurrence entre caisses. Afin de neutraliser l’effet de sélection des risques – l’intérêt des caisses étant de n’assurer que des personnes ne présentant pas de pathologies chroniques –, les programmes de disease management ont été ajoutés dans le système de compensation. Des incitations financières ont été proposées aux caisses pour prendre en charge des patients atteints de maladies chroniques. Ce dispositif participe au mécanisme de compensation financière entre caisses inhérente à leur mise en concurrence en plus de son objectif d’amélioration de la qualité des soins et des pratiques des médecins.
La dernière réforme du système d’assurance maladie de 2007 vise à centraliser davantage le système, en tendant notamment à réduire l’autonomie des caisses et le risque de sélection des assurés, avec pour effet de réduire le nombre des caisses. Depuis le 1er janvier 2009, le Fonds unique pour la santé a été mis en œuvre. Il centralise les cotisations, dont le taux sera désormais le même pour toutes les caisses. L’incitation financière à l’inclusion des assurés dans les programmes de disease management a été remplacée en 2009 par une nouvelle règle de compensation des risques qui prend en compte, en plus des paramètres précédents (âge, sexe, invalidité), la présence de 80 pathologies et leur degré de sévérité conduisant ainsi à la constitution de 106 groupes de morbidités pour classer les assurés. Les caisses reçoivent un montant de base et c’est alors la capacité des programmes à améliorer la qualité et/ou réduire les coûts qui donne aux caisses un avantage concurrentiel.
Organisation du secteur ambulatoire en Allemagne
L’offre de soins ambulatoires s’organise quasi exclusivement autour de médecins libéraux dont plus de la moitié sont spécialistes. D’après une étude récente, 68 % des médecins de soins primaires exercent en cabinets individuels. Le secteur ambulatoire est caractérisé par une cogestion entre les unions de médecins conventionnés et les caisses d’assurance maladie. La régulation du secteur ambulatoire relève de la coopération entre les caisses, tandis que les unions des médecins conventionnés prennent en charge l’organisation spécifique de l’offre ambulatoire. Les réformes récentes ont également introduit la possibilité de contractualisation sélective avec les professionnels de santé.

La mise en œuvre du programme de disease management

2Le concept de disease management, ou « programme spécifique de prise en charge des maladies chroniques », a été introduit en Allemagne en 2002 (livre V du Code social). Il s’agit de favoriser, pour les personnes atteintes de pathologies chroniques – en particulier le diabète, l’insuffisance respiratoire et les maladies cardio-vasculaires –, une meilleure prise en charge par les patients eux-mêmes de leur maladie et de leur proposer un programme d’accompagnement spécifique. Celui-ci repose sur la participation du patient et la « proactivité » d’une équipe susceptible d’aller à la rencontre du patient.

Cadre général

3Les programmes de disease management reposent sur un contrat commun passé entre l’ensemble des caisses d’assurance maladie d’une région (le Land), l’association régionale des médecins libéraux et des établissements de santé. Si ces programmes de disease management sont appliqués par les caisses, leur contenu est strictement encadré au plan national et la marge de man œuvre de ces dernières est donc très limitée. Les programmes contiennent des éléments obligatoires définis dans la loi (voir encadré 2).

Encadré 2 : Les éléments obligatoires contenus dans les programmes de disease management[2]

Ces programmes doivent obligatoirement comporter les éléments suivants :
  • la désignation d’un médecin traitant (gate-keeper) qui coordonne l’ensemble des soins et filtre l’accès aux autres médecins et professions de santé ;
  • la définition d’un protocole de soins fondé sur des recommandations professionnelles ;
  • des exigences d’implication du patient dans le processus de soins ;
  • un système d’échange d’informations entre professionnels de santé ainsi qu’entre ces derniers et les caisses ;
  • une formation spécifique au programme pour les professionnels de santé et les patients ;
  • un système d’évaluation.

4Les recommandations professionnelles qui servent de base aux programmes de disease management sont définies par un Comité de coordination fédéral composé de représentants des pouvoirs publics, de l’assurance maladie et de l’Union des médecins conventionnés [3]. Ce groupe d’experts utilise des directives cliniques fondées sur des preuves médicales. Les promoteurs de programmes doivent fournir des informations sur leurs patients et élaborer des indicateurs de qualité. Les caisses sont tenues de produire une évaluation des programmes trois ans après la première accréditation pour que celle-ci soit renouvelée.

5Pour les médecins, il s’agit essentiellement de communiquer de manière trimestrielle à la caisse d’assurance maladie des informations sur la prise en charge du patient afin de permettre de vérifier le respect, par le praticien, des recommandations professionnelles énoncées. Une réglementation des transferts d’informations entre les différents niveaux de soins a également été mise en place.

6Le patient se doit, quant à lui, de faire une visite régulière chez son médecin et de suivre, si celui-ci le prescrit, des séances d’éducation thérapeutique. Des critères pour les programmes d’éducation des patients ont été définis : ces programmes doivent apporter la preuve ex ante de leur efficacité, faute de quoi ils seront refusés.

7On observe des différences entre les régions. C’est toutefois du point de vue de la formation médicale continue introduite dans les programmes que les différences sont les plus flagrantes. Des cercles de qualité ont été mis en place au sein desquels les médecins se réunissent. En effet, en Allemagne, 50 % des médecins travaillent seuls, 25 % exercent en binôme au sein d’un cabinet, et les autres exercent dans des cabinets plus larges. La tendance, comme dans les autres pays, privilégie le regroupement des médecins.

Des incitations financières pour les médecins, pour les patients et les caisses

8L’adhésion au programme de disease management nécessite un double engagement du médecin et du patient. Contrairement à ce qui a cours dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, le programme est géré par les professionnels de manière interne, et non par un organisme extérieur. Les assurés peuvent également participer au pilotage. Si le patient ne revient pas vers son médecin malgré son inscription au programme, il sera relancé par l’assurance santé afin de réintégrer le dispositif.

9En complément du mécanisme de compensation entre caisses instauré en 1994, basé sur le sexe, l’âge et l’invalidité, la réglementation a introduit, en 2004, des incitations financières en direction des caisses d’assurance maladie visant à inclure des assurés dans le cadre de programmes de disease management (voir encadré 1). Actuellement, cette incitation, qui a été réduite depuis la mise en place d’un nouveau mécanisme de compensation entre caisses, atteint 180 euros par an et par patient. 80 % des assureurs intègrent aujourd’hui des programmes de disease management.

10Les caisses ont ainsi pu inciter les médecins traitants à inclure leurs assurés dans ces programmes. Le médecin reçoit pour le suivi des patients une rémunération forfaitaire de 100 euros par an et par patient, en plus des revenus issus de l’activité traditionnelle à l’acte. Il est important de motiver les médecins afin de les accompagner vers leur réorganisation. Les patients du programme bénéficient, quant à eux, d’une exonération des copaiements (médicaments et 10 euros forfaitaires pour la première consultation du trimestre).

Pathologies concernées

11Les programmes de disease management sont ciblés sur un nombre limité de pathologies ou groupes de pathologies : les maladies cardio-vasculaires, le diabète de types 1 et 2, le cancer du sein, l’asthme et les maladies pulmonaires. Il convient de noter l’étendue de ces programmes : en avril 2009, 5 773 000 patients étaient engagés dans ces programmes, soit 6,8 % de l’ensemble des assurés. Le plus grand groupe est formé par les diabétiques, qui représentent 68 % du total des personnes couvertes par un programme de disease management.

12Il convient, par ailleurs, de favoriser la participation des patients les plus défavorisés aux programmes de disease management. En effet, des difficultés ont été observées quant à l’intégration des immigrés ainsi que des ménages les plus pauvres dans ces programmes. En outre, les femmes semblent légèrement surreprésentées dans le programme, témoignant ainsi d’une sélection des patients inclus.

Le disease management en pratique

13En pratique, il s’agit, pour le médecin traitant, de fournir un accompagnement spécifique au patient inscrit dans un programme afin qu’il gagne en autonomie dans la gestion de sa maladie. Le médecin développe une activité de conseil et d’éducation thérapeutique afin d’aider les patients à améliorer leurs compétences et leurs connaissances, conformément aux recommandations médicales et au protocole en vigueur. L’information est principalement fournie par les organismes d’assurance. Tous les trimestres, les patients remplissent un formulaire qu’ils envoient à l’organisation centrale. Des examens réguliers des patients sont réalisés – y compris des examens de laboratoire. Le programme repose donc sur un protocole très défini. En outre, les patients peuvent être adressés par les médecins généralistes vers des spécialistes, notamment en diabétologie, en ophtalmologie et en cardiologie.

14Le lancement en 2002 des programmes de disease management a d’abord rencontré de fortes résistances du corps médical. Certains dénonçaient une médecine de « livre de cuisine », excessivement bureaucratique, liée à la production importante d’informations, sans réelle exploitation de celles-ci.

15En particulier, un certain nombre de spécialistes étaient opposés à la mise en place des programmes de disease management, dont ils croyaient qu’ils allaient leur faire perdre des patients ; mais ils y sont aujourd’hui favorables, dans la mesure où ils reçoivent désormais des patients ayant déjà suivi un traitement de base, ce qui leur donne la liberté de se concentrer sur la prévention des complications, plus conforme à leur rôle.

16Depuis cinq ans, les programmes de disease management ont connu un développement rapide, témoignant ainsi de l’adhésion des médecins au dispositif.

Quelques résultats d’évaluation des programmes de disease management

17L’évaluation du programme de disease management est obligatoire et constitue un aspect essentiel du programme. Elle s’applique à l’ensemble du pays et permet de récolter de nombreuses données à l’échelle nationale (voir encadré 3).

Encadré 3 : L’évaluation des programmes de disease management[4]

L’évaluation des programmes de disease management doit être réalisée tous les trois ans, à partir de la date de l’accréditation initiale. Il s’agit d’une condition préalable pour le renouvellement de l’accréditation. Cette évaluation peut être globale ou limitée à certains éléments du programme. Elle porte sur l’atteinte des critères médicaux (comme la baisse de la tension artérielle, l’arrêt du tabac…), l’observation des règles d’inscription et d’inclusion dans le programme et l’estimation des coûts. La qualité d’un programme est évaluée en fonction des objectifs atteints selon les trois dimensions structures, processus, résultats. Cette évaluation est supervisée par l’Association fédérale des caisses d’assurance maladie et menée par des instituts scientifiques indépendants, selon des critères établis par l’Office fédéral des assurances sociales. Les évaluations s’appuient sur des études de cohortes prospectives non contrôlées, non randomisées. La cohorte se compose de tous les patients qui ont été inscrits dans un programme spécifique pendant au moins six mois.
Les graphiques suivants présentent quelques-uns des principaux résultats issus de cette évaluation nationale, qui montrent une amélioration de l’état de santé des patients inscrits dans un programme de disease management pour deux pathologies : les maladies cardio-vasculaires et le diabète.

Patients atteints de maladies cardio-vasculaires, inscrits dans un programme de disease management

Graphique 1

Tension artérielle systolique depuis l’inscription au programme de disease management (moyenne des patients du programme)

Graphique 1

Tension artérielle systolique depuis l’inscription au programme de disease management (moyenne des patients du programme)

Sources : Évaluation nationale : exploitation des résultats des patients atteints de maladies cardio-vasculaires, usagers de la caisse maladie, AOK, 2008.

18On constate qu’un engagement de long terme dans le programme de disease management est associé à une diminution de la tension artérielle systolique.

Graphique 2

Proportion des fumeurs depuis l’inscription au programme (personnes qui fumaient au moment de l’inscription)

Graphique 2

Proportion des fumeurs depuis l’inscription au programme (personnes qui fumaient au moment de l’inscription)

Sources : Évaluation nationale : exploitation des résultats des patients atteints de maladies cardio-vasculaires, usagers de la caisse maladie, AOK, 2008.

19Après deux ans d’inscription dans le programme de disease management, la proportion de fumeurs parmi les patients atteints de maladies cardio-vasculaires a baissé de près de 35 %.

Graphique 3

Proportion de patients n’ayant connu aucun épisode de douleur à la poitrine depuis l’inscription au programme

Graphique 3

Proportion de patients n’ayant connu aucun épisode de douleur à la poitrine depuis l’inscription au programme

Sources : Évaluation nationale : usagers de la caisse maladie, AOK, 2008.

20Après deux ans d’inscription dans le programme de disease management, la proportion de patients n’ayant connu aucun épisode de douleur à la poitrine est passée de 37,8 % à 53,9 %.

Graphique 4

Événements cardiaques (patients inscrits au programme pour cause de maladie cardio-vasculaire)

Graphique 4

Événements cardiaques (patients inscrits au programme pour cause de maladie cardio-vasculaire)

Sources : Évaluation nationale : usagers de la caisse maladie, AOK, 2008.

21Après deux ans d’inscription dans le programme de disease management, la proportion de patients ayant subi un événement cardiaque – crise cardiaque ou syndrome coronaire aigu – a singulièrement baissé : de 1,1 % à 0,4 % pour le premier et de 4,9 % à 2,4 % pour le second.

22Par définition, l’évaluation nationale obligatoire des programmes de disease management ne réalise pas systématiquement de comparaisons entre les patients inscrits et non inscrits dans les programmes. Une étude de cohorte (ELSID) a permis d’y remédier.

Étude ELSID sur les patients atteints de diabète de type 2 : une méthode d’évaluation qui compare les patients inscrits dans un programme de disease management à un échantillon témoin

23Cette étude de cohorte ELSID (Joos et al., 2005) avait pour objectif d’évaluer l’efficacité de ces programmes par rapport aux soins de routine en se fondant sur des données cliniques des caisses d’assurance maladie ainsi que sur l’expérience des patients. Elle a été menée dans deux régions en Allemagne, sur une population de plus de 20 000 patients et dans plus de 500 cabinets médicaux. L’étude utilise des données cliniques, des taux de mortalité, et se fonde sur des enquêtes telles que Patient Assessment of Chronic Illness Care (PACIC) (évaluation du patient pour les maladies chroniques).

En ligne24Les deux graphiques suivants montrent une différence significative en matière de degré de motivation du patient et de qualité du suivi entre les patients inscrits dans un programme de disease management et les autres.

Graphique 5

Implication des patients dans l’organisation de leur traitement

Graphique 5

Implication des patients dans l’organisation de leur traitement

Sources : Szecsenyi J. et al. (2008), « German diabetes disease management programs are appropriate for restructuring care according to the chronic care model », Diabetes Care, Vol. 31, Number 6, June.

25Les patients inclus dans le programme de disease management déclarent être impliqués plus fréquemment dans leur traitement que ceux du groupe témoin.

Graphique 6

Aide reçue par les patients pour déterminer leurs objectifs

Graphique 6

Aide reçue par les patients pour déterminer leurs objectifs

Sources : Szecsenyi J. et al. (2008), précité.

26Les patients inclus dans le programme de disease management sont plus nombreux à déclarer avoir été aidés dans la fixation d’objectifs pour leur régime ou activité physique.

Le disease management, un « garde-fou » pour les patients à pathologies multiples ?

27[Une étude cas/témoins a été réalisée (Ose et al., 2009) afin d’analyser l’efficacité du programme de disease management pour des patients diabétiques à polypathologies, au regard de leur qualité de vie liée à la santé (QVLS). Un questionnaire, incluant le score EQ-5D [5] permettant d’évaluer la QVLS, a été adressé à un échantillon aléatoire de 3 546 patients atteints de diabète de type 2 (dont 59, 3 % de femmes). Le score EQ-5D varie de 0 à 1 et une différence de 0,05 point a été considérée dans la littérature comme la valeur minimale marquant une différence (Dolan, 1997). Il a été analysé pour les patients, selon qu’ils soient inscrits dans un programme de disease management ou bien suivis en routine.

28L’analyse a montré que la participation à un programme de disease management (P < 0,0001 [6]), le nombre d’autres maladies (P < 0,0001) et l’interaction entre les deux (P < 0,05) avaient un impact significatif sur le score EQ-5D [7].] Le score était plus élevé dans le groupe des patients inclus dans le programme. Plus le nombre de pathologies associées était élevé, plus le score était bas dans les deux groupes, mais la valeur du score était plus élevée dans le groupe des patients inclus dans le programme comparativement au groupe témoin. L’étude montre l’impact positif du programme pour les patients diabétiques même quand les comorbidités associées sont nombreuses.

29La limite principale de l’étude réside néanmoins dans le fait que les patients n’ont pu être répartis de façon aléatoire dans les deux groupes, ce qui ne permet pas d’éliminer un éventuel biais de sélection des patients inclus.

30Le graphique 7 suggère, d’une part, que le nombre de polypathologies a un impact négatif sur la qualité de vie des patients atteints de diabète de type 2 et, d’autre part, que la qualité de vie des patients inclus dans le programme est meilleure que dans le groupe témoin.

Graphique 7

Comparaison des scores EQ-5D des patients inscrits au programme de disease management et de ceux qui sont suivis en routine

Graphique 7

Comparaison des scores EQ-5D des patients inscrits au programme de disease management et de ceux qui sont suivis en routine

Un bénéfice de survie a-t-il été observé ?

31Une évaluation observationnelle cas/témoins de patients atteints de diabète de type 2 (Miksch et al., 2010) a également montré que les patients inclus dans le programme de disease management avaient des chances de survie plus importantes trois ans après leur inclusion dans le programme. Cette étude a porté sur 1 927 patients identifiés à partir des données de remboursement des caisses partenaires du programme. Les témoins sont appariés sur l’âge (âge moyen = 70,7 ans), le sexe (60,3 % de femmes), le statut par rapport au travail (actif/retraité) et une approximation de la comorbidité estimée par l’analyse des prescriptions et des dépenses de santé.

32Des bénéfices de survie significatifs ont été observés pour les patients plus âgés participant au programme de disease management : le taux de mortalité s’élevait en effet à 11 % pour ces derniers, contre 14 % pour les patients extérieurs au programme. En raison du caractère observationnel de l’étude, la différence de mortalité ne peut directement être attribuée au programme de disease management et d’autres recherches doivent être menées pour valider ce résultat.

Les programmes de disease management permettent-ils de faire des économies ?

33[Du point de vue de la rentabilité économique, le programme de disease management repose sur le fait que les dépenses de soins ambulatoires liées au dispositif, de même que les dépenses de réalisation et de mise en œuvre de celui-ci, seraient inférieures aux coûts d’hospitalisation [8].]

34Les évaluations réalisées par un certain nombre de caisses d’assurance maladie ont conclu à l’existence d’une réduction de coûts modérée liée aux programmes de disease management, en particulier pour les patients diabétiques ayant un taux élevé de morbidité.

35L’étude ELSID sur le diabète (Joos et al., 2005) a également observé une réduction des coûts globaux pour les patients diabétiques participant au programme. Des coûts d’hospitalisation moins élevés ont également été mentionnés ; en revanche, les coûts de prescription sont plus importants.

Perspectives

36[En Allemagne, le disease management est particulièrement centré sur le médecin traitant, qui décide d’adhérer au programme et donne son accord à la participation du patient qui fait également une démarche volontaire. En cela, il se distingue du modèle américain, notamment parce que les instruments favorisant le contact direct des assureurs avec les patients – comme les centres d’appels – sont encore très peu développés [9].]

37Toutefois, de nouvelles démarches, plus proactives, se développent en Allemagne ces dernières années. Ainsi, le suivi au téléphone des patients inscrits a été intégré dans les programmes de disease management. Ce suivi est en général réalisé au cabinet par les assistantes médicales [10] spécifiquement formées. Ces assistantes, qui suivent une formation professionnelle de trois années, sont présentes en Allemagne dans la quasi-totalité des cabinets médicaux. En plus de leur formation initiale, elles suivent une formation continue auprès du médecin. L’activité de ces assistantes combine traditionnellement des travaux de secrétariat médical et des tâches cliniques de technicité limitée (prise de sang, mesure de la pression sanguine, etc.), ce qui permet aux cabinets médicaux allemands d’offrir des services plus étendus qu’en France. Certaines effectuent même des visites à domicile. Des études ont montré que le recours aux assistantes favorisait la maîtrise du risque en développant le reporting des problèmes et des maladies.

38Le développement de ce système d’appel téléphonique permettrait un meilleur suivi des patients atteints de pathologies chroniques en améliorant notamment la prévention et la détection précoce des complications. L’objectif est également de favoriser la participation des patients et de leurs familles et, de manière plus générale, de renforcer le rôle clé du secteur des soins primaires. Dans ce cadre, nous avons expérimenté des dispositifs de détection avancée des maladies cardiaques. L’infirmière appelle le patient et, si une alerte est détectée, un généraliste est immédiatement contacté. Cette expérimentation a eu d’excellents résultats. Par ailleurs, une étude menée par l’université de Francfort sur 600 patients dépressifs est également parvenue aux mêmes conclusions (Gensichen et al., 2009). Une autre étude a porté sur les patients atteints d’arthrite (Rosemann et al., 2007). Les résultats ont été si prometteurs qu’un dispositif élargi à de nouvelles pratiques a été engagé.

39Un autre défi à relever dans les années à venir est celui de la prise en compte des polypathologies dans le disease management – pour l’instant, les programmes n’ont été développés qu’autour d’une pathologie particulière, et les patients ne peuvent participer qu’à un seul programme à la fois –, un groupe de travail vient d’être organisé dans cette perspective.

40***

41Les programmes de disease management présentent de nombreux avantages.

42D’une part, ils favorisent une meilleure coordination des soins et des pratiques plus « proactives », tant du côté des cabinets médicaux que des patients.

43D’autre part, des évaluations ont montré que le disease management participe incontestablement à l’amélioration des soins et de la qualité de vie des patients. Les généralistes, qui évoluent au plus près du terrain, apparaissent comme les interlocuteurs idéaux de ce système.

44Les programmes de disease management ont également contribué à mieux positionner l’intervention des spécialistes.

Notes

  • [1]
    Encadré réalisé par l’IRDES.
  • [2]
    Encadré réalisé par l’IRDES.
  • [3]
    Outre le Comité de coordination fédéral, deux autres niveaux interviennent dans le dispositif d’autorisation : le ministère fédéral de la Santé, qui fixe le cadre réglementaire général de la prise en compte des programmes de disease management dans le Fonds de compensation, et l’Office fédéral des assurances sociales, qui autorise, pour une durée de trois ans, les programmes proposés par les caisses et en contrôle la mise en application.
  • [4]
    Encadré réalisé par l’IRDES.
  • [5]
    EQ-5D (Euroqol-5 Dimensions) : échelle de qualité de vie composée de cinq items (ndlr).
  • [6]
    P représente la probabilité que la variable considérée n’ait en réalité aucun impact sur le score ; ici la probabilité que la participation au programme n’ait pas d’impact est extrêmement faible (ndlr).
  • [7]
    Entre crochets, précisions apportées par l’IRDES.
  • [8]
    Entre crochets, précisions apportées par l’IRDES.
  • [9]
    Entre crochets, précisions apportées par l’IRDES.
  • [10]
    Profession essentiellement féminine.

Pour en savoir plus

  • En ligneDOLAN P. (1997), « Modeling valuations for EuroQuol health states », Medical Care ; 35: 1095-1108 CrossRef Medline Web of Sciences.
  • GENSICHEN J. et al. (2009), « Case management for depression by health care assistants in small primary care practices. A cluster randomized trial », Annals of Internal Medicine, September.
  • JOOS S., ROSEMANN T., HEIDERHOFF M., WENSING M., LUDT S., GENSICHEN J. et al. (2005), ELSID « Diabetes study-evaluation of a large scale implementation of disease management programmes for patients with type 2 diabetes. Rationale, design and conduct-a study protocol », BMC Public Health 5: 99.
  • MIKSCH A., LAUX G., OSE D., JOOS S., CAMPBELL S., RIENS B., SZECSENYI J. (2010), « Is there a survival benefit within a German primary care-based disease management program ? », The American Journal of Managed Care, 16 (1), p. 49-54, janvier.
  • En ligneOSE D., WENSING M., SZECSENYI J., JOOS S., HERMANN K., MIKSCH A. (2009), « Impact of primary care-based disease management on the health-related quality of life in patients with type 2 diabetes and comorbidity », Diabetes Care, Vol. 32, n° 9, September.
  • En ligneROSEMANN T. et al. (2007), « Case management of arthritis patients in primary care: a cluster randomized controlled trial », Arthritis Care and Research, Vol. 57, n° 8.
  • En ligneSZECSENYI J. et al. (2008), « German diabetes disease management programs are appropriate for restructuring care according to the chronic care model », Diabetes Care, Vol. 31, Number 6, June.
Joachim Szecsenyi
Joachim Szecsenyi, directeur du département de recherche médicale et de médecine générale à l’université de Heidelberg, propose un aperçu de l’organisation des soins ambulatoires en Allemagne, et notamment des programmes de disease management introduits en 2002. En Allemagne, comme en France, l’organisation des soins est très fragmentée, avec une distinction institutionnelle claire en matière de délivrance des soins primaires et secondaires (soins ambulatoires et hospitaliers). La place des soins primaires y est peu structurée, au sein d’une médecine ambulatoire prise en charge par des médecins libéraux. Ce n’est que récemment que certaines réformes, notamment l’introduction d’incitations financières et d’une plus grande flexibilité dans la contractualisation entre les assureurs et les professionnels, ont tenté de favoriser une meilleure coordination des soins et un renforcement de la place des soins primaires. Différents dispositifs viennent ainsi s’ajouter à l’instauration du disease management : l’introduction d’un mécanisme incitatif au choix d’un médecin référent, la mise en place de contrats de soins intégrés, le développement des centres de soins médicaux regroupant des médecins et d’autres professions de santé, et la promotion du rôle des infirmières praticiennes ayant acquis une formation spécifique orientée vers l’intervention auprès de groupes de patients.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/10/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.103.0081
Pour citer cet article
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