CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Un peu d’histoire

1L’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM) a demandé et obtenu que la loi reconnaisse, enfin, que les maladies psychiques provoquaient des situations de handicap très importantes auxquelles il convenait de répondre d’une manière urgente. L’association, qui regroupe près de 15 000 familles concernées sur l’ensemble du territoire national, a expliqué pourquoi le quasi-abandon de ces très nombreuses personnes qui vivent désormais dans la cité, n’était pas acceptable. En effet, les hôpitaux spécialisés qui étaient censés les héberger ont pu, grâce en partie à l’arrivée de nouveaux médicaments, supprimer près de 100 000 lits. Dans le même temps, rien n’a été prévu pour accompagner socialement ces malades qui, pour autant, ne sont pas guéris et qui ont impérativement besoin d’aide. Le plus souvent, même, ils ne sont plus en état de demander quoi que ce soit, y compris des soins.

2L’Unafam ne comprend pas comment les responsables de la santé et les élus ont pu admettre aussi longtemps une telle situation. Chacun peut en voir les conséquences, lorsqu’il n’y a pas de familles en état de prendre en charge les malades, dans la rue ou dans les prisons.

La loi du 15 février 2005

3L’Unafam a profité de la révision de la loi de juin 1975 provoquée par la mise en cause de la responsabilité des médecins par les juges (arrêt Perruche) pour faire admettre qu’il fallait « inventer » un mot nouveau (l’expression « handicap psychique » a été retenue par pure convention) pour distinguer ces situations de celles désignées couramment sous le terme de « handicap mental ». Il a fallu longuement expliquer que les personnes souffrant de troubles psychiques ne présentaient pas de déficience intellectuelle, qu’elles étaient très médicalisées, que leurs incapacités étaient peu visibles, très différentes d’une personne à l’autre et surtout variables dans le temps. Il a fallu enfin combattre certains soignants qui prétendaient que le handicap « stigmatisait » et faire admettre que la complexité des situations ne justifiait pas de déclarer « inexistante » une population qui représente, en France, au minimum 600000 personnes ! Des enquêtes ont été faites auprès des patients. Elles ont confirmé que ceux-ci attendaient massivement de voir leurs droits reconnus en tant que citoyens à part entière.

Accompagnement et autonomie

4L’UNAFAM a travaillé avec des associations de patients et a défini les six éléments qu’il convenait de prévoir en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap psychique :

5Pour tous :

  • les soins,
  • des ressources minima,
  • un logement,
  • un accompagnement adapté ;
si nécessaire :
  • une protection juridique ;
et enfin, si la santé le permet :
  • des activités.
Ces six éléments sont liés comme les acteurs qui vont intervenir dans ces domaines.

6L’UNAFAM a milité pour le développement des Groupes d’entraide mutuelle (GEM) dont elle avait apprécié la qualité dans certains hôpitaux. Ces structures se réfèrent aux principes de ce qui est couramment appelé la « psychothérapie institutionnelle ». Les chercheurs reconnaissent aujourd’hui l’opportunité de ces réalisations innovantes et originales [1].

7L’UNAFAM ne gère pas de GEM mais en promeut le principe, au titre de ce que les circulaires de la Direction générale de l’action sociale appellent un parrainage ou un recours, lié au GEM par une convention obligatoire. L’UNAFAM pense, en effet, que les GEM doivent tendre à organiser eux-mêmes leurs activités. Par contre, elle considère que les personnes souffrant de troubles psychiques demeurent fragiles et que des parrainages restent nécessaires.

8Les deux objectifs (autonomie et parrainage) peuvent sembler opposés. Les familles, qui ont l’expérience de l’éducation des enfants et de l’accompagnement des adultes malades, ont ainsi l’expérience qu’il n’en est rien. En effet, l’autonomie doit rester l’objectif principal, tout en admettant qu’il faille du temps, de la patience et, surtout pour les personnes malades, beaucoup de courage.
Pour l’UNAFAM, les GEM présentent l’originalité de créer concrètement des lieux spécifiquement voués à l’alliance entre les deux objectifs cités ci-dessus au bénéfice :

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  • des personnes malades ;
  • des familles ;
  • des professionnels, qui doivent admettre cette recherche d’autonomie ;
  • et des êtres qui trouvent, dans les GEM, l’occasion de rencontrer des personnes souffrant de troubles dans un environnement calme et serein.
Pour l’UNAFAM, le combat n’est pas terminé : il reste à faire reconnaître le rôle éminent des familles qui sont les premiers acteurs de l’accompagnement dans la cité.
La prochaine réforme de la loi sur les soins sans consentement va devoir en prendre acte et en tirer les conséquences en matière de continuité des soins, de sécurité, de respect des libertés fondamentales, voire de respect de l’ordre public. Pour l’UNAFAM, le problème est de sécuriser les procédures pour éviter les politiques sécuritaires. Dans ce domaine éminemment politique, l’apport des chercheurs sera déterminant.

Notes

  • [*]
    Président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM).
  • [1]
    Cf. les propos d’Anne Lovell, lors du colloque « Santé mentale et psychiatrie : le défi des libertés. Regard sur des logiques contradictoires » FASM Croix-Marine, Marseille, 2008 (actes du colloque publiés dans Pratiques en santé mentale, février 2009). Voir également l’article dans ce numéro : « Du handicap psychique aux paradoxes de sa reconnaissance : Éléments d’un savoir ordinaire des personnes vivant avec un trouble psychique grave » de Anne M. Lovell, Aurélien Troisoeufs et Marion Mora (ndlr).
Jean Canneva [*]
Président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM).
  • [*]
    Président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.091.0233
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