CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Au Royaume-Uni, le mode d’exercice de la médecine générale a connu une profonde réorganisation au cours des dernières décennies. Cette évolution s’est inscrite dans un contexte général marqué par plusieurs phénomènes que connaissent la plupart des pays développés : une hausse de la demande de soins conjuguée à une augmentation constante des coûts, une inégalité croissante de l’accès aux soins, ainsi qu’une pénurie de l’offre médicale dans certaines régions, notamment de médecins généralistes. Dans ce contexte, l’une des réponses des pouvoirs publics a été de favoriser la mise en place de grandes équipes de soins primaires pluridisciplinaires. En l’espace de quelques années, le Royaume-Uni a connu une croissance importante de cabinets médicaux regroupant au moins six médecins généralistes qui exercent avec des infirmières salariées et d’autres professionnels, notamment administratifs. Ces grands groupes visent à offrir une large palette de soins de premiers recours à la population (voir encadré 1).

Encadré 1 : Au Royaume-Uni, un regroupement graduel des médecins généralistes[1]

L’exercice en groupe est une pratique ancrée depuis longtemps au Royaume-Uni qui a été amenée à se développer graduellement. Après la Seconde Guerre mondiale, lors de la transformation du système d’assurance sociale en un système national de santé, le ministère de la Santé exprime déjà son intérêt pour le développement de cabinets de groupe ou de centres de santé. Mais c’est surtout à la fin des années 1960, dans un contexte où le Royaume-Uni fait face à une pénurie importante de médecins généralistes, que plusieurs mesures favorisant notamment le développement de la pratique de groupe sont mises en œuvre : abolition de la liberté géographique d’installation et obligation pour les cabinets d’avoir une liste d’une taille minimale de 1 000 patients ; incitation, afin d’augmenter l’activité des cabinets, au recrutement d’infirmières dont le National Health Service (NHS) finance 80 % du salaire ; enfin, versement d’une dotation spécifique (group allowance) s’élevant à 5 % du revenu total de la pratique à ceux qui adhèrent à un centre de santé.
Cependant, ce sont surtout les réformes des années 1990 qui stimulent le mouvement de regroupement et de réorganisation au Royaume-Uni à partir de la création de structures de gestion de budgets pour l’achat des soins ambulatoires et hospitaliers. Ce sont aujourd’hui les Primary Care Trusts (PCT) qui gèrent tous les services des soins primaires (cabinets de médecins généralistes en groupe ou individuels, services à domicile, services sociaux, etc.). Les PCT sont dirigés par un conseil d’administration où sont représentés les généralistes, les infirmiers, les services sociaux, l’autorité sanitaire locale et la population locale. Ils disposent d’une structure de gestion (managers et financiers, mais aussi conseillers pharmaceutiques, responsables qualité, etc.).
La mise en place du New GP Contract à partir d’avril 2004 confirme la tendance au développement de la pratique de groupe. Désormais, le NHS passe contrat directement avec les cabinets et avec les médecins à titre individuel. Il n’y a plus de liste individuelle pour chaque médecin mais une liste de patients par cabinet. Ce mode de financement incite à optimiser l’organisation du travail et les aspects logistiques des cabinets pour améliorer les revenus. Par l’intermédiaire de ce dispositif, le gouvernement s’attend à ce que les derniers cabinets individuels disparaissent.

Un « cabinet type » de médecine générale au Royaume-Uni

2Le graphique 1 ci-dessous présente les résultats de la dernière enquête nationale consacrée à la charge de travail dans les cabinets médicaux. Il donne un aperçu de ce que peut être un « cabinet type » de médecine générale, même si celui-ci ne représente pas une réalité tangible, les cabinets étant en général caractérisés par une grande diversité. Cependant, un cabinet est constitué en moyenne de vingt-quatre personnes. Les médecins représentent un cinquième de cet effectif (22 %). Exerçant généralement à plein temps, ce sont eux qui fournissent le plus grand nombre d’heures travaillées. La plupart du temps, le nombre d’infirmières est identique à celui des médecins. Elles travaillent à temps partiel et ont donc un temps d’activité moindre. Le personnel administratif forme la part la plus importante des effectifs (45 %). Il s’agit principalement de gestionnaires, de secrétaires, d’appuis administratifs et d’informaticiens qui prennent notamment en charge le système de paiement à la performance.

Graphique 1

Composition type des équipes des cabinets de médecine générale

Graphique 1

Composition type des équipes des cabinets de médecine générale

Sources : 2006-2007 UK General Practice Workload Survey, Information Centre.

Le regroupement progressif des médecins généralistes au Royaume-Uni

3Comment est-on passé au Royaume-Uni d’une offre de soins majoritairement constituée de cabinets médicaux dans lesquels les médecins exerçaient seul ou à deux à la situation actuelle ? La réponse tient principalement au système de paiement. Avant 1990, le gouvernement a, en effet, encouragé la collaboration des médecins et des infirmières en proposant à ces derniers de financer 80 % du salaire des infirmières. Des centres de santé ont été construits afin de permettre aux médecins de les accueillir. Cependant, les modes de pratique n’ont évolué que très lentement. En 1990, le General Medical Services Contract a introduit un système de rémunération des médecins lié à la réalisation d’objectifs. Pour atteindre ces objectifs le plus simplement et le plus efficacement, les médecins ont été amenés à recruter des infirmières. Or, l’embauche d’une infirmière a un coût, et ce sont surtout les cabinets de groupe qui ont été en mesure de le prendre en charge. Les médecins étaient donc incités à se regrouper pour pouvoir recruter des infirmières et ainsi obtenir des rémunérations plus importantes. Employée au sein d’un cabinet collectif, l’infirmière partage ainsi son temps de travail entre plusieurs médecins, cette collaboration permettant d’atteindre les objectifs donnant droit à des subventions spécifiques (voir encadré 2).

Encadré 2 : La collaboration médecins-infirmières dans les soins primaires[2]

Au Royaume-Uni, les infirmières exercent dans les cabinets de groupe selon deux modalités très différentes :
– Dans le premier cas, elles sont salariées des autorités locales pour effectuer des soins au domicile des patients (personnes âgées, femmes et jeunes enfants) et exercent des responsabilités de consultantes en coordination avec les équipes des cabinets. Ces infirmières, qui ont suivi une formation complémentaire, sont parmi les plus qualifiées et ont des compétences en matière de prescription.
– Le second cas de figure, majoritaire, est celui où les infirmières sont salariées des cabinets médicaux et sont placées sous l’autorité hiérarchique du responsable du cabinet, en général un médecin. Leurs tâches sont nombreuses. Elles peuvent assurer des consultations de premiers recours pour des problèmes mineurs, suivre les malades chroniques, développer l’éducation et la promotion de la santé. Elles peuvent aussi prescrire dans la mesure où elles possèdent une qualification spécifique.
Si la présence des infirmières dans les cabinets de groupe de soins primaires est aujourd’hui la règle, dans le cadre d’une collaboration avec les médecins ou d’une délégation de compétences, il s’agit toutefois d’une évolution assez récente du NHS. Pendant une assez longue période (années 1950-1960), les infirmières et les médecins généralistes ont eu, en effet, deux champs d’intervention distincts, relativement cloisonnés et sans logique de collaboration. Les infirmières se concentraient sur les soins à domicile et les médecins généralistes sur le premier recours médical, principalement en cabinet.
Le financement d’une partie conséquente (80 %) du salaire des infirmières a incité les cabinets de groupe à en recruter à partir des années 1980. Les années 1990 voient le début d’une dynamique de délégation de responsabilité financière aux médecins généralistes dits gestionnaires de budgets (GP fundholders). Cette dynamique s’accentue avec la réforme des groupes de soins primaires (Primary Care Trust, PCT) instaurée à la fin des années 1990 [3], de nouvelles logiques de contractualisation étant désormais mises en place dans le cadre de ces groupes.
De nouveaux rôles pour les infirmières dans le cadre d’une diversification des services offerts par les groupes de médecins généralistes
Ces nouveaux contrats passés avec les PCT permettent aux cabinets de groupe de recevoir des ressources supplémentaires de celles reçues par le biais de la capitation, en contrepartie d’engagements sur des objectifs de service ou de qualité.
Ces objectifs peuvent, par exemple, porter sur l’extension des services (dépistage du cancer du col, planning familial, vaccination, soins périnataux et des enfants…), des critères de performance clinique (exemple : 70 % de patients asthmatiques de la liste doivent être vus au moins une fois en quinze mois…) ou des critères d’organisation du cabinet (traçabilité des prescriptions dans les dossiers des patients, enregistrement de la pression artérielle dans les dossiers médicaux pour plus de 75 % des personnes de plus de 45 ans sur la liste…). Ces objectifs sont clairement définis et « opposables » aux médecins généralistes et aux groupes, mais ces derniers sont entièrement libres de choisir les modalités de leur mise en œuvre.
Les médecins généralistes ont alors développé de nouvelles formes d’organisation des soins de premiers recours reposant sur des équipes pluriprofessionnelles exerçant dans des cabinets de groupe. Ces cabinets ont eu ainsi massivement recours aux infirmières pour remplir ces nouvelles missions, les salaires étant couverts par les autorités locales à hauteur de 70 à 90 %. La plupart des jeunes infirmières sont intéressées par ces emplois, souvent à temps partiel et relativement bien rémunérés. Cette évolution inscrite, dans un premier temps, dans une logique de complémentarité et de diversification des soins s’est accompagnée depuis peu d’une logique de délégation, notamment en matière de prescription, mais aussi pour des actions de prévention et pour le suivi des patients atteints de maladies chroniques.
La promotion de la santé est, en effet, l’une des principales compétences investies par les infirmières dans le cadre de l’extension de soins de nursing et de l’affirmation de nouveaux rôles infirmiers : bilan de santé, éducation, dépistage, en accord avec des protocoles en vigueur. Les activités des infirmières ont été également étendues au suivi des pathologies chroniques telles que l’asthme, le diabète et les problèmes cardio-vasculaires. Il ne s’agit pas là d’une simple délégation de tâches, mais d’une véritable réorganisation de la prise en charge de ces pathologies par les infirmières. Cette prise en charge met l’accent sur un suivi proactif de la part des cabinets de soins qui consiste à aller vers le patient et non pas à attendre qu’il vienne au cabinet. Cette forme de coopération entre médecins généralistes et infirmières s’inscrit donc dans une logique de diversification et d’innovation qui relève d avantage de formes de complémentarité que de substitution des tâches.

4L’émergence de ces équipes pluridisciplinaires étendues a également permis de reconsidérer certaines problématiques :

5– D’une part, ces équipes semblaient pouvoir réduire la demande de médecins auxquels les infirmières pouvaient se substituer ; mais cela ne peut être le cas général dans la mesure où, dans certains domaines, une infirmière ne peut, bien sûr, remplacer un médecin.

6– D’autre part, il semblait également que le recours à une infirmière à la place d’un médecin, pour certains soins, pouvait réduire les coûts du fait du salaire inférieur de celle-ci.

7– Ces équipes devaient également permettre de maintenir le niveau de qualité des soins et, dans le meilleur des cas, de l’améliorer.

8Ces prévisions se vérifient-elles dans les faits ?

Deux modèles de collaboration médecins-infirmières : la « substitution » et la « complémentarité »

9Les résultats suivants sont le fruit d’une collaboration internationale entre le National Primary Care Research and Development Centre (NPCRDC) de l’université de Manchester et Miranda Laurant, de l’université de Nijmegen aux Pays-Bas. Deux revues de littérature systématiques ont été réalisées, portant sur les travaux publiés sur la question dans le monde entier [4]. La plupart des études proviennent toutefois du Canada, des États-Unis, de l’ Angleterre et des Pays-Bas.

10Deux modèles de soins ont retenu notre attention :

11– Le premier est qualifié de modèle de « substitution » et le second de « complémentarité ». Le graphique 2 les met en image : le premier cercle représente le domaine de compétences des médecins, et le second celui des infirmières. Dans la zone d’intersection de ces deux cercles, un médecin peut remplacer une infirmière et vice versa. C’est le modèle de « substitution ».

12– Le modèle de « complémentarité » vise à démontrer que, si l’infirmière a des compétences supplémentaires par rapport à celles données par sa formation de base – en recevant pour cela une formation complémentaire –, l’équipe médecin-infirmière peut offrir une gamme plus étendue de soins aux patients.

Graphique 2

Deux modèles de collaboration médecins-infirmières

Graphique 2

Deux modèles de collaboration médecins-infirmières

Sources : – Modèle de substitution : Laurant M. et al., Substitution of Doctors by Nurses in Primary Care, Cochrane Database, 2004 (résultats de seize études). – Modèle de complémentarité : Laurant M. et al., The Effectiveness of Nurse Supplementation in Primary Care, non publié (résultats de trente-deux études).

13Nous avons tenté d’évaluer le niveau de performance de chacun de ces modèles en mesurant l’impact de la configuration des équipes sur la qualité des soins fournis au travers de la littérature.

Le modèle de substitution : principaux résultats de la revue de littérature internationale

14Commençons par le modèle dit de « substitution », dans lequel les soins fournis par une infirmière sont comparés à ceux dispensés par un médecin.

15Les résultats obtenus par la revue de littérature portent sur la qualité des soins au regard des recommandations médicales et le standard des soins à délivrer aux patients, ainsi que sur la santé des patients, la santé physique observée, l’état de santé autodéclarée, la satisfaction des patients et, le cas échéant, le coût des soins (pour ce dernier point, l’information était rarement disponible).

16Dans le modèle de substitution, ce sont les soins de premier contact, c’est-à-dire les consultations, qui ont d’abord été étudiés, tant pendant les heures ouvrables que durant les permanences de soins (par exemple, la nuit). Sur les graphiques 3 à 6, les histogrammes représentent la somme des résultats issus des études de la revue de littérature, à la fois en termes de qualité, de santé et de coût des soins. Les graphiques permettent d’observer si ces résultats sont meilleurs lorsque les soins sont fournis par les médecins, par les infirmières, ou s’il n’y a pas de différence observée.

17S’agissant des soins de premiers recours, le graphique 3 indique que c’est principalement sur le niveau de qualité des soins que l’intervention des infirmières se distingue : de manière générale, les résultats montrent que les infirmières fournissent une qualité de services égale, voire supérieure, aux médecins seuls. Aucune étude n’a démontré que la configuration présentant seulement des médecins offrait un avantage en termes de qualité des soins, d’effet sur la santé ou de coûts. Les résultats sont souvent similaires.

Graphique 3

Évaluation de la substitution des infirmières aux médecins dans les soins de premiers recours

Graphique 3

Évaluation de la substitution des infirmières aux médecins dans les soins de premiers recours

Sources : Résultats de cinq études : Laurant M. et al. (2010), Revision of Professional Roles and Quality Improvement: a Review of the Evidence, Radboud University Nijmegen, The Health Foundation.

18Le graphique 4 porte sur le premier recours et la continuité des soins (ongoing care) qui correspondent, dans beaucoup de pays, au rôle du médecin généraliste. Aucune étude de notre revue de littérature ne mentionne une amélioration des résultats dans le cas d’une prise en charge par les médecins. Soit les infirmières obtiennent de meilleurs résultats, soit, ce qui est le plus souvent le cas, les résultats sont identiques.

Graphique 4

Évaluation de la substitution pour les soins de premiers recours et la continuité des soins (ongoing care)

Graphique 4

Évaluation de la substitution pour les soins de premiers recours et la continuité des soins (ongoing care)

Sources : Résultats de sept études : Laurant M. et al. (2010), Revision of Professional Roles and Quality Improvement: a Review of the Evidence, Radboud University Nijmegen, The Health Foundation.

19La prise en charge des maladies chroniques (ou disease management) est le troisième aspect étudié dans le modèle de substitution. Elle recouvre le suivi en routine des pathologies chroniques comme l’asthme ou la broncho-pneumopathie chronique obstructive. On constate les mêmes tendances : la performance respective des médecins et des infirmières est là encore identique. Par ailleurs, aucune différence en termes de coûts n’a été observée.

20S’il n’existait aucune différence du point de vue de la qualité des soins apportés aux patients, en revanche, la satisfaction de ces derniers est plus grande avec les infirmières, du fait qu’elles leur consacrent plus de temps et leur prodiguent conseils et informations. C’est là une différence essentielle. Il en est de même pour les résultats en termes de processus de soins : si l’on n’observe pas de différences entre médecins et infirmières, il a été souligné que ces dernières dispensent plus de conseils. Cet aspect a des conséquences en termes de coûts : en effet, aucune économie n’a été réalisée du fait de l’intervention d’une infirmière, dont le salaire est pourtant deux fois moins important que celui d’un médecin. Cela s’explique en partie par le temps passé avec le patient, qui est en l’occurrence multiplié par deux : les infirmières ont davantage recours à des analyses, effectuent plus d’explorations complémentaires et rappellent le patient plus souvent que ne le font les médecins. En conséquence, quatre des cinq études qui ont évalué cet aspect ont montré que cette utilisation supplémentaire de ressources ne permet pas de profiter de l’économie induite par le salaire de l’infirmière. Toutefois, ces études ont été conduites dans des pays différents, et sans doute leurs résultats pourraient-ils varier d’un pays à l’autre. Selon les pays, la productivité des effectifs et les niveaux salariaux peuvent en effet changer.

Graphique 5

Évaluation de la substitution dans la prise en charge des maladies chroniques

Graphique 5

Évaluation de la substitution dans la prise en charge des maladies chroniques

Sources : Résultats de quatre études : Laurant M. et al. (2010), Revision of Professional Roles and Quality Improvement: a Review of the Evidence, Radboud University Nijmegen, The Health Foundation.

Le modèle de complémentarité : synthèse des résultats de la revue de littérature internationale

21Le second modèle, dit de « complémentarité », a un objectif différent. Dans le cas présent, l’exercice conjoint d’un médecin et d’une infirmière est comparé à la pratique médicale isolée. Dans ce modèle, l’infirmière est là pour contribuer à améliorer la qualité des soins et non en remplacement du médecin. Une revue systématique de littérature a été réalisée, qui n’est pas encore publiée à ce jour [5]. Celle-ci porte uniquement, compte tenu de ce qui a été trouvé dans la littérature, sur deux domaines de soins : d’une part, la promotion de la santé et, d’autre part, les programmes de prise en charge de pathologies chroniques (disease management).

22Le premier domaine, celui de la promotion de la santé, consiste à informer les patients sur un certain nombre d’enjeux de santé (hygiène de vie, régime, exercice physique, gestion du poids, etc.), mais également à les sensibiliser sur la conduite de dépistages systématiques comme, au Royaume-Uni, le dépistage cytologique du cancer. Les résultats sont présentés en termes de qualité, de santé du patient et de coûts générés.

23Les histogrammes comparent les résultats des médecins exerçant seuls à ceux des infirmières travaillant en équipe avec un médecin.

Graphique 6

Complémentarité médecins-infirmières dans le domaine de la promotion de la santé

Graphique 6

Complémentarité médecins-infirmières dans le domaine de la promotion de la santé

Sources : Résultats de quinze études : Laurant M. et al. (2010), Revision of Professional Roles and Quality Improvement: a Review of the Evidence, Radboud University Nijmegen, The Health Foundation.

24De manière générale, l’apport en termes de qualité des soins est supérieur avec une équipe qui réunit un médecin et une infirmière. Mais il est vrai que ce système présente, en toute logique, un coût plus élevé dans la mesure où le salaire d’une infirmière s’ajoute à celui du médecin.

25Concernant le second domaine de soins, la prise en charge des maladies chroniques, le niveau de performance des médecins associés aux infirmières est égal ou supérieur. Peu d’études ont considéré la question de l’usage des ressources. Une recherche conclut cependant au bon rapport coût- efficacité de l’intervention des infirmières.

26En somme, la plupart des études incluses dans la revue de littérature montrent que la collaboration en complémentarité :

  • du point de vue des patients : améliore les effets sur leur santé ainsi que leur satisfaction générale ;
  • du point de vue du processus de soins : améliore la qualité des soins, ce qui indique que les infirmières observent les protocoles et recommandations cliniques relatifs aux soins ;
  • du point de vue de l’utilisation des ressources : accroît systématiquement (même si très peu d’études analysent cet aspect) la qualité des soins proposés bien que l’intégration d’une infirmière dans l’équipe coûte plus cher.

Graphique 7

Complémentarité dans la prise en charge des maladies chroniques

Graphique 7

Complémentarité dans la prise en charge des maladies chroniques

Sources : Résultats de dix-sept études : Laurant M. et al. (2010), Revision of Professional Roles and Quality Improvement: a Review of the Evidence, Radboud University Nijmegen, The Health Foundation.

En définitive, que nous disent les résultats de la littérature internationale ?

27Ils permettent de répondre à trois questions :

28– Peut-on réduire la demande en médecins ?

29Oui, car dans certains domaines bien définis les infirmières peuvent dispenser des soins d’un niveau de qualité comparable à celui des médecins. On peut donc, dans ces cas précis, substituer les infirmières aux médecins.

30– Les coûts peuvent-ils être réduits ?

31Non. Dans le modèle de substitution, dans la mesure où la productivité des infirmières est en général moins importante, il n’y a pas d’économies réalisées du fait de leur salaire.

32Dans le modèle de complémentarité, les coûts sont plus élevés mais la qualité des soins est améliorée. Par conséquent, cet investissement se justifie.

33– Peut-on maintenir ou améliorer la qualité des soins ?

34Oui. L’utilisation d’une infirmière en substitution d’un médecin garantit le même niveau de qualité des soins. Quand l’infirmière intervient en complémentarité pour ajouter de la valeur au travail d’une équipe, il en résulte une qualité des soins supérieure.

35Ces configurations présentent toutefois un certain nombre d’inconvénients et d’« effets indésirables » qui doivent être soulignés. Le premier réside dans la garantie de la continuité et de la coordination des soins. En effet, dans un cabinet où n’exerce qu’un seul médecin, les patients ne sont confrontés qu’à un seul interlocuteur qu’ils rencontrent régulièrement. Il n’en va pas de même pour ceux qui consultent un cabinet de groupe : dans la mesure où l’équipe est composée de plusieurs médecins et infirmières, le patient aura du mal à consulter la personne de son choix. Cela se vérifie tant au Royaume-Uni que dans le reste de l’Europe. En revanche, avec des professionnels de santé plus nombreux, l’accès aux soins est plus rapide. Mais le problème demeure lorsque le patient souhaite consulter une personne précise. L’organisation des cabinets de groupe doit donc être améliorée pour favoriser la continuité des soins. Par ailleurs, il convient de mettre en place des mécanismes visant à améliorer la coordination des soins au sein des grandes équipes, tant entre les médecins et les infirmières qu’entre médecins (notamment généralistes et spécialistes). Cela requiert du temps, de l’attention et la mise en place de systèmes d’information efficaces.

36Si les inconvénients portant sur la continuité et la coordination des soins ne constituent pas en eux-mêmes une barrière insurmontable, il est toutefois nécessaire de les prendre en compte. Plus généralement, en matière de politique de santé, les résultats fournis par la revue de littérature internationale suggèrent qu’il est possible d’étendre intelligemment le rôle des infirmières dans les cabinets de médecine générale afin d’améliorer la qualité des soins primaires et d’en élargir le champ.

Notes

  • [1]
    Encadré réalisé par l’IRDES.
  • [2]
    Encadré réalisé par l’IRDES.
  • [3]
    Voir sur ce point la contribution de M. Burrows dans le même numéro (ndlr).
  • [4]
    Laurant M., Harmsen M., Faber M., Wollersheim H., Sibbald B., Grol R. (2010), Revision of Professional Roles and Quality Improvement: a Review of the Evidence, Radboud University Nijmegen, The Health Foundation.
  • [5]
    Laurant M., Reeves D., Kontopantelis E., Hermens R., Braspenning J., Grol R., Wensing M., Sibbald B. (à paraître), The Effectiveness of Nurse Supplementation in Primary Care: a Systematic Review and Meta-Analysis.

Pour en savoir plus

  • En ligneADAMS A., LUGSDEN E., CHASE J., ARBER S., BOND S. (2000), « Skill-mix changes and work intensification in nursing », Work, Employment and Society ; 14: 541-555.
  • DRURY M., GREENFIELD S., STILLWELL B., HULL F.M. (1988), « A nurse practitioner in general practice: patients perceptions and expectations », Journal of the Royal College of General Practitioners, 38, 503-505.
  • En ligneGEMMELL I., CAMPBELL S., HANN M., SIBBALD B. (2009), « Assessing workload in general practice in England before and after the introduction of the pay-for-performance contract », Journal of Advanced Nursing ; 65 (3): 509-15.
  • En ligneHIRST M., ATKIN K., LUNT N. (1995), « Variations in practice nursing: implications for family health services authorities », Health and Social Care in the Community, 3: 83-97.
  • En ligneLAURANT M., HERMENS R., BRASPENNING J., GROL R., SIBBALD B. (2004), « Nurse practitioners do not reduce the workload of GPs », British Medical Journal 2004 ; 328: 927-30.
  • LAURANT M. et al. (2004), Substitution of Doctors by Nurses in Primary Care, Cochrane Database (16 studies).
  • LAURANT M., REEVES D., HERMENS R., BRASPENNING J., GROL R., SIBBALD B. (2005), « Substitution of doctors by nurses in primary care », The Cochrane Database of Systematic Reviews ; Issue 5.
  • En ligneRICHARDSON M.S.C. (1999), « Identifying, evaluating and implementing cost-effective skill mix », Journal of Nurse Management ; 5: 265-70.
  • SIBBALD B., LAURANT M., SCOTT A. (2006), « Changing task profiles », in Saltman A., Rico A., Boerma W. (eds.), Primary Care in the Driver’s Seat ? Organizational Reform in European Primary Care, Chapter 8, Maidenhead : Open University Press, p. 149-164.
  • En ligneWILSON A., PEARSON D., HASSEY A. (2002), « Barriers to developing the nurse practitioner role in primary care – the GP perspective », Family Practice ; 19: 641-46.
Bonnie Sibbald
Directrice du Centre de développement et de recherche en soins primaires (National Primary Care Research and Development Centre – NPCRDC) de l’université de Manchester, Bonnie Sibbald mène depuis 1995 des recherches sur l’amélioration de la qualité des soins primaires à travers le développement des ressources humaines et le transfert de compétences (skill mix) entre professionnels de santé. Ses travaux portent principalement sur la façon dont le skill mix peut contribuer à améliorer l’efficacité et la performance dans les systèmes de santé. Elle a notamment développé le cadre conceptuel – devenu une référence à l’échelle internationale – visant à décrire et évaluer les changements en matière de transfert de compétences des professionnels de santé. Bonnie Sibbald présente ici le contexte d’introduction du skill mix dans le secteur des soins primaires au Royaume-Uni et fournit quelques éléments d’évaluation de ces pratiques.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/10/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.103.0035
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