CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1La réforme de l’aide sociale, votée le 22 août 1996, a modifié en profondeur le dernier filet de sécurité du Welfare américain, crée en 1935, et prolongé en 1961 par le programme « Aid to Families with Dependent Children »(AFDC) principalement ciblé ex post sur les familles monoparentales. Le nouveau programme d’aide sociale qui lui a été substitué, le « Temporary Aid to Needy Families » (TANF), se distingue en effet par la contrepartie en emploi exigée auprès de ses allocataires et par sa mise en œuvre décentralisée au niveau des États fédérés. La loi fédérale de 1996 (Personal Responsability and Work Opportunity Reconciliation Act, (PRWORA), Public Law 104-193) apparaît au total comme l’un des éléments majeurs d’une stratégie globale de lutte contre la pauvreté intervenue au début des années 1990. Adoptée au cours d’un cycle historiquement long de croissance économique élevée, cette réforme a achevé de transformer l’ancien système d’assistance aux pauvres en un système d’aide au revenu des travailleurs pauvres. Ses composantes liées, selon les termes de la loi, à l’insertion par l’emploi et l’autonomie des personnes ont par ailleurs été renforcées avec l’adoption, en 2005, du Deficit Reduction Act, reconduisant par ailleurs pour une durée de cinq ans l’enveloppe budgétaire allouée au nouveau programme TANF.

2De nombreux travaux d’évaluation ont mesuré les effets de ces réformes sur le comportement et le bien-être des familles monoparentales, en tentant notamment de distinguer l’incidence des politiques de celle du cycle économique. La première génération d’études s’est intéressée en particulier à l’incidence du nouveau Welfare sur l’évolution du nombre d’allocataires de l’AFDC puis du TANF, du taux d’emploi des mères célibataires et de leur taux de pauvreté. La seconde génération, a quant à elle principalement évalué les effets des réformes sur le bien-être et la santé des bénéficiaires et, dans une moindre mesure, sur l’évolution des naissances hors mariage et des comportements maritaux.

3Cet article se propose de rendre compte des principaux résultats de ces évaluations. Après avoir présenté et mis en perspective la réforme fédérale de 1996, nous analyserons les conclusions d’une trentaine d’études des deux générations d’évaluation. Enfin dans une conclusion ouverte, nous questionnerons notamment, le rôle de stabilisateur des revenus du nouveau Welfare en cas de crise économique de grande ampleur.

Réformes du Welfare : une stratégie d’aide au retour à l’emploi mise en œuvre dans un contexte de croissance élevée

Une réforme fédérale préalablement testée par certains États fédérés

4La réforme de 1996 a résulté en partie des évolutions depuis le début des années 1980 de l’opinion américaine à l’égard des personnes pauvres inactives et en particulier des femmes seules avec enfants (Danziger, Haveman, 2001 et Burtless, 2008). D’étape en étape, le Welfare américain est progressivement passé d’un revenu minimum garanti aux familles pauvres avec enfants à un programme d’activités et de mise en emploi assorti d’aide au revenu (cf. tableau 1). Réformé à l’échelle nationale en 1996, le Welfare américain avait néanmoins connu des transformations importantes entre 1992 et 1996 dans le cadre des procédures de Waivers[2]. Au cours de la période, 70 dérogations ont été accordées à 43 États fédérés. Appliquées selon les cas à l’échelle des États ou des comtés, elles ont consisté principalement à imposer une contrepartie en emploi au versement de l’allocation, une limite temporelle de perception de la prestation, à améliorer les mécanismes de cumul de l’allocation avec un revenu d’activité et enfin à limiter les effets désincitatifs au retour à l’emploi (Moffitt, 2003) inhérents à l’existence de droits connexes à la prestation (couverture maladie et garde d’enfants). La réforme fédérale apparaît au total comme la généralisation à l’échelle fédérale des mesures adoptées, et en grande partie évaluées, dans certains États et comtés.

Tableau 1

Historique des réformes du dispositif d’aide sociale

Tableau 1
Date Loi Principales composantes 1935 Loi de création de la Sécurité Sociale Création de l’Aid to Dependent Children (ADC) pour les enfants nécessiteux n’ayant qu’un parent 1961 Amendements de la LSS Création du programme Aid to Families with Dependent Children with Unemployed Parent (AFDC-UP) pour les enfants vivant dans les familles bi-parentales dont le parent à l’origine de l’apport principal du revenu est au chômage ou bien invalide 1967 Amendements de la LSS Augmentation du taux d’abattement, défini comme le% des revenus salariaux exclu de la base ressources de l’allocataire – Création du programme Work Incentive (WIN) 1981 Loi Omnibus Budget Reconciliation Diminution du taux d’abattement des revenus salariaux; prise en compte des revenus des beaux-parents; création des dispositifs temporaires de garde d’enfants et de couverture médicale, pour les sortants de l’AFDC; le programme AFDC est rendu obligatoire 1988 Family Support Act Augmentation du taux d’abattement des revenus salariaux; exclusion du crédit d’impôt de la base ressources; extension à 12 mois des programmes de transition (garde d’enfants et medicaid); suppression du programme WIN; création du programme Job Opportunity 1992-1996 Waivers 43 États adoptent des Waivers relatifs à l’AFDC 1996 Loi PRWORA Création du programme Temporary Aid to Needy Families (TANF) 2005 Deficit Reduction Act Durcissement des objectifs de participation aux programmes d’activité Sources: Moffitt (2007) et Gilbert (2002).

Historique des réformes du dispositif d’aide sociale

5Emblématique du Welfare américain, le programme TANF [3] n’est toutefois qu’un élément de l’architecture globale du système fédéral de protection sociale. Celui-ci se compose d’assurances sociales des risques vieillesse, chômage, invalidité, accidents du travail et enfin maladie [4] (Cohu, Lequet-Slama, 2007) et d’aides au revenu. Il se caractérise en particulier par l’absence de politique familiale et de couverture maladie universelle (la couverture maladie étant largement assurée par des systèmes privés d’assurance) et enfin par la prédominance des prestations catégorielles sous conditions de ressources.
Au sein des dispositifs d’aide au revenu, le TANF est l’une des principales prestations monétaires sous conditions de ressources garantissant un revenu minimum aux familles pauvres avec enfants (cf. tableau 2). Ce programme répond en partie à l’absence de politique familiale et aux difficultés d’accès à l’indemnisation du chômage (Levine, 2006).

Tableau 2

Nombre de bénéficiaires (en milliers) et dépenses (en millions de dollars) des principaux dispositifs sous conditions de ressources, en 2004

Tableau 2
TANF Supplemental Security Income1 (SSI) Bons alimentaires Crédit d’impôts2 (EITC) Couverture médicale (Medicaid) Aides au logement Éducation jeunes enfants (Head Start)3 Garde d’enfants3 Nombre de bénéficiaires 4,746 7,139 24,9 19,163 56,1 4,576 906 1,743 Dépenses totales (fédérales et Etats) 14,067 39,839 30,993 34,012 300,3 29,844 8,469 11,854 1. Aide aux personnes âgées et invalides. 2. Nombre de foyers fiscaux. 3. pour une présentation cf. Gilles (2003). Source: Spar (2006).

Nombre de bénéficiaires (en milliers) et dépenses (en millions de dollars) des principaux dispositifs sous conditions de ressources, en 2004

Accompagnée d’une révision globale des dispositifs d’aide au retour à l’emploi

6La réforme du Welfare de 1996 est un élément d’une stratégie globale de lutte contre la pauvreté fondée sur le retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées [5]. En effet, au cours des années 1990, l’ensemble des dispositifs d’aide au revenu a fait l’objet de réformes importantes. Elles concernaient en particulier:

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  • les revalorisations du salaire minimum, au nombre de quatre entre 1989 et 1998;
  • l’amélioration de la couverture et l’augmentation du crédit d’impôt fédéral (Earned Income Tax Credit), ainsi que la création au sein des États fédérés d’un crédit d’impôt additionnel, adopté dans le cadre des dérogations accordées aux États (Waivers);
  • l’augmentation des dépenses liées à la garde d’enfants;
  • l’extension de la couverture médicale des personnes à bas revenus (Medicaid) et la création en 1997 d’une assurance médicale ciblée sur les enfants défavorisés (State Children’s Health Insurance Program, SCHIP);
  • le renforcement, dans le cadre des Waivers, des mesures d’aide au retour à l’emploi des allocataires de l’AFDC;
  • enfin, la réforme de l’aide sociale de 1996.
La loi PRWORA de 1996 a pour objet d’accroître la flexibilité des États fédérés dans la gestion du dispositif qui doit, aider les familles nécessiteuses afin que leurs enfants puissent être élevés chez eux ou bien chez des parents; mettre un terme à la dépendance à l’égard des prestations sociales en favorisant leur retour à l’emploi des parents nécessiteux; réduire le nombre de naissances hors mariage et enfin, favoriser la formation ou le maintien de familles bi-parentales.

8Cette loi a, en particulier, donné trois nouvelles orientations au programme d’aide sociale américain:

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  • l’obligation de contrepartie, assortie d’objectifs de taux de participation aux activités liées à l’emploi. Le principe de contrepartie est précisément défini: des programmes d’activité sont envisagés et soutenus par le gouvernement fédéral; ils sont répartis en activités prioritaires et non prioritaires assorties de durées minimales d’activité auxquelles le bénéficiaire doit se soumettre afin de préserver l’intégralité de sa prestation. Les activités prioritaires regroupent les emplois subventionnés et non subventionnés, la formation continue, les stages professionnels, les emplois d’utilité collective, la formation professionnelle spécialisée, la formation générale et les activités de recherche d’emploi (limitées entre sept et douze semaines). Les activités non prioritaires, principalement des formations générales, sont destinées en majorité aux allocataires adolescents;
  • deux contraintes temporelles: l’une exigeant des bénéficiaires adultes aptes à l’emploi qu’ils participent à un programme d’activité après 24 mois au plus de perception de l’allocation, l’autre, imposant une limite de cinq ans de perception de l’allocation au cours du cycle de vie;
  • l’adoption d’une enveloppe budgétaire fédérale fixe et renégociable en 2001, par opposition à un financement de l’ancien dispositif non plafonné, où l’État fédéral couvrait en moyenne 50% des dépenses générées par le programme.
Par ailleurs, les objectifs de la loi PRWORA liés à la formation et au maintien de familles bi-parentales ont été renforcés par l’adoption en 2002 du projetHealthy Marriage Initiative donnant lieu en 2005 notamment, à l’affectation au financement des dispositifs qui lui sont associés, d’une fraction des fonds du programme TANF [6]. Surtout, la reconduction en 2005 de la loi PRWORA dans le cadre de la loi Deficit Reduction Act (DRA) s’est traduite par une forte augmentation de l’objectif de participation des allocataires aux programmes liés à l’emploi, en modifiant notamment les cas d’exemptions et son mode de calcul (Hoynes, 2006).
Au total, l’ensemble de ces réformes a conduit à une augmentation globale des dépenses de transferts en faveur des travailleurs à bas revenus et à une diminution de celles destinées aux inactifs pauvres

Un principe de conditionnalité couplé à celui de la décentralisation

10En encadrant le dispositif par des directives générales, la loi fédérale de 1996 a délégué aux États une forte marge de déclinaison des règles imposées. Le principe de conditionnalité, adopté à l’échelle fédérale, a en effet été couplé à celui de la décentralisation, se traduisant dans les faits par une autonomie accrue des États fédérés dans la définition et la gestion du dispositif, conduisant notamment à une reprise d’emploi des allocataires du TANF plus ou moins rémunératrice selon les États.
En effet, la décentralisation des règles d’application du TANF (le montant maximum de l’allocation, le calcul des ressources ou la nature du régime fiscal) a conduit à des variations de un à huit des seuils de sortie, selon les États, entendus comme le niveau de salaire à partir duquel l’allocataire perd la prestation. De la même manière, les ressources des allocataires en emploi varient fortement. Selon des données de l’année 2003, dans l’État de l’Alabama, une femme célibataire avec deux enfants perd l’allocation lorsqu’elle prend un emploi à mi-temps rémunéré au salaire minimum, ses ressources (salaire net, crédit d’impôt, TANF, bons alimentaires) s’élevant alors à 70% environ du seuil de pauvreté fédéral (cf. tableau 3). Elle aurait conservé la prestation TANF dans l’État du Connecticut et ses ressources auraient atteint 117% du seuil de pauvreté fédéral.

Tableau 3

Revenu annualisé d’une femme célibataire avec deux enfants, allocataire du TANF, en emploi à mi-temps et à temps plein au salaire minimum, en% du seuil de pauvreté fédéral, en 2003

Tableau 3
États Mi-temps au salaire minimum Plein temps au salaire minimum Salaire net EITC TANF Bons alimentaires Total Salaire net EITC TANF Bons alimentaires Total Alabama 32,4 14,0 0 23,5 69,9 64,8 27,5 0 15,1 107,4 Connecticut 43,4 18,8 50,0 5,6 117,8 86,8 26,7 50 0 163,5 Maine 39,3 17,0 31,7 12,2 100,2 78,6 27,5 0 11,5 117,6 Mississippi 32,4 14,0 0 23,5 69,9 64,4 27,5 0 15,1 107,4 Source: Green Book (2004).

Revenu annualisé d’une femme célibataire avec deux enfants, allocataire du TANF, en emploi à mi-temps et à temps plein au salaire minimum, en% du seuil de pauvreté fédéral, en 2003

Des résultats qui incombent aux réformes et à la conjoncture du marché du travail

Évolution des indicateurs de résultats des réformes

Hausse de l’emploi des mères célibataires et diminution de la pauvreté des enfants

11Cibles des réformes, les femmes isolées avec enfants ont vu leur taux d’emploi et leur niveau de vie s’améliorer depuis le début des années 1990. Au regard de l’évolution de la plupart des indicateurs de résultats associés aux objectifs de la réforme PRWORA (cf. tableau 4), les transformations du Welfare américain peuvent s’interpréter comme un succès.

12Ainsi, au cours de la période allant de 1994 à 2004, le nombre d’allocataires du TANF a diminué d’environ 60%. Le taux d’emploi des femmes seules avec enfants a augmenté de plus de quinze points de pourcentage à 72,6%, dépassant pour la première fois celui des mères vivant en couple. Leur taux de pauvreté (cf. encadré), en moyenne cinq fois plus élevé que celui des femmes mariées, a sensiblement diminué de 38,6% en 1994 à 30,5% en 2004. De la même manière, la pauvreté des enfants a reculé, elle concerne 17,8% d’entre eux en 2004 contre 21,8% en 1994. Près d’un enfant sur cinq âgé de moins de cinq ans demeure pauvre. À l’inverse, les indicateurs démographiques, que l’on peut associer aux objectifs 3 et 4 de la réforme PRWORA relatifs aux naissances hors mariage et à la formation des familles biparentales, ne rendent pas compte d’évolution conforme aux attentes des législateurs (cf. tableau 4).
Au total, les résultats en termes d’emploi et de niveau de vie des femmes seules avec enfants se sont sensiblement améliorés en moyenne depuis la mise en place des réformes de l’aide sociale (dans certains États avant 1996, à l’échelle de l’Union ensuite).

Tableau 4

Évolution des principaux indicateurs de résultat de la réforme

Tableau 4
Loi PRWORA Indicateurs 1994 2000 2004 Variation 1994-2004 (en%) Objectif n° 1 (implicitement) Taux de pauvreté des enfants de moins 18 ans 21,8 16,2 17,8 -4,0 Taux de pauvreté des enfants de moins de 5 ans 24,5 17,8 19,9 -4,6 Objectif n° 2 Nombre d’allocataires du TANF (en millions) 14,0 6,2 5,7 -59,6 Nombre d’allocataires des Food Stamps 27,4 17,2 23,8 15,2 Objectif n° 2 Taux d’emploi (en%) des mères célibataires 56,9 73,9 72,6 +15,7 Taux d’emploi des mères mariées 69,0 70,6 68,2 -0,8 Taux de pauvreté (en%) des familles monoparentales 38,6 27,9 30,5 -8,1 Taux de pauvreté des familles en couple 7,4 5,5 6,4 -1,0 Objectif n° 3% de naissances hors mariage 32,4 33,2 35,7 +3,3 Objectif n° 4 Nombre de mariages pour 1000 personnes 9,8* 8,3 7,8 -2,0 Nombre de divorces pour 1000 personnes 4,7* 4,1 3,7 -1,0 * 1990 Sources: US Census Bureau, National Center for Health, HHS Department.

Évolution des principaux indicateurs de résultat de la réforme

Encadré : Mesure et déterminants de la pauvreté aux États-Unis

Seuils et taux de pauvreté
Calculé par le Census Bureau, le seuil de pauvreté est un seuil absolu défini selon la configuration du foyer (nombre d’enfants et d’adultes et âge de la personne de référence). Le seuil de pauvreté équivaut à la valorisation d’une quantité de biens alimentaires nécessaires à un type de ménage, multipliée par un coefficient égal à la part de l’alimentation dans le budget moyen des ménages. Le budget alimentaire type est basé à l’origine sur une enquête de consommation alimentaire de 1955 selon laquelle une famille de trois personnes ou plus dépense un tiers de son budget (après impôts) en alimentation. Depuis 1969, les seuils de pauvreté, calculés selon la configuration du foyer, sont revalorisés annuellement à partir de l’indice des prix à la consommation. Les revenus pris en compte dans le calcul du taux de pauvreté officiel sont les revenus – avant impôts dont le crédit d’impôt – avant prestations en nature (bons alimentaires, aides au logement et Medicaid) et hors gains en capitaux. Les revenus des ménages sont mesurés à partir de l’enquête Current Population Survey (CPS) réalisée en mars de chaque année auprès de 50000 ménages. Ainsi, en 2005, ce seuil est égal à 9973 dollars pour une personne seule et 15577 dollars pour une famille composée de trois personnes. Le taux de pauvreté officiel atteint à cette date 11, 7% de la population américaine.
Tableau 5

Taux de pauvreté selon la définition officielle du Census Bureau

Tableau 5
Année Ensemble des personnes Personnes vivant en familles Ensemble des familles Familles monoparentales Total (en milliers) Sous le seuil de pauvreté Nombre (en milliers) % Total Sous le seuil de pauvreté Nombre % Total Sous le seuil de pauvreté Nombre % 2001 281,48 32,91 11,7 233,91 23,22 9,9 38,38 10,93 28,6 2002 285,70 34,57 12,1 236,92 24,58 10,4 38,25 11,22 28,8 2003 287,70 35,86 12,5 238,96 25,69 10,8 40,53 11,66 30,0 2004 290,62 37,04 12,7 240,75 26,54 11,0 41,31 12,41 30,5 2005 298,14 36,95 12,6 242,40 26,07 10,8 42,06 12,83 31,1 Source: Census Bureau, Current Population Survey.

Taux de pauvreté selon la définition officielle du Census Bureau

Déterminants de la pauvreté
Au cours des trente dernières années, de nombreux travaux empiriques ont testé l’aphorisme repris par J. F. Kennedy « The Rising Tide Lift All Boats ». Comme le souligne Freeman (2001), le principe selon lequel la croissance économique « guérit de tous les maux », est particulièrement ancré dans la société américaine. Toutefois le lien entre croissance et pauvreté est complexe (Gilles, Loisy, Parent, 2003). À cet égard, les travaux macroéconomiques distinguent généralement quatre facteurs explicatifs [1] de l’évolution de la pauvreté: la conjoncture du marché du travail, l’évolution des inégalités, des facteurs démographiques et notamment les structures familiales et enfin l’évolution des dépenses de transferts. Concernant ces dernières, leur efficacité dans la lutte contre la pauvreté peut également être appréhendée à partir d’une mesure des effets globaux et marginaux sur le taux de pauvreté des dépenses sociales agrégées et de celles ventilées par dispositif. Par exemple, depuis 1993, il apparaît que le crédit d’impôt (EITC) est progressivement devenu le dispositif ayant le plus d’incidence sur la pauvreté des enfants, à l’inverse des prestations monétaires sous conditions de ressources (cf. tableau 6).
Tableau 6

Efficacité des programmes sociaux dans la réduction de la pauvreté des enfants (en%)

Tableau 6
1993 1996 1999 2002 Taux de pauvreté 26,3 23,6 19,6 19,7 Prestations de sécurité sociale générales (retraites, allocations chômage etc.) 24,1 21,8 17,9 17,4 Prestations sociales monétaires sous conditions de ressources (TANF, SSI…) 22,7 20,5 16,9 16,7 Prestations sociales non monétaires sous conditions de ressources (bons alimentaires etc.) 20,0 17,8 14,9 14,8 EITC – impôts fédéraux 20,0 16,1 12,9 12,6 Total 6,3 7,5 6,7 7,1 Note de lecture: en 2002, les crédits d’impôts (impôts fédéraux déduits) ont contribué à réduire la pauvreté parmi les enfants de 14,8% à 12,6%. À cette date, l’ensemble des programmes socio-fiscaux a permis de diminuer la pauvreté parmi les enfants de 7,1 points de pourcentage, de 19,7% à 12,6%. Source: Green Book 2004.

Efficacité des programmes sociaux dans la réduction de la pauvreté des enfants (en%)

Augmentation des inégalités de revenus parmi les femmes seules avec enfants

13La stratégie Work First de lutte contre la pauvreté, fondée d’une part sur la (re)prise rapide d’un emploi des personnes allocataires de l’AFDC-TANF et sur l’amélioration des conditions financières de l’emploi des personnes à bas revenu d’autre part, s’est avérée globalement réussie, au regard des objectifs 1 et 2 de la loi PRWORA. La situation exceptionnelle du marché du travail, générant plus de 20 millions d’emplois entre 1992 et le début de la récession de 2001 et permettant notamment d’absorber un million environ de femmes peu qualifiées supplémentaires, explique en partie le succès de cette stratégie (Burtless, 2000 et 2003). Par ailleurs, l’afflux de mères célibataires sur le marché du travail n’a pas conduit à une concurrence accrue entre travailleurs peu qualifiés ni exercé une pression à la baisse de leurs salaires. Au contraire, l’évolution des salaires réels des travailleurs peu qualifiés, en baisse depuis la fin des années 1970, s’est inversée à la hausse au milieu des années 1990 (Holzer, 2007). Au total, l’augmentation de l’emploi, des salaires et des compléments de revenu d’activité (Earned Income Tax Credit, EITC) a conduit à une augmentation, entre 1994 et 2000, d’un tiers en moyenne des revenus des femmes seules avec enfants (Burtless, 2008). L’évolution de la structure de leur revenu rend compte, en effet, d’une forte augmentation de la part des revenus liés à l’emploi et d’une diminution de celle des prestations sociales sous conditions de ressources (cf. tableau 7). Toutefois, la situation financière des plus pauvres, notamment celles en situation de non-emploi et celles cumulant la prestation TANF avec un revenu d’activité, s’est dégradée sur la période (Moffitt, 2007). Pour ces dernières, la baisse du montant maximal des allocations sous conditions de ressources n’a pas été compensée par l’augmentation des revenus issus du travail (Green Book, 2004). Les inégalités de revenus parmi les femmes seules avec enfants ont en conséquence augmenté depuis le milieu des années 1990 (Bollinger, Ziliak, 2008).

Tableau 7

Évolution de la structure des revenus des femmes seules avec enfants (en%)

Tableau 7
Ensemble < 100% du seuil de pauvreté 1993 1998 2002 1993 1998 2002 Salaires 65,7 74,5 77,7 25,1 41,1 43,0 Sécurité Sociale 4,6 3,9 3,8 4,7 5,7 6,5 Allocation chômage 0,8 0,5 1,1 0,9 0,8 1,8 SSI 1,8 1,5 1,3 4,5 5,2 5,4 AFDC – TANF 6,8 2,6 1,2 26,1 12,9 6,6 Pension alimentaire 5,7 5,5 5,6 3,5 3,5 6,5 Food Stamps 4,3 2,6 1,9 17,3 13,3 12,5 Repas scolaire 1,2 1,1 0,9 3,8 4,1 4,0 Allocation logement 2,3 1,7 1,4 9,9 9,2 9,2 Autres 6,8 6,1 5,1 4,2 4,2 4,5 Source: Green Book (2004), Current Population Survey.

Évolution de la structure des revenus des femmes seules avec enfants (en%)

Le rôle attribué aux réformes dans les principaux travaux d’évaluation

Sur les effectifs d’allocataires, l’emploi et la pauvreté des mères isolées

14Les deux générations d’évaluations ont tenté de mesurer les effets respectifs de la croissance et des réformes sur les évolutions des effectifs d’allocataires de l’AFDC-TANF, du taux d’emploi des femmes seules avec enfants et, enfin, sur celle de leur taux de pauvreté. En effet, au cours des années 1990, les changements apportés aux principaux dispositifs ciblés sur les familles à bas revenus sont intervenus globalement au cours d’une même période et ont été concomitants de l’amélioration de la conjoncture économique. L’identification de l’incidence globale des réformes adoptées et de celle des différentes composantes est un exercice délicat (Gilles, Parent, 2002). À cet égard, selon Freeman (2001), en l’absence du boom économique qu’ont connu les États-Unis au cours des années 1990, le nouveau Welfare aurait été un « désastre » [7].

15Les premiers travaux économétriques évaluant l’effet des changements de politique sociale sur l’évolution du nombre d’allocataires en contrôlant des effets du cycle économique ont concerné la période allant de 1993 à 1996. Ces travaux, dénommés Caseloads Studies, mobilisent les techniques d’économétrie de pseudo-panels sur données agrégées par État, annuelles ou mensuelles (Gilles, Parent, 2002). Selon les études de référence (cf. tableau 8), si les Waivers ont contribué de manière significative à réduire le nombre d’allocataires de l’AFDC, leur rôle serait néanmoins moindre que ceux de la réforme fédérale de 1996 et que l’effet de la conjoncture du marché du travail. Selon les travaux de la seconde génération d’évaluation, les réformes du Welfare expliqueraient entre 20% et 50% de la diminution du nombre d’allocataires de l’AFDC-TANF (Looney, 2005).

Tableau 8

Résultats de la première génération des Caseloads Studies

Tableau 8
Études Part de la variation expliquée par la croissance Part expliquée par les réformes Période de décomposition des effets Période d’estimation CEA (1997) Entre 31% et 45% Entre 13% et 31% 1993-1996 1976-1996 Figlio & Ziliak (1999) Entre 18% et 76% Entre – 7% et 1% 1993-1996 1976-1996 Ziliak et al. (2000) 78% 6% 1993-1996 1987-1996 Moffitt (1999) 47% 15% 1993-1996 1977-1996 Blank (2001) 59% 28% 1994-1996 1977-1996 CEA (1999) Entre 26% et 36% Entre 12% et 15% 1993-1999 1976-1998 Entre 8% et 10% Entre 35% et 36% 1996-1998 Wallace et Blank (1999) 47% 22% 1994-1996 1980-1998 12% 75% 1996-1998 Source: Blank (2000) et Bell (2001).

Résultats de la première génération des Caseloads Studies

16Selon certains auteurs (Grogger et al., 2003), la diminution du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale incomberait en majorité à celle des entrées dans le dispositif.

17Trois raisons sont généralement invoquées pour expliquer cette dynamique des flux.

18Premièrement, les sanctions (5% en moyenne des allocataires du TANF ont fait l’objet de sanctions depuis 1996, elles concerneraient en particulier les personnes présentant le plus grand nombre de barrières à l’emploi, notamment l’état de santé (Meara, Franck, 2006)), d’une part, et la limite temporelle de perception de l’allocation TANF, d’autre part, dissuaderaient certaines personnes éligibles de recourir à la prestation. À cet égard, selon les données officielles du ministère des Affaires sociales, le taux de recours des familles éligibles à l’AFDC-TANF a diminué de 78,9% en 1996 à 45,7% en 2003.

19Deuxièmement, la conjoncture exceptionnelle du marché du travail au cours des années 1990 combinée à l’extension des crédits d’impôt, aurait permis de maintenir durablement hors de l’assistance les personnes les plus éloignées du marché du travail (Moffitt, 2007). Enfin, la légère augmentation du recours à l’assurance chômage des femmes seules avec enfants, ayant sur la période reconstitué des droits à l’indemnisation, contribuerait marginalement à expliquer la baisse des entrées et celle du taux de recours au dispositif TANF. Au cours de la période de ralentissement conjoncturel allant de 2000 à 2003, le pourcentage de femmes seules avec enfants vivant sous le seuil de pauvreté, allocataires de l’assurance chômage a en effet progressé de 4% environ à 6%, soit deux fois plus qu’au cours de la précédente récession de 1991.

20Concernant l’ emploi, la plupart des évaluations concluent à l’existence d’un effet des réformes sur la (re)prise d’emploi des anciens allocataires du TANF. Selon les études basées sur le suivi de cohortes d’anciens allocataires (Leavers Studies), le taux d’emploi des sortants du dispositif varie en effet de 60 à 70%. Par ailleurs, le pourcentage d’allocataires « en intéressement », mécanisme permettant le cumul de la prestation AFDC-TANF avec un revenu d’activité, a augmenté de 7,4% en 1992 à 24% environ en 2000.

21Certains travaux économétriques ont tenté quant à eux d’identifier l’effet agrégé et particulier des changements de politique sociale (Waiver, Tanf, EITC) sur le taux d’emploi des femmes seules avec enfants. Meyer et Rosenbaum (2000) montrent que l’augmentation sur la période 1984-1996 du taux d’emploi des femmes seules avec enfants a été spécifique à ce groupe: notamment, entre 1991 et 1996 (période d’activation des réformes), le taux d’emploi des femmes seules avec enfants a progressé de près de sept points, celui du groupe des femmes seules sans enfant diminuant de près d’un point. Cette évolution ne se retrouve pas pour d’autres groupes de contrôle (femmes mariées sans enfant, femmes mariées avec enfant(s), ni pour les hommes noirs, représentatifs des populations défavorisées). Les auteurs concluent à la primauté de l’effet « réformes des dispositifs ». Par ailleurs, au sein de ces dispositifs, les réformes de l’EITC à partir de 1993 auraient joué un rôle majeur dans l’essor du taux d’emploi des femmes seules avec enfants, l’élargissement de la couverture de Medicaid a un rôle identifié mais moindre, alors que l’augmentation de l’incitation financière des allocataires de l’AFDC à prendre un emploi et enfin les Waivers n’ont pas d’effets identifiés. Sur une période d’évaluation plus longue, Grogger (2004) et Looney (2005) concluent quant à eux à un effet de l’EITC [8] sur l’emploi des femmes seules avec enfants respectivement identique et inférieur à celui de la réforme du dispositif de l’AFDC-TANF.

22Enfin, à l’inverse des travaux de la première vague, les études récentes ont évalué les effets de certaines des composantes de la réforme du Welfare: limite temporelle de perception de l’allocation, sanctions, diminution du montant de l’allocation, durcissement des conditions de versement de la pension alimentaire etc. Ici, les résultats fondés sur des travaux économétriques permettent difficilement d’établir un diagnostic sûr en raison de la difficulté à codifier ces composantes et de la faiblesse des disparités entre États les concernant (Blank, 2007a). Certains résultats d’expériences contrôlées ont en revanche permis d’identifier des effets négatifs sur les effectifs d’allocataires des obligations de participer à certains programmes d’activité (work requirements) et des effets positifs de l’amélioration des mécanismes d’intéressement sur le taux d’emploi global des allocataires (Moffitt, 2007).
Concernant l’incidence de la réforme de l’aide sociale sur les revenus et le taux de pauvreté des femmes seules avec enfants, les études rendent comptent d’effets significatifs (Blank, Schoeni, 2000; Blank, 2002 et Grogger, Karoly, 2005). Toutefois, l’augmentation des revenus n’a pas été homogène au sein de l’ensemble des femmes seules avec enfants, en particulier pour celles sortants du programme TANF en comparaison avec celles n’y entrant pas (Moffitt, 2007). La faiblesse des revenus perçus des personnes quittant le dispositif tend à remettre en cause l’efficacité globale des mécanismes d’intéressement. Enfin, les 30% d’allocataires sortis du programme sans prendre un emploi ont vu leur revenu décliner depuis la réforme fédérale de 1996.
À cet égard, Blank (2007b) estime qu’un quart environ des femmes seules avec enfants serait aujourd’hui en situation de non-emploi et sans aucune aide du système américain de protection sociale. Selon ses termes, les « disconnected mothers », apparaissent comme le résultat d’un système d’aide sociale aujourd’hui inadapté aux personnes les plus éloignées du marché du travail. De la même manière, selon Freeman (2001), 6 à 8% de la population américaine resteraient durablement éloignés de l’emploi. L’extrême pauvreté, mesurée par le nombre de personnes vivant en deçà de la moitié du seuil de pauvreté (cf. encadré) est demeurée inchangée depuis 1996 à 5, 5% environ. Certains auteurs (Blank, 2007b) envisagent alors une aide sociale à deux vitesses, l’une fondée sur la stratégie de Work First pour les personnes les plus employables, l’autre sur l’insertion à la fois sociale et professionnelle des personnes les plus en difficultés.

Sur la santé, le bien-être et la fécondité : l’absence de preuve

23Les travaux économétriques récents cherchant à mesurer l’incidence de la loi de 1996 sur des variables relatives au bien-être en général sont, d’une part, moins nombreux et, d’autre part, moins conclusifs que ceux portant sur l’emploi et les revenus des femmes seules avec enfants.

24Néanmoins, la réforme du Welfare a concouru à réduire, faiblement, la couverture maladie (publique [9] et privée) des femmes seules avec enfants et à la rendre plus instable au cours du temps (Bitler, Hoynes, 2006) [10]. La baisse de la couverture maladie des personnes ciblées par les réformes n’aurait pas eu, sur une période d’observation qui peut-être jugée trop courte, d’effets ni sur la santé des adultes ni sur celle de leurs enfants. Par ailleurs, aucune étude ne permet à cette date d’établir une causalité entre la loi de 1996 et les performances cognitives des enfants (Blank, 2007a). De la même manière, les travaux ayant évalué les effets de la loi de 1996 sur les comportements maritaux et sur l’évolution des naissances hors mariage demeurent sans conclusion (Moffitt, 2007). L’absence de recul temporel nécessaire à l’analyse des changements démographiques peut encore être invoquée. À cet égard, il apparaît que les jeunes hommes peu qualifiés, dont le taux d’emploi et les salaires réels ont diminué depuis la fin des années 1970, font l’objet aujourd’hui d’un intérêt accru dans la littérature sur le Welfare (Haskins, Sawhill, 2007). En effet, les objectifs 3 et 4 de la loi PRWORA eu égard à la formation et au maintien des familles bi-parentales n’ayant pas été atteints, certains auteurs proposent la création d’un crédit d’impôt individuel et non familial, afin d’accroître le taux d’emploi et le revenu de ces personnes.
L’incidence des transformations du Welfare sur le bien-être peut-être appréhendée par l’évolution du niveau des dépenses de consommation des femmes seules avec enfants et celle de leur structure. Les travaux de Meyer et Sullivan (2002, 2004 et 2008), montrent que les dépenses de consommation des femmes seules avec enfants ont augmenté après l’instauration du TANF mais de manière inégale selon le niveau de revenu. Par ailleurs, pour les mères isolées dont le revenu appartient au premier quintile de la distribution, l’augmentation des dépenses sur la période incombe majoritairement au logement (en raison soit d’une diminution des aides ou d’une augmentation des loyers consécutivement à celle des revenus salariaux). Pour celles dont le revenu équivaut au second quintile de la distribution, le surplus de dépenses est affecté majoritairement au transport. Pour l’ensemble de ces femmes, les dépenses de garde d’enfants ont progressé, mais elles ne représenteraient pas l’essentiel des dépenses supplémentaires. Au total, les auteurs concluent que le bien-être des femmes seules avec enfants a peu progressé depuis l’adoption des Waivers et la mise en place du TANF.

Conclusion

25Si la situation d’emploi et de revenus des femmes seules avec enfants s’est améliorée depuis le début des années 1990, la question du rôle des réformes, d’une part, et du cycle économique, d’autre part, demeure sans réponse évidente (Gilles, Parent, 2002). En outre, les travaux existants ne rendent pas compte des effets de la récession de 2001, d’ampleur et de durée modestes, sur la viabilité de long terme de la réforme du Welfare. L’absence d’incidence apparente du ralentissement conjoncturel sur les effectifs d’allocataires du TANF d’une part, et dans une moindre mesure, sur le taux d’emploi des femmes seules avec enfants et leur niveau de pauvreté d’autre part, demeure encore peu explicitée en dépit de travaux antérieurs pléthoriques sur ce thème [11]. En lien, les résultats des travaux d’évaluation de la réforme du Welfare dont on dispose ne permettent pas d’inférer la résistance du nouveau système d’aide sociale à une crise économique de plus grande ampleur. En effet le Welfare, tel qu’il est conçu depuis 1996, semble d’une part jouer un moindre rôle stabilisateur des cycles et d’autre part être inadapté aux besoins des personnes structurellement éloignées du marché du travail.

Notes

  • [1]
    Économiste, chargée de mission sur les questions d’économie et d’emploi au Centre d’analyse stratégique.
  • [2]
    Depuis 1962, le ministère des Affaires sociales accorde des dérogations (Waivers) aux État fédérés afin qu’ils puissent expérimenter des projets « pilotes » destinés à promouvoir les objectifs généraux des programmes d’assistance sociale fédéraux: réduire la dépendance à l’aide sociale et favoriser le retour à l’emploi. Conformément à la section 1115 du Code de la sécurité sociale, l’État a ainsi « levé », certaines des règles fédérales de l’AFDC imposées aux États fédérés.
  • [3]
    Dans cet article, il sera fait référence à « l’AFDC-TANF » lorsque le propos concerne l’ensemble des deux périodes, celles antérieure et ultérieure à la réforme fédérale de 1996.
  • [4]
    Créé en 1965, le programme Medicare est un programme fédéral universel d’assurance maladie destiné aux personnes âgées de 65 ans et aux personnes invalides.
  • [5]
    Cette description reprend en partie des éléments d’articles antérieurs (Gilles et Parent, 2002 et 2003).
  • [6]
    Dans le cadre de la loi initiale PRWORA, les États fédérés pouvaient librement utiliser et affecter les fonds du programme TANF aux différents objectifs de la loi. Ainsi, moins de 1% en moyenne ont été alloués à ceux relatifs à la formation et au maintien de familles biparentales. La loi de 2005 (DRA) impose, cette fois, d’allouer 100 millions de dollars par an au programme« Healthy Marriage Initiative » et 50 millions de dollars au programme « Responsible Fatherhood ». Ceux-ci prennent la forme notamment de campagnes d’informations, de formations adressées aux adolescents et aux adultes, etc. La loi DRA stipule par ailleurs que la participation à ces programmes est facultative.
  • [7]
    “Absent the late 1990s boom, the new welfare policies might have been a disaster”, Freeman, 2001, p. 123.
  • [8]
    Sur les effets de l’EITC exclusivement, cf. notamment Eissa et Hoynes 2004 et 2006, op. cit.
  • [9]
    Dans le cadre de la loi Omnibus Budget Reconciliation, l’accès au programme Medicaid a été étendu en 1981 aux enfants et femmes enceintes au-delà des seuils de ressources de l’AFDC. En 2001, l’accès à Medicaid est devenu automatique pour tous les enfants vivant dans des familles dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. Enfin en 1997, a été créé le programme SCHIP, autorisant les États à délivrer l’assurance Medicaid aux enfants dont les familles ont un revenu inférieur à deux fois le seuil de pauvreté.
  • [10]
    Quelques travaux concluent à un effet nul ou positif mais dans l’ensemble, la plupart concluent à l’inverse. Pour une discussion cf. Bitler et Hoynes, 2006.
  • [11]
    La segmentation sectorielle et professionnelle observée parmi les femmes seules avec enfants aurait par ailleurs joué en leur faveur durant la récession, les métiers qu’elles occupent ayant été moins touchés par la crise que ceux, par exemple, des jeunes hommes peu qualifiés (Blank, 2007a).
Français

Résumé

Adoptée dans un contexte de croissance économique élevée, la réforme du Welfare américain a achevé de transformer l’ancien système d’assistance aux pauvres en un système d’aide au revenu des travailleurs pauvres. De nombreux travaux d’évaluation ont mesuré les effets de ces réformes sur le comportement et le bien – être des familles monoparentales, en tentant notamment de distinguer l’incidence des politiques de celle du cycle économique. Cet article se propose ainsi de rendre compte des principaux résultats des deux générations d’évaluation. Les résultats de la première, qui s’est intéressée en particulier à l’incidence du nouveau Welfare sur l’évolution du nombre d’allocataires de l’AFDC-TANF, du taux d’emploi des mères célibataires et de leur taux de pauvreté, identifient le rôle des réformes et notamment de celles du TANF et de l’EITC. A l’inverse, les travaux de la seconde génération d’évaluation, ayant quant à eux principalement étudié l’incidence du Welfare sur le bien-être et l’évolution des comportements maritaux sont moins conclusifs. Il apparaît néanmoins, que le bien-être des femmes seules avec enfants, appréhendé par le niveau et la structure de leur consommation, aurait peu progressé. Par ailleurs, tel qu’il est conçu depuis 1996, le Welfare apparaît jouer un moindre rôle dans la stabilisation des cycles économiques et être inadapté aux besoins des personnes structurellement éloignées du marché du travail.

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Christel Gilles [1]
Chargée de mission sur les questions d’économie et d’emploi au Centre d’analyse stratégique, (France). Elle a auparavant travaillé comme économiste dans des organismes financiers et à la DREES.
  • [1]
    Économiste, chargée de mission sur les questions d’économie et d’emploi au Centre d’analyse stratégique.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.084.0217
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