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Introduction : les nouveaux investissements sociaux au Canada

1Les rapports fédéraux au Canada sont à la croisée des chemins (Boismenu, Graefe, Jenson, 2003). La question qui se pose est la suivante : le gouvernement fédéral est-il en train de perdre son rôle traditionnel de constructeur, de garant et de représentant de l’État providence canadien? En adoptant de nouvelles formes de gouvernance de la Fédération, qui visent une plus grande décentralisation des responsabilités autrefois fédérales vers les Provinces, Ottawa met-il en péril le régime de citoyenneté sociale qui a jusqu’à récemment cimenté l’identité canadienne, déjà fragile? Ou bien cette décentralisation apparente est-elle un signe trompeur, cachant plutôt un processus de recentralisation... autrement (Graefe, 2006)? Cet article participe à ce débat en traçant l’histoire de la Prestation nationale pour enfants (PNE), la politique sociale la plus importante adoptée à l’échelle nationale depuis les années 1970. Si cette politique illustre parfaitement le processus par lequel la citoyenneté sociale canadienne perd son sens devant la diversité, voire la divergence, des appropriations provinciales de la PNE, elle montre aussi que le gouvernement fédéral continue à orchestrer les grands virages des politiques sociales à travers le pays.

2En s’intéressant aux nouvelles politiques sociales du Canada, l’article s’inscrit dans deux questionnements. Premièrement, dans quelle mesure la catégorisation traditionnelle des différents domaines de politique sociale demeure-t-elle pertinente dans le contexte contemporain de l’État providence libéral que représente le Canada? Cette question permet d’éclairer un tournant important qui a eu lieu au Canada, comme ailleurs, depuis les années 1990, à savoir, l’intégration des divers politiques sociales à la politique du marché du travail (Peck, 1998). Est-il alors pertinent de distinguer, par exemple, une politique familiale d’une politique de lutte contre la pauvreté ou d’assistance sociale, si celles-ci sont toutes réunies sous la rubrique de politiques d’activation? L’article montera que dans le contexte de l’État fédératif qu’est le Canada, les gouvernements provinciaux arrivent à orienter les politiques sociales dans des sens forts différents, ce qui a des conséquences importantes sur la citoyenneté sociale d’une Province à l’autre. Si une certaine diversité entre les Provinces a toujours existé au Canada, elle est exacerbée dans le cadre des nouvelles politiques sociales telles que la PNE. Notre deuxième question est alors la suivante : peut-on toujours parler de la politique sociale canadienne?

3Le fédéralisme canadien assure aux Provinces la « souveraineté » en ce qui concerne la politique sociale. Mais, historiquement, le gouvernement fédéral a joué un rôle prépondérant dans le développement de l’État providence canadien (Banting, 1987). Il a pu orienter les actions des Provinces en cette matière grâce à sa puissance fiscale et à ses diverses formules pour contribuer à la mise en œuvre de politiques provinciales, soumises à des normes nationales (Boismenu, Graefe, Jenson, 2003) [2]. Comme les Provinces ne sont pas représentées au sein des institutions politiques de niveau fédéral, les rapports entre les deux niveaux de gouvernement étaient traditionnellement réglementés par des programmes fédéraux de péréquation et de partage des coûts avec les Provinces (Théret, 2003). Plus récemment, avec l’abandon ou la modification des instruments traditionnels, les ententes intergouvernementales bilatérales ont été favorisées. Les nouvelles politiques sociales résultent ainsi d’une négociation, c’est-à-dire d’une combinaison des stratégies propres au gouvernement fédéral et de celles de chacune des unités fédérées, stratégies ayant des buts multiples et souvent divergents les uns des autres (Boychuck, 1998 ; Boismenu, Graefe, Jenson, 2003). Si la diversité des politiques provinciales peut avoir comme effet d’orienter les politiques nationales vers des objectifs différents, ceci ne fait-il pas obstacle à la notion d’une politique sociale nationale? Ou bien la convergence des politiques sociales provinciales vers l’emploi ne constitue-t-elle en soi une politique nationale commune?

4L’article analysera la dynamique qui sous-tend ces questions dans le contexte de la Prestation nationale pour enfants (PNE). L’intitulé de cette prestation laisse à penser qu’il s’agit d’une politique familiale ou d’une politique visant le bien-être des enfants (Jenson, 2000 ; Boismenu, Graefe, 2004). Cette impression est trompeuse, car la PNE est la première politique de la nouvelle génération qui vise à introduire un virage important non seulement dans la conception des objectifs des politiques sociales mais aussi, de leur gouvernance au sein de la Fédération. En fait, la PNE brise les frontières traditionnelles entre les différents domaines de la politique sociale : que celle-ci concerne la satisfaction des besoins de base de tous les enfants et de leurs familles, la réduction du taux de pauvreté ou des inégalités de santé chez les enfants ou encore la cohésion sociale, tout passe par le rapport des citoyens au marché du travail.
En outre, la PNE représente un nouvel instrument de politique pour le Canada (Myles, Pierson, 1999). De base fiscale, se rapprochant de l’impôt négatif, elle est à la fois ciblée et presque universelle : si les plus pauvres sont les seuls à recevoir la prestation totale, plus de 80% des familles canadiennes en reçoivent au moins une partie. De cette façon, après une décennie de restrictions pénibles dans le domaine des politiques sociales, le gouvernement fédéral se redonne une image positive en tant qu’État providence en versant de l’argent directement dans la poche des citoyens. De plus, la PNE constitue un nouvel outil du gouvernement fédéral dans la gestion de ses rapports avec les Provinces. Par la manière dont la PNE est intégrée à l’assistance sociale, programme de compétence provinciale, elle incite l’adoption de réformes importantes dans l’ensemble des Provinces. Mais dans quelle mesure peut-on affirmer que la PNE a orienté ces réformes? Car les politiques adoptées d’une Province à l’autre dans le cadre de cette politique nationale peuvent se distinguer au même degré que le workfare américain se distingue de la Third Way anglaise. Ces divergences s’expliquent par le niveau de contingence supportée par les institutions fédérales canadiennes et introduite par la dynamique politique qui domine à l’intérieur de chaque Province.
L’article se développera de la manière suivante. Tout d’abord le contexte politique sera présenté brièvement afin d’éclairer l’approche adoptée pour analyser les contradictions qui apparaissent dans la PNE. La démonstration se poursuivra à travers la présentation, d’une part, de la dimension fédérale de la PNE, c’est-à-dire la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) et, d’autre part, du Supplément à la prestation nationale pour enfants (SPNE), dispositif d’intégration de la PNE aux politiques provinciales d’assistance sociale. Nous comparerons ensuite les politiques provinciales qui en découlent sur le plan institutionnel et politique, dans les deux Provinces les plus peuplées du Canada, l’Ontario et le Québec. Ces Provinces ont été choisies car elles semblent avoir développé des politiques qui ont des orientations divergentes dans le cadre d’une même politique fédérale. Cette analyse comparative nous permettra, en conclusion, de mieux saisir la nouvelle « multifonctionnalité » des politiques sociales dans le contexte d’un État fédéré, où les luttes autour des règles du jeu priment souvent sur les luttes autour des orientations spécifiques des politiques.

Le contexte institutionnel et politique

5Le Canada est une fédération décentralisée, où les Provinces sont normalement souveraines dans leurs domaines de compétences, telles que les politiques sociales. Mais des amendements constitutionnels, divers arrangements fiscaux et des programmes conjoints développés au cours du temps, constituent des « exceptions » tellement habituelles qu’elles représentent la norme. Ses rapports politiques et fiscaux avec les Provinces font ainsi, du gouvernement fédéral un acteur capital dans le domaine des politiques sociales. En fait, les politiques sociales sont le terrain privilégié des conflits constitutionnels au Canada (Béland, 2003) et les luttes politiques autour des règles du jeu du fédéralisme conduisent à ce qu’il y ait une tendance certaines fois à une plus grande centralisation, d’autres fois à une plus grande décentralisation des pouvoirs politiques (Banting, 1987 ; Pierson, 1995).

6Le rôle du gouvernement fédéral n’a donc pas été le même dans le cas de la PNE, adoptée en 1998, que dans les nombreuses politiques sociales développées pendant la période d’après-guerre et jusqu’à la fin des années 1970. En effet, la PNE a été adoptée à la suite d’une période d’au moins dix ans sans nouvel investissement social du gouvernement fédéral ni action politique sur le plan social, mis à part des restrictions importantes et une désindexation de diverses prestations. Les années 1980 et 1990 ont subi les conséquences d’une restructuration importante de l’économie canadienne, voire de l’économie mondiale (Battle, 1998). Avec l’objectif de favoriser le positionnement du Canada au sein de l’économie mondiale, la stratégie du gouvernement fédéral pendant ces années d’austérité, a été de transférer ses déficits aux Provinces. On pense à l’effritement graduel depuis le début des années 1980 des prestations fédérales versées directement aux citoyens (comme les allocations familiales) et des contributions aux programmes provinciaux ; à la réduction sévère du nombre de travailleurs couverts par l’assurance chômage lors d’une réforme majeure du régime en 1995, et enfin aux coupes sombres de la part fédérale du financement des politiques provinciales de santé, d’éducation postsecondaire et de services sociaux.
Ces dernières méritent une attention particulière puisqu’elles ont entraîné une transformation des rapports entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur le terrain des politiques sociales. Plusieurs programmes de partage des coûts ont été abolis en 1996, dont le Régime d’assistance publique du Canada, et remplacés par un seul le « Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ». Les fonds affectés à ce transfert global ont diminué de 7 milliards de dollars en deux ans par rapport au financement des programmes qu’il a remplacés (Martin, 1995). Ce transfert a également été accompagné d’un allégement du contrôle des comptes par le gouvernement fédéral et, dans le cas de l’assistance, de la suppression de presque toutes les normes nationales antérieurement imposées. Le gouvernement fédéral voulait ainsi ouvrir la porte à « l’innovation » de la part des Provinces (Martin, 1995). Cependant, cette politique fédérale, qui faisait suite à une importante récession, a plongé les Provinces dans une crise fiscale même dans le contexte de la reprise économique, leur imposant des restrictions majeures et les privant, en conséquence, de marges de manœuvre pour effectuer leurs propres réformes. Le gouvernement fédéral a, pour sa part, enregistré un excédent budgétaire en 1998 – le premier en vingt-huit ans – de plus de trois milliards de dollars. Celui-ci est passé à 12,7 milliards de dollars en 2000 avant de diminuer par la suite (graphique 1). La PNE est née de cet excédent [3].

Graphique 1

Excédents et déficits des gouvernements du Canada, de 1988-1989 à 2003-2004

Graphique 1

Excédents et déficits des gouvernements du Canada, de 1988-1989 à 2003-2004

7Comment interpréter ces manœuvres du gouvernement fédéral face aux Provinces? En nous appuyant sur une approche institutionnaliste, nous pouvons constater que le fédéralisme décentralisé du Canada a tendance à mettre les gouvernements de niveaux différents dans un rapport de tension (Pierson, 1995). Par exemple, dans les programmes à coûts partagés traditionnels, le niveau des dépenses engendrées par un programme était déterminé unilatéralement au niveau provincial, le gouvernement fédéral était appelé à verser un pourcentage donné de ces dépenses, les Provinces, pour leur part, devant justifier, par la présentation de leurs comptes, leurs demandes de contributions fédérales. Dans ce contexte, l’évolution des dépenses sociales du gouvernement fédéral était essentiellement hors de son contrôle (Hawkes et Pollard, 1983).

8Dès le début des années 1980, lorsque les déficits budgétaires étaient en train de devenir problématiques dans un contexte de mondialisation économique, le gouvernement a modifié le cadre des programmes à coûts partagés. Une diminution graduelle de la proportion de ces dépenses assumée par le gouvernement fédéral s’ensuivit. Par ailleurs, la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 1993, après dix ans de négociation, a eu un effet déterminant sur les priorités d’Ottawa. Très rapidement, le gouvernement s’est attaqué à l’élimination du déficit et à la mise en œuvre d’une réforme majeure de l’administration publique sous l’angle de la Nouvelle gestion publique (Boismenu, Graefe, Jenson, 2003). Au nom de l’efficacité, cette dernière favorise l’adoption de stratégies relevant de l’univers des affaires, dont le transfert de certaines responsabilités fédérales vers des acteurs civils (privatisation) et provinciaux (décentralisation). La décentralisation s’est réalisée dans ce contexte au moyen d’ententes bilatérales qui mettent l’accent sur les résultats voulus plutôt que sur les services rendus au niveau des Provinces.

9Durant les années 1990, le gouvernement canadien intervient dans le domaine des politiques sociales dans ce contexte de restriction budgétaire et d’innovation administrative, favorisé par l’ALENA et adhérant largement à la tendance mondiale de définition de nouveaux modèles d’État providence (Esping-Andersen, 1996). L’OCDE (par exemple, 1996) a aussi joué un rôle non négligeable dans l’abandon du modèle traditionnel keynésien en faveur d’un modèle qualifié par Jessop (1993) de « schumpétérien ». Celui-ci mise d’une part sur l’activation de la population afin de favoriser la productivité et l’innovation et d’autre part sur l’investissement social en vue de récolter des bénéfices futurs (Saint-Denis, 2000). Ainsi, au Canada comme ailleurs, il y eut une modification importante sur le terrain des politiques sociales (Jenson, Saint-Martin, 2006). Au Canada, la réforme de l’assistance sociale était le chaînon manquant dans cette stratégie fédérale de modernisation fiscale face à la restructuration de l’économie mondiale, un chaînon sur lequel il n’avait pas de prise directe puisque sous la responsabilité des Provinces.

10Certains gouvernements provinciaux du Canada ont été également inspirés par ces nouvelles idées mais se sont trouvés dans l’impossibilité de les adopter à cause des contraintes fiscales et réglementaires imposées par le système existant de partage des coûts avec le gouvernement fédéral. Les restrictions radicales de ce dernier, au milieu des années 1990, ont entraîné alors une des périodes les plus tendues dans les relations entre les Provinces et Ottawa en raison de l’unilatéralisme fédéral et du déséquilibre fiscal entre les deux niveaux – excédents grandissant au niveau fédéral et déficits continus au niveau des Provinces. Celles-ci se sont alors alliées afin d’établir des règles du jeu plus équitables entre les deux niveaux gouvernementaux. Ainsi, en 1999 le gouvernement fédéral et l’ensemble des Provinces, à l’exception du Québec, ont signé une entente-cadre sur l’« Union sociale » (Options politiques, 1998).

11L’Union sociale avait pour objectif le développement d’une collaboration en matière de politique sociale. Si elle a eu pour but, du point de vue des Provinces, de prévenir les décisions unilatérales d’Ottawa sur le terrain des politiques sociales et de s’assurer que les décisions dans ce domaine tiennent compte des intérêts provinciaux, elle a aussi permis au gouvernement fédéral d’introduire des principes de la nouvelle gestion publique dans ses rapports avec les Provinces. Ainsi, selon l’entente de l’Union sociale, les Provinces devaient présenter, selon des indicateurs négociés entre eux, les résultats des programmes adoptés dans ce cadre (Noël, 2000) [4]. La question de savoir si ceci représente une décentralisation ou au contraire une nouvelle centralisation demeure controversée (Graefe, 2006).
En effet, cette dernière question dépend moins des institutions fédératives telle l’Union sociale que des orientations politiques qui dominent aux deux niveaux. C’est ainsi qu’on peut comparer l’Union sociale à la méthode ouverte de coordination de la Commission européenne (Saint-Martin, 2004), avec la différence que l’Union sociale a fonctionné de façon relativement ad hoc. En effet, elle a cessé d’exister au bout de cinq années dès l’élection d’un gouvernement conservateur en 2004. Il est donc insuffisant de vouloir rendre compte des nouvelles politiques sociales au Canada en s’appuyant uniquement sur les théories institutionnalistes. Il est aussi nécessaire de faire appel au politique pour expliquer les appropriations divergentes d’une même politique nationale au sein des Provinces différentes. La présentation du cas de la Prestation nationale pour enfants (PNE), première politique annoncée conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux dans le cadre de l’Union sociale, illustre le jeu complexe des institutions et du politique dans la conception et dans la mise en œuvre de la nouvelle politique sociale canadienne.

La Prestation nationale pour enfants : formule complexe à buts multiples

12Lors de la campagne électorale de 1997, le gouvernement fédéral, prévoyant des excédents budgétaires, avait déjà révélé ses intentions d’adopter un plan national pour l’enfant (Parti libéral du Canada, 1997). Pendant les années d’austérité, la pauvreté infantile au Canada avait atteint un niveau de 21% et ce, malgré une promesse de l’ensemble des partis politique siégeant au Parlement en 1989 d’éliminer la pauvreté infantile avant l’an 2000 (cf. tableau 1). Les acteurs de la société civile ont fait de ce taux élevé un scandale public, contexte qui explique en partie que l’«enfant » soit devenu l’emblème des nouveaux investissements sociaux. Les détails de ce plan ont été élaborés dans le cadre de l’Union sociale.

Tableau 1

Taux de pauvreté des enfants au Canada, 1992-1999 (en%)

Tableau 1
1992 1996 1997 1998 1999 Canada 19,2 21,3 19,5 21,0 21,1 Québec 19,3 21,4 19,8 22,6 22,0 Ontario 16,3 20,8 18,1 19,1 20,3Source : Préparé par le Conseil canadien sur le développement social, à partir des données de Statistiques Canada, CAT. 13-569-XPB.

Taux de pauvreté des enfants au Canada, 1992-1999 (en%)

13La lutte contre la pauvreté des enfants n’est cependant qu’un des trois objectifs de la PNE :

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  • contribuer à la prévention et à la réduction de l’étendue de la pauvreté chez les enfants ;
  • favoriser la participation au marché du travail de sorte qu’il soit toujours plus avantageux pour les familles de travailler ;
  • réduire les cas de superpositions et de double emploi des programmes fédéraux et provinciaux par l’harmonisation de leurs objectifs (Prestation nationale pour enfants – Rapport d’étape, 2005).
Ainsi, la lutte contre la pauvreté infantile se ferait dans des conditions favorisant la participation au marché du travail. L’objectif que ce soit « toujours plus avantageux pour les familles de travailler » relève d’une analyse particulière de la problématique de l’activation des prestataires d’aide sociale, celle postulant l’existence d’un « mur » qui bloque le passage de l’assistance à l’emploi. Il existe parce que la prestation d’aide est normalement calculée sur la base des besoins familiaux et peut donc excéder le salaire minimum ou celui d’un emploi précaire ou à temps partiel, rendant ainsi l’assistance plus « attrayante » que l’emploi. Cet obstacle disparaîtrait si l’emploi était mieux rémunéré, accompagné d’un supplément de revenu ou d’avantages sociaux, ou bien si l’aide sociale était rendue moins avantageuse que l’emploi par des moyens tels que le workfare (exigence de travail en contrepartie à la prestation d’aide sociale), la stigmatisation ou la réduction de la prestation. Par ailleurs, plusieurs auteurs ont relevé différents modèles d’activation : l’insertion par le développement de l’employabilité et la réduction des barrières à l’emploi, le workfare ou l’approche « d’abord l’emploi » (Morel, 2002 ; Théodore, Peck, 2001). Les objectifs de la PNE représentent en effet, un compris entre les visions différentes du gouvernement fédéral et des divers gouvernements provinciaux participant à l’Union sociale. Aussi, si la politique adoptée incarne l’orientation nationale vers l’activation, elle n’en propose aucun modèle en particulier.

15Ces objectifs ont également une visée de rationalisation et d’harmonisation des politiques sociales fédérales et provinciales à savoir l’introduction des principes de la nouvelle gestion publique dans le rapport fédéral-provincial, à travers des politiques fiscales, tels que les transferts intégrés vers les familles, constitués en partie de l’argent fédéral, en partie de l’argent provincial. Mais l’avantage le plus important pour le gouvernement fédéral dans le nouvel arrangement réside dans le fait que les transferts ne vont pas vers les Provinces mais vers des citoyens et citoyennes, lui permettant ainsi de réassumer son rôle et son image d’État providence canadien.

16La PNE est effectivement composée de trois dispositifs reliés entre eux de façon à atteindre les trois objectifs prévus :

  • la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) : une prestation mensuelle octroyée par le gouvernement fédéral directement aux familles canadiennes pour chacun de leurs enfants ;
  • le Supplément à la prestation nationale pour enfants (SPNE) : un supplément octroyé par le gouvernement fédéral ciblant les enfants des familles les plus pauvres, majoritairement celles vivant de l’assistance provinciale ;
  • des politiques, programmes ou crédits provinciaux divers, mis en œuvre par les gouvernements provinciaux à l’aide des fonds « libérés » par le versement du SPNE fédéral aux enfants assistés. C’est de ces programmes, appelés « réinvestissements », que les Provinces, à l’exception du Québec, doivent rendre compte auprès de l’Union sociale.
Les sections suivantes décrivent ces trois éléments et les rapports entre eux.

La Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE)

17Cette prestation est liée étroitement à l’évolution des politiques fédérales visant les enfants depuis la fin des années 1970. Dès 1978, le gouvernement canadien a adopté le premier crédit d’impôt dit « remboursable » visant les enfants et c’est ce type de politique qui a éventuellement remplacé l’allocation familiale fédérale. Ce crédit d’impôt fonctionnait comme un impôt négatif : le montant du crédit, calculé sur la base de la déclaration de revenus des parents, était versé directement aux familles. Contrairement aux allocations familiales, c’est le Conseil du Trésor qui établissait et gérait les crédits d’impôt au lieu du ministère de la Santé et du Bien-être, normalement responsable des politiques sociales à l’époque. La PFCE suit cette même logique, avec cependant plusieurs améliorations par rapport au premier crédit introduit vingt ans plus tôt.

  • Premièrement, la PFCE est payée pour tous les enfants, que les parents participent ou non au marché du travail. Ceci la distingue d’autres crédits d’impôt semblables, dont ceux de certains États providence libéraux qui l’octroient uniquement aux familles intégrées au marché du travail. Au Canada, ce sont plutôt les plus pauvres – les assistés sociaux – qui en bénéficient le plus. Par ailleurs, si les montants prévus pour la première année de la PFCE étaient considérés bien trop modestes par la majorité des observateurs, des augmentations annuelles significatives ont été faites par le gouvernement jusqu’en 2007-2008. Celles-ci n’ont cependant pas permis d’atteindre un soutien « adéquat », tel qu’estimé par les experts, qui aurait permis de prévenir et de réduire sensiblement la pauvreté infantile (Battle, 2001). De plus, depuis 2006 et avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement conservateur à Ottawa, la PFCE a subi des restrictions modestes.
  • Deuxièmement, la PFCE ne disparaît pas lorsqu’un parent passe de l’assistance à l’emploi. Ceci la distingue des prestations normalement associées à l’assistance qui sont souvent « taxées » à 100% lors du passage à l’emploi. Elle aide donc à briser le « mur » qui rend dissuasif ce passage pour beaucoup de parents, et contribue à stabiliser le revenu familial lors d’une telle transition. Elle garantit également une forme de sécurité que le marché seul ne peut offrir puisqu’elle est calculée selon le nombre d’enfants dans la famille. Elle rend le travail plus « payant » que le seul salaire minimum et lutte ainsi contre ce nouveau risque des pays libéraux contemporains qu’est la pauvreté des travailleurs.
  • Enfin, la PFCE se distingue de l’EITC américaine d’une autre façon importante : au lieu de viser seulement les plus pauvres, elle concerne presque toute la classe moyenne. La valeur de la prestation octroyée commence à diminuer à niveau de revenu familial modeste, mais s’épuise seulement à niveau de revenu légèrement au-dessus de 100 000 dollars, et plus haut encore si on a plus de deux enfants. Elle couvre ainsi au moins 80% des familles canadiennes (cf. figure 1). La PFCE a donc la prétention d’être une politique quasi universelle, avec les bénéfices de la solidarité que cela comporte : l’arrivée mensuelle dans la majorité des foyers d’un rappel du soutien du gouvernement fédéral auprès des familles canadiennes et le renforcement du sentiment, à travers la population, de recevoir des bénéfices en contrepartie des impôts payés.

Figure 1

La Prestation fiscale canadienne (PFCE) pour enfants pour une famille de deux enfants (juillet 2005 à juin 2006)

Figure 1

La Prestation fiscale canadienne (PFCE) pour enfants pour une famille de deux enfants (juillet 2005 à juin 2006)

Source : Prestation nationale pour enfants, Rapport d’étape 2005. http:// www. nationalchildbenefit. ca/ ncb/ Progress_Reports/ 2005/ fr/ chapitre_2. shtml

18La PFCE est donc une politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Elle est également une politique du marché du travail : elle représente une subvention au bas salaire et évite de cette façon la nécessité d’envisager une augmentation du salaire minimum pour résoudre le problème grandissant des travailleurs pauvres. Selon cette logique, la PFCE aide les employeurs dans la création d’emplois ou, du moins, elle agit pour prévenir la perte d’emplois. Par ailleurs, dans les comptes généraux du gouvernement, les crédits d’impôt tels que la PFCE sont calculés en tant qu’« impôts renoncés » au lieu de « dépenses sociales », ce qui convient à un gouvernement soucieux des indicateurs de solidité de son économie nationale sur le marché mondial [5]. Bref, tout en venant à l’aide des familles canadiennes, elle constitue pour le gouvernement fédéral une bonne politique économique.

Le Supplément à la PNE (SPNE)

19Le Supplément à la prestation nationale pour enfants (SPNE) s’ajoute à la PFCE pour les prestataires les plus pauvres. Les prestations sont calculées selon le nombre et l’âge des enfants, et selon la composition de la famille – monoparentale ou biparentale. Il cible plus particulièrement les personnes assistées puisque le montant octroyé commence à diminuer dès que les familles gagnent un revenu plus élevé que celui qu’offre l’assistance provinciale. Il faut noter cependant que le revenu d’assistance (qui n’est pas pareil d’une Province à une autre) est toujours dans toutes les Provinces bien en dessous du seuil de pauvreté et que le SPNE est loin d’être suffisant pour permettre à ces familles de s’en rapprocher [6].

20Par ailleurs, et nonobstant ces calculs, la majorité des familles assistées ne voient jamais le Supplément. C’est parce que le SPNE sert un objectif autre que la lutte contre la pauvreté. Il est prévu qu’il remplace les prestations d’assistance provinciale en faveur des enfants. De cette façon, les Provinces peuvent récupérer la valeur du SPNE des familles assistées et utiliser cet argent à d’autres fins. Bref, le SPNE constitue un nouveau transfert (ou un rétablissement très partiel des transferts supprimés) du gouvernement fédéral vers les gouvernements provinciaux, en passant par les poches des citoyens assistés.

21La première conséquence de cet arrangement est que le versement du SPNE peut n’avoir aucun impact sur les familles assistées. Celles-ci peuvent en effet ne percevoir aucun revenu supplémentaire du fait du SPNE ; la seule différence pour elles étant que le montant de leur prestation d’assistance provinciale est réduit selon le nombre d’enfants dans la famille et que la PFCE fédérale est augmentée du même montant. Pour ces familles, le SPNE n’est alors qu’une ruse : ce qui était annoncé et donné par la main fédérale est récupéré par la main provinciale. Les organisations canadiennes de défense des droits des personnes vivant dans la pauvreté et, plus généralement, celles plaidant pour la lutte contre la pauvreté ont dénoncé cette politique, la qualifiant de moyen détourné, et des campagnes ont eu lieu à travers le pays.
Les Provinces, pour leur part et à l’exception du Québec [7], ont accepté de rendre compte à l’Union sociale des programmes qu’elles mettraient en œuvre grâce à l’argent récupéré des familles assistées, du fait du SPNE. C’est le signe que le SPNE était conçu officiellement en tant que transfert fédéral indirect vers les Provinces, même s’il était comptabilisé au niveau fédéral en tant que renonciation à des recettes fiscales des particuliers. Par ailleurs, ce sont les Provinces qui ont été la cible des revendications des associations anti-pauvreté et de défense des droits puisque ce sont elles qui ont réduit leurs prestations. L’argent ainsi récupéré par les Provinces devait toutefois être utilisé à des prestations et services en faveur de cette même population, qui étaient au nombre de cinq :

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  • des prestations pour enfants et suppléments au revenu gagné ;
  • des services de garde pour enfants et des garderies ;
  • des services à la petite enfance et aux enfants à risque ;
  • des prestations d’assurance-maladie complémentaires ;
  • d’autres programmes, prestations et services liés à la PNE, proposés par l’une ou l’autre des Provinces.
De toute évidence, le choix de stratégies provinciales était large et, de plus, aucun indicateur précis n’est établi sur la façon d’atteindre l’un ou l’autre objectif. Aucune norme n’est identifiée. Par ailleurs, aucune sanction n’est explicitement prévue pour les Provinces qui utilisent l’argent autrement car n’importe quelle stratégie peut s’intégrer au dernier objectif. Comme l’argent fédéral n’est pas octroyé aux gouvernements provinciaux, ces derniers n’ont pas à rendre de comptes précis sur leurs dépenses.
Tournons maintenant le projecteur sur ce troisième élément du PNE, c’est-à-dire les politiques et programmes développés par les gouvernements provinciaux et mis en œuvre à l’aide des fonds « libérés » par le paiement du SPNE fédéral aux enfants assistés.

La dimension provinciale de la Prestation nationale pour enfants

23D’une façon générale, depuis la mise en œuvre de la PNE, presque 30% des dépenses provinciales effectuées dans ce cadre ont été utilisées pour la garde d’enfants dans le cadre d’une politique de conciliation famille-travail, 25% l’ont été pour des prestations, des crédits d’impôt et des suppléments au revenu gagné servant d’incitation à l’insertion dans le marché du travail ; et 17% pour des programmes visant les enfants à risque, le plus souvent, des interventions sociosanitaires auprès des enfants vivant dans la pauvreté (Union sociale, 2005). Ces politiques ont été cependant conçues et construites de façons très différentes d’une Province à l’autre.

24Deux Provinces seulement ont choisi, dès 1998, de ne pas récupérer le montant du SPNE des familles assistées, assurant ainsi une augmentation de leur revenu. Il s’agissait des deux Provinces parmi les plus pauvres et ayant à l’époque des barèmes d’assistance extrêmement bas. Huit Provinces ont développé de nouveaux programmes dans le cadre établi ou, plus souvent, ont renforcé des programmes déjà existants, par exemple, visant des enfants à risque. Depuis, la majorité des Provinces ont par ailleurs diminué la proportion du SPNE récupéré, ou neutralisé l’effet de la récupération par l’octroi d’autres prestations ou de crédits provinciaux concernant les familles assistées. Ceci a constitué une stratégie intéressante pour elles face aux revendications des citoyens et aux mauvais commentaires de la presse, mais celle-ci a été rendue plus facilement envisageable grâce aux augmentations annuelles du SPNE et d’autres transferts par le gouvernement fédéral.

25La diversité des réponses engendrées par la PNE selon les gouvernements provinciaux rend difficile un traitement pertinent de chaque contexte [8]. Aussi, avons-nous choisi de présenter les politiques du Québec et de l’Ontario parce que ces deux Provinces illustrent des stratégies opposées. Pour expliquer l’existence de stratégies et de retombées si différentes dans le cadre de la même « politique nationale » qu’est la PNE, il sera nécessaire d’aborder non seulement les différences institutionnelles entre les deux Provinces, mais aussi, les tendances et stratégies politiques privilégiées par les gouvernements provinciaux au pouvoir.
L’Ontario et le Québec sont les deux Provinces « centrales » du Canada et les plus peuplées, même si la population de l’Ontario est 60% plus nombreuse que celle du Québec. De plus, l’Ontario a un PNB deux fois plus important et un taux du chômage toujours un ou deux points plus bas que celui du Québec. Enfin, l’Ontario était considéré comme une Province « riche » et contribuait donc au système de péréquation géré par le gouvernement fédéral, alors que le Québec est plutôt un bénéficiaire de ce système. Cependant, la situation de l’Ontario s’est dégradée rapidement lors de la récession du début des années 1990 et suite aux diverses restrictions imposées par le gouvernement fédéral pendant cette même décennie.

Un modèle workfare néoconservateur : l’appropriation de la PNE en Ontario

26Au début des années 1990, le système traditionnel d’assistance sociale de l’Ontario était clairement anachronique. À l’instar de plusieurs autres Provinces canadiennes, la politique ontarienne a toujours reconnu un rôle très important aux municipalités, donnant lieu à des prestations et services différents d’une municipalité à l’autre. De leur côté, les secteurs bénévoles et privés continuaient de combler des lacunes importantes du système et ont même joué un rôle déterminant dans la planification locale des services. Par ailleurs, si l’on prend en compte les niveaux provinciaux et municipaux, il existait au moins vingt catégories de personnes ayant droit à des prestations différentes en matière d’assistance. Diverses mesures de développement de l’employabilité ont été introduites dans certaines municipalités, mais elles n’ont jamais été intégrées à une politique provinciale cohérente (Irving, 1987 ; Sabatini, 1996). Par ailleurs, de 1989 à 1995, le taux d’assistance ontarien a grimpé de 4,5% à 9,3% (Conseil national du bien-être social, 2006a), conséquence de la récession et des premières diminutions des transferts fédéraux vers certaines Provinces considérées les plus « riches », dont l’Ontario. Les réductions des transferts fédéraux les plus importantes ont d’ailleurs eu lieu après 1995.

27Durant ces années de turbulences, les Ontariens ont connu une instabilité politique inhabituelle pour cette Province, normalement conservatrice. Chaque gouvernement de cette période, les libéraux, les sociaux-démocrates et les conservateurs, a tenté de moderniser le système d’assistance en proposant des réformes fondamentales. Les libéraux avaient développé un projet de politique allant très nettement dans le sens d’une approche d’insertion sociale et professionnelle progressiste ; les néodémocrates qui les ont suivis au pouvoir, étaient sur le point de mettre en œuvre une réforme majeure poursuivant cette même approche. Mais aucune réforme n’a été officiellement adoptée avant le retour des conservateurs au pouvoir en 1995. Ce nouveau gouvernement s’est présenté comme le fer de lance d’une révolution « du sens commun ». Parmi ses premières initiatives, une réduction du budget d’assistance sociale de 20,5%, soutenue principalement par une lutte contre la fraude et des critères d’admission plus serrés (Herd, Matichell, Lightman, 2005).

28Telle était la situation en Ontario à la veille de l’adoption de la PNE. Il faut, en fait, présumer que cette orientation du gouvernement ontarien, soutenue par certains autres dirigeants provinciaux de l’époque, chefs de gouvernement plutôt de droite, a eu une influence sur le développement de la PNE dans le cadre de l’Union sociale. Par exemple, l’objectif qu’il soit « toujours plus avantageux pour les familles de travailler » est au centre de la révolution du « sens commun » ontarienne. C’est dans cet esprit que l’adoption du Social Assistance Reform Act en 1997 a amené une réduction importante des barèmes pour les prestataires d’assistance en Ontario, faisant en sorte que leurs revenus diminuent malgré l’introduction de la PFCE fédérale.

29Par ailleurs, la réforme a introduit un système de workfare dans son sens original : aucune prestation sans contrepartie pour une personne considérée apte au travail. Une telle politique n’aurait pas été compatible avec les normes de l’ancien système d’assistance publique du Canada, dans le cadre duquel le droit à l’assistance ne pouvait être associé à aucune condition, autre que le besoin même. Le programme de workfare, intitulé « Ontario Works », exigeait de suivre des cours d’alphabétisation, la participation à un programme court pouvant mener directement à un emploi, ou vingt heures par semaine de travail dans une association locale à toute personne assistée, en contrepartie de la prestation d’aide. Dans la quasi-absence de mesures de développement du capital humain au-delà de l’alphabétisation, on reconnaît ce système de workfare comme un programme de « réduction de la dépendance », son objectif principal étant de trouver pour chaque personne le chemin le plus rapide pour sortir de l’assistance.
Cette politique a été en grande partie confortée, sinon financée par la PNE. L’Ontario a ainsi récupéré la totalité du SPNE de ses prestataires d’assistance. Les « réinvestissements » de ces fonds effectués par le gouvernement ontarien prenaient trois directions, en ordre d’importance :

30

  • un supplément de revenu pour « frais de garde » destiné aux parents qui travaillent et qui ont des enfants d’âge préscolaire [9] ;
  • des versements aux municipalités ;
  • le renforcement de certains programmes visant des enfants à risque.
Le supplément de revenu pour frais de garde consiste en une majoration du PFCE pour les parents en emploi, sans obligation de démontrer le paiement de frais de garde. Il visait étroitement les travailleurs très pauvres, les personnes assistées n’étant pas éligibles. Il était donc conçu comme une mesure d’incitation à l’emploi. Le montant maximal de 100 dollars par mois était cependant très loin de pouvoir payer des frais de garde puisque les garderies sont pour la plupart privées, à but non lucratif ou familiales en Ontario [10].

31Les versements aux municipalités indiquent l’intention du gouvernement de poursuivre le modèle traditionnel du système d’assistance ontarienne, tout en reconnaissant la charge que les réductions des années 1990 leur ont imposée. En effet, lorsque le gouvernement fédéral a commencé à transférer les coûts de l’assistance vers les Provinces, le gouvernement ontarien les a, à son tour, transférés aux municipalités. La PNE a permis au gouvernement provincial de les rembourser en partie, les seules conditions étant que les dépenses municipales s’inscrivent dans le cadre de la PNE. La diversité des services municipaux développés ou consolidés était énorme, comprenant des services de garde, des mesures d’aide à l’insertion en emploi et des services de dépistage et de prévention pour familles « à risque ». Le manque de cohérence, même à l’intérieur de la Province, était ainsi renforcé.

32Enfin, un ensemble de programmes visant des enfants « à risque » a été renforcé à l’aide de la PNE, dont des programmes de dépistage prénatal, d’information sur la nutrition mère-enfant, des mesures d’amélioration des compétences parentales, l’alphabétisation précoce, et une mesure obligatoire visant les très jeunes mères assistées, nommée LEAP (apprendre, gagner, éduquer). Par ces mesures, on comprend que le gouvernement ontarien a pris une orientation « disciplinaire » envers les personnes vivant dans la pauvreté, tout en visant à éviter que leurs enfants reproduisent les histoires de vie des parents.

33Quelles sont les retombées de l’appropriation ontarienne de la PNE? Durant les premières années de ces réformes, il y a eu une baisse très rapide et importante du nombre de prestataires d’assistance sociale mais, depuis, le taux d’assistance a suivi de très près la baisse du taux du chômage, comme d’habitude. Ceci indique une association plus forte entre le taux d’assistance et l’état de l’économie qu’entre le taux d’assistance et les politiques provinciales adoptées (Klassen, Buchanan, 2006). De plus, une évaluation qualitative de la mise en œuvre de cette politique montre qu’elle relevait plus de la rhétorique que de la réalité; aucun nouveau service n’a été introduit pour aider les personnes à s’insérer au marché du travail, alors que les personnes assistées étaient pénalisées lorsqu’elles ne participaient pas aux travaux communautaires prévus (Mathews, 2004). La disponibilité de mesures actives d’emploi est donc à la fois peu importante et très inégale à travers la Province.
La politique a ainsi eu des conséquences désastreuses pour les personnes assistées sociales de l’Ontario. Aujourd’hui, les familles de l’Ontario (avec celles de l’Alberta) reçoivent en moyenne les prestations d’assistance les plus basses du Canada en termes de montant aussi bien qu’en termes de proportion du revenu familial. Ces calculs tiennent compte des trois composantes de la PNE: la prestation fédérale (PFCE), son supplément pour les plus pauvres (SPNE) ainsi que les réinvestissements du gouvernement provincial. En fait, depuis 1992 – cinq ans avant l’adoption de la PNE – le revenu d’un parent seul ayant un enfant à charge en Ontario a diminué de presque 6 600 dollars et celui d’un couple avec deux enfants de plus de 8 700 dollars (Conseil national du bien-être social, 2006a). Par ailleurs, l’arrivée d’un nouveau gouvernement libéral en 2003 n’a pas sensiblement changé la donne (Income Security Advocacy Centre, 2007).
Bref, l’introduction de la PNE s’est traduite en Ontario essentiellement dans son deuxième objectif, celui de rendre le travail plus avantageux que l’assistance et a été mise en œuvre avec des moyens tels que le resserrement des règles d’admission à l’assistance, l’alourdissement des conditions afférentes, la stigmatisation des personnes assistées en tant que « fraudeurs » et la réduction des prestations (Herd, Mitchell, Lightman, 2005). Dans ce cadre et plus largement, des responsabilités ont été dévolues aux municipalités et le reste des fonds récupérés du SPNE a renforcé des programmes visant des enfants « à risque », servant ainsi de « pansement » à la pauvreté infantile.

Une politique de conciliation famille-travail : l’appropriation de la PNE au Québec

34Contrairement à la situation ontarienne, la politique sociale au Québec est depuis les années 1970 centralisée et étroitement coordonnée par l’État provincial. Par ailleurs, depuis le milieu des années 1980, elle s’est dotée d’une politique d’activation des personnes assistées considérées aptes au travail. Si le Québec était parmi les premières Provinces ayant expérimenté de tels programmes à cette époque, elle est la seule à avoir adopté une loi cohérente dans ce sens, contraignante et stigmatisante pour la majorité des prestataires (McAll, White, 1996 ; Graefe, 2006). Remarquons que cette politique d’activation a été conceptualisée par le Parti québécois mais mise en forme et adoptée par le Parti libéral du Québec en 1989, avec une tendance workfare. Par contraste avec d’autres Provinces, le Québec ne s’est jamais contenté de suivre la direction du gouvernement fédéral en matière de politique sociale et a souvent été en avance par rapport à ce dernier, quel que soit le gouvernement au pouvoir.

35Même si la PNE est un « produit » de l’Union sociale, dont le Québec n’est pas signataire, la population québécoise bénéficie de la PFCE et du SPNE fédéraux et, tout comme les autres Provinces, le gouvernement du Québec participe à la récupération des fonds provinciaux que ces prestations fédérales dégagent. Par contre, le Québec n’a pas l’obligation de rendre compte de ses réinvestissements comme le font les autres Provinces dans le cadre de l’entente qu’elles ont signée. Tout se passe comme si les fonds du PNE étaient incorporés aux revenus généraux de la Province de Québec. Il est donc plus difficile d’identifier les programmes qui constituent des « réinvestissements » liés au PNE puisqu’ils ne sont pas annoncés comme tels.

36Cela dit, le Québec a lancé des réformes importantes à la fin des années 1990 que nous pouvons associer à la PNE : l’instauration d’une politique familiale en 1998, comprenant un nouveau crédit pour l’enfant, et la restructuration importante de l’assistance sociale en 1998. Cette dernière réforme a cependant été appuyée par le gouvernement fédéral dans le contexte d’une autre entente bilatérale : l’Entente Canada-Québec relative au marché du travail (Haddow, 1998 ; Klassen, 2001) [11]. Il est ainsi plutôt clair qu’au Québec, la PNE a été mise à contribution avant tout pour investir dans une politique familiale plutôt que dans une réforme d’assistance sociale, même si les deux sont étroitement coordonnées. Les objectifs de la politique familiale sont les suivants :

37

  • augmenter le revenu des familles les plus pauvres ;
  • faciliter la conciliation travail-famille ;
  • favoriser le développement de l’enfant et l’égalité des chances.
On reconnaît immédiatement les ressemblances entre les objectifs de la PNE et ceux de la Politique familiale québécoise. Par contre, si la Politique familiale a été adoptée en 1997, ses composantes ont été annoncées dès 1996, année des restrictions fédérales les plus importantes et bien avant qu’il y soit fait mention de la PNE. Cette politique familiale n’a donc pas été adoptée à l’instigation de la PNE, pas plus que la politique de lutte contre l’assistance de l’Ontario ne le fût. Tout comme dans le cas de l’Ontario, la PNE a plutôt contribué à la mise en œuvre d’une politique déjà envisagée sinon adoptée par le gouvernement provincial. Cela est une composante de la logique même de la PNE.

38Un élément de la politique familiale québécoise – le nouveau crédit fiscal – a été établi explicitement en fonction de la PNE et intégré à la structure de la PFCE. Tout comme celle-ci, il vise les familles à faible revenu, incluant les personnes assistées. En ce sens, il se distingue du nouveau crédit ontarien qui ne vise que les travailleurs et il est aussi plus généreux. Par contre, comme il remplace des prestations déjà existantes, une analyste conclue que « la plupart des familles regagnent dans une réforme ce qu’elles perdent dans une autre et l’effet net est relativement mineur pour la vaste majorité des familles » (Rose, 1997). Cette politique familiale a également introduit un nouveau congé parental non payé mais a dû attendre plusieurs années avant de pouvoir mettre en œuvre le congé parental payé qu’elle avait comme objectif [12].

39Mais la clef de voûte de la Politique familiale est le programme universel de garde pour enfants. Celui-ci est ambitieux et inédit en Amérique du Nord. Dès 1998, le gouvernement québécois lance le développement d’un réseau de centres de la petite enfance (CPE), d’accès universel (en principe) et à un coût insignifiant pour la majorité des parents, réduit encore pour les familles à faible revenu et gratuit pour les personnes assistées (Tougas, 2002). Cette politique comprend en plus des services de garde éducatifs (aide aux devoirs) pour les enfants d’âge scolaire après les heures de cours, services que toute école primaire doit fournir. Sans aucun doute, les économies que le Québec a faites en récupérant le SPNE des familles assistées ont favorisé le développement du réseau des CPE ce qui n’aurait pas été possible autrement, du moins, sans creuser encore plus le déficit provincial.
Il n’est pas surprenant que la Politique familiale soit étroitement liée à la réforme de l’assistance sociale adoptée presque simultanément au Québec. Par l’Entente Canada-Québec relative au marché du travail, la responsabilité des mesures actives d’emploi pour les prestataires d’assurance emploi (programme fédéral pour les chômeurs de courte durée) est confiée au Québec et des ressources importantes y sont associées. Le Québec crée alors un « guichet unique » pour les services d’emploi de l’ensemble de la population, quel que soit le statut de la personne : assisté social, chômeur à courte durée ou travailleur, personnes actives ou inactives (Saint-Martin, 2001). La réforme de la politique d’assistance qui accompagne cette restructuration profite des années d’expérience et d’évaluation systémique des retombées du système de workfare en place depuis dix ans au Québec. Elle a aboli certaines des sanctions et a introduit un système de suivi personnalisé de parcours individuel, basé sur un continuum de services moins rigide qu’auparavant, répondant aux besoins de façon plus précise et efficace pour l’insertion en emploi (Morel, 2002). La politique familiale axée sur la conciliation travail-famille s’avère ainsi un outil précieux dans le cadre de la politique intégrée d’emploi, en brisant une barrière importante à l’intégration des femmes au marché du travail.
Si l’on fait le bilan de l’appropriation québécoise de la PNE, il faut convenir que celle de l’Ontario a été plus efficace pour réduire la dépendance, c’est-à-dire, le nombre de personnes ayant recours à l’assistance sociale. En effet, dans les deux Provinces, les effectifs ont beaucoup diminué grâce à l’amélioration de l’économie à la fin des années 1990 et par la suite, mais en Ontario, cette réduction est au-dessus de la moyenne canadienne (Conseil national de bien-être, 2006b). Par contre, le taux d’activité, et surtout celui des femmes, a connu une augmentation plus importante au Québec qu’en Ontario [13]. De plus, en 2004, la pauvreté des enfants au Québec s’est réduite à 10,9% contre 12,8% en Ontario (cf. tableau 2) [14]. Nous pouvons conclure alors que les politiques familiales, étroitement intégrées aux politiques d’assistance, font mieux que les réinvestissements divers faits par l’Ontario pour lutter contre la pauvreté infantile.

Tableau 2

Taux de pauvreté des enfants au Canada, 2000-2004 (en%)

Tableau 2
2000 2001 2002 2003 2004 Canada 13,8 12,1 12,2 12,5 12,8 Québec 16,0 14,5 11,3 10,9 10,9 Ontario 12,8 10,3 11,7 11,4 12,8 Source : Préparé par le Conseil canadien sur le développement social, à partir des données de Statistiques Canada, CAT. 75-202-XIF.

Taux de pauvreté des enfants au Canada, 2000-2004 (en%)

40Cependant, il faut remarquer que ces politiques québécoises partagent certaines des valeurs clairement énoncées dans les objectifs de la PNE et dans les réformes adoptées en Ontario (Morel, 2002). Cette orientation est évidente dans la déclaration du gouvernement du Québec affirmant maintes fois que « l’emploi s’avère la clé principale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion » (par ex. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2006). Dans ce contexte, et après examen des divers programmes mis en œuvre en Ontario et au Québec en lien avec la PNE, est-il toujours utile de distinguer cette politique familiale d’une politique d’activation? Quoi qu’il en soit, il paraît utile de la distinguer des politiques de lutte contre la dépendance à l’assistance, telles celles d’Ontario adoptées dans ce même cadre.

Une politique nationale ou des politiques provinciales?

41La PFCE, élément strictement fédéral de la PNE, s’avère une politique efficace mais limitée pour lutter contre la pauvreté des enfants. Efficace dans la mesure où elle contribue légèrement mais directement à réduire l’incidence de la pauvreté infantile au Canada et à augmenter le revenu de ceux qui continuent à vivre dans la pauvreté (National Child Benefit, 2005). Par ailleurs, elle contribue à faire tomber les obstacles qui empêchent de nombreux parents de quitter l’assistance pour l’emploi. Mais même si la valeur de la prestation a progressivement augmenté entre 1998 et 2007, et même si le taux de la pauvreté des enfants a diminué depuis son introduction, de 21% à 12% à travers le pays, ce taux demeure élevé malgré l’amélioration nette de l’économie canadienne depuis la fin des années 1990, montrant ainsi les limites de l’efficacité du dispositif (Campagne 2000, 2008).

42Outre la PFCE, les éléments de la PNE se transforment, selon la Province, en politique familiale, politique d’assistance, politique d’activation, politique visant les enfants à risque ou en une combinaison de celles-ci. Comme l’ensemble de ces politiques relève des compétences provinciales, elles sont toutes affectées par la PNE, mais de façon inégale, incohérente et même divergente d’une Province à l’autre. Ceci résulte en partie des divers points de départ sur le plan institutionnel, mais aussi des orientations politiques différentes selon les tendances provinciales et les préférences gouvernementales des partis au pouvoir. Tentons de mettre un peu d’ordre dans nos observations jusqu’à maintenant.

43Les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada ont des compétences et ainsi des préoccupations différentes : si les Provinces ont des responsabilités lourdes et coûteuses sur le plan des services de santé et des services sociaux offerts aux citoyens, Ottawa est avant tout intéressé par l’économie continentale et mondiale et la compétitivité du pays selon des indicateurs tels que l’importance de la dette et du déficit. Mais, Ottawa est aussi responsable de la cohésion d’un pays constitué de régions distinctes, décentralisé sur le plan politique. Historiquement, c’est par son leadership et sa visibilité comme garant des droits sociaux de l’État providence qu’il a pu assurer une identité collective canadienne (White, 2003). La conjoncture de la restructuration politico-économique des années 1980 et 1990 a exacerbé les tensions inhérentes à cette dynamique institutionnelle. Dans ce contexte, les priorités différentes des deux échelons de gouvernement ont mené à un coup de force de la part d’Ottawa : il a obtenu un excédent de recettes fiscales au détriment des Provinces et des droits sociaux des citoyens et citoyennes. En réduisant ou supprimant le financement des programmes à coûts partagés ou soumis à péréquation, Ottawa a laissé aux Provinces des moyens sensiblement réduits pour faire face à des responsabilités croissantes en matière sociale, exacerbées par des coupes dans le programme fédéral d’assurance chômage.

44Par ailleurs, le pouvoir demeure entre les mains du gouvernement fédéral puisque, dans le système canadien, c’est lui qui verse des transferts et points d’impôt vers les Provinces et non l’inverse. Les Provinces, pour leur part, n’ont pas de tel levier pour forcer la main du gouvernement fédéral. Le poids que représente le pouvoir du niveau fédéral de dépenser ou non, fait alors de lui le plus puissant des partenaires au sein de l’entente sur l’Union sociale. L’intérêt du gouvernement fédéral dans ce type de manœuvre allant à l’encontre des intérêts des Provinces, n’est pas uniquement économique mais aussi politique. Le transfert des dépenses vers les Provinces rend ces dernières les responsables les plus visibles des ajustements et coupures des programmes sociaux qu’elles doivent alors imposer aux citoyens ; pendant qu’avec la PNE, le gouvernement fédéral verse une nouvelle prestation mensuelle à la majorité des familles. C’est donc de la part du gouvernement fédéral, une stratégie d’évitement des responsabilités politiques et d’amélioration de son image d’État providence qui est mise en œuvre dans le cas de la PNE, doublée d’une stratégie d’assainissement des comptes nationaux face aux observateurs internationaux et transnationaux.

45Le déséquilibre fiscal entre l’État fédéral et les Provinces a toujours permis au gouvernement central de jouer le rôle d’instigateur d’innovations dans les politiques sociales provinciales. Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a que le gouvernement fédéral qui a des idées progressistes : l’assurance-maladie a été lancée dans la Province de Saskatchewan au début des années 1960, tout comme les mesures actives d’emploi pour les assistés sociaux ont été adoptées dans les années 1980 au Québec, bien avant que ceci devienne une préoccupation fédérale. Par contre, la diffusion de telles idées à travers le pays a toujours été faite grâce au leadership fédéral, la majorité des Provinces ne pouvant les adopter de manière autonome faute de moyens. Par le passé, le rôle du fédéral a normalement été d’assurer un certain équilibre entre les capacités fiscales des Provinces pour développer et mettre en œuvre des politiques sociales à peu près équivalentes pour l’ensemble des citoyens canadiens. Mais, depuis l’abandon en 1996 de la majorité des normes nationales pour certaines politiques telles que l’assistance sociale [15], les différences entre Provinces s’accroissent.

46Cette diversité dépend cependant d’un parcours déjà bien institutionnalisé au sein de chaque Province. Avant l’adoption de la PNE, aucune Province à part le Québec n’avait mis en place des politiques cohérentes de la famille ou d’activation pour les prestataires d’assistance. Comment expliquer l’« anomalie » que constitue le Québec dans ce cas? Depuis les années 1960, la Province de Québec et le gouvernement fédéral sont entrés dans un rapport politique différent de celui que les autres Provinces entretenaient avec le gouvernement central, souvent qualifié de rapport de compétition en termes de développement de l’État (Banting, 1995 ; Pierson, 1996). Au lieu de regarder vers le fédéral pour prendre le leadership dans le domaine, entre autres, des politiques sociales, le Québec a vu l’importance d’intégrer les politiques sociales à sa propre stratégie de développement étatique. Ainsi, le Québec a entrepris ses propres réformes des systèmes en place très tôt, dès la récession du début des années 1980. Aussi, alors que les institutions traditionnelles des autres Provinces, dont l’Ontario, étaient pour la plupart décentralisées et peu cohérentes, le gouvernement québécois avait, quant à lui et à travers les années, construit des systèmes intégrés avec un mode de gestion centralisé. Enfin, jusqu’à tout récemment, il n’aurait pas été erroné de dire que les gouvernements des Provinces autres que le Québec n’ont pas eu d’ambitions « étatiques » et ne se sont pas dotés des moyens suffisants pour agir de façon autonome sur le front des politiques sociales. Il est donc clair que les points de départ du Québec et de l’Ontario à la fin des années 1990 n’étaient pas les mêmes.

47Mais ceci n’explique qu’en partie les divergences importantes que nous avons observées dans l’appropriation de la PNE au Québec et en Ontario. L’Ontario a profité des changements dans les règles du jeu et de la nouvelle marge de manœuvre fiscale introduits par la PNE pour monter une vraie lutte contre l’assistanat. Le Québec, pour sa part, a plutôt « réinvesti » dans sa Politique familiale, visant à réduire ainsi les barrières à l’emploi. Voilà deux modèles très différents d’activation qui coexistent au sein du même pays, les deux favorisés par la même PNE mais représentant des orientations politiques différentes. Effectivement, si les conservateurs en Ontario et le Parti québécois au pouvoir dans leurs Provinces respectives à l’époque, se fondaient tous les deux sur des valeurs pro-marché, les premiers étaient d’une orientation carrément néolibérale sinon néoconservatrice, tandis que le deuxième penchait plutôt vers la social-démocratie.

48C’est ainsi que nous pouvons observer en Ontario, tout comme en Alberta et en Colombie-Britannique, ayant à l’époque des gouvernements de droite, le développement de politiques d’assistance très proches du workfare américain: un lien important entre sanctions et incitatifs financiers, aucune aide sans contrepartie comme le travail communautaire ou la participation à un programme, des règles d’accès contraignantes qui finissent par diminuer les effectifs ayant recours à l’aide sociale, peu d’investissements dans le développement du capital humain, des programmes qui visent le placement en emploi à tout prix. À l’instar des États-Unis, la Colombie-Britannique a même établi une limitation de la durée de versement de la prestation de l’assistance sociale.
Par contraste, le Québec a réformé sa politique d’activation pour se doter d’une politique plutôt d’insertion, apparentée à ce qu’on retrouve en Europe : un minimum de sanctions ; le renforcement des incitatifs financiers pour passer de l’assistance à l’emploi tels des mesures de stabilisation du revenu pendant la transition ; des services permettant de surmonter des barrières importantes à l’emploi ; des programmes de développement des compétences au-delà de l’alphabétisation. Remarquons cependant que le Québec avait aussi réduit les prestations d’assistance au cours des années 1990, sinon de façon aussi draconienne que l’Ontario. Aussi, Morel (2002) soutien l’hypothèse disant que le modèle québécois constitue toujours un modèle de workfare malgré ses tendances vers le modèle d’insertion européen. Effectivement, il aurait été improbable que la Politique familiale ait été adoptée telle quelle si le Parti libéral du Québec avait été au pouvoir à la fin des années 1990.
Cela dit, les tendances depuis lors en matière de lutte contre la pauvreté, même sous l’égide du Parti libéral du Québec, laissent croire que les réorientations ponctuelles selon le gouvernement au pouvoir, ne sont pas en mesure de remettre en cause la tendance plus à long terme du Québec à résister – malgré les tensions – au néolibéralisme et au néoconservatisme durs [16]. Dans cette même optique, si en Ontario, les gouvernements libéraux et néodémocrates de relativement courte durée qui étaient au pouvoir au début des années 1990 ont adhéré au projet de politique d’assistance et d’activation la plus progressiste du Canada (Graefe, 2006), celle-ci n’a jamais vu le jour avant le retour très fort de la tendance conservatrice dans cette Province.
Suite à cette analyse, pouvons-nous conclure qu’on ne peut pas parler d’une politique nationale dans le cadre de l’État fédératif canadien, même dans le cas d’une politique telle que la Prestation nationale pour enfants? Dans le contexte des anciennes politiques de coûts partagés avec des standards nationaux, aussi réduits soient-ils, le rôle de l’échelon fédéral était plus évident, et apprécié comme garant de la cohésion sociale et de l’identité canadienne, surtout par contraste avec les États-Unis. De plus, Ottawa avait le pouvoir d’imposer sa direction dans le domaine des politiques sociales tel qu’indiqué, par exemple par le renforcement de la loi canadienne sur la santé dans les années 1980 qui a empêché une privatisation partielle voulue par certains gouvernements provinciaux (Boismenu, Graefe, Jenson, 2003). Depuis la transformation des règles du jeu du partage des coûts entre les deux niveaux gouvernementaux dès 1996, non seulement c’est la part de la charge financière du gouvernement fédéral qui a été réduite mais c’est aussi son pouvoir de direction qui a diminué. La SPNE a pris la place d’une partie des transferts vers des programmes sociaux provinciaux, mais la nouvelle gestion des rapports fédéral-provincial laisse la porte grande ouverte aux initiatives provinciales et ainsi, à la divergence des stratégies adoptées à travers le pays. Est-ce que ceci veut dire que l’orientation des politiques sociales canadiennes est dorénavant hors des mains d’Ottawa?

Conclusion : peut-on parler d’une politique nationale?

49Malgré les différences fondamentales entre la politique de réduction de l’assistance de l’Ontario d’une part et, d’autre part, la politique de conciliation famille-travail du Québec, celles-ci constituent des adaptations de la PNE par les Provinces et les deux représentent des stratégies d’activation des populations auparavant inactives sur le marché du travail. Il y a donc une orientation commune qui prédomine et qui est favorisée par les stratégies institutionnelles astucieuses du gouvernement fédéral vis-à-vis des Provinces. À travers la PNE, celui-ci a pu se montrer un chef de file dans la lutte contre la pauvreté infantile et dans la contribution publique au bienêtre de l’ensemble des familles canadiennes. Les deux autres objectifs de la PNE, assurer que le travail soit toujours plus payant que l’assistance et harmoniser les prestations fédérales et provinciales, n’ont pas été publiquement affirmés tels quels. Ils constituent cependant le cœur de la PNE, puisque ce sont ces objectifs qui annoncent l’orientation commune qui sera adoptée par l’ensemble des Provinces afin de réduire la pauvreté des enfants c’est-à-dire des politiques d’emploi et des crédits fiscaux.

50Est-ce le gouvernement fédéral qui a imposé ces orientations communes ou est-ce que celui-ci a tout simplement facilité la négociation? Rappelons que ces objectifs constituent le cœur de l’entente à laquelle sont arrivés l’ensemble des gouvernements provinciaux, sauf Québec, dans le cadre de l’Union sociale. (Et même le Québec reconnaît que l’emploi est la voie à privilégier dans la lutte contre la pauvreté.) Il s’agit moins donc d’un contrôle du gouvernement fédéral sur les Provinces qu’une négociation mutuelle, plus ou moins persuasive, parmi l’ensemble des gouvernements canadiens sous l’égide du gouvernement fédéral. Que ce soit par des politiques de réduction de la dépendance comme en Ontario ou par des politiques de conciliation famille-travail comme au Québec, elles s’insèrent toutes dans la large perspective d’activation qui constitue d’ailleurs la stratégie favorisée par l’OCDE et l’Europe pour l’adaptation nationale à la restructuration du marché du travail dans le contexte de la désindustrialisation et de la mondialisation (Boychuck, 2000).

51Les stratégies déployées par Ottawa dans ses rapports avec les Provinces se sont ainsi sensiblement modifiées dans le cadre des nouveaux projets sociaux. Jusqu’à lors, Ottawa avait proposé des politiques nationales et ajusté ses contributions financières aux politiques éventuellement mises en œuvre selon le niveau des investissements provinciaux. Aujourd’hui, les positions sont renversées. Ottawa ne s’ajuste plus. Il s’est approprié certaines dépenses autrefois provinciales, laissant ainsi aux gouvernements provinciaux une marge de manœuvre pour poursuivre leurs propres politiques, avec un minimum d’orientation de la part du gouvernement fédéral. Les seules règles de jeu sont incorporées aux objectifs même de la PNE qui la lie à une politique d’emploi. Le marché prime ainsi sur l’État providence comme acteur principal dans cette lutte canadienne contre la pauvreté des enfants.
Ainsi, si les nouvelles politiques canadiennes sont partout soumises à la politique d’emploi, elles ne sont pas partout pareilles. La concertation État fédéral-Provinces favorise le grand virage des objectifs nationaux en matière de politiques sociales mais au prix du renforcement de la décentralisation des moyens. Rappelons que ce sont les prestations fédérales pour enfants qui constituent l’élément de la PNE ayant le plus grand impact sur la pauvreté des enfants au Canada. Elles n’ont cependant pas les mêmes effets partout. Ainsi, la PNE a installé un régime de citoyenneté sociale où, d’une Province à l’autre, les citoyens et citoyennes font face à des responsabilités et des droits sociaux inégaux.

Notes

  • [1]
    Professeur titulaire et chercheur au département de sociologie à l’Université de Montréal (Canada).
  • [2]
    Voir également la contribution de G. Boismenu dans le présent numéro « Fédéralisme et politiques sociales au Canada ».
  • [3]
    Nous verrons plus loin que certaines Provinces, dont l’Ontario, ont, en retour, imposé des restrictions budgétaires draconiennes leur permettant d’atteindre, à l’aide de la PNE, un excédent mais celui-ci n’a été qu’éphémère tandis que celui du gouvernement fédéral est relativement stable jusqu’aujourd’hui (cf. graphique 1).
  • [4]
    Le Québec participe à l’Union sociale en tant qu’« observateur » seulement, ayant décliné l’offre de signer l’accord à cause de l’intervention qu’elle implique dans un domaine de compétence provinciale.
  • [5]
    Ce type de comptabilité a été abrogé dès 2006 par le gouvernement conservateur, lui permettant en principe de sonner l’alarme, si nécessaire, par rapport au niveau des dépenses sociales tout en réduisant les impôts.
  • [6]
    En 2006, les prestations d’assistance sociale ont varié entre 17 000 dollars et 21 000 dollars par année selon la Province, pour une famille de quatre personnes. Pour la même famille, le seuil de faible revenu était de 34 000 dollars (Conseil national du bien-être social, 2006). Le SPNE pour deux enfants ne monte qu’à environ 3 700 dollars par année, ce qui ne comble pas la différence.
  • [7]
    Remarquons que le Québec a participé à tous les programmes développés dans le cadre de l’Union sociale, sans être signataire de cette entente, par le biais traditionnel d’ententes bilatérales avec le gouvernement fédéral.
  • [8]
    En plus des dix Provinces, les trois territoires nordiques du Canada participent aussi au PNE et il existe un dispositif fédéral visant la mise en œuvre de la PNE par environ 600 premières nations autochtones. Les compétences de ces unités et leurs rapports au gouvernement fédéral sont exceptionnels et n’ont pas été examinés dans le cadre de cet article.
  • [9]
    Ontario childcare supplement for working families.
  • [10]
    En 2006, le nouveau gouvernement conservateur fédéral a diffusé ce même crédit à travers le pays, ayant annulé les ententes bilatérales avec les Provinces pour le développement des garderies éducatives, signées par le gouvernement antérieur dans le cadre de l’Union sociale.
  • [11]
    Si l’occasion de signer une telle entente s’est présentée à l’ensemble des Provinces au même moment, le gouvernement de l’Ontario a choisi de ne pas exploiter cette offre. En fait, l’entente bilatérale équivalente n’a été signée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de l’Ontario qu’en 2006, suite à l’arrivée des libéraux au pouvoir dans cette Province.
  • [12]
    Cette politique a proposé un congé parental payé, intégré (comme le congé maternité payé) à l’assurance emploi, une politique fédérale. Il a fallu donc le négocier avec le gouvernement fédéral qui enfin a accepté et diffusé la politique à travers le pays en 2001.
  • [13]
    Entre 1995 et 2005, le taux de participation des femmes ayant de jeunes enfants a augmenté de 66,9% en 1999 à 76% en 2005, bien au-delà de la moyenne canadienne. En Ontario, l’augmentation n’était que de 68% à 71,9% (Statistiques Canada, 2006). L’augmentation du taux d’activité comprend l’entrée au marché du travail des personnes inactives qui ne touchent pas l’assistance sociale, par exemple, des femmes au foyer. On l’attribue en grande partie à l’accès à la garde des enfants et à la PFCE et au SPNE pour les personnes à bas salaire.
  • [14]
    Cet écart continue de grandir puisque le taux de pauvreté infantile est descendu à 9,6% au Québec en 2007, mais est resté à 12,6% en Ontario (Campagne 2000, 2008).
  • [15]
    Les normes nationales ne portaient pas sur la valeur des prestations, qui ont toujours beaucoup varié d’une Province à l’autre (tout comme le coût de la vie), mais plutôt sur l’accès à l’assistance.
  • [16]
    Sous les libéraux, la Politique familiale, y compris la composante des services universels de garde des enfants, n’a subi que des modifications mineures.
Français

Résumé

Est-ce que le gouvernement canadien est en train de perdre son rôle traditionnel de constructeur, garant et représentant de l’État-providence canadien? Cet article trace l’histoire de la Prestation nationale pour enfants (PNE), la politique sociale la plus importante adoptée à l’échelle nationale depuis les années 1970, afin d’illustrer le processus par lequel la citoyenneté sociale canadienne perd son sens devant la diversité des appropriations provinciales de cette politique. À travers une analyse comparative de la mise en œuvre de la PNE en Ontario et au Québec et de leurs résultats, il montre que cette politique peut porter des visages différents : une politique de lutte contre l’assistance en Ontario ; une politique de conciliation famille-travail au Québec. Cette diversité s’explique par des variables institutionnelles, liées au fédéralisme canadien, mais aussi par des variables de stratégie politique. L’analyse montre aussi que le gouvernement fédéral continue à orchestrer les grands virages des politiques sociales à travers le pays. Malgré les différences entre les Provinces vis-à-vis de la PNE, cette dernière a pu favoriser une convergence des programmes provinciaux vers l’intégration de la politique sociale à la politique d’emploi. Par contre, il ne s’agit pas de la même politique d’emploi d’une Province à l’autre, avec des conséquences importantes pour la citoyenneté sociale canadienne.

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Deena White [1]
Professeur titulaire et chercheur au département de sociologie à l’Université de Montréal (Canada) et spécialiste des politiques sociales dans une perspective comparative. Ses recherches les plus récentes portent sur la gouvernance intersectorielle et sur l’intégration des associations de la société civile à la mise en œuvre des politiques sociales.
  • [1]
    Professeur titulaire et chercheur au département de sociologie à l’Université de Montréal (Canada).
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.084.0165
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