1 Les normes de la vie conjugale et les pratiques familiales ont fortement évolué depuis une trentaine d’années, en liaison avec l’extension de la contraception, l’essor de l’activité professionnelle féminine, et l’accroissement des divorces et séparations. D’abord affirmée en droit, l’égalité entre les sexes progresse dans la sphère professionnelle et dans la vie quotidienne, soutenue par la législation européenne et les politiques sociales et familiales actuellement mises en œuvre dans la plupart des pays développés. Néanmoins, la transformation des rôles masculins et féminins traditionnels suppose un long processus d’évolution des mentalités et la répartition des tâches et des responsabilités au sein des couples se réorganise lentement. Concernant les soins aux enfants et les tâches éducatives, on s’attendrait à une égalisation plus rapide des contributions des pères et des mères. En effet, longtemps considérée comme la principale prérogative des mères, l’éducation des enfants est désormais reconnue comme relevant de la responsabilité des deux parents ; le « volontarisme des pères », leur revendication pour tenir leur place auprès de l’enfant sont les prémisses d’un nouveau partage des rôles parentaux dans les jeunes générations adultes (Castelain-Meunier, 2002). De plus, la plasticité des configurations familiales liée à la montée des divorces et séparations implique de fait une responsabilité polyvalente des parents en cas de garde partagée, mais aussi lors des visites chez le parent non gardien, lors des vacances...
2 Cet article se propose de donner une réponse complémentaire à la question du « qui fait quoi pour l’éducation des enfants ? » grâce à l’analyse de la partie Éducation et famille de l’Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages de 2003 et à la comparaison de ses résultats avec ceux de l’enquête Efforts éducatifs des familles de 1992 (cf. encadré). En effet, nombre de travaux récents qui ont apporté des éclairages en terme de temps consacré aux enfants par leurs père et mère, n’abordaient pas certains aspects des rôles parentaux qui ne se traduisent pas directement par une imputation précise de durée… Nous examinerons donc la participation de chacun des parents à des éléments constitutifs du cadre éducatif, d’abord ceux qui restent très marqués par le partage traditionnel des rôles sexués dans toutes les catégories sociales : la présence auprès des enfants en dehors du temps scolaire, puis ceux qui dépendent davantage de la composition de la famille et de l’âge des enfants : les règles de vie quotidienne, enfin ceux qui sont le plus soumis à l’influence du cadre socio-économique : l’éveil intellectuel et les activités extrascolaires.
Encadré méthodologique
• Dans sa partie Éducation et famile, l’Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages de 2003 a interrogé 4 114 pères ou mères, dont 3 450 vivant en couple, sur leurs pratiques éducatives concernant un enfant tiré au sort parmi les leurs et ceux de leur partenaire âgés de 3 à 25 ans. Parmi ces pratiques, on étudiera ici l’éveil intellectuel des plus jeunes, la présence avec l’enfant hors des temps scolaires, les règles de vie quotidienne et les activités non scolaires. Les interventions des parents sur la scolarité de leurs enfants ne seront pas abordées ici parce que, d’une part, les décisions en matière d’orientation sont très liées aux parcours scolaires qui ne font pas l’objet de cet article, d’autre part, l’aide aux devoirs a déjà fait l’objet d’une publication (Gouyon, 2004).
• L’enquête Efforts éducatifs des familles de 1992 détaillait, plus que celle de 2003, les parcours scolaires, les aides des parents et leurs stratégies d’orientation, mais n’abordait pas tous les aspects de la vie familiale des enfants, en particulier l’entourage hors des temps scolaires. Dans nos comparaisons entre 1992 et 2003, nous avons pu retenir les réponses de 4 484 parents vivant en couple à propos d’un enfant âgé de 2 à 25 ans, scolarisé en 1991-1992 et vivant régulièrement avec eux, et seulement deux sujets : l’éveil à la lecture pour les plus jeunes et les activités non scolaires pour tous.
• Afin de comparer l’engagement respectif des père et mère dans les différents aspects de leur rôle éducatif, l’étude se limite à l’ensemble des enfants vivant avec un couple, celui de leurs deux parents biologiques ou celui qu’a reconstruit l’un des parents avec son nouveau conjoint ou sa nouvelle compagne. En effet, les proportions de pères et de mères à la tête d’une famille monoparentale sont tellement déséquilibrées (14 et 86 % dans l’enquête de 2003, ou 15 et 85 % lors du recensement de 1999) que la charge éducative des uns est à l’évidence très inférieure à celle des autres. On devrait aussi considérer que le rôle éducatif du conjoint de la mère ou de la conjointe du père dans une famille recomposée n’est pas forcément conçu ni réalisable de la même manière que celui du père ou de la mère dans une famille vivant autour des deux parents biologiques. Malheureusement, les deux enquêtes ne permettent pas cette distinction dont on peut cependant relativiser l’importance puisqu’au recensement de 1999, 1,1 million de jeunes de moins de 25 ans vivaient avec un parent et un beau-parent, alors que 12,5 millions vivaient avec leurs deux parents (Barre, 2003).
• Les comportements éducatifs des parents varient en fonction de l’âge civil de l’enfant, mais aussi de son âge mental et social, lui-même lié à la composition du groupe dans lequel il évolue quotidiennement. Partant de l’hypothèse que cette deuxième notion prédomine lorsque l’âge civil est proche de celui du franchissement d’une étape de socialisation, autrement dit que l’on ne traite pas de la même façon un enfant de 10 ans selon qu’il est en primaire ou déjà au collège, le niveau de scolarisation atteint sera souvent utilisé comme premier élément de différentiation des comportements éducatifsdans le présent article (tableau 1).
Quelques caractéristiques des ménages (comprenant un couple parental), interrogés dans l’enquête « Éducation et famille » de 2003, en fonction du niveau de scolarisation de l’enfant cible

Quelques caractéristiques des ménages (comprenant un couple parental), interrogés dans l’enquête « Éducation et famille » de 2003, en fonction du niveau de scolarisation de l’enfant cible
La présence auprès des enfants en dehors du temps scolaire : la part des mères reste prépondérante
3 Les études menées à partir de l’enquête Emploi du temps des ménages effectuée par l’Insee en 1999 ou de l’enquête sur le temps de travail et les conditions de vie réalisée par le Matisse [1] la même année s’accordent à constater que les temps consacrés aux enfants restent très inégalement partagés entre le père et la mère à la fin du XXe siècle (Brousse 1999, Barrère-Maurisson 2001, Algava, 2002). La contribution paternelle y est évaluée au quart ou au tiers du temps total dans les couples ayant au moins un enfant de moins de 15 ans, selon la définition retenue des activités parentales [2].
4 Certes, entre les deux enquêtes Emploi du temps de 1986 et 1999, les pères ont un peu accru leur contribution globale (qui passe de 18 à 22 %), mais c’est essentiellement l’effet d’une légère réduction du temps passé par les mères aux soins et tâches matérielles, dont les hommes n’assument encore pas le cinquième ; en revanche, ils participent pour près d’un tiers aux tâches éducatives et à l’organisation des loisirs des enfants, qui ne représentent que 30 % du temps total. Cependant, le temps parental est un peu moins inégalement partagé dans les couples biactifs, les deux tiers de ceux qui ont des enfants de moins de 18 ans ; la part des mères y est de 69 % « seulement » en 1999 (Brown, Fougeyrollas, 2004).
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Ces résultats, qui contredisent l’opinion parfois avancée d’une transformation en cours des pratiques familiales au quotidien, sont confortés par les données de l’enquête Éducation et famille de 2003 concernant l’aide aux devoirs apportée par les parents (Gouyon, 2004). La durée de cette activité peu ludique est deux fois et demie plus élevée pour les mères que pour les pères : 10,8 heures par mois, contre 4,3 heures, pour un enfant scolarisé dans l’enseignement primaire ou secondaire. De plus, lorsque leur propre niveau de formation leur rend la tâche difficile, les mères persistent plus que les pères, quitte à y passer plus de temps que leurs homologues plus diplômées.
Au-delà du temps qui leur est consacré en priorité, la présence auprès des enfants est considérée comme un facteur important de l’environnement éducatif, qui permet non seulement de leur inculquer certaines règles de vie, mais aussi de leur procurer un mode de vie plus équilibré, ménageant des moments d’intimité hors de l’école ou des institutions de garde et de loisirs.
À la sortie de l’école ou des cours
6 Plus un enfant est grand, plus il est censé pouvoir rester seul à la maison, ou même aller ailleurs sans contrôle familial. Mais les plus jeunes ne peuvent revenir chez eux dès la sortie de l’école que si les parents, plus rarement les grands-parents ou une personne rémunérée sont là. Ainsi, plus d’un enfant scolarisé en maternelle sur quatre ne rentre pas directement chez ses parents, mais prolonge la journée chez une nourrice, à la garderie, chez les grands-parents ou chez une autre personne de la famille, rarement ailleurs (tableau 2). En revanche, dans le primaire, cinq enfants sur six rentrent chez eux dès la fin de l’école : on en laisse un petit nombre seuls et il y a davantage de frères et sœurs aînés capables d’exercer une surveillance. L’accueil par la mère diminue donc en proportion, mais les élèves du primaire bénéficient autant que les enfants en cycle préscolaire de la présence maternelle après l’école (54 % contre 52 %). Parmi ceux qui ne rentrent pas directement à la maison, la moitié vont à la garderie ou à l’étude puisque la famille a deux fois moins recours à une personne rémunérée que pour les plus petits.
Lieu où l’enfant se rend à la sortie des cours ou de l’école en 2002-2003 et personnes qu’il y retrouve, en fonction de son niveau de scolarisation

Lieu où l’enfant se rend à la sortie des cours ou de l’école en 2002-2003 et personnes qu’il y retrouve, en fonction de son niveau de scolarisation
7 Les collégiens reviennent presque tous directement au domicile familial alors que les lycéens sortent ou vont un peu plus chez des amis avant de rentrer. Si, quel que soit le cycle, les trois quarts de ces élèves retrouvent à la maison au moins un de leurs parents ou un autre membre de la famille, plus d’un sur cinq est seul à ce moment-là. Pour ceux qui ne rentrent pas à la maison dès la fin des cours, le contrôle de la famille dépend largement de l’âge. En effet, la majorité des collégiens restent à l’étude ou se rendent dans un lieu bien déterminé et sans doute imposé : chez leurs grands-parents ou un autre membre de la famille, dans un club ou même chez une personne rémunérée. À l’inverse, les lycéens jouissent d’une plus grande liberté et vont fréquemment chez des amis, ou « ailleurs », réponse signifiant probablement que les parents n’exercent alors que peu de contrôle.
Le mercredi
8 Quant au mercredi, deux tiers des enfants scolarisés en maternelle ou en primaire le passent à la maison (tableau 3). C’est encore près de trois fois sur quatre la mère qui est présente : le plus souvent, elle n’exerce pas d’emploi ou travaille à temps partiel et a au moins deux enfants de moins de 11 ans [3]. Rares sont les pères qui assurent la garde du mercredi, mais deux tiers de ceux qui le font exercent une profession à temps plein.
Lieu où l’enfant passe principalement le mercredi (en %) et personnes présentes, en 2002-2003, en fonction de son niveau de scolarisation

Lieu où l’enfant passe principalement le mercredi (en %) et personnes présentes, en 2002-2003, en fonction de son niveau de scolarisation
9 Lorsque les grands-parents ou un autre membre de la famille se chargent de l’accueil du mercredi, c’est presque toujours à leur domicile et non chez l’enfant, de même que lorsque c’est une personne rémunérée, solution au demeurant rarement adoptée pour les enfants qui sont en primaire ; ces derniers vont nettement plus souvent dans un centre de loisirs ou un club que les plus petits et ils sont même parfois sous la garde de leurs frères et sœurs (3,5 %), voire seuls.
10 Le mercredi des collégiens n’est pas très différent de celui des plus jeunes : ils sont presque autant à la maison, trois fois sur quatre avec leurs parents ou l’un d’eux. Ils fréquentent un peu plus souvent un centre de loisirs ou un club, l’accueil par les amis, les grands-parents ou la famille diminuant. Finalement, le contrôle parental est assez léger pour 18 % des collégiens, ceux qui vont « dehors ou ailleurs » et ceux qui restent à la maison uniquement avec leurs frères et sœurs, avec des amis ou vraiment seuls.
11 Les lycéens passent moins souvent le mercredi à la maison, dans un club ou un centre de loisirs que les collégiens, surtout parce qu’ils sont beaucoup plus fréquemment occupés au lycée ou au travail (2 % d’entre eux ont une activité rémunérée). Lorsqu’ils sont à la maison, c’est encore deux fois sur trois avec l’un des parents au moins.
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Si les parents qui n’assurent pas eux-mêmes la présence auprès des enfants et n’ont pas recours aux centres de loisirs, garderies ou études font appel aux grands-parents ou à d’autres membres de la famille, ils sont peu nombreux à confier ce rôle de surveillance et d’accompagnement à des frères et sœurs plus âgés. En effet, dans les ménages ayant plusieurs enfants, les parents assistent plus souvent au retour de l’école que dans ceux qui en ont un seul (83 % contre 77 %). De plus, si la famille compte un ou plusieurs enfants âgés de 10 ans au maximum, 86 % des parents assurent l’accueil, mais 74 % le font encore lorsque les enfants ont tous au moins 11 ans. Enfin, la moitié des collégiens et deux tiers des lycéens qui sont le mercredi à la maison avec leurs parents – ou l’un d’eux – n’ont pas de frères et sœurs plus jeunes. Il semble donc que les parents ne s’efforcent pas seulement d’être là pour s’occuper des plus petits, mais aussi pour consacrer du temps aux plus grands qui peuvent avoir besoin d’aide pour les devoirs, de conseils ou d’accompagnement pour l’organisation de leur journée ou simplement de temps pour dialoguer. Et, quel que soit leur âge, 12 % des enfants qui passent le mercredi à la maison y sont avec leurs deux parents ; quatre fois sur cinq, ces parents travaillent pourtant à temps plein sans que leurs professions soient particulièrement favorables à cette disponibilité – il n’y a, par exemple, que 11 % d’enseignants parmi eux –. C’est probablement une opportunité des 35 heures qu’utilisent ces couples pour privilégier la vie familiale lorsque les enfants ne sont pas à l’école.
La volonté des parents de s’occuper eux-mêmes de leurs enfants hors des temps scolaires apparaît forte mais, dans la mesure où elle implique une contrainte importante d’emploi du temps, ce sont les mères qui assument la plus grande part de la présence à la maison. Même si ce choix rejaillit sur les ressources de l’ensemble du ménage, ce sont surtout les femmes qui subissent les entraves à leur carrière professionnelle : elles réduisent leurs horaires de travail, ne peuvent briguer des postes impliquant des réunions tardives, des déplacements lointains, des responsabilités le mercredi… et doivent parfois interrompre leur activité professionnelle sans l’avoir vraiment souhaité.
Règles de vie quotidienne : un équilibre des rôles éducatifs du père et de la mère ?
13 La quasi-totalité (99 %) des enfants en cycle maternel ou primaire et des collégiens vivant avec leurs parents [4] prend habituellement en semaine le repas du soir à la maison et y passe le reste de la soirée. Plus de huit sur dix parmi les plus jeunes et près de neuf sur dix parmi les plus grands dînent avec le couple des parents ; sinon, c’est la plupart du temps la mère, assez rarement le père, qui préside au repas, ce rôle étant très peu confié à un autre membre de la famille ou à une personne rémunérée. Ainsi l’absence d’un des parents lors du repas du soir est-elle probablement liée à son retour tardif au domicile et au souci d’assurer une heure de coucher raisonnable aux jeunes enfants. De fait, la proportion d’enfants qui passent la soirée avec leurs deux parents est encore plus élevée que pour le dîner, le parent retardataire étant alors rentré à la maison.
14 Même les lycéens ne prennent guère le repas du soir hors du domicile familial lorsqu’ils ne sont pas pensionnaires (4 %) ; 95 % dînent avec leurs parents, ou l’un d’eux et 1 % seuls. Rares sont les jeunes qui ressortent ensuite pour passer la soirée chez des amis ou dehors en semaine (3,1 %) ; en revanche, ceux qui ont pris leur repas chez les grands-parents, chez des amis ou plus souvent au lycée y sont restés pour la soirée.
15 En semaine, le dîner et la soirée sont donc un moment privilégié de sociabilité familiale partagée avec les enfants, quel que soit leur âge. Les deux parents s’efforcent de le préserver, et probablement l’imposent-ils à certains des plus grands qui pourraient souhaiter sortir avec des amis, puisque 91 % des collégiens et 76 % des lycéens doivent rester à la maison les soirs de semaine.
Des règles déterminées en fonction du niveau de scolarisation et du sexe de l’enfant…
16 L’enquête de 2003 comporte une dizaine de questions sur les règles de la vie quotidienne édictées par les parents aux enfants scolarisés de la maternelle au lycée et vivant habituellement dans le logement familial. Globalement, plus les enfants sont jeunes et plus nombreux sont les parents fixant des règles (tableau 4) ; l’imposition d’une certaine discipline régresse surtout pour les lycéens, encore que la plupart des parents exigent de savoir où et avec qui sortent les grands adolescents. Le contrôle des loisirs à la maison, émissions de télévision, usage des cassettes, DVD ou jeux vidéo, consiste d’abord à limiter ou tenter de réduire le temps que l’enfant y consacre, loin devant le fait d’interdire certains d’entre eux ; le fait qu’environ 30 % des parents ne précisent pas leur mode de contrôle sous-entend peut-être qu’il est plus intentionnel que réel.
Proportion de parents fixant des règles de vie quotidienne en fonction du niveau de scolarisation de l’enfant en 2002-2003 (en %)

Proportion de parents fixant des règles de vie quotidienne en fonction du niveau de scolarisation de l’enfant en 2002-2003 (en %)
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C’est surtout à partir de l’adolescence que les parents adoptent une attitude différente selon le sexe de l’enfant. Les collégiennes paraissent probablement plus raisonnables aux yeux de leurs parents que les collégiens, puisqu’elles se voient moins souvent imposer une heure de coucher (77 % contre 82 %) et le contrôle de leur utilisation de la télévision, des cassettes ou DVD (61 % contre 69 %). Concernant les jeux vidéo, les filles ont nettement moins souvent accès à un ordinateur, à une console ou à internet que les garçons à tous les âges [5], sans qu’on sache s’il s’agit d’une sorte de discrimination ou si elles le demandent moins, et on leur impose donc moins de limites. En revanche, les lycéennes sont davantage contrôlées pour leurs sorties que les lycéens : plus nombreuses à devoir rester à la maison le soir en semaine (75 % contre 62 %), elles doivent aussi plus fréquemment dire avec qui elles sortent (85 % contre 78 %).
Globalement, les parents estiment que seuls 2,5 % des enfants désobéissent très souvent et que les plus jeunes sont plus nombreux que les adolescents à n’obéir que la moitié du temps. Néanmoins, 84 % des enfants respectent « toujours » ou « généralement » les règles qu’ils ont définies. Cette acceptation massive de la discipline donne l’impression d’une relativement bonne entente entre les générations qui se confirme dans le fait que plus de 96 % des parents connaissent quelques-uns ou même la quasi-totalité des amis de leurs enfants, quel que soit leur âge. D’ailleurs, plus de 80 % de ces amis viennent à la maison ou font des activités à l’extérieur « parfois ou souvent » avec les parents.
… mais aussi de la composition de la famille,
18 Plus que les temps passés avec les enfants, les questions de discipline révèlent des attitudes parentales adaptées à la composition de la famille. Les parents vivant avec un seul enfant adolescent à la maison apparaissent un peu plus permissifs que ceux qui en ont plusieurs (tableau A en annexe). Semblant craindre un risque de solitude, ils sont moins stricts sur les horaires de coucher des collégiens et du retour en fin de soirée des lycéens ; ils contrôlent moins l’usage que font les collégiens de la télévision et des cassettes ou DVD.
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En fait, le comportement des parents dépend plus de la position de l’enfant dans la fratrie que de sa taille [6]. Si tous les frères et sœurs sont d’âge proche, les parents jugent moins souvent nécessaire d’imposer des règles. Par exemple, dans un foyer ne comprenant que des enfants jeunes, l’accès aux jeux vidéo et à internet est plus restreint et les enfants sortent moins. Pour leur part, les collégiens sont jugés plus obéissants dans les fratries groupées. Enfin, les parents rencontrent un peu plus les amis des lycéens, sans doute plus attirés par un cercle familial où plusieurs jeunes partagent les mêmes préoccupations et les mêmes loisirs.
En revanche, face à des fratries d’âges assez dispersés, les parents adaptent quelque peu les principes éducatifs à l’ensemble : les collégiens qui ont au moins un frère ou une sœur plus jeune sont plus contrôlés que la moyenne pour les activités à la maison (heure de coucher, usage de la télévision et des jeux vidéo, heure de retour après une sortie), et y amènent moins souvent leurs amis, alors que c’est l’inverse pour les enfants de maternelle ou de primaire qui ont des frères et sœurs plus âgés.
… et liées au niveau de formation et à la catégorie professionnelle des parents
20 Par ailleurs, les parents ont une conception du mode de vie souhaitable pour leurs enfants très liée à leur propre niveau de formation et à leur catégorie professionnelle. Ainsi, quel que soit l’âge des enfants, mais en particulier pour les adolescents, contrôler l’usage de la télévision, des cassettes, des jeux vidéo ou d’internet est une préoccupation moins fréquente parmi les parents peu ou pas diplômés (tableau B en annexe). Toutefois, ce fait tient en partie à la moindre disponibilité des consoles de jeux et ordinateurs dans les foyers où la mère est inactive : 44 % des enfants en sont alors privés, contre 30 % des autres. À l’opposé, les parents cadres ou en profession intermédiaire fournissent davantage ce type d’équipement aux adolescents mais en contrôlent plus l’usage.
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En revanche, les parents dotés d’un haut niveau de formation ou appartenant à une catégorie sociale élevée favorisent davantage le développement des activités de sociabilité chez leurs enfants. Les diplômés de l’enseignement supérieur et les cadres ou membres des professions intermédiaires sont deux fois moins nombreux que les autres à ne jamais rencontrer les amis de leurs enfants à la maison ou ne jamais faire d’activités avec eux. Au contraire, alors que près d’un tiers de l’ensemble des parents estiment connaître quelques amis de leurs enfants et 55 % estiment les connaître presque tous, les proportions sont inversées dans les couples qui n’ont aucun diplôme ou lorsque la mère est ouvrière ou inactive.
Les parents exerçant une profession indépendante ont une attitude plus partagée : catégorie à la formation plus hétérogène et valorisant sans doute moins la réussite scolaire, ils contrôlent peu les loisirs des adolescents à la maison, mais, sans doute grâce à une certaine confusion du lieu de travail et du lieu de vie familiale, connaissent bien les amis de leurs enfants ; lorsque les enfants sortent, ils exigent de savoir avec qui et fixent une heure de retour aussi fréquemment que les parents cadres ou en profession intermédiaire. À l’opposé, les couples où la mère est ouvrière ou inactive surveillent nettement moins les sorties ; les femmes qui ont fait peu d’études manquent davantage d’autorité ou, ayant elles-mêmes en général débuté leur vie amoureuse assez jeunes, sont plus enclines à laisser leurs enfants libres de leurs expériences.
Les responsabilités respectives des parents dans l’établissement des règles
22 L’enquête ne permet qu’une approche incertaine de la responsabilité respective des pères et des mères dans l’établissement des règles de la vie quotidienne, bien que le répondant ait été interrogé sur ses propres positions. En effet, un tiers des interviews a eu lieu en présence des deux parents et près d’un quart des réponses émane du couple, et un huitième « surtout » de l’un ou de l’autre. Si l’on prend soin de séparer les réponses concernant les lycéens de celles faites pour les plus jeunes [7], les pères ne semblent ni plus ni moins exigeants que les mères ou les couples en matière de discipline. Concernant les comportements de sociabilité, les mères disent plus fréquemment connaître « presque tous les amis » des enfants quel que soit son âge ; en revanche, les pères déclarent plus faire « quelquefois » des activités avec les amis des lycéens (69 % contre 61 % quand la mère ou le couple ont répondu). En fait, ces différences reflètent probablement plus celles du mode de vie, les mères étant plus présentes à la maison et les pères plus portés sur les pratiques sportives par exemple, que des options divergentes des parents sur ce qui est favorable à la sociabilité des enfants.
23 Ainsi, avec les questions de discipline quotidienne, retrouve-t-on un équilibre des rôles éducatifs du père et de la mère. Les décisions ont pu être prises en commun et si leur application nécessite une présence auprès des enfants, c’est le plus souvent en soirée, à un moment où la grande majorité des parents et des enfants sont ensemble à la maison. Lorsque les mères sont seules présentes, au retour de l’école ou le mercredi, elles doivent faire respecter les règles posées par le couple, mais l’enquête ne dit pas si elles ont alors plus de mal.
L’éveil intellectuel des plus jeunes et les activités non scolaires : des différences sociales marquées
24 Bien que le système scolaire prenne en charge la formation intellectuelle des enfants depuis l’année de leur troisième anniversaire, le soutien actif de la famille paraît clairement être un gage de la réussite des premiers apprentissages.
La lecture et les activités d’éveil
25 Si la grande majorité des parents considère indispensable de familiariser très tôt les enfants avec les livres [8], les mères s’efforcent presque toutes d’en développer l’usage chez les plus petits – scolarisés en maternelle –, en décrivant des images, en lisant des légendes ou en posant des questions (98 %), alors que 12 % des pères ne le font jamais ; de plus, quatre mères sur cinq le font souvent, contre une minorité de pères. Ainsi, plus de la moitié des mères lisent chaque jour des histoires à ces enfants ; 6 % le font de quatre à six fois par semaine et un tiers un peu moins souvent. En revanche, moins de trois pères sur quatre lisent des histoires et nettement moins fréquemment que les mères.
26 Mais les deux parents se retrouvent quasiment à égalité pour les activités de plus courte durée et sans doute plus faciles à réaliser en même temps qu’une autre occupation : six sur dix apprennent à l’enfant à lire ou à écrire quelques mots, et huit sur dix lui apprennent à compter.
27 Selon une logique liée au temps disponible et au niveau culturel plus faible des couples élevant une famille nombreuse, l’attitude des parents dépend du nombre d’enfants dans le ménage : les mères s’occupent moins de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dès que deux frères et sœurs sont présents, surtout si l’un d’eux est adolescent, donc censé y participer aussi (tableau C en annexe). Mais la proportion des pères qui œuvrent à l’éveil des plus jeunes se réduit encore davantage, corroborant le principe d’accroissement de la spécialisation des rôles dans les familles nombreuses : alors que les femmes se consacrent davantage aux tâches domestiques et parentales, les hommes augmentent leur temps professionnel (Degenne et al., 2002).
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Si les parents exerçant un emploi ne s’occupent pas moins de leurs enfants que ceux qui sont au chômage, la profession qu’ils occupent et leur niveau économique et culturel influencent doublement leur comportement (tableau C). En terme de disponibilité d’abord, les mères et les pères relevant d’un statut indépendant, avec des horaires de travail souvent lourds, participent moins que les autres aux activités d’éveil. En terme d’importance accordée à l’apprentissage précoce ensuite, les ouvrières et les ouvriers accompagnent moins souvent leurs jeunes enfants dans la découverte des livres. De même, l’absence de diplôme ou la faible formation du père ou de la mère défavorisent les enfants qui possèdent moins de livres, à qui les parents et l’entourage lisent moins d’histoires. Au contraire, les pères les plus diplômés lisent plus que les autres. Il faut ajouter que la fréquente homogamie de niveau culturel au sein des couples renforce le désavantage de certains enfants : lorsque les femmes sont très peu diplômées, ou n’ont jamais exercé de profession, les deux parents participent près de deux fois moins à la découverte des livres que les autres.
Cependant, entre les deux enquêtes c’est-à-dire en onze ans, les parents ont accentué leur effort éducatif vis-à-vis de leurs jeunes enfants puisqu’en 1992, 82 % des mères et 55 % des pères seulement prenaient le temps de leur lire des histoires [9]. Les seconds, partis d’un score beaucoup plus faible, n’ont comblé qu’une partie de leur retard en 2003, alors que les mères qui ne lisent toujours pas d’histoires aux plus petits éprouvent peut-être une réelle difficulté à le faire [10]. Certaines différences sociales se sont amplifiées avec l’accroissement de la pratique. Au début des années 1990, les mères n’occupant pas d’emploi et les faiblement diplômées lisaient nettement moins que les autres (tableau 5), alors que le statut professionnel des actives jouait peu. Aujourd’hui, les indépendantes sont beaucoup moins disponibles que les autres mères alors que les femmes sans emploi ne se distinguent plus de celles qui en ont un. De même, si moins d’un tiers des pères âgés de 50 ans ou plus lisaient des histoires aux jeunes enfants en 1992, c’était un effet de génération qui s’est depuis lors effacé. Les pères très peu diplômés, les indépendants et les ouvriers ont progressé mais s’impliquent toujours nettement moins que les autres, alors que les cadres ont creusé l’écart avec ceux qui lisaient et lisent toujours moins qu’eux.
Proportions de mères et de pères lisant des histoires à leurs enfants scolarisés en maternelle selon certaines caractéristiques discriminantes en 1992 et 2003 (en %)

Proportions de mères et de pères lisant des histoires à leurs enfants scolarisés en maternelle selon certaines caractéristiques discriminantes en 1992 et 2003 (en %)
Les activités culturelles, artistiques ou sportives
29 Les activités culturelles, artistiques ou sportives constituent un autre élément de l’éducation non scolaire marqué par de fortes différences sociales ; présentant souvent aux yeux des enfants un côté ludique dans la mesure où elles ne s’inscrivent pas dans un cadre obligatoire, elles participent, pour les parents, à un développement équilibré dont la qualité est assurée par un encadrement institutionnel public ou privé. De la maternelle à l’université, plus de la moitié des « enfants », ont pratiqué au moins une activité non scolaire en club, dans une association, au conservatoire ou dans un autre cadre pendant l’année scolaire 2002-2003 (tableau 6).
Taux de pratique par type d’activité non scolaire, par niveau scolaire et par sexe de l’enfant en 2002-2003 (en %)

Taux de pratique par type d’activité non scolaire, par niveau scolaire et par sexe de l’enfant en 2002-2003 (en %)
30 Si les petits garçons sont moins attirés que les petites filles par ces activités qui supposent pour la plupart de sortir des lieux les plus familiers, dès le primaire, l’écart de pratique se renverse en faveur des garçons, dont on sait qu’ils lisent moins et ont plus besoin de bouger que les filles. À partir du lycée, environ 15 % des jeunes gens et 30 % des jeunes filles abandonnent ces activités : les devoirs et les lectures prennent alors beaucoup plus d’importance, et les loisirs non encadrés comme le cinéma et les spectacles se développent avec l’âge : l’enquête Emploi du temps de 1998-1999 indiquait que 57 % des lycéens et 61 % des étudiants vont au moins une fois par mois au cinéma et que respectivement 10 % et 13 % y vont trois fois ou plus ; les autres loisirs culturels, théâtre, concerts… sont aussi plus pratiqués par les étudiants (19 %) que par les lycéens (14 %). En outre, nombre de jeunes qui font des études supérieures consacrent aussi une part de leur temps à des « petits boulots », voire à une activité professionnelle à temps partiel [11].
31 Alors que, toutes choses égales par ailleurs, ni la taille de la fratrie ni la position de l’enfant en son sein n’ont d’influence sur la probabilité de pratiquer au moins une activité non scolaire, les caractéristiques sociales et professionnelles des parents en modulent fortement le niveau : si le père est au chômage, s’il ne possède aucun diplôme, si la mère est inactive, si elle ne possède aucun diplôme, la probabilité que l’enfant ait une activité extrascolaire est diminuée de 7 % à 17 % ; au contraire, si la mère exerce une profession indépendante, si le père ou la mère sont cadres ou en profession intermédiaire, si la mère possède le baccalauréat, la probabilité augmente de 8 à 16 % (graphique en annexe).
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Le choix des activités diffère sensiblement selon le sexe de l’enfant. De l’école primaire à l’enseignement supérieur, les proportions de garçons pratiquant au moins un sport d’équipe ou d’autres sports décroissent mais restent toujours supérieures à celles des filles. En revanche, « les arts », tels que la danse, le théâtre, la photo…, mais aussi la musique ont davantage de succès parmi les filles que parmi les garçons qui sont particulièrement peu attirés par les pratiques artistiques. Le scoutisme, la fréquentation des MJC ou des clubs de jeunes font peu d’adeptes, alors que les activités civiques ou citoyennes se développent un peu à partir de l’adolescence parmi les filles, deux fois plus motivées que les garçons : 5 % des premières en ont une dès le collège, puis 11 % dans l’enseignement supérieur. Plus répandue est l’activité religieuse qui concerne plus de 20 % des enfants en primaire et au collège, mais régresse de moitié au delà.
Pour toutes les activités autres que citoyennes ou religieuses, le parent répondant devait préciser qui était à l’initiative de chacune (tableau 7). À l’exception des tout-petits, pour qui la mère prend l’initiative un peu plus souvent qu’eux, deux tiers des enfants, des adolescents et trois quarts des étudiants décident eux-mêmes de leurs activités non scolaires [12]. Le père intervient nettement plus pour les garçons que pour les filles, voire plus que la mère pour les lycéens et les étudiants, ce qui tient probablement à la différence, perpétuée au fil des générations, de pratique des sports, sports d’équipe en particulier. Les enseignants et autres personnes n’ont qu’une influence marginale à tous les âges.
Part des personnes à l’origine des activités par niveau scolaire et par sexe de l’enfant en 2003 (en %)

Part des personnes à l’origine des activités par niveau scolaire et par sexe de l’enfant en 2003 (en %)
33 La comparaison avec les données de l’enquête de 1992 (tableau 8) montre une augmentation en onze ans des proportions de garçons et de filles de tous âges pratiquant au moins une des activités retenues dans le questionnaire de 2003 [13]. Si le scoutisme ou la fréquentation des MJC et clubs de jeunes ont eu tendance à diminuer, tous les autres taux ont augmenté ; la pratique de la musique a doublé et celle des « arts » s’est particulièrement développée chez les adolescentes (collégiennes et lycéennes), réduisant l’écart qui les séparait des garçons du même âge quant à la proportion globale d’adeptes des activités extrascolaires. Quant aux personnes à l’initiative des activités non scolaires, leur répartition était en 1992 très proche de celle observée en 2003.
Taux de pratique par type d’activité non scolaire, par niveau scolaire et par sexe de l’enfant en 1992 (en %)

Taux de pratique par type d’activité non scolaire, par niveau scolaire et par sexe de l’enfant en 1992 (en %)
34 En définitive, si les parents sont d’autant moins à l’initiative des activités non scolaires que les enfants sont plus grands, il est presque évident que leur rôle se situe en amont, au niveau de l’incitation à « faire quelque chose », ou peut-être parfois à limiter le nombre des activités pour les enfants trop ambitieux. Aucune des deux enquêtes n’a explicitement posé ces deux questions, par ailleurs il ne faut pas négliger l’importance des dépenses impliquées, qui peuvent parfois constituer un obstacle. Néanmoins, l’augmentation de la probabilité de pratiquer au moins une activité dans les familles au niveau social et de formation élevé et sa diminution dans les situations opposées tendent à prouver qu’un effort éducatif soutenu, soucieux du développement harmonieux des enfants, rime pour les parents avec une incitation à diversifier leurs centres d’intérêt. Dans la mesure où la pratique de ces activités suppose souvent de conduire les enfants, en tout cas les plus jeunes, en des lieux quelque peu éloignés du domicile familial, il est possible que l’instauration de la réduction du temps de travail (RTT) ne soit pas étrangère à l’augmentation de la proportion d’enfants concernés entre 1992 et 2003.
Conclusion
35 Les pratiques éducatives dans leur ensemble nécessitent de consacrer quotidiennement du temps aux enfants, quel que soit leur âge. Ce temps peut être plus ou moins long, exclusivement réservé à une activité précise, ou partiellement consacré à une occupation simultanée, ou encore être inclus dans un moment de sociabilité familiale. Outre la durée proprement dite, l’horaire n’est pas indifférent et peut constituer une contrainte forte pour les parents actifs. Ainsi, établir des règles de vie quotidienne ne demande pas une dépense de temps considérable, mais les faire respecter suppose une présence auprès des enfants à des heures liées au rythme scolaire qui n’est pas identique, loin s’en faut, à celui d’un exercice professionnel impliquant des responsabilités ou des horaires décalés. Plus généralement, la présence auprès des enfants est indispensable à leur équilibre affectif, et au repos des plus jeunes en leur permettant de rentrer à la maison. Si les parents s’efforcent d’être le plus possible présents, d’éviter le recours aux institutions de garde et de loisirs, ou la délégation de la prise en charge à des tiers, la solution se décline en deux modes selon les heures de la journée. Dans les plages de temps normalement dévolues à la vie privée et familiale pour la plupart des actifs, le couple parental est le plus souvent auprès des enfants. Mais dès que les horaires empiètent sur un emploi du temps professionnel normal, à la sortie de l’école ou le mercredi, c’est le plus souvent la mère seule qui assure la présence à la maison. C’est sans doute pourquoi elle a un peu plus l’initiative des activités non scolaires que le père, en particulier pour les petits qu’il faut accompagner. Plus exigeants en temps non partagé sont l’aide aux devoirs ou l’apprentissage de la lecture aux plus jeunes et la répartition de ces tâches se rapproche nettement de celle des soins matériels aux enfants : ce sont les mères qui en assument les deux tiers, voire plus si elles ne travaillent pas.
36
Pour les parents des deux sexes, les attitudes éducatives dépendent d’abord de l’âge de l’enfant, mais les variations sociales et culturelles ou l’adaptation à la taille de la famille sont plus marquées pour les pères que pour les mères qui sont plus vigilantes quant à l’équilibre à maintenir entre vie familiale et vie professionnelle.
Qu’en est-il alors des aspirations des jeunes générations à des fonctions parentales égalitaires ? Plusieurs enquêtes récentes ont montré que les pères déclarent autant que les mères ne pas consacrer assez de temps à la famille et manquer de temps pour s’occuper des enfants [14] (Méda et al., 2004). Par ailleurs, les pères salariés ayant bénéficié d’une réduction du temps de travail réduction du temps de travail indiquent partager avec leurs enfants une bonne part du temps libéré, surtout lorsque les mères travaillent à temps plein et n’ont, elles, pas eu de RTT ; cependant, ce temps paternel supplémentaire serait plus consacré aux activités ludiques, de sociabilité ou d’accompagnement qu’aux soins ou aux devoirs. Si l’on est encore loin d’une répartition égalitaire des tâches éducatives et de soins, du moins l’ancrage dans des rôles parentaux traditionnels très spécialisés n’apparaît-il plus immuable. Un rééquilibrage devient possible : des carrières professionnelles féminines libérées de la subordination au cycle de vie familial, une paternité plus participative et préoccupée de la qualité de la relation à l’enfant sont des conditions nécessaires au bon développement psychique des enfants et au maintien d’une fécondité assurant la reproduction des générations dans une société qui prône l’égalité des femmes et des hommes.
Variation des taux d’imposition des règles de la vie quotidienne (%) en fonction du niveau de scolarisation de l’enfant et de sa position dans la fratrie

Variation des taux d’imposition des règles de la vie quotidienne (%) en fonction du niveau de scolarisation de l’enfant et de sa position dans la fratrie
Variation des taux d’imposition des règles de la vie quotidienne en fonction du niveau de formation et de la PCS des parents (en %)

Variation des taux d’imposition des règles de la vie quotidienne en fonction du niveau de formation et de la PCS des parents (en %)
Influence du nombre d’enfants et des caractéristiques des parents sur l’apprentissage par les parents de la lecture et de la numération de l’enfant scolarisé en maternelle en 2002-2003

Influence du nombre d’enfants et des caractéristiques des parents sur l’apprentissage par les parents de la lecture et de la numération de l’enfant scolarisé en maternelle en 2002-2003
Variation de la probabilité de pratiquer au moins une activité non scolaire en fonction des caractéristiques de l’enfant et de ses parents, régression logistique

Variation de la probabilité de pratiquer au moins une activité non scolaire en fonction des caractéristiques de l’enfant et de ses parents, régression logistique
La régression logistique sur la probabilité de pratiquer au moins une activité non scolaire est réalisée en fonction du sexe de l’enfant, de son niveau scolaire, de sa position dans la fratrie, des statuts d’occupation, PCS et niveau de diplôme de ses deux parents. Seuls les résultats significatifs au seuil de 5 % sont reportés sur le graphique.Lecture : toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d’un enfant scolarisé en maternelle de pratiquer une activité non scolaire est égale à 0,44 fois celle d’un enfant scolarisé en primaire.
Notes
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[*]
Maître de conférences, Institut de démographie de l’université Paris I.
-
[1]
Le Matisse, unité mixte du CNRS et de l’université Paris 1, a coordonné la recherche dans le cadre d’un comité de pilotage comprenant la Dares et le Service des droits des femmes.
-
[2]
Dans l’exploitation de la première enquête, ont été agrégées les durées des activités principales notées en clair dans un carnet et déclarées comme réalisées pour un enfant par ses parents. Ainsi l’interprétation a posteriori des réponses pouvait-elle parfois se révéler difficile. De plus, les éventuelles activités secondaires, faites avec un enfant en même temps qu’une activité principale qui ne lui était pas spécifiquement destinée, n’ont pas été prises en compte. Il en est de même des activités principales exécutées pour l’ensemble du ménage (achats, ménage, préparation des repas…), des discussions en famille ou des loisirs partagés.
Pour la deuxième enquête, les auteurs avaient défini dans le questionnaire les activités qui faisaient l’objet d’une interrogation. Et ils ont retenu comme activités parentales non seulement celles qui étaient spécifiquement destinées aux enfants mais aussi les temps de conversation et de sociabilité consacrés aux adolescents. -
[3]
47 % des mères d’enfants en maternelle présentes le mercredi et 40 % des mères d’enfants en primaire n’exercent pas d’emploi, 32 % et 34 % travaillent à temps partiel et respectivement 81 % et 62 % ont au moins deux enfants de moins de 11 ans.
-
[4]
Nous utilisons l’expression « avec leurs parents » pour désigner les deux situations familiales (cf. encadré méthodologique) où l’enfant vit, dîne, passe la soirée… avec ses deux parents biologiques, ou avec un de ses parents et le conjoint (la conjointe) de celui-ci.
-
[5]
Taux d’accès (%) des enfants à un ordinateur ou à internet selon le sexe et le niveau de scolarisation :Niveau de scolarisation Maternelle Primaire Collège Lycée Filles 45 66 71 71 Garçons 58 84 90 92
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[6]
En regroupant les enfants en trois classes d’âges (les moins de 11 ans, les 11-14 ans et les 15 ans et plus), car on ne connaît que l’âge et pas le niveau scolaires des frères et sœurs, l’enfant cible du questionnaire a quatre positions possibles : il appartient au même groupe d’âges que ses frères et sœurs, il est plus jeune, plus âgé, ou d’âge intermédiaire ; ainsi, les enfants scolarisés en primaire ne peuvent avoir des frères et sœurs classés plus jeunes que s’ils ont plus de 11 ans, cas trop rares pour qu’aucun calcul soit significatif ; il en est de même pour les lycéens qui doivent avoir moins de 15 ans en octobre 2002 pour avoir éventuellement des frères et sœurs apparaissant plus âgés.
-
[7]
Les pères ont plus répondu seuls à propos des lycéens que des autres enfants et pourraient ainsi apparaître moins stricts sur la discipline.
-
[8]
Parmi les enfants scolarisés en maternelle en 2002-2003, 93 % possèdent des livres adaptés à leur âge, et 69 % ont des ouvrages empruntés à la bibliothèque. Près de 65 % cumulent les uns et les autres, 28 % n’ont que leurs propres livres et 5 % que des livres empruntés ; finalement seuls 2 % ne disposent d’aucun livre.
-
[9]
C’est la seule question qui soit posée dans les mêmes termes dans les deux enquêtes et permette à coup sûr d’évaluer les progrès.
-
[10]
Parmi les 6 % de mères qui ne lisent pas d’histoires à leurs jeunes enfants en 2003, seule une sur quatorze a déclaré ne pas pouvoir lire un journal ni écrire une lettre en français. Cependant, les résultats des évaluations en lecture lors de la Journée d’appel de préparation à la Défense de 2003 indiquent que 5,6 % des jeunes françaises et français d’environ 17 ans sont en « grave difficulté de lecture » (Note d’évaluation n° 04.07 du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche). On peut penser que cette proportion est semblable dans les générations, un peu plus âgées, des parents de jeunes enfants interrogés dans l’enquête.
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[11]
L’enquête Évaluation effectuée par l’Observatoire des résultats de l’université Paris 1 en 2004-2005 a montré que 25 % des étudiants inscrits en DEUG1 et 38 % des inscrits en DEUG2 dans l’ensemble des filières de cette université ont un emploi pendant l’année scolaire, 11,5 % et 17,5 % respectivement travaillant au moins dix heures par semaine.
-
[12]
Lorsqu’un parent répond que l’enfant est à l’origine de ses activités non scolaires, il peut s’agir de pratiques initiées dès le plus jeune âge sur la suggestion d’un adulte et que l’enfant a appréciées et décidé de continuer. Le questionnaire ne permet pas de repérer ces cas.
-
[13]
L’interrogation de 1992 portait au maximum sur trois activités (en plus de la lecture et la télévision) parmi une liste proposée de 29 items, alors que celle de 2003 en relève quatre dans un ensemble restreint à six items (ne comprenant ni la lecture ni la télévision).
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[14]
– Enquête réalisée par Ipsos pour Enfant Magazine en 2002 (538 actifs parents d’enfants âgés de 0 à 7 ans, issus d’un échantillon national représentatif de la population française de 15 ans et plus).
– « Rapport qualité temps 2003 », enquête réalisée par Ipsos pour Chronopost en 2003.
– Enquête « Réduction du temps de travail et mode de vie » de la Dares, 2001 (1 618 personnes représentatives des salariés à temps plein ayant connu une RTT avant novembre 1999).