Introduction
1Les programmes de qualité et d’efficience constituent la première des neuf annexes aux projets de loi de financement de la sécurité sociale prévues par les dispositions organiques relatives à ces lois. Ces dispositions stipulent que « les programmes de qualité et d’efficience relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de la sécurité sociale [...] comportent un diagnostic de situation appuyé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population, des objectifs retracés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié, une présentation des moyens mis en œuvre pour réaliser ces objectifs et l’exposé des résultats atteints lors des deux derniers exercices clos et, le cas échéant, lors de l’année en cours » (article LO 111-4 du Code de la sécurité sociale).
2Les programmes de qualité et d’efficience (PQE) ambitionnent ainsi de fournir au Parlement des informations lui permettant, d’une part, de juger de la nécessité des mesures proposées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale au vu de la situation démographique, sanitaire, économique et sociale, d’autre part, d’observer les résultats obtenus par les mesures adoptées dans les lois de financement de la sécurité sociale précédentes. Une telle démarche paraît de prime abord amplement justifiée, si l’on considère que les dépenses consolidées des régimes entrant dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale pèsent plus lourd dans la richesse nationale que celles du budget de l’État (en 2008, respectivement, 21 % et 15 %). Les indicateurs présentés dans les programmes de qualité et d’efficience participent donc à leur manière de l’évaluation des politiques de sécurité sociale : évaluation ex ante s’agissant des informations permettant d’éclairer les mesures du projet de loi de financement courant, évaluation ex post quant aux indicateurs évaluant l’impact des dispositions prises dans les lois de financement précédentes.
3Le développement de cette démarche de performance ou « objectifs / indicateurs / résultats » dans le domaine des politiques de sécurité sociale procède d’un mouvement parallèle à celui mis en œuvre dans le domaine du budget de l’État depuis la réforme de la loi organique relative aux lois de finances en 2001, même si, comme on le verra, il obéit aussi à une logique propre au domaine sanitaire et social. Sur le plan institutionnel, il traduit le franchissement d’une étape supplémentaire de l’implication du Parlement dans l’examen, le contrôle et l’évaluation des politiques de sécurité sociale. Jusqu’en 1994, celui-ci n’était pas saisi de dispositions relatives à l’équilibre financier global de la sécurité sociale. La loi du 25 juillet 1994 a dans un premier temps prévu que le Gouvernement présente annuellement au Parlement un rapport « relatif aux principes fondamentaux qui déterminent l’évolution des régimes obligatoires de base de sécurité sociale », mais c’est essentiellement la loi constitutionnelle du 22 février 1996 créant les lois de financement de la sécurité sociale qui a institué les prérogatives du Parlement en matière d’adoption des objectifs de dépenses et de recettes de la sécurité sociale.
4C’est, sans doute, à la suite d’une prise de conscience des limites de l’exercice de leur fonction d’évaluation des politiques sanitaires et sociales dans le cadre de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale que les deux assemblées parlementaires ont éprouvé en 2004 la nécessité de créer « une mission d’évaluation et de contrôle chargée de l’évaluation permanente des lois de financement de la sécurité sociale » (article LO 111-10 du Code de la sécurité sociale). Et c’est explicitement dans le but de renforcer l’information et le contrôle du Parlement sur les performances des politiques de sécurité sociale qu’ont été instaurés les programmes de qualité et d’efficience par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
5Conformément aux dispositions transitoires prévues à l’article 23 de ladite loi organique, des projets de programmes de qualité et d’efficience ont été transmis pour avis aux commissions parlementaires saisies, au fond, des projets de loi de financement de la sécurité sociale en mai 2006, et joints en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. L’intégralité des programmes de qualité et d’efficience a été annexée pour la première fois au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. À l’heure où le présent article est rédigé, qui suit de peu l’adoption par le Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, on dispose donc de trois campagnes complètes des programmes de qualité et d’efficience.
6Certes, comme on le verra dans la suite de l’article, les programmes de qualité et d’efficience sont encore appelés à évoluer au cours des années prochaines, en termes à la fois d’ajustements du « panier » d’indicateurs retenus et surtout d’utilisation dans un but d’évaluation des politiques de sécurité sociale. Il paraît, cependant, possible d’en tirer un premier bilan en rappelant, en premier lieu, les arguments qui justifient la mise en œuvre d’une démarche « objectifs / indicateurs / résultats » spécifique au domaine de la sécurité sociale. Il est, ensuite, utile de présenter de façon synthétique les indicateurs des programmes de qualité et d’efficience annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, afin d’identifier les politiques de sécurité sociale devant faire l’objet d’un examen plus particulier. La dernière partie de l’article s’efforce, enfin, d’apprécier la contribution des programmes de qualité et d’efficience à l’évaluation des politiques de sécurité sociale et à la mobilisation de leurs acteurs, et suggère quelques voies possibles d’évolution.
La mise en œuvre de la démarche « objectifs / indicateurs / résultats » dans le domaine de la sécurité sociale : ambitions et limites
7L’extension au domaine de la sécurité sociale de la démarche « objectifs / indicateurs / résultats », au travers de la création des programmes de qualité et d’efficience, entend tout d’abord contribuer à enrichir le débat sur les objectifs et les moyens des politiques de sécurité sociale, dont il est permis de penser qu’ils ont jusqu’à présent été débattus en des termes trop généraux. Une explicitation des objectifs poursuivis par ces politiques, et des mesures des progrès réalisés vers ces objectifs au moyen d’indicateurs adéquats, sont de nature à permettre un débat éclairé au Parlement et au sein de la société civile sur l’allocation des fonds publics aux grandes fonctions de la sécurité sociale. Toutefois, une telle démarche est plus controversée quant à l’effectivité de ses propriétés incitatives à l’amélioration de l’efficience de la gestion publique lorsqu’elle repose sur des indicateurs trop agrégés. Dans le cas des politiques de sécurité sociale, cependant, il est permis de penser que cette critique manque, en fait, en raison de l’existence depuis 1996 d’un dispositif de mesure de la performance du service public de la sécurité sociale dans le cadre du suivi des conventions d’objectifs et de gestion (COG) liant l’État et les organismes nationaux de sécurité sociale.
La nécessité d’une meilleure objectivation des choix politiques dans le domaine de la sécurité sociale
8Comme on l’a déjà souligné, bien que les dépenses des administrations de sécurité sociale représentent une part élevée de la richesse nationale, elles n’ont, pendant longtemps, pas fait l’objet de débats publiquement organisés sur la pertinence de leur périmètre global et de leur allocation aux divers risques ou fonctions assurés par les régimes de protection sociale. Certes, des raisons juridiques – la Constitution limitant le domaine de la loi aux « principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale » – et politiques – la volonté d’associer les partenaires sociaux à la gestion de la sécurité sociale – ont pu expliquer cet état de fait. Il s’en est, cependant, ensuivi une implication limitée de la représentation nationale et, par suite, de l’ensemble de la société dans les décisions d’allocation des ressources à la sécurité sociale. Ceci a sans doute contribué au retard pris par la France pour affronter de grandes questions telles que la nécessaire régulation médicoéconomique des dépenses d’assurance-maladie ou l’adaptation du système de retraite face au défi social et financier du vieillissement de la population.
9La création, en 1996, des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) a remis le Parlement au cœur du processus de décision en matière de politiques de sécurité sociale. À l’origine, les LFSS comprenaient un rapport annexé à l’article 1er « présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale », qui était susceptible d’être amendé par le Parlement, et sept annexes au projet de loi, non soumises à l’approbation du Parlement, parmi lesquelles un document « présentant les données de la situation sanitaire et sociale de la population ». Il faut, cependant, reconnaître que ces documents n’ont jamais tenu le rôle d’éclairage du vote du Parlement sur les conditions de l’équilibre financier de la sécurité sociale que l’on pouvait en escompter. En particulier, la pratique s’est installée au Parlement de reporter l’examen du rapport annexé à l’article 1er après tous les autres articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui lui a retiré toute portée véritablement stratégique. Ainsi, dès 2003, J.-M. Belorgey pouvait dénoncer « la complexité politique et législative des lois de financement de la sécurité sociale » et « l’impossibilité d’évaluer les impacts des politiques sociales » (Belorgey, 2003).
10Les programmes de qualité et d’efficience introduits par la loi organique du 2 août 2005 ont explicitement pour objectif de réorienter l’examen par le Parlement des lois de financement de la sécurité sociale vers l’évaluation de l’incidence des mesures adoptées dans les lois de financement précédentes sur les revenus et les conditions de vie de la population, et vers le contrôle de la nécessité des mesures nouvelles proposées dans le projet de loi de financement en cours d’examen. Il s’agit donc de faire participer les politiques de sécurité sociale au mouvement général de réforme de la gestion publique visant à évaluer directement l’activité des services publics aux moyens d’indicateurs, et, en la comparant aux moyens mis en œuvre, d’apprécier leur productivité, alors que traditionnellement l’analyse de l’activité des entités publiques se fondait sur les moyens mis en œuvre faute de disposer de systèmes de prix pour mesurer leur production essentiellement non marchande. On peut, au demeurant, soutenir qu’une telle approche, assurément pertinente pour toutes les catégories de dépenses publiques, l’est tout particulièrement dans le cas des dépenses de sécurité sociale.
11En matière de sécurité sociale, le montant des prestations versées est, en effet, par nature évaluatif. Il s’agit de droits ouverts aux personnes qui seront honorés tant que la législation n’en est pas modifiée, et quels que soient les aléas économiques, démographiques ou sanitaires qui affecteront un exercice donné : que l’on songe par exemple aux dépenses d’assurance-maladie qui pourront être affectées par les conditions épidémiologiques – selon par exemple que les épidémies saisonnières de grippe seront plus ou moins importantes –, ou celles du marché du travail – une reprise de l’emploi se traduisant, en général, par une augmentation des demandes d’indemnités journalières de maladie –. Il existe donc un intérêt particulier, dans le domaine de la sécurité sociale, à décomposer l’évolution de la dépense entre une composante systématique dépendant de facteurs structurels reliés aux comportements microéconomiques des acteurs du système de sécurité sociale, et une composante non prévisible liée à l’environnement macroéconomique, démographique et sanitaire. Une telle démarche implique toutefois un dialogue approfondi entre l’administration centrale et les opérateurs des politiques de sécurité sociale afin de converger vers une évaluation consensuelle des résultats observés qui puissent être imputés non à des événements exogènes, mais à l’impact effectif de la législation ou à la qualité de l’intervention des opérateurs.
12Plus fondamentalement encore, le but des LFSS n’est pas tant de permettre l’approbation de montants limitatifs de dépenses – les agrégats votés par le Parlement n’ayant valeur que d’objectifs de dépenses et de recettes –, que d’autoriser la mise en œuvre de dispositifs dont l’impact final sur la dépense sociale sera indirect, transitant par des infléchissements des comportements des acteurs économiques (assurés, employeurs, offreurs de soins, etc.) modifiant le recours aux dispositifs de protection sociale. Par exemple, le montant des dépenses d’assurance-maladie dépend non seulement de phénomènes observables tels que l’épidémiologie des différentes pathologies ou la structure par âge de la population, mais également des décisions des assurés de recourir aux soins qui peuvent être influencés par le niveau et la structure de l’offre de soins ou la diffusion des couvertures maladie de base et complémentaires. De même, la dynamique d’évolution des dépenses de retraites ne dépend-elle pas de façon mécanique de l’effectif des générations en âge de partir en retraite et de leurs caractéristiques professionnelles, mais aussi d’arbitrages individuels entre l’aspiration au temps libre et les gains tirés de la poursuite d’une activité professionnelle. Il s’agit ainsi de concilier une logique de droits ouverts aux assurés à la couverture des risques sociaux avec une régulation des comportements qui déclenchent l’exercice de ces droits en sorte de garantir l’équilibre financier durable des régimes de sécurité sociale. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics disposent d’une connaissance précise de ces comportements et de la façon dont ils sont susceptibles de se convertir en dépenses de sécurité sociale, afin qu’ils puissent prendre les meilleures décisions possibles quant à l’adaptation de la législation de sécurité sociale aux conditions de l’équilibre financier durable.
La démarche « objectifs / indicateurs / résultats » en matière de finances publiques : une clarification utile des décisions d’allocation budgétaire, mais des gains plus incertains en termes d’incitation des gestionnaires publics à l’efficience
13Le premier gain attendu d’une démarche « objectifs / indicateurs / résultats » est une identification précise des buts de l’action publique, et par suite l’analyse des facteurs qui expliquent que ces buts soient plus ou moins bien atteints. L’observation d’écarts entre les résultats obtenus et les cibles poursuivies par telle ou telle politique publique permet en effet d’évaluer, en principe, l’importance relative attribuée aux différents objectifs dans les décisions publiques (Arkwright et al., 2007). La réforme de la loi organique des lois de finances (LOLF) mise en œuvre depuis 2001 a ainsi eu pour but d’améliorer le contrôle des dépenses publiques au moyen :
- d’une explicitation plus précise des buts de l’action publique ;
- de l’assignation d’objectifs quantifiés à une échéance donnée ;
- de mesures des résultats à l’aide d’indicateurs adéquats ;
- de l’affichage des moyens mis en œuvre (dans le cas de la LOLF : une nomenclature hiérarchisée des missions, programmes, actions) ;
- de la prise en compte des relations avec d’autres partenaires ;
- de la justification des diverses modalités de mise en œuvre des politiques (budgétaires, fiscales, réglementation, production directe…).
14Cependant, on prête parfois à cette démarche des vertus en termes d’incitation des agents publics en charge de la mise en œuvre des politiques à exercer leur activité au maximum de leur efficience, et cet argument est davantage controversé. Comme le notent Bureau et Mougeot (2007), l’action de l’administration se caractérise, d’une part, par son caractère multitâches (par exemple, il est demandé à un liquidateur d’une prestation sociale de concilier rapidité dans l’instruction d’une demande et attention portée aux besoins de la personne demandeuse, deux objectifs intrinsèquement conflictuels), d’autre part, par un contexte informationnel le plus souvent défavorable aux gestionnaires centraux (les opérateurs ont généralement une information privée sur les conditions de production des services de l’administration qu’ils n’ont pas forcément intérêt à rendre publique). Dans ce contexte, les indicateurs de performance peuvent être utilisés de façon stratégique par les agents afin que l’image qu’ils donnent de leurs résultats soit la plus favorable.
15Le choix des indicateurs est donc crucial au regard de l’objectif de disposer d’une information exhaustive et non biaisée sur l’effet d’une politique. Dans un rapport rédigé lors de la première mise en œuvre au sein de l’Union européenne de la « méthode ouverte de coordination » (MOC) dans le domaine de la cohésion sociale, Atkinson et al. (2002) énumèrent l’ensemble des propriétés souhaitables des indicateurs servant à mesurer les progrès réalisés par les États membres de l’Union européenne vers les objectifs communs d’inclusion et de protection sociales. Les indicateurs sélectionnés devraient ainsi :
- donner lieu à une interprétation aisée et être acceptés sans réserve ;
- être statistiquement robustes et fiables ;
- s’adapter aux interventions stratégiques sans être manipulables ;
- être mesurables de façon suffisamment comparable d’un pays à l’autre, lorsqu’il s’agit d’indicateurs retenus au niveau européen ;
- pouvoir être calculés sur la période récente et se prêter à révision ;
- s’intégrer dans un portefeuille équilibré, traduisant l’ensemble des dimensions du phénomène en cause ;
- être cohérents avec les autres indicateurs de ce portefeuille qui doit leur donner un poids proportionné ;
- ne pas constituer un fardeau trop lourd en termes de production ;
- être, dans la mesure du possible, transparents et accessibles aux citoyens.
- d’une part, que le portefeuille d’indicateurs soit trop restreint pour décrire l’intégralité des tâches demandées aux agents, les conduisant à négliger celles qui ne seraient pas mesurées par des indicateurs ;
- d’autre part, que, si l’efficacité d’une politique est jugée à l’aune d’un portefeuille diversifié d’indicateurs, les agents ne s’attachent qu’à l’atteinte des objectifs associés qui sont les plus aisés à atteindre ; un cas classique de manipulation d’un indicateur est ainsi celui dans lequel l’indicateur dépend directement de l’activité du service dont relève la politique examinée : par exemple, dans le domaine des politiques sociales, un indicateur qui mesurerait la qualité d’une législation sociale au nombre de contentieux qu’elle engendre, alors même que l’intensité de ces contentieux peut être plus ou moins régulée par les pratiques des services des organismes de sécurité sociale en matière d’instruction des affaires et de transmission aux commissions de recours amiable.
Les programmes de qualité et d’efficience visent-ils à évaluer l’efficacité des politiques sociales ou à mesurer la performance du service public de la sécurité sociale ?
16La démarche « objectifs / indicateurs / résultats » a vocation à être mise en œuvre dans l’ensemble des entités publiques : l’État, les administrations de sécurité sociale, les collectivités locales ainsi que les établissements publics qui en dépendent. Cela est d’autant plus justifié que les objectifs pertinents d’équilibre des finances publiques sont fixés au niveau de l’ensemble consolidé de ces administrations publiques, au travers en particulier des programmations pluriannuelles des finances publiques transmises à la Commission européenne dans le cadre du « pacte de stabilité » liant les États membres de l’Union européenne ayant l’euro en partage. Il paraît donc indispensable que la démarche d’analyse de l’impact des politiques publiques ne soit pas restreinte aux seuls dispositifs mis en œuvre dans le budget de l’État.
17Une autre justification du développement de cette démarche à l’ensemble des administrations publiques est qu’un grand nombre de politiques sont de mise en œuvre partagée entre État, collectivités locales et régimes de protection sociale. Par exemple, les politiques de prévention de la santé et de santé publique reposent à la fois sur des crédits d’État et sur des concours de l’assurance-maladie. Ou bien, le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie en faveur des personnes âgées dépendantes est partagé entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, un opérateur national appartenant au sous-secteur des administrations de sécurité sociale, et les collectivités locales. Ou encore, la politique d’équipement du pays en structures d’accueil des jeunes enfants est tributaire de la coordination des interventions des collectivités locales, éventuellement des employeurs publics et privés, et de la Caisse nationale des allocations familiales via son Fonds national d’action sociale. Il paraît donc important qu’à tout le moins les informations fournies lors des divers processus participant d’une démarche « objectifs / indicateurs / résultats » miroitent entre elles lorsqu’elles portent sur l’intervention conjointe d’une pluralité d’organismes au service d’une même politique publique, voire que s’instaure une plus grande transversalité dans la production de ces informations.
18Naturellement, les difficultés mentionnées précédemment à concilier une démarche d’évaluation de l’impact final des politiques publiques avec un processus d’incitation à l’efficience du service public qui les mettent en œuvre sont présentes dans le domaine de la sécurité sociale. Cependant, il est permis de penser qu’elles y sont atténuées, dans la mesure où le suivi de la performance simplement productive des divers opérateurs de ces politiques est déjà assuré au travers des indicateurs de gestion des principaux régimes de sécurité sociale, prévu par les conventions d’objectifs et de gestion (COG) qui lient l’État à ces régimes sur des périodes pluriannuelles. À cet égard, on peut soutenir que la sécurité sociale bénéficie d’une certaine antériorité au sein de la sphère publique en matière de mise en œuvre de la démarche de performance.
19Les indicateurs suivis en matière de résultats de gestion des organismes de sécurité sociale portent sur une diversité de thèmes :
- l’amélioration de la performance proprement dite : maîtrise des coûts de gestion, gestion des risques et lutte contre la fraude, dématérialisation des procédures, animation et pilotage des réseaux ;
- la consolidation du service rendu aux usagers : accessibilité du service, délais de traitement ;
- les moyens inscrits dans les budgets de gestion administrative des organismes nationaux de sécurité sociale.
Indicateurs relatifs aux délais de traitement en matière d’assurance-maladie, de prestations familiales, d’assurance-vieillesse et de recouvrement des prélèvements sociaux

Indicateurs relatifs aux délais de traitement en matière d’assurance-maladie, de prestations familiales, d’assurance-vieillesse et de recouvrement des prélèvements sociaux
20Par conséquent, il ne peut guère y avoir d’ambiguïté, dans le domaine des politiques de sécurité sociale, sur le fait que les indicateurs sélectionnés dans les programmes de qualité et d’efficience annexés aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ont pour vocation essentielle non pas d’apprécier l’efficience du service public de la sécurité sociale, mais de fournir au Parlement des éléments d’information pour juger de l’opportunité générale des mesures proposées dans les projets de loi en cours d’examen, et de l’impact des mesures proposées dans les projets de loi précédents.
21Une autre difficulté spécifique au domaine des politiques de sécurité sociale est la multiplicité des acteurs qui y interviennent. On a déjà souligné le fait que nombre de politiques sanitaires et sociales voient leur mise en œuvre et leur financement assurés par une multiplicité d’intervenants, ce qui rend difficile l’identification des objectifs spécifiques assignés à chacun d’entre eux. Et même lorsqu’un des intervenants dispose d’une grande visibilité sur ses objectifs propres, il n’en reste pas moins que ses résultats seront involontairement affectés par les actions des autres intervenants. Par exemple, quelque dépourvue d’ambiguïté que soit la mission de la Caisse nationale des allocations familiales de contribuer à une allocation des structures d’accueil des jeunes enfants équilibrée sur le territoire au moyen des instruments de contractualisation avec les autres financeurs de ces structures dont elle dispose, ses résultats risquent d’être altérés de façon non marginale par des changements survenant dans les politiques sociales des collectivités locales.
22Au total, il a paru pertinent, compte tenu de l’expérience acquise en matière d’évaluation de la performance du service public de la sécurité sociale proprement dit, et des particularités des politiques mises en œuvre, de mettre l’accent dans les programmes de qualité et d’efficience sur l’impact global des politiques de sécurité sociale sur le revenu, les conditions de vie et le bien-être de la population. C’est pourquoi la majorité des indicateurs qui y sont présentés sont des indicateurs de résultats finaux, dont l’ambition est d’apprécier cet impact global, les indicateurs de résultats intermédiaires et de moyens qui y figurent ayant pour but de suivre la montée en puissance des réformes les plus importantes mises en œuvre dans les lois relatives à la sécurité sociale.
23Il est ainsi permis de penser que la mise en œuvre de la démarche de performance dans le domaine des politiques de sécurité sociale prend en compte certaines critiques adressées à la LOLF (Brunetière, 2006), ou plus généralement au risque d’usage abusif des indicateurs pour mesurer l’impact des politiques sociales (Elbaum, 2009). Le choix d’assigner à ces politiques des objectifs larges et de les illustrer par des indicateurs mesurant des résultats globaux et finaux sur les revenus et les conditions de vie des bénéficiaires paraît répondre à la critique de ce que certains auteurs ont pu dénommer « la politique des indicateurs » (Salais, 2004), qui se caractériserait par la dissimulation des enjeux majeurs des politiques publiques derrière une profusion d’indicateurs disparates.
Les programmes de qualité et d’efficience annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010
24Dans cette partie, on présentera la structure des six programmes de qualité et d’efficience annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, puis on en commentera de façon synthétique les objectifs assignés, que l’on illustrera à partir de quelques indicateurs, avant de produire une série de données quantitatives et qualitatives dressant le bilan des indicateurs « d’objectifs et de résultats ».
Présentation des programmes de qualité et d’efficience 2009
25La loi organique de 2005 dispose que chaque branche de la sécurité sociale fait l’objet d’un programme (« Maladie », « Accidents du travail – maladies professionnelles », « Retraites », « Famille »). En outre, un programme est consacré au financement de la sécurité sociale (« Financement ») et un programme s’attache à « Invalidité et dispositifs gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie », l’annexe devant comprendre un programme « relatif aux dépenses et aux recettes des organismes qui financent et gèrent des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie ».
26Bien qu’abordant parfois des thèmes en dehors du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale, ce dernier programme a été conçu afin de donner au législateur un éclairage nécessaire sur certains enjeux de l’évolution de la protection sociale française aujourd’hui en discussion, tels que l’invalidité et la dépendance, dans le contexte du projet gouvernemental sur la création d’un « cinquième risque ».
27Chaque programme est structuré en trois parties :
- une présentation stratégique retrace les principaux enjeux du programme étudié, en faisant apparaître clairement les objectifs prioritaires des politiques publiques, définis par le Gouvernement ;
- une première partie composée d’indicateurs « de cadrage », afin de répondre au besoin d’un « diagnostic de situation appuyé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population » prévu par la loi organique ; ce diagnostic permet d’appréhender les éléments de contexte nécessaires à la compréhension des grands enjeux du programme ;
- une deuxième partie composée d’indicateurs « d’objectifs et de résultats », destinée à évaluer l’impact des politiques menées au travers des mesures adoptées dans les lois de financement de la sécurité sociale successives ; chaque programme est décomposé en plusieurs objectifs, illustrés par des indicateurs (voire sous-indicateurs) assortis, dans la plupart des cas, de cibles quantifiées ou de tendances d’évolution souhaitées ; à chaque indicateur est associé au minimum un responsable administratif (administration centrale, établissement public, caisses nationales de sécurité sociale) chargé de rendre compte des progrès réalisés vers l’atteinte de l’objectif assigné.
Les objectifs des programmes de qualité et d’efficience
28Chaque programme de qualité et d’efficience comporte un nombre restreint de grands objectifs, compris entre trois (programme « Accidents du travail – maladies professionnelles » (AT – MP)) et cinq (programmes « Maladie », « Retraites », et « Financement »). Si ces objectifs (vingt-six au total) sont spécifiques à chaque programme (par exemple « Assurer un égal accès aux soins » dans le programme « Maladie », « Réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail, des accidents de trajet et des maladies professionnelles grâce à la prévention » dans le programme « Accidents du travail – maladies professionnelles », ou encore « Répondre au besoin d’autonomie des personnes âgées » dans le programme « Invalidité et dispositifs gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie »), ils suivent, dans une large mesure, une logique commune recouvrant des enjeux transversaux tels que l’accessibilité de la population aux dispositifs de sécurité sociale, la qualité des prestations offertes, l’efficience du système et sa soutenabilité économique et financière.
29Le tableau 2 présente les objectifs suivis par les programmes de qualité et d’efficience du PLFSS 2010.
Objectifs des programmes de qualité et d’efficience

Objectifs des programmes de qualité et d’efficience
30Dans les programmes de qualité et d’efficience 2010, 88 % des indicateurs « d’objectifs et de résultats » se sont vus assigner une trajectoire d’évolution, parmi lesquels 41 % sont dotés d’une cible quantifiée. L’effort de ciblage des objectifs est donc bien réel, et ce malgré les difficultés inhérentes à cette tâche dans le contexte particulier des politiques de sécurité sociale, marqué par le caractère souvent qualitatif des objectifs fixés et par un partage fréquent entre plusieurs entités de la mise en œuvre de ces politiques. Quel peut, ainsi, être l’objectif de dispositifs tels que la « décote » ou la « surcote » en matière de retraite, sinon de favoriser le libre choix par les assurés de leur âge de départ en retraite, et comment dans ces conditions assigner une cible quantifiée aux recours à ces dispositifs ? Ou bien, comment exiger de la Haute Autorité de santé un objectif précis en matière d’engagement des professionnels de santé dans une démarche d’évaluation des pratiques professionnelles, alors que la mise en place de ce dispositif dépend de décisions prises par l’État et par les instances professionnelles et ordinales ?
Quelques exemples d’indicateurs des programmes de qualité et d’efficience
31Avant de présenter quelques exemples d’indicateurs présents dans les programmes de qualité et d’efficience, il est utile de rappeler que ces derniers sont produits par différentes administrations centrales, caisses nationales et autres structures [1]. Grâce à leur expertise, ces contributeurs techniques apportent chacun un éclairage indispensable tout au long du processus de construction des indicateurs.
32Comme cela a été défini précédemment, deux types d’indicateurs coexistent dans les programmes de qualité et d’efficience :
- les indicateurs « de cadrage » ;
- les indicateurs « d’objectifs et de résultats ».
33À titre d’exemple, le programme de qualité et d’efficience « Famille » présente le nombre de naissances et l’indice conjoncturel de fécondité, le programme « Financement » l’évolution du coût du travail à différents niveaux de rémunération (SMIC, une et deux fois le plafond de sécurité sociale), le programme « Maladie » les principales causes de mortalité, et le programme « Retraites » l’écart de niveau de pension entre hommes et femmes par génération.
34De leur côté, les 108 indicateurs « d’objectifs et de résultats » composant la partie II des programmes ont pour but de présenter les objectifs assignés aux politiques de sécurité sociale, en mesurant les progrès réalisés vers ceux-ci. Conformément aux termes de la loi organique, ces indicateurs font l’objet d’une sélection rigoureuse et sont systématiquement accompagnés de rubriques méthodologiques précises (« Construction de l’indicateur » et « Précisions méthodologiques ») justifiant leur choix.
35Le tableau 3 présente une sélection d’indicateurs illustrant les quatre grands questionnements transversaux évoqués précédemment, relatifs à l’accessibilité des dispositifs, à la qualité des prestations offertes, à l’efficience de la fourniture des prestations et à la soutenabilité économique et financière du système de sécurité sociale.
Sélection d’indicateurs « objectifs / résultats » des programmes de qualité et d’efficience

Sélection d’indicateurs « objectifs / résultats » des programmes de qualité et d’efficience
36Pour chaque indicateur doté d’une trajectoire d’évolution, deux types d’informations sont fournis : une série de données couvrant au moins deux années distinctes et un objectif, quantifié ou non. La disponibilité des données est variable en fonction de l’indicateur, comme l’atteste la comparaison entre l’indicateur sur le taux de pratique de la chirurgie ambulatoire, où la série s’arrête en 2007, et l’indicateur sur le taux de remplacement net pour une carrière au SMIC, disponible pour l’année 2009. Dans certains cas, des prévisions sont réalisées, comme pour le taux d’adéquation des dépenses avec les recettes du régime général de la sécurité sociale.
Encadré 1 : Qualité des indicateurs et capacité du système statistique
Cela peut tenir tout d’abord à des lacunes dans les systèmes d’information des régimes de sécurité sociale ou relatifs à l’offre de soins et de services. On citera ainsi les progrès nécessaires en matière hospitalière pour disposer d’informations telles que la durée moyenne d’attente dans un service d’urgences ou les hospitalisations en lits de soins aigus en attente d’un transfert vers une structure plus adaptée (service de soins de suite et de réadaptation, unité de soins de longue durée, hospitalisation à domicile). Le cas du cumul emploi retraite constitue un autre exemple, particulièrement sensible au moment même où cette mesure est en cours de refonte profonde, de dispositif pour lequel on ne dispose que d’une information partielle, portant sur les seuls cumulants assurés du régime général, soit une sous-population très particulière, notamment en termes d’âge. On pourrait également mentionner l’absence de suivi statistique de l’offre et des tarifs d’hébergement en établissements pour personnes âgées, qui entraîne l’impossibilité de construire un indicateur synthétique du reste à charge supporté par les personnes hébergées ou leurs familles.
Une dimension particulière des difficultés d’appréciation de l’adéquation des politiques de sécurité sociale aux besoins de couverture des risques sociaux pour des raisons d’insuffisance des données statistiques concerne les comparaisons internationales. Dans le champ des accidents du travail, précédemment évoqués, il est hautement probable que, malgré l’effort d’harmonisation effectué par Eurostat, le service statistique de la Commission européenne, les données nationales restent influencées par des différences dans la définition et surtout dans les modes de reconnaissance des accidents. Améliorer la capacité des systèmes statistiques européens et des pays membres de l’OCDE de produire des données comparables paraît, à cet égard, constituer un enjeu essentiel pour comparer les performances des politiques de sécurité sociale non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace.
Un premier bilan des indicateurs « objectifs / résultats »
37L’analyse des indicateurs « objectifs / résultats » permet de tirer un premier bilan des tendances observées dans les programmes de qualité et d’efficience. Lorsqu’ils sont assortis d’un objectif quantifié ou d’une trajectoire d’évolution (96 sur 108), les indicateurs peuvent être le plus souvent évalués en termes d’atteinte ou de non-respect des objectifs associés. Toutefois, dans quelques cas, l’observation de l’évolution des indicateurs au cours des années récentes ne dégage pas de tendance nette. Le tableau 4 présente, programme par programme, le bilan des indicateurs auxquels une trajectoire d’évolution a été assignée.
Bilan des indicateurs « objectifs / résultats » des programmes de qualité et d’efficience annexés au PLFSS pour 2010

Bilan des indicateurs « objectifs / résultats » des programmes de qualité et d’efficience annexés au PLFSS pour 2010
38Sur les 96 indicateurs auxquels une trajectoire d’évolution a été assignée (dotés ou non d’une cible quantifiée), 66 suivent une évolution conforme à la trajectoire assignée, soit 69 % de l’ensemble, et 14 suivent une évolution non conforme à la trajectoire assignée, soit 15 %, tandis que 16 indicateurs suivent une évolution ambiguë (17 %).
39En faisant apparaître une large majorité d’indicateurs orientés dans le sens souhaité, ces statistiques semblent traduire une amélioration globale de la qualité et de l’efficience du système de protection sociale français. Toutefois, elles permettent également d’identifier certains axes de progrès pour les années à venir.
40À titre d’exemple, le déploiement dynamique de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé en faveur des personnes dont les ressources sont à peine supérieures au plafond prévu pour l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, l’augmentation des économies réalisées dans le cadre de la lutte contre les fraudes à l’assurance-maladie, l’amorce du relèvement du taux d’emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans, surtout corrigé des changements de la composition par âge fin de ce groupe (cf. tableau 5), la proportion élevée d’enfants âgés de moins de trois ans accueillis au sein d’une structure formelle de garde, ou encore la diversification des structures en faveur des personnes âgées dépendantes, qui réserve une place croissante aux services et ainsi favorise leur maintien à domicile, sont quelques illustrations des réussites des politiques de sécurité sociale documentées dans les programmes de qualité et d’efficience.
Évolution du taux d’emploi des 55-64 ans brut et corrigé des variations démographiques (en %)

Évolution du taux d’emploi des 55-64 ans brut et corrigé des variations démographiques (en %)
41En revanche, l’évolution de la répartition des professionnels de santé libéraux sur le territoire, l’interruption depuis quelques années de la diminution de la fréquence et de la gravité des accidents du travail, la complexité de la réglementation des prélèvements sociaux pour les entreprises (mesurée par la proportion d’entreprises contrôlées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales, et qui bénéficient d’un redressement négatif, cf. graphique 1), et la persistance d’une sous-consommation des crédits médicosociaux en faveur des établissements et services pour les personnes âgées font partie des domaines dans lesquels des progrès restent attendus.
Proportion d’entreprises contrôlées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales bénéficiant d’un redressement négatif, et part de ces redressements négatifs dans l’ensemble des redressements

Proportion d’entreprises contrôlées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales bénéficiant d’un redressement négatif, et part de ces redressements négatifs dans l’ensemble des redressements
Les programmes de qualité et d’efficience, l’évaluation des politiques de sécurité sociale et la mobilisation de leurs acteurs
42À l’issue de trois années de production en vraie grandeur des programmes de qualité et d’efficience, il est possible de tirer de premiers enseignements sur l’apport des PQE à l’analyse de la performance des politiques de sécurité sociale et à l’identification des enjeux futurs à assigner à ces politiques.
43Ces enseignements peuvent en particulier se nourrir des conclusions d’un colloque organisé le 14 mai 2009 au ministère chargé du Budget et des Comptes publics, qui a permis de recueillir l’appréciation de nombreux acteurs et experts des politiques de sécurité sociale sur ces documents.
Les programmes de qualité et d’efficience satisfont à un critère de robustesse statistique
44Il est en premier lieu permis de penser que les PQE réalisent d’ores et déjà un effort appréciable de sélection des données statistiques disponibles à fin de documentation des résultats obtenus par les politiques sanitaires et sociales.
45On relèvera en particulier :
- des progrès dans la couverture des principales politiques sanitaires et sociales par les PQE, avec une attention plus importante portée au rôle solvabilisateur des aides au logement selon que les bénéficiaires sont locataires dans le parc locatif privé ou social, ou l’adjonction d’indicateurs relatifs à la prise en charge de la maladie d’Alzheimer dans le programme « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA » ;
- un équilibre dans le recours à des données administratives issues de la gestion des dispositifs de sécurité sociale, et à des données d’enquête en population générale qui permettent de recueillir l’impact final, en termes objectifs et subjectifs, des politiques de sécurité sociale sur le revenu, les conditions de vie et le bien-être des ménages ; ainsi, l’indicateur qui porte sur les ressources des bénéficiaires de pensions de réversion, qui combinent statistiques sur le nombre et le montant moyen des pensions de réversion tirées de l’échantillon interrégimes de retraités établi par la DREES, et exploitations de l’enquête sur les revenus fiscaux et sociaux de l’INSEE en ce qu’elles portent sur le niveau de vie moyen des veufs et des veuves ;
- une tentative d’approcher au travers des indicateurs des programmes de qualité et d’efficience l’impact « toutes choses égales par ailleurs » des dispositifs de sécurité sociale, comme par exemple en matière de renoncement aux soins pour des raisons financières des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, où l’évolution de la proportion de ces bénéficiaires qui déclarent avoir renoncé aux soins pour des raisons financières est mesurée en écart avec la même proportion pour les titulaires d’une couverture maladie complémentaire privée ;
- un effort de mise en perspective internationale des performances des politiques sanitaires et sociales, au travers de la mobilisation d’indicateurs harmonisés produits par diverses organisations internationales, telles que l’OMS dans le domaine de la santé publique, l’OCDE dans celui de l’évolution globale des dépenses de santé, et de façon plus systématique l’Union européenne en reprenant plusieurs des indicateurs sélectionnés dans le cadre de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion sociale, par exemple ceux relatifs au niveau de vie des retraités ou à la pauvreté enfantine.
Ils permettent de dégager des appréciations globales sur la performance des politiques de sécurité sociale
46Une simple analyse descriptive des indicateurs des programmes de qualité et d’efficience permet d’ores et déjà d’établir un diagnostic d’ensemble des politiques de sécurité sociale, et de justifier la mesure dans laquelle les dispositions proposées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale auquel les programmes sont annexés, entendent remédier aux dysfonctionnements que cette analyse descriptive a permis d’identifier.
47En 2009, cette capacité diagnostique des programmes de qualité et d’efficience s’est concrétisée au travers de la publication d’un document de synthèse présentant les indicateurs aux évolutions les plus significatives, et mettant en valeur les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 qui s’interprètent comme une réponse à ces évolutions [2]. Ainsi, les mesures relatives, d’une part, à la pérennisation des aides simplifiées aux petites entreprises qui agissent en faveur de la réduction des risques professionnels et au renforcement des sanctions adressées aux entreprises qui tardent à prendre des mesures nécessaires de prévention et, d’autre part, à la sécurisation des ressources de la sécurité sociale (hausse du « forfait social », assujettissement aux prélèvements sociaux des « retraites – chapeau » et des contrats d’assurance-vie en euros et multisupports à la succession du contractant, suppression du seuil de cession pour le calcul des prélèvements dus sur les plus-values mobilières) font écho, respectivement, aux indicateurs relatifs à la fréquence et à la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles et aux « niches sociales », dont les évolutions observées ne sont pas conformes aux objectifs annoncés.
Les programmes de qualité et d’efficience contribuent à la démarche plus globale d’évaluation des politiques publiques sanitaires et sociales
48Les programmes de qualité et d’efficience, qui reposent sur des indicateurs élémentaires destinés à offrir une aide directe à la décision politique en matière sanitaire et sociale, ne sauraient prétendre épuiser à eux seuls la démarche globale d’évaluation de ces politiques. Ainsi que le montrent les premiers développements de cette démarche d’évaluation au sein des ministères chargés de la Santé et des Affaires sociales – au travers de la mise en place d’un comité ministériel de l’évaluation –, l’identification des effets propres d’une mesure, corrigée de l’ensemble des facteurs de contexte et des effets de composition de la population qu’elle touche, requiert souvent la mise en place de protocoles statistiques relativement complexes, afin qu’ils permettent d’identifier la situation contrefactuelle, c’est-à-dire l’état qui aurait été observé si la mesure considérée n’avait pas été mise en œuvre.
49Du moins les programmes de qualité et d’efficience permettent-ils d’identifier celles des politiques dont les résultats, mesurés par les évolutions des PQE correspondants, témoignent de difficultés à atteindre les objectifs associés, et justifient de ce fait la mise en œuvre d’analyses plus approfondies, tels que ceux relatifs à la fréquence et à la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles ou au reste à charge des familles sur leurs frais de garde des jeunes enfants.
L’utilisation des programmes de qualité et d’efficience par le Parlement reste insuffisante
50L’analyse de l’occurrence des références aux programmes de qualité et d’efficience dans les rapports parlementaires relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 montre que celles-ci restent rares : seules deux mentions dans les rapports présentés à l’Assemblée nationale, et aucune dans les rapports présentés au Sénat.
51La faible utilisation des PQE par les députés et les sénateurs s’explique principalement par le calendrier parlementaire, qui conduit la représentation nationale à examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans des délais étroits après son dépôt à la mi-octobre. Cependant, la réorganisation du travail parlementaire issue de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 ouvre assurément des opportunités d’utilisation plus intensive des programmes de qualité et d’efficience par les deux Assemblées : production par le Gouvernement d’études d’impact à l’appui de ses projets de loi, semaine mensuelle de l’évaluation dans le calendrier parlementaire, évolution consécutive des travaux des missions parlementaires d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Une doctrine reste à établir quant à l’utilisation des programmes de qualité et d’efficience pour la mobilisation des administrations et organismes chargés de la mise en œuvre des politiques de sécurité sociale
52Enfin, des difficultés persistent dans la valorisation des indicateurs des programmes de qualité et d’efficience en termes de responsabilisation des dirigeants des administrations et organismes qui mettent en œuvre les politiques de sécurité sociale. Elles résident dans l’inadéquation de nombre d’indicateurs des programmes de qualité et d’efficience à une démarche de responsabilisation des entités chargées de la mise en œuvre des politiques de sécurité sociale, qui tient, d’une part, à leur caractère d’indicateurs d’impact final des politiques, lequel est largement influencé par des facteurs exogènes, macroéconomiques ou épidémiques par exemple, dont les dirigeants de ces entités ne peuvent être tenus pour responsables et, d’autre part, au fait que ces politiques sont très généralement partagées dans leur concrétisation par une diversité d’acteurs – Sécurité sociale, État, régimes de protection sociale complémentaire, collectivités locales… –, qui empêche d’évaluer simplement la contribution de chacun d’entre eux au résultat global.
53Une voie pour progresser vers une plus grande capacité de mobilisation des indicateurs des programmes de qualité et d’efficience au service de la responsabilisation des administrations et organismes chargés de la mise en œuvre des politiques de sécurité sociale serait assurément de mieux équilibrer, dans chaque programme, le portefeuille d’indicateurs entre indicateurs d’impact final des politiques et indicateurs d’efficience de l’offre de services fournis par ces administrations et organismes, ainsi d’ailleurs que l’a suggéré la Cour des comptes dans le chapitre de son rapport de septembre 2008 sur la sécurité sociale consacré aux programmes de qualité et d’efficience. Cela suppose de réexaminer l’allocation des indicateurs entre les programmes de qualité et d’efficience et les conventions d’objectifs et de gestion entre l’État et les organismes nationaux de sécurité sociale.
54Le renouvellement en 2010 des conventions d’objectifs et de gestion liant l’État et l’ACOSS, d’une part, et l’État et la CNAMTS, d’autre part, fournit une opportunité pour progresser dans cette voie, en permettant de réexaminer la pertinence des sous-ensembles d’indicateurs qui sont communs aux programmes de qualité et d’efficience « Financement » et « Maladie » et aux dispositifs de suivi de ces conventions. Plus fondamentalement, l’occasion se présente avec ces nouvelles conventions d’objectifs et de gestion de formaliser de façon plus rigoureuse l’articulation des objectifs globaux assignés aux politiques de sécurité sociale et les objectifs d’efficience de la fourniture de services adressés aux organismes nationaux de sécurité sociale.
http://www.securite-sociale.fr/chiffres/lfss/lfss2010/2010_plfss_pqe/2010_plfss_pqe.htm
Notes
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[*]
Laurent Caussat, directeur de projet, et Olivier Chemla, chargé de mission, à la direction de la sécurité sociale, en charge des programmes de qualité et d’efficience au moment de la rédaction du présent article.
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[1]
Outre la DSS (en sa qualité de pilote de l’annexe 1), et la DREES (du fait de sa transversalité sur les sujets sanitaires et sociaux), ont contribué aux programmes de qualité et d’efficience 2009, par ordre alphabétique : l’ACOSS (« Financement »), la CNAF (« Famille »), la CNAMTS (« Maladie » et « Accidents du travail / maladies professionnelles »), la CNAV (« Retraites »), la CNSA (« Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA »), la DARES (« Retraites »), la DGAS (« Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA »), la DGS (« Maladie »), la DGT (« Accidents du travail / maladies professionnelles »), la DHOS, la Haute Autorité de santé et le Fonds CMU (« Maladie »).
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[2]
Ce document de synthèse est consultable à la page Web suivante : http://www.securite-sociale.fr/chiffres/lfss/lfss2010/2010_plfss_pqe/2010_plfss_pqe_synthese.pdf