1Ce numéro de la RFAS qui porte sur les politiques de la santé, du handicap et de l’aide sociale aux États-Unis et au Canada s’inscrit dans le cadre d’un cycle de conférences organisées par la DREES sur les systèmes de protection sociale et leurs réformes dans différents groupes de pays: Europe du Nord, Europe continentale et du Sud et récemment, en février dernier, l’Amérique du Nord. Toutes ces conférences ont été suivies de numéros spécifiques de la RFAS. Ce numéro ne fait donc pas exception. Il rassemble des articles d’auteurs qui ont présenté leurs travaux lors de la conférence ainsi que d’autres auteurs également spécialistes de ces questions.
2Les thèmes de ce numéro font particulièrement écho aux réflexions et débats actuels tant au niveau français qu’au niveau européen. Ce dossier présente les réformes conduites dans trois secteurs: les systèmes de santé, les politiques en faveur des personnes handicapées et l’aide sociale, dans un contexte bien particulier, celui du fédéralisme. Cette articulation entre les systèmes de protection sociale – et leurs réformes – et le système constitutionnel a été analysée lors de la conférence de février, pour le Canada, par Gérard Boismenu, et pour les États-Unis, par Michael S. Greve, dont les interventions ouvrent le dossier. Cette question – riche d’enseignement pour l’Union européenne – apparaît en effet en filigrane dans l’ensemble des développements consacrés aux politiques sociales.
3La santé et la couverture assurantielle maladie sont au cœur des débats de l’élection présidentielle américaine, 47 millions d’Américains ne disposant d’aucune couverture maladie. Le rôle prépondérant de l’assurance privée qui couvre un peu plus des deux tiers de la population américaine, est une autre particularité du système américain. Philip Musgrove dans son article « Les réformes du système de santé engagées par les États fédérés pour parvenir à une couverture quasi universelle aux États-Unis » met en exergue la réforme adoptée par l’État du Massachussetts qui est révolutionnaire dans la mesure où elle impose pour la première fois une obligation aux entreprises d’offrir une assurance-maladie à leurs salariés, sous peine de pénalités. La seule assurance universelle du système de santé américain, le programme fédéral Medicare, qui bénéficie aux personnes âgées et handicapées, a été réformée en 2003, pour inclure la prise en charge des médicaments. Toutefois, elle laisse encore un large pourcentage de dépenses pharmaceutiques non couvert. Et surtout, elle expérimente des formes de privatisation, en permettant aux assurés de souscrire à une assurance privée subventionnée au lieu de rester dans le cadre de l’assurance publique. Mais s’agissant de Medicare, c’est surtout en termes de soutenabilité financière à long terme d’un programme destiné aux personnes âgées et aux personnes handicapées et dépendantes que se développe une grande partie des débats. « Les défis de la réforme » sont analysés par Lawrence D. Brown. Le système de santé du Canada, que décrit Michel Grignon, est très différent de celui des États-Unis dans la mesure où un panier de biens et services défini est obligatoirement fourni par le secteur public. L’auteur tente de tirer des enseignements pour le système de santé français.
4Les États-Unis ont été précurseurs dans le domaine de la non-discrimination; et les mouvements de personnes handicapées tant aux États-Unis qu’au Canada ont été porteurs d’une nouvelle vision du handicap. Si aux États-Unis, il existe une politique fédérale forte, structurée autour de la loi de non-discrimination l’Americans with disabilities Act (ADA) – que présente ici René Jahiel – applicable uniquement aux personnes handicapées, au Canada, la politique reste fragmentée entre les différentes Provinces et il n’existe pas de lois de non-discrimination spécifiques pour les personnes handicapées. S. Cohu, D. Lequet-Slama et D. Velche soulignent dans la comparaison des « politiques en faveur des personnes handicapées aux États-Unis et au Canada » que les deux pays tentent depuis plusieurs années de réduire le nombre de bénéficiaires de prestations d’invalidité par le biais de politiques d’activation, difficiles à mettre en œuvre dans la mesure où elles s’opposent à la philosophie même des dispositifs d’indemnisation. David Wittenburg, Ana Rangarajan et Todd Honeycutt montrent bien cette contradiction dans leur article « le système d’aide et les politiques de l’emploi en faveur des personnes handicapées aux États-Unis » et la nécessité de surmonter les obstacles pour mettre en œuvre de vrais programmes innovants d’orientation à l’emploi pour les personnes handicapées.
Les réformes de l’aide sociale conduites dans les années 1990 aux États-Unis comme au Canada ont imposé une logique d’activation plus spécifiquement dirigée vers les familles, et principalement vers les parents isolés. Pour les États-Unis, Gary Burtless (« Évaluation de la réforme du Welfare ») d’une part et Christel Gilles à travers une revue de littérature américaine d’autre part, tentent d’évaluer les résultats de la réforme de 1996. Pour le Canada, Deena White s’intéresse à la prestation nationale pour enfants en s’interrogeant sur la nature de cette prestation: « Politique de la famille, de lutte contre la pauvreté ou d’insertion? » Elle illustre son propos par l’analyse des politiques conduites dans deux États: l’Ontario et le Québec, en se demandant, en conclusion, s’il s’agit réellement d’une politique nationale.